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Intervention JP. Assailly “Adolescence et prise de risque”

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<strong>Intervention</strong><br />

<strong>de</strong> Jean-pascal assailly<br />

DOCTEUR EN PSYCHOLOGIE<br />

<strong>“Adolescence</strong> <strong>et</strong><br />

<strong>prise</strong> <strong>de</strong> <strong>risque”</strong><br />

colloque régional sur l'acci<strong>de</strong>ntalité<br />

<strong>de</strong>s 15-24 ans, le 23 février 2012<br />

“On a déjà souligné pourquoi on fait c<strong>et</strong>te journée. Les 15-25 ans c'est un sur-risque très important :<br />

15% <strong>de</strong>s français, 25% <strong>de</strong>s tués, 33% <strong>de</strong>s blessés graves.<br />

J'attire votre attention sur la question du handicap, parce qu'on a un peu trop tendance à être<br />

obnubilé sur la question <strong>de</strong>s tués sur la route dans la sécurité routière, alors qu’à c<strong>et</strong> âge là,<br />

perdre une jambe c'est quelque chose d’extrêmement important <strong>et</strong> ça coûte presque aussi cher<br />

que les tués.<br />

On a les gens qui font l'économétrie <strong>de</strong> la santé qui ont prit une calcul<strong>et</strong>te pour voir qu'est ce que<br />

ça coûte la mort d'un jeune français sur la route, <strong>et</strong> la mort d'un jeune français, c'est 1,7 million si<br />

on additionne tout.<br />

Donc ça : c'est un message que l'on envoi à nos politiques quand ils nous disent que la<br />

prévention <strong>et</strong> l'éducation coûtent cher, certes, mais en face, mille tués par an, si vous multipliez<br />

par 1,7 million d'euros, vous voyez ce que coûte chaque année !<br />

Ce qu'il faut savoir tout <strong>de</strong> même c'est que c'est une loi <strong>de</strong> la nature : les égyptiens <strong>et</strong> les grecques<br />

déjà nous disaient qu'ils avaient <strong>de</strong>s problèmes avec leurs ados, qu'ils avaient <strong>de</strong>s sur-risques,<br />

qu'ils avaient <strong>de</strong>s problèmes d'incivilité qu'ils savaient mal les gérer. Donc, le fait <strong>de</strong> se m<strong>et</strong>tre en<br />

danger plus fortement entre 15 <strong>et</strong> 25 ans semble une donnée <strong>de</strong> base <strong>de</strong> l’humanité. Ça à<br />

toujours été là, <strong>et</strong> c'est comme ça dans n'importe quel pays tel qu'il soit, quels que soient les<br />

systèmes politiques, culturels, quels que soient les systèmes réglementaires <strong>de</strong> sécurité routière.<br />

Il y a <strong>de</strong>s pays qui font mieux que nous dans l'absolu mais par contre le sur-risque <strong>de</strong>s jeunes vous<br />

l'avez partout.<br />

La <strong>de</strong>uxième chose que je voudrais dire maintenant pour nuancer ça, c'est qu'il faut bien<br />

comprendre le caractère systémique <strong>de</strong> l'évolution <strong>de</strong> la sécurité routière <strong>de</strong>puis 50 ans.<br />

Oui on a <strong>de</strong>s cibles, c'est très important : les 4 cibles dont a parlé Jean-Luc Nevache*, mais il ne<br />

faut pas oublier que tout bouge ensemble aussi. C'est à dire que, si vous regar<strong>de</strong>r les évolutions<br />

<strong>de</strong>puis 50 <strong>de</strong>s tués : <strong>de</strong>s nourrissons, <strong>de</strong>s adolescents, <strong>de</strong>s personnes âgées, <strong>de</strong> qui vous voulez,<br />

ces courbes sont généralement superposables. Ça a bougé ensemble. Quand ça se dégra<strong>de</strong>, ça se<br />

dégra<strong>de</strong> ensemble, quand ça s'améliore, ça s'améliore pour tout le mon<strong>de</strong> quel que soit son âge.<br />

*Pour rappel : l'alcool, les 2RM, les distracteurs, les + <strong>de</strong> 75 ans piétons (voir discours JL Nevache)<br />

1/6


On le voit bien chez les jeunes : on ne va prendre que les ados, les 15-17 ans. On voit qu'ils<br />

progressent quand-même, par exemple : <strong>de</strong>puis l'année <strong>de</strong>rnière, <strong>et</strong> que plus globalement, si on<br />

regar<strong>de</strong> par rapport aux années 70 on avait 16 000 tués par an, on a diminué par 4, <strong>et</strong> bien les<br />

jeunes ont fait pareil. Il y avait 800 jeunes qui étaient tués à un nombre sensiblement égal, donc<br />

voyez que les ados, les jeunes adultes se tuent 4 fois moins sur la route que les jeunes <strong>et</strong> les ados<br />

<strong>de</strong>s années 70. Ils ont progressé autant que les adultes. Donc il n'y a pas <strong>de</strong> raison d'être<br />

particulièrement stigmatisant, fatalistes <strong>et</strong> pessimistes vis-à-vis <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te cible, on l'observe partout.<br />

Les jeunes anglais, eux aussi, font 25% <strong>de</strong> tués <strong>et</strong> 33% <strong>de</strong>s blessés graves. En même temps, les<br />

jeunes anglais se débrouillent pour produire moitié moins <strong>de</strong> tués que les jeunes français.<br />

Pourquoi ? Parce qu'ils vivent dans un environnement routier moins dangereux <strong>et</strong> donc, chaque<br />

fois que vous améliorez ce qu'on peut appeler “la citoyenn<strong>et</strong>é”, puisque - je suis tout à fait<br />

d'accord avec les 4 cibles - mais <strong>de</strong>ssous le noyau dur c'est quand même la question <strong>de</strong> la<br />

citoyenn<strong>et</strong>é, du respect <strong>de</strong> la vie d'autrui, <strong>de</strong> la <strong>prise</strong> en compte d'autrui sur la route <strong>et</strong> chaque<br />

fois que vous améliorez ça, vous touchez à ce noyau dur <strong>de</strong> la violence routière <strong>et</strong> tout s'améliore<br />

en parallèle.<br />

Trouvons aussi <strong>de</strong>s mesures générales, bien sûr qu'il faut travailler sur le port du casque, bien sûr<br />

qu'il faut travailler sur la question <strong>de</strong> ne pas prendre le volant après avoir fumé du cannabis - <strong>et</strong> là<br />

vous voyez très bien <strong>de</strong> qui je parle - mais ça n'empêche qu'on a effectivement <strong>de</strong>s cibles<br />

importantes. Simplement, dès qu'on prend une mesure <strong>de</strong> prévention ou <strong>de</strong> répression, dès qu'elle<br />

est efficace, elle produit <strong>de</strong>s eff<strong>et</strong>s autant chez les jeunes que chez les adultes. Les radars ont<br />

produit autant <strong>de</strong> bénéfice sur les jeunes conducteurs que chez les conducteurs adultes.<br />

Donc sur nos cibles 15-25 ans, on est d'accord qu'on a quelque chose qui joue sur la mobilité, que<br />

chez les 15-17 ans, on a bien sûr c<strong>et</strong>te extrême importance <strong>de</strong>s cyclomoteurs puisque pour<br />

certains ils sont actifs <strong>et</strong> donc on est sur une mortalité du passager <strong>de</strong> voiture <strong>et</strong> cyclomoteurs,<br />

alors que chez les 18-24 ans c'est bien sûr la voiture que reprend l'importance sur les <strong>de</strong>ux roues,<br />

puisqu'il y a tous les jeunes qui accè<strong>de</strong> au statut <strong>de</strong> conducteur <strong>de</strong> voiture.<br />

Alors, un facteur finalement encore un peu plus important que les jeunes, c'est vraiment la question<br />

<strong>de</strong> la différence masculin/féminin, puisque vous voyez que c'est à c<strong>et</strong> âge-là <strong>de</strong> la vie qu'elle est<br />

maximale. Elle est toujours là, <strong>de</strong> toute façon : 75 % <strong>de</strong>s tués, c'est <strong>de</strong>s hommes sur la route. Mais là<br />

on est encore au plus au-<strong>de</strong>ssus, vous voyez : ça va jusqu'à 83 % ! Et encore dans les 2 filles tuées sur<br />

dix, une est tuée comme passagère d'un conducteur masculin. Ce qu'on a vu dans le film “les r<strong>et</strong>ours<br />

<strong>de</strong> discothèque”, ce sera pareil chez les adultes <strong>de</strong> r<strong>et</strong>our <strong>de</strong> banqu<strong>et</strong> <strong>de</strong> mariage !<br />

Donc on est en terme <strong>de</strong> responsabilité acci<strong>de</strong>ntalité mortelle, sur le facteur <strong>de</strong> variation le plus<br />

important <strong>de</strong> la sécurité routière <strong>de</strong> très loin.<br />

C'est pas l'âge, ni votre milieu social, ni votre voiture qui peut produire une telle différence.<br />

La question <strong>de</strong> fond, c'est : est-ce que, au volant, c'est un homme ou une femme.<br />

Alors ça c'est un gros enjeu, tout le mon<strong>de</strong> s'attend à ce que c<strong>et</strong>te différence se réduise, parce<br />

que, avec les progrès du féminisme, on a l'impression que les jeunes femmes, on acquis le droit<br />

<strong>de</strong> faire les même bêtises que les jeunes hommes, <strong>et</strong> il y a <strong>de</strong>s domaines où cela peut s'observer.<br />

Peut-être dans les cours <strong>de</strong> récréation. Mais en tout cas, sur la route, non seulement le<br />

phénomène ne se réduit pas, mais il s'aggrave ! Moi quand j'ai commencé ma carrière le taux <strong>de</strong><br />

comparaison était <strong>de</strong> 75%/25% maintenant il est <strong>de</strong> 83%/17% !<br />

Donc il y a quelque chose qui résiste très fortement à la mise en danger sur la route chez les<br />

jeunes femmes, <strong>et</strong> c'est peut être ça le grand secr<strong>et</strong> <strong>de</strong> la sécurité routière : Qu'est ce que c'est<br />

qu'une femme sur la route, <strong>et</strong> pourquoi elle se comporte comme elle le fait ?<br />

2/6


On a bien sûr quelques pistes, qui est que le bombar<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> testostérones chez les jeunes<br />

hommes à partir <strong>de</strong> 15 ans : on ne pourra pas y faire grand chose, ni la sécurité routière, ni<br />

quiconque. Mais, par contre, effectivement ce qu'on appelle le genre, l'adhésion au stéréotype <strong>de</strong><br />

sexe <strong>et</strong> surtout les pratiques éducatives parentales, comment ils ont construit ça, c'est à dire le fait<br />

<strong>de</strong> lier la masculinité à la conduite nerveuse, agressive <strong>et</strong> le fait <strong>de</strong> prétendre tenir l'alcool <strong>et</strong> le<br />

cannabis, <strong>et</strong> la “sur-confiance”.<br />

Tant qu'on aura c<strong>et</strong>te association dans la tête <strong>de</strong>s jeunes garçons que pour être un homme, faut<br />

faire ça, on aura beaucoup <strong>de</strong> mal à progresser... Parce que les gisements <strong>de</strong> tués, c'est les<br />

hommes que vous allez trouver. Quand on est à 80 % <strong>de</strong> tués, c'est pas chez les jeunes femmes<br />

que vous allez trouver beaucoup <strong>de</strong> tuées, parce que, on a beau être une femme, il a y toujours<br />

un pneu qui éclate. On a vu que la moitié était tuée pas <strong>de</strong>s hommes.<br />

Donc ce travail là, éducatif, qui doit commencer dès la naissance dans la famille, changer les<br />

mo<strong>de</strong>s éducatifs parentaux qui sont toujours un peu trop sexistes, en donnant beaucoup trop <strong>de</strong><br />

liberté aux garçons pour se m<strong>et</strong>tre en danger <strong>et</strong> ne pas respecter les règles, <strong>et</strong> qui tiennent<br />

toujours beaucoup plus fermement le respect <strong>de</strong>s règles chez les filles.<br />

Pendant 18 ans on a ça : “(au garçon) Si tu respectes pas les règles c'est la nature , (à la fille) si tu<br />

ne les respecte pas les règles c'est mal” . Et au bout <strong>de</strong> 18 ans, on leur m<strong>et</strong> un volant entre les<br />

mains, alors on voit très clairement que c'est le rapport à la règle, c'est pas une question <strong>de</strong> la<br />

perception du danger. Les garçons perçoivent aussi bien que les filles que c'est dangereux, que ça<br />

va faire mal, qu'ils vont se blesser, mais ils le font qu'en même, parce que dès qu'il y a une règle, <strong>et</strong><br />

bien, elle est toujours beaucoup mieux respectée par les filles que par les garçons.<br />

Donc les testostérones on peut rien y faire, la masculinité <strong>et</strong> son expression sur la route, là il y a un<br />

gros enjeu éducatif pour les parents, pour les éducateurs, pour l'éducation nationale, pour les<br />

auto-écoles, mais tant qu'on ne touchera pas à ça, on restera aux marges.<br />

Je voudrais aussi pointer quelque chose qui n'est pas toujours bien connue, le milieu social.<br />

Quand on parle santé, sécurité, délinquance, réussite scolaire, vous le savez en général, dans<br />

l'enfance chez les 0-14 ans, on pointe l'influence du milieu social. Les enfants <strong>de</strong>s milieux<br />

défavorisés s'en sortent moins bien sur tous les plans que les enfants <strong>de</strong> milieux favorisés. C<strong>et</strong>te<br />

forte influence du milieu social vous la r<strong>et</strong>rouvez à l'âge adulte, vous connaissez la différence<br />

d'espérance <strong>de</strong> vie entre les cadres <strong>et</strong> les ouvriers, <strong>et</strong>c. <strong>et</strong> <strong>de</strong>s indicateurs sur la délinquance aussi.<br />

Il semblerait qu'il y ait une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> la vie où il y a une espèce <strong>de</strong> triste justice <strong>de</strong> classe,<br />

tragique, qui est que, entre 15 <strong>et</strong> 25 ans, c<strong>et</strong>te influence sociale joue beaucoup moins. Elle joue<br />

sur certaines choses encore, bien sûr, sur la réussite scolaire, vous connaissez tous les travaux en<br />

sociologie, qui montrent que les enfants <strong>de</strong> milieu social favorisé réussissent mieux leurs étu<strong>de</strong>s.<br />

Par contre, sur nos indicateurs à nous, c'est à dire les acci<strong>de</strong>nts, les acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> sport, la<br />

consommation d'alcool, la consommation <strong>de</strong> cannabis, la dépression, le suici<strong>de</strong>, <strong>et</strong> bien, les<br />

jeunes <strong>de</strong> la bourgeoisie, on va dire, s'en sortent pas du tout mieux que les jeunes <strong>de</strong> milieux<br />

défavorisés - j'allais dire “ouvriers”, mais vous savez que c'est une catégorie qui est en train <strong>de</strong><br />

disparaître. Donc là, pour la prévention, il y a un enjeu fort.<br />

Tous ces jeunes, comme on dit souvent, qui sont nés avec une p<strong>et</strong>ite cuillère en argent dans la<br />

bouche, pensent qui sont toujours magiquement protégé <strong>de</strong>s problèmes. Malheureusement,<br />

souvent dans la vie, c'est vrai ! Mais là, pour une fois dans la vie, ce n'est pas vrai ! C'est à dire que<br />

la route va niveler tout ça, probablement pour <strong>de</strong>ux raisons : d'une part parce que les styles <strong>de</strong> vie<br />

<strong>de</strong> l'adolescence vont gommer un peu les différences, si vous êtes ivre en discothèque à 4h du<br />

matin, que votre papa soit PDG ou ouvrier ça ne changera pas grand-chose. Et, en plus, on sait<br />

maintenant qu'il y a <strong>de</strong>s facteurs <strong>de</strong> risque qui s’équilibrent entre les <strong>de</strong>ux populations.<br />

3/6


Donc notre message c'est : “Vous êtes tous en danger, même ceux qui ne le pensent pas” parce que<br />

là, il y a encore une gran<strong>de</strong> illusion <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s parents aussi. Les parents, notamment <strong>de</strong> la<br />

bourgeoisie, pensent que leurs enfants sont moins en danger que les autres, <strong>et</strong> que l'acci<strong>de</strong>nt va<br />

plus tomber sur la tête <strong>de</strong>s autres, <strong>et</strong> les banlieues, <strong>et</strong>c.<br />

Mais non ! Ce n'est pas du tout ça l'acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la route ! Rien que les indicateurs, les<br />

consommations d'alcool <strong>et</strong> <strong>de</strong> cannabis sont supérieurs chez les enfants <strong>de</strong> milieux favorisés - vous<br />

connaissez l'importance <strong>de</strong> ça dans les acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> la route - vous voyez déjà comment ça va jouer.<br />

Un phénomène, aussi peut être - ça fait pas très longtemps qu'on l'a bien compris - le rapport entre<br />

le biologique <strong>et</strong> le psychique à c<strong>et</strong> âge là, c'est à dire, qu'il y a un phénomène qui est purement<br />

physiologique, qu'on connaît <strong>de</strong>puis longtemps, qui s'appelle le décalage séculaire, c'est que la<br />

puberté arrive <strong>de</strong> plus en plus tôt, maintenant - c'est stabilisé, ça ne bouge plus - mais pendant très<br />

très longtemps, <strong>de</strong>puis le 19e siècle, la puberté <strong>de</strong>scendait, <strong>de</strong>scendait <strong>de</strong> 3 mois tous les 10 ans<br />

pour <strong>de</strong>s raisons qui sont les mêmes que celle <strong>de</strong> l'épidémie d'obésité qu'on a actuellement.<br />

Comme vous le savez, nous sommes plus grand <strong>et</strong> plus gros que nos ancêtres.<br />

Et bien, la puberté : c'est les hormones. Et les hormones sont très sensibles à l'alimentation, aux<br />

polluants, <strong>et</strong> aussi aux conditions sanitaires. Donc, on <strong>de</strong>venait ados <strong>de</strong> plus en plus tôt, garçons <strong>et</strong><br />

filles. Ça c'est un premier champ.<br />

Le <strong>de</strong>uxième champ, en parallèl,e qui était que les gens qui sont dans l'éducation, les éducateurs,<br />

les éducateurs sociaux parlaient <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> la précocité <strong>de</strong>s troubles, en disant : “On a<br />

l'impression que les bêtises ils les font <strong>de</strong> plus en plus tôt”. Ce qu'ils faisaient à14 ans avant, ils le font à<br />

12 ans maintenant pour l'ensemble <strong>de</strong>s phénomènes <strong>et</strong>, ce qu'il faut savoir, c'est que c<strong>et</strong>te<br />

précocité est elle-même un facteur <strong>de</strong> risque. C'est à dire que, maintenant, on sait bien que l'âge<br />

que vous commencez à initier une consommation, alcool ou cannabis, est extrêmement prédictive<br />

<strong>de</strong> comment ça va <strong>de</strong>venir ensuite.<br />

Qu'est ce qui se passe ?<br />

Si vous rencontrez l'alcool à 15-16 ans, en France c'est normatif. Si vous suivez les gens qui<br />

commencent à boire <strong>de</strong> l'alcool à 15-16 ans, vous allez avoir une distribution qui correspond<br />

exactement à celle <strong>de</strong> la population générale en termes <strong>de</strong> consommateurs modérés, excessifs <strong>et</strong><br />

dépendants.<br />

Si vous regar<strong>de</strong>z les gens qui ont commencé à boire à 12 ans, vous verrez qu'une fraction<br />

importante, va aller vers l'alcoolo-dépendance <strong>et</strong> les problèmes <strong>de</strong> l'incivilité liés à l'alcool.<br />

Pourquoi ? Ce n'est pas le fait <strong>de</strong> boire <strong>de</strong> l'alcool en soit, ce n'est pas ce qui sera un facteur <strong>de</strong><br />

risques, c'est simplement ce qu'on appelle un marqueur du risque. C'est que si vous commencez<br />

à boire à 12 ans, il y a <strong>de</strong>s raisons sûrement, ce sont ces raisons qui vont être les causes <strong>de</strong>s<br />

problèmes en fait, c'est ce qu'on appelle un marqueur. Et donc, ce qu'il faut bien comprendre,<br />

c'est que ces <strong>de</strong>ux phénomènes sont liés. C<strong>et</strong>te précocité progressive <strong>de</strong> l'arrivée <strong>de</strong> la puberté <strong>et</strong><br />

la précocité <strong>de</strong>s problèmes sont liés.<br />

Pourquoi ? Parce que la précocité <strong>et</strong> la puberté créent l'arrivée <strong>de</strong> la testostérone <strong>de</strong> plus en plus<br />

tôt dans les cerveaux <strong>de</strong>s jeunes <strong>de</strong> 12 ans au lieu <strong>de</strong> 14 ans, <strong>et</strong> qu'est ce que fait la testostérone ?<br />

Elle va inon<strong>de</strong>r <strong>de</strong> dopamine une partie <strong>de</strong> notre cerveau, qui s'appelle le système limbique, qui<br />

est le système, qu'on appelle <strong>de</strong> récompense. C'est à dire tous nos rapports au plaisir, aux<br />

gratifications. Quel que soit le plaisir, que ce soit : l'alcool, le cannabis, le sexe, la montagne, la<br />

mer, prendre le pouvoir sur les autres. C'est le système limbique qui gère ça. Donc la testostérone<br />

allume ce système <strong>de</strong> récompense <strong>de</strong> plus en plus tôt dans l'existence. Malheureusement pour<br />

les jeunes, il y a une autre partie <strong>de</strong> notre cerveau qui s'appelle le cortex pré-frontal <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te partie<br />

là, elle est en charge du contrôle cognitif <strong>de</strong>s décisions en matière <strong>de</strong> récompense <strong>et</strong> aussi à la<br />

résistance <strong>de</strong> la pression <strong>de</strong>s pères. C'est à dire effectivement, quand je cherche un plaisir, quels<br />

vont être les coûts bénéfices ? Quels vont être les avantages <strong>et</strong> inconvénients ? Et ça,<br />

malheureusement pour les jeunes ça ne mature que vers 22-23-24 ans.<br />

4/6


C'est ça qui nous explique que la même personne peut se comporter très dangereusement à 18<br />

ans, <strong>et</strong> ensuite beaucoup plus pru<strong>de</strong>mment à 24 ans, sans souvent qu'il y ait beaucoup<br />

d'éducation <strong>de</strong> répression, mais simplement il y a ce qu'on appelle la minimisation, les chaînes<br />

synaptiques qui lient le limbique au pré-frontal sont constituées qu'à partir <strong>de</strong> 22-24 ans, c'est pas<br />

que les jeunes cherchent plus le plaisir, ou soient plus impulsifs que les adultes, pas plus. C'est<br />

qu'ils voient moins bien toutes les conséquences possibles <strong>de</strong> tous les comportements <strong>de</strong><br />

récompense. C'est un phénomène ou le biologique <strong>et</strong> le psychique sont très impliqués.<br />

Ceci-dit, comme je vous l'ai dit, les jeunes anglais eux aussi traversent c<strong>et</strong>te phase, c<strong>et</strong> agenda<br />

neuro-biologique, où on dirait qu'il y a un problème <strong>de</strong> tempo, il y a un système qui démarre plus<br />

vite que l'autre, mais il fait moitié moins <strong>de</strong> tués que les jeunes français, donc c'est que la culture<br />

joue aussi.<br />

Les facteurs chez les jeunes : 30 % d'alcool, comme chez les adultes. Ce qui est, bien sûr beaucoup<br />

plus particulier aux jeunes, c'est c<strong>et</strong>te présence <strong>de</strong> 15 % <strong>de</strong> cannabis dans les acci<strong>de</strong>nts mortels, qui<br />

en fait effectivement là aussi un nouvel enjeu. J'insiste aussi sur le rôle <strong>de</strong> la fatigue, puisqu’il n'est<br />

pas illégal d'être fatigué. Les policiers ne recherchent que l'alcool <strong>et</strong> le cannabis, or c<strong>et</strong>te population<br />

est très suj<strong>et</strong>te à la d<strong>et</strong>te <strong>de</strong> sommeil. Chaque jour <strong>de</strong> la semaine, elle prend une heure en moins<br />

pour concilier ses étu<strong>de</strong>s <strong>et</strong> ses loisirs, <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te heure en moins, qui va s'accumuler, le samedi soir<br />

justement en fin <strong>de</strong> nuit, là elle va compter. Et précisément le scénario d'acci<strong>de</strong>nts mortels, la perte<br />

<strong>de</strong> contrôle en courbe, avec collision avec l'obstacle latéral, il n'y a pas besoin d'alcool <strong>et</strong> cannabis,<br />

ça peut être tout simplement une légère hypovigilance due à c<strong>et</strong>te d<strong>et</strong>te <strong>de</strong> sommeil. Donc ça, il<br />

faudrait aussi en faire un gros enjeu. Évi<strong>de</strong>mment, on a <strong>de</strong>s statistiques moins soli<strong>de</strong>s que l'alcool <strong>et</strong><br />

le cannabis parce que ça se mesure pas, mais c'est important.<br />

On l'a dit encore : avec les même doses <strong>de</strong> cannabis, si effectivement, il y avait <strong>de</strong>s vitesses moins<br />

importantes <strong>et</strong> la ceinture à l'arrière pour tout le mon<strong>de</strong>, on aurait déjà <strong>de</strong>s blessés légers <strong>et</strong> pas<br />

<strong>de</strong>s morts. Et puis on a parler aussi, bien sûr, <strong>de</strong> ce problème pour les jeunes, dans les acci<strong>de</strong>nts<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux roues pour les 15-17 ans, <strong>de</strong> ce phénomène très important, que l'on appelle “la non<br />

détectabilité comportementale”. C'est à dire, que, quand on interroge les gens après l'acci<strong>de</strong>nt, le<br />

conducteur <strong>de</strong> voiture dit : “J'aurais jamais imaginer que ce jeune conducteur <strong>de</strong> cyclo allait être là !”,<br />

<strong>et</strong> le jeune conducteur <strong>de</strong> cyclo dit : “J'aurais jamais imaginer que la voiture allait passer là !”<br />

Donc ça veut dire qu'ils se voient physiquement, mais ils ne se comprennent pas. Il y a tout un<br />

travail aussi. Il y aurait beaucoup à dire sur la formation <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux roues, mais on a une <strong>de</strong>uxième<br />

table ron<strong>de</strong> sur la formation, donc je n'insiste pas.<br />

Et je vais terminer, puisque c<strong>et</strong>te table ron<strong>de</strong> c'est adolescence <strong>et</strong> <strong>prise</strong> <strong>de</strong> risque, je voudrais<br />

préciser, pour que ce soit bien clair, la distinction entre trois choses :<br />

– Il n'y a pas que la <strong>prise</strong> <strong>de</strong> risque chez les jeunes, oui il y a la <strong>prise</strong> <strong>de</strong> risque, comme je l'ai<br />

dit <strong>de</strong>puis les Égyptiens, voilà, c'est une loi <strong>de</strong> la nature, “je sais que c'est dangereux, mais<br />

je le fais qu'en même !” Ils savent, ils ont les informations, ils sont bombardés<br />

d'informations les jeunes. Donc là, ce que vous allez chercher à comprendre, c'est ce<br />

qu'on appelle les bénéfices <strong>de</strong>s comportements dangereux. Quand les gens font <strong>de</strong>s<br />

choses dangereuses dans la vie, forcément c'est qu'il y a aussi <strong>de</strong>s bénéfices. Si vous ne<br />

parlez que mort, blessure, punition, vous ne voyez que la moitié du problème. Dans la<br />

tête <strong>de</strong>s gens il y a d'autres choses. Il y a, pour eux, les bénéfices <strong>de</strong> leur comportement<br />

dangereux, qui sont <strong>de</strong>s bénéfices essentiellement psychologiques, qui sont <strong>de</strong> l'ordre <strong>de</strong><br />

la recherche <strong>de</strong> sensation, le fait d'évacuer l'angoisse, <strong>de</strong> plaire aux copains, d'acquérir <strong>de</strong><br />

la dominance dans son groupe. Il peut y avoir beaucoup <strong>de</strong> choses, différentes pour<br />

chacun, mais il y a aussi <strong>de</strong>s bénéfices, donc il faut aussi comprendre c<strong>et</strong> aspect là dans la<br />

<strong>prise</strong> <strong>de</strong> risque.<br />

5/6


– Il y a aussi tout simplement chez eux, comme chez les adultes, <strong>de</strong> la non perception du<br />

risque <strong>et</strong> ça c'est très important aussi <strong>et</strong> ça ce n'est pas du tout <strong>de</strong> la <strong>prise</strong> <strong>de</strong> risque. C'est<br />

qu'ils ne savent même pas qu'ils sont en danger.<br />

Elles sont archi-connues : la compréhension <strong>de</strong>s distance <strong>de</strong> sécurité, quand je roule à 60,<br />

à 90, à 130 km/h, en combien <strong>de</strong> mètres je vais m'arrêter ? J'ai fait <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s. En<br />

<strong>de</strong>mandant à <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong> 5 ans, 10 ans, 15 ans, 20 ans, 25 ans, 30 ans, ce qui est<br />

incroyable c'est que, malgré, le passage par l'école, l'énergie cinétique en physique, par<br />

l'auto-école, par le fait d'obtenir son permis, par le fait <strong>de</strong> rouler, <strong>et</strong> bien, ça ne rentre pas !<br />

Les 30 ans sont quasiment aussi sous-estimateurs que les 5 ans !<br />

Donc ça veut dire que c<strong>et</strong>te notion : c'est une <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s énigmes <strong>de</strong> la sécurité<br />

routière ! Un <strong>de</strong>s grands échecs <strong>de</strong> la sécurité routière. On se r<strong>et</strong>rouve dans les stages <strong>de</strong><br />

permis à point avec <strong>de</strong>s gens qui sont mé<strong>de</strong>cins, avocats, qui sont BAC +10 <strong>et</strong> qui<br />

continuent à vous coller à 3 mètres <strong>de</strong>rrière votre par-choc arrière, <strong>et</strong> ça normalement, un<br />

enfant <strong>de</strong> 8 ans, normalement constitué - pas <strong>de</strong>s sur-doués - n'importe quel enfant <strong>de</strong> 8<br />

ans peut comprendre c<strong>et</strong>te distance <strong>de</strong> sécurité, <strong>et</strong> à BAC +10 c’est toujours pas rentré !<br />

Donc vous voyez ce n'est pas <strong>de</strong> la <strong>prise</strong> <strong>de</strong> risque ça. Alors c'est pareil pour le rapport entre<br />

les unités d'alcool <strong>et</strong> l'alcoolémie, c'est pas toujours <strong>de</strong> la <strong>prise</strong> <strong>de</strong> risque. Savoir si je suis à 0,4<br />

ou à 0,6, on sait très bien effectivement qu'il y a beaucoup <strong>de</strong> jeunes qui sous-estiment<br />

l'alcoolémie à laquelle ils croient. D'où l'importance <strong>de</strong>s stratégies d'auto-contrôle.Donc voilà,<br />

il y a <strong>de</strong>s aspects comme ça, c'est pas particulier aux jeunes. Les conducteurs sont <strong>de</strong>s<br />

mauvais évaluateurs du risque qu'ils soient jeunes ou adultes, il y a toujours un travail<br />

d'éducation à continuer parce qu'ils ne savent même pas qu'ils sont en danger.<br />

– Et la troisième chose qui est très importante, qui n'est pas vraiment <strong>de</strong> la <strong>prise</strong> <strong>de</strong> risque,<br />

c'est l'acceptation du risque, je pense beaucoup aux jeunes femmes, aux <strong>de</strong>ux jeunes<br />

femmes tuées sur la route, c'est pas qu'elles prennent <strong>de</strong>s risques, mais c'est qu'elles ne<br />

voient pas comment faire autrement. A 4h du matin, si je crains plus l'agression sexuelle<br />

sur un parking <strong>de</strong> discothèque, que l'acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la route, pourtant je vois bien que mon<br />

copain est sous alcool ou cannabis, <strong>et</strong> comme je vais peut-être craindre plus autre chose,<br />

je vais accepter <strong>de</strong> monter dans c<strong>et</strong>te voiture, <strong>et</strong> je vais mourir sur la route.<br />

Donc là, vous voyez qu'on est pas vraiment dans la <strong>prise</strong> <strong>de</strong> risque, on est beaucoup plus<br />

dans ce qu'on va appeler la planification <strong>de</strong> ses styles <strong>de</strong> vie, la planification <strong>de</strong> sa<br />

mobilité, je vais où, avec qui, dans quel état, qu'elle est la personne qui va me ramener.<br />

Tant que vous n'assurez pas à ce niveau là, vous êtes dans le risque, c'est pas réellement<br />

la <strong>prise</strong> <strong>de</strong> risque, c'est du risque subit, mais ça aussi c'est un travail important à faire, ça<br />

concerne plus les filles que les garçons mais les garçons aussi sont suj<strong>et</strong>s aussi à<br />

l'acceptation du risque par la pression, la pression <strong>de</strong> la publicité qui va lier la gran<strong>de</strong><br />

vitesse à la masculinité, la pression <strong>de</strong>s copains, <strong>et</strong>c.<br />

Donc il faut bien différencier ces 3 choses, ce sont 3 mécanismes très différents, chacun<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s actions très différentes, vous n'allez pas faire la même choses sur la <strong>prise</strong> <strong>de</strong><br />

risque que sur la mauvaise perception.<br />

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