Français - Plan USA
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LES FILLES SANS-ABRI AU CANADA,<br />
UN PROBLEME NATIONAL 14<br />
Au Canada, en dépit d’un contexte<br />
de prospérité économique et d’une<br />
politique sociale assez progressiste, les<br />
adolescentes qui vivent dans la misère<br />
sont souvent privées des droits les plus<br />
fondamentaux. Elles sont mises à l’index<br />
et sont, de surcroît, en butte à des abus<br />
dans des établissements publics, ce<br />
qui leur fait courir le risque de devenir<br />
sans-abri. Le Rapporteur spécial des<br />
Nations unies sur le Droit à un logement<br />
convenable a récemment constaté que<br />
« le fait d’être sans-abri en général, et une<br />
jeune femme ou une fille en particulier,<br />
est devenu un problème national au<br />
Canada. » 15 Les adolescentes constituent<br />
30 à 50 % des jeunes sans-abri dans les<br />
grandes villes canadiennes. 16<br />
Beaucoup de filles quittent leur foyer<br />
pour échapper aux abus d’ordre sexuel<br />
et physique de la part d’hommes de leur<br />
famille sans qu’un traitement approprié<br />
ne leur soit réservé par les tribunaux ou<br />
les systèmes de protection de l’enfance.<br />
Il n’existe presque aucun logement<br />
au Canada exclusivement réservé à ces<br />
femmes. Au contraire, à des filles qui sont<br />
en proie à des traumatismes physiques<br />
et psychologiques résultant de violences<br />
physiques et sexuelles infligées par des<br />
hommes, on propose des abris ou des<br />
logements collectifs mixtes. C’est ainsi<br />
Investir dans le potentiel<br />
des filles des villes<br />
qu’un grand nombre de filles essaient de<br />
s’en sortir sans faire appel aux instances<br />
publiques.<br />
Lorsque les autorités canadiennes ne<br />
peuvent pas leur procurer un logement<br />
sûr, des hommes prêts à les exploiter<br />
interviennent pour combler ce manque.<br />
Très vite, ces adolescentes sans-abri sont<br />
amenées à « échanger » un logement<br />
contre des rapports sexuels avec des<br />
hommes plus âgés. Ceux-ci s’avèrent<br />
rapidement être des trafiquants de drogue<br />
et des proxénètes qui, sous la menace,<br />
« mettent les filles sur le trottoir » et/<br />
ou les entraînent dans le commerce de<br />
drogue. Une enquête de 2007 portant<br />
sur 762 jeunes sans-abri de 12 à 18 ans<br />
a montré que 57 % des filles avaient fait<br />
l’objet d’abus sexuels. 17<br />
Dans la rue, les adolescentes<br />
canadiennes subissent fréquemment de<br />
graves agressions sexuelles ou physiques<br />
(y compris des viols et des meurtres),<br />
l’exploitation sexuelle, le harcèlement et<br />
la brutalité de policiers, l’incarcération<br />
ainsi que des atteintes à leur santé parfois<br />
fatales (Sida ou hépatite C). Elles survivent<br />
dans des environnements dangereux, des<br />
squats souvent infestés de punaises, de<br />
cafards et de rongeurs, occupés par des<br />
hommes violents, ou encore pollués par<br />
des matériaux de construction toxiques ou<br />
des produits chimiques dangereux comme<br />
des pesticides.<br />
Justice pour les filles<br />
Les dirigeants des villes – de tout niveau<br />
– oublient souvent que les adolescentes<br />
ont des besoins particuliers et courent des<br />
risques différents de ceux des garçons, des<br />
femmes plus âgées ou des fillettes. Pour<br />
se sentir en sécurité, elles ont besoin de<br />
transports sécurisés, d’un éclairage suffisant<br />
et d’un logement correct et abordable. Afin<br />
de devenir des adultes responsables, il leur<br />
faut une éducation et des services de santé<br />
adaptés à leurs besoins et l’opportunité d’un<br />
travail convenable.<br />
Dans des villes déjà construites, planifiées<br />
et régies par des hommes, les besoins des<br />
femmes et des filles sont souvent ignorés ;<br />
c’est particulièrement le cas pour les<br />
adolescentes. Elles possèdent une énergie<br />
débordante, des idées et de l’enthousiasme<br />
à revendre comme le dénotent certains<br />
de leurs projets que nous présenterons.<br />
Toutefois, comme le fait remarquer l’ONU-<br />
Habitat : « La tradition veut que les jeunes<br />
femmes et les jeunes filles n’aient pas leur<br />
mot à dire au sujet de l’aménagement<br />
des villes, sur la façon dont sont fournis<br />
les services ou sur le fonctionnement<br />
des structures de gouvernance ». 18 Leur<br />
permettre de s’exprimer assurera non<br />
seulement la sécurité des villes mais en fera<br />
aussi des lieux où chacun vivra mieux.<br />
Les questions posées dans ce rapport ne<br />
vont pas disparaître, bien au contraire, elles<br />
gagneront chaque jour en urgence. Vers le<br />
milieu du 21 e siècle, la majorité des pays en<br />
développement seront à dominante urbaine. 19<br />
C’est pourquoi il faut porter à ces questions<br />
l’attention qu’elles méritent. Nous le devons,<br />
comme beaucoup d’autres choses, aux millions<br />
d’adolescentes qui vivent dans des villes et<br />
encore plus à toutes celles qui viendront<br />
grossir leurs rangs dans les décennies à venir.<br />
Les Nations unies relèvent que : « L’avenir<br />
des villes dépend de celui des jeunes et tout<br />
particulièrement de ce que feront les décideurs<br />
politiques pour leur fournir les moyens de<br />
casser l’engrenage de la pauvreté. Ceci<br />
dépendra de l’implication des jeunes dans les<br />
décisions qui les concernent. » 20<br />
Des adolescentes dans des taudis<br />
« Tous les hommes et les femmes qui vivent<br />
dans des taudis sont confrontés à des<br />
problèmes liés à la misère, à des conditions<br />
de vie déplorables et à l’absence de filets<br />
sociaux de sécurité. Or les recherches<br />
révèlent que les femmes et les filles sont de<br />
loin les plus affectées. »<br />
Anna Tibaijuka, Directrice exécutive<br />
de l’ONU-Habitat 21<br />
Selon l’ONU-Habitat, un ménage qui vit dans<br />
un taudis est formé d’un groupe d’individus<br />
habitant sous le même toit dans une zone<br />
urbaine dépourvue d’un ou plusieurs des<br />
éléments suivants : un logement durable,<br />
une surface suffisante, de l’eau potable,<br />
d’installations sanitaires et de la garantie<br />
juridique de l’occupation. Tous les pauvres<br />
ne vivent pas dans des taudis, pas plus que<br />
tous ceux qui vivent dans des quartiers dits<br />
déshérités ne sont pauvres. Cependant, les<br />
habitants de ces quartiers constituent la<br />
majorité des citadins pauvres du monde. 22<br />
Les habitants des quartiers déshérités ne<br />
sont plus juste quelques milliers dans un<br />
petit nombre de villes d’un continent en<br />
voie d’industrialisation rapide. De vastes<br />
zones de bidonvilles sont devenues la<br />
réalité quotidienne d’environ 828 millions<br />
de personnes : 1 citadin sur 3, soit presque<br />
un sixième de la population mondiale. 23<br />
La majorité se trouve en Asie et plus de<br />
70 % de la population urbaine d’Afrique<br />
vit dans des zones que l’on peut qualifier<br />
de déshéritées 24 , bien que les statistiques<br />
agrégées recèlent de profondes disparités et<br />
ne soient pas exactes sur les concentrations<br />
d’extrême pauvreté au cœur des villes. 25<br />
Le rythme et l’échelle de la croissance de<br />
ces zones évoluent rapidement. Il y en a<br />
désormais plus de 250 000. Delhi compte<br />
des « bidonvilles au sein des bidonvilles ». Au<br />
Caire et à Phnom Penh, des squatters urbains<br />
ont construit sur les toits des bidonvilles<br />
suspendus. 26<br />
Ces quartiers sont des lieux grouillants<br />
de vie : « Les bidonvilles sont peuplés<br />
d’entrepreneurs », comme le fait remarquer<br />
Judith Hermanson d’InterAction. 27 « Les<br />
bidonvilles sont des lieux de créativité,<br />
remplis de personnes qui gagnent leur vie<br />
dans des circonstances très difficiles. »<br />
Néanmoins, la majorité de ceux qui vivent<br />
dans les bas quartiers sont plus susceptibles<br />
de mourir jeunes, de connaître la faim et la<br />
maladie, d’écourter leur scolarité et d’avoir<br />
moins d’opportunités d’emploi. 28 Ils sont<br />
28 LA SITUATION DES FILLES DANS LE MONDE 29