LE POIDS-LU - DÃ©partement de sociologie - UQAM

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6 Vincent et Guillaume Latour La légitimité de l’usage de la violence On a vu, de plus en plus, au cours des derniers jours le terme «casseur» être repris encore et encore dans les médias, lorsque les manifestations, qui perturbent actuellement la ville de Montréal, ont été décrites. On ne met l’accent que sur un côté de la médaille puisqu’on ne met de l’avant que ceux et celles qui transgressent les lois et non ceux et celles qui les imposent(1). En effet, ne serait-il pas légitime, dans un premier temps, de se poser la question de ce qui peut amener des gens à penser à répondre de façon violente. Est-ce que cela pourrait être tout simplement une réponse à la violence politique qui émane de certaines institutions? Ensuite, est-ce que la destruction de la propriété privée n’est pas un crime bien pâle à côté de ceux qui sont commis chaque jour au nom d’un système qui est de plus en plus barbare? Finalement, on voit de plus en plus une confrontation sortir des manifestations, soit une opposition entre un message pacifiste et un message plus radical et violent, alors que les deux sont partie prenante du même mouvement de contestation. Cette séparation du mouvement est amenée dans la majorité des cas par les gens prônant le pacifisme qui le font au nom de l’opinion publique. Dans cette optique, il importe aussi de se demander si cette bataille de l’opinion publique peut et doit être gagnée. Nous croyons qu’il faut commencer par voir que ceux qui sont appelés les «casseurs» sont décrits de telle façon par les médias, qu’on les voit comme des personnes brisant pour le plaisir de briser et y trouvant une espèce de jouissance. Est-ce qu’il ne pourrait pas en être autre chose? Est-ce qu’il n’y a pas lieu de se poser la question à savoir pourquoi ces gens s’attaquent à des biens matériels et non à d’autres gens? Leur action est posée dans un but manifestement politique et bien qu’il soit radical n’est-il pas l’extension même de la manifestation? Les manifestantes et manifestants qui retournent une voiture ne retournent pas n’importe quelle voiture, mais une voiture de police. Ne peut-on pas y lire ici une symbolique particulière lorsqu’on parle de répression policière? N’est-il pas possible de voir une symbolique autrement plus grande dans les destructions matérielles pour tenter de comprendre celle-ci? Si l’on regarde simplement du côté des récentes manifestations, plusieurs ont tenté d’empêcher leurs camarades de s’exprimer via la violence en disant que cela nuit au mouvement de contestation social en cours et qu’il faut y aller de façon pacifique. Pourtant, les policiers et policières eux peuvent rentrer allègrement dans manifestantes et les manifestants et il se trouve peu d’âmes aussi peu scrupuleuses de ce côté qui cherche à empêcher leurs collègues d’user de violence sur les contestataires. Ces derniers forment un bloc de gens aux intérêts divers qui contestent un fait socio-politique et il nous semble inapproprié de croire que des personnes à l’intérieur du bloc tentent d’en empêcher d’autres d’agir. Ne subissons-nous pas suffisamment de répression de l’extérieur pour éviter de s’en créer de l’intérieur? Nous ne demandons pas à tous d’approuver la contestation plus violente, mais nous croyons tout de même que cette voie ne peut et ne doit automatiquement être écartée quand nous subissons tous les jours une violence politique. Cette violence arrive de plusieurs institutions en apparence neutres(2), mais qui on le sait aujourd’hui servent en fait à garder une certaine classe au pouvoir et à en laisser une croupir dans les bas fonds sociaux. Les pacifistes agissant de façon violente envers leurs camarades le font dans la majorité des cas au nom de la bataille de l’opinion publique. Ainsi, ils croient que la violence aussi symbolique et multiforme soit elle est intrinsèquement mauvaise pour l’image du groupe. Arrive alors la question, qu’est-ce que l’opinion publique et en quoi elle importe dans un mouvement de contestation de l’ordre établit? L’opinion publique est un objet créé de toutes pièces par le pouvoir en place dans le but de donner un semblant de pouvoir à la population générale. Dans son livre Propagande, média et démocratie, Noam Chomsky démontre que la première apparition de ce concept se produisit aux États-Unis dans le but de convaincre un peuple pacifique d’appuyer l’effort de guerre. La prémisse sur laquelle ce concept se base est que la masse des gens n’est pas capable de prendre une décision sur ce qui est bon pour elle et que si elle le faisait, ce serait à leur désavantage. C’est donc à une classe de spécialistes de décider pour eux. L’opinion publique serait alors le consentement de la majorité des gens dépossédés de leur pouvoir de décision vis-à-vis les décisions d’une minorité de décideurs et décideuses. Cette classe de spécialistes se retrouve principalement dans les différents hauts postes gouvernementaux et dans le domaine des médias. Dans le choix des mots de ces derniers et aussi dans leurs façons de traiter les différents sujets, ils tenteront d’inclure leur intérêt de classe au mépris de l’intérêt des classes plus laborieuses. Bref, ces différents médias sont des représentants de la très haute bourgeoisie et du pouvoir en place. Ils seraient donc quelque peu surprenant que ces médias prennent le côté des étudiants et étudiantes plutôt que celui du pouvoir néolibéral qui veut accorder plus de place à la propriété privée et au marché. De plus, quand les médias créent une séparation entre les manifestantes et manifestants et les «casseurs», ils tentent de neutraliser l’idéologie qui est la plus contestataire du pouvoir établi et qui est donc la plus dangereuse pour eux. Ceci étant dit, les manifestantes et manifestants prônant le pacifisme à tout prix entrent donc dans une logique allant à l’inverse de leur intérêt de classe et limitent la contestation en tentant de l’homogénéiser. Nous croyons plutôt que toutes les formes de contestations peuvent être légitimes si dûment justifiées et qu’il est du ressort de chacun de décider de la radicalité de chacune de leurs actions. Bref, nous pensons que la masse contestataire n’est pas obligée d’agir de façon conformiste et homogène. En sommes, c’est dans la pluralité des moyens que nous pourrons remporter ce combat. 1. BECKER, H. S., Outsiders : Studies in the Sociology of deviance, New York, Free Press, 1973 (nouvelle edition), p 163 in DUPUIS-DÉRY, Francis, Broyer du noir. Manifestation et repression policières au Québec, 2006 2. Voir l’œuvre de Michel Foucault à ce sujet
Javiera Montt-Sanchez La Grève en images « [L]a logique de privatisation du financement qui prétend s’autoriser de la «juste part». Elle pénalise les plus démunis, réduit l’accessibilité des familles de la classe moyenne et renforcera un repli sur les classes aisées. Où est la justice là-dedans? » 7 - L’argument de la «juste part» des étudiants - Lettre ouverte aux professeurs d’université Georges Leroux, professeur émérite, UQAM, Christian Nadeau, Département de philosophie, Université de Montréal, Guy Rocher, professeur émérite, Université de Montréal 14 mars 2012 18h01 Éducation « [L]e combat des étudiants dépasse de très loin les cohortes mobilisées aujourd’hui. Parce qu’ils refusent cette perspective réductrice sur leur projet de vie, leur combat se déploie au service d’une société juste que nous, représentant trois générations de cette histoire, soutenons fermement. S’il y a un endroit où la notion de «juste part» possède un sens, c’est dans l’expression de cette solidarité sociale pour l’éducation. » - L’argument de la «juste part» des étudiants - Lettre ouverte aux professeurs d’université Georges Leroux, professeur émérite, UQAM, Christian Nadeau, Département de philosophie, Université de Montréal, Guy Rocher, professeur émérite, Université de Montréal 14 mars 2012 18h01 Éducation
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