Montbéliard à la Une n°33
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Zoom<br />
Le batik, une technique qui demande talent et minutie<br />
L'exposition Textiles d'enfance,<br />
L'<br />
porte-bébés de <strong>la</strong> province chinoise<br />
du Guizhou est une histoire de<br />
rencontres. La première remonte<br />
aux années 90. Evelyne et Jean-<br />
C<strong>la</strong>ude Chevrot, alors installés<br />
<strong>à</strong> Canton, sympathisent avec Eric<br />
Boudot, éminent spécialiste des<br />
textiles des minorités chinoises<br />
qui les initie <strong>à</strong> sa passion. <strong>à</strong> tel point<br />
que lorsqu'il s'agit d'offrir un cadeau<br />
d'anniversaire <strong>à</strong> Evelyne, Jean-C<strong>la</strong>ude<br />
opte pour deux porte-bébés venus de <strong>la</strong><br />
province du Guizhou, au sud-ouest de <strong>la</strong><br />
Chine. Le début d'une passion et surtout<br />
d'une collection qui regroupe aujourd'hui<br />
près d'une cinquantaine de pièces,<br />
petites merveilles de broderie, de tissage<br />
ou de batik. La seconde date de<br />
2011. Evelyne et Jean-C<strong>la</strong>ude devenus<br />
Belfortains croisent Bernard Goetz,<br />
conservateur des Musées de <strong>Montbéliard</strong>,<br />
qui cherche un thème original lié <strong>à</strong><br />
l'enfance pour accompagner les festivités<br />
des Lumières de Noël. Résultat : une<br />
exposition inédite qui interpelle et séduit.<br />
Y compris ceux qui n'ont pas d'attrait<br />
particulier pour les tissus et textiles !<br />
Sans doute parce qu'elle évoque <strong>la</strong><br />
Chine. Celle d'avant. <strong>Une</strong> Chine rurale<br />
et traditionnelle, encore profondément<br />
attachée <strong>à</strong> ses coutumes ; riche de ses<br />
minorités ethniques parmi lesquelles<br />
les Miao, les Dong, les Gejia, les Raojia,<br />
Porte-bébés chinois<br />
De l'art de<br />
<strong>la</strong> broderie<br />
EVELINE CHEVROT<br />
Ou comment, d'une collection originale, l'on fait une exposition exceptionnelle !<br />
les Shui ou les Zhuang vivant dans les<br />
montagnes du Guizhou, une province<br />
encore mystérieuse, longtemps « interdite »<br />
aux étrangers. En 1994, munis d'un<br />
« permis de passage », accompagnés de<br />
Xiong Bangdong leur guide Miao, parfois<br />
de <strong>la</strong> police, Evelyne et Jean-C<strong>la</strong>ude<br />
Chevrot ont pu pénétrer dans les vil<strong>la</strong>ges<br />
de ces peuples coupés du monde. Il faudra<br />
six voyages, dans des conditions parfois<br />
précaires, sur des pistes, <strong>à</strong> dos d’âne<br />
ou <strong>à</strong> pied, pour collecter ces étoffes qui<br />
résument <strong>à</strong> elles seules toute l’histoire<br />
d’une culture millénaire.<br />
<strong>Une</strong> affaire de femmes<br />
L<strong>à</strong>-bas, le tissage et <strong>la</strong> broderie sont une<br />
affaire de femmes. Elles ont inventé,<br />
développé au fil des siècles un art de <strong>la</strong><br />
broderie unique au monde. Elles brodent<br />
lorsque les travaux des champs et des<br />
rizières sont terminés ou en gardant les<br />
troupeaux de buffles qui font vivre leur<br />
famille. Des porte-bébés bien sûr mais<br />
également des vestes, des bavoirs, des<br />
costumes pour elles, pour leur mari. Dès<br />
l'âge de douze ans, elles sont initiées par<br />
leur mère et fabriquent elles-mêmes ces<br />
vêtements <strong>à</strong> partir du coton qu'elles tissent,<br />
teignent <strong>à</strong> l'indigo puis brodent. Point de<br />
croix, point de chaînette, point noué, point<br />
de satin, point <strong>la</strong>ncé, point passé p<strong>la</strong>t en<br />
fils de soie ou en coton, appliqué… Les<br />
techniques varient d’un vil<strong>la</strong>ge <strong>à</strong> l’autre.<br />
EVELINE CHEVROT<br />
L'extraordinaire variété des couleurs et<br />
des motifs donne également toute <strong>la</strong><br />
mesure de <strong>la</strong> virtuosité de ces brodeuses<br />
aux doigts d’or.<br />
Car, ces tissus sont porteurs d’identité. Pour<br />
ces peuples sans écriture, <strong>la</strong> broderie est le<br />
moyen de transmettre leur culture et leurs<br />
traditions. Figures humaines, animaux<br />
réels ou fantastiques, décors floraux ou<br />
géométriques, amulettes protectrices<br />
racontent le monde, les paysages, les<br />
croyances, les mythes et légendes qui ont<br />
nourrit l’histoire de ces peuples. Considérés<br />
comme de véritables trésors familiaux<br />
qui se lèguent de mère en filles, ces<br />
porte-bébés, costumes et autres coiffes,<br />
dont certains ont demandé plusieurs<br />
années de travail, révèlent un patrimoine<br />
culturel éminemment riche.<br />
Aujourd'hui, <strong>la</strong> plupart de ces savoir-faire<br />
ont disparu. Beaucoup de jeunes filles,<br />
parties travailler dans des grandes<br />
villes chinoises, ne connaissent plus les<br />
techniques ancestrales. Les costumes<br />
traditionnels, les porte-bébés brodés sont<br />
remp<strong>la</strong>cés par des vêtements modernes<br />
en tissus et matériaux industriels. <strong>Une</strong><br />
uniformisation sans doute inéluctable.<br />
Raison de plus pour découvrir une<br />
exposition remarquable. • C<strong>la</strong>ude Trouttet<br />
Jusqu'au 11 mars au musée Beurnier-Rossel<br />
Evelyne et Jean-C<strong>la</strong>ude Chevrot ont collecté de<br />
véritables joyaux dont ce porte-bébé Miao qui<br />
a demandé plus d'un an de travail.<br />
NUMéro 33 • fevrier 2012 • <strong>Montbéliard</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>Une</strong> • 21