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Texte du projet - Université Paris Diderot-Paris 7

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Document scientifique associé 2008<br />

alors que les films d’Hitchcock et de Ford sont cités dans maints travaux de psychanalyse jungienne <br />

Certains films génèrent un véritable emballement interprétatif (comme Mulholland Drive, de D. Lynch,<br />

ou, pour des raisons mystérieuses, Détour de E. Ulmer, film noir à petit budget). Les cultural studies et<br />

les gender studies, les historiens <strong>du</strong> cinéma de tradition iconographique adoptent des démarches<br />

interprétatives diverses contestées par les partisans d’une approche esthétique qui les rejettent au nom <strong>du</strong><br />

« narcissisme herméneutique » (P. Bourdieu) ou de la « tyrannie <strong>du</strong> lisible » (G. Didi-Huberman). Depuis<br />

peu, des chercheurs inspirés par la philosophie analytique et/ou les sciences cognitives défendent une<br />

critique <strong>du</strong> film visant à une forme d’objectivité ; cette approche « objective », distincte de tout jugement<br />

de valeur, a-t-elle des chances de s’imposer, dans un domaine où la communauté universitaire est ré<strong>du</strong>ite<br />

face au poids de la critique L’opposition reste en tout cas vive entre les tenants de l’interprétation et tous<br />

ceux qui considèrent qu’il ne faut pas interpréter les films (« Why not to read a film », D. Bordwell,<br />

Making Meaning, 1989).<br />

Dans d’autres domaines <strong>du</strong> savoir, la question de l’interprétation est également objet de débats et<br />

de controverses. Ils font apparaître les enjeux de la question de façon particulièrement aiguë, et<br />

confirment l’idée que c’est bien l’opposition entre objectivité et subjectivité qui est actuellement au cœur<br />

<strong>du</strong> débat. C’est notamment le cas en médecine, en droit, en théologie (et naturellement en histoire, mais<br />

nous n’abordons pas ce domaine bien connu). L’Evidence Based Medicine (EBM), courant dominant dans<br />

la médecine contemporaine, entend éliminer les aléas découlant des opérations herméneutiques<br />

(subjectives), grâce à la collecte massive des faits médicaux et à leur traitement statistique (objectives).<br />

Les actions thérapeutiques devraient être déterminées par les indications fournies par des données<br />

élaborées par la statistique. En droit, au contraire, c’est plutôt un courant « subjectiviste » qui domine<br />

actuellement, malgré des voix divergentes : l’interprétation <strong>du</strong> texte de loi est considérée comme<br />

tributaire de données sociologiques et historiques, des rapports de pouvoir dans un contexte donné. Dans<br />

cette perspective, le développement des recherches concernant le droit et la littérature, en particulier aux<br />

Etats-Unis, a tout particulièrement nourri, depuis vingt-cinq ans, une approche déconstructionniste et<br />

critique, encore très actuelle (R. Dworkin, Freeedom’sLaw, The Moral Reading of the American<br />

Constitution, 1996 ; M. Rosenfeld, Just Interpretations: Law between Ethics and Politics, 1998). Dans les<br />

années 70, le courant CLS (Critical Legal Studies, surtout à Harvard), a étroitement lié interprétation et<br />

critique <strong>du</strong> droit : cette tendance se retrouve dans la théorie féministe <strong>du</strong> droit et la « critical racial<br />

theory ». Actuellement, la notion d’auteur et les théories de l’intentionnalité (R. Weisberg), le recours à la<br />

sémantique et la théorie analytique de la philosophie <strong>du</strong> langage (O. Pfersmann), relancent le débat. En<br />

France, les recherches qui portent conjointement sur le droit et la littérature sont encore peu développées,<br />

si l’on excepte, <strong>du</strong> côté littéraire, celles de Christian Biet (à propos <strong>du</strong> théâtre au dix-septième siècle). Un<br />

numéro de la revue Europe (2002) est également consacré à la question des rapports entre droit et<br />

littérature ; mais il ne concerne pas le débat sur l’interprétation.<br />

Dans le domaine des sciences de la religion, on assiste à un renouveau herméneutique, qui entend<br />

repenser l’interprétation <strong>du</strong> texte sacré afin de faire accepter ou interdire tel ou tel comportement (le<br />

féminisme ou l’homosexualité, par exemple). L’enjeu crucial de cette question réside dans les usages<br />

politiques de l’interprétation – aujourd’hui comme au XVIe-XVIIe siècles. L’évaluation de la légitimité<br />

d’une interprétation <strong>du</strong> texte sacré comme un texte littéraire s’est aussi posée de façon récurrente, mais<br />

aujourd’hui plus que jamais. Très vivante au Royaume-Uni et aux Etats-Unis dans les Department of<br />

Divinity (notamment à Chicago), l’étude de l’interprétation des textes religieux est inexistante en France.<br />

Il a bien eu, dans les années 70-80, un renouveau des études bibliques à travers une démarche<br />

narratologique et sémiotique (chez L. Marin et le courant greimassien), mais cela revenait justement à<br />

éluder la question de l’interprétation, et à traiter la Bible comme un texte, sans différencier son statut par<br />

rapport aux autres textes.<br />

Ce panorama dessine donc un paysage intellectuel contrasté, où des théories de l’interprétation<br />

différentes, voire contradictoires, cohabitent au sein d’un même courant, générant des conflits plus ou<br />

moins aigus, car les enjeux débordent parfois le domaine scientifique. Il est temps de répertorier et<br />

d’analyser ces tensions, dans un même champs <strong>du</strong> savoir et entre les disciplines, et de décider, soit de<br />

choisir la théorie la plus opératoire, soit d’articuler les différentes approches<br />

HERMES<br />

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