éco-extraction du végétal - Dunod
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Farid Chemat<br />
SÉRIE | chimie<br />
éco-<strong>extraction</strong><br />
<strong>du</strong> végétal<br />
Procédés innovants<br />
et solvants alternatifs
Table des matières<br />
A<br />
<br />
Préface<br />
V<br />
1 • Éco-<strong>extraction</strong> : contexte et innovation 1<br />
1.1 Une opération ancienne, de nouveaux modèles économiques 1<br />
1.2 Des savoir-faire et des technologies dans un nouveau contexte 2<br />
1.3 Les six principes de l’éco-<strong>extraction</strong> 3<br />
1.4 Vers un label « éco-extrait » 25<br />
1.5 Références 25<br />
2 • Intensification des procédés d’<strong>extraction</strong> par détente instantanée<br />
contrôlée DIC 27<br />
2.1 Intro<strong>du</strong>ction 27<br />
2.2 Techniques de texturation 28<br />
2.3 Analyse de la DIC 32<br />
2.4 Applications technologiques de la détente instantanée contrôlée DIC 40<br />
2.5 Conclusion 45<br />
2.6 Références 46<br />
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3 • Champs électriques pulsés (CEP) 51<br />
3.1 Intro<strong>du</strong>ction 51<br />
3.2 Mécanismes des traitements par CEP 52<br />
3.3 Extraction de jus et de solutés 57<br />
3.4 Traitements des suspensions biologiques 67<br />
3.5 Consommation énergétique 70<br />
3.6 Réalisations de traitements CEP à l’échelle pilote 70<br />
3.6 Couplage des CEP avec d’autres traitements physiques 75<br />
3.7 CEP et sécurité alimentaire 75<br />
3.8 Conclusion 76<br />
3.9 Références 77<br />
<br />
IX
4 • Extraction assistée par ultrasons 91<br />
X<br />
4.1 Intro<strong>du</strong>ction 91<br />
4.2 Ultrasons et cavitation acoustique 92<br />
4.3 Sonochimie, sonoluminescence et phénomène de cavitation hétérogène 94<br />
4.4 Applications des ultrasons dans l’in<strong>du</strong>strie 98<br />
4.5 Les réacteurs à ultrasons : <strong>du</strong> laboratoire au pilote in<strong>du</strong>striel 103<br />
4.6 Applications de l’<strong>extraction</strong> par ultrasons aux pro<strong>du</strong>its naturels 105<br />
4.7 Applications in<strong>du</strong>strielles de l’<strong>extraction</strong> assistée par ultrasons 111<br />
4.8 Coût, investissement et impact environnemental 114<br />
4.9 Références 115<br />
5 • Extraction assistée par micro-ondes 119<br />
5.1 Intro<strong>du</strong>ction 119<br />
5.2 Généralités sur les micro-ondes 119<br />
5.3 Applications in<strong>du</strong>strielles <strong>du</strong> chauffage micro-ondes 130<br />
5.4 Les différentes techniques d’<strong>extraction</strong> par micro-ondes 133<br />
5.5 Applications de l’<strong>extraction</strong> micro-ondesdans les pro<strong>du</strong>its naturels 139<br />
5.6 Compréhension de l’<strong>extraction</strong> assistée par micro-ondes 144<br />
5.7 Applications de l’<strong>extraction</strong> micro-ondes en in<strong>du</strong>strie 148<br />
5.8 Références 149<br />
6 • Extraction assistée par in<strong>du</strong>ction thermomagnétique<br />
directe (ITMD) 155<br />
6.1 Intro<strong>du</strong>ction 155<br />
6.2 Principe 156<br />
6.3 Mise en œuvre de l’extracteur assisté par in<strong>du</strong>ction <br />
thermomagnétique directe 156<br />
6.4 Changement structural des tissus de la graine et ITMD 161<br />
6.5 Conclusions et perspectives 165<br />
6.6 Matériel utilisé 165<br />
6.7 Références 166<br />
7 • Les agrosolvants en <strong>extraction</strong> 169<br />
7.1 Intro<strong>du</strong>ction 169<br />
7.2 Panorama des agrosolvants 170<br />
7.3 Les paramètres de solubilité : une approche prédictive de la performance <br />
des agrosolvants 181<br />
7.4 Les hydrotropes ou solvo-surfactants 190<br />
7.5 Conclusion 197<br />
7.6 Références 197
8 • Extraction par flash-détente 207<br />
8.1 Principe 207<br />
8.2 Matériel et méthodes de chauffage 209<br />
8.3 Applications 213<br />
8.4 Références 227<br />
9 • Extraction par fluide supercritique 231<br />
9.1 Intro<strong>du</strong>ction 231<br />
9.2 L’<strong>extraction</strong> par fluide supercritique 239<br />
9.3 Applications in<strong>du</strong>strielles 245<br />
9.4 Aspects économiques 253<br />
9.5 Conclusion 255<br />
9.6 Références 257<br />
10 • Extraction par eau subcritique 259<br />
10.1 Intro<strong>du</strong>ction 259<br />
10.2 Les propriétés de l’eau subcritique 260<br />
10.3 Mise en œuvre <strong>du</strong> procédé au laboratoire 262<br />
10.4 Étapes de l’<strong>extraction</strong> et modélisation 264<br />
10.5 Influence des paramètres opératoires 269<br />
10.6 Extraction par eau subcritique de composés d’intérêt d’origine végétale 273<br />
10.7 Références 283<br />
11 • Extraction, séparation et purification : <strong>du</strong> végétal à l’éco-extrait 289<br />
11.1 Opérations unitaires complémentaires de l’<strong>extraction</strong> 290<br />
11.2 Pro<strong>du</strong>ctions d’extraits à partir de végétaux tropicaux à l’échelle pilote <br />
et par des PME <strong>du</strong> Sud 300<br />
11.3 Combinaison des techniques d’<strong>extraction</strong> 309<br />
11.4 Conclusion générale 316<br />
11.5 Références 316<br />
© <strong>Dunod</strong> – La photocopie non autorisée est un délit.<br />
Index 321<br />
<br />
XI
1 • Éco-<strong>extraction</strong> :<br />
contexte et innovation<br />
Maryline Abert Vian, Farid Chemat,<br />
Laurent Prat et Christophe Gourdon<br />
A<br />
<br />
1.1 Une opération ancienne, de nouveaux modèles<br />
économiques<br />
© <strong>Dunod</strong> – La photocopie non autorisée est un délit.<br />
Lixiviation, percolation, décoction, infusion, macération, digestion, élution sont<br />
autant de termes très anciens qui recouvrent la même opération unitaire, l’<strong>extraction</strong><br />
solide-liquide. Il s’agit de mettre en contact un solide et un liquide afin de<br />
récupérer un ou plusieurs composés solubles, contenus dans le solide. De nos jours,<br />
il est devenu difficile de trouver un procédé de fabrication dans l’in<strong>du</strong>strie cosmétique,<br />
pharmaceutique, agroalimentaire et de la parfumerie qui, directement ou<br />
indirectement, n’utilise pas l’<strong>extraction</strong>. En agro-alimentaire, à côté des cas très<br />
classiques de l’obtention <strong>du</strong> sucre à partir des betteraves, de la canne à sucre, de la<br />
préparation d’extrait de café et de thé décaféiné, de nombreuses formulations ont<br />
été mises au point en rajoutant des extraits de plantes tels que les procyanidines<br />
(OPC) réputés pour leurs pouvoirs antioxydants. Dans les in<strong>du</strong>stries pharmaceutiques,<br />
vitamines, antibiotiques, alcaloïdes sont utilisés soit directement, soit pour<br />
servir de précurseurs à des synthèses organiques complexes.<br />
Bien que cette opération puisse être considérée comme « propre » par rapport<br />
à d’autres procédés, l’impact environnemental n’est pas si évident à estimer. Les<br />
procédés d’<strong>extraction</strong> requièrent souvent 70 % des investissements et consomment<br />
50 % de l’énergie dans les procédés in<strong>du</strong>striels tous secteurs confon<strong>du</strong>s. Un<br />
simple millilitre d’absolue de rose, pesant moins d’un gramme, nécessite plus de<br />
1 kg de roses comme matière première, sans oublier les solvants, l’eau de refroidissement<br />
et les énergies fossiles. Pour de nombreux pro<strong>du</strong>its entrant dans les<br />
formulations de cosmétiques, d’alicaments, de parapharmacie ou de parfums, le<br />
modèle économique repose sur des pro<strong>du</strong>its à très forte valeur ajoutée, issus de<br />
plantes extrêmement ciblées en termes d’origine géographique, de mode de culture<br />
et caractérisés par une activité très ciblée. Il s’agit de marchés pouvant être versatiles<br />
et qui nécessitent une capacité à proposer rapidement de nouveaux pro<strong>du</strong>its<br />
aux différentes échelles de pro<strong>du</strong>ction (essais de faisabilité, pro<strong>du</strong>ction de lots pour<br />
les tests et la caractérisation, premiers lots de fabrication pour les essais <strong>du</strong> client<br />
final puis lots de pro<strong>du</strong>ction).<br />
1
1 • Éco-<strong>extraction</strong> :<br />
contexte et innovation<br />
1.2Dessavoir-faireetdestechnologies<br />
dansunnouveaucontexte<br />
1.2 Des savoir-faire et des technologies <br />
dans un nouveau contexte<br />
1.2.1 Le contexte<br />
Les enjeux politiques, économiques, sociétaux, environnementaux imposent désormais<br />
des innovations technologiques que l’on peut qualifier de rupture et non plus<br />
seulement incrémentales. Aux 12 principes de la chimie verte ont répon<strong>du</strong> très<br />
vite les 12 principes de l’ingénierie verte qui font la base <strong>du</strong> génie des procédés<br />
moderne et « <strong>du</strong>rable ». En effet, si la directive européenne REACH s’est intéressée<br />
aux substances chimiques, en tant que telles ou intervenant dans les pro<strong>du</strong>its ou<br />
les objets manufacturés, la directive IPPC (pour Integrated Pollution Prevention<br />
Control) se préoccupe quant à elle de ré<strong>du</strong>ire la contribution de l’in<strong>du</strong>strie au développement<br />
non <strong>du</strong>rable à l’échelle d’abord européenne … puis mondiale. Cette<br />
directive fait la part belle aux procédés en définissant par secteur professionnel la<br />
notion de MTD (Meilleure Technologie Disponible). Elle réconcilie de manière<br />
définitive le couple pro<strong>du</strong>it-procédé, selon l’adage « on ne fera pas les pro<strong>du</strong>its de<br />
demain avec les procédés d’hier ! ». Les principes qui guident l’application de cette<br />
directive sont les suivants :<br />
– Prévention et ré<strong>du</strong>ction (élimination) de la pollution : action à la source<br />
– Gestion prudente des ressources naturelles<br />
– Priorité à la ré<strong>du</strong>ction intégrée<br />
– Évolution vers un équilibre plus <strong>du</strong>rable entre activité humaine et développement<br />
socio-économique d’une part et les ressources et la capacité régénératrice<br />
de la nature d’autre part.<br />
Dans ce nouveau contexte, les opérations unitaires <strong>du</strong> génie chimique avec les<br />
technologies séparatives associées occupent une place primordiale au cœur <strong>du</strong><br />
développement de procédés respectueux de l’environnement, soit à titre curatif, soit<br />
mieux à titre préventif. C’est pourquoi, on note une politique de R&D toujours<br />
active dans ce domaine, même sur des procédés historiques comme l’<strong>extraction</strong><br />
solide-liquide.<br />
1.2.2 Aspects théoriques<br />
L’<strong>extraction</strong> solide-liquide consiste à mettre en contact un solide et un liquide et de<br />
séparer grâce au liquide un ou plusieurs composés solubles, « les solutés », contenus<br />
dans un matériau solide insoluble. Le liquide d’<strong>extraction</strong> est appelé « solvant ».<br />
Le composé soluble peut être solide ou liquide. Enfin, le solide insoluble peut être<br />
massif ou poreux et se présente en général sous la forme de particules poreuses ou<br />
cellulaires avec des membranes semi-perméables. Au cours de l’opération, plusieurs<br />
étapes peuvent être décrites :<br />
– (i) la pénétration <strong>du</strong> solvant au sein de la structure <strong>du</strong> solide. Il s’agit en général<br />
d’une étape rapide qui ne limite pas le procédé ;<br />
– (ii) la « libération » <strong>du</strong> soluté dans le solvant d’imprégnation. Cette étape peut<br />
recouvrir des phénomènes physiques et physico-chimiques différents suivant la<br />
2
1 • Éco-<strong>extraction</strong> :<br />
contexte et innovation<br />
1.3Lessixprincipesdel’éco-<strong>extraction</strong><br />
<br />
nature <strong>du</strong> soluté et sa place dans la structure (liaison chimique à rompre, diffusion<br />
au travers d’une membrane, désorption, dissolution). Cette étape peut être<br />
limitée par des temps de réaction longs, par des équilibres entre phases et des<br />
saturations locales <strong>du</strong> solvant ;<br />
– (iii) enfin, la diffusion <strong>du</strong> soluté au travers de la porosité de la structure solide<br />
jusqu’au film liquide entourant le solide et le transfert vers le sein <strong>du</strong> solvant.<br />
Cette dernière étape est en général l’étape limitant le procédé et explique les<br />
ordres de grandeurs de plusieurs heures habituellement rencontrés lors de cette<br />
opération. Comme toutes les opérations de transfert de matière, le dimensionnement<br />
se base sur le concept d’étage idéal ou étage d’équilibre [1], mais<br />
l’<strong>extraction</strong> est tout autant un problème cinétique qu’un problème d’équilibre.<br />
A<br />
<br />
1.2.3 Mise en œuvre et technologies<br />
En pratique, l’opération d’<strong>extraction</strong> solide-liquide ne peut être dissociée des<br />
étapes amont (préparation <strong>du</strong> solide, conditionnement, séchage, broyage…) et<br />
aval (séparation <strong>du</strong> solide et <strong>du</strong> liquide, récupération et purification <strong>du</strong> soluté et<br />
éventuellement régénération <strong>du</strong> solvant par évaporation, distillation ou <strong>extraction</strong><br />
liquide-liquide). Ainsi, la mise en œuvre à l’échelle <strong>du</strong> laboratoire ou dans<br />
l’in<strong>du</strong>strie fait appel à de nombreuses opérations unitaires. De plus, l’utilisation <strong>du</strong><br />
solide implique de nombreuses contraintes, au niveau de la manipulation, <strong>du</strong> choix<br />
d’appareillage robuste ou des règles de sécurité. Cette spécificité laisse, à côté des<br />
outils théoriques classiques <strong>du</strong> Génie des Procédés, une grande part à un savoirfaire<br />
difficilement mis en équation.<br />
Ainsi, une très grande diversité de technologies et d’appareils a été mise au point et<br />
est utilisée dans le domaine de l’<strong>extraction</strong> solide-liquide [2] [5]. Ces technologies<br />
sont souvent spécifiques à la matière traitée et au secteur concerné. Ils peuvent être<br />
classés en deux groupes :<br />
– (i) les appareils à particules fixes, c’est-à-dire sans mouvement les unes par<br />
rapport aux autres. Le lit de particule pouvant être fixe ou en mouvement ;<br />
– (ii) les appareils à particules en suspension. Dans ce cas, le solide peut être<br />
traité par une ou plusieurs charges de solvant ou avec <strong>du</strong> solvant qui s’écoule en<br />
continu à travers le solide.<br />
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1.3 Les six principes de l’éco-<strong>extraction</strong><br />
En janvier 2010, plus de 60 chercheurs et professionnels travaillant dans le domaine<br />
de l’<strong>extraction</strong> des pro<strong>du</strong>its naturels se sont réunis à Grasse, sous l’impulsion de<br />
« France Eco-Extraction », pour définir l’éco-<strong>extraction</strong> et ses principes, présentés<br />
sur la figure 1.1. Une définition très générale a été adoptée : « l’éco-<strong>extraction</strong> est<br />
basé sur la découverte et la conception de procédés d’<strong>extraction</strong> permettant de<br />
ré<strong>du</strong>ire la consommation énergétique, mais aussi l’utilisation de solvants alternatifs<br />
et des ressources végétales renouvelables, tout en garantissant un pro<strong>du</strong>it/extrait<br />
sûr et de qualité ».<br />
3
1 • Éco-<strong>extraction</strong> :<br />
contexte et innovation<br />
1.3Lessixprincipesdel’éco-<strong>extraction</strong><br />
<br />
Plusieurs ateliers de réflexion ont permis de lister les attentes mais aussi d’envisager<br />
les visions futures, dans un contexte de développement <strong>du</strong>rable, aussi bien au<br />
niveau des pro<strong>du</strong>cteurs de matières premières végétales que les in<strong>du</strong>striels transformateurs<br />
ou bien les formulateurs de pro<strong>du</strong>its finis que des chercheurs académiques<br />
et institutionnels. Une des conclusions qui ressort de ces groupes de travail est la<br />
nécessité de la notion d’« éco-extrait » qui touche directement les consommateurs<br />
bien au-delà de l’éco-<strong>extraction</strong>. Des travaux sont menés sur la réflexion d’un label<br />
spécifique d’« éco-extrait » mais également sur l’évaluation de son impact environnemental<br />
à l’aide de l’Analyse de cycle de vie.<br />
Principe 1 :Favoriserl’innovationparlasélectionvariétaleetl’utilisationderessources<br />
végétalesrenouvelables.<br />
Principe 2 : Privilégier les solvants alternatifs et principalement ceux issus des agroressources.<br />
Principe 3 : Ré<strong>du</strong>ire la consommation énergétique par l’assistance des technologies<br />
innovantesetfavoriserlarécupérationd’énergie.<br />
Principe 4 :Favoriserlacréationdecopro<strong>du</strong>itsaulieudedéchetspourintégrerlavoie<br />
delabio-ouagro-raffinerie.<br />
Principe 5 : Ré<strong>du</strong>ire les opérations unitaires grâce à l’innovation technologique et<br />
favoriserlesprocédéssûrs,robustesetcontrôlés.<br />
Principe 6 :Privilégierunpro<strong>du</strong>itnondénaturé,biodégradable,sanscontaminantset<br />
surtoutporteurdevaleurs :« éco-extrait ».<br />
Figure 1.1 –Lessixprincipesdel’éco-<strong>extraction</strong><br />
4<br />
Trois voies majeures ont été identifiées pour parvenir à imaginer, concevoir et faire<br />
la démonstration à l’échelle in<strong>du</strong>strielle de ces principes : l’amélioration des procédés<br />
existants, en proposant des ruptures technologiques et de mise en œuvre ; le<br />
détournement d’appareils non dédiés pour parvenir au plus proche d’un optimal<br />
de consommation de matière première et d’énergie et l’innovation méthodologique<br />
et technologique.<br />
1.3.1 Principe 1 : favoriser l’innovation par la sélection variétale et l’utilisation<br />
de ressources végétales renouvelables<br />
La demande croissante dans le domaine de l’<strong>extraction</strong> des pro<strong>du</strong>its naturels in<strong>du</strong>it<br />
une surexploitation des ressources végétales qui peut con<strong>du</strong>ire à terme à l’épuisement<br />
de certaines ressources précieuses. Leur préservation est aujourd’hui un<br />
défi majeur. Dans une démarche d’éco-<strong>extraction</strong>, la diminution de l’utilisation<br />
de ressources non renouvelables, la sélection variétale, l’exploitation de cellules ou<br />
d’organes végétaux in vitro ou bien le recours à des technologies innovantes sont<br />
autant de voies à considérer afin d’éviter l’extinction de certaines espèces végétales.
1 • Éco-<strong>extraction</strong> :<br />
contexte et innovation<br />
1.3Lessixprincipesdel’éco-<strong>extraction</strong><br />
<br />
■■<br />
Vers une ressource renouvelable<br />
Un quart des médicaments actuels sont extraits à partir de pro<strong>du</strong>its d’origine<br />
végétale. Le paclitaxel ou Taxol® est devenu l’emblème des bienfaits à attendre de<br />
l’exploitation de la diversité des substances naturelles. Cette molécule aux vertus<br />
anti-tumorales était extraite de l’écorce de l’If (Taxus brevifolia) de l’Ouest, originaire<br />
des États-Unis. Dans les années 1970, pas moins de 30 tonnes d’écorces<br />
ont été collectées pour des essais cliniques ; sachant que 10 kg d’écorces sèches<br />
pro<strong>du</strong>it 1g de taxol. D’une biodisponibilité restreinte, son exploitation in<strong>du</strong>strielle<br />
semblait compromise car abattre des milliers d’arbres n’était pas une solution.<br />
De plus l’écorce d’un arbre ne se régénère pas et les arbres périssent lorsqu’ils en<br />
sont dépourvus. La complexité (nombreux carbones asymétriques) et la taille de<br />
la molécule n’ont pas permis d’envisager une voie synthétique économiquement<br />
rentable (figure 1.2). C’est ainsi que bon nombre de recherches ont visé à trouver<br />
des alternatives à l’abattage des arbres de cette espèce menacée. En 1980, le professeur<br />
Pierre Potier et ses collaborateurs (ICSN, CNRS) sont parvenus à obtenir des<br />
versions semi-synthétiques <strong>du</strong> taxol, le docétaxel ou Taxotere® à partir d’un précurseur,<br />
la 10-désacétylbaccatine III, extrait d’aiguilles et de rameaux d’espèces d’if<br />
de nos contrés (taxus baccata) moins rares et possédant une activité anticancéreuse<br />
supérieure à celle <strong>du</strong> taxol.<br />
A<br />
<br />
Écorce d’if<br />
(Taxus brevifolia)<br />
Paclitaxel ou Taxol ®<br />
© <strong>Dunod</strong> – La photocopie non autorisée est un délit.<br />
Aiguilles d’if<br />
(Taxus baccata)<br />
10-désacétylbaccatine III Docétaxel ou Taxotère ®<br />
Figure 1.2 –Isolation<strong>du</strong>Taxol ® et<strong>du</strong>Taxotère ®<br />
Le prélèvement sauvage dans la nature de ressources naturelles à grande échelle<br />
présente donc le danger de la raréfaction voire de la disparition des espèces. C’est<br />
notamment le cas de l’Harpagophytum ou « Griffe <strong>du</strong> diable », très convoitée<br />
par les laboratoires pharmaceutiques pour le traitement <strong>du</strong> rhumatisme. Cette<br />
plante est particulièrement menacée. Elle ne pousse en effet que dans le désert <strong>du</strong><br />
Kalahari (Namibie), et, avec les 600 tonnes qui en sont exportées chaque année,<br />
l’extinction est fort probable. Certaines espèces comme le bois de santal, bois de<br />
rose sont également surexploités et peuvent con<strong>du</strong>ire à leur extinction.<br />
5
1 • Éco-<strong>extraction</strong> :<br />
contexte et innovation<br />
1.3Lessixprincipesdel’éco-<strong>extraction</strong><br />
<br />
■■<br />
Dans une logique d’éco-<strong>extraction</strong>, il est pertinent de faire le choix de n’utiliser<br />
que des plantes cultivées aux dépens de prélèvement en milieu naturel ; seules les<br />
cultures contrôlées permettent de participer à la conservation de notre biodiversité.<br />
Amélioration/sélection variétale<br />
La sélection variétale permet d’obtenir naturellement des plantes plus vigoureuses<br />
et des concentrations en principes actifs beaucoup plus importantes.<br />
Un exemple actuel est la pro<strong>du</strong>ction d’artemisinine, substance antimalarique,<br />
isolée de l’armoise annuelle, Artemisia annua L., originaire d’Asie. Le principe<br />
actif de cette plante, une lactone sesquiterpénique possédant un pont peroxyde,<br />
est présent dans les parties aériennes de la plante à une concentration de l’ordre<br />
de 0,01 à 0,5 % (figure 1.3). L’<strong>extraction</strong> de cette substance active se révèle être<br />
peu rentable <strong>du</strong> fait de sa faible teneur dans la plante. De nombreux travaux de<br />
recherche ont été entrepris afin de pro<strong>du</strong>ire des variétés d’Artemisia annua L. avec<br />
des teneurs en artemisinine plus élevées. Il existe aujourd’hui des variétés avec des<br />
teneurs en artemisinine supérieures à 1 %.<br />
■■<br />
Figure 1.3 –Moléculed’artémisinine<br />
La pervenche de Madagascar (Catharanthus roseus G. Don) contient des alcaloïdes<br />
à propriétés antitumorales remarquables. Les parties aériennes de cette plante referment<br />
0,2 à 1 % d’alcaloïdes. Il a été identifié environ 90 constituants différents<br />
dont les plus connus sont la vindoline, la catharanthine, la vincristine, la vinblastine,<br />
etc. La concentration et les proportions relatives de ces divers alcaloïdes sont<br />
extrêmement variables d’un génotype à l’autre (ce qui donne prise à la sélection) et<br />
selon la position et l’âge physiologique des organes (ce qui permettrait d’envisager<br />
une pro<strong>du</strong>ction in<strong>du</strong>strielle optimisée).<br />
Cap sur l’innovation : les plantes à traire<br />
Les plantes pro<strong>du</strong>isent naturellement des molécules à applications médicales ou<br />
cosmétologiques. Lors de l’<strong>extraction</strong> de ces molécules la destruction de la plante<br />
est quasiment inévitable. Une nouvelle technologie, les plantes à traire, a été mise<br />
au point par des chercheurs de l’INRA de Nancy pour permettre la pro<strong>du</strong>ction<br />
et l’<strong>extraction</strong> des molécules d’intérêt sans les détruire. Des plantes sont cultivées<br />
en serre sur milieu liquide et la sécrétion et l’exsudation des molécules par les<br />
racines dans le milieu de culture sont provoquées par des stimulations physiques,<br />
chimiques ou biologiques. Les molécules sont ensuite collectées par des méthodes<br />
classiques de purification. Ce procédé est plutôt dédié à la pro<strong>du</strong>ction de principes<br />
6
1 • Éco-<strong>extraction</strong> :<br />
contexte et innovation<br />
1.3Lessixprincipesdel’éco-<strong>extraction</strong><br />
<br />
actifs de végétaux rares et dont la synthèse chimique est difficile et coûteuse<br />
(figure 1.4). « Traire les plantes » permet donc une pro<strong>du</strong>ction respectueuse de la<br />
bio diversité. Ce procédé a permis, en autres, de pro<strong>du</strong>ire des alcaloïdes tropaniques<br />
d’intérêt pharmaceutique à partir de Datura innoxia. Dans ce cas, la récolte permet<br />
d’obtenir trois fois plus de métabolites secondaires en un an que l’<strong>extraction</strong> à<br />
partir de plantes cultivées en champ, à surfaces de culture égales.<br />
De bons résultats ont également été obtenus avec la rue des jardins (Ruta graveolens),<br />
qui contient des furocoumarines, molécules utilisées pour soigner l’eczéma et<br />
le psoriasis, et avec l’edelweiss, riche en antioxydants.<br />
Concernant l’if, cette récolte inédite, « les plantes à traire », fournit des quantités<br />
de Taxol® bien plus grandes que la récolte traditionnelle. Si l’on parvenait à utiliser<br />
cette technique à grande échelle, quelques centaines de serres suffiraient ainsi à<br />
satisfaire la demande mondiale en Taxol® pendant un an.<br />
A<br />
<br />
Figure 1.4 –Lesplantesàtraire(PATplantmilking©.Photographies :PhilippePsaïla)<br />
© <strong>Dunod</strong> – La photocopie non autorisée est un délit.<br />
1.3.2 Principe 2 : privilégier les solvants alternatifs et principalement ceux issus<br />
des agro-ressources<br />
La réglementation a aujourd’hui un impact direct sur la diminution de la<br />
consommation de solvants, et tout particulièrement les solvants pétrochimiques<br />
ou Composés Organiques Volatils (COV). L’utilisation de ces solvants pétrochimiques<br />
est aujourd’hui très réglementée. Trois directives européennes encadrent<br />
leur usage : la directive 1999/13/CE, relative aux émissions de COV, la directive<br />
67/548/CEE, relative aux substances dangereuses et la directive 1999/45/CE<br />
relative aux pro<strong>du</strong>its dangereux. Et depuis le 1er juin 2007, les solvants d’origine<br />
pétrochimique sont également concernés par REACH (Registration, Evalutation,<br />
Autorisation and Restriction of Chemicals). Ce règlement européen vise à connaître<br />
la toxicité et les conséquences sur la santé humaine et sur l’environnement des<br />
pro<strong>du</strong>its chimiques. Dans un premier temps, REACH permettra de faire un vaste<br />
inventaire des pro<strong>du</strong>its chimiques utilisés ou ven<strong>du</strong>s sur le marché européen et<br />
donc d’avoir une meilleure connaissance de ces substances chimiques et de leurs<br />
divers usages dans l’in<strong>du</strong>strie. Les solvants n’échappent pas à cette nouvelle réglementation.<br />
Chaque pro<strong>du</strong>cteur ou importateur devra désormais apporter la preuve<br />
de l’innocuité <strong>du</strong> solvant utilisé lors de l’<strong>extraction</strong> et des rési<strong>du</strong>s éventuels que<br />
contiennent les extraits finaux.<br />
7
1 • Éco-<strong>extraction</strong> :<br />
contexte et innovation<br />
1.3Lessixprincipesdel’éco-<strong>extraction</strong><br />
<br />
Dans le secteur de l’<strong>extraction</strong> de substances naturelles, l’<strong>extraction</strong> par solvant<br />
organique volatil reste la méthode la plus pratiquée. L’<strong>extraction</strong> par solvant ou<br />
encore appelée <strong>extraction</strong> solide-liquide consiste en une opération de transfert de<br />
matière destinée à séparer les principes solubles d’un substrat solide par diffusion<br />
dans un solvant. Les solvants les plus utilisés à l’heure actuelle sont l’hexane, le<br />
cyclohexane, le méthanol et moins fréquemment le dichlorométhane et l’acétone.<br />
Les solvants sont, en effet, des substances très efficaces qui dissolvent les solutés<br />
solides et liquides, et leur volatilité facilite leur élimination en fin de procédé.<br />
Cependant, les solvants organiques, sont aussi, pour bon nombre d’entre eux,<br />
inflammables, très volatils et toxiques (cancérigènes, mutagènes, etc.). De ce fait,<br />
leur utilisation est de plus en plus souvent montrée <strong>du</strong> doigt pour sa participation<br />
à la pollution environnementale et à l’effet de serre. Par ailleurs, l’épuisement<br />
progressif des ressources pétrolières et surtout le <strong>du</strong>rcissement de la réglementation<br />
obligent les in<strong>du</strong>striels <strong>du</strong> secteur à s’orienter vers des solutions alternatives plus<br />
respectueuses de l’environnement.<br />
Un solvant d’<strong>extraction</strong> est caractérisé par différentes propriétés ; il doit être un<br />
liquide volatil, simple ou mixte, qui a la propriété de dissoudre des substances<br />
spécifiques (pouvoir solvant) sans altérer ces dernières. Dans une démarche d’éco<strong>extraction</strong>,<br />
un solvant « vert », en référence à la chimie verte, ne doit pas être<br />
seulement efficace mais doit aussi posséder, des caractéristiques complémentaires<br />
liées à la sécurité et à l’impact environnemental (figure 1.5). De nombreux exemples<br />
de solvants tentent de répondre à ces différentes exigences ; il s’agit de solvants<br />
« verts » ou agrosolvants, des liquides ioniques, des fluides ou liquides en condition<br />
sub- ou supercritique ou même des technologies sans solvant.<br />
Sécurité et législation<br />
Risque d’explosion<br />
Bio<br />
Alimentaire<br />
Inflammabilité<br />
Restrictions<br />
environnementales<br />
Émission de COV<br />
Toxicité<br />
Couche d’ozone<br />
Effet de serre<br />
SOLVANT<br />
« IDÉAL »<br />
Recyclage<br />
Pouvoir solvant<br />
Sélectivité<br />
Coût<br />
Figure 1.5 –Lesolvant« idéal »<br />
8
1 • Éco-<strong>extraction</strong> :<br />
contexte et innovation<br />
1.3Lessixprincipesdel’éco-<strong>extraction</strong><br />
<br />
© <strong>Dunod</strong> – La photocopie non autorisée est un délit.<br />
■■<br />
Une classification des solvants d’<strong>extraction</strong> est envisageable sous forme de tableau<br />
en prenant en compte les aspects environnementaux, sécurité, économiques et<br />
caractéristiques physico-chimiques (pouvoir solvant) (tableau 1.1).<br />
Les solvants « verts » ou agrosolvants<br />
Les solvants « verts » ou agrosolvants, issus de sources renouvelables, présentent<br />
des caractéristiques techniques leur permettent de se substituer aux solvants d’origine<br />
pétrochimique. Ces solvants renouvelables peuvent être pro<strong>du</strong>its à partir de<br />
biomasse telle que le bois, l’amidon, les huiles végétales, des fruits ou même des<br />
plantes aromatiques.<br />
Le solvant « vert » le plus connu actuellement est l’éthanol, obtenu par fermentation<br />
de matières riches en sucres comme la betterave et les céréales. L’éthanol est<br />
un solvant utilisé à grande échelle dans l’in<strong>du</strong>strie chimique compte tenu de sa<br />
disponibilité, sa pureté, son faible prix, son caractère non toxique et parfaitement<br />
biodégradable. Cependant, l’<strong>extraction</strong> alcoolique permet l’obtention de composés<br />
hydrophiles, mais ne permet pas l’<strong>extraction</strong> efficace des composés lipophiles<br />
apolaires et peut entraîner l’<strong>extraction</strong> de composés indésirables comme les tanins<br />
qui sont fortement hydrosolubles.<br />
Parmi les agrosolvants, on peut citer également les solvants terpéniques qui sont des<br />
hydrocarbures insaturés extraits <strong>du</strong> pin (a-pinène) ou des agrumes (d-limonène).<br />
Grâce à sa faible polarité, son très fort pouvoir solvant, le d-limonène offre des<br />
avantages pour l’<strong>extraction</strong> de matières grasses. Il peut être une alternative « verte »<br />
à l’utilisation de l’hexane [3]. D’un point de vue environnemental, il constitue une<br />
valorisation intéressante des sous-pro<strong>du</strong>its de l’in<strong>du</strong>strie des agrumes (abondant et<br />
bon marché).<br />
Les esters méthyliques d’acides gras (EMAG) d’huiles végétales (soja, coco et<br />
colza) peuvent également être utilisés en substitution de solvants pétrochimiques.<br />
En plus d’être biodégradables, ces esters présentent des performances techniques<br />
comparables à celles des solvants pétrochimiques à savoir un pouvoir dissolvant<br />
des matières actives et une pénétration plus forte dans la plante [4]. À l’encontre<br />
des solvants pétroliers, les EMAG n’émettent pas de COV, ne contribuent pas à<br />
l’effet de serre et n’ont pas d’odeur piquante. Ils sont biodégradables, proviennent<br />
de ressources renouvelables et leur toxicité apparaît comme étant faible.<br />
Les esters d’acides gras fermentaires entrent également dans la classe des agrosolvants.<br />
Un nouveau venu est l’éthyllactate. Il est pro<strong>du</strong>it à partir de l’éthanol et de<br />
l’acide lactique, tous deux issus des procédés de fermentation de sucres. Ce solvant<br />
est non toxique, bon marché mais sa disponibilité sur le marché est un facteur<br />
limitant compte tenu de son apparition récente.<br />
Le glycérol, sous-pro<strong>du</strong>it de la transesterification des huiles végétales trouve<br />
aujourd’hui de nouvelles valorisations en chimie verte en tant que solvant. Le<br />
glycérol a un pouvoir solvant très éten<strong>du</strong> et une hydrophilie importante. Il est très<br />
utilisé dans le domaine cosmétique pour la préparation de macérâts glycérinés.<br />
Les agrosolvants présentent aujourd’hui des avantages indéniables : haut pouvoir<br />
solvant, non inflammables, biodégradables et non écotoxiques. Cependant,<br />
leurs coûts et leurs performances techniques sont parfois limités. En effet, ils<br />
possèdent un aspect gras, une évaporation lente et peuvent engendrer un manque<br />
A<br />
<br />
9
1 • Éco-<strong>extraction</strong> :<br />
contexte et innovation<br />
1.3Lessixprincipesdel’éco-<strong>extraction</strong><br />
<br />
■■<br />
■■<br />
d’homogénéité et de repro<strong>du</strong>ctibilité. Enfin, certains d’entre eux, peuvent laisser<br />
des rési<strong>du</strong>s non volatils odorants et colorés.<br />
Les liquides ioniques<br />
Les liquides ioniques sont des sels organiques liquides composés exclusivement<br />
d’ions. Ils sont chimiquement et thermiquement très stables, non inflammables et<br />
leur caractère ionique leur confère une plage de polarité importante. Ils sont généralement<br />
utilisés en système biphasique avec l’eau dans les procédés d’<strong>extraction</strong> de<br />
pro<strong>du</strong>its naturels.<br />
L’<strong>extraction</strong> de l’artemisinine est réalisée aujourd’hui à l’échelle in<strong>du</strong>strielle avec<br />
un solvant organique de type hexane, éther de pétrole... Étant donné les caractéristiques<br />
physico-chimiques de l’artémisinine, son <strong>extraction</strong> avec des solvants<br />
non-polaires n’est pas aisée <strong>du</strong> fait de l’<strong>extraction</strong> simultanée de pro<strong>du</strong>its annexes<br />
comme des cires, chlorophylles et huiles essentielles. En conséquence, une étape<br />
de séparation et de purification de l’artémisinine doit être réalisée après l’étape<br />
d’<strong>extraction</strong> afin de fournir un composé pur.<br />
Des liquides ioniques, sels d’ammonium, se sont révélés être très efficaces pour<br />
l’<strong>extraction</strong> de l’atemisinine [5]. L’<strong>extraction</strong> est 4 fois plus rapide qu’avec un solvant<br />
organique et la molécule pure est isolée par simple précipitation. Ces travaux laissent<br />
ainsi présager un avenir très prometteur pour l’utilisation de liquides ioniques en<br />
tant que solvants alternatifs.<br />
L’eau somme solvant d’<strong>extraction</strong><br />
Bien évidemment il n’existe aucun autre solvant plus idéal que l’eau sur notre<br />
planète. Elle est disponible, recyclable et non toxique. L’eau est déjà très largement<br />
utilisée dans l’<strong>extraction</strong> des huiles essentielles par distillation à la vapeur<br />
d’eau. Cette dernière, connue depuis la plus haute Antiquité, transmise par les<br />
Arabes et perfectionnée par les Grassois, est un procédé utilisant l’entraînement<br />
des substances aromatiques grâce à la vapeur d’eau. Ce mélange, dit azéotrope,<br />
a la particularité d’avoir un point d’ébullition inférieur aux points d’ébullition<br />
respectifs de l’eau et des molécules composant l’huile essentielle. Les condensats<br />
sont ensuite très facilement séparés par simple différence de gravité. Aujourd’hui,<br />
cette méthode conventionnelle a été améliorée par l’apport des micro-ondes [6].<br />
La distillation assistée par micro-ondes permet un gain de temps, d’énergie et un<br />
meilleur respect de l’environnement.<br />
Le caractère polaire de l’eau permet aussi bien de l’utiliser comme solvant d’<strong>extraction</strong><br />
dans le domaine des pro<strong>du</strong>its naturels solubles dans l’eau tels que les protéines,<br />
les sucres, les acides organiques que dans l’<strong>extraction</strong> d’espèces inorganiques.<br />
L’<strong>extraction</strong> par eau chaude pressurisée (en anglais, PHWE : Pressurized hot water<br />
<strong>extraction</strong>) ou eau sub-critique devient une méthode d’<strong>extraction</strong> « verte » adaptée<br />
à de nombreuses molécules provenant de matrices variées végétales, alimentaires<br />
ou environnementales. Cette méthode consiste à utiliser de l’eau sous pression<br />
contrôlée à haute température. La mo<strong>du</strong>lation de la température et de la pression<br />
permet à l’eau de diminuer sa polarité et ainsi extraire des analytes peu polaires [7].<br />
10
1 • Éco-<strong>extraction</strong> :<br />
contexte et innovation<br />
1.3Lessixprincipesdel’éco-<strong>extraction</strong><br />
<br />
© <strong>Dunod</strong> – La photocopie non autorisée est un délit.<br />
Tableau 1.1 –Classificationdessolvantsd’<strong>extraction</strong><br />
Impact<br />
environnemental<br />
Coût<br />
Pouvoir solvant<br />
vis-à-vis de composés Sécurité<br />
& santé<br />
Solvant d’<strong>extraction</strong> Technique d’<strong>extraction</strong> (application)<br />
polaire peu polaire apolaire<br />
+++ + +++<br />
Sanssolvant MicrowaveHydrodiffusionandGravity<br />
(<strong>extraction</strong>d’huilesessentielles)<br />
++ + + ++ +<br />
Eau Entraînementàlavapeurd’eau<br />
(<strong>extraction</strong>d’huilesessentielles)<br />
+++ +++ + + + ++<br />
Distillationassistéeparmicro-ondes<br />
(<strong>extraction</strong>d’huilesessentielles)<br />
+ ++ + + +<br />
Extractionpareausub-critique<br />
(<strong>extraction</strong>d’arômes)<br />
– + +++ + + +<br />
CO 2 ExtractionparCO 2 supercritique<br />
(decafféination<strong>du</strong>théetcafé)<br />
– + +++ – – ++<br />
Liquidesioniques Selsd’ammonium<br />
(<strong>extraction</strong>del’artemisinine)<br />
+ + – – ++ +<br />
Agrosolvants Éthanolensubstitutionauméthanol<br />
(colorants)<br />
+ + – – + +<br />
Glycérolensubstitutionauméthanol<br />
(polyphénols)<br />
– – ++ – + +<br />
Terpènes(d-limonène)ensubstitutionàl’hexane<br />
(matièresgrassesethuiles)<br />
_ + +++ ––– ++ –––<br />
Solvantspétrochimiques Hexane<br />
(<strong>extraction</strong>dematièresgrassesethuiles)<br />
A<br />
<br />
11
1 • Éco-<strong>extraction</strong> :<br />
contexte et innovation<br />
1.3Lessixprincipesdel’éco-<strong>extraction</strong><br />
<br />
■■<br />
Le CO 2 supercritique<br />
L’utilisation de CO 2 supercritique pour l’<strong>extraction</strong> s’est développée depuis le<br />
début des années 70 et est aujourd’hui arrivée à maturité. Cette technique permet<br />
d’obtenir des parfums, fragrances et ingrédients actifs parfaitement purs exempts<br />
de toutes traces de solvant. Le CO 2 est un gaz ininflammable et sans odeur qui peut<br />
être pro<strong>du</strong>it dans la nature lors de combustions de matières fossiles, par fermentation<br />
alcoolique mais aussi par la respiration humaine et animale. La technique<br />
d’<strong>extraction</strong> au CO 2 supercritique utilise <strong>du</strong> gaz carbonique comprimé (jusqu’à<br />
300 fois la pression atmosphérique) à température modérée (environ 30 °C) qui se<br />
comporte comme un solvant. Cette technique permet de travailler à une température<br />
modérée qui ne dénature pas les qualités organoleptiques et les principes<br />
actifs de l’extrait obtenu ; l’extrait reste dans un état proche <strong>du</strong> naturel. À la fin<br />
de l’<strong>extraction</strong>, par abaissement de la pression (phase de détente), on provoque le<br />
passage <strong>du</strong> gaz carbonique de l’état supercritique à l’état gazeux et le CO<br />
2<br />
s’élimine<br />
de l’extrait sous pression atmosphérique.<br />
L’<strong>extraction</strong> par CO 2 supercritique est appliquée à plusieurs secteurs comme<br />
celui de l’agroalimentaire, la pharmacie, la cosmétique, la chimie et l’environnement.<br />
Elle concerne des molécules de faible poids moléculaire et ayant une faible<br />
polarité tels que les caroténoïdes, triglycérides, alcools gras, aromes légers… Ces<br />
composés étant usuellement extraits avec des solvants organiques tels que l’hexane.<br />
L’<strong>extraction</strong> par CO 2 supercritique constitue une alternative efficace et plus respectueuse<br />
de l’environnement et de la santé. Les limitations de cette technique résident<br />
dans son développement qui ne permet pas une mise en œuvre continue et le coût<br />
lié à l’investissement initial <strong>du</strong> matériel.<br />
■■<br />
L’<strong>extraction</strong> sans solvant<br />
La meilleure méthode d’<strong>extraction</strong> sera sans doute celle qui ne fait appel à aucun<br />
solvant, n’engendrant aucun déchet rési<strong>du</strong>el et ne nécessitant aucune énergie pour<br />
les traiter. La littérature regorge de nombreux articles proclamant le « sans solvant ».<br />
Or la plupart nécessite de l’eau voire des solvants organiques pétrochimiques pour<br />
traiter et purifier le pro<strong>du</strong>it. Même si la phase d’<strong>extraction</strong> ne consomme aucun<br />
solvant, l’ensemble <strong>du</strong> procédé fait souvent appel à l’usage de solvants. Une nouvelle<br />
technique sans solvant assistée par micro-ondes appelé Microwave Hydrodiffusion<br />
and Gravity (MHG) [8], permet d’extraire une variété de substances naturelles<br />
comme des antioxydants, huiles essentielles, eaux aromatiques à partir de romarin,<br />
oignon, menthe… La technique MHG constitue une approche respectueuse<br />
de l’environnement ne mettant en jeu aucun solvant et fournissant des extraits<br />
propres ne nécessitant aucune purification. Ce procédé original d’alambic renversé<br />
résulte de la combinaison <strong>du</strong> chauffage par micro-ondes associé à la gravité. La<br />
matière végétale fraîche est instantanément échauffée par les micro-ondes sans<br />
ajout de solvant ni d’eau. Par conséquent, la pression interne des cellules végétales<br />
va augmenter provoquant ainsi leur éclatement et le relargage de leur contenu.<br />
12
1 • Éco-<strong>extraction</strong> :<br />
contexte et innovation<br />
1.3Lessixprincipesdel’éco-<strong>extraction</strong><br />
<br />
1.3.3 Principe 3 : ré<strong>du</strong>ire la consommation énergétique par l’assistance <br />
des technologies innovantes et favoriser la récupération d’énergie<br />
L’<strong>extraction</strong> est particulièrement concernée par les enjeux environnementaux et<br />
économiques et le secteur tente aujourd’hui de trouver des solutions afin de ré<strong>du</strong>ire<br />
les dépenses énergétiques et les rejets tout au long de la chaîne <strong>du</strong> procédé. Les<br />
méthodes d’<strong>extraction</strong> traditionnelles comme la distillation sont connues pour leur<br />
forte consommation d’énergie. Dans une démarche d’éco-<strong>extraction</strong>, quatre voies<br />
sont possibles pour minimiser la consommation énergétique: l’optimisation des<br />
procédés existants, la récupération de l’énergie libérée au cours <strong>du</strong> procédé, l’assistance<br />
aux procédés existants ou enfin l’innovation de procédé.<br />
A<br />
<br />
■■<br />
L’optimisation des procédés existants : l’hydrodistillation sous pression<br />
L’hydrodistillation est l’un des plus anciens procédés d’<strong>extraction</strong> des huiles essentielles.<br />
Bien que reconnue pour son efficacité, une hydrodistillation nécessite une<br />
consommation énergétique importante au niveau de la chaudière, et une consommation<br />
d’eau pour le réfrigérant. La ré<strong>du</strong>ction de la consommation énergétique<br />
lors <strong>du</strong> procédé d’hydrodistillation peut être obtenue par augmentation de la pression.<br />
L’augmentation de la pression permet une ré<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> temps de distillation<br />
d’un facteur 2 ou 3, donc une ré<strong>du</strong>ction de la consommation de vapeur et ainsi<br />
une ré<strong>du</strong>ction de la consommation énergétique. Par ailleurs c’est une technique de<br />
choix pour les essences difficilement distillables. On traite ainsi certaines matières<br />
premières dont les constituants ne peuvent être entraînés par la vapeur à la pression<br />
atmosphérique <strong>du</strong> fait de leur masse moléculaire élevée, par exemple le santal, le<br />
girofle, les rhizomes de vétiver, de gingembre ou encore d’iris. Cependant bien que<br />
le procédé sous pression con<strong>du</strong>ise à un gain énergétique, l’influence d’une température<br />
élevée (supérieure à 100 °C) sur la qualité de l’huile essentielle peut donner<br />
lieu à certains artéfacts. De plus, les prix et les contraintes des équipements nécessaires<br />
contribuent à freiner l’utilisation de ce procédé (Tournaire SA) (figure 1.6).<br />
© <strong>Dunod</strong> – La photocopie non autorisée est un délit.<br />
■■<br />
Figure 1.6 –Alambicssouspressionde5000litres(TournaireSA)<br />
La récupération de l’énergie libérée au cours <strong>du</strong> procédé<br />
La ré<strong>du</strong>ction de la consommation énergétique lors d’un procédé peut également<br />
être envisagée par la récupération des calories cédées lors de la condensation de la<br />
13
1 • Éco-<strong>extraction</strong> :<br />
contexte et innovation<br />
1.3Lessixprincipesdel’éco-<strong>extraction</strong><br />
<br />
vapeur. En effet, le CRIEPPAM (Centre régionalisé interprofessionnel d’expérimentation<br />
en plantes à parfum, aromatiques et médicinales) a ainsi mis au point<br />
un prototype d’écovaporateur qui permet de récupérer une partie de l’énergie de<br />
la vapeur, une fois que celle-ci a traversé le végétal à distiller. Le principe de l’écovaporateur<br />
consiste à réutiliser l’énergie de la condensation pour chauffer l’eau en<br />
vapeur (figure 1.7.).<br />
Figure 1.7 –Principedel’écovaporateur<br />
L’écovaporateur permet une diminution de 55 % de la consommation énergétique<br />
en incluant l’énergie nécessaire au surpresseur. Le gain d’énergie thermique<br />
14
1 • Éco-<strong>extraction</strong> :<br />
contexte et innovation<br />
1.3Lessixprincipesdel’éco-<strong>extraction</strong><br />
<br />
avoisine 80 %. Cette technologie n’a aucun impact sur la qualité <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it. La<br />
société Tournaire SA a également développé dans les années 1980 un système de<br />
thermopompage qui consiste à récupérer la chaleur <strong>du</strong> condenseur et à l’utiliser<br />
pour la pro<strong>du</strong>ction de vapeur de telle sorte que l’on se retrouve en présence d’un<br />
cohobage en phase gazeuse. Les économies d’énergie calorifique et d’eau de refroidissement<br />
se situeraient entre 60 et 90 %.<br />
■■<br />
Assistance aux procédés existants<br />
Comme nous venons de le voir, l’<strong>extraction</strong> d’huiles essentielles est conventionnellement<br />
réalisée par hydrodistillation ou entrainement à la vapeur. Pour certaines<br />
espèces végétales, l’<strong>extraction</strong> peut <strong>du</strong>rer de nombreuses heures et ainsi engendrer<br />
une consommation énergétique importante. En outre, ce procédé traditionnel peut<br />
fournir des rendements d’<strong>extraction</strong> faibles. L’entrainement à la vapeur assistée par<br />
les ultrasons peut contribuer à améliorer l’efficacité de l’<strong>extraction</strong> d’huiles essentielles<br />
et diminuer ainsi considérablement le temps d’<strong>extraction</strong> [9]. L’entrainement<br />
à la vapeur assistée par les ultrasons est appliqué pour l’<strong>extraction</strong> de l’huile<br />
essentielle de Yuzu, agrume japonais (figure 1.8). Ce procédé permet d’augmenter<br />
de 44 % le rendement d’<strong>extraction</strong> par rapport à un contrôle sans assistance.<br />
L’assistance aux procédés existants constitue donc une approche intéressante pour<br />
diminuer la consommation d’énergie au cours d’un procédé d’<strong>extraction</strong>.<br />
A<br />
<br />
© <strong>Dunod</strong> – La photocopie non autorisée est un délit.<br />
Figure 1.8 –L’entrainementàlavapeurassistéeparlesultrasons<br />
15
technique et ingénierie<br />
Série Chimie<br />
gestion in<strong>du</strong>strielle<br />
conception<br />
froid et génie climatique<br />
Farid Chemat<br />
mécanique et matériaux<br />
éco-<strong>extraction</strong><br />
<strong>du</strong> végétal<br />
Procédés innovants et solvants alternatifs<br />
L’éco-<strong>extraction</strong> est fondée sur la découverte et la conception de<br />
procédés d’<strong>extraction</strong> permettant de ré<strong>du</strong>ire la consommation<br />
énergétique, d’utiliser des solvants alternatifs et de privilégier<br />
des ressources végétales renouvelables, tout en garantissant un<br />
pro<strong>du</strong>it ou un extrait de qualité.<br />
Cet ouvrage constitue un état de l’art sur les nouvelles technologies<br />
aussi bien sur le plan des procédés innovants que sur le plan des<br />
solvants alternatifs utilisables en in<strong>du</strong>strie et en recherche. Il<br />
aborde de manière détaillée :<br />
• l’amélioration des procédés existants ;<br />
• le détournement d’appareils non dédiés ;<br />
• l’innovation par des ruptures technologiques.<br />
Chaque technologie ou méthode est détaillée tant <strong>du</strong> point<br />
de vue des principes théoriques, <strong>du</strong> matériel utilisé au niveau<br />
<strong>du</strong> laboratoire de R&D, qu’au niveau pilote et in<strong>du</strong>striel. Les<br />
applications existantes au stade in<strong>du</strong>striel, de même que les<br />
protocoles d’<strong>extraction</strong> de pro<strong>du</strong>its naturels (arômes, huiles<br />
essentielles, colorants, principes actifs etc.), sont également<br />
abordés.<br />
Véritable livre blanc dans le domaine de la chimie verte, cet<br />
ouvrage constitue un outil de travail indispensable pour les<br />
ingénieurs et les chefs de projet dans le domaine de l’<strong>extraction</strong>,<br />
mais également une référence pour les étudiants, les universitaires<br />
et les élèves ingénieurs <strong>du</strong> domaine.<br />
chimie<br />
environnement et sécurité<br />
eea<br />
agroalimentaire<br />
Farid Chemat<br />
est professeur des<br />
universités à l’Université<br />
d’Avignon et des Pays de<br />
Vaucluse, responsable<br />
<strong>du</strong> laboratoire et plateforme<br />
GREEN (Groupe<br />
de recherche en éco<strong>extraction</strong><br />
des pro<strong>du</strong>its<br />
naturels).<br />
6943112<br />
ISBN 978-2-10-056543-6<br />
www.<strong>du</strong>nod.com