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L'Etat africain en crise - Politique Africaine

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R. SANDBROOK<br />

La guerre civile et la famine ont conduit des millions d’Africains<br />

<strong>en</strong> exil. Environ la moitié de la population mondiale des réhgiés<br />

se trouve <strong>en</strong> Afrique noire. Les pays qui accueill<strong>en</strong>t de nombreux<br />

réhgiés, comme le Soudan ou la Somalie, aggrav<strong>en</strong>t leurs<br />

problèmes économiques, malgré l’aide des Nations unies. La viol<strong>en</strong>ce<br />

politique d’un pays peut mettre indirectem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> cause les<br />

perspectives économiques de ses voisins.<br />

La détérioration de la capacité administrative est égalem<strong>en</strong>t un<br />

phénomène étroitem<strong>en</strong>t lié au néo-patrimonialisme. Max Weber p<strong>en</strong>sait<br />

que seule la bureaucratie pouvait fournir au capitalisme moderne<br />

ce dont il avait besoin : une administration efficace, spécialisée,<br />

rationnelle (c’est-à-dire non arbitraire). Toutefois la plupart des administrations<br />

<strong>africain</strong>es se distingu<strong>en</strong>t tellem<strong>en</strong>t de ce modèle, que l’utilisation<br />

du terme de bureaucratie est assez trompeuse. Pourquoi<br />

assiste-t-on à cette détérioration I1 faut se souv<strong>en</strong>ir qu’<strong>en</strong> Europe<br />

occid<strong>en</strong>tale, le passage d’une administration patrimoniale à une<br />

bureaucratie prit plus d‘un siècle. Petit à petit, les postes administratifs<br />

se séparèr<strong>en</strong>t des maisons royales ; les préoccupations personnelles<br />

dans l’administration fur<strong>en</strong>t remplacées par des critères<br />

universels et impersonnels. La bureaucratie fut le résultat d’un processus<br />

plus profond de sécularisation et d’industrialisation. Mais<br />

l’Afrique n’a pas eu la chance d’une adaptation progressive. C’est<br />

pourquoi, seul un effort concerté de la part de la direction politique<br />

pour protéger la bureaucratie de l’impact corrosif des pratiques<br />

patrimoniales peut sauvegarder un minimum de rationalité<br />

bureaucratique.<br />

A l’indép<strong>en</strong>dance, les normes bureaucratiques faiblem<strong>en</strong>t institutionnalisées<br />

cédèr<strong>en</strong>t rapidem<strong>en</strong>t devant les pressions politiques.<br />

(( Ayant réussi à chasser leurs maîtres coloniaux, les vainqueurs se<br />

mir<strong>en</strong>t à distribuer leur butin )) (10). L’un des élém<strong>en</strong>ts les plus<br />

importants de ce butin íÜt l’emploi bureaucratique. Au fur et à<br />

mesure que les acteurs (( magouillai<strong>en</strong>t )), l’afiliation ethnique et/ou<br />

factionnelle avait t<strong>en</strong>dance à remplacer la compét<strong>en</strong>ce technique dans<br />

l’embauche et la promotion, tout comme le népotisme et la corruption<br />

remplacèr<strong>en</strong>t l’impartialité dans l’exercice de l’autorité. Bi<strong>en</strong><br />

que de nombreux fonctionnaires compét<strong>en</strong>ts ai<strong>en</strong>t résisté à ces t<strong>en</strong>dances,<br />

ce fut une lutte difficile. Ils pouvai<strong>en</strong>t rarem<strong>en</strong>t faire appel<br />

aux impératifs constitutionnels de l’exercice du pouvoir, car ceuxci<br />

ne sont ni reconnus ni appliqués. De même, il n’existe pas de<br />

classe d’hommes d’affaires locaux aux pouvoirs et à l’indép<strong>en</strong>dance<br />

économique suffisants pour êtee capable d’imposer une cohér<strong>en</strong>ce<br />

et une discipline à l’appareil d’Etat (11). Au contraire, la bourgeoisie<br />

(10) F.C. Okoli, a The Dilemma of Premature<br />

Bureaucratization in the New States<br />

of Africa n, African Studies Review, XXIII<br />

(2), 1980, p. 11.<br />

(11) Sur ce point, lire G. Hyd<strong>en</strong>, No<br />

Shortcuts to Progress : African Developm<strong>en</strong>t<br />

Managem<strong>en</strong>t in Perspective, London, Heinemann,<br />

1983.<br />

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