Camille BORDES - La Gestion des arbres par les - Cooperation at ...

ISTOM
Ecole d’Ingénieur en Agro-Développement International
32, Boulevard du Port F.-95094 - Cergy-Pontoise Cedex
tél : 01.30.75.62.60 télécopie : 01.30.75.62.61 istom@istom.net
MEMOIRE DE FIN D'ETUDES
LA GESTION DES ARBRES PAR LES PAYSANS :
Etude d’une enclave au milieu de réserves forestières au
sud-est du Burkina Faso
C.BORDES, Tambarga, 2009
SOUTENU EN JUILLET 2010
BORDES Camille , 96 ème Promotion
Stage effectué à Madjoari, Burkina Faso
du 02/05/09 au 15/12/09
Au sein du projet Info4Dourou (2iE, PRCCU, EPFL)
Maître de stage : Dr. HAMMA Yacouba, 2iE, PhD
Tuteur de stage: Alexandre Repetti, coopération EPFL
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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RESUME
Les forêts, enjeux international, sont pour les populations qui vivent à leur contact, un espace
intégrant de nombreuses activités et l’arbre a de multiples usages. Les cultivateurs l’intègrent
pleinement dans leurs systèmes agricoles, façonnant le paysage en un parc arboré depuis des siècles.
Mais ils sont communément tenus responsables de la déforestation par leurs mauvaises pratiques.
L’Etat burkinabé, pris dans un mouvement mondial pour la protection de l’environnement et
confronté à des changements climatiques ainsi que sociaux, tente de préserver son patrimoine
écologique, notamment au sein du vaste réseau de réserves naturelles à l’Est du Burkina Faso. À
travers une politique forestière héritière d’un passé colonial, il multiplie les interventions depuis
plusieurs années, connaissant des échecs plus ou moins répétés. Dans la commune de Madjoari, isolée
au milieu de ce réservoir de biodiversité, nous tentons de saisir quelles sont les stratégies et les
intérêts dans la gestion des ressources forestières. Nous entrevoyons alors, à travers l’analyse des
pratiques et représentations, de multiples contradictions.
Mots clés : arbre – biodiversité – cultivateurs – enjeux – forêts – gestion des ressources – protection de
l’environnement – politique forestière – réserves naturelles
ABSTRACT
Forests, representing important stakes in the global environment, are for the populations
living in contact with them, a space providing many resources and the tree has multiple uses. It is
completely embedded by the farmers in the agricultural systems, shaping the landscape in
agroforestry parks for centuries. But they are collectively considered as responsible for the
deforestation by bad practices. The government of Burkina-Faso, influenced by a global movement for
the environmental protection and confronted with climate change as well as social evolution, tries to
protect its ecological heritage, particulary within the large network of natural reserves in the east of
the country. Through a forest policy inherited from their colonial past, it encompasses a lot of actions
over several years, bur which fail most of the time. In Madjoari’s municipality, isolated in the middle
of this biodiversity reservoir, we try to understand which strategies and interests are involved in the
forestry ressources management. Then, we can see throug a social analysis, a lot of contradictions.
Key words : agroforestry parks - biodiversity - environmental protection - farmers - forests - policies -
natural reserves - resources management - tree
RESUMEN
Los bosques, apuestas internacionales, son para las poblaciones que viven en su contacto, un
espacio integrando varias actividades y el árbol tiene usos múltiples. Los cultivadores lo integran en
sus paisajes agrícolas desde hace siglos. Pero comúnmente estan considerados como responsables en
la desforestación por sus malas prácticas. El Estado del Burkina Faso esta agarrado en un movimiento
mundial por la protección medioambiental y confrontado a cambios climáticos así como sociales.
Por eso, intenta preservar su patrimonio ecológico, particularmente en la red amplia de reservas
naturales al este del país. A través de una política forestal heredera de un pasado colonial, multiplica
las intervenciones desde hace varios años, con fracasos más o menos repetidos. En el municipio de
Madjoari, aislado en medio de este depósito de biodiversidad, intentamos entender cuáles son las
estrategias y los intereses en la gestión de los recursos naturales. Así, podemos ver a traves de una
anàlisis social que existen un monton de contradicciónes.
Palabras claves : apuestas - árbol - biodiversidad - bosques - cultivadores - gestión de los recursos -
política forestal - protección medioambiental - reservas naturales
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TABLE DES MATIERES
RESUME………………………………………………………………………………………2
TABLE DES MATIERES……………………………………………………………………..3
LISTE DES TABLEAUX……………………………………………………………………..5
TABLE DES ILLUSTRATIONS……………………………………………………………...6
LISTE DES CIGLES ET ABBREVIATIONS………………………………………………..7
REMERCIEMENTS…………………………………………………………………………..8
INTRODUCTION…………………………………………………………………………….9
1 LE CONTEXTE D’INTERVENTION EN MATIERE DE PRESERVATION DES
RESSOURCES LIGNEUSES ..............................................................................................11
1.1 La préservation de la biodiversité dans l’espace et dans le temps .............................11
1.1.1 Le mouvement international de conservation de la biodiversité.................................11
1.1.2 Les acteurs de la gestion des ressources naturelles au Burkina Faso ..........................14
1.1.3 La gestion des ressources forestières au Burkina Faso : histoire et enjeux .................16
1.1.4 La région de l’Est au cœur de l’enjeu de la biodiversité.............................................19
1.2 Gestion du foncier et des ressources naturelles au Burkina Faso: quel cadre
institutionnel et législatif ................................................................................................22
1.2.1 Législation pour la gestion des ressources naturelles.................................................22
1.2.2 Le paysage institutionnel national. ............................................................................24
1.2.3 Le secteur forestier dans le contexte de la décentralisation........................................25
1.3 Madjoari, une commune rurale enclavée au milieu de réserves naturelles.................26
1.3.1 Un contexte géographique particulier........................................................................26
1.3.2 Une population marginalisée mais dynamique ..........................................................28
1.3.3 Réglementation et droits d’usages.............................................................................31
1.3.4 Les activités agricoles, entre contraintes et opportunités............................................32
1.3.5 Développement, décentralisation et gestion des ressources naturelles et à Madjoari..36
2 COMPRENDRE DES PRATIQUES ET SAISIR DES REPRESENTATIONS...............40
2.1 Présentation générale des démarches d’enquêtes......................................................40
2.1.1 La phase de recherche...............................................................................................40
2.1.2 La mission microprojets............................................................................................45
2.2 Aménagement du terroir dans l’espace et dans le temps...........................................46
2.2.1 Les temps de jachères à Madjoari..............................................................................46
2.2.2 L’aménagement de l’espace agricole.........................................................................47
2.3 Un arbre dans un champ : quels avantages et quels inconvénients pour les paysans
53
2.3.1 Interactions écologiques avec les cultures .................................................................53
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2.3.2 L’arbre et ses nombreux bénéfices : une garantie de sa sauvegarde dans le champ. ...59
2.3.3 Concurrences et synergies entre les différentes activités............................................67
2.3.4 Association arbres/cultures, une multiplicité d’enjeux...............................................68
2.4 Perceptions de la dégradation des ressources............................................................68
2.4.1 Évolution des peuplements........................................................................................69
2.4.2 Menace d’extinction et de disparition........................................................................70
3 L’ETAT FACE AUX PRATIQUES ET REPRESANTATIONS.....................................72
3.1 Le rôle des interventions de l’Etat dans les pratiques et représentations....................72
3.1.1 Les représentations concernant la dégradation des ressources....................................72
3.1.2 Les changements dans la transmission du savoir .......................................................75
3.1.3 Campagnes de reboisement et sensibilisation pour la reforestation............................76
3.2 Cohérence des stratégies nationales avec la préservation de l’environnement et les
intérêts paysans ................................................................................................................80
3.2.1 Contradictions des stratégies nationales : stratégies économiques et gestion des
ressources naturelles.............................................................................................................80
3.2.2 Cohérence et incohérences des actions entre les secteurs d’intervention et
répercussions sur les populations..........................................................................................82
3.2.3 Cohérence de l’introduction des espèces avec les intérêts des villageois....................84
3.2.4 La plantation comme activité génératrice de revenus.................................................84
3.3 Quelles convergences porteuses de solutions durables ...........................................88
3.3.1 Intérêts, stratégies, points de blocages, perspectives et solutions...............................88
3.3.2 Sortir la commune de l’isolement, un scénario cohérent ..........................................90
3.3.3 Un suivi plus efficace des ressources forestières .......................................................91
3.3.4 Une meilleure valorisation des ressources naturelles.................................................92
CONCLUSION………………………………………………………………………………97
BIBLIOGRAPHIE……………………………………………………………………………99
TABLE DES ANNEXES…………………………………………………………………...102
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LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Situation des réserves forestières et fauniques dans la province de la Kompienga
.....................................................................................................................................31
Tableau 2 : Surfaces estimées par type de champ..................................................................47
Tableau 3: Densités d’individus et nombre d’espèces présentes en fonction du type de champ,
à l’unité près ................................................................................................................49
Tableau 4 : DBH et hauteurs moyennes des dix espèces les plus abondantes par type de
champ...........................................................................................................................52
Tableau 5 : Comparaisons entre le Karité et le Néré .............................................................56
Tableau 6: Espèces prioritaires pour la consommation des fruits...........................................60
Tableau 7 : Espèces dont les feuilles (ou calice), rentrent le plus couramment dans la
préparation des sauces ..................................................................................................60
Tableau 8 : Espèces prioritaires pour la pharmacopée...........................................................61
Tableau 9 : Espèces les plus utilisées comme combustible....................................................62
Tableau 10: Espèces prioritaires pour la construction ...........................................................62
Tableau 11: espèces fourragères ...........................................................................................63
Tableau 12: Espèces apportant les revenus les plus importants .............................................63
Tableau 13 : Espèces préférées dans l’environnement villageois...........................................64
Tableau 14: Arbres considérés "bons pour les champs" ........................................................68
Tableau 15 : Espèces déjà plantées par les villageois, citées au moins 5 fois.........................78
Tableau 16: Espèces que les villageois désirent planter en priorité........................................78
Tableau 17 : Synthèse des intérêts, stratégies et blocages de l'Etat, relatifs à la gestion des
ressources ligneuses......................................................................................................88
Tableau 19: Synthèse des intérêts, stratégies et blocages des cultivateurs, relatifs à la gestion
des ressources ligneuses ...............................................................................................89
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TABLE DES ILLUSTRATIONS:
Figure 1: Paysans battant le mil ;..........................................................................................17
Figure 2 Carte schématique de la zone de réserves transfrontalières Ouest africaine ............20
Figure 3 : Traversée de la Singou en pirogue........................................................................26
Figure 4: Carte schématique des pistes de transhumance et répartition agricole de l’espace
dans la région de l’Est du Burkina Faso ; ......................................................................27
Figure 5: Territoires phytogéographiques ............................................................................28
Figure 6: Ecolières se rendant au collège de Madjoari depuis Tambarga par la RN19 ; .........30
Figure 7: Carte du degré d’occupation des terres agricoles ...................................................33
Figure 8: Jeune gardien de troupeau .....................................................................................35
Figure 9 : Station Sensorescope Info4Dourou et manguier porte-avion dans le micro-bassin
versant de Tambarga.....................................................................................................39
Figure 10 : Assistant de recherche devant une parcelle défrichée, Tambarga.........................42
Figure 11 : Inventaire forestier dans le bassin versant de Tambarga......................................45
Figure 12 : Limite entre deux parcelles contigües.................................................................48
Figure 13: Diagramme en secteurs des densités à l’hectare par espèces dans les CB;............49
Figure 14 : Diagramme en secteurs des densités à l’hectare par espèces dans les CP ;...........50
Figure 15 : Diagramme en secteurs des densités à l’hectare par espèces dans les CV ;..........50
Figure 16 : Diagramme en secteurs des densités à l’hectare par espèces dans les rizières ;....51
Figure 18: : les cinq espèces au peuplement le plus dense par type de champ échantillonné;.53
Figure 19 : Schéma des interactions écologiques ..................................................................53
Figure 20 : Système racinaire du Lannea m. en évidence ......................................................57
Figure 21: Le Ficus t. et son parasite étrangleur devant une concession ................................64
Figure 22 : Diagramme de synthèses des espèces prioritaires................................................65
Figure 23: Multiplicité des usages par espèce .......................................................................66
Figure 24 : Schéma des liens de causes à effets évoqués par les cultivateurs.........................73
Figure 25 : Dégâts d'éléphants sur un Karité.........................................................................74
Figure 26 : Différentes médecines ........................................................................................76
Figure 27 : Protection d’un jeune plant, à l’école de Tambarga.............................................79
Figure 28 Pratique d'émondage le long de la RN19 (Sterculia setigera)................................83
Figure 29: Haie vive « uniespèce » (Azadirachta indica) ......................................................87
Figure 30: Marché de Namouyouri.......................................................................................92
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LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS
ACFF : Agent en Charge des Forêts et de la Faune
CGCT : Code Général des Collectivités Territoriales
CILSS : Comité International de Lutte contre la Sècheresse au Sahel
CLSP : Cadre Stratégique de Lutte Contre la Pauvreté
CSPPA : Caisse de Stabilisation des Prix de Produits Agricoles
CVD : Comité Villageois de Développement
CT : Communauté Territoriale
DBH : Diameter at Breast Height (diamètre à hauteur de poitrine)
DE : Direction de l’Environnement
EPFL : Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne
FAO : Found Alimentary Organisation
MECV : Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie
MEDEV : Ministère de l’Economie et du Développement
ONG : Organisation Non Gouvernementale
ONU : Organisation des Nations Unies
PANE : Programme d’Action National pour l’Environnement
PFNL : Produits Forestiers Non Ligneux
PNGTV : Programme National de Gestion des Terroirs Villageois
PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
PNUE : Programme des Nations Unies pour l’Environnement
RAF : Réorganisation Agraire et Foncière
R&D : Recherche et Développement
SDR : Stratégie de Développement Rural
SG : Secrétariat général
UICN : l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature
UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Education et la Culture
2iE : Institut International d’Ingénierie pour l’Eau et l’Environnement
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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REMERCIEMENTS
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INTRODUCTION
La protection des ressources naturelles est depuis quelques dizaines d’années au cœur
des débats internationaux. Depuis la conférence de Stockholm en 1972, les Etats du monde se
réunissent pour aborder ces questions lors de Sommets de la Terre. Celui de Rio de Janeiro
qui s’est tenu en 1992 et portait sur la protection de la biodiversité, est très souvent cité
comme emblème de la prise de conscience globale des menaces qui pèsent sur notre
environnement planétaire. Les grandes « inquiétudes » portent entre autres sur les
changements climatiques, l’épuisement des ressources naturelles ainsi que de la biodiversité
(R.POURTIER). Les Gouvernements des Etats ouest africains, se sont dotés d’un Cadre
juridique et institutionnel et ont lancé des Plans d’Action Nationaux pour l’Environnement
(PANE). Dans les années 90, la pression de l’opinion publique, alarmée par divers scandales
de déversement de déchets, protestant contre « les menaces des temps modernes », participa à
ce processus décisionnel de prise de mesures législatives. Le Burkina Faso, qui élaborait une
nouvelle Constitution en 1991, au moment où la communauté internationale était en pleine
réflexion sur le Développement Durable, notamment avec la préparation de la Conférence des
Nations Unies sur l’Environnement et le Développement, y a intégré pleinement la question
environnementale. (S.YEYE, 2000).
Par ailleurs, les vagues de sècheresses ayant sévi en Afrique de l’Ouest dans les
années 1970, auraient eu un impact dévastateur profond pour le pays, selon plusieurs
documents relatifs à l’environnement dans la zone, ce qui a concouru à participer à cet élan
international. L’eau et l’air ne connaissant pas de frontières, la question de la globalisation et
d’interdépendance se pose et la nécessité d’élaborer des stratégies et des consensus
internationaux s’impose. Cependant ce caractère global n’est pas adapté à toutes les
composantes des défis environnementaux. On doit aussi prendre en compte les spécificités
locales: les facteurs écologiques, économiques, sociologiques et politiques, varient dans
l’espace et dans le temps. On peut d’ores et déjà mentionner l’opposition Nord/Sud face à ces
questions. En effet, la problématique est généralement plus abordée en termes de pollution et
d’émission de gaz à effet de Serre au Nord et de lutte contre la désertification ou déforestation
au Sud.
Dans les pays pauvres encore peu urbanisés, les « populations », souvent vues comme
primitives et vivant en harmonie avec la nature, prélèvent les ressources dans les espaces
boisés autour de leurs habitats. En effet, le contexte de pauvreté dans lequel elles se trouvent,
pérennise leur dépendance à une exploitation spontanée et gratuite. La démographie galopante
engendrant des besoins croissants, on voit aujourd’hui les habitants des zones protégées
comme agents destructeurs qui ne savent pas qu’ils sont en train de détruire un patrimoine
mondial. Ces termes proches de la notion d’ingérence écologique sont cependant à nuancer.
Les nombreux travaux et études effectués, notamment anthropologiques et ethnographiques,
ont contribué à contrebalancer le jugement d’ignorance porté sur les habitants des zones
reculées, dites « non civilisées ». En effet, le Sommet de la Terre de Rio en 1992 a initié le
concept de « savoir local » au sein de la communauté internationale et généralisé la prise en
compte des connaissances et des pratiques « autochtones » dans les programmes de
développement. Face aux échecs répétés des projets « par le haut », ne tenant nul compte des
spécificités et volontés locales, on privilégiera les approches participatives, «par le bas», en
évitant au maximum le transfert de modèle et en cherchant à intégrer les connaissances et
stratégies locales dans les processus de changement. Malheureusement, cette prise de
conscience n’est pas encore généralisée parmi les agents de développement. Protection de
l’environnement et développement sont mis en relation car on peut dire qu’aujourd’hui, la
protection environnementale fait partie d’une démarche de «Développement Durable », soustendue
par les principes d’amélioration du cadre de vie des populations et de solidarité avec
les générations futures. Ce terme a été défini par l'ONU en 1987 (rapport Brundtland) comme
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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un « développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des
générations futures à répondre à leurs propres besoins. » 1 . Le développement peut être
qualifié de processus de changement social impliquant de nombreux acteurs et groupes
hétérogènes aux stratégies et intérêts multiples, dans un environnement aux contraintes tout
aussi multiples (O. DE SRADAN, 1995). La zone d’étude qui nous intéresse dans ce mémoire
est une enclave au milieu de réserves naturelles dans le Sud Est du Burkina Faso. A travers
son histoire et sa position géographique, elle illustre très bien cette complexité autour de la
gestion des ressources naturelles. Emblème de la biodiversité pour les uns et ressource multiusages
pour les autres, l’arbre se trouve à l’interface entre différentes logiques, mais
également en différents espaces de gestion : entre champs et réserves, brousse et village…
Malgré des logiques contradictoires, dépendant de problématiques internationales tout autant
que locales, l’arbre est encore intégré dans le paysage agricole façonné par les cultivateurs.
Nous poserons alors la question suivante : dans une enclave au milieu de réserves naturelles,
quelles sont les convergences et les divergences entre les logiques des cultivateurs et celles de
l’Etat dans sa démarche de préservation des ressources ligneuses Cette question se pose car
de nombreux projets de développement local impliquant la gestion des ressources forestières
ont vu le jour et nombreux sont ceux qui ont essuyé des échecs, se révélant inadaptés. Malgré
une évolution constante des politiques d’intervention, alimentées de réflexions toujours plus
constructives, de multiples incohérences persistent encore et se répercutent sur les cultivateurs
dont la qualité de vie dépend fortement des ressources ligneuses. L’un des objectif est de
démontrer qu’ils ne sont pas guidés par l’ignorance qu’on leur prête souvent, mais qu’ils font
des choix en fonction d’un ensemble de contraintes et opportunités. Nous voulons finalement
pouvoir proposer des solutions adéquates pour une gestion plus efficace des ressources, dans
la perspective d’un développement durable.
Nous partirons du mouvement d’idées international, en présentant les acteurs qui le
portent, pour comprendre comment l’Etat est influencé dans ses démarches et décisions. Cela
nous amènera à voir comment se concrétise cette démarche à travers le cadre institutionnel et
législatif national et, avec ces clés de compréhension, nous décrirons plus précisément le
contexte de notre zone d’étude. On verra en particulier que le processus de la décentralisation
tient une place importante dans l’évolution des modes de gestion des ressources naturelles.
Nous aurons alors saisi une partie des enjeux pour les différents acteurs, en particulier pour
l’Etat. La deuxième partie présentera les résultats d’un corpus d’enquêtes auprès des
cultivateurs. Il s’agit à travers l’analyse des pratiques et des représentations, de saisir qu’est ce
qui détermine les choix dans la sélection des arbres lors de l’aménagement de leurs parcelles.
Le postulat à l’origine de cette démarche a été qu’à travers une analyse sociale à l’échelle de
la parcelle, nous pouvions saisir des faits écologiques, économiques et politiques. Nous
rejoignons alors E.M'BOKOLO pour qui « il est évident que l'Afrique Noire doit se lire au
pluriel et que ses sociétés sont analysées à des niveaux microsociaux et locaux avec
prédilection pour les sciences sociales. » 2 . Mais cela va de pair avec une étude botanique :
nous nous pencherons donc avec précision sur les espèces, leur place dans les systèmes
culturaux, leur utilité et la perception qu’ont les paysans de l’évolution des peuplements.
Nous discuterons alors en troisième partie du rôle que joue l’Etat dans ces pratiques et
représentations et c’est alors qu’on abordera la question des cohérences et des incohérences
entre ses politiques d’interventions et ses choix stratégiques ainsi que des convergences et
divergences avec les intérêts des paysans. Enfin, une synthèse des intérêts, stratégies et
blocages dans la gestion des ressources ligneuses, nous permettra de proposer des scénarios
pour une gestion plus durable et respectueuse de chacun.
1 Cf. Géoconfluence Le développement durable, approche géographique, glossaire. http://geoconfluences.enslsh.fr/doc/transv/DevDur/DevdurVoc.htm
2 Cité par SITACK YOMBATINA B., 2000
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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Les aires protégées et les concessions de chasse sont régies par une pluralité de
normes officielles, locales ou internationales. Elles sont caractérisées par la diversité des
acteurs, et par une multitude de centres de pourvoir et de décisions 3 . Plusieurs mondes et donc
plusieurs visions du monde s’y côtoient. Cette première partie nous conduira à présenter les
facettes écologiques, économiques, sociales, politiques et institutionnelles du milieu pour
comprendre les différents enjeux et les logiques d’interventions. Nous commencerons par
aborder la démarche de préservation des ressources naturelles à large échelle, internationale et
nationale, en faisant un retour sur ses origines. Elle remonte en effet à l’époque coloniale,
mais la vision d’alors, quoi qu’encrée dans la mémoire collective a beaucoup évolué. Les
événements environnementaux, politiques et sociaux sont venus alimenter le mouvement de
conservation de la biodiversité en replaçant l’homme au cœur de l’écosystème. Le Burkina
Faso, directement concerné par ces préoccupations environnementales a établi une politique
nationale qui intègre pleinement ces questions. On se placera ensuite au niveau local en
décrivant le contexte spécifique de la commune de Majoari, enclave au milieu de réserves
naturelles où l’enjeu de la préservation de la biodiversité est d’importance internationale.
Dans ce chapitre, nous chercherons à montrer les acteurs de la gestion des ressources
naturelles de manière transversale. L’Etat tient un rôle clé par sa place dans l’élaboration du
cadre législatif, institutionnel et juridique. Cependant, avec le processus de décentralisation
qui opère depuis quelques années, ce rôle central de l’Etat tend justement à se transférer vers
d’autres acteurs. Nous commencerons alors à voir quelle est la place des paysans dans ce
contexte, quels sont leurs droits et interdits.
1.1 La préservation de la biodiversité dans l’espace et dans le
temps
1.1.1 Le mouvement international de conservation de la biodiversité
Les préoccupations environnementales qui sont à l’origine d’observations, réflexions
et travaux de recherche isolés, ont pris une ampleur internationale dans les années 70. C’est
lors de cette période que sont publiés mondialement les premiers ouvrages alarmistes
concernant l’environnement. Ce mouvement planétaire s’est concrétisé par l’organisation de
conférences, sommets, la déclaration de traités et la mise en place de Programmes, Comités et
Organisations. Outre les conjonctures locales de menaces climatiques et de pression
démographique, les Etats Africains fortement influencés par la communauté internationale
pour des raisons économiques et historiques, sont entraînés dans le sens du mouvement
international.
1.1.1.1 Un mouvement porteur de courants de pensée et
d’influences
Les grands sommets qui ont été mis en place vers la fin du XXº siècle, ont porté le
message d’alarme à travers les débats et l’opinion publique en permettant une prise de
conscience des menaces pesant sur l’environnement. La conférence de Stockholm de 1972 a
placé pour la première fois les questions écologiques sur la scène internationale. Depuis cette
3 J-C. NGUINGUIRI Gouvernance des aires protégées : l’importance des "normes pratiques" de régulation de
la gestion locale pour la faisabilité des réformes dans le Bassin du Congo ;;
http://apad.revues.org/document3563.html#tocto2
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Conférence des Nations Unies pour l’environnement, des Sommets de la Terre se tiennent
tous les dix afin de remettre ces questions au cœur des débats. Ce sommet a donné naissance
au Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). La Déclaration finale de la
Conférence des Nations Unies 4 sur l'environnement proclame la nécessité d’adopter des
politiques communes « en vue de préserver et d'améliorer l'environnement ». Elle stipule que
« la protection de l'environnement correspond au vœu ardent des peuples du monde entier, et
constitue un devoir pour tous ».
Vingt ans après cette conférence, celle de Rio de Janeiro a marqué l’histoire par son
succès. Ce sommet a permis la médiatisation et donc la diffusion à travers toute la
communauté internationale de la notion de développement durable. Les conventions
suivantes, dont le Burkina Faso est signataire, en sont issues :
- Convention des Nations Unies sur la diversité biologique (UNCDB),
- Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC),
- Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD)
Cette conférence a aussi permis la mis en place des instruments de développement
durable appelés « Agenda 21 », à travers lesquels les acteurs du développement doivent
appuyer les Etats pour la définition et l’atteinte de leurs objectifs.
Parmi les organismes de coopération multilatérale oeuvrant dans le domaine de la
protection de l’environnement, ceux des Nations Unies sont multiples et dispersés. On peut
citer les programmes suivants :
- Le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE)
- Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), qui doit
contribuer à l’atteinte des objectifs de l’agenda 21 du Burkina Faso
- L’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), ayant
par exemple préparé et organisé de nombreux projets forestiers depuis quelques
dizaines d’années.
- L’Organisation des Nations Unies pour l’Education et la Culture (UNESCO) qui
classe notamment des aires protégées au « patrimoine mondial, culturel et
naturel ».
Ces grands organismes définissent les axes et lignes directrices à suivre dans le monde
entier. Par exemple, sur le site du PNUE on peut lire le verbe « devoir » à plusieurs reprises et
« responsabilités » dans la Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur
l'environnement :
« Dans les pays en voie de développement, la plupart des problèmes de
l'environnement sont causés par le sous-développement. En conséquence, les pays en voie de
développement doivent orienter leurs efforts vers le développement, en tenant compte de leurs
priorités et de la nécessité de préserver et d'améliorer l'environnement.
Une coopération internationale n'est pas moins nécessaire pour réunir les ressources
nécessaires afin d'aider les pays en voie de développement à s'acquitter de leurs
responsabilités dans ce domaine. La Conférence demande aux gouvernements et aux peuples
d'unir leurs efforts pour préserver et améliorer l'environnement, dans l'intérêt des peuples et
des générations futures. »
4 Site du PNUE, Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement
http://www.unep.org/Documents.Multilingual/Default.aspDocumentID=97&ArticleID=1503&l=fr
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 12 -

Pour commenter ces derniers exemples, on se risquera à dire que ce qui est diffusé par
les organismes internationaux à travers le monde, semble évoquer une sémantique
philosophique, voire religieuse, occidentale.
1.1.1.2 Regard international sur l’environnement en Afrique
L’histoire de la protection environnementale en Afrique remonte à la période de la
colonisation. Les administrateurs coloniaux voulurent mettre en défens des terres qui à priori
n’appartenaient à personne, afin entre autres de se créer « des réserves et des sanctuaires
uniquement consacrés à leur propre usage » 5 . On peut citer les propos du Gouverneur Général
de l'Afrique Occidentale Française, dans sa circulaire du 1er février 1933 "J'ai envisagé
comme moyen efficace d'empêcher une trop grande déforestation du pays de créer un vaste
domaine forestier classé dégagé de l'inconsistance des terres vacantes et sans maître, bien
constitué en droit, définitivement assis en superficie et spécialement protégé" 6 . Les quelques
habitants furent chassés et toute introduction fut interdite dans ces réserves. Depuis cette
époque, les forêts bénéficient d’un statut juridique et sont définies selon une conception
européenne, bien que depuis le départ des colonisateurs, elles aient été reprises par les Etats
ou bien confiées à des privés. Les gardes forestiers nationaux ont taché de faire respecter le
maintien des interdictions par la force, mais cela a généré davantage de frustrations:
braconnage et introductions frauduleuse ont perduré.
Le regard actuel sur l’environnement dans les pays africains est toujours empreint du
regard qui fut celui des colonisateurs européens selon R. POURTIER (2006): une Afrique
sauvage, vide d’hommes donc non domestiquée, sans histoire donc emblème d’un état
primitif et naturel à mettre en vitrine, à préserver à tout prix des méfaits de l’homme. Cette
vision paraît non seulement ancrée dans les esprits européens mais également dans ceux des
générations d’africains héritiers de ce passé colonial. Un étudiant a écrit dans sa thèse que
« l’homme demeure le facteur prépondérant de la dégradation accélérée des écosystèmes » en
citant 3 autres auteurs. C’est la démographie « galopante » et le défrichement accéléré qui
s’ensuit, les besoins grandissants en ressources énergétiques et en ressources naturelles qui
sont communément placés en premiers responsables, « L’idée de protection de la nature et des
ressources biologiques s’impose (RAPAC, 2007) ». Cette logique malthusienne selon laquelle
le lien entre croissance démographique et dégradation de l’environnement serait simple, a
fortement influencé l’opinion publique et les décideurs. Elle a pourtant été déconstruite. En
effet dès les années 60, le théoricien Boserup lança l’idée opposée selon laquelle « la
croissance démographique est un aiguillon qui va forcer l’adoption d’un nouveau système
agraire plus performant » (B.GASTINEAU et F.SANDRON, 2006). Progressivement, une
vision plus complexe des problèmes environnementaux apparaît. D’autres facteurs d’ordre
politiques, économiques et sociaux rentrent en jeu et sont d’ailleurs parfois plus pertinents à
prendre en compte, tel que le démontrent B.GASTINEAU et F.SANDRON dans leur analyse
sur le lien entre démographie et environnement à Madagascar.
Parallèlement à la mise en question de l’humanité par rapport à la dégradation des
ressources, on commence vers les années 90 à revendiquer la place de l’homme dans
l’écosystème et sa légitimité à exploiter les ressources de façon rationnelle. La notion de
« savoirs locaux » est introduite dans les documents législatifs cadres, avec à leur tête la
constitution de 1991. Une étudiante burkinabé cite dans sa présentation orale sur la gestion
des forêts classées périurbaines, la réflexion d’un dénommé Gow : « La conservation tout
5 A.Rougier , « Du terrain de chasse du colon à la gestion raisonnée de l'environnement par les villageois »
article publié le 4 mai 2010, sur RFI
6 Monographie de la législation environnementale au Burkina Faso
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 13 -

compte fait a un caractère éminemment social […] elle doit répondre aux besoins des pauvres
et des défavorisés qui, paradoxalement, sont les plus proches des richesses biologiques de la
terre » 7 .
1.1.2 Les acteurs de la gestion des ressources naturelles au Burkina Faso
Le mouvement international se répercute à l’échelle nationale, notamment à travers les
acteurs qui influencent les politiques et les programmes d’action.
1.1.2.1 Rôle des partenariats et bailleurs de fonds
Les organismes qui financent les projets et donc entre autres les programmes d’actions
environnementales, ont une importance capitale dans les prises de décisions. En effet, ce sont
eux qui disposent des moyens de mise en œuvre, donc ils ont le pouvoir de définir les
objectifs et d’orienter les actions. C’est en tout cas un des objectifs que de plaire à ces
organismes pour déclancher ou pérenniser une source de financements. Les organismes déjà
cités, la Banque Mondiale, le Fond Monétaire pour l’Environnement, la Commission
Européenne ainsi que de multiples coopérations bilatérales (avec les pays de l’Europe, la
Chine et le Japon), sont d’importants bailleurs de fonds.
Un article, disponible sur le site des Nations Unies 8 , nous indique l’ampleur de l’aide
internationale à l’échelle du Burkina. Le montant de l’assistance globale serait en effet estimé
à quelque 410 millions de dollars US et la dette extérieure à plus de 2000% du PIB en 1997.
C’est dire le poids de la communauté internationale dans la prise de décisions et orientations
politique. Le Burkina a intégré dans sa stratégie de financement, des « tables rondes » avec les
bailleurs de fond.
Concernant le secteur forestier, « les financements les plus importants sont allés à
l’aménagement des forêts naturelles à travers le concours de partenaires notamment le PNUD,
l’Union Européenne, la Banque Mondiale et de l’Allemagne. » (K. OUEGRAOGO, MECV,
2001). C’est notamment à partir de la « table ronde des bailleurs de fonds sur
l’environnement, tenue en janvier 1994 » que le Burkina Faso a obtenu ces financements.
1.1.2.2 La coopération décentralisée
Il s’agit d’un mode d’échanges et d’entraide bilatéraux. La coopération française par
exemple, veut renforcer et moderniser sa coopération décentralisée. Le rôle des collectivités
territoriales est mis en avant en tant que politiques volontaires et autonomes, capables
d’établir des partenariats stratégiques propres à favoriser le développement économique local.
Parallèlement au processus de décentralisation en cours, la France mise sur la délégation de
ses tâches pour la mission de développement qu’elle s’attribue, notamment vers une de ses
zones de prédilection qu’est l’Afrique francophone.
1.1.2.3 Les ONG
Il existe une multitude d’Organisations Non Gouvernementales au Burkina Faso, des
plus petites associations burkinabés aux grandes organisations internationales comme
7 P. Ouédraogo: Vers une nouvelle vision de gestion des forêts classées périurbaines par l’intégration des
pratiques agroforestières au Burkina Faso.
8 Aspects économiques du développement durable au Burkina Faso, 2001
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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l’UICN, tant et si bien qu’un des enjeux pour le développement est de coordonner leurs
actions. Elles oeuvrent dans de nombreux domaines, dont ceux qui touchent à la gestion des
ressources forestières. Elles apportent leurs propres moyens, techniques et vision à travers
leurs actions. Elles jouent un rôle dans l’éducation environnementale et peuvent émettre des
propositions, influençant les décisions en matière de gestion des ressources naturelles « tant
qu’elles vont dans le sens des politiques nationales » (K. OUEGRAOGO, MECV, 2001).
1.1.2.4 Les opérateurs privés
Le rôle du secteur privé prend son importance dans la gestion des ressources naturelles
lorsque l’état s’en désengage. C’est le cas des concessions de chasse par exemple. Les
exploitants, commerçants et bureaux d’études, en apportant leurs moyens financiers et
techniques à des fins lucratives, contribuent au développement des capacités et de l’emploi
dans le domaine de l’environnement.
1.1.2.5 Rôle du milieu universitaire et de l’éducation
environnementale.
L’importance de faire le lien entre la Recherche et le développement est aujourd’hui
communément admise. Le gouvernement burkinabé en fait officiellement cas dans son Plan
Stratégique de la Recherche Scientifique, lancé en 1995. Ce qui est appelé « recherche
action » suppose de coordonner les programmes de recherche en les orientant vers les besoins
identifiés pour le développement. La structure de coordination entre les différents acteurs
impliqués, est le Centre National de Recherche Scientifique et Technique. Cette stratégie
serait un levier intéressant pour pallier au manque de moyens, de méthode et de coordination
dans la collecte des données nécessaires à la prise de décision en matière de gestion. La
recherche en foresterie vise particulièrement l'amélioration de la production, la valorisation
des produits et la protection des ressources. Les chercheurs vont « considérer les
préoccupations de protection et de régénération des ressources ligneuses, la satisfaction des
besoins en produits forestiers et l'accroissement de la production. » (K. OUEDRAOGO,
2001). Mieux connaître l’écosystème afin d’éclairer la gestion à des fins économiques et
sociales, l’enjeu est de taille : « La création de bases de données exigera, de la part des
chercheurs une grande rigueur méthodologique dans la collecte, l’analyse et le traitement de
toutes les données pertinentes » 9 . Si l’Etat ne s’investit pas dans la recherche, ce sont les
organismes externes qui les financent et donc qui les orientent.
L’éducation environnementale qui est aussi issue d’un mouvement international, fait
l’objet d’une politique formelle depuis une vingtaine d’années. Les programmes et les projets
sont portés par le gouvernement ainsi que par les ONG. Cette éducation est censée jeter les
bases d’un développement viable de la société dans la conscience des plus jeunes qui seront
porteurs de valeurs dans le futur mais aussi dans le présent, auprès de leurs parents. Nous
pouvons ici évoquer l’école qui joue un grand rôle dans la structure du milieu rural et le lien
qui peut s’établir entre les professeurs et les forestiers dans les programmes de reforestation
par exemple. Ce sont des structures où il est plus facile de sensibiliser et de mettre en œuvre
des actions de plantation communautaires et organisées à petite échelle.
9 N. DIAYE « Chercheurs et décideurs d’Afrique Quelles synergies pour le développement »
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 15 -

1.1.3 La gestion des ressources forestières au Burkina Faso : histoire et
enjeux
Le contexte international et les grands débats sur l’environnement ont fortement
influencé la politique environnementale de Burkina Faso. Nous allons maintenant voir que les
enjeux ne sont pas seulement d’ordre politique, mais aussi économique, écologique et social.
Concernant les paramètres climatiques, les grandes vagues de sècheresses ont eu un impact
d’envergure à l’échelle régionale. On verra d’autres facteurs d’influence à travers un bref
historique de la politique de gestion des ressources forestières, puis en évoquant l’importance
du secteur rural dans l’économie nationale ainsi que les enjeux du secteur forestier.
1.1.3.1 L’environnement d’Afrique de l’Ouest menacé par un
déficit pluviométrique général
Plusieurs auteurs, dans leurs travaux sur la zone d’Afrique de l’Ouest, parlent d’une
tendance à la baisse de la pluviométrie, qui en présentant des diagrammes pluviométriques et
de température, qui en parlant du décalage des isohyètes. Un rapport pour le CIEH
(ALBERGEL, 1986), conclue que la période de sécheresse persistante depuis 1969 au
Burkina Faso se caractérise par sa durée et son ampleur. Il y a une diminution du total des
pluies journalières supérieures à 40mm, mais pas d’incidence sur les évènements
pluviométriques forts de fréquence décennale ou inférieures qui sembleraient être
« indépendants de la pluviométrie annuelle ». Ce déficit pluviométrique favorise la
diminution de la capacité d’infiltration du sol par la dégradation du couvert végétal ainsi que
la formation de croûtes imperméables. Par conséquent les stocks hydriques du sol et de la
nappe souterraine sont impactés négativement. Sur la période 1960 à 1990, les isohyètes
auraient reculé de 100mm au Nord et 200mm au Sud (MEDEV, 1999).
Dans sa « Monographie sur la législation environnementale au Burkina Faso », l’auteur
atteste que les sècheresses ont causé la modification du milieu naturel et la désertification sur
l’ensemble des terres à des degrés variables. Selon lui « les zones les plus touchées sont celles
ou la pression agro-démographique est la plus forte et où la pluviométrie est la plus faible et
la plus aléatoire. ». On juge que baisse de pluviométrie menace d’autant plus les écosystèmes
forestiers que la population augmente, les soumettant à des prélèvements croissants de
produits forestiers, à l’extension de la défriche brûlis, au surpâturage...
Les rapports nationaux du Burkina sont l’exemple que les liaisons simples entre
démographie et environnement sont encore trop rapidement établies. En effet, les difficultés
climatiques que le pays subit sont couplées à des aspects sociaux et économiques de la
démographie. Par exemple, MARCHAL remarquait en 1986 dans le Nord du pays, une
augmentation bien supérieure des surfaces cultivées proportionnellement à l’augmentation de
la population. Cette tendance à l’extensification serait due à une atomisation des cellules de
production concomitante à une individualisation des systèmes de production et les doyens des
quartiers villageois responsables de la gestion des ressources naturelles seraient de moins en
moins écoutés. Ces problèmes qui touchent en premier les régions les plus sèches et donc le
Sahel avant la zone soudanienne, se déplacent progressivement vers le Sud. Que ce soient les
éleveurs ou les cultivateurs, ils sont poussés à migrer temporairement ou de façon permanente
vers les zones plus humides. Bien des auteurs ont démontré que les problèmes de dégradation
environnementale sont éminemment liés à des choix politiques. Dans le cas du Burkina Faso,
les politiques de gestion des ressources naturelles sont citées par la FAO dans un document
sur l’approche participative, comme un des facteurs clés dans le processus de dégradation des
écosystèmes et de précarisation du milieu rural. Il incrimine notamment « la non-prise en
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 16 -

compte de l'ensemble des facteurs en jeu et de l'interaction entre les différents secteurs
agriculture/élevage/forêt ».
1.1.3.2 L’importance du secteur rural dans l’économie nationale
Rappelons que le Burkina Faso est aujourd’hui un pays classé parmi les derniers, tant
sur le plan économique que sur le plan du développement humain. En effet, son Produit
National Brut par habitants le classe 200 ème sur 227 pays au rang mondial 10 tandis que l’Indice
de Développement Humain qu’on lui attribue le renvoie à l’avant dernière place du
classement mondial 11 . Le secteur agricole contribue à environ 40%, au Produit Intérieur Brut
(PIB), dont 3% pour le secteur forestier, et occupe 86% de la population active. Il est
considéré comme « une des principales sources de croissance du pays » (T.-J. AKOSSONGO,
MECV, 2004). Rappelons également que la stratégie économique du Burkina est basée sur
l’exportation du coton, dont les cours mondiaux ne cessent de chuter.
La priorité du gouvernement selon les documents officiels sur le thème de la gestion
des ressources forestières, est de concilier la préservation du potentiel productif des
ressources renouvelables, notamment par la lutte contre la désertification, et l’objectif
d’autosuffisance alimentaire pour les populations dont la pauvreté s’accroît, « malgré les
efforts déployés par le Gouvernement avec l’appui des partenaires au développement. »
(K.Ouédraogo, FOSA, 2001).
Le secteur rural est en effet pleinement
impliqué dans la stratégie de lutte contre la
pauvreté car il est la base de l’alimentation et
des activités rémunératrices pour la majorité de
la population : la Commission sectorielle
chargée du développement rural et de la
sécurité alimentaire est l’une des six
Commissions affectée au cadre stratégique de
lutte contre la pauvreté (CLSP). Le secteur
forestier est, quant à lui, au travers de la gestion
des ressources naturelles, entre concurrences et
synergies, comme nous pourrons le voir tout au
long de ce travail.
Figure 1: Paysans battant le mil ; C.BORDES, nov. 2009
1.1.3.3 Histoire des politiques nationales de gestion des
ressources forestières
Au Burkina comme dans l’Afrique occidentale, la protection de l’environnement a été
prise en main dès la période de la colonisation en Afrique de l’Ouest. Jusque dans les années
70, les forêts étaient systématiquement classées et protégées, selon le principe de base que la
« nature avait les moyens de s’autoréguler ». Cette philosophie coloniale, a alors été mise à
mal par les difficultés climatiques et l’augmentation démographique : les grandes vagues de
sècheresse ainsi que le mouvement international entraînant, ont amené le Burkina Faso à se
structurer.
Suite aux difficultés rencontrées pendant cette période et face aux pénuries de bois de
chauffe, l’Etat lança un programme de grandes plantations industrielles, remplaçant les
10 www.worldafricabusiness.com
11 Encyclopédie Wikipédia [en ligne]
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 17 -

formations naturelles par des espèces à croissance rapide, en particulier l’emblématique
Eucalyptus. Ces actions, qui visaient également à restaurer le couvert forestier, ont pris la
tournure d’une politique de lutte contre la désertification et se sont couplées à des actions de
restauration des sols, avec l’appui du CILSS. Malheureusement ce fut non seulement au
« détriment des espèces locales moins productives et de la diversité biologique des formations
naturelles » 12 mais aussi au détriment des populations rurales qui n’avaient aucun intérêt à
participer aux opérations, si ce n’est le paiement en nature ou en espèces monnayant leur main
d’œuvre. On utilisait en effet leurs terres à vocation agricole pour installer des monocultures
sans tenir compte de leurs modes d’exploitation, et pour produire du bois destiné à alimenter
les villes. Les montants colossaux engagés dans ces actions n’ont donc pas été suivis de
soutien ni d’entretien par les populations locales et les bailleurs de fonds, constatant les
échecs, ont retiré leurs financements. D’après le rapport de la FAO cité plus haut, la pauvreté
et la précarité de la population a eu tendance à s’accélérer à cette période. L’Etat dû renoncer
et repenser sa stratégie.
• Les premiers programmes initialement appelés « Bois de Village » furent lancés en
1978. Il s’agissait de former et responsabiliser les paysans ainsi que les agents d’encadrement
à travers des actions de plantation et notamment d’agroforesterie pour d’une part répondre
aux objectifs de conservation des sols et d’autre part pallier le manque national de bois de
chauffe.
• La politique forestière nationale démarre avec le lancement en 1981 de la Politique
d’Aménagement des Forêts Classées. Poursuivant dans l’effort de lutte contre la
désertification, l’Etat lança en 1985 le Plan National de Lutte Contre la Désertification et la
politique des « trois luttes » (contre la coupe abusive de bois, la divagation des animaux et les
feux de brousse).
• En 1989 fut lancé le Plan d’Action Forestier National au Burkina Faso (PAFN-BF),
finalisé en 1991. Cette année-là, plusieurs autres programmes ont été initiés et un fond
forestier National a été créé.
• En 1992, suite à la conférence de Rio, a été adoptée « l’approche terroir » au travers du
PANE qui intègre le PNGTV. Parmi les six engagements nationaux pris par le gouvernement
en 1994, celui de lutter contre la désertification et de protéger l’environnement a été repris.
• En 1993 a été lancé un programme d’évaluation du sous-secteur des énergies
traditionnelles qui a abouti en 1995 et 96 à un programme d’Investissement comprenant huit
projets dont l’aménagement participatif des forêts et l’inventaire forestier national. Cela s’est
traduit notamment par de vastes campagnes de reboisement.
• Un Plan d’Action National de Lutte Contre la Désertification a été lancé en 2000.
1.1.3.4 Les enjeux du secteur forestier aujourd’hui
Le secteur forestier est pris entre l’enjeu économique que représentent les forêts et
celui de la protection des ressources naturelles. En effet, le bois, apporte 90% de la
satisfaction des besoins en énergies pour les ménages. Trois principes majeurs doivent guider
le processus d’aménagement durable des forêts selon T.-J. AKOSSONGO :
- La participation des populations locales : les projets les incitent à s’organiser en
groupements pour prendre en main la gestion de leurs forêts. De nombreux Groupements
Villageois de Gestion Forestière (GGF) ont ainsi été créés.
- L’autofinancement de la gestion forestière, pour prévenir entre autres les difficultés dues aux
phénomènes de retrait des financements déjà rencontrés.
12 - FAO, Approche participative, communication et gestion des ressources forestières en Afrique
sahélienne: Bilan et perspectives ; Département du développement durable, 1995
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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- L’application d’une sylviculture tenant compte de la dynamique des formations forestières et
des impératifs socio-économiques.
Les Fonds d’aménagement forestier au Burkina Faso, créés pour la première fois en
1987, contribuent aujourd’hui à la gestion des ressources naturelles au Burkina Faso, de
même que les Fonds d’Investissement Villageois.
Les tentatives de l’Etat de mener des actions participatives se sont soldées par des
réussites mais aussi par des échecs. Le défi est donc d’en tirer les leçons. Mais on ne prend
pas encore assez en compte les pratiques, savoirs et intérêts des populations ni la diversité des
milieux écologiques et sociaux, sans doute par manque de connaissances et de capacité à
récolter ainsi qu’à traiter des données statistiques et scientifiques exhaustives et fiables. Le
poids économique du secteur reste difficile à établir par manque de coordination des
méthodes de collectes, notamment pour ce qui concerne la part d’auto-approvisionnement des
ménages.
1.1.4 La région de l’Est au cœur de l’enjeu de la biodiversité
Le vaste réseau transfrontalier d’aires protégées qui se trouve à l’Est du Burkina Faso,
est au cœur d’enjeux multiples au niveau national, international et local.
1.1.4.1 Ampleur et importance des aires protégées de la région
Le grand complexe écologique WAP (Parc du W, Arly, Pendjari ) qui chevauche les
trois pays, le Burkina Faso, le Niger et le Bénin, est classé au patrimoine mondial de
l’UNESCO, il est le plus grand d’Afrique de l’Ouest. Il y a là un enjeu stratégique en matière
de valorisation de la biodiversité au travers du tourisme et de la chasse, ainsi que pour la
préservation de la biodiversité en Afrique de l’Ouest (Hartley et al., 2007 13 ). Cette continuité
est un atout pour la conservation des espèces qui souffrent d’un morcellement du aux
pressions anthropiques et aggravé par le réchauffement climatique. Au plan national, ce
complexe représente 26% de l’espace protégé au Burkina Faso Selon O.Ouedraoago. Il ajoute
que « les aires protégées dont les objectifs prennent précisément en compte, à la fois la
préservation des espèces ou paysages menacés et la protection des écosystèmes naturels
(CDB, 1992), constituent incontestablement les meilleurs sites pour la conservation in situ ».
Le parc d’Arly, plus précisément, serait une des plus emblématiques aires de conservation du
pays et bénéficierait d’une diversité écosystémique favorable à la conservation d’un grand
nombre d’espèces. La réserve de la Pendjari fut classée biosphère en 1986 et le parc du W
patrimoine national par l’UNESCO. Cette dernière fut classée Ramsar en 1987 (Convention
sur les zones humides d'importance internationale), tandis que la Pendjari l’a été récemment
en 2007. Sur la carte ci-dessous, on peut observer la continuité de ces aires protégées sur les
trois états : Niger, Bénin et Burkina Faso. On peut également observer en violet, l’enclave de
la commune de Madjoari, qui prend sa place au milieu des réserves de chasse et totales. Le
parc d’Arly, particulièrement proche de l’enclave de Madjoari, comme on peut le voire sur
cette carte, contribuerait à la préservation de plus de 31,24 % de la phytodiversité du Burkina
Faso (O. OUEDRAOGO, 2009).
13
Cité par O. OUEDRAOGO 2009 dans sa thèse sur le parc National d’Arly
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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Figure 2 Carte schématique de la zone de réserves transfrontalières Ouest africaine ;
A.Rougier/RFI, 2010
1.1.4.2 Les formations végétales : conservation de la flore in situ
Selon un rapport pour la FAO 14 , la déforestation annuelle au Burkina Faso est de
40’000 à 60’000 ha, tandis que la reforestation annuelle est de 1100 ha. Il précise que les
nouvelles superficies défrichées chaque année aux dépens des forêts naturelles se situent
principalement dans le Sud, le Sud-Ouest et l’Est du pays. On pourrait conduire à l’année
2020 à une réduction des superficies forestières d’environ 3 000 000 ha. À l’échelle régionale,
la surface couverte en végétation ligneuse aurait diminué de 6,4% par an de 1992 à 2002
selon l’Institut Géographique du Burkina Faso, bien que la mise sous protection de près de
15% du territoire tende à masquer le phénomène (C. RENAUDIN, 2009). L’enjeu de la
protection de la flore semble donc conséquent.
Les formations végétales de la région de l’Est ont fait l’objet de plusieurs études de la
part des universitaires de Ouagadougou. On rencontre le plus souvent des savanes arbustives
et arborées dominées par des Combrétacées. La chaîne de montagne du Gobnangou traversant
la commune de Madjoari de part en part, est un écosystème particulier. Il s’y développe une
diversité de groupements végétaux de forêts sèches et savanes arbustives (O. OUEDRAOGO,
2009). Thiombiano cite les espèces indicatrices des aptitudes culturales des sols. Les
formations à Terminalia avicenniodides colonisent les sols prisés par les agriculteurs tandis
que les Combretacées envahissent les jachères aux sols squelettiques. Ces caractéristiques
dues à « des facteurs environnementaux tels que la nature physico-chimiques des sols, la
géomorphologie », le sont aussi aux pratiques anthropiques (cueillette, feux, agropastoralisme…)
(O. OUEDRAOGO). Les espaces protégés où cet impact est moindre, sont
convoités par les hommes pour leur richesse en biodiversité et l’abondance des sols à bonne
aptitude culturale.
14 K.OUDRAOGO, FOSA, 2001
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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1.1.4.3 Richesse de la faune : retombées économiques et dégâts
collatéraux.
Conjointement à la richesse des ressources végétales, la faune sauvage est
particulièrement abondante et diverse dans ce vaste espace protégé. En effet, on y rencontre
les grands mammifères d'Afrique de l'Ouest dont l'éléphant, le lion, le buffle, le bubale,
l'hippopotame, l'hippotrague, ainsi que le petit gibier comme l'ourébi, le phacochère et le
céphalophe, etc., sans oublier la grande diversité d’oiseaux et d’insectes jouant eux aussi leur
rôle dans l’écosystème. La commune est encerclée de réserves partielles et totales de Faune.
Deux concessions de chasse couvrent respectivement 64 608 ha (Komkombouri) et 49 526 ha
(Pama-sud). La première est située à la lisière de la commune de Madjoari. Elles sont un
énorme atout pour le tourisme de chasse et de vision, qui rapporte d’importants revenus à
l’Etat, aux concessionnaires mais aussi aux collectivités locales. En effet, l’activité
cynégétique occasionne d’importantes retombées économiques, notamment par la perception
des taxes sur les chasseurs, qui sont destinées à la collectivité pour l’investissement dans les
projets de développement socio-économique. Mais il semblerait qu’une partie soit saisie par
l’administration forestière, et que globalement le prélèvement des taxes soit encore assez mal
géré. Pourtant les auteurs de la Monographie de Madjoari, placent les retombées économiques
de la chasse au premier rang des potentialités de développement. Les droits des villageois se
rapportant à la chasse, sont limités malgré une demande importante des produits et sousproduits
de la faune. Malgré ces retombées économiques, les réserves ne semblent pas
toujours perçues comme un bienfait par les populations. On parlera plus en détail des
frustrations consécutives aux réglementations et interdictions, mais évoquons simplement un
sujet commun aux milieux anthropiques dans les réserves du monde: les dégâts causés par la
faune sauvage. Les éléphants en particulier qui font partie des animaux protégés par la
réglementation internationale sont aujourd’hui les auteurs de lourdes pertes pour les paysans.
1.1.4.4 Le prélèvement des ressources ligneuses
Les ressources forestières sont aussi et surtout un enjeux pour les populations qui vivent
à leur contact et dont la faiblesse des revenus monétaires participe à les maintenir dans une
logique de prélèvements dans l’espace de vie (du village aux champs les plus éloignés,
jusqu’à la brousse lointaine dans les limites du légalement et du physiquement possible). Elles
garantissent en effet l’alimentation, la santé, l’habitat, l’ombrage, l’outillage, la cohésion
socio-culturelle (cérémonies, échanges, dons, etc.)… Ils sont cependant légalement limités
aux usages domestiques, du fait du statut particulier de la zone. Selon un ouvrage sur les
forêts sèches d’Afrique 15 , le prélèvement de ressources ligneuses et non ligneuses contribue
souvent à plus du quart des revenus en milieu rural et atténuent de beaucoup l’effet des
sécheresses et des pénuries. La vente de divers produits sur les marchés locaux contribue
amplement à la monétarisation de l’économie rurale.
Le facteur pauvreté rentre en compte dans la problématique de gestion des ressources
naturelles : il réduit les alternatives de gestion par la dépendance aux produits accessibles et
peu chers. Mais encore une fois il n’est pas à prendre isolément.
Le mouvement international pour la protection de l’environnement ainsi que les
bouleversements climatiques couplés à la pression anthropique ont joué un grand rôle dans les
orientations politiques environnementales du Burkina Faso. Cette influence est diffusée à
travers les multiples acteurs qui entrent en jeu dans la gestion des ressources naturelles, et
15 Cité dans K.Adjonou, R.Bellefontaine, K.Kokou, Les forêts claires du Parc national Oti-Kéran au Nord-Togo
: structure, dynamique et impacts des modifications climatiques récentes Sècheresse 2009 ;
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 21 -

notamment les bailleurs de fonds qui, par le financement qu’ils procurent, peuvent orienter les
décisions. Aux vues des difficultés liées à la régression du couvert forestier, à
l’appauvrissement des sols, à la paupérisation des populations rurales et aux changements
climatiques globaux, l’enjeu de l’aménagement durable des forêts est de taille. Il l’est d’autant
plus au niveau du vaste réseau d’aires protégées de la région Est, qui renferme un riche
patrimoine de diversité biologique. Cependant, les politiques de gestion des ressources ont
traversé et traversent encore bien des échecs. L’inadéquation avec les logiques propres aux
milieux d’interventions en est une des raisons. On peut la relier à une certaine
méconnaissance due au manque de moyens techniques, économiques et méthodologiques
pour la collecte de données, et l’Etat semble encourager le milieu universitaire à jouer son
rôle dans cette problématique. Mais nous allons voir que le cadre institutionnel et législatif est
aussi déterminant dans la pertinence et l’efficacité de la gestion des ressources forestières.
1.2 Gestion du foncier et des ressources naturelles au Burkina
Faso: quel cadre institutionnel et législatif
Le Burkina Faso a fait une large place à l’environnement dans l’élaboration des textes
législatifs, à commencer par la Constitution. Les ressources naturelles sont reconnues comme
un patrimoine national et leur gestion doit être régie par des textes de loi. Elle s’exécute à
travers le cadre institutionnel mis en place et nous allons voir que celui-ci est assez complexe,
ce qui rend la coordination des actions difficile.
1.2.1 Législation pour la gestion des ressources naturelles
1.2.1.1 L’environnement, un principe constitutionnel.
L’élaboration de la Constitution du 2 juin 1991 s’est opérée dans un contexte
particulier de prise de conscience internationale pour la protection de l’environnement et de
difficultés climatiques dans toute l’Afrique de l’Est. Le Burkina Faso a donc accompagné ce
mouvement en élevant tout particulièrement la priorité de l’environnement comme principe
fondamental. Ce texte jette les bases de la législation et de la réglementation dans ce domaine
en abordant la question de la répartition des compétences. La consécration de la terre comme
propriété légitime de l’Etat, cela est confirmé par l’article 4 de la RAF, se fait « au détriment
des communautés de base ». Il est alors en charge « d’aménager le territoire national de
manière à préserver ou constituer des zones biologiquement équilibrées » tout en promouvant
« l'exploitation rationnelle et durable des ressources naturelles ». Les individus à qui l’on
accorde le droit de prendre part « aux processus décisionnels » concernant la gestion de leur
environnement, sont censés de leur côté, assurer sa protection.
La juxtaposition des différentes formes de droits fonciers entre droit moderne et droit
coutumier notamment, est un sujet de réflexion important en Afrique de l’Ouest. Aussi,
d’après la Monographie sur la législation environnementale, la Constitution donnerait des
opportunités à la loi pour tenir compte des systèmes de gestion coutumiers. Ce n’était là que
les prémices de plus profondes réflexions sur l’implication des individus « à la base » dans les
procédures de gestion, nécessaires face aux constats des échecs successifs de modes d’actions
trop dirigistes et non respectueux des savoirs et pratiques locales. Déjà la Constitution du 2
juin 1991, consacrait la décentralisation comme option politique pour le Burkina Faso.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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1.2.1.2 Les corps et textes juridiques
• La Réorganisation Agraire et Foncière
La gestion des ressources naturelles est inhérente aux systèmes d’exploitation des sols
et à leur occupation. On se réfère donc en premier lieu à la Réorganisation Agraire et Foncière
(RAF) portée par la Loi n° 14/96/ADP du 24 mars 1996. Ce texte qui aurait été plusieurs fois
modifié, établirait les distinctions entre le régime des terres urbaines et rurales. Celui des
terres rurales serait resté assez flou, la gestion du terroir n’étant pas officiellement
réglementée mais soumise aux modes de gestion locaux 16 . Dans le cadre de l’application
effective de la politique de décentralisation et de la nouvelle Politique Nationale de
Sécurisation Foncière en Milieu Rural (PNSFMR), ceci devrait être clarifié. En effet, face à la
multiplicité et à la complexité des problématiques rencontrées dans ce domaine et constatant
la diversité des situations et des solutions possibles suivant les localités, le législateur en
charge de la RAF avait sans doute préféré ne pas fixer de règles communes et hâtives. Avec
davantage d’expérience et censée tirer les leçons des écueils passés, la PNSFMR se donne
pour principe essentiel la « différenciation » qui suggère que des situations variables doivent
pouvoir trouver des solutions diverses pour la sécurisation foncière 17 . À travers cette politique
qui commence à peine à se mettre en place, le développement d’institutions locales légitimes
à la base devrait être promu et accompagné par des approches innovantes. Les formes
d’organisations préexistantes devraient être prises en compte et leur diversité respectée.
• Le Code de l’Environnement
La loi n°005/97/ADP du 30 janvier 1997 portant Code de l’Environnement, aurait
donné pour la première fois au Burkina une unité législative et une orientation officielle en
matière d’environnement. Tenant compte du processus de décentralisation en cours, ce code
doit « établir les principes fondamentaux destinés à préserver l'environnement et à améliorer
le cadre de vie au Burkina Faso ». Il aborde entre autres, la question de l’éducation
environnementale et prévoit la création d’un Fond d’Intervention sur l’Environnement.
• Le Code Forestier
Directement lié à la gestion des ressources Forestière, le texte juridique auquel on doit
se référer est le Code forestier porté par la loi n°006/97/ADP du 31 janvier 1997. Il fixe
« l'ensemble des principes fondamentaux relatifs à la conservation et à la gestion des
ressources naturelles forestières, fauniques et halieutiques (article 1) ». Jusqu’alors on devait
se référer au décret colonial du 4 juillet 1995. L’approche d’alors était issue d’actions
ponctuelles et ne constituait pas un ensemble cohérent, ni respectueux des situations locales,
contrairement à ce que prétend le Code actuel. Selon l’article 2, « il vise en particulier à
établir une articulation harmonieuse entre la nécessaire protection de ces ressources et la
satisfaction des besoins économiques, culturels et sociaux de la population » et affirme
« l’approche participative » comme nouveau mode d’action.
Ce code réglemente la protection des forêts, en particulier les défrichements et feux de
brousse, ainsi que leur exploitation, domestique, industrielle et commerciale (TITRE II,
Chapitres 2 et 3). Les articles 55 et 59, stipulent que les droits d’usage traditionnels de
cueillette ou de ramassage, sont soumis à la réglementation en vigueur et ne peuvent pas faire
l’objet de commercialisation.
16 Monographie sur la Législation Environnementale au Burkina Faso
17 S. SANOU, Ph.D., La construction d’institutions locales légitimes de gestion foncière en milieu rural au
Burkina Faso, 2008
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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Les forêts naturelles se répartissent en deux domaines : le domaine classé et le
domaine protégé. Le premier couvre 14% du territoire national, concédé sous trois formes de
gestion : la gestion régie par le service forestier, la mise en concession au profit d’opérateurs
privés et la mise en concession au profit d’opérateurs communautaires.
• Le Code Pastoral
La loi n°034-2002/AN du 14 Novembre 2002 portant sur le pastoralisme concerne de
près la gestion forestière en définissant d’une part les espaces forestiers ouverts à la pâture et
d’autre part, en fixant les principes et modalités du développement durable concernant les
activités sylvopastorales et agropastorales.
• Le Code de la décentralisation
La loi N°55/AN du 21 décembre 2004 portant Code Général des Collectivités
Territoriales (CGCT) consacre la décentralisation intégrale à travers l’organisation du pays en
Collectivités Territoriales (CT) dont la Commune rurale. L’Etat délègue donc ses
responsabilités aux CT ses compétences et ressources, notamment foncières. Ce transfert doit
être progressif, suivant la capacité des collectivités à prendre en main ces responsabilités 18 . Il
consacre les Organisations de la Société Civile et Privée (OSC) au même titre que les CT
comme « cheville ouvrière de protection, de valorisation et de la gestion durable des
ressources forestières, sous l’œil attentif de l’Etat». Cela devrait leur donner les moyens
d’agir efficacement, de manière autonome mais tout de même sous surveillance et avec
l’appui des services forestiers.
• Les orientations actuelles de la loi foncière en milieu rural
Les collectivités territoriales disposent légalement d’un domaine foncier propre que leur
a cédé l’Etat. Mais les compétences de gestion et d’aménagement sont toujours partagées avec
ce dernier, en tout cas il est garant du contrôle. Les instruments proposés pour résoudre ces
questions de développement sont au nombre de trois : les Services Fonciers Ruraux (SFR) à
l’échelle rurale, les Commissions Foncières Rurales à l’échelle villageoise et enfin des
instances locales de concertation foncière, qui peuvent être créées à la demande de la
commune. Il faudra désormais se référer à la loi n° 034-2009/AN portant Régime Foncier
Rural.
1.2.2 Le paysage institutionnel national.
La complexité du paysage institutionnel, par l’existence d’une multitude de plans,
programmes et d’institutions, apparaît comme une contrainte dans la mise en œuvre de projets
de gestion des ressources forestières. Elle rend la coordination difficile, pour une gestion des
projets au niveau national.
1.2.2.1 Le cadre ministériel
Le « Ministère chargé de l'Environnement » avait été créé en 1976, 4 ans après la
conférence de Stockholm. La gestion des ressources naturelles est assez large et implique
aujourd’hui un grand nombre de départements ministériels. Le plus directement impliqués est
bien sûr le Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie. Il doit travailler en collaboration
en particulier avec celui de l’Agriculture, des Ressources Animales et de l’Administration
Territoriale. Le Conseil National pour l’Environnement et le Développement Durable
18 « Plan d’action et de mise en œuvre des réformes institutionnelles et juridiques pour la décentralisation dans
le secteur forestier ». Secrétériat Générale du MECV, Mars 2006.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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(CONEDD), chargé de la promotion de la politique et de la législation dans ce domaine, est
une administration qui lui est rattachée.
1.2.2.2 Directions générales et Directions techniques
Le ministère a sous sa tutelle trois Directions générales : La Direction Générale des
Eaux et Forêts (DGEF), Direction Générale de l’Environnement et la Direction Générale de
l’Amélioration et du Cadre de Vie. La DGEF comprend quatre Directions techniques
centrales : celle des Aménagements Forestiers, Direction de la Foresterie, Direction des Parcs
Nationaux de Réserves de Faune et Chasses, Division du Corps du Paramilitaire des Eaux et
Forêts. Il existe treize Directions Régionales et 45 Directions Provinciales dont le pouvoir se
renforce à travers le processus de décentralisation.
1.2.2.3 Autres institutions nationales
L’Ecole Nationale des Eaux et forêts (ENEF), le Centre National de Semences
Forestières (CNSF) sont des institutions également au service du secteur forestier.
1.2.3 Le secteur forestier dans le contexte de la décentralisation
Ce processus a été amorcé depuis près de 20 ans. Le principe, concernant la gestion
des ressources forestières, est de donner aux communes toutes les compétences nécessaires
pour assurer la planification ainsi que les aspects réglementaires et fiscaux qui y sont liés.
Comme le précise le document sur la décentralisation dans le secteur forestier, (SG du
MECV, 2006), cette réforme est un outil au service des communautés locales, qui avaient
bien avant cela un rôle central dans la gestion des ressources de leurs terroirs. Le Ministère
doit déléguer ses pouvoirs vers des structures déconcentrées afin d’assurer la mise en œuvre
de cette réforme et notamment vers les services techniques. Cela va du niveau régional au
niveau local, comme le montre le diagramme en annexe n°1. Il existe entre les différents
services, des relations hiérarchiques verticales, de tutelle technique ou financière, et
fonctionnelles pour les services interdépendants. Un plan d’action pour la décentralisation
dans le secteur forestier a été élaboré et rédigé en 2006 (MECV, 2006), avec pour finalité
« d’arriver, à l’horizon 2010, à rendre effectives les réformes». Les principes directeurs
s’appuient sur les ceux du CSLP et de la SDR. Malheureusement ce plan ne semble toujours
pas vraiment effectif à l’heure actuelle. Les communes rurales n’auraient été véritablement
fonctionnelles qu’en 2007 d’après S. Sanou (Ph.D., 2008).
Depuis les indépendances, l’Etat a pris le relais des colonisateurs pour la protection de
l’environnement, jouant un rôle répresseur. Mais le manque de moyens et de crédibilité d’une
politique qui ne prend pas en compte les intérêts des habitants dans les différentes localités a
montré et montre encore ses limites. Avec le processus de décentralisation, il y a un transfert
de compétences, de pouvoirs et de moyens vers les CT, ce qui favorise la proximité et donc la
légitimité des responsables dans la gestion des ressources naturelles, forestières en particulier.
Pour faire davantage prendre conscience de l’importance d’une gestion rationnelle et durable,
on cherche à responsabiliser les villageois. Ils ont ainsi davantage d’opportunités pour
revendiquer leurs intérêts et faire valoir leurs droits. Dans les faits, ce processus est long à se
mettre en place, les inerties administratives et de gouvernance restent pesantes. Ceci est
particulièrement vrai à Madjoari, qui ne bénéficie pas forcément du dynamisme national, du
fait de son isolement au milieu d’un sanctuaire de biodiversité.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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1.3 Madjoari, une commune rurale enclavée au milieu de réserves
naturelles.
Située à l’extrême sud-est du Burkina Faso, la commune de Madjoari est
géographiquement en marge du cœur de l’Etat. Enclavée entre parcs nationaux et réserves
fauniques, elle est difficilement accessible. L’activité y est donc globalement restreinte.
Pourtant, frontalière au Bénin, elle semble faire partie d’un espace de transit. On peut
supposer que malgré sa situation d’isolement géographique et économique, la zone en
question soit source d’enjeux.
1.3.1 Un contexte géographique particulier
1.3.1.1 Situation d’isolement : transports et communication
La commune rurale de Madjoari se situe dans la Région de l’Est du Burkina Faso dont
le chef-lieu est Fada N’Gourma, ville importante du pays éloignée de 430 km de la capitale,
Ouagadougou. Il faut ensuite parcourir 185km sur la nationale 18 pour atteindre Pama, cheflieu
de la province de la Kompienga dont Madjoari est l’une des trois communes. Celle-ci
compte huit village administratifs auxquels sont rattachés une douzaine de hameaux de culture
dont la création et l’occupation évoluent rapidement.
Figure 3 : Traversée de la Singou en pirogue; C.BORDES, Août 2009
Pour arriver au village de Madjoari, le chef-lieu, il faut parcourir 80 km depuis Pama,
sur une route nationale RN19, piste ensablée et dégradée. Les villageois qui ont la chance
d’avoir un vélo, les hommes principalement, peuvent pédaler trois à six heures en saison
sèche, tandis que les motos ou les véhicules à quatre roues mettront une à trois heures de
route. La Singou, principal cours d’eau du bassin versant, faisant frontière naturelle entre la
commune urbaine de Pama et celle de Madjoari, se remplit en saison des pluies. On doit la
traverser en pirogue moyennant 500FCFA par personne et par moto. Les véhicules à quatre
roues ne peuvent pas franchir cet obstacle. En cette saison d’hivernage, les habitants doivent
donc vivre en quasi-autarcie, puisque aucun camion de transport de marchandises ou de
personnes ne parvient dans les villages. Notons que seuls Tambarga et Madjoari sont reliés
par cette RN19. Pour atteindre les autres villages il faut s’aventurer sur des pistes encore plus
accidentées et traverser d’autres cours d’eau. De plus, le réseau téléphonique ne couvre les
villages les plus importants que depuis avril 2010. N’en bénéficiait auparavant que le
campement de chasse d’une concession privée, situé juste après la Singou.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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Cet isolement a pour conséquences entre autres, une grande difficulté à faire fonctionner
les services publics, privés ainsi que l’export et l’import de marchandises. L’activité sociale et
économique est donc fortement ralentie.
1.3.1.2 Une situation transfrontalière
La zone est bordée au Sud et à l'Est par la république du Bénin, dont la frontière est
matérialisée par le fleuve Pendjari. Elle est également proche du Niger et du Togo. La ville de
Nadiagou, qui se situe à la frontière du Bénin, entre les villes de Kompienga et Pama, est un
carrefour migratoire. C’est sur l’axe Pama-Nadiagou que se trouve le départ de la RN19,
conduisant à Madjoari. C’est aussi par cet axe que transitent les véhicules en partance ou en
provenance du Bénin.
Outre le fait que la zone de réserves soit transfrontalière et nécessite donc une gestion
coordonnée des parcs par trois pays, elle se situe sur un parcours de transhumance
interrégionale. La route nationale qui traverse la commune est celle empruntée par les
pasteurs Peuls allant du Niger au Bénin. Ils descendent vers le Sud pendant la saison sèche et
reviennent passer la saison sèche dans leur pays. C’est une importante source d’échanges
entre les différents acteurs qui se rencontrent. Ils peuvent favoriser la circulation des idées ou
des biens commerciaux. Le plus souvent on parlera des conflits, qui peuvent être gérés
positivement par le dialogue ou négativement dans la violence.
Figure 4: Carte schématique des pistes de transhumance et répartition agricole de l’espace dans la région
de l’Est du Burkina Faso ;
Service Allemand de Développement (DED), octobre 2006
Cette région n’est pas seulement frontalière géographiquement, elle l’est aussi une
zone de frontière climatique. Elle présente donc une grande variabilité écologique et de
pratiques agricoles et pastorales. En effet, on passe de la zone sahélienne au Nord à la zone
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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soudanienne au sud avec des pluviométries qui varient de 600 à 1000mm 19 . Selon le CSRLP 20
de l’Est, cette situation entraîne des variations pluviométriques et climatiques préjudiciables à
la production agricole. La commune de Madjoari quant à elle, se situe dans la zone sudsoudanienne
où se précipitent en moyenne 900 à 1000mm chaque année. Sur la carte cidessous,
on se situe à la limite entre le secteur soudanien Septentorial, en bleu, et le secteur
soudanien Méridonial (zone 4, District de la Pendjari).
Figure 5: Territoires phytogéographiques ; MECV, 1999
1.3.2 Une population marginalisée mais dynamique
1.3.2.1 Une faible densité amplifiée par l’exode rural
La population de la province est l’une des moins denses du territoire burkinabé. En
effet, selon la Monographie sur la législation environnementale, : « Elle varie de moins de 10
habitants au km 2 dans la province de la Kompienga (6 habitants/km) à plus de 300
habitants/km 2 dans les grandes villes (Ouagadougou, Bobo-Dioulasso). On peut noter
cependant, que la ville de Kompienga, située dans le même département que Majoari, est un
pôle important d’attraction agricole car l’état y a aménagé l’un des barrages les plus
importants pour l’alimentation hydroélectrique du pays. D’après le maire de cette ville « il y a
vingt ans, il y avait seulement quelques hameaux de culture. Aujourd’hui la population
dépasse celle de Pama», ville historiquement plus importante et située à quelques kilomètres.
Le taux d’accroissement est de 4,98% dans la région.
D’autre part, et cela est important à souligner dans ce thème de gestion des arbres
auquel la question du genre est intimement liée, les femmes sont plus nombreuses que les
hommes au Burkina Faso et plus précisément dans notre zone d’étude. Le gente féminine est
en effet représentée à quasiment 51% à Madjoari.
En milieu rural, la recherche d’emploi ou la scolarisation poussent les jeunes à émigrer
en ville, emportant avec eux leur potentiel d’activité. L’accroissement et le développement
économique des villes à proximité, accentue certainement le caractère relatif de l’isolement.
19 DED Les conflits liés à la transhumance transfrontalière entre le Niger, le Burkina Faso et le Bénin
20 Cadres Stratégiques Régionaux de Lutte Contre la Pauvreté, Ministère de l’Economie et du Développement,
2005
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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1.3.2.2 Un peuplement humain issu de brassages
La monographie de Madjoari retrace l’histoire de son peuplement. Elle a subi
plusieurs vagues d’immigration. Selon la tradition orale, les premiers occupants furent des
forgerons qui s’installèrent au pied du massif montagneux qui s’y trouve, afin d’en extraire le
fer. En gulimencema, Madjoari signifie à ce titre la “montagne des forgerons“. Cette langue
est celle des Gourmantchés qui peuplent la région de l’Est en majorité. Une famille issue de
ce peuple, celles de Thiombiano, vint ensuite y prendre sa place. Ce fut un lieu important
puisque c’est un prince cadet qui s’enfuit de la royauté familiale située au niveau de Fada
N’Gourma, aujourd’hui première ville de la région, pour aller fonder la sienne. Les
Thiombiano devenus les plus puissants occupèrent le village de Madjoari et depuis lors, ce
sont treize chefs de leur famille qui se sont succédés, quoi qu’aujourd’hui, l’héritage pose
problème. Le rang de ce village est reconnu dans la commune pour son ancienneté, les autres
ayants été créés par la suite lors de l’arrivée successive des migrants, alors que celui-ci en
accueille peu. Toujours peuplé en majorité de Thiombiano, il semble stagner par rapport à
Tambarga, situé 5km plus loin, dont la population est plus importante et plus dynamique.
Avec ses boutiques et son grand marché, c’est le principal lieu d’échanges commerciaux. Ce
village aurait bénéficié des premières infrastructures administratives provoquant la frustration
du plus ancien. Il semble en tout cas que les investissements extérieurs soient tournés en
priorité vers lui. La mairie et la préfecture, principales infrastructures administratives se
situent tout de même à Madjoari. Le tableau en annexe n°4 nous donne la répartition de la
population par villages administratifs.
Selon la même Monographie, la commune tout comme la province de la Kompienga
dans son ensemble, constitue une zone concernée par une forte migration, surtout comme
zone d'accueil. C’est une illustration du phénomène de migration du Nord au Sud, provoqué
par la recherche de terres fertiles. Dans certains villages de Madjoari, on rencontre
effectivement beaucoup de Mossi venus du plateau central (en particulier Namouyouri,
Kodjoari et Mobi, hameau de culture) pour s’installer et exploiter les terres. Ils apportent un
certain dynamisme dans les pratiques agricoles à travers leur vision liée au contexte de leurs
régions d’origine. Les pratiques de plantations agroforestières par exemple, ont certainement
été davantage prônées et appliquées dans la région du centre où les problèmes liés à la
désertification et à la perte de fertilité des sols étaient plus présents. Une forte vague
d’immigration a été enregistrée en 2000, et selon la Monographie de la commune, cette
attraction serait liée au développement de la culture du coton. L’abondance du gibier aurait
également attiré des Gourmantchés de la Tapoa. Le phénomène migratoire peut aussi être
temporaire : par exemple beaucoup de jeunes émigrent au Bénin ou au Togo à la recherche
d’un emploi.
Ces migrations ont brassé des populations venant du Burkina, Togo, Bénin et Niger.
Dans les villages, les Gourmantchés sont présents en majorité, mais on rencontre aussi des
Haoussa et Mossi. À l’extérieur des villages, on rencontre également beaucoup de Peuls
sédentarisés, vivant à l’écart afin de bénéficier de l’espace nécessaire pour élever leurs
bovins, ils sont moins présents dans les sphères de décision. Pourtant, ces éleveurs
autochtones sont pleinement impliqués dans la gestion des ressources forestières car non
seulement ils vivent et cultivent en pleine brousse mais ils sont garant du parcours de leurs
animaux en forêt et du prélèvement des ressources fourragères qui s’ensuit. On parle
beaucoup des conflits agriculteurs-éleveurs, mais il existe aussi des synergies. Les relations
entre Peuls et Gourmantchés sont anciennes et étroites, notamment en ce qui concerne la
gestion du bétail. Ces éleveurs autochtones sont un intermédiaire entre les transhumants
allochtones.
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1.3.2.3 Une situation socio-économique relativement marginale
Comme ont l’a vu, la non-praticabilité des voies de communication, limite la
circulation des biens, des personnes et des informations. La province de la Kompienga est
celle qui toucherait le moins d’appuis financiers de la part de l’Etat d’après le maire de la
commune. D’après la Monographie de la commune, ses recettes ne contribuaient qu’à 6,11%
de celles de la province, ce qui montre la faiblesse de l’activité économique.
• Les services sociaux de base
Pour ce qui est de la couverture des services sociaux, on n’en fera pas un descriptif
détaillé, mais globalement, que ce soit au niveau de la santé ou de l’éducation, ils souffrent
d’un manque de personnel qualifié. En effet, l’isolement ne permet pas une liaison régulière
avec les structures départementales, cela entraîne un faible appui et suivi-évaluation des
activités. D’autre part les fonctionnaires étant souvent des citadins, sont très peu enclins à
venir s’installer dans une des régions les plus reculées de leur pays.
Tambarga et Madjoari sont les plus avantagés en matière d’infrastructures sociales.
Tous les services techniques et administratifs y sont concentrés, mis à part les écoles,
présentes dans six des huit villages. Notons qu’un collège s’est ouvert à Madjoari en
septembre 2009 pour la rentrée des 6 èmes et 5 èmes . Chaque année, la classe supérieure s’ouvrira
pour atteindre la 3 ème . Cela donne l’opportunité aux familles défavorisées ne pouvant pas
envoyer leurs enfants en ville, de les scolariser au collège. Beaucoup d’enfants ne peuvent pas
encore communiquer couramment en français à
la sortie du cycle primaire. C’est au collège
qu’ils consolident sérieusement cette capacité.
Il faut noter une faible fréquentation des
écoles par les enfants Peuls. Cela se comprend
d’une part par leur activité d’élevage : on confie
très tôt aux jeunes garçons le gardiennage des
troupeaux ; d’autre part du fait qu’ils vivent à
l’écart du village : le tissu social et la
sensibilisation seront certainement moins
influents chez eux ; enfin leur religion
musulmane les amènerait davantage à se
tourner vers des écoles coraniques (il en existe
une de petite ampleur à Tambarga).
Figure 6: Ecolières se rendant au collège de Madjoari depuis Tambarga par la RN19 ;
E.GUICHENET, Déc. 2009
• Les infrastructures de commercialisation interne
Les marchés ruraux où s’échangent les produits de la commune sont par ordre
d’importance celui de Tambarga, où se trouvent des boutiques ouvertes en permanence ; celui
de Namouyouri, où l’on peut trouver plus facilement les denrées particulières produites par
les Mossi et celui de Madjoari, assez petit. On y vend des produits primaires locaux mais
aussi des produits manufacturés importés par ceux qui ont les moyens de transport adéquats.
• La prédominance du secteur primaire dans les activités
Mis à part les fonctionnaires, la quasi-totalité de la population vit du secteur primaire :
agriculture, élevage, chasse, cueillette et dans une moindre mesure, la pêche. L’emprise
agricole est faible et totalement pluviale, il n’existe pas de périmètres irrigués. Les paysans
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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pratiquent la défriche brûlis dans les limites du terroir qui, on pourra le voir, n’est pas
forcément contraire à la préservation de l’écosystème. L’élevage constitue une épargne sur
pied pour les familles. L’isolement de la commune est beaucoup moins limitant pour le
transport et l’écoulement de cette marchandise, que pour les denrées agricoles et la valeur
marchande du cheptel bien que modeste, était jugée bonne par les auteurs de la monographie.
Cependant malgré un effort de vaccination de la part des éleveurs, les maladies certainement
véhiculées par les mouvements de transhumance, déciment les troupeaux.
1.3.3 Réglementation et droits d’usages
Le domaine national semble bénéficier d’une protection efficace qui assure sa
conservation. Une étude menée sur le parc d’Arly (O.OUEDRAOGO, 2009), montre que
l’état de la flore est encore caractéristique d’un faible niveau de dégradation et indique une
efficacité des mesures de protection. Cela est permis par le cadre législatif.
1.3.3.1 Statut des réserves entourant Madjoari
Aires fauniques Date de classement Superficie (ha) Département
1. Réserve Partielle de faune de Pama
1955 223 700
puis 176/PRES du 13/8/70 149 000
Pama
2. Réserve Totale de Faune de Singou Arrêté 6089/SE/EF du 3/08/55 192 800 Pama/Madjori
3. Réserve Totale de faune de Madjoari Décret 175 du 13/04/70 17 000 Madjoari
4. Réserve partielle de faune d’Arly Arrêté 8885/SE/F du 12/12/54 130 000 Madjoari
Superficie totale 712 500
Tableau 1 : Situation des réserves forestières et fauniques dans la province de la Kompienga ; Source :
MAS/MDTS, 2006-2007 à partir de PNGFAP, juillet 2006.
Il faut noter l’ambiguïté de statut concernant le parc d’Arly qui est aujourd’hui
fusionnée à celle de Madjoari (suite à la réorganisation des aires protégées de 1970). Selon
O.OUEDRAOGO (2009), cette réserve partielle de faune serait en fait gérée comme un parc
national depuis 1978. Or officiellement, seulement deux réserves ont le statut de Parc
National au Burkina Faso : celui du “W“ et celui de “Kaboré Tambi“. Les textes juridiques
qui s’appliquent à sa gestion ne correspondent donc pas au système actuel de gestion et cela
causerait des difficultés quant à son classement dans la catégorie des aires protégées de
l’IUCN. L’Office National des Aires Protégées (OFINAP) du Burkina Faso gèrerait
actuellement ce parc comme une concession de tourisme et de vision nommée « Parc national
d’Arly ». Dans les parcs nationaux, seuls les services techniques sont autorisés à effectuer des
prélèvements et des aménagements. Le ramassage de bois y est strictement interdit.
Les réserves de partielles ou totales de faune de Pama, Madjoari et Singou sont quant
à elles, gérées par des concessionnaires qui exploitent la faune pour la chasse et le tourisme de
vision, conformément à un plan d’aménagement. Il s’agit des concessions de Konkombouri et
de Pama-Sud. Ainsi, la population faunistique est régulièrement recensée et régulée dans le
respect des quotas.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 31 -

1.3.3.2 L’espace de vie villageois : entre législation foncière et
droit coutumier
• Le terroir villageois
Le terroir villageois correspond au domaine communal. Les villageois peuvent
exploiter les terres à des fins agricoles. C’est donc un domaine de savanes constitué de parcs
agroforestiers où l’occupation des sols et la sélection des espèces ligneuses obéit aux lois
coutumières. Ces dernières impliquent que la terre appartient à la communauté, et l’usufruit
appartient à celui qui la défriche. L’autorisation de défriche pour un individu autochtone est
soumise à l’accord du chef de lignage, qui la soumettra au chef de terre. Un étranger s’adresse
directement à ce dernier. Depuis la mise en place de la décentralisation, la terre a été cédée
par l’état à la commune : le conseil communal doit être donc être réuni pour donner son
accord d’octroi de la terre. Les pratiques coutumières évoluent avec les influences extérieures.
Par exemple un projet d’aménagement de bas-fond a récemment impliqué le morcellement
des terres et la vente de parcelles à des femmes pour la culture du riz.
L’autorisation de défriche et de coupe est également soumise au service forestier qui
doit donner son accord, notamment concernant les espèces protégées par l’Arrêté
n°2004_019/MECV portant détermination de la liste des espèces forestières bénéficiant de
mesures de protection particulières, dont on peut voir l’extrait en annexe n°2. Les villageois
pratiquaient déjà traditionnellement une sélection des arbres lors des défriches dans les
champs. Elle est d’ordre pratique, mais aussi soumise à des interdits coutumiers.
• Le domaine protégé
Entre les réserves et la zone de terroir, il existe une zone tampon qui constitue le
domaine protégé. Le pâturage y est autorisé sans restriction ainsi que la collecte domestique
de produits forestiers. À l’intérieur de ce domaine, il existe des Zones Villageoises d’Intérêt
Cynégétique (ZoVIC). Cette idée de gestion villageoise des ressources forestières et en
particulier de la faune, est partie du Projet d’Appui aux Unités de Conservation de la Faune
(PAUCOF). Ils sont censés aménager ces zones, ce qu’ils font aujourd’hui par les feux
précoces et les pare-feux et lutter contre les pratiques abusives (braconnage, feux de brousse
hors période, surpâturage, coupe de bois abusive…). La chasse est autorisée pour les
détenteurs de permis, mais qui sont trop chers pour être accessibles à n’importe qui. Ces
Zovic rapportent à la communauté des fonds pour le développement communal, qui
proviennent de leur location aux concessionnaires et de la vente de la viande sauvage.
Il faut une autorisation pour pénétrer et prélever des ressources dans les zones
protégées. Bien que ces droits soient déclarés légitimes et à titre gratuit, le passage par les
autorités peut contraindre les villageois à payer une taxe pour le ramassage du bois mort et
des perches en particulier. Le fauchage des pailles est également soumis à autorisation et à
surveillance par les gardes forestiers.
1.3.4 Les activités agricoles, entre contraintes et opportunités
On a vu que le domaine de l’Etat est bien protégé. On peut maintenant se demander ce
qu’il en est du terroir de la commune. Comment est-il géré par la population
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 32 -

1.3.4.1 Une faible emprise agricole mais une dégradation des
potentiels de productivité sur le terroir.
Comme on peut le voire sur la carte ci-dessous, l’occupation des sols est très faible à
l’extrême Sud-est du pays, ce qui on le suppose, n’est pas du au faible potentiel de
productivité des sols, contrairement au vide que l’on peut observer dans le Nord. On invoque
davantage les politiques de préservation environnementale comme facteur limitant l’emprise
agricole.
Figure 7: Carte du degré d’occupation des terres agricoles ; MECV, 1999
Une étude sur l’occupation des sols dans la commune de Madjoari, a été effectuée par
un élève du 2iE, d’après les statistiques qu’il a obtenues grâce à ses travaux de terrain ainsi
qu’aux données produites par l’IGB, PROGEREF et autres. Il montre que sur la période
1992-2005, la surface agricole a augmenté de 5.99% tandis que la savane arbustive a diminué
9,23%. De son côté, la savane arborée a augmenté 4,02% 21 . Il conclut que l’augmentation des
surfaces agricoles et la diminution de la savane arborée concomitante, sont dues à
l’augmentation de la population et à la forte immigration aux fins agricoles, dans la zone. Les
feux de brousse annuels nécessaires à la vision et la pratique de la chasse seraient également
responsables de la diminution du couvert arbustif. L’augmentation de la savane arborée serait
due à la politique efficace de conservation de l’environnement. Le niveau de dégradation du
couvert forestier est donc à relativiser dans la zone de Madjoari. Dans cette situation, c’est le
terroir de la commune qui en souffre le plus et non pas le domaine protégé de l’Etat. Les
limites des champs étant confinées à celles des réserves, les cycles de rotation d’assolement
sont raccourcis, les jachères ne sont plus assez longues pour permettre au couvert forestier de
se restaurer, voir disparaissent. Les sols du terroir s’épuisent.
21 Selon les définitions fournies dans son rapport : la savane arborée est composée d’arbres et arbustes
recouvrant entre 20 et 50 % de la surface avec strate arborée supérieure à 10% ; la savane arbustive correspond à
un recouvrement de la 10 et 50 % et strate arborée inférieure à 10 %.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 33 -

sols.
1.3.4.2 Des pratiques agricoles confrontées à la dégradation des
• L’agriculture itinérante sur brûlis et l’intégration de l’arbre dans l’espace
agricole.
Les cultivateurs, par cette pratique agraire qui est la plus ancienne dans le monde,
mobilisent la fertilité du sol forestier ainsi que les réserves de biomasse et de nutriments
contenues dans les végétaux. « Contrairement à l’idée répandue sur l’agriculture africaine dite
agriculture sur brûlis extensive et dévastatrice, les systèmes agricoles africains font une large
place à l’arbre » (F. K.O. PALE 22 ). Après avoir défriché les parcelles et au moment de les
mettre en culture, les paysans brûlent les résidus végétaux ce qui provoque un transfert de
fertilité sous forme de minéraux. Les arbres utiles sont sélectionnés et protégés à l’aide de
pare-feux. Cette pratique, si le temps de jachère est suffisant pour une reconstitution du
couvert végétal, ne nuit pas au potentiel de fertilité du sol. On l’accuse de participer à la
déforestation et de favoriser la fuite du carbone, dans l’atmosphère et par le lessivage des sols,
particulièrement intense en contexte intertropical. Une étude menée au Laos 23 , a montré par la
mesure des stocks de carbone organique, que celui-ci s’accumule dans les pentes et non dans
les bas-fonds des vallées. Cette étude établit « une corrélation entre le dénivelé des terrains
agricoles et la capacité du sol à pouvoir stocker du carbone organique ». Dans un pays
relativement plat comme le Burkina Faso, cette étude serait à faire. D’autre part, le fait que les
paysans ne déracinent pas les souches d’arbres, ce qui est un travail superflu pour des
agriculteurs faiblement équipés, permet une meilleure infiltration de l’eau et des éléments
nutritifs charriés par le ruissellement. « À court terme, c’est un démarrage rapide de la
végétation aux premières pluies qui conduit à une meilleure croissance végétale et c’est sans
doute pour cela que les paysans continuent à brûler les résidus de récolte. » (ALEXANDRE
2002). Outre leur caractère utile, certaines espèces sont protégées par des interdits. Avant
d’être posés par la loi, ils sont posés par les chefs coutumiers ou religieux. Basés sur des
explications mystiques, ils ont souvent leur raison d’être, reposant sur des faits écologiques.
Wangari Maathai, dans son ouvrage biographique « Celle qui plante des arbres », raconte
avoir compris l’interdit d’abattre une espèce particulière en observant les conséquences
lorsqu’une bonne partie des individus ont été abattus pour la plantation de thé. Elle a pu
percevoir ses avantages écologiques. A l’Est du Burkina Faso, en pays lobi, un paysan raconte
qu’il ne coupe pas un arbre sans demander à « celui qui voit les dieux », si ces derniers sont
d’accord (F.K.O.PALE). D’autre part, protéger un arbre par un pare-feux lors de la défriche
est un travail pour le paysan, c’est donc un choix réfléchi que de sélectionner les arbres dans
les champs.
• Spéculations culturales et stratégies de lutte contre la paupérisation des
sols.
Les productions vivrières principales sont le mil, le sorgho et le maïs. La culture du riz
prend de l’importance, notamment dans les derniers bas-fonds rizicoles récemment aménagés.
Ces quatre productions céréalières couvraient 1360 hectares en 2005. D’après la Monographie
de 2006, la commune serait régulièrement confrontée à un déficit céréalier. D’autres
productions vivrières comme le niébé, le voandzou ainsi que des tubercules comme l’igname,
le manioc et la patate, sont cultivées sur de faibles surfaces (83 hectares en 2005). Le piment
et le Gombo (Hibiscus esculentus L.) sont d’autres espèces cultivées importantes dans
l’alimentation villageoise.
22 Chapitre 3 de l’Ouvrage de T. FTAÏTA
23 « Quand l’Agriculture sur Brûlis contribue à la lutte contre l’effet de serre » Sécheresse n°4,vol. 19, oct-novdéc
2008, d’après actualité scientifique de l’IRD Fiche n°307, octobre 2008.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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La culture de rente principale est le coton. Elle s’est fortement développée avec l’appui
de la Société Cotonnière du Gourma (SOCOMA) depuis 2004. Ainsi, c’est la seule
spéculation dont la filière est réellement organisée, garantissant un débouché sur le marché,
donc des ressources monétaires. Selon une étude originale sur le paysannat cotonnier dans la
région de l’Est (C. RENAUDIN), cette culture pluviale aurait une incidence lourde sur la
paupérisation des agriculteurs. Les autres cultures de rente apportent un complément de
revenu sécurisant, particulièrement pour les femmes : le sésame, l’arachide et le soja dans une
très faible mesure. Cela reste sur des petites surfaces (91 ha en 2005).
Le manque de fertilité et la difficulté d’accès aux intrants étant un facteur limitant, les
paysans utilisent des procédés divers, issus de leur héritage ainsi que de diverses influences,
notamment celles des projets et des conseils prodigués par le service technique agricole.
L’épandage des résidus de culture, par exemple, permet une restitution de la matière
organique dans les champs. Les associations de culture entre une légumineuse réputées
favoriser la fixation d’azote, et une céréale, sont souvent pratiquées. On observe fréquemment
l’association niébé/sorgho. Les projets ont lancé des pratiques pour la restauration des sols,
telles que l’utilisation de fosses fumières ainsi que les cordons pierreux, avec plus ou moins
de succès.
• L’élevage
La fertilité étant un facteur limitant, cette activité est importante dans le système de
culture,. Éleveurs et cultivateurs, même s’ils sont parfois en conflit, ont créé des systèmes
d’entraide. Les familles Gourmantchés gardent souvent un cheptel de petite taille, constitué
d’ovins, caprins et volailles. Ils confient leurs bovins aux éleveurs Peuls en échange du lait
qu’ils peuvent en retirer. Une famille Gourmantché qui fait garder ses bœufs par un pasteur
Peul, lui permet d’aller faire brouter son troupeau dans son champ pendant la saison sèche, ce
qui le fertilise en même temps. Mais c’est en priorité dans leurs propres champs que les Peuls
font paître leur troupeau. Cette entraide dans le cycle de la fertilisation existe aussi entre
éleveurs sédentaires et transhumants. Cela garantit le passage des derniers dans de meilleures
conditions. Le bétail constitue un intermédiaire dans les interactions entre l’arbre et les
cultures. En effet il bénéficie du fourrage et de l’ombrage prodigué par l’arbre et restitue au
sol la matière organique ingérée, par ses déjections. S’il pâture dans les champs, cette
restitution sera directement bénéfique pour les cultures. La forêt reste le parcours de
prédilection pour le pâturage. Cette activité est liée de près à la gestion des arbres car certains
sont une importante ressource fourragère. Le surpâturage est une des causes communément
invoquées de la désertification. Établir des parcours en respectant les capacités de charge et
aller vers un système plus intensif d’élevage sont des enjeux sujets à réflexion. Les chèvres
surtout, qui se nourrissent en priorité des ligneux, sont dévastatrices pour les jeunes pousses et
nuisent fortement à la régénération
naturelle. Les bovins et les ovins
préfèrent le fourrage des herbacées,
mais ce dernier n’est riche en protéines
qu’une partie de l’année, il devient vite
trop pauvre à la saison sèche pour
garantir l’alimentation des animaux.
Les ânes, moins onéreux que les bovins
sont une aide importante pour les
travaux champêtres.
Figure 8: Jeune gardien de troupeau ; C.BORDES, 2009
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 35 -

1.3.5 Développement, décentralisation et gestion des
ressources naturelles et à Madjoari
La décentralisation a beaucoup d’incidence dans le partage des responsabilités les
actions de développement en lien avec la gestion des ressources naturelles. Comment cela se
concrétise-t-il à Madjoari
1.3.5.1 L’appui au développement
• Les services techniques
L’Etat marque sa présence pour l’appui au développement à travers ses structures
décentralisées : sont présents des agents de la santé, de l’éducation, l’agent du service de
l’agriculture, de l’hydraulique et des ressources halieutiques, l’agent du service des
productions animales et enfin l’agent forestier au service de l’environnement. Ainsi, des
techniques modernes sont vulgarisées, des variétés et espèces préconisées par les ministères
attachés sont introduites. Tous ces services sont concernés de près ou de loin par la gestion
des ressources naturelles. Les liens moins évidents avec la santé et l’éducation sont tout de
même à faire. À travers l’éducation environnementale et la plantation d’arbres dans les écoles,
celles-ci peuvent promouvoir la protection des ressources et la reforestation. Les services de
santé quoi qu’exerçant une médecine occidentale encore cloisonnée, sont nécessairement
confrontés à l’utilisation des produits végétaux aux vertus médicinales par les populations.
• Projets et programmes
Le gouvernement agit également à travers le PNGT, suivi du PNGT2, ayant objectif
général de réduire la pauvreté en milieu rural et promouvoir un développement durable. L’un
des objectifs spécifiques à savoir, la préservation et la régénération des ressources naturelles,
est explicitement en lien avec notre sujet. Ce programme a permis l’élaboration et la mise en
oeuvre des PGT (Plans de Gestion de Terroirs) dont ont bénéficié tous les villages.
En contrebalance du faible investissement de l’Etat dans la commune, de nombreux
projets de développement oeuvrent dans la région.
- Le Programme d’Appui aux Organisations Paysannes de la Kompienga (PA
OPA/K) et le PADL/KOM, programme d’appui au Développement Local, sont
deux projets ayant pris fin récemment, qui ont apporté un soutient important. Le
dernier est actuellement rentré dans une nouvelle phase.
- PICOFA (Programme d’Investissement en Fertilité Agricole) est actif dans des
activités de DRS/CES entre autres.
- Le FICOD Fond d’Investissement pour les Communautés Décentralisées
- Tin Tua, est une ONG qui œuvre dans la région Est du Burkina Faso (le Gulmu),
principalement dans l’éducation de base. Ses nombreux partenaires se situent au
niveau international et national.
- Notons que la coopération décentralisée est très active dans la province grâce au
Comité de jumelage La Cluzas/Aravis-Pama/Kompienga. Il existe depuis 1983
mais son origine date des années 70. Ils appuyèrent dès le début la commune de
Madjoari.
L’histoire des investissements extérieurs dans la commune est longue et la population
s’y est donc globalement habituée. La réaction des gens face à des agents extérieurs nationaux
ou étrangers venant apporter fonds, matériel, enseignement, etc., est empreinte de cette
histoire.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 36 -

1.3.5.2 L’organisation de la population
Suite aux différents projets d’appui au développement, et en particulier le PNGT, la
population s’est progressivement organisée en groupements. D’après la monographie
effectuée en Mars 2006, il existe:
o Les organisations paysannes
Le haut-commissariat de la Kompienga comptait 52 OP en 2006, dans les secteurs du
coton, des céréales de la viande, des légumineuses et de la faune. C’est souvent à travers ces
organisations que les projets de développement entendent appuyer la population. Les paysans
y sont a priori liés entre eux par un intérêt productif, ce qui est quelque peu rassurant pour
l’efficacité de l’appui. Même si leurs activités sont liées à la gestion des ressources naturelles,
ces organisations sont tournées vers l’aspect rémunérateur de leur activité. La conservation et
la gestion durable, sont rationnellement secondaires dans leurs intérêts.
o Les CVD
Depuis l’institution du Code Général des Collectivités Territoriales, les Conseils
Villageois de Développement remplacent les Comités Villageois de Gestion du Terroir
(CVGT) et Intervillageois (CVGIT). Organes représentatifs de la communauté villageois, ils
sont présents dans chacun des 8 villages administratifs de la commune et chacun a son bureau
administratif. Ce sont des organes consultatifs placés sous la tutelle du Conseil municipal,
chargés entre autres de « contribuer à la promotion du développement local dans le
village » 24 . Ce sont des portes d’entrée théoriquement apolitiques, pour les projets de
développement. Ils sont notamment chargés de « créer toutes les conditions nécessaires à la
gestion, l’entretien et à la valorisation des infrastructures et des ressources naturelles » et en
particulier dans les ZOVIC. Le manque de moyens juridiques et matériels est évoqué pour
justifier la faiblesse des capacités de gestion (Rapport MDTS Info4Dourou 2007).
o Les CVGF
Les Comités Villageois de Gestion de la Faune dans 6 village sont chargés entre autres
de la gestion des ressources naturelles.
o Les associations
La population peut aussi s’organiser en association. L’une d’elles a été créée fin 2009
avec l’appui de l’ACFF de Tambarga. Elle a pour objectif général d’agir en faveur de la
conservation, la protection et la restauration de la biodiversité dans la commune.
1.3.5.3 Le Plan Communal de Développement
Un Plan Communal de Développement (PCD) a été élaboré par une équipe d’experts
pour la Commune en 2009. Il analyse les forces et les faiblesses du milieu et établit un cadre
logique des actions à mener. Nous pouvons citer les lignes d’actions qui ont été citées dans ce
rapport et concernant la gestion des ressources naturelles :
• L’amélioration de la production agro-sylvo-pastorale
• L’appui à la promotion des groupes vulnérables
• Le renforcement et l’amélioration de la communication et de la voierie
• L’amélioration du cadre de vie de la population
• La promotion de l’artisanat, du tourisme, du commerce et des activités
génératrices de revenus.
• L’amélioration de la gouvernance locale.
Tout projet doit se référer à ce plan d’actions, ce que le maire s’attache à rappeler lors
des propositions.
24 S. SANOU, Ph.D., La construction d’institutions locales légitimes de gestion foncière en milieu rural au
Burkina Faso, assiste-t-on à un esquive des enjeux de pouvoir et une esquive du jeu des acteurs ; juin 2008
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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1.3.5.4 Le maire et son implication dans les projets de
développement.
En tant que commune rurale, Madjoari est dirigée par un maire qui a été élu pour 5 ans
en 2006. Il résulte du processus de décentralisation, une grande responsabilité de ce dernier
dans toutes les questions de développement local. Il est assisté par un Secrétaire Général ainsi
que par un Conseil Communal dont les membres sont issus des 8 villages administratifs et un
Bureau de Conseil. Ce dernier comprend « 2 adjoints au maire et 3 présidents de commissions
(Commission Affaires générales, Commission Environnement et Commission Finances) »
(MDTS Info4Dourou, 2007). La politique de décentralisation donnant plus de responsabilités
et de pouvoir de décision aux communes, permet aux équipes de projets d’agir en passant
directement par les autorités locales. Cela facilite les démarches et favorise une plus grande
implication locale. Il y a malheureusement un manque d’appui technique, de moyens
financiers et de capacités dans les fonctions communales. Dans les faits, le maire délègue peu
de tâches, il faut donc sans cesse se référer à lui pour une prise de décision concernant le
projet mais également pour des questions de gestion quotidienne de gestion du personnel et de
matériel dans la mesure du possible. De plus il est souvent absent de la commune, entre autres
à cause de son isolement, il y est très difficilement joignable. Cela entrave la prise de
décision. Il semble en revanche, et du fait que ce soit un élu local, que l’implication du maire
pour le développement de sa commune soit forte et qu’il se mobilise pour la recherche de
fonds et de partenariats en tout genre. Le projet Info4Dourou qui a été le cadre du stage dont
est issu ce mémoire en est l’exemple. Ce maire d’une trentaine d’année, le plus jeune du
Burkina au moment de son investiture, apparaît très actif. Cette commune aurait été la cible
particulière du projet grâce entre autres à son ouverture aux innovations scientifiques.
1.3.5.5 Info4dourou, un projet pour la gestion durable des
ressources naturelles.
Info4Dourou est un projet de recherche appliquée qui est ambitieux quant à
l’organisation des partenariats. En effet, il implique une école polytechnique Suisse (EPFL)
qui finance des projets par son organe de coopération, l’Institut International pour l’eau et
l’Environnement de Ouagadougou et le Projet de Renforcement des Capacités des Communes
Urbaines (PRCCU), liés à la mairie de Majoari par une convention. L’article 1 de cette
convention stipule que « Les partenaires scientifiques du projet Info4Dourou et la Mairie de
Majoari conviennent de travailler ensemble avec pour objectif d’améliorer les conditions de
gestion durable des ressources naturelles du bassin versant de la Singou ». Cela doit passer
par l’étude du milieu et le développement d’instruments d’aide à la gestion durable des
ressources à disposition des villageois. Depuis 2007, diverses études sont menées
conjointement par des étudiants, doctorants et professeurs. Il y a notamment deux doctorants
qui travaillent sur le fonctionnement hydrologique de l’eau ainsi que sur les données
climatiques à l’échelle du micro-bassin versant. L’une des deux étudiants travaille en
particulier sur la circulation de l’eau au niveau d’un arbre faisant partie des espèces
sélectionnées par les paysans dans les champs : le Sclerocarya birrea. Pour cela un lourd
matériel scientifique a été installé dans les champs et dans la forêt. Aucune dégradation
volontaire n’a été observée à ce jour. Cependant cette diversité d’acteurs, qui est un atout en
termes de diversité des savoirs et des capacités, est aussi un inconvénient car les individus
communiquent difficilement et certains conflits latents sont source d’inhibitions pour l’avancé
du projet.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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Figure 9 : Station Sensorscope Info4Dourou et manguier porte-avion dans le micro bassin versant de
Tambarga; C.BORDES, 2009
La question de la gestion des ressources naturelles est présente à toutes les échelles
d’organisation des individus, mais elle traverse également l’histoire puisque depuis toujours,
l’homme fait partie de l’écosystème et exploite ses ressources. L’Afrique est au cœur des
préoccupations environnementales car vidée de ses hommes lors de la traite des esclaves
(S.BRUNEL, 2004), elle a longtemps constitué un réservoir de biodiversité. Après les colons,
les états indépendants ont pris la relève pour la protection des parcs nationaux. Les
évènements écologiques, sociaux, politiques du demi-siècle dernier et les grandes réflexions
internationales ont fait évoluer la manière d’appréhender la gestion des ressources vers une
plus grande implication des populations. Au Burkina Faso, la décentralisation et la mise en
place d’organes fédérant les populations locales, rend possible une meilleure prise en compte
de leurs intérêts. S’il est effectif, le développement des cadres de concertation dans des
contextes où la diversité des acteurs se couple à la raréfaction des ressources convoitées,
semble prometteur. Ce processus a encore des difficultés à se mettre en place et
particulièrement à Madjoari, commune isolée au milieu d’une zone transfrontalière d’enjeux
internationaux. Elle est en effet exclue du réseau d’activités économiques et sociales dans un
pays déjà classé parmi les plus pauvres au monde, confinée de surcroît dans les limites du
domaine communal et soumise à une réglementation stricte. Cette première partie nous
permet de mieux saisir ce qui joue sur l’évolution du milieu paysan. On comprend notamment
la place que lui accorde la communauté internationale et surtout l’Etat nation dans la gestion
des ressources forestières. Nous allons maintenant nous pencher sur la localité de notre étude,
en analysant les pratiques des cultivateurs dans leurs parcelles pour comprendre quelle place y
prend l’arbre.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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La première partie descriptive avait pour but de situer le contexte dans lequel agit
l’Etat et où vivent les habitants de Madjoari, ainsi que de décrire quelques pratiques relatives
aux contraintes et opportunités propres à ce cadre. Les ressources ligneuses sont impliquées
dans de nombreuses activités villageoises, à commencer par l’activité agricole. Les paysans
ont façonné un paysage de parcs arborés au fil de leur occupation plus ou moins itinérante des
terres. Nous allons maintenant tenter de comprendre ces pratiques à travers les résultats d’une
démarche d’enquêtes. On verra quelles sont les espèces sélectionnées suivant les types de
champs et quelles sont les raisons. Dans la partie précédente, on a vu que l’Etat et les chefs
coutumiers, prennent part à cette sélection en posant des interdits sur certaines d’entre elles.
Mais les pratiques paysannes, évolutives suivant les diverses influences, reposent sur
l’observation et la pratique et sont nourries d’un contact quotidien avec les ressources
naturelles. Chaque cultivateur peut donc partager sa vision des bénéfices et des contraintes
qu’ils attribuent à la présence des différentes espèces ligneuses. C’est notamment à travers ces
témoignages que nous chercherons à comprendre les pratiques.
2.1 Présentation générale des démarches d’enquêtes
Cette partie du mémoire s’appuiera sur les résultats des enquêtes ou les observations qui
ont été faites lors du stage occasionnant ce mémoire. C’est pourquoi il convient de présenter
les différentes démarches avant toute chose. Premièrement, ce stage s’est déroulé de juin à
décembre 2009, dans le cadre du projet Info4dourou, brièvement présenté en première partie.
Il a été scindé en deux parties : la première consistait en un travail de recherche autonome
avec pour thème : la gestion des arbres par les paysans. Le travail a été effectué en trois mois
sur le terrain pour l’observation et les travaux d’enquête, et en un mois pour le traitement des
données. La seconde phase avait pour objet une mission confiée par le coordinateur du projet :
elle a impliqué un retour sur le terrain de trois mois.
2.1.1 La phase de recherche
Le thème d’étude, choisi en partenariat avec le coordinateur du projet s’intégrait à l’un
des axes identifiés par la phase de diagnostic effectuée en 2008, à savoir : la recherche des
arbres socialement utiles et écologiquement bénéfiques en vue d’un éventuel reboisement.
Les objectifs spécifiques de ce stage étaient de :
• Confirmer le constat de la diminution du nombre des arbres socialement utiles
• Comprendre l'utilité des différentes espèces: produits, utilisation, etc.
• Analyser les avantages/contraintes du maintien des arbres au champ pour une
famille paysanne, et en conclure sur la pertinence ou non de
maintenir/replanter.
• Proposer des recommandations: replantation de certaines espèces, information
aux agriculteurs, éducation environnementale, mise en évidence des avantages.
2.1.1.1 Choix des villages cibles et représentativité
Ces travaux se sont déroulés sur trois villages de la commune, étant donné les moyens
de déplacement limités (à vélo ou à pied) : Madjoari, Matambima et Tambarga, notre base
d’accueil. Coutumièrement ce sont les plus importants. La population totale en 2004 est
estimée à 8388 habitants 25 , celle des trois villages échantillonnés, qui s’élevait alors à 5345,
25 Monographie de la commune rurale de Madjoari, 2005
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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eprésente donc 64%. La proportion relativement importante pourrait permettre de prétendre
que l’échantillonnage est représentatif de la commune. La majorité des gens interrogés sont
des Gourmantchés natifs de la localité, mis à part quelques Peuls qui ont été interrogés car les
enquêtes se sont déroulées au cœur des villages, ces derniers étant un peu à part. La
population Mossi présente en particulier à Namouyouri n’est pas représentée ; celle-ci étant
issue d’un milieu au climat plus sec, aurait eu son influence sur les résultats de l’enquête.
Tambarga est le village le plus dynamique, économiquement et socialement, ce qui se ressent
par sa taille, la présence de boutiques et le grand nombre d’infrastructures d’ONG oeuvrant
dans la zone ou des services de l’Etat. Le village de Madjoari, bien qu’historiquement et
politiquement plus important, est qualifié de plus stagnant. Il est dominé par la lignée des
Thiombiano. Matambima qui n’a pas de marché est également dominé par les Gourmantchés.
Les chefs de terre des trois villages sont des Gourmantchés. Les différences de peuplement et
d’influences ont leur importance dans le système de tenure des terres et de pratiques
culturales. Cela joue sur la gestion des arbres en association avec les cultures. En résumé
l’échantillonnage représente donc principalement la population Gourmantché native de la
zone d’étude, et secondairement la population Peule vivant à l’écart.
2.1.1.2 Démarches d’enquêtes
La première phase d’observation, d’enquêtes auprès des paysans par des entretiens
semi-guidés a servi à avoir un aperçu du paysage agricole et des principales pratiques et
préoccupations des agriculteurs et éleveurs. De cette phase découlent les approches suivantes.
Une phase d’enquêtes directives couplée d’un inventaire forestier dont les deux protocoles
sont visibles en annexe 3 et 4. Deux jeunes résidants de Tambarga ayant une bonne
connaissance du Français, se sont relayés lors des sorties de terrain pour guider, assister et
interpréter. Bien entendu, l’image de l’enquêteur, représentant de la communauté occidentale
ainsi que l’obligation de passer par des traducteurs pour s’adresser aux villageois, constituent
des biais non négligeables dans la démarche d’enquête. On a tiré de l’intégralité de cette
démarche des résultats qualitatifs et quantitatifs issus des enquêtes formelles, ainsi que des
notes qualitatives issues de la démarche informelle d’échanges et observations. Les deux
registres seront utilisés pour la réflexion, voire confrontés.
• L’enquête auprès des cultivateurs
Cette démarche avait principalement pour but de recenser les espèces sélectionnées
par les agriculteurs, ainsi que de saisir les perceptions des paysans sur le rôle écologique de
l’arbre, leur dynamique et leur utilité. Ainsi comme on peut le voire en annexe 3, une partie
est consacrée à la description du champ, l’autre à l’inventaire des espèces dans un placeau de
50x50m. La dernière partie est une expérimentation peu conventionnelle, qui a consisté à
demander au cultivateur de comparer trois espèces suivant différents critères. L’idée était de
pouvoir ensuite effectuer un classement de ces différentes espèces en fonction de ces critères.
On a choisi d’enquêter dans 100 champs compte tenu du temps et des moyens disponibles.
Quatre types de champs ont été identifiés arbitrairement car il semblait a priori que leurs
profils seraient révélateurs de la diversité de répartition des espèces forestières sélectionnées
dans les champs. On a donc 25 parcelles par type. Le nombre de champs par village est
déterminé au prorata de la population.
• Les champs de brousse (CB) sont les terres de cultures pluviales des Gourmantchés
éloignés des villages, d’au moins 20 minutes à pied. Les spéculations principales sont
céréalières ou cotonnières.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 41 -

• Les champs de village (CV), se situent à faible distance des habitations des centres ruraux
(à moins de 15 minutes de marche par rapport au quartier des usufruitiers). Les
spéculations principales sont le mil de cycle court (appelé « petit mil » ou mil actif), le
maïs, l’arachide ou les cultures marginales. Ces champs sont généralement cultivés de
manière plus intensive. Il y a beaucoup plus de chance de noter la présence d’arbres
plantés, protégés ou entretenus que dans les zones où l’éloignement rend quasiment
impossibles ces travaux.
• Les champs des Peuls (CP) sont particuliers car ils sont éloignés des villages mais
proches des habitations (seuls les champs très proches de leurs habitations ont été
sélectionnés). Ce sont des éleveurs qui possèdent du gros bétail ou le gardent pour contrat.
Leurs parcelles bénéficient donc de la fumure déposée pendant la saison sèche. Des
différences dans la sélection des arbres peuvent être observées chez ces éleveurs, qui bien
qu’ayant vécu au contact des Gourmantché depuis au moins une dizaine d’années voir des
générations, ont une histoire, une identité spécifiques, à commencer par leur langue. Leur
fonction d’éleveur peut jouer aussi dans la sélection des espèces, par exemple une
importance peut être accordée aux espèces fourragères.
• Les rizières (R) sont les parcelles recouvertes ou partiellement d’une lamelle d’eau
pendant une partie de l’année, permettant la culture du riz. Ils peuvent se situer loin ou
près des centres ruraux. Certaines de ces parcelles font partie de bas-fonds aménagés par
des projets, d’autres sont dispersées au grès de la présence naturelle de l’eau. La situation
hydrique est un facteur jouant sur la répartition des espèces. De plus, la petite taille des
parcelles peut impliquer l’inclusion dans le placeau d’inventaire, d’espaces non défrichés
comprenant un grand nombre d’espèces non sélectionnées.
Sélection des parcelles à échantillonner :
En raison des faibles ressources à disposition et de la faible expérimentation de
l’enquêteur dans le domaine botanique, il n’était pas possible d’échantillonner de manière
complètement hasardeuse. D’une part, la présence de l’agriculteur sur sa parcelle ou à
proximité était obligatoire, d’autre part faute de connaître le terrain, il fallait s’en remettre au
guide. Ainsi, les parcelles ont été choisies au fil des rencontres avec les agriculteurs. Le
hasard repose sur la variabilité de présence. L’orientation des placeaux s’est faite à l’aide
d’une boussole. La technique pour rendre le point de départ aléatoire est décrite dans l’annexe
3. La répartition des zones d’échantillonnage a été confiée aux guides qui connaissaient les
espaces de cultures attachés aux trois villages cibles (y compris les hameaux de culture). Le
nombre de champs par zone et par jour a été déterminé par des aléas (capacité de
déplacement, horaires, répartition des types de champs à enquêter…). On peut dire que les
guides qui sont tous les deux
gourmantchés mais de famille
différentes ont pu influer sur la
sélection des agriculteurs à
enquêter (ils préféraient sans
doute aller vers ceux qu’ils
connaissaient), mais d’autres
facteurs aléatoires ainsi que les
choix de l’enquêteur qui ne
connaissait absolument pas le
milieu sont rentrés en ligne de
compte.
Figure 10 : Assistant de recherche devant une parcelle défrichée, Tambarga; C.BORDES, 2009
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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Résultats
• Un tableau croisant les 100 champs avec :
- Le type de champ
- La spéculation principale
- La surface estimée à vue d’œil
- La durée de mise en culture depuis la dernière jachère
- Le nombre d’années de la dernière mise en jachère
- Le sexe du propriétaire
- Le pourcentage du couvert ligneux
- La texture de l’échantillon de sol prélevé à 10 cm
- Oui ou non à la question posée : « Y a-t-il un problème d’érosion hydrique »
- Oui ou non à la question posée : « Les dégâts du vent sont-ils un problème »
- Présence de souches
- Nombre d’individus dont le DBH est supérieur à 10 cm
- Nombre d’espèces présentes
• L’inventaire
Un recensement des espèces présente dans le placeau dont le DBH est supérieur à
10cm a été effectué. Il a permis d’obtenir des densités à l’hectare des différentes espèces
suivant les types de champs. Cela permet de faire des comparaisons intéressantes en termes de
diversité et de densité.
• Des comparaisons suivant différents critères du point de vue des producteurs
Chaque producteur interrogé était invité à comparer trois espèces dont le choix portait sur
des individus à portée de vue dans ou hors du champ (cf annexe n°5). Les paysans ayant une
expérience empirique quotidienne des interactions entre les arbres et leurs cultures, ils
l’observent chaque jour. C’est pourquoi le recueil de leur point de vue est intéressant. C’est le
parti pris de s’adresser aux cultivateurs directement qui a dicté cette méthode.
Malheureusement on ne bénéficie pas d’un nombre équivalent ni suffisant de réponses
comparatives entre deux espèces, pour établir des statistiques fiables et représentatives.
Néanmoins, certaines espèces ont été comparées suffisamment de fois pour faire l’objet
d’analyses.
Les questions posées (cf annexe n°5) peuvent paraître abstraites par rapport aux
termes techniques employés par les agronomes pour définir les interaction écologiques de
l’arbre avec les cultures. Après quelques semaines d’échanges avec les agriculteurs et les
assistants traducteurs, ce sont les termes qui ont semblé les plus adéquats pour traduire ces
phénomènes. En voici le détail :
a. Conservation de l’humidité
b. Profondeur des racines
c. Résistance au vent : cette question a été traité en deux parties. La première
question portait sur la force des racines, mais le traducteur dit plus tard qu’il
traduisait par : « quel est celui qui a les racines tellement fortes que le vent ne peut
pas le faire tomber ». La deuxième partie concerne alors plus la résistance des
branches au vent.
d. Estimation de l’ombrage le plus important
e. La qualité de la litière produite par les feuilles
f. Le rendement des cultures en dessous.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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g. L’attraction produite par l’arbre sur les oiseaux : la présence de ces derniers influe
sur les cultures. C’est souvent les arbres dont les fruits sont appétés par les oiseaux
qui sont cités en premier pour cette question.
h. L’attraction des insectes exercée par l’arbre. L’interprète traduisait insectes par
« vers ».
i. L’importance des bénéfices apportés : ils sont déterminants pour la sauvegarde de
l’arbre. Le choix de la sélection repose sur le rapport avantages/inconvénients
selon le point de vue du cultivateur. On demandait alors quels sont les bénéfices
apportés, ce qui permettait d’avoir une idée des priorités des agriculteurs en
matière de choix des espèces.
• Paroles de cultivateurs
La dernière question issue de ce protocole portait sur la dynamique des peuplements: elle
consistait à savoir si selon eux, le nombre d’individus par espèces concernées avait diminué
ou augmenté dans la zone où l’on se trouvait. Cette question a eu du mal à se mettre en place.
Les entretiens ont été l’occasion de relever des remarques. On a donc recensé ces remarques,
ce qui donne un tableau les classant par espèce. Elles se rapportent aux questions précédentes
et notamment sur la dynamique et les raisons invoquées pour une éventuelle augmentation ou
une diminution de la population.
• Recensement et classement des essences prioritaires
Les entretiens directifs pour l’enquête sur les essences les plus utilisées, se sont
effectués au niveau des habitations Gourmantchés et Peules dans une moindre mesure.
L’échantillon choisi à 2%, se base sur les statistiques disponibles sur la « Monographie de la
commune rurale de Madjoari en 2005 » dont les chiffres ont été actualisés en appliquant la
formule de croissance de la population avec le taux de la population de la province de la
Kompienga. 103 personnes ont été interrogées en tout.
Les tranches d’âge suivantes ainsi que les genres ont fait l’objet de quotas :
• Garçon et filles de 7 à 14 ans : les enfants
• Garçons et filles de 15 à 35 ans : les jeunes
• Hommes et femmes de 35 à 63 ans : les adultes
• Hommes et femmes de 64 ans et plus : les vieux
Le choix des quartiers était laissé à l’assistant qui avait pour consigne qu’il soit
relativement exhaustif. Celui des habitations reposait sur l’enquêteur ne connaissant pas le
milieu. Les dernières enquêtes ont été entièrement confiées à l’assistant qui avait pour
consigne d’interroger de manière aléatoire, en espaçant les lieux de rencontre. Les personnes
ciblées n’étaient pas prises à part, souvent appuyées par des parents ou amis, ceci permettant
parfois de vaincre les timidités.
Les résultats de cette enquête ont été traités à l’aide du logiciel Excel. On a attribué un
nombre de points suivant l’ordre de citation (3, puis 2, puis 1), nous permettant de classer les
espèces prioritaires par usage.
• L’herbier
Un herbier de 70 espèces ligneuses environ, sélectionnées dans les champs ou dans le
domaine protégé, a été effectué afin d’établir une correspondance efficace entre les noms
scientifiques et les noms locaux. Deux échantillons ont été prélevés à chaque fois : le premier
était destiné au département SVT de Ouagadougou, où des botanistes qualifiés ont pu
confirmer, infirmer ou déterminer les noms scientifiques. Le deuxième était destiné aux
villageois afin de croiser plusieurs points de vue quant au nom local et à son orthographe. Des
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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difficultés d’identification et de compréhension ont pu
occasionner des erreurs. Cependant la compréhension des
noms en langue locale est complexe, d’autant plus que
plusieurs espèces comportent deux noms et parfois deux
espèces du même genre ont un nom commun tout en ayant
leur propre nom. Pour les citer on donne donc le nom du
genre, suivi de sp. pour l’espèce ( Combretum sp. par
exemple). C’est le cas notamment des couples :
• Gardenia erubescens / Gardenia ternifolia
• Piliostigma reticulatum / Piliostigma thonningii
• Combretum glutinosum / Combretum collinum
On a pu obtenir une liste des espèces dont les noms
scientifiques figurent en annexe (cf. annexe n°8). On se
reportera à cette liste pour avoir des noms binomiaux ainsi que
les traductions en gourmantché.
Figure 11 : Inventaire forestier dans le bassin versant de Tambarga, C.BORDES, 2009
2.1.2 La mission microprojets
La mission confiée par le coordinateur du projet avait pour finalité la mise en place de
microprojets financés par les bailleurs de la coopération suisse, afin de valoriser la recherche
scientifique tout en apportant un appui aux villageois. Les trois composantes de cette
mission étaient:
• Appel à projet pour les microprojets Info4dourou
• Appui a la formulation des requêtes
• Collecte des données
L’appel à projet s’est concrétisé par une rencontre dans chaque village administratif
avec les autorités locales : conseillers municipaux, présidents et secrétaires des CVD et chefs
de village, suivie d’une réunion avec les villageois intéressés. On rappelait alors à ces
occasions, les objectifs du projet Info4Dourou, puis on expliquait la démarche : il s’agissait
d’appuyer des activités génératrices de revenus qui impliquent la gestion et la protection des
ressources naturelles, qui bénéficient à une large part de la communauté tout en permettant le
développement des capacités des promoteurs et en valorisant la recherche scientifique. Étant
donné que le projet n’avait pas encore pu faire part de ses résultats d’une manière ou d’une
autre, ce dernier aspect était concrètement difficile à envisager.
La démarche d’appui à la formulation des requêtes a permis d’apporter une analyse
supplémentaire à la recherche sur la gestion des ressources. En effet, à travers des échanges et
la prise de notes, on a pu relever les souhaits des villageois, leurs besoins, leurs les facteurs
limitants pour certaines activités liées à la gestion des arbres. Voyant en nous un opérateur du
développement comme les précédents, les activités proposées correspondaient à celles déjà
appuyées par les précédents programmes. Voici les projets-type que nous avons recensés:
- Fabrication de savon à partir du beurre de Karité (des groupes de femmes)
- Maraîchage (des groupes mixtes ou masculins)
- Élevage (bovins ou petits ruminants)
- Pépinière
- Vergers
- Apiculture
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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D’autres projets ont été proposés, notamment par des groupes appuyés par des enseignants
ou le service forestier : bosquets villageois, voyages d’étude, éducation environnementale,
aménagement des ZOVIC, jardin botanique et promotion de l’hygiène et assainissement.
Leur vision du terme « protection » des ressources naturelles s’est révélée à travers
leurs initiatives. Il faut cependant noter que cette démarche était malvenue pour le projet
d’application en lui-même. L’équipe Info4Dourou n’était pas en mesure d’appuyer les
activités de plusieurs groupements villageois, ce que font déjà d’autres programmes étatiques.
Une analyse des besoins et intérêts au travers des enquêtes et sans démarche participative
aurait été moins prometteuse.
2.2 Aménagement du terroir dans l’espace et dans le temps
Nous allons maintenant proposer une analyse de l’aménagement du terroir de l’espace
et dans le temps en mettant en évidence des facteurs qui déterminent les temps de jachère, la
répartition des parcelles et leur surface. Nous verrons ensuite quelles espèces sont
sélectionnées suivant les types de champs.
2.2.1 Les temps de jachères à Madjoari
L’accroissement démographique et l’intensification agricole sont les principaux facteurs
évoqués concernant le déclin de la fertilité des sols. Lors des enquêtes prospectives, les
paysans ont évoqué ce phénomène : la pression anthropique couplée au cloisonnement de
l’espace entraînent la diminution des temps de jachères. Ils couplent deux facteurs. Mais les
résultats d’enquêtes révèlent que d’autres rentrent en jeu dans la mise en jachère.
Le tableau obtenu grâce à l’enquête auprès des cultivateurs nous donne
approximativement des durées pendant lesquelles les champs ont été laissés au repos pour la
dernière fois. Pour une simplification de traitement des données, on les a rendues discrètes.
Les périodes retenues sont les suivantes en nombres d’années: {1-3}, {4-6} ; {7-9} ; {10-
15} ; {16-24} ; !25.
Dans les CB, près d’un tiers des cultivateurs déclarent avoir laissé leur champs
seulement entre 1 et 3 ans au repos (7/25), 6 d’entre eux entre 4 et 6 ans et seulement trois,
deux et un respectivement pour {7-9}, {10-15} et {16-24}. Les autres ne savent pas (6/25).
Lors des premiers entretiens, un agriculteur déclarait qu’il faut laisser le champ se reposer 5
ans pour 9 ans de culture. Les avis étaient variables. Du côté des Peuls, la grande majorité ne
peut rien dire de la dernière période de jachère, car ils sont arrivés récemment. Un tiers des
paysans ont repris des terres déjà cultivées et sept d’entre eux les cultivent depuis plus de dix
ans. Cela leur est permis sans dégradation de la fertilité car ils possèdent un troupeau. Ils
peuvent, entretenir ou restaurer des sols dégradés en installant le bétail pendant un moment.
C’est ce que déclarent avoir fait deux éleveurs: « A notre arrivée nous avons laissé les
animaux sur cette parcelle pendant deux ans avant de la cultiver. La terre était trop dure et
maintenant elle est cultivable ».
Les champs de village (CV) bénéficient davantage des restitutions organiques grâce à
la proximité des habitations (déchets humains, animaux et végétaux). Ils sont donc également
cultivés depuis bien plus longtemps que les CB avec éventuellement de courts et rares temps
de repos. 15 des 25 parcelles visitées sont cultivées depuis plus de 10 ans, dont 8 depuis plus
de 25 ans. Ces dernier ne savent pas combien de temps a duré la dernière jachère ou déclarent
qu’elle a duré plus de 25 ans.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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Concernant les parcelles rizicoles, 9 sur 25 disent que la parcelle est cultivée depuis 1
à 3 ans tandis que 9 déclarent la cultiver depuis plus de 10 ans. Cela dépend de l’histoire de la
parcelle, si c’est une petite parcelle isolée ou bien faisant partie d’un bas-fond exploité depuis
longtemps, ou encore d’un bas-fond aménagé récemment par un projet… Ces parcelles ont
certainement plus de chances de bénéficier de l’accumulation d’éléments nutritifs charriés par
l’eau.
La surface disponible, qui est ici limitée par les réserves, n’est donc pas le seul facteur
qui peut jouer sur les temps de jachère : ils dépendent aussi des formes d’exploitation, de la
géomorphologie des sols et de leur niveau de dégradation...
2.2.2 L’aménagement de l’espace agricole
2.2.2.1 Occupation de l’espace
• Répartition de l’espace aménagé
Aux différents quartiers d’un village correspondent des espaces de culture en fonction
de leur situation géographique, sachant que la répartition des habitants par quartier est
étroitement corrélée aux appartenances lignagères et familiales. Il y a également des hameaux
de culture, un hameau est rattachés à un village, comme on l’a vu dans la première partie. Ce
sont des fronts éloignés où certains paysans s’installent pendant la saison des travaux
agricoles. Il arrive que de nouveaux villages se créent à partir d’eux, lorsque les individus
décident de s’y installer durablement. C’est ainsi que l’occupation de l’espace évolue. Le
village de Tambarga aurait été un hameau de culture, il y a deux générations selon les propos
de quelques paysans.
• Taille des parcelles cultivées
L’espace défriché et cultivé dépend de la force de travail que le propriétaire aura réussi
à mobiliser pour la saison de culture. S’il possède de bonnes relations sociales et des moyens
financiers, il peut faire une « invitation », où en l’échange de nourriture, des parents et amis
cultivent pendant toue la journée. C’est souvent le cas pour ceux qui sont en retard dans leurs
travaux ou qui n’ont pas la capacité nécessaire pour les effectuer tout seul. La main d’œuvre
s’emploie aussi par contrat, contre revenu monétaire.
Grâce aux estimations des surfaces, on obtient des surfaces moyennes par type de
champ, ainsi que la taille médiane et les extrêmes. Ces estimations rapides ne constituent
cependant pas des données très fiables car elles sont issues du propriétaire ou de l’assistant
qui ont des notions de surface grâce à leur travail avec les services techniques de l’agriculture
et de la SOCOMA qui doivent répertorier les surfaces emblavées. Elles ont été faites à 0,25
hectare près (on parle en quart d’hectare ou en demi hectare par exemple).
MOY MED MIN MAX ET
CB 2,8 2 10,0 0,3 2,3
CP 1,3 1 4,0 0,3 1,1
CV 0,8 0,63 2,3 0,1 0,6
R 0,3 0,25 1,0 0,1 0,3
Tableau 2 : Surfaces estimées par type de champ C.BORDES, 2010
Les champs de brousse sont les plus grands en moyenne : les paysans y cultivent de
manière extensive et c’est souvent tous les membres d’une famille nucléaire qui travaillent sur
une même parcelle.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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Les champs des Peuls sont en fait les parcelles qui se trouvent juste à côté de leurs
habitations, on n’a pas visité les parcelles en brousse pour ceux qui en possèdent, elles sont
donc également de petite taille.
Les parcelles de village sont généralement petites. L’espace est en effet plus morcelé
qu’en brousse, les spéculations sont de faible envergure : on trouvera souvent du mil à
croissance rapide, de l’arachide, du voandzou (Vigna subterrunea, légumineuse à graines) ou
du sésame.
Les rizières sont de toutes petites parcelles cultivées
en majorité par les femmes, souvent seules pour travailler,
ce qui implique de petites surfaces.
On peut faire la même chose pour les tailles des
parcelles en fonction des genres : les parcelles possédées
par les hommes (au nombre de 64) ont une taille moyenne
de 1,8 ha alors que celles des femmes (35) ont une surface
de 0,37 hectares en moyenne 26 .
Le morcellement et la surface des parcelles peuvent
jouer sur la répartition des arbres dans le terroir agricole.
Entre deux parcelles contiguës, les cultivateurs laissent
parfois des bandes enherbées. Si les parcelles sont isolées,
est sont séparées par des espaces boisés. La configuration
agroforestière sera donc différente suivant les cas.
Certaines rizières se trouvent isolées au milieu d’un
bosquet tandis que d’autres se trouvent toutes regroupées et
contiguës dans un grand bassin rizicole, parfois quasiment
vide d’arbres.
Figure 12 : Limite entre deux parcelles contiguës, C.BORDES, 2009
• Accès à la propriété et genre
Reprenons ce qui a été dit dans la première partie (1.3.3.2), en matière de droit
coutumier pour la gestion du terroir : une parcelle appartient à celui qui la défriche après qu’il
ait demandé l’autorisation. La terre peut également être donnée, notamment dans la famille.
On emploiera le mot « propriétaire », pour désigner celui qui décide de l’aménagement de sa
parcelle et qui en possède l’usufruit l’année où il est interrogé. C’est généralement les chefs
d’une famille nucléaire qui sont les propriétaires d’une parcelle. Un jeune homme qui
s’émancipe peut décider de demander sa propre parcelle au chef de sa famille. Il sera alors
aidé de petits frères et sœurs. Les femmes qui désirent exploiter une terre, peuvent la
demander à un membre de leur famille qui lui donnera une terre qu’il a déjà cultivée. Les
veuves héritent de la terre de leur mari. Beaucoup de femmes et de jeunes filles possèdent des
parcelles de riz de petite taille. Le sexe de la personne qui aménage sa parcelle est important à
prendre en compte dans la problématique de sélection des arbres. Le tableau de résultats issu
de l’enquête auprès des cultivateurs montre que 24 parcelles de riz sur 25 sont la propriété des
femmes. Il faut savoir que certaines parcelles aménagées par le projet PICOFA leur ont été
vendues, dans ce cas c’est le projet qui a décidé de la sélection des arbres... Dans les autres
types de champs, le propriétaire est plus souvent masculin.
L’arbre n’est pas une propriété individuelle en principe, mais son usufruit revient au
propriétaire de la parcelle ou à celui qui l’a planté.
26 Une parcelle était la propriété de l’école de Tambarga
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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2.2.2.2 Sélection des arbres suivant les types de champs
L’inventaire effectué pendant la phase de recherche nous a permis d’obtenir des
densités à l’hectare. Le tableau obtenu suivant les types de champs nous donne également les
densités d’individus au DBH supérieur à 10 cm et le nombre d’espèces en moyenne par type
de champs, ainsi que les écarts types.
Densités d'individus DBH!10cm Nombre d'espèces présentes
par placeau à l'hectare par placeau à l'hectare
MOY ET MOY ET MOY ET MOY ET
CB 5 4 21 17 2 1 8 4
CP 9 6 37 24 3 2 13 9
CV 3 3 13 10 2 1 7 5
R 5 5 20 22 3 3 12 12
Tableau 3: Densités d’individus et nombre d’espèces présentes en fonction du type de champ, à l’unité
près ; C.BORDES, 2010
On observe que ce sont les CP qui contiennent les plus grandes densités d’individus,
dépassant largement les autres catégories. Les rizières contiennent également de grandes
densités, mais le nombre d’individus est très variable d’une rizière à l’autre ce que nous
pouvons voir par la grandeur de l’écart type. En ce qui concerne la diversité d’espèces, leur
nombre est quasiment équivalent dans les CP que dans les R, où on note encore une grande
variabilité par l’importance de l’écart type. Les diagrammes en secteur suivants, vont nous
donner une idée des espèces dominantes par type de champs.
Figure 13: Diagramme en secteurs des densités à l’hectare par espèces dans les CB; C.BORDES, 2010
Dans les CB, on note une dominance manifeste des Karités (Vitellaria paradoxa) et des
Nérés (Parkia biglobosa), les premiers étant trois fois plus nombreux que les deuxièmes. Les
autres espèces sont très minoritaires. On note cependant une population relativement
importante de Combrétacées (Combretum glutinosum, Combretum colinum 27 et Terminalia
avicennioides).
27 Les deux Combretum, C. colinum et c.glutinosum, étaient fréquemment désignées sous le même nom en
langue Gourmantché. (cf. annexe n°8 et 2.1.1).
- 49 -
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010

Figure 14 : Diagramme en secteurs des densités à l’hectare par espèces dans les CP ; C.BORDES, 2010
Dans les champs des Peuls, les Karités sont massivement dominants alors que les
Nérés, contrairement au cas précédent, ont une faible densité (0,8/ha) et ne dominent pas les
autres. Outre le Karité qui fait l’objet d’une sélection particulière, on note une grande
diversité d’espèces à faible densité. Le Sclerocarya birrea, l’Acacia gourmaensis et le
Balanites aegyptiaca dépassent un individu à l’hectare.
Figure 15 : Diagramme en secteurs des densités à l’hectare par espèces dans les CV ; C.BORDES, 2010
Les champs de village ont de faibles densités d’arbres. Par contre comme on peut le
voir dans le tableau qui suit, les diamètres des arbres dans les champs de village sont très
importants, comparés aux autres en particulier pour le Néré (Parkia biglobosa) et le
Tamarinier (Tamarindus indica). Le Karité reste dominant, suivi de loin par le Nimier
(Azadirachta indica). Ce dernier est une espèce récemment introduite tout comme plusieurs
autres dont on remarque la présence : le manguier (Mangifera indica), le Senna siamea, le
Ficus thonningii, On note également la présence d’espèces utiles comme le Diospiros
mespiliformis le raisinier (Lannea microcarpa), le Baobab (Adansonia digitata), le “figuier“
(Ficus sycomorus), le palmier (Hyphaene thebaica), et le Daniella oliveri, les autres ayant été
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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emarqués par ailleurs. Il faut noter que le village de Tambarga en particulier, se trouve en
amont du cours d’eau qui le traverse. Les CV de Tambarga se trouve donc en zone
relativement plus humide.
Figure 16 : Diagramme en secteurs des densités à l’hectare par espèces dans les rizières ;
C.BORDES, 2010
On note au niveau des rizières, une diversité beaucoup plus importante d’espèces dont
les densités sont réparties de façon plus homogène que dans les autres types de champs.
D’autre part, le Karité n’est pas l’espèce dominante. Elle vient seulement en 13 ième position
avec une densité faible, elle préfère en effet les terrains mieux drainés. C’est cette fois-ci le
genre Piliostigma qui domine avec les espèces Piliostigma reticulatum et Piliostigma
thonningii, suivit du Daniella oliveri. Le changement radical dans la sélection des espèces
vient d’une part, des différences des conditions hydriques. En effet, les parcelles sont
parcourues par une lamelle d’eau pendant une partie de l’année, on a donc la présence
d’espèces ripicoles ayant un besoin supérieur en eau. D’autre part il y a moins de sélection
que dans les autres types de champs ou davantage : soit les parcelles sont très petites et isolée,
le placeau a donc intégré les arbres autour, soit elle fait partie d’un bas fond aménagé où très
peu d’individus sont conservés à l’intérieur des parcelles. La diversité de profils des rizières
était importante, il est donc difficile de conclure quant aux stratégies de sélection des espèces.
Le fait que ce soient les femmes qui possèdent les rizières peut jouer sur la sélection car les
responsabilités quant à l’exploitation des produits des arbres varie d’un genre à l’autre.
Figure 17 : Exemples de
configuration de rizières;
C.BORDES, 2010
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 51 -

Pour le tableau suivant, on a pris les 10 essences ayant été recensées en plus grand
nombre, par ordre décroissant. Il donne les DBH et les hauteurs moyens par espèce dans
chaque type de champ.
Espèce CB CP CV R
DBH
DBH
DBH
DBH
dtés/ha dtés/ha moy h moy dtés/ha moy h moy dtés/ha moy h moy dtés/ha moy h moy
Vitellaria paradoxa 10,84 15,2 29,8 6,1 21,8 28,7 6,0 5,6 52,1 8,3 0,8 45,8 8,8
Parkia biglobosa 1,2 3,2 49,3 7,9 0,8 59,7 9,4 0,3 125,7 11,0 0,5 43,5 8,7
Piliostigma sp. 0,76 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,6 19,0 4,3 2,4 28,4 3,8
Balanites aegyptica 0,76 0,2 19,1 4,5 1,4 39,1 6,3 0,2 38,2 9,0 1,3 41,8 6,8
Terminalia avicennioides 0,68 0,8 24,0 5,9 0,6 21,0 4,3 0,0 0,0 0,0 1,3 41,1 9,3
Sclerocarya birrea 0,68 0,0 0,0 0,0 2,2 30,3 5,8 0,3 50,9 6,0 0,2 66,8 11,0
Combretum glu/col 0,68 0,8 13,1 4,3 0,5 14,1 3,8 0,3 28,0 5,3 1,1 28,0 4,0
Acacia gourmaensis 0,64 1,0 21,8 4,4 1,4 25,5 2,7 0,0 0,0 0,0 0,2 19,1 5,5
Diospiros mespiliformis 0,6 0,2 33,7 8,0 1,0 29,4 5,8 0,8 45,2 5,1 0,5 36,0 6,5
Daniella oliveri 0,48 0,2 33,4 8,0 0,2 30,2 10,0 0,2 45,5 9,0 1,4 56,7 10,6
Tamarindus indica 0,44 0,2 83,7 7,5 0,8 36,2 5,1 0,3 124,8 12,0 0,5 46,2 8,3
Lannea microcarpa 0,44 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,8 98,4 9,4 1,0 39,0 7,1
Ficus sycomorus 0,4 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,5 53,8 8,2 1,1 80,3 9,0
Tableau 4 : DBH et hauteurs moyennes des dix espèces les plus abondantes par type de champ ;
C. BORDES, 2010
Ce tableau nous montre que les diamètres des individus sont globalement plus
importants dans les villages et dans les rizières. Dans les premiers, on a souvent de vieux
individus entretenus et conservés pour l’ombrage, l’utilisation de leur fruits et le prestige.
Dans les bas-fonds rizicoles où les conditions hydriques sont différentes, on observe
également des diamètres plus importants. Par exemple, le Terminalia avicennioides est deux
fois plus grand et deux fois plus large qu’ailleurs.
On a surligné en vert les types de champs pour lesquels les densité des arbres
répertoriés dans ce tableau sont supérieures aux densités moyennes. Dans les champs des
Peuls, on relève : Vitellaria paradoxa, Balanites aegyptica, Sclerocarya birrea, Acacia
gourmaensis, Diospiros mespiliformis et Tamarindus indica. Le Néré (Parkia biglobosa) a
une densité beaucoup plus élevée dans les champs de brousse que dans les autres, c’est donc
une sélection propre aux Gourmantchés, dans les milieux drainés et espacés. On remarque
aussi que des densités plus élevées que la moyenne se retrouvent souvent dans les rizières,
cela est du aux facteurs que l’on a déjà exprimés : petite taille des parcelles et présence d’eau
qui favorise la multitude et la diversité des ligneux. Piliostigma sp., le Terminalia
avicennioides, le Daniella oliveri, le Lannea microcarpa et le Ficus sycomorus, qui semblent
particulièrement présents dans et autour des rizières. On remarquera que certaines rizières
étaient très proches des villages et bénéficient donc de la sélection « de village » : les 2
dernières par exemple.
Les espèces les plus présentes dans les champs échantillonnés sont le Karité suivit de
loin par le Néré, puis le Piliostigma sp. et le Balanites aegyptiaca. Mais si l’on fait une
distinction selon le type de champ, on se rend compte des différences qualitatives et
quantitatives des peuplements. La répartition naturelle qui dépend caractéristiques
pédologiques, en particulier de leur profondeur, et de la disponibilité en eau, ainsi que les
différents modes de gestion, jouent sur la répartition des espèces dans les champs. Ensuite, la
sélection des arbres relève d’un choix individuel dans le respect des règles législatives et
coutumière. On a vu qu’elle peut être influencée par des variables sociales : groupe
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 52 -

d’appartenance, genre, activité… On peut regrouper dans un schéma les 5 espèces les plus
présentes par type de champs.
Figure 18: : les cinq espèces au peuplement le plus dense par type de champ échantillonné;
C.BORDES, 2010
Ainsi, l’aménagement des parcelles évolue au cours du temps et dans l’espace, au gré
des différents modes de gestion et c’est ainsi que se façonne le paysage agraire arboré.
Voyons maintenant ce qui détermine les choix des paysans dans la sélection des arbres dans
les champs.
2.3 Un arbre dans un champ : quels avantages et quels
inconvénients pour les paysans
On se doute que le poids des inconvénients comparativement aux avantages que
présente un arbre dans un champ va être déterminant pour sa sauvegarde. Cette évaluation est
subjective et du ressort du cultivateur lorsqu’il défriche sa parcelle, bien que certains interdits
coutumiers ou légaux reposent sur certains arbres. Ces considérations seront en premier lieu
d’ordre agroécologique : comment l’arbre interagit avec les cultures qui sont la vocation
première de l’espace étudié, le champ.; d’autre part d’ordre utilitaire : quels bénéfices l’arbre
apporte-t-il Bien que la littérature fasse largement cas de ces questions, la démarche a été de
chercher les réponses directement auprès des paysans.
2.3.1 Interactions écologiques avec les cultures
Les facteurs déterminants de la croissance végétale sont la disponibilité en eau, en
énergie lumineuse, en éléments minéraux et organiques. Entre l’arbre et la strate herbacée, au
niveau de laquelle se trouvent les cultures annuelles dans une parcelle cultivée, vont se jouer
des compétitions et synergies. Les interactions entre les arbres et les cultures sont multiples,
comme en atteste le schéma qui va suivre, et dépendent d’un tas de facteurs comme l’espèce
de l’arbre, son âge et sa taille, la profondeur du sol, la disponibilité en eau, en éléments
minéraux…. Le bilan est complexe car beaucoup de paramètres rentrent en jeu (D-
Y.ALEXANDRE, 2002). Les deux premiers points de cette sous-partie s’appuient sur les
ouvrages scientifiques afin de poser les principaux fondements de l’agroforesterie qui ont
inspiré la démarche d’enquête.
Figure 19 : Schéma des interactions écologiques; C.BORDES, 2010
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 53 -

Interception de
l’eau par le
houppier
Précipitations
Énergie lumineuse
Vent
Poussières
atmosphériques
Système aérien :
Stock d’eau,
éléments minéraux
et C
Oiseaux
Déjections
OMBRE
Ruissellement
nt
Gouttes
Litière
Macro-organismes
Libération des stocks
Microflore bactérienne
Système souterrain:
Pompage
Racine pivot
Racines traçantes
Ruissellement
Ruissellement
nt
Eau de surface
Infiltration
Eau profonde
Éléments minéraux
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
Strate herbacée
Matière organique (C)
SOL:
Profondeur
Encroûtement/
Microfissures
Fertilité
- 54 -

2.3.1.1 Apports scientifiques sur l’agroforesterie
• Compétition pour la lumière et l’espace
Le premier facteur déterminant pour le développement des cultures en C4 comme le
mil, le maïs et le sorgho est la captation d’énergie lumineuse est la lumière. L’ombre que
provoquent les arbres sur toute la surface de la couronne est l’inconvénient qui pousse les
agriculteurs à les ôter de leur parcelle, le tronc en lui-même ne mobilise que peu d’espace.
Sous le houppier se crée ainsi un microclimat plus humide et plus frais, où
l’évapotranspiration est diminuée car ce potentiel est déjà mobilisé. La largeur de la couronne
dépend de l’espèce et de son âge. Le Néré devient particulièrement gênant en vieillissant car
son branchage s’étale. Les femmes compensent l’espace perdu en y semant sous son ombrage
des espèces comme le piment ou le sésame, sensible à un ensoleillement trop important. La
taille des arbres pourrait être une solution pour limiter cet inconvénient. En outre, plus l’arbre
est élevé, plus l’ombre se répartit sur une grande surface, se faisant moins intense,
(ALEXANDRE, 2002), d’où le choix des défricheurs de sélectionner les grands arbres.
L’espèce préconisée fréquemment par des promoteurs de l’agroforesterie est le Fedherbia
albida, car elle est caduque en saison des pluies, au moment de la croissance des plantes
cultivées et du pâturage, ce qui diminue fortement son ombrage sur les cultures.
• Interactions écologiques avec le sol
Les différents paramètres du sol influent sur la répartition et la croissance des arbres
qui vont se nicher plus favorablement dans des microsites fertiles. De la profondeur du sol va
dépendre celle du système racinaire et de fait sa capacité à puiser l’eau et les éléments
minéraux en dessous du niveau réquisitionné par la strate herbacée. Ce dernier va jouer en
retour sur la porosité du sol et sa capacité d’infiltration. Les éléments minéraux, l’eau et la
matière organique stockée dans la partie aérienne de l’arbre vont être libérés dans le sol en
partie grâce à la litière. ALEXANDRE note que les vieux arbres ralentissent leur mobilisation
des minéraux, voir les relâchent en dépérissant. Les racines constituent un important stock de
matière organique dans le sol et le microclimat qu’il créent favoriserait le développement des
microorganismes fixateurs d’azote. Certaines espèces ou genres, sont réputés pour être
fixatrices d’azote (le genre Acacia en est le premier exemple), mais en milieu tropical sec, le
manque de phosphore et d’oligo-élément limitent cette fixation. Pour ce qui est des macroorganismes,
les cultivateurs notent que certaines espèces favorisent la présence d’insectes
comme des vers, ce qui n’est pas forcément une bonne chose pour les cultures. Les arbres sont
un perchoir pour les oiseaux qui d’un côté enrichissent le sol par leurs déjections, mais d’un
autre sont des prédateurs pour les céréales à maturité. Ils peuvent également être des agents
disséminateurs de graines ce qui favorisera la régénération naturelle au niveau des
couronnes.Cette liste d’interactions est très peu exhaustive mais encore une fois celles-ci sont
multiple, complexes et encore trop peu étudiées.
2.3.1.2 La vision des paysans
Lors de la démarche d’entretien préalable au protocole formel, plusieurs cultivateurs
ont déclaré que les arbres étaient utiles car ils « conservent l’humidité » dans les champs (l’un
d’un a déclaré que les souches laissées dans le champ pouvaient jouer ce rôle) et donnent de
l’ombre tandis que d’autres ont plutôt abordé l’aspect gênant de leur compétition avec les
cultures, pour la lumière, l’eau et les nutriments.
C’est dans la volonté de s’appuyer sur l’expérience quotidienne des cultivateurs et leur
sens de l’observation que l’on a inclus dans le protocole d’enquête les questions de
comparaison déjà évoquées dans la présentation des enquêtes (2.1). Elles se sont basées sur
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 55 -

les considérations précédentes. On présentera ici les résultats de cette démarche bien qu’ils ne
soient pas très précis ni fiables. Les questions d’interactions écologiques entre l’arbre et les
cultures concernent les questions a à h (cf. annexe n°3).
Les deux espèces qui ont été choisies le plus fréquemment pour être comparées, sont le
Karité (Vitellaria paradoxa) et le Néré (Parkia biglobosa), qui comme on l’a vu sont les
espèces majoritaires dans les champs de brousse. Selon BOFFA et al., (cités par R.
DUPONNOIS) 28 , « il est parfaitement connu que le Karité et le Néré ont une influence
positive sur la fertilité du sol et constituent des espèces de choix dans les systèmes
agroforestiers ». Notons pour relativiser ces porpos concernant le Karité dont il sera souvent
question par la suite : « Sa composition est assez forte vis-à-vis des céréales. Il améliore
l’infiltration de la pluie » (MAÏGA, 1987, cité par ALEXANDRE 2002).
Sur 100 rencontres, mettant en relation trois arbres à chaque fois, on a 17 cas ou le Néré
est comparé au Karité. En attribuant un point à celui qui est classé en premier, on a obtenu un
tableau comme celui-ci 29 :
a
humidité
b. ra
prof
b’. rac
fortes
c résistance
au vent
d
ombre
e.
litière
f. rdt
culture
g.
oiseaux
h.
insectes
i.
bénef
Parkia b. 9 5 3 2 6 5 3 6 10 1
Vitellaria p. 8 12 14 15 11 12 14 11 7 16
Tableau 5 : Comparaisons entre le Karité et le Néré ; C.BORDES 2010
Le Karité est ici en tête à toutes les questions sauf celles sur l’attrait des insectes et des
oiseaux. La question relative à l’humidité donne un résultat mitigé.
On a également des tableaux de comparaisons pour de nombreuses autres espèces, à savoir :
• Le Karité avec le Tamarinier (Tamarindus indica) (6), le Piliostigma sp. (6), deux
Combretacées (Terminalia avicennioides, 6, Combretum sp., 4), le Manguier
(Manguifera indica) (4), le Ficus sycomorus (3), le Diospiros mespiliformis (4), le
Baobab (3), le raisinier, (Lannea microcarpa) (5) et le Balanites aegyptiaca (3).
• Le Néré est comparé 3 fois à son tour respectivement avec le Lannea microcarpa et le
Terminalia avicennioides.
• Le raisinier est comparé à son tour aux Sclerocarya birrea (5) qui est lui même
comparé au Balanites (4) et au Piliostigma spp (3)
• Enfin le Manguier avec le Baobab (Adansonia digitata) (3), le Ficus sycomorus (4) et
le Piliostigma sp (3).
Les chiffres entre parenthèses désignent le nombre de comparaisons faites pour les deux
espèces concernées. Il n’y a donc que le Karité et le Néré qui font l’objet d’un nombre de
comparaisons relativement élevé. Il est très compliqué de faire des conclusions à partir de ces
tableaux car les résultats reposent sur trop peu de réponses. Pour toutes ces espèces où il n’y a
que quelques réponses, on ne s’attardera que sur celles qui font l’unanimité. On les croisera
avec les paroles recueillies (cf.2.1.1.2.) ainsi que des données scientifiques issues.
a. Conservation de l’humidité
Cinq résultats unanimes sont donnés pour cette question. Il s’agit en effet du Manguier qui
est classé devant le Karité et le Baobab et du Néré qui est avant le Raisinier et le Tamarinier.
Ce dernier est également classé avant le Karité à une de voie près. Le Karité est positionné
avant le Combretum sp.. On peut donc dire que ces trois espèces gardent un microclimat
humide sous le houppier d’après les paysans. Le manguier, que l’on plante dans des endroits
28 L’arbre, un patrimoine menacé, recueil de T.FTAÏTA
29 Pour le détail des questions, se reporter au protocole d’enquête annexe n°5 ou à la partie 2.1.1.2 (p.43)
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 56 -

plus humides de préférence, possède un feuillage très dense et très foncé. Il absorbe alors
beaucoup de chaleur, ce qui fait que l’évapotranspiration est très importante au niveau du
houppier et très faible en dessous. C’est un refuge privilégié pour les animaux et les hommes.
Le Néré de son côté est également réputé pour cette caractéristique. On dit qu’il « garde
l’eau quand c’est sec». Enfin le Karité, qui possède comme le manguier un feuillage dense et
sombre, limite également l’évapotranspiration sous sa couronne. Cependant, son houppier est
souvent moins étalé que celui du manguier. Il est moins gênant que ce dernier pour les
cultures.
b. Profondeur des racines
Les réponses unanimes concernent le Karité, que l’on classe avant le Combretum sp., le
Piliostigma sp. placé avant le manguier, qui est avant le Baobab. Les racines, sont réputées
traçantes pour le manguier, peu profondes pour le Combretum sp. mais très profondes en
revanche pour les Piliostigma sp. L’enracinement d’après ALEXANDRE, dépend surtout de
la profondeur du sol, ce qui déterminera la capacité de l’espèce à développer son système
racinaire. Le manguier, souvent planté autour des villages où le sol est sableux, y développe
selon les témoignages, un système traçant important. Le Néré, quant à lui, aurait des racines
très profondes. En effet, dans l’ouvrage de T.FTAÏTA, on apprend qu’il se retrouve au niveau
des sols sablo-siliceux où l’enracinement peut se développer librement (B.TRAORE 30 ). Un
témoignage intéressant à ce propos, concerne le Balanites aegyptiaca : « Cela dépend du sol :
si le sol est mou les racines vont en profondeur mais si il y a une couche de cailloux les
racines n’iront pas ». Enfin, le Karité qui est classé avant le Néré et le Combretum sp., préfère
selon le même ouvrage, « les sols argilo-siliceux ou silico-argileux profonds ». Pourtant selon
des paroles recueillies, il aurait des racines peu profondes et traçantes en surface.
Figure 20 : Système racinaire du Lannea m. en évidence, C.BORDES 2009
c. Résistance au vent
Cette partie est un peu difficile à traiter car deux questions ont été posées différemment
comme on l’a dit dans la présentation : cela concerne d’une part la capacité des racines à le
retenir au sol, d’autre par la résistance des branches. Néanmoins on peut dire que le
Tamarinier était classé à l’unanimité avant le Karité pour la résistance de ses branches au vent
et la « force » de ses racines. Le Diospiros mespiliformis est aussi classé devant le Karité à
30 L’exploitation du Néré par les femmes, recueil de T.FTAÏTA
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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l’unanimité pour les deux questions. Le Ficus s. est également devant le Karité pour les deux
(3 contre 1), et enfin le Balanites a. est à l’unanimité plus résistant que le Sclerocarya b. Ces
questions étant un peu ambiguës, on ne fera pas de conclusions. Du côté du recueil de
témoignages, on dit qu’on « a jamais vu un manguier terrassé par le vent ». Il est dit aussi que
les branches du Néré, du Daniella o., du Ficus S. ainsi que celles de Sclerocarya b. cassent
facilement. Cette caractéristique n’est pas très avantageuse pour la place de l’arbre dans un
champs de culture, surtout face à la violence des vents à la saison des pluies. Le Piliostigma a
des branches et des racines très « fortes » selon une cultivatrice, « Seul le tamarinier est plus
fort », a-t-elle déclaré.
d. Estimation de l’ombrage le plus important
Le Karité fait à l’unanimité plus d’ombre que le Diospiros m., le Balanites a. et le
Combretum sp. Le Manguier en revanche est classé avant lui. Il est dit qu’aucun rayon de
soleil ne passe sous son feuillage. Le Sclerocarya b. en revanche, est classé après le
Piliostigma sp. et le Balanites a. Il fait peu d’ombre d’après les paysans. Si l’ombre
provoquée par les arbres est très gênante pour les cultures, elle est en revanche un bienfait
pour le repos des cultivateurs et des animaux. Celle du Lannea m. par exemple, est appréciée
pendant la saison sèche.
e. La qualité de la litière produite par les feuilles
Le Karité, classé avant le Néré, l’est aussi à l’unanimité avant le Balanites a. et les
Combretum sp. Le Piliostigma est classé avant le Sclerocarya b., le Manguier avant le
Baobab et le Terminalia a. avant le Néré. Beaucoup de témoignages recueillis attestaient de la
bonne qualité de la litière produite par le Karité. Si cette espèce est sélectionnée en priorité
dans les parcs agroforestiers, c’est qu’elle s’associe bien avec les culture. Si son ombrage est
limitant, on peut dire que la qualité de sa litière constitue un avantage. L’un d’eux déclare
pour le Manguier que la qualité de la litière est bonne mais que rien ne pousse sous sa
canopée dès que celle-ci s’élargit. L’avis d’une vieille femme, Talari Dadjuari, vient
contredire ces faits: "un arbre qui donne des fruits n'a pas beaucoup d'engrais dans ses
feuilles, sa litière est son fruit". D’autre part, pour elle la cendre du Piliostigma constitue un
excellent engrais. C’est d’ailleurs l’une des espèces les plus fréquentes dans les jeunes
jachères, on la brûle donc souvent lors des défriches.
f. Le rendement des cultures en dessous.
Selon les paysans interrogés, il y aurait un meilleur rendement des cultures céréalières
sous le Karité que sous le Néré ainsi que sous le Balanites a. . Il serait meilleur également
sous le Sclerocarya b. que sous le Balanites, mais moins bon que sous le Piliostigma sp.. Un
paysan a déclaré que « semer dans l’ombre du (Sclerocarya b.) ne donne pas ». Etant donné
que celle-ci n’est pas très intense, c’est certainement autre chose qui limite. Les espèces
comme le Néré, le Lannea m. ou le Ficus sycomorus, sous lesquelles les cultures céréalières
ne se développent pas bien, abritent par contre d’autres cultures d’ombrage comme le piment,
le sésame ou le tabac. Concernant les bénéfices que donnent le Ficus s., on a relevé : « Il est
bon pour semer (le sésame) dessous ».
g. L’attraction produite par l’arbre sur les oiseaux
En général les espèces citées en premier sont celles qui donnent des fruits charnus appétés
par les oiseaux. En effet, le Karité, le Manguier et le Ficus s., passent avant les autres.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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h. L’attraction des insectes exercée par l’arbre.
L’attrait des insectes par l’arbre peut être gênant. On s’est rendu compte au cours du
processus d’enquêtes, que l’assistant traduisait insectes par « vers » car les insectes volants
portaient un autre nom. Ici le Lannea m,. les attirerait davantage que les autres espèces car il
est classé avant le Karité et le Néré qui se positionnent eux-mêmes avant d’autres espèces. La
présence de fruits charnus semble également jouer, mais aussi celle des gousses car le
Tamarinier, le Piliostigma et le Néré ont souvent été classés en priorité. D’autre part, l’attrait
exercé par les arbres sur les termites, ou inversement, les fait qu’ils se nichent
préférentiellement sur les zones de termitières, peut faire que le sol au pied de ces arbres, est
plus riche et de structure plus poreuse qu’ailleurs. C’est le cas du Tamarinier, qui pousse le
plus fréquemment en association avec les termitières. Cependant ces effets s’inversent une
fois l’édifice érodé 31 .
Conclure quelque chose de ces résultats n’est pas évident, mais ils montrent que les
paysans par leur observation et leur pratique quotidiennes ont leur avis sur les interactions
écologiques des différentes espèces avec le milieu. L’ombre de la canopée est le premier
facteur gênant pour le développement des cultures, elle prend beaucoup d’espace, bien que
celui-ci soit optimisé par les semis de cultures d’ombrages. Pourtant la litière issue du
feuillage a un effet fertilisant sur le sol et celui du Karité est particulièrement bon. Nous
pouvons recouper ces avis avec des articles scientifiques, ce que nous ferons dans la partie
suivante. Ici nous avons montré que les cultivateurs prennent en considération des aspects
écologiques. Mais bien d’autres rentrent en jeu dans la stratégie de sélection.
2.3.2 L’arbre et ses nombreux bénéfices : une garantie de sa sauvegarde
dans le champ.
Comme on l’a déjà dit à plusieurs reprises, l’usage des produits des arbres est essentiel
pour le bien-être des paysans. De l’utilité d’un arbre dépend la motivation du paysan à le
conserver. D’autres aspects que l’alimentation ont leur importance. Dans notre démarche,
nous avons cherché à recenser les principaux bénéfices et les principales espèces utiles pour la
population échantillonnée. La question i du protocole d’enquête auprès des cultivateurs,
devait les amener à classer les trois espèces choisies en fonction du bénéfice qu’elles
apportaient. Ils étaient ensuite invités à dire quels sont ces bénéfices. Il a résulté de ces
comparaisons que le Karité est presque systématiquement classé avant les autres espèces
auxquelles il est confronté, sauf le Manguier avec lequel il est à égalité. Le S.birrea en
revanche est classé derrière les autres espèces. À la question « Quels sont ses bénéfices »,
on a recensé les réponses mais il serait ici trop long d’en faire une liste par espèce. La réponse
donnée en premier, pour les essences qui en donnent, est les fruit comestible. L’usage
médicinal vient en deuxième lieu. Ensuite on évoque l’usage du bois pour le feu, pour la
construction, des branches pour les enclos, du bois pour la fabrication de la houe… L’ombre
que l’arbre procure pour le repos du paysan est un bénéfice qui est cité assez souvent.
Nous allons maintenant nous appuyer sur les résultats du recensement des espèces
prioritaires (se reporter à l’annexe n°4). Notons qu’on a raccourci les tableaux à partir de
pourcentages ou de points jugés trop bas pour synthétiser les réponses. D’autres espèces, qu’il
peut sembler utile de mentionner, apparaîtront dans l’analyse.
31 Rôle des termitières de Macrotermes subhyalinus Rambur dans une brousse tigrée (yatenga, BF)
P.OUEDRAOGO, M.LEPAGE ; dans Fonctionnement et gestion des écosystèmes forestiers contractés
sahéliens, (ORSTOM, CIRAD, MHE/DER Niger); Ed John Libbey Eurotext ,1997
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 59 -

2.3.2.1 L’importance alimentaire
L’importance de certains produits forestiers non ligneux a été démontrée dans
beaucoup d’ouvrages, les fruits et les feuilles qu’ils procurent apportent des compléments
essentiels au bol alimentaire : sucres rapides, vitamines, lipides (le beurre de Karité en est un
grand pourvoyeur), les protides, acides aminés essentiels, oligoéléments et fibres ; les
compositions des fruits et des feuilles en ces différents éléments étant très variable d’une
espèce à l’autre. En définitive le rôle alimentaire des arbres est beaucoup plus qualitatif que
quantitatif (ALEXANDRE,2002).
Espèce
% de personnes ayant
cité l’espèce Points
Mangifera indica* 90% 235
Vitellaria paradoxa 80% 176
Pisidium guajava 38% 67
Parkia biglobosa 35% 54
Musa sp. 10% 18
Carica papaya 10% 11
Lannea microcarpa 8% 9
Tableau 6: Espèces prioritaires pour la consommation des fruits (cf. annexe 6, question n°1)
À l’exception du Karité et du Néré, on voit que ce sont les espèces exotiques qui
dominent. Les autres espèces locales dont les fruits sont consommés ne sont que rarement
évoqués. Il s’agit de Adansonia digitata, Detarium m., Gardenia erubescens, Vitex doniana,
Ficus sycomorus, Diospiros mespiliformis, Balanites aegyptica et Xymenia americana. Ceci
est dû au fait que seulement trois espèces devaient être mentionnées. Le goyavier qui occupe
la troisième position n’est pas une espèce locale, mais anciennement introduite. La banane
(Musa sp.) et le papayer sont des cultures de case.
D’autre part, il est clair que le manguier et le Karité possèdent les pulpes les plus
appréciées de tous, mais cela peut varier selon l’âge. Seules les jeunes femmes (F/15-34) et
les vieillards (64 et +), citent le Karité (Vitellaria p. ) en premier, sinon les autres catégories
de personnes placent le manguier avant tout. Les jeunes garçons placent le Néré en 7 ème
position alors qu’en général il est en 4 ème . Le Raisinier (Lannea microcarpa) qui donne de
petits fruits très sucrés juste avant la période des semis semble plus important pour les jeunes
garçons. Il semble que certains fruits sont qualifiés de « fruits pour les enfants », il semble y
avoir certaines choses qu’il n’est plus bienséant de manger à partir d’un certain âge. C’est le
cas notamment du S.birrea.
Espèce
% de personnes ayant cité
l’espèce Points
Adansonia digitata 99% 289
Bombax costatum 84% 149
Moringa olifera* 70% 113
Vitex doniana 18% 27
Pas de réponse 10%
Tableau 7 : Espèces dont les feuilles (ou calice), rentrent le plus couramment dans la préparation des
sauces (Annexe 6, question n°2)
Les réponses viennent confirmer la littérature et les observations, sur l’importance des
feuilles de Baobab (Adansonia digitata) et des calices des fleurs du Kapokier rouge (Bombax
costatum). Les feuilles des plantes herbacées, sauvages ou cultivées, sont davantage utilisées
que les feuilles des arbres c’est pourquoi il y a beaucoup de non-réponses. Les femmes qui
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 60 -

font la cuisine s’y connaissent mieux. Trois des espèces les plus importantes sont spontanées
alors que la troisième, le Moringa, est domestiquée. D-Y ALEXANDRE écrit que c’est un
arbre de case, donc de femmes. Le Vitex doniana vient loin derrière les 3 espèces principales
mais il révèle ici une forte importance alimentaire pour ses feuilles alors que l’importance des
fruits avait été masquée à la première question.
2.3.2.2 L’usage médicinal
Espèce
% de personne ayant cité
l'espèce
Points
Azadirachta indica* 71% 140
Vitellaria paradoxa 49% 90
Khaya senegalensis* 49% 83
Parkia biglobosa 42% 69
Eucalyptus camaldulensis* 35% 62
Cassia siamea* 27% 39
Mangifera indica* 19% 33
Vitex doniana 19% 28
Sclerocarya birrea 16% 27
Vernonia colorata 12% 21
Piliostigma sp. 11% 20
Diospiros mespiliformis 14% 18
Anogeissus leiocarpus 11% 17
Ficus thonningii 12% 15
Ficus sycomorus 11% 14
Carica papaya 7% 13
Lannea microcarpa 8% 11
Tamarindus indica 8% 11
Tableau 8 : Espèces prioritaires pour la pharmacopée ( question n°3, annexe 6)
On observe que c’est prioritairement les espèces introduites pour les campagnes de
reboisement et qui ont fait l’objet d’une forte sensibilisation (*), qui dominent le tableau.
Elles ont été plantées en abondance dans les villages. D’autre part, excepté Vernonia c., Ficus
t. et Carica p., qui sont des arbres domestiqués dans les villages, les autres espèces du tableau
jouissent naturellement d’une répartition abondante dans les champs et les jachères de la zone
à proximité des villages. Les espèces les plus connues et les plus proches, sont les plus
utilisées. En revanche, ce tableau qui recense les espèces les plus utilisées, ne dit rien de
celles peu accessibles ou fournissant des remèdes efficaces pour des maladies rares. D’après
K. Hahn-Hadjali et A.Thiombiano, les Gourmantchés sont réputés pour leurs connaissances
dans le domaine médicinal.
2.3.2.3 L’usage du bois
Située loin des grands centres urbains, cette zone n’a pas vocation à les fournir en
bois, d’autant plus que le statut des réserves réglemente l’exploitation. L’usage est
exclusivement domestique mais son importance dans leur vie quotidienne est de taille. C’est
quasiment l’unique source énergétique des ménages. Concernant la construction, c’est un
élément de base donnant leur structure aux cases traditionnelles en banco. Il est également
essentiel pour l’outillage et l’équipement des habitats.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 61 -

• Le bois énergie
Espèces
% de personnes ayant
cité l’espèce Points
Vitellaria paradoxa 48% 107
Crossopteryx febrifuga 37% 82
Parkia biglobosa 40% 73
Combretum sp. 31% 70
Gardenia sp. 22% 48
Detarium microcarpum 18% 46
Mangifera indica* 15% 32
Terminalia avicennioides 14% 23
Azadirachta indica* 12% 23
Anogeissus leiocarpus 10% 21
Tableau 9 : espèces les plus utilisées comme combustible (question n°4, annexe n°4)
On remarque que le Karité et le Néré sont encore une fois en tête de liste, mais sans
écrasante majorité cette fois. Ces espèces sont dominantes dans les champs, sauf dans les
zones de bas-fonds. Ces résultats peuvent suggérer que les villageois vont chercher le bois
dans leurs champs. À part le Manguier et le Nimier qui sont surtout localisés au village, elles
le sont toutes en brousse. Le Karité est, selon ALEXANDRE, un excellent combustible.
• Le bois de service
Espèce
% de personnes ayant
cité l’espèce Points
Detarium microcarpum 56% 142
Pteleopsis suberosa 55% 118
Anogeissus leiocarpus 55% 113
Terminalia avicennioides 39% 78
Azadirachta indica* 25% 50
Burkea africana 15% 21
Vitellaria paradoxa 7% 12
Eucalyptus camaldulensis* 5% 12
Tableau 10:Espèces prioritaires pour la construction (annexe 4, question n°5)
Les trois premières espèces sont citées par le même nombre de personnes quasiment,
mais c’est le Detarium microcarpum qui est placé devant. Anogeissus leiocarpus est cité par
K. Hahn-Hadjali et A.Thiombiano dans leur étude sur la région de l’Est, comme étant très
utilisée pour la construction dans cette zone. Le bois du Karité est dur et résistant aux
termites, tout comme Burkea a. et le Nimier qui est qualifié de techniquement intéressant. Les
espèces prioritaires pour le bois d’oeuvre, se trouvent dans les champs de brousse et les
jachères, sauf le Nimier et l’Eucalyptus qui sont plantés au village. On les recherche pour la
qualité de leur bois. Il doit être droit, solide et résistant aux termites. Notons que le
Piliostigma sp. est très utilisé pour l’assemblage des structures de cases. Le « Bambou »
(Raphia sudanica) dont un peuplement grégaire se trouve dans le bas-fond de Matambima, est
également très utile pour quelques artisans qui en font des meubles.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 62 -

2.3.2.4 La valeur fourragère des espèces ligneuses
Espèces
% de personnes ayant
cité l’espèce Points
Pterocarpus eracineus 83% 210
Ficus sycomorus 57% 102
Ficus thonningii 38% 85
Mangifera indica* 27% 52
Burkea africana 21% 39
Terminalia avicennioides 12% 26
Sterculia setigera 10% 18
Tableau 11: espèces fourragères (annexe n°4, question n°6)
De toute évidence il semble que le Pterocarpus e. soit l’espèce fourragère principale,
bien qu’il soit caduc en saison sèche. D’après ALEXANDRE, la teneur en protéine du
feuillage est très élevée. Pterocarpus eracineus et Burkea africana se trouvent plus en
brousse que dans les champs. Les essences appétées dépendent aussi des espèces animales. Le
petit bétail élevé et divagant aux abords des villages (ânes, chèvres et moutons), a davantage
accès aux espèces domestiquées ou sélectionnées dans les villages (Ficus s.. Ficus t.,
Mangifera i.). Terminalia a. est fréquemment répandu dans les champs et les jachères.
2.3.2.5 Sécurisation et diversification des revenus
Espèce
Points
% de personnes ayant
cité l’espèce
Mangifera indica* 202 83%
Vitellaria paradoxa 156 71%
Parkia biglobosa 92 49%
Pisidium guajava 49 26%
Bombax costatum 18 10%
Vitex doniana 17 10%
Adansonia digitata 15 11%
Tamarindus indica 14 6%
Carica papaya 11 8%
Tableau 12: Espèces apportant les revenus les plus importants (annexe n°4, question n°7)
Le Manguier représente manifestement l’espèce apportant les revenus les plus
conséquents, ce qui reflète bien l’importance de la mangue dans le Burkina en général.
Pourtant la cueillette et la vente se limitent à une courte période, étant donné que le fruit ne se
conserve pas. Selon les cultivateurs, les fruits du Karité et le beurre sont prioritairement
destinés à l’alimentation familiale. On ne vend que le surplus. Tous et toutes classent le Néré
en 3 ème position, sauf les jeunes garçons, qui préfèrent vendre les goyaves. Le Soumbala, issu
de la transformation des graines est largement consommé et vendu dans les marchés
villageois. Les gousses du Tamarinier sont vendues en gros par quelques commerçants, la
spéculation est intéressante. Cependant leur consommation ne semble pas très importante
dans la zone.
2.3.2.6 La valeur sociale
Les espèces que l’on préfère voir autour de chez soi sont encore celles qui sont utiles
pour l’alimentation et la pharmacopée mais ce sont aussi et surtout celles qui procurent
l’ombre propice à la causerie et au repos, et qui sont décoratives. Les arbres ont une
importance sociale dans les villages.
- 63 -
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010

% de personnes ayant
Points cité l’espèce
Mangifera indica* 148 63%
Azadirachta indica* 132 62%
Eucalyptus camaldulensis* 65 31%
Vitellaria paradoxa 42 20%
Khaya senegalensis* 27 11%
Cassia siamea* 26 14%
Ficus thonningii 26 13%
Delonix regia 24 9%
Parkia biglobosa 22 15%
Moringa olifera* 19 12%
Carica papaya 16 9%
Pisidium guajava 15 9%
Adansonia digitata 13 7%
Tableau 13 : Espèces préférées dans l’environnement villageois (annexe n°4, question n°9)
En premier viennent les espèces domestiquées et très promues lors des campagnes de
reboisement. Il est plus facile de planter au village car on peut plus facilement arroser et
protéger les jeunes plants. Quelques espèces spontanées apparaissent de manière plus
marginale. Le Manguier, placé en première position possède encore l’avantage de fournir une
ombre propice aux causeries et au repos. Le Karité ne vient cette fois-ci qu’en 4 ème position,
cela montre que c’est une espèce que l’on associe surtout aux champs. Le Caïlcédrat (Khaya
senegalensis), dont on trouve quelques peuplements naturels isolés dans la zone, revêtirait
selon la littérature, une importance sociale en Afrique de l’Ouest. Au niveau national, il fait
partie des espèces protégées par le ministère de l’environnement 32 et on l’a largement planté
le long des routes, il fut un temps. Il est rarement apparu lors des questions précédentes,
malgré son bois prisé, son utilité médicinale et sa valeur fourragère. Le Cassia siamea est très
présent dans les cours ce qui dénote qu’il est facile à planter et à entretenir. D’après les
réponses précédentes, son utilité est surtout médicinale, mais il peut aussi servir de bois de
chauffe et de bois de construction. Il décore les concessions et crée de l’ombrage dans les
cours. Le Ficus thonningii est à Tambarga, l’un des arbres que l’on trouve le plus
fréquemment devant les habitations. Il est reproduit facilement par bouture. Selon une
villageoise, il a été introduit récemment
puisque dans sa jeunesse il n’y en avait pas.
Le Flamboyant (Delonix Regia) est un arbre
importé que l’on appelle en langue locale « O
bonpien dubu » : le Néré des blancs. Son
usage n’est autre qu’esthétique. Le Néré a
moins de points, mais il est tout de même cité
par 15% des personnes. Son large branchage
au port esthétique procure de l’ombre. Les
arbres suivants ont tous un usage alimentaire
et pharmaceutique important.
Figure 21: Le Ficus t. et son parasite étrangleur devant une concession; C.BORDES 2009
32 Arrêté n°2004_019/MECV portant détermination de la liste des espèces forestières bénéficiant de mesures de
protection particulières : « Vu la loi n°006/97/ADP du 31 janvier 1997, portant code forestier au Burkina Faso »
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 64 -

2.3.2.7 Synthèse des espèces prioritaires et diversité des usages
Dans le diagramme suivant, on a regroupé les espèces ayant totalisé le plus de points.
Figure 22 : Diagramme de synthèses des espèces prioritaires; C.BORDES 2010
A part le Karité et le Néré, ces espèces ne correspondent pas à celles que l’on trouve le
plus souvent dans les champs. Si l’on se réfère au schéma de conclusion en 2.2.2.2., on voit
que les espèces comme Acacia g., Combretum sp, Terminalia a., sont bien présentes dans les
champs de brousse. Le Piliostigma sp., Daniella o. et Balanites a. sont les plus répandus dans
les rizières tandis que les Diospiros et les Lannea m. sont bien répartis dans les villages. Enfin
les S.birrea sont les plus courants dans les champs des Peuls après le Karité. Ces espèces là
apparaissent peu dans la synthèse ci dessus. C’est donc que l’utilité des espèces n’est pas
l’unique critère déterminant pour leur sélection au champ. Beaucoup d’espèces utiles se
trouvent dans le domaine protégé ou près des casses dans les villages. Si le S.birrea apparaît
en majorité dans les champs des Peuls alors que les Gourmantchés semblent le supprimer
facilement, on peut émettre l’hypothèse que les premiers lui prêtent une valeur fourragère en
tant qu’éleveurs. Mais cela n’a pas été confirmé à la question n°6 (très peu de Peuls ont été
interrogés).
La diversité des usages pour une même espèce relève son importance. Le schéma
suivant nous donne les espèces qui ont été mentionnées par les villageois , même un seul 33 en
réponse à plusieurs questions posées (annexe 4 , questions 1 à 9).
33 Les tableaux précédents ne laissent apparaître que les espèces qui ont été citées au moins par 5% des gens,
c’est pourquoi on ne verra pas apparaître une espèce dans autant de tableaux qu’elle a de points dans le schéma
suivant.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 65 -

Figure 23: Multiplicité des usages par espèce; C.BORDES 2010
Il apparaît que le Tamarinier est l’espèce qui rend le plus de services aux populations
par la diversité des usages : elle recouvre tous les aspects abordés précédemment. Pourtant ce
n’est pas elle qui est jugée la plus importante : si l’on fait la synthèse des points qui lui sont
attribués, elle n’apparaît même pas dans le tableau synthétique des espèces prioritaires. Pour
chaque usage, elle est mentionnée par peu de personnes, mais son importance se fait sentir par
cette diversité d’usages. Ce serait un arbre aux vertus purgatives à la base de la médecine
africaine selon Amadou Hampâté Bâ. Ses racines symboliseraient la longévité : « Saisir les
racines du tamarinier c’est triompher de la maladie » 34 . Le Karité, qui est par contre une
espèce globalement prioritaire fait également partie des espèces dont l’usage est très varié,
bien que le fruit soit son principal atout.
Le Diospiros m. qui n’apparaissait curieusement pas dans les espèces prioritaires alors
qu’ils se trouve dans les champs près des cases peules et dans les villages, apparaît ici, pour la
diversité de ses usages (4). Ce serait l’arbre sacré des Peuls associé aux activités masculines
(cf. note 35).
Les espèces les plus appréciées pour leurs fruits sont aussi celles qui rapportent de
l’argent, celle que l’on veut au village et dans son champ et donc celle que l’on voudrait
planter. L’importance alimentaire n’est pas la seule qui détermine leur utilité, mais le soutien
que cela procure au travail n’est pas négligeable. Cette utilité est une garantie essentielle pour
la sauvegarde de l’arbre.
34 Amadou Hampâté Bâ, Contes initiatiques Peuls
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 66 -

2.3.3 Concurrences et synergies entre les différentes activités
2.3.3.1 Adéquation avec les travaux champêtres
Le tableau donné en annexe n°7 nous donne à voire le calendrier des activités
agricoles et de cueillette. On peut y observer leur répartition dans le temps les unes par
rapport aux autres. Une partie nous permet de comparer les activités des hommes et des
femmes ainsi que d’observer la période où les enfants scolarisés peuvent aider leurs parents.
Le Karité est un soutien essentiel aux travaux champêtres. En effet, les paysans
peuvent trouver des fruits mûrs directement dans leurs champs de juin août, lorsque les
travaux de semis et de sarclage demandent le plus d’énergie. Cela calme la faim des enfants
d’après leurs parents, et repousse l’heure du repas. Leur pulpe sucrée est une importante
source d’énergie. Ce sont souvent sous ces arbres que les familles s’installent pour se reposer.
Le Vitex doniana mûrit également pendant les travaux champêtres, mais sur un plus courte
période. Néanmoins, cette espèce est moins largement répandue que le Karité, on l’a surtout
rencontrée près de Matambima. Ses fruits sont moins nourrissants et moins appréciés. Les
manguiers mûrissent trop tôt pour alimenter les familles lors de ces travaux et les Nérés
également. Une cultivatrice a dit à propos du Diospiros m. que ses fruits étaient bons et sucrés
mais qu’ils avaient moins d’intérêt car ils viennent après la récolte.
D’autre part, si l’on parle d’adéquation avec les travaux champêtres, il convient de
parler d’inadéquations. Par exemple les Acacias possèdent des épines et ces dernières sont
gênantes pour les travaux agricoles.. En revanche les branches épineuses de l’Acacia
gourmaensis sont appréciées pour la fabrication d’enclos de parcage pour les bœufs ou de
barrières de protection contre les animaux. On peut aussi dire que les racines et la présence
d’arbre sont gênantes lorsque l’agriculture est mécanisée. Or, il y a justement un faible niveau
de mécanisation dans la zone. Seuls quelques nantis possèdent un tracteur à Madjoari ou
peuvent louer ses services. La majorité des paysans possédant un faible capital productif, ils
labourent souvent à l’aide de charrues étroites, avec lesquelles il est plus facile d’éviter les
obstacles.
2.3.3.2 Répartition des activités en fonction du genre
Sur le tableau de répartition des travaux agricoles,
on voit que les femmes sont très impliquées dans la
gestion des ressources forestières, surtout pour les produits
qui rentrent dans l’alimentation familiale. En effet ce sont
les femmes et les enfants qui récoltent les fruits, travail
qu’un homme ne doit pas faire. Ce sont elles qui les
conditionnent pour la conservation et la consommation
(fabrication du Soumbala et du beurre de Karité), ce sont
elles encore qui les vendent. Les hommes peuvent parfois
vendre de gros sacs de noix ou de gousses séchées.
Or, si le Karité est un important soutien pour la
famille, pour la femme, la cueillette de ses fruits rentre en
concurrence avec les activités auxquelles elles est
assujettie. D’après R.M. Kaboré, (Recueil de T. FTAÏTA),
le lourd travail du sarclage n’incombait pas aux femmes
quelques décennies auparavant. Maintenant qu’elles
doivent aider leurs maris dans cette tache en plus de
s’occuper de leur propre parcelle de riz, dont la mise en
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 67 -

culture par un grand nombre de femmes n’est que récente, elles ont beaucoup moins de temps
pour la cueillette du Karité. Elles portent également les produits des récoltes et collectent le
bois de chauffe. Il faut savoir qu’elles sont toujours chargées des tâches domestiques
quotidiennes : puisage de l’eau, préparation du repas… L’insuffisance de la main d’œuvre
féminine est une des raisons de la baisse de productivité du Karité selon le même auteur. Les
hommes et particulièrement les vieux, s’intéressent aux produits de la pharmacopée.
2.3.4 Association arbres/cultures, une multiplicité d’enjeux
Espèce
points
% de personnes ayant cité
l’espèce
Vitellaria paradoxa 264 95%
Parkia biglobosa 152 73%
Mangifera indica* 46 29%
Azadirachta indica* 26 15%
Vitex doniana 20 16%
Tamarindus indica 16 13%
Tableau 14: Arbres considérés "bons pour les champs" (question n°8, annexe n°4)
On a limité le tableau précédent à six essences, les autres étant citées par moins de 7%
de la population. Si le Karité est à l’écrasante majorité celui que l’on préfère avoir dans son
champ, c’est pour toutes les vertus qu’on a montrées précédemment : une bonne intégration
dans le système agricole en terme écologique et de travail, ainsi que des produits aux
nombreux usages. C’est une espèce bénéfique. Le Néré vient ensuite bien que son port soit
plus gênant pour les cultures, on peut optimiser l’espace mobilisé par l’ombrage.
L’importance du Soumbala est d’envergure dans l’alimentation. Ces deux espèces sont
effectivement majoritaires dans les « Champs de Brousse » (notons que peu de Peuls ont été
interrogés dans ce questionnaire). Bien qu’il mobilise beaucoup d’espace au détriment des
cultures par son ombrage impénétrable, le Manguier se trouve en troisième place. Il est
présent dans les champs de village mais pas en brousse, car il est difficile de planter et
d’entretenir un arbre loin du village. Le Nimier est également planté en abondance suite aux
sensibilisations faites en sa faveur. Le Tamarinier et le Vitex doniana donnent des fruits qui
rapportent de l’argent.
On voit donc que de nombreux facteurs peuvent rentrer en jeu dans la place que l’on
concède à une espèce dans la parcelle : ils sont écologiques, mécaniques, sociaux,
économiques, physiologiques, organoleptiques… On ne peut pas prendre l’un ou l’autre de
manière isolée pour comprendre la répartition des arbres dans les champs. Donc quand on se
dit que les cultivateurs n’ont pas compris l’enjeu de la ressource ligneuse et que leur
ignorance les conduit à éliminer des arbres utiles, il faut se demander si on a pas soi-même
omis l’importance d’un facteur pour comprendre leurs choix.
2.4 Perceptions de la dégradation des ressources
Certaines conclusions conduisent à dire qu’il faut de la sensibilisation parce que les
cultivateurs ne perçoivent pas la menace qui pèse sur la ressource ni son enjeu. Nous avons
alors essayé de saisir ces perceptions à travers la démarche d’enquête.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 68 -

2.4.1 Évolution des peuplements
Durant des entretiens prospectifs, beaucoup de personnes ont déclaré qu’il y avait plus
d’arbres « au temps des parents ». Le fait qu’il y en ait moins aujourd’hui, était tantôt une
conséquence de la sécheresse, tantôt une cause. Les éléphants étaient souvent désignés
comme responsables de la diminution du couvert forestier. L’augmentation démographique
était également évoquée mais dans une moindre mesure. Lors des enquêtes dans les champs,
la dernière question posée (question h, annexe n°3) était de savoir si les peuplements des
espèces en question, avaient diminué ou augmenté dans la zone où l’on se trouvait lors de
l’entretien. On en a tiré un certain nombre de réponses par espèces choisies. Nous ferons cas
de quelques-unes, dont la présence a été la plus relevée dans les champs :
• Le Karité :
18 cultivateurs pensent que le peuplement a diminué ainsi que sa productivité. La
présence des éléphants qui les terrassent (fait visible sur le terrain) est incriminée. Le fait que
les hommes ramassent toutes les noix également. Certains individus pensent que les vieux
individus sont détruits par le vent. Ceux qui constatent que le peuplement diminue, pensent
que le taux de destruction l’emporte sur la régénération. 7 cultivateurs déclarent que le
peuplement augmente, ils observent plutôt une bonne régénération dans leur parcelle.
• Le Néré :
Les avis sont partagés. 5 cultivateurs pensent que le peuplement a diminué à cause de
leur destruction par les éléphants. En effet, il est dit que ces animaux mangent leurs écorces. 4
pensent qu’il n’a pas bougé, tandis que 2 pensent qu’il a augmenté, profitant d’une bonne
régénération.
• Le Piliostigma sp. :
3 cultivateurs sur 9 pensent que sa population a diminué car on prélève les fibres et les
écorces de cet arbre, qui sont très solides, pour la construction des cases. 5 autres pensent que
sa population augmente car c’est une espèce pionnière et envahissante des jachères. D’autre
part, cette espèce aurait une forte vitalité, c’est-à-dire une bonne capacité à repousser si on
coupe les branches. C’est une espèce résistante.
• Le S. birrea :
Cette espèce est bien répandue dans la zone. Cependant dans le bassin de « Litali »,
situé au niveau du village de Tambarga, il y aurait eu un fort peuplement à une époque, mais
les cultivateurs l’ont brûlé pour la mise en culture. C’est une espèce ne serait pas très
résistante au feu contrairement au Karité, et comme on l’a vu, les gourmantchés semblent la
supprimer facilement.
• Le Terminalia av. :
Les 4 personnes ayant apporté une réponse à cette question pensent que la population
augmente. « Les jeunes poussent plus que les vieux ne meurent ». Cette espèce est très
présente dans les recrues forestières.
• Le Balanites :
Cinq paysans sur 8 pensent que sa population a augmenté, tandis que deux pensent
qu’elle a diminué du fait des défriches et du déracinement par les éléphants. Cette espèce
n’est pas mentionnée comme très utile par les Gourmantchés, les Peuls la conservent
davantage dans leurs champs. Elle ferait partie des espèces sahéliennes qui se déplacent vers
le Sud (ALEXANDRE), ce qui correspond à l’avis majoritaire pour cette question.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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2.4.2 Menace d’extinction et de disparition
Lors de l’enquête préliminaire, on incriminait l’augmentation de la population ainsi que
la sécheresse, comme facteurs de dégradation des ressources. D’autre part la présence
apparaissait comme l’un des facteurs principaux de la dégradation des ressources forestières :
la diminution des populations, comme le Caïlcédrat (Khaya senegalensis), voire la disparition
de certaines espèces, comme Entada africana en particulier, ou la baisse de productivité des
Karités. Une enquête en fin de séjour auprès d’une classe de CM2 a consisté à leur donner
pour exercice de demander à leurs parents quelles étaient les trois espèces dont le peuplement
régressait le plus actuellement. L’espèce la plus communément citée était l’ Entada africana,
puis le Caïlcédrat, ce qui confirmait les propos tenus lors des entretiens préliminaires. D’autre
part, Pceudocedrela kotschyii apparaissait aussi très souvent dans les réponses ainsi que
Cassia sieberiana, Terminalia laxiflora Ficus abutilifolia et Khaya senegalensis. Les
difficultés liées à l’identification des espèces et la correspondance des noms locaux et des
noms scientifiques a été particulièrement limitante pour cette partie
• Apports de la littérature scientifique
Pour compléter ces résultats d’enquête dont la démarche manque de rigueur, nous
pouvons nous appuyer sur des ouvrages scientifiques. Le nom en langue locale de l’espèce
Afzelia africana qui est souvent cité comme espèce en voie de disparition, n’a pas été
répertorié lors de l’étude, de même que Boswellia dalzielii. Ces deux espèces ainsi que s.
setigera, très souvent émondées par les éleveurs, connaîtraient « une forte dynamique
régressive dans leurs peuplements quelque soit les latitudes et les sites », selon une étude
menée dans l’Est du Burkina Faso (O. OUEDRAOGO, A.THIOMBIANO et S.GUINKO,
2005). Les espèces dont la faible fréquence ou l’absence a été relevée dans des travaux
scientifiques dès les années 1990 sont entre autres : Acacia albida, Celtis integrifolia, Afzelia
africana, Andira inermis, B. dalzielii, Erythrina senegalensis, Isoberlinia doka et Securidaca
longepedunculata (K.HAHN-HADJALI, A.THIOMBIANO, 2000).
Une enquête en milieu paysan dans la région de l’Est (K.HAHN-HADJALI,
A.THIOMBIANO, 2000) relève les espèces jugées menacées ou disparue par la population
dans trois localités dont Pama, petit centre urbain proche la commune de Madjoari. Les
auteurs précisent que les espèces dont les paysans remarquent la disparition ou
l’augmentation, sont celles qu’ils utilisent, les espèces les moins utilisées passent donc
inaperçues. Les causes les plus souvent citées sont en premier lieu la sécheresse, et le
pourcentage de citations concorde proportionnellement avec les différentiels pluviométriques
entre les trois localités. La pratique des feux de brousse l’augmentation démographique sont
également incriminées en tant que facteurs généraux. L’augmentation des prélèvements
domestiques et de surcroît à des fins commerciales, sont jugés responsables de la disparition
ou la menace d’essences spécifiques. Les résultats sont les suivants (on souligne les espèces
correspondantes avec celles qui ont été citées par les cultivateurs de Madjoari) :
• Espèces jugées disparues :
Acacia albida, Acacia ataxacantha, Afzelia africana, Andira inermis, Celtis integrifolia
Isoberlinia doka, Parinari curatellifolia, Saba senegalensis, Securidaca longepedunculata,
Terminalia mollis
• Espèces jugées menacées:
Vittelaria paradoxa, Terminalia laxiflora, Sclerocarya birrea, Piliostigma reticulatum,
Parkia biglobosa, Khaya senegalensis, Ficus gnaphalocarpa
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 70 -

Il y a une certaine coïncidence avec les espèces jugées menacées selon les habitants de
Pama, mais pas avec celles jugées disparues. L’enquête à Madjoari, n’a pas été aussi
rigoureuse, mais l’on peut retenir deux choses. D’une part, la diminution du nombre d’arbre
dans la zone est communément admise et d’autre part, les principaux facteurs évoqués sont
liés à la présence de la réserve : limitation du terroir agricole et présence des éléphants.
Comme on a pu le voir jusqu’ici, la forêt est le lieu où se déroulent de nombreuses
activités : agriculture, pâturage, cueillette, chasse, collecte du bois, pratiques religieuses…
C’est un espace multifonctionnel pour les populations riveraines. On pourrait parler de
« déspécialisation de l’espace » selon BOUTTOUD (cité par J.P. SORG,1999). Pourtant
légalement, il comporte des limites : terroir, domaine protégé, domaine classé. Dans l’enclave
qui leur est réservée au milieu du domaine protégé, les cultivateurs façonnent le paysage
agricole en un parc arboré. Ainsi ils gèrent la ressource forestière de leur terroir en
sélectionnant des arbres à chaque défriche puis en les protégeant du feu. Cet aménagement se
base sur des conditions pédomorphologiques qui déterminent la répartition naturelle des
espèces ainsi que la taille des parcelles, les modes de cultures, les temps de jachères. Mais
rentrent en jeu de nombreux facteurs écologiques, sociaux et économiques qui déterminent les
systèmes de production (la disponibilité en main d’œuvre, la capacité d’investissement, le
choix des spéculations, le genre…), ainsi que les choix dans la sélection des ligneux à
conserver dans la parcelle. Chaque individu, en considérant les règles imposées, doit en
évaluer les avantages et les inconvénients. En premier lieu, il prend en considération les
interactions écologiques néfastes ou positives avec les cultures. Cette sélection dépend aussi
et surtout de la valeur qu’on accorde à l’arbre : il doit valoir la peine qu’on le conserve même
s’il est présent un peu plus loin en brousse. Mais si l’arbre peut être gênant, il peut aussi
procurer des formes de soutien immédiat pour le travail, en particulier de l’ombrage et des
fruits.
La valeur de l’arbre a de multiples aspects : écologique, social, économique,
alimentaire, culturel, sanitaire, matériel, spirituel… Son rôle écologique dans la conservation
des sols, qui n’est pas toujours positif suivant les cas, est central dans les démarches de l’Etat
pour la préservation de l’environnement. Mais étant donné que la valeur économique des
cultures a plus d’importance, on doit leur faire de la place. On s’inquiète de la diminution du
couvert, de la menace qui pèse sur certaines espèces et on l’attribue aux mauvaises pratiques
d’une population croissante. Or, on a bien vu que traditionnellement, les arbres sont intégrés à
l’espace agricole. Malheureusement, les multiples contradictions stratégiques et sectorielles
de l’Etat, se répercutent sur cet espace. C’est ce que nous allons essayer de démontrer dans
notre troisième partie.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 71 -

3 L’ETAT FACE AUX PRATIQUES ET REPRESENTATIONS
Comme on l’a vu dans la première partie, les interventions de l’Etat en matière de
gestion et préservation des ressources naturelles sont loin d’avoir toujours été adaptées aux
intérêts et pratiques paysannes. De manière contradictoire avec ses objectifs, ses actions en
milieu rural ont souvent été suivies d’un désintérêt des populations, voir de leur
appauvrissement. Cependant, il va de leur survie, de leur bien-être à court et à long terme, de
préserver les ressources naturelles . À l’échelle de la parcelle, les pratiques de gestion
dépendent de multiples facteurs. Nous en avons montré un certain nombre d’ordre écologique,
économique, sanitaire et social, à travers l’analyse des pratiques de gestion. Nous avons
également tenté de percevoir les représentations qu’ont les cultivateurs de l’évolution de la
ressource, et nous avons montré qu’ils ne sont pas ignorants des enjeux écologiques qu’il
représente. Il s’agit maintenant de discuter du rôle que tient l’Etat dans ces pratiques et
représentations afin de voir les cohérences et les incohérences ente les influences qu’il porte
et les objectifs qu’il revendique. Nous voulons également mettre en évidence les
contradictions au sein desquelles se trouvent les cultivateurs et qui aboutissent à des situations
de blocages. Enfin, nous tenterons de récapituler les intérêts et stratégies des paysans d’un
côté et Etat de l’autre afin de trouver des solutions communes.
3.1 Le rôle des interventions de l’Etat dans les pratiques et
représentations
Les représentations qu’ont les villageois de l’environnement et de la protection des
ressources, sont issue de l’éducation qu’ils reçoivent dans leur milieu familial, de leur contact
quotidien avec le milieu naturel mais aussi de l’école, pour ceux qui sont scolarisés, des
services techniques, ainsi que de toutes les formes de sensibilisation qu’il reçoivent dans ce
domaine. D’autre part, la manière dont les paysans perçoivent les démarches de protection de
l’environnement, dépend aussi de l’intérêt qu’ils y trouvent.
3.1.1 Les représentations concernant la dégradation des ressources
3.1.1.1 Mise en réserve et la répression : les frustrations
consécutives.
Dans le cas de la protection des ressources par la mise en réserve, les interdictions et la
répression, les populations sont loin d’y trouver leur compte même si celles-ci relèvent de
l’intérêt du patrimoine biologique national voir mondial. Ce dernier est en effet difficilement
perceptible quand la survie dépend de l’exploitation des ressources naturelles.
Les frustrations persévèrent malgré des procédures de redistribution des retombées
économiques de la gestion de la faune, ainsi que quelques dispositifs de gestion participative
des zones protégées (ZOVIC). Peu de villageois y chassent car les taxes d’abatage sont
prohibitives 35 . Le braconnage est monnaie courante car ce n’est pas la venaison rétribuée aux
villageois qui peut satisfaire la demande locale. L’interdiction de faire pâturer les troupeaux
dans le domaine classé est aussi régulièrement enfreinte, tout comme celle d’émonder les
ligneux pour l’affouragement du bétail (S.setigera en particulier). La limitation consécutive
de l’espace est également source de frustrations : les terres protégées qui possèdent de fait une
grande fertilité, (on protège les écosystèmes humides en particulier), avoisinent des terres où
35 AGASSOUSSI E., CHEVROLET D., DIOP N. MDTS/MAS Info4Dourou,
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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la pression agricole s’accroît et qui supportent de moins en moins les besoins, comme on l’a
vu dans la première partie.
D’autre part, l’incrimination des éléphants comme principal facteur de la dégradation
des ressources forestières révèle une frustration collective envers la protection inaliénable de
ces animaux au détriment des hommes : depuis leur récente pénétration dans la zone tampon
entre les réserves et le village, ils détruisent les cultures venues à maturité et terrassent les
arbres. Cela fait moins d’une dizaine d’années que les cultivateurs ont dû abandonner des
terres se trouvant sur le passage des éléphants. La question est de savoir pourquoi les champs
constituent leur zone de passage actuellement. Les Gourmantchés déclarent que c’est parce
que l’Etat béninois laisse passer le braconnage ce qui fait fuir les animaux vers le Burkina. Si
l’on posait la même question aux Béninois, ils répondraient certainement la même chose dans
l’autre sens. Il faudrait étudier l’occupation de l’espace avec précision au long de ces
dernières années pour avoir une idée précise des raisons de cet envahissement. La question
des dégâts causés par les éléphants était un sujet d’étude dans le cadre du projet Info4Dourou,
qui a abouti à la rédaction d’un mémoire. Il n’existe pas de solution simple pour résoudre le
problème, car autoriser l’abatage des animaux ne ferait que le déplacer. Les paysans ont le
sentiment qu’on leur accorde moins d’importance qu’à ces animaux. « On », c’est l’Etat, ceux
qui ont le pouvoir, les « blancs ». Selon les propos recueillis lors des différents entretiens, on
en venait à la logique suivante :
Figure 24 : Schéma des liens de causes à effets évoqués par les cultivateurs ; C.BORDES, 2010
Le schéma que l’on a ci-dessus, essaie de traduire la manière dont les paysans tournent
les choses envers un enquêteur, qui pourrait éventuellement plaider leur cause. Il est
révélateur du fait que les paysans attribuent leur pauvreté à la présence de la réserve, donc à la
stratégie de préservation des ressources par l’Etat. L’augmentation de la population en est un
facteur également placé à la base du processus, mais il est mis en relation avec la limitation
spatiale imposée par le statut des réserves. Dans leur article sur la démographie et
l’environnement à Madagascar , B.GASTINEAU et F.SANDRON montrent que « la
préservation de l’environnement est souvent imposée à des populations qui se sentent
dépossédées de leur environnement » comme c’est le cas à Madjoari. Ils révèlent que le
contrôle de l’agriculture itinérante exercé par l’administration, a engendré le fait que la
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 73 -

défriche brûlis, plus qu’une pratique agraire, est devenue un mode de protestation des paysans
face au pouvoir en place.
En plus de l’intérêt de protéger l’environnement, se trouve souvent celui de tirer profits
de l’exploitation des ressources naturelles. Aujourd’hui au Burkina Faso, les recettes issues de
l’exploitation de la faune sauvage constituent une part importante des ressources de l’Etat.
Des mécanismes de redistribution et de gestion participative sont censés rétribuer une part de
ces profits aux populations. Mais il ne semble pas être suffisamment compensatoire.
3.1.1.2 Confrontation des dires paysans à des dires scientifiques
• Le rôle des éléphants dans la dégradation des ressources forestières
« La disparition des gros herbivores tels les éléphants, les girafes, constitue un facteur
limitant la reproduction végétative naturelle du Néré et de bien d’autres arbres. »
(B.TRAORE dans l’ouvrage de T.FTAÏTA, 2007). En effet, les éléphants font partie des
grands disséminateurs de graines des ligneux (O.OUEDRAOGO, 2009) et participent donc à
la régénération naturelle de la flore dans les parcs où ils vivent. Cependant il est reconnu
qu’ils la mettent à mal : les « dégâts sont beaucoup concentrés dans les écosystèmes humides,
en l’occurrence les galeries forestières où ils séjournent toute la journée pendant la saison
sèche » (O. OUEDRAOGO, 2009). Leur impact est notamment relevé par cet auteur sur
Adansonia digitata et Acacia sieberiana. Les paysans, eux relèvent leur impact sur les
espèces qui leurs sont particulièrement utiles comme le Karité, le Néré et l’Entada africana,
cette dernière possédant d’importantes vertus médicinales.
Figure 25 : Dégâts d'éléphants sur un Karité; C.BORDES 2009
• La baisse de l’approvisionnement en fruits de karité
Plusieurs cultivateurs interrogés ont déclaré que la production des Karités ne suffisait
qu’à nourrir la famille et pas à vendre, disant qu’il y a moins d’individus ou bien que ceux-ci
produisent moins bien à cause de la sècheresse et des éléphants. D’un autre côté, plusieurs
agriculteurs lui prêtaient une bonne régénération naturelle. L’espèce se régénère en effet très
abondamment dans les jachères de la zone soudanienne selon ALEXANDRE.
Selon une étude sur le Karité, la baisse de production serait due à un ensemble de
facteurs (R.M.KABORE ; recueil T.FTAÏTA) dont on relèvera ceux qui peuvent correspondre
à la situation du parc arboré de Madjoari :
- La production cyclique du Karité
- La faible pluviométrie des dernières années
- La lente croissance de l’essence
- La dégradation des sols
- La déforestation
- Les parasites nuisant à la vie de l’arbre : on a observé un grand nombre d’épiphytes
sur le branchage des Karités lors de l’inventaire (Tapinanthus dodoneifolius)
- La capacité de collecte non atteinte
- Le régime de propriété (hommes) et le régime d’exploitation (femmes)
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 74 -

Le manque de temps accordé aux femmes pour la collecte du Karité est appuyé dans
l’ouvrage cité précédemment. On ne peut pas affirmer cela dans le cas de Madjoari puisque
cela n’a pas fait l’objet d’une enquête auprès des femmes. Mais elles sont effectivement en
charge d’aider les hommes pour le sarclage durant toute la saison et beaucoup d’entre elles
possèdent une parcelle de riz, c’est donc certainement vrai là aussi. Or nous avons interrogé
des hommes en majorité. Quoi qu’il en soit, ces faits illustrent que les propos des cultivateurs
vont dans le sens des intérêts qu’ils veulent porter. Mieux vaut pour eux évoquer certains
facteurs et pas d’autres devant quelqu’un qui est susceptible de plaider leur cause.
La démarche d’enquêtes auprès des paysans afin de recueillir leur vision est complexe,
surtout lorsqu’il s’agit de percevoir les liens de causes à effets qui sont établis. De nombreux
biais viennent entraver la compréhension des perceptions réelles, et cela est dû en premier lieu
à la représentation que les enquêtés se font de l’enquêteur. D’autre part, il est difficile de
savoir qu’est ce qui relève de la connaissance et de l’observation issues du métier de
cultivateur et quelles réponses sont données pour satisfaire leur interlocuteur. Mais on peut
arriver à comprendre quels intérêts ils veulent porter.
3.1.2 Les changements dans la transmission du savoir
3.1.2.1 Scolarisation et éducation environnementale
Autrefois, les savoirs sur la gestion des ressources forestières, comme les différents
usages, les arbres à sélectionner dans son champ, etc., étaient transmis par les anciens. Les
enfants apprenaient de leurs parents en passant du temps avec eux dans les champs et dans la
brousse. Maintenant qu’ils sont de plus en plus scolarisés, ils ont beaucoup moins de temps à
consacrer à cet apprentissage. À la question n°3 de l’enquête pour le recensement des espèces
prioritaires, la majorité des jeunes répond le nom d’espèces que l’on trouve au village. Ils
connaissent les vertus des arbres qu’ils utilisent.
L’école, les ONG et les services de l’Etat, se substituent à la transmission du savoir par
les anciens par l’enseignement des sciences naturelles, l’éducation environnementale et les
projets d’animation autour de la gestion des ressources naturelles. C’est une éducation moins
spécifique à chaque contexte que ne peut l’être l’éducation « de terrain ». On parlera à ce
propos de la retraite en brousse qui fait suite à la pratique rituelle de la circoncision. C’est une
étape importante dans la vie d’un jeune garçon : elle a vocation à le faire basculer d’une
condition d’enfant à une condition d’adulte, notamment par l’apprentissage de règles sociales
et celui des « lois de la nature ». Il acquiert pendant cette retraite un savoir sur les ressources
naturelles. Cependant, les conditions très difficiles auxquelles le jeune garçon est soumis par
les anciens dans ce cadre ainsi que la longueur du séjour en brousse, qui s’étend sur la période
scolaire, font que cette pratique tend à disparaître 36 . D’autre part, on a noté à travers les
entretiens informels que l’évolution des influences religieuses joue son rôle dans le rejet des
croyances des générations antérieures.
3.1.2.2 Les tabous sur la médecine traditionnelle
Dans cette commune qui n’avait pas accès à un dispensaire un quart de siècle plus tôt,
les plantes jouent un rôle important dans la médecine. Aujourd’hui, à travers les agents du
dispensaire, l’Etat incite les populations à se soigner auprès d’eux, mais elles n’ont souvent
pas les moyens de supporter le coût des ordonnances, voire pas la croyance nécessaire dans la
36 Propos tenus à partir des récits d’un fils de griot Gourmantché ainsi que les récits de Amadou Hampâté Bâ
dans « Amoukoullel, l’enfant Peul ».
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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médecine occidentale. Cependant, les produits pharmaceutiques sont appréciés : ils se
distribuent abondamment en contrebande dans les petits marchés ruraux. On peut supposer
que leur consommation sans conseils et sans dosages soit potentiellement dangereuse.
Parallèlement, les savoirs des vieux jugés rétrogrades, semblent se perdre. Une bonne
connaissance de la pharmacopée est le fruit d’un long apprentissage et l’apanage de certains,
qui s’y sont consacrés.
Figure 26 : Différentes médecines; C.BORDES, E.DROMER 2009
Que peut-on dire du rôle de l’Etat dans ce phénomène Devrait-il baisser les prix de
ses produits pharmaceutiques ou bien intégrer la médecine traditionnelle dans ses stratégies de
campagnes médicales Il faut noter qu’il y a un regain d’intérêt pour les produits médicinaux
naturels dont les chercheurs étudient de plus en plus les composés chimiques et les vertus. En
effet, d’après le rapport d’un pharmacien de l’Ouest du Burkina (Dr. Z.P. DAKUYO, 2000),
il existe depuis une Direction des Services Pharmaceutiques et de la Pharmacopée
Traditionnelle, placée sous la tutelle d’un pharmacien, qui a mis en place des Cellules de
Pharmacopée Traditionnelle au niveau de chaque direction régionale de la santé. Dans les
deux villes les plus importantes du Burkina ont été créées des associations « des
tradithérapeutes et d’Herboristes ».
L’usage des plantes reste tout de même populaire au Burkina Faso. Cela provoque
même des phénomènes de surexploitation autour des villes, d’autant plus que des personnes
s’improvisent guérisseurs et prélèvent les organes des plantes à des fins commerciales
(K.HAHN-HADJALI, A.THIOMBIANO).
3.1.3 Campagnes de reboisement et sensibilisation pour la reforestation
Dans cette partie, on discutera des répercussions des actions de reboisement sur les
pratiques et représentations paysannes concernant le reboisement et la reforestation. On
confrontera dans un premier temps la liste des espèces préconisées par le passé avec celles
que les villageois ont déjà plantées, avec celles qu’ils jugent importantes ainsi qu’avec celles
qu’ils aimeraient planter.
3.1.3.1 Place des espèces introduites parmi les espèces jugées
prioritaires.
Selon K.HAHN-HADJALI et A.THIOMBIANO, les espèces qui furent sujettes d’une
forte sensibilisation en leur faveur dans le passé sont notamment: Azadirachta indica,
Eucalyptus, camaldulensis, Gmelina arborea, Cassia siamea, Mangifera indica et
Anacardium occidentale. Cette liste n’est pas exhaustive et nous ne disposons pas non plus
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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d’une liste exacte de toutes les espèces préconisées par l’Etat, d’autant plus que celles-ci
dépendent des types d’actions (reboisement pour le bois énergie, bosquets villageois, haies
vives…) et des époques. On ajoutera cependant à celles-ci le Prosopis juliflora, le Leuceana
leucocephala, le Parkinsonoia aculeata, espèces introduites comme « miraculeuses »
(ALEXANDRE, 2002) ainsi que le Faidherbia albida. Elles ont bénéficié d’une grande
publicité pour les vertus qu’on leur prête ou prêtait. Notons également le Khaya senegalensis,
espèce locale qui a fait l’objet de grands travaux de plantation le long des routes lors de la
colonisation. On citera encore le Ziziphus mauritiana, espèce locale également domestiquée et
plantée, notamment pour des plantations de haies vives (ALEXANDRE 2002) ainsi que
Moringa olifera espèce « de case » introduite il y a longtemps, et véhiculée dans les projets de
plantation par les forestiers. Notons que le Néré fait aussi partie des espèces domestiquées et
plantées dans les actions de reboisement.
Si nous reprenons la liste des 20 espèces jugées prioritaires (cf. diagramme de
synthèse 2.3.2.7) en mettant en évidence les espèces citées ci dessus, nous pouvons nous
apercevoir que les espèces véhiculées par les projets de reboisement sont bien présentes parmi
les espèces utiles :
Mangifera indica, Vitellaria paradoxa, Parkia biglobosa, Azadirachta indica,
Adansonia digitata, Eucalyptus camaldulensis, Detarium microcarpum, Pterocarpus
erinaceus, Pisidium guajava, Khaya senegalensis, Bombax costatum, Moringa olifera,
Anogeissus leiocarpus, Ficus thonningii, Terminalia avicennioides, Ficus sycomorus,
Pteleopsis suberosa, Cassia siamea, Vitex doniana, Carica papaya
Un des biais possibles dans les réponses données par les villageois est que voulant
faire plaisir à un opérateur du développement, ils aient répondu en priorité les espèces dont les
précédentes campagnes de sensibilisation avaient fait cas. Les jeunes seront d’autant plus
amenés à les relever qu’on leur en parle à l’école. Il aurait fallu faire une comparaison avec
les communautés Peules qui, moins proches des villages et dont les enfants sont moins
scolarisés, sont moins touchées par ces sensibilisations. Cela aurait nécessité l’intermédiaire
d’un traducteur pour leur langue, le fulfulde, dans laquelle ils connaissent le nom des arbres
qu’ils utilisent.
3.1.3.2 Les actions de reboisement et de plantations
Les questions n°10 et 11 de l’enquête pour le recensement des espèces prioritaires (cf.
annexe n°) n’ont pas été traitées dans la deuxième partie. Il s’agit des espèces que les
villageois ont déjà plantées, et de celles qu’ils voudraient planter. On présentera ici les
résultats afin de les confronter aux espèces citées ci-dessus.
• Place des espèces préconisées parmi les espèces plantées
En réponse à la question n°10, 31 personnes sur 103 ont déclaré n’avoir jamais planté.
Parmi elles certaines ont dû tout de même planter des arbres qui n’ont pas survécu. Cela
montre que la majorité des villageois a déjà planté un arbre.
Espèces
Citations
Mangifera indica* 58
Azadirachta indica* 38
Moringa olifera* 33
Delonix regia* 15
Carica papaya 9
Pisidium guajava 8
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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Eucalyptus camaldulensis* 8
Cassia siamea* 7
Khaya senegalensis* 6
Anacardium occidentale* 5
Adansonia digitata 5
Tableau 15 : Espèces déjà plantées par les villageois, citées au moins 5 fois (annexe n°4, question 10) ;
C.BORDES : 2010
On voit que les essences introduites (*) par l’Etat tiennent une place importante sur
cette liste. Les autres sont domestiquées par la population ou introduites par les circuits de
commercialisation des plants. En effet, celles qui apparaissent utiles sont reproduites en
pépinières et plantées spontanément par les villageois qui ont les moyens de se procurer des
plants ou des semences. On citera notamment Carica papaya et Pisidium guajava dont les
fruits sont appréciés (cf. tableau n°1). Le Manguier, initialement préconisé et véhiculé par
l’Etat est également domestiqué et planté spontanément car on y trouve un grand intérêt. Le
Ficus thonningii est facilement planté par bouturage. Récolter, conserver et faire germer les
graines sont des opérations spécifiques à chaque espèce et plus ou moins difficiles suivant les
cas. Cela demande un savoir-faire. Pour le Manguier, le processus est simple, c’est pour cela
que c’est la première espèce plantée. Mais il est évident que si la plantation est appuyée par
l’Etat, les différentes opérations techniques et l’approvisionnement en plants ou en graines
sont facilités. Les paysans plantent les espèces auxquelles ils ont accès.
• Place des espèces préconisées parmi les espèces désirées
L’objectif de la Question n°11 était de savoir quelles espèces les villageois voulaient
planter. Si nous mettons en relation les résultats avec les espèces véhiculées par l’Etat nous
pouvons voir que celles-ci tiennent encore une place non négligeable pour les populations.
Espèces
points
% de personnes ayant cité
l'espèce
Mangifera indica* 241 86%
Pisidium guajava 52 30%
Azadirachta indica* 44 23%
Carica papaya 42 22%
Moringa olifera* 39 22%
Eucalyptus camaldulensis* 39 18%
Musa sp. 32 17%
Cassia siamea* 15 12%
Parkia biglobosa 14 9%
Citrus sinensis 14 11%
Adansonia digitata 12 5%
Tableau 16: Espèces que les villageois désirent planter en priorité (question n°11, annexe n°4),
C.BORDES, 2010
Ce tableau montre que les enquêtés ont une préférence pour des espèces exotiques
donnant des fruits sucrés et nourrissants. Ils sont souvent beaucoup plus charnus que les fruits
d’espèces locales. On voit qu’ils aimeraient planter le Néré mais dans une moindre mesure.
Le Karité qui a été cité encore moins souvent, apparaît dans le tableau de résultats intégral.
C’est une espèce non véhiculée par les projets de plantation, car sa domestication semble
moins évidente, bien qu’elle soit le sujet de nombreuses études. En effet, la graine perdrait
très vite son pouvoir germinatif en séchant (ALEXANDRE, 2002). On ne s’imagine pas
planter une espèce difficilement domesticable. De plus, la croissance de ces espèces et très
lente, ils ne produisent pas avant une quinzaine d’années au moins, c’est une des raisons pour
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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lesquelles les villageois ne voient pas l’intérêt de planter ces espèces. Il n’y a pas non plus
d’intérêt à planter une espèce largement présente en brousse, dans le milieu naturel.
• Représentations des actions de plantations
Figure 27 : Protection d’un jeune plant, à l’école de Tambarga; C.BORDES, 2009
Les entretiens avec les groupes de villageois désirant se
lancer dans une activité génératrice de revenus lors de la
mission « microprojet s» (cf. 2.1.2), ont été particulièrement
informateurs quant aux représentations de la notion de
protection des ressources naturelles. Bien que certains aient
parlé de l’intérêt économique des plantations, la plupart ont
intégré l’arbre au cœur de leur projet, afin d’y inclure un aspect
environnemental pour rentrer dans le thème. On voit là le rôle
des actions de sensibilisation dans les représentations sur la
protection de l’environnement. Les réponses qu’ils donnent à
un opérateur du développement sont certainement teintes des
idées introduites à travers les projets d’animation et de
sensibilisation, qu’ils y adhèrent ou non, mais leur déplacement
et leurs propositions prouvent tout de même leur motivation
pour planter. La demande de la part d’instituteurs ou du service
forestier pour des projets de sensibilisation et de voyages
d’étude peut révéler l’envie de faire partie du mouvement
d’éducation environnementale, ou encore le besoin de légitimer
les actions de préservation de l’environnement auprès d’eux.
L’agent du service forestier s’est plaint du peu de répercussion de ses actions de plantation. Il
soutient que les habitants de la commune de Madjoari ne s’y intéressent pas car résidants dans
une zone plus humide et protégée, ils ne sont pas confrontés à la désertification et que c’est
les migrants venus du Nord qui sont plus sensibilisés à ces questions. On a vu à travers les
résultats d’enquêtes, les individus remarquent les évolutions du couvert forestier dans leur
environnement immédiat, en particulier de celles qui sont utiles. Ils ont montré que les
villageois peuvent trouver leur intérêt dans les actions de reboisement. Durant la mission que
l’on vient d’évoquer, on a pas seulement enregistré des projets de plantation de la part des
Mossi venant du Nord, mais aussi des villageois Gourmantchés et Peuls motivés par les
intérêts qu’ils envisagent dans la plantation. Il faut chercher à identifier ces intérêts, ainsi que
les points de blocage qui limitent la plantation spontanée.
L’Etat et les projets de développement influencent les populations en vulgarisant
certaines techniques et en facilitant l’accès à certaines ressources. Il cherche à transmettre une
vision de la représentation de l’arbre comme enjeux écologique. En effet, dans le rapport
national sur la gestion des forêts au Burkina Faso, le MECV montre sa volonté de mener des
actions dans le but de permettre « l’acquisition par toutes les couches de la société d’une
vision commune des défis environnementaux ». Cela illustre bien l’ambition de faire prendre
conscience aux populations des défis environnementaux ayant un enjeu à l’échelle
internationale comme la lutte contre la désertification. La population sensibilisée à ce discours
peut en tenir compte, mais les choix des paysans se font certainement surtout en fonction des
rationalités relatives à l’environnement immédiat : ils dépendent de ses intérêts, des
contraintes et des opportunités.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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3.2 Cohérence des stratégies nationales avec la préservation de
l’environnement et les intérêts paysans
Nous allons tenter ici, d’analyser les cohérences des actions de l’état, d’une part avec
ses propres stratégies, ce qui pourra révéler certaines contradictions au sein de la politique
nationale, d’autre part avec les intérêts des populations. Cependant ces derniers sont aussi
divers qu’il y a d’individus, on ne peut pas parler de la population de Madjoari comme un
groupe uniforme. On le voit déjà en posant des quotas comme le genre et les tranches d’âges.
Des groupes stratégiques se forment autour d’intérêts communs et ceux-ci sont évolutifs et
difficiles à saisir. Ce travail qui en outre n’était pas représentatif de la population de Madjoari
dans son ensemble ne peut pas prétendre révéler cette complexité à l’échelle de la commune.
On cherchera simplement à montrer quelles actions de l’Etat vont dans le sens ou contre les
intérêts et priorités que nous avons déjà identifiés.
3.2.1 Contradictions des stratégies nationales : stratégies économiques et
gestion des ressources naturelles
Avant même la prise en compte des intérêts des cultivateurs, les stratégies nationales
peuvent présenter des incohérences en leur sein, entre les différents secteurs. Les populations
se trouveront alors coincées entre des logiques contradictoires.
3.2.1.1 Homogénéisation des systèmes de production.
L’actuelle tendance à l’homogénéisation des systèmes de production est un des
facteurs favorisant l’érosion de la biodiversité. C’est en tout cas ce qui est écrit dans le
Rapport national sur la gestion durable des ressources au Burkina Faso: « De vastes
superficies sont plantées avec des variétés à haut rendement (monoculture) ce qui nécessite
d’avoir recours à des intrants coûteux tels que les engrais et les pesticides pour maximiser la
production. Les variétés locales traditionnelles de plantes cultivées, moins productives mais
souvent mieux adaptées aux conditions locales, sont marginalisées et certaines ont
définitivement disparu. Il en est de même pour les divers systèmes agricoles qui existaient
depuis longtemps et qui font place à des systèmes intensifs standardisés. ». Qui dit maximiser
la production dit aussi supprimer le plus d’arbres possible pour gagner de l’espace. Ces idées
véhiculées par plusieurs auteurs, le sont aussi par le Ministère de l’Environnement du Cadre
de Vie. Cela montre une certaine contradiction entre les différents secteurs. L’Etat est l’un des
responsables de cette tendance à travers ses politiques agricoles et notamment en tant
qu’agent de vulgarisation. Il faut dire que ses choix dépendent aussi de la conjoncture
économique internationale ainsi que des politiques imposées par des organismes
internationaux à qui il doit des dettes. On ne peut pas développer des considérations d’ordre
macro-économique, mais il faut dire que l’Etat subit lui-même les contradictions qui se
répercutent sur les paysans. La pauvreté limite la capacité à faire pencher les décisions du côté
de ses propres intérêts.
3.2.1.2 La culture du coton : la répercussion des objectifs
nationaux contradictoires
La stratégie nationale d’exportation est basée sur le coton. Pourtant c’est une des
cultures très demandeuses éléments nutritifs et par le biais de laquelle une grande quantité
d’intrants chimiques s’introduit dans les campagnes. D’un côté elle favorise la monétarisation
des producteurs et donc de la commune, d’un autre elle plonge facilement ses adeptes dans
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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l’endettement. En effet, la conjugaison des risques climatiques et économiques rend cette
activité particulièrement incertaine : la baisse de la pluviométrie et la baisse du potentiel
productif des sols entraînent une diminution des rendements tandis que le prix d’achat du
coton au producteur ne cesse de baisser depuis ces dernières années. D’après C.Renaudin, les
plus vulnérables sont les cultivateurs les moins équipés, ceux de Madjoari étant très
faiblement équipés comme le confirme la monographie. Il faut pouvoir supporter
l’investissement en temps et travail car la récolte est très tardive contrairement aux autres
cultures, ce qui mobilise hommes et femmes dans les champs une longue partie de l’année.
Cela peut éventuellement être contraignant par rapport à des activités de contre-saison.
L’avantage que les producteurs y trouvent, c’est que les intrants distribués à crédits profitent
aux autres cultures dans les systèmes d’assolement et de rotation. La SOCOMA distribuerait
même des aliments pour bétail à crédit. C’est aussi la seule spéculation pour laquelle un
camion se déplace jusque dans la commune pour venir acheter les produits _ à grand peine
mais à coup sûr. Malgré ça, la paupérisation consécutive dissuade les cultivateurs de spéculer
l’année suivante sur cette culture et les surfaces emblavées diminuent. La baisse des
superficies étaient d’environ 40% entre 2006 et 2008, (C. RENAUDIN, 2009). La
contradiction évoquée sur le plan international entre la stratégie économique basée sur
l’exportation du coton et la logique de préservation des ressources se retrouve au niveau local.
Les paysans sont censés exploiter les terres de manière durable alors que le principal
débouché qui leur est proposé concerne une monoculture extensive très exigeante en éléments
nutritifs. Payés au poids, ils cherchent à maximiser les rendements par le gain d’espace et
l’acquisition d’intrants à crédits, tandis que les limites imposées par les réserves les pousse à
réduire les temps de jachère et a éliminer les arbres pour gagner le plus de place et le plus
d’éléments directement assimilables possible.
3.2.1.3 Le Karité en bonne place dans la stratégie économique
tout comme dans l’intérêt des cultivateurs
Le Karité est la 3 ème culture d’exportation du Burkina après le coton et le bétail sur
pied. (R.M.KABORE ; recueil T.FTAÏTA, 2007). Il est très bonne place aussi dans les
stratégies vivrières et économiques des paysans car, on l’a vu dans la deuxième partie, cette
espèce est pleinement intégrée dans le paysage agricole. Elle est systématiquement
sélectionnée et protégée de la défriche par les cultivateurs. Elle est de fait largement répartie
dans la majorité des parcelles, sauf dans les rizières où les conditions d’hydromorphie sont
moins adaptées à la croissance de l’espèce. Depuis de nombreuses années, cet arbre suscite
beaucoup d’attentions et de nombreuses études lui ont été consacrées car les bénéfices qu’il
procure lui accordent une place très importante dans la société. Il fut en effet protégé dès la
période coloniale par l’arrêté n°1762 S.F.CH du 30 décembre 1948, issu du régime forestier
en Afrique Occidentale Française. C’est surtout le beurre de ses noix qui ont une valeur
économique et alimentaire essentielle pour le pays. Déjà les exportations de Karité ont occupé
la première place des exportations durant trois années dans la période 60-80 (R.M.KABORE ;
recueil T.FTAÏTA, 2007). L’Etat a appuyé la filière à travers la CSPPA (cf. sigles) jusqu’à ce
que celle-ci s’effondre en 1992. De nombreux projets de renforcement de la filière Karité sont
venus appuyer les productrices. Les femmes contribueraient en effet à 80% de la production
nationale mise en marché (A. NDIAYE, D. LY KAYIHURA, I.TAPSOBA, 2002). L’appui
de cette filière est d’ailleurs un important moyen de renforcer les capacités de nombreuses
femmes, l’approche genre faisant partie des grands axes du développement de manière
générale. Malgré les efforts entrepris, elle reste encore peu organisée. Le projet PACK (Projet
d’Appui à la Commercialisation du Karité), est censé œuvrer pour une meilleure maîtrise des
facteurs économiques. Les secteurs forestier et agricole sont tous deux pleinement impliqués
dans la maîtrise de la ressource et des facteurs de production.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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3.2.2 Cohérence et incohérences des actions entre les secteurs
d’intervention et répercussions sur les populations
Malgré des politiques et programmes intégrant le secteur agricole et le secteur forestier,
les interventions dans ce domaine sont assez sectorielles. Parmi les facteurs à l’origine de la
dégradation des ressources naturelles, cités par la FAO, la « sectorialisation poussée des
interventions et la non-prise en compte de l'ensemble des facteurs en jeu et de l'interaction
entre les différents secteurs (agriculture/élevage/forêt) » entre en jeu.
3.2.2.1 Agriculture/forêt
On peut le voir à la micro-échelle de Madjoari, bien que ceci ne fasse pas l’objet d’une
enquête formelle: les agents des services techniques des secteurs forestier et agricole semblent
peu coopérer. Ce qui vient d’être dit illustre très bien les actions contradictoires initiées par un
secteur au détriment de l’autre : par exemple la standardisation des monocultures à haut
rendement et très demandeuses en engrais favorisent la diminution du nombre d’arbres dans
les champs tandis que les actions de mise en défens limitent l’espace productif disponible et
poussent à la diminution du temps des jachères. Le Rapport national sur la gestion durable des
forêts prône une harmonisation entre les secteurs par la concertation, pour une meilleure
coordination des actions. Ceci irait d’avantage dans le sens des cultivateurs qui, on l’a vu,
intègrent les activités agricoles et forestières dans un continuum spatial (champ / brousse)
ainsi que temporel (les activités de cueillette se font en même temps que les activités
agricoles).
3.2.2.2 Élevage/forêt
L’élevage, dont la pratique excessive (surpâturage) est décriée comme principale
destructrice de l’environnement, constitue pourtant un enjeu économique de taille car il est au
deuxième rang des exportations. Les modes de gestion actuelles engendrent pourtant des
contradictions entre les secteurs : cultivateurs et éleveurs entrent en conflits, de même que
forestiers et éleveurs.
« Avec la disparition des jachères et la rareté des aires de pâture, les prescriptions
interdisant le pâturage dans les aires protégées restent vaines pour éviter l’extinction du bétail.
Les concentrations d’éleveurs autour des Parcs en sont une révélation… C’est une
conséquence directe du manque de zone à vocation pastorale» (O.OUEDRAOGO, 2009). On
pourrait supposer que l’introduction volontaire des éleveurs dans les domaines classés, peut
être en partie une forme de protestation contre l’administration des Eaux et Forêts, comme le
fût la culture sur brûlis à Madagascar au XIXème (B.GASTINEAU, F.SANDRON, 2006).
Quoi qu’il en soit, les fraudeurs semblent peser le pour et le contre entre le risque de payer
une amende et les gains pour le bétail. De plus les techniques traditionnelles d’aménagement
des réserves pour la chasse et le tourisme de vision consistent au tracé d’un réseau de pistes et
au déclenchement de feux de brousse précoces. Ainsi un important capital fourrager est perdu
par brûlis (O.OUEDRAOGO, 2009). Enfin l’émondage des arbres est interdit par la loi et
passible d’une amende 37 , ce que déplorent certains éleveurs. Mais ce n’est pas sans raisons,
car pratiqué de manière abusive, il entraîne la disparition des espèces les plus convoitées.
Pourtant, la divagation des animaux à la recherche de fourrage constitue un obstacle de taille à
la régénération du couvert ligneux. À Madjoari, des S.setigera émondés le long des routes,
preuve encore que la répression n’est pas entièrement efficace.
37 Article 261 de la loi LOI N°006/97/ADP du 31 janvier 1997 portant code forestier au Burkina Faso
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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Le secteur de l’élevage, on ne peut plus intégré au secteur forestier : ce dernier doit
intégrer l’aménagement pastoral dans ses objectifs.
Figure 28 Pratique d'émondage le long de la RN19 (Sterculia setigera); C. BORDES, 2009
3.2.2.3 Energie/forêt
Le secteur de l’Energie est directement concerné par le secteur forestier car, comme on
l’a dit en première partie, le bois constitue l’essentiel de l’apport énergétique pour la majorité
des ménages au Burkina Faso, a fortiori en zone rurale. Madjoari, trop enclavée, ne constitue
pas une zone d’enjeu pour l’approvisionnement en bois des villes. La collecte du bois mort ne
s’effectue qu’à des fins domestiques dans les limites de la zone protégée, accessible aux
villageois. La problématique entre les deux secteurs surviendrait dans le cas éventuel d’un
désenclavement de la zone et l’arrivée d’exploitants à des fins commerciales.
3.2.2.4 Une ambiguïté au sein même d’un secteur : le double rôle
du service technique forestier
Dans son devoir d’assurer une fonction régalienne, particulièrement dans et autour des
parcs nationaux, le gouvernement charge les agents forestiers de veiller au respect des règles
et normes en vigueur. Formés à L’ENEF, ils sont soumis au statut paramilitaire et la DGEF
veille à leur formation militaire. Depuis les indépendances, ils firent largement respecter leur
autorité par la force. Mais la vision de la conservation ayant changé depuis : le service
forestier doit maintenant jouer un « rôle de planification, d’appui-conseil, de suivi-évaluation
et de contrôle auprès des différents acteurs et ce, à tous les niveaux de déconcentration
administrative » 38 . Toujours stigmatisés dans leur uniforme vert, ils doivent s’inscrire dans
l’approche participative que l’on essaye aujourd’hui de mettre en pratique. Un article de
l’APAD porte justement sur ce double rôle des agents forestiers au Sénégal. Entre répression
et animation, l’ambiguïté du statut n’est pas évidente à gérer, surtout pour ceux qui se sentent
investis d’une mission de développement local. Ces considérations semblaient bien
s’appliquer à l’Agent en poste à Tambarga en 2009.
38 « Plan d’action et de mise en œuvre des réformes institutionnelles et juridiques pour la décentralisation dans
le secteur forestier ».SG MECV, mars 2006.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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3.2.3 Cohérence de l’introduction des espèces avec les intérêts des
villageois
Reprenons la liste des espèces jugées importantes au Burkina Faso et observons la
place qu’y tiennent les espèces introduites. Parmi elles, on a : Mangifera indica, Parkia
biglobosa, Azadirachta indica, Eucalyptus camaldulensis, Khaya senegalensis, Moringa
olifera, Cassia siamea.
On a vu dans la première partie que les espèces ayant fait l’objet de campagnes de
sensibilisation par l’Etat sont parmis celles qui apparaissent prioritaires pour de nombreux
usages. On a vu également que cela peut tenir du fait qu’on les a plantées au village. Leur
proximité par rapport aux habitations peut les rendre prioritaires d’une part, d’autre part, les
sensibilisations dont elles ont fait l’objet ont pu jouer sur les réponses. Le caractère de
proximité est vrai en particulier pour l’usage médicinal. En effet, si certaines maladies
nécessitent des remèdes spéciaux, d’autres maux courants peuvent être soignés à l’aide de
différentes espèces. « Tout arbre est médicinal » a déclaré un villageois. C’est d’ailleurs pour
cet usage que l’apparition des espèces préconisées en tête de tableau est la plus flagrante.
L’eucalyptus et le Nimier par exemple, introduites dans la vocation de fournir du bois
d’œuvre et du bois énergie lors des campagnes de reboisement, ne sont pas les premières
espèces citées pour ces usages. Les populations qui n’y avaient pas trouvé l’intérêt escompté
se les sont réappropriées pour d’autres, principalement médicinaux. Le manguier qui tient la
place la plus importante, est également introduit. Les villageois trouvent un intérêt alimentaire
évident dans ces fruits dont la pulpe sucrée est abondante, bien que la conservation des
mangues ne soit pas pratiquée ; un intérêt pécuniaire, fourrager, social, un ombrage propice au
repos… De plus les techniques de germination, de plantation et transplantation, sont
facilement maîtrisables et c’est une espèce à croissance rapide qui peut donner de bons
rendements fruitiers dans les 3 à 5 ans après plantation. Elle présente un intérêt évident pour
la population qui se l’est bien appropriée. C’est vrai à l’échelle du pays, la mangue tient en
effet une large place dans la société burkinabé.
À notre avis, il y a un effet d’aller-retour. D’une part, certaines espèces peuvent après
des découvertes et études, être introduites et jugées intéressantes ou non par les villageois. Ils
trouvent leur intérêt dans ces espèces qui ont une croissance rapide, d’autant plus que leur
domestication est largement maîtrisée, D’autre part, des espèces locales, jugées intéressantes
par les villageois et ayant fait l’objet de recherches pour cette raison, peuvent être
domestiquées et véhiculées par l’Etat. C’est le cas du Néré.
3.2.4 La plantation comme activité génératrice de revenus
Lors des rencontres avec les groupements venant déposer leur demande de
microprojet, nous avons pu identifier les points de motivation, ainsi que des besoins d’appui
qui révèlent quelques intérêts et blocages. Comme on l’a dit, beaucoup d’entre eux ont paru
intégrer la plantation d’arbres comme un argument pour répondre aux critères d’exigence du
projet, à savoir le caractère environnemental, et ainsi obtenir une aide. Le fait que les
villageois soient venus en masse et parfois de loin pour déposer leur demande montre aussi
qu’ils multiplient les stratégies pour cela. Nous retiendrons les points qui nous ont semblé
révélateurs.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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3.2.4.1 Identification des intérêts des promoteurs et de leurs
blocages
• Les intérêts : (on a supprimé la dimension environnementale car les réponses de cet
ordre ne semblaient pas correspondre à des intérêts réels) :
- Production rapide de fruits (le manguier greffé en particulier permet d’obtenir des
produits à vendre à partir de trois ans après plantation et leur production est ensuite
garantie pour une quinzaine d’année) ! diversification et sécurisation des revenus
à court et moyen terme, diversification et sécurisation alimentaire
- La plantation d’espèces pour le bois d’œuvre constitue une épargne sur pied pour
les générations à venir ! sécurisation des revenus à long terme
- La plantation d’arbres en général sécurise la parcelle pour le groupe ! garantie de
la propriété foncière individuelle (le groupe est très petit)
- Partenariat avec le service de l’environnement habilité à trouver, planter, entretenir
des plants…: appui/conseil ! saisir l’opportunité des projets pour obtenir des un
appui technique
- Espèces exotiques ! meilleure productivité/solvabilité des espèces exotiques
• Les points de blocage :
- Demande massive de grillages de protection ! problème de divagation des
animaux.
- Demande de motopompes ou de moyens de transport pour l’eau ! problème
d’accessibilité à l’eau, manque de moyens de transport.
- Demande de plants ou de semences ! problème d’accessibilité
- Les demandes en matériel moderne (sceaux, charrettes, outils…) ! capacité
d’investissement très faible, gestion collective/individuelle du capital productif.
- Le fait que l’activité soit pour le groupe à but lucratif, favorise l’entretien et la
surveillance des plants ! non adéquation des projets communautaires aux intérêts
individuels
- Demandes uniquement en espèces exotiques ! faible valeur des produits
d’espèces locales
On remarque que les blocages sont d’ordre technique, économique, politiques
(maintien de la commune dans l’isolement) et sociaux. La propriété individuelle ou de
groupes restreints semble garantir une meilleure gestion et un meilleur entretien des plants. Le
problème de divagation des animaux relève d’aspects techniques, économiques et sociaux
qu’on ne pourra pas développer ici. On peut quand même évoquer un blocage économique
important: le manque de moyens financiers limite les possibilités d’avoir des infrastructures et
du fourrage pour le parcage. D’autre part, les fruitiers que l’on se procure facilement dans les
pépinières périurbaines sont ceux que les groupes demandent en premier lieu, les bénéfices
alimentaires et monétaires étant importants. Les espèces à croissance rapide pour le bois
viennent de manière secondaire, car la ressource est encore assez abondante dans le terroir.
Bien que les villageois s’approprient les espèces qu’ils jugent intéressantes et qu’autour des
villes elles se véhiculent spontanément, l’isolement et le faible niveau de monétarisation dans
lequel se trouve la commune rend plus difficile l’approvisionnement autonome en plants, en
semences, produits phytosanitaires et matériel.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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3.2.4.2 Faible niveau d’adéquation avec l’objectif de préservation
des ressources naturelles.
Les plantations d’arbres qui peuvent se révéler être des activités génératrices de
revenus, sécurisant la propriété foncière et garantissant des revenus à court et long terme,
auraient l’avantage de limiter les prélèvements sur la ressource naturelle et d’augmenter le
couvert arboré. Appuyer de telles actions pourrait aller dans le sens des stratégies nationales
de lutte contre la pauvreté ou encore d’autosuffisance alimentaire. Mais pour ce qui est de la
stratégie de lutte contre la désertification, planter des arbres à croissance rapide n’est pas
forcément une mesure adéquate de protection des sols et de régénération du potentiel
productif. C’est même parfois le contraire, comme l’ont montré l’Eucalyptus, le Cassia
siamea et le Nimier. Or les espèces que les villageois veulent planter sont essentiellement ces
espèces. Cela se comprend : il y a peu d’intérêt à planter une espèce qui se régénère
naturellement et qui croît lentement. Cependant, l’introduction d’espèces exotiques est à faire
avec précaution. Il semblerait plus approprié pour la préservation des ressources ligneuses, et
moins coûteux, de favoriser la régénération naturelle par la protection, le suivi et l’entretien
des jeunes plants, notamment du feu et de la divagation des animaux.
Si l’on souhaite enrichir le couvert ou bien lancer des projets agroforestiers tels que la
plantation de haies vives ou de haie brise-vent, mieux vaut donner la priorité à des espèces
locales. Cependant, un tel travail doit être motivé par un intérêt quelconque, or si on n’est pas
propriétaire de la parcelle en question, si on ne possède pas la garantie du futur usufruit de
l’arbre ou si cet usufruit ne garantit pas des revenus importants, il paraît peu envisageable
d’investir du temps et du matériel. Le fait qu’on n’envisage pas de planter des essences
locales ou qu’on ne se donne pas la peine de les protéger est intimement lié à leur faible
valeur économique.
3.2.4.3 Le phénomène d’innovation favorisé par l’appui
technique et le conseil
On a démontré dans la seconde partie que les cultivateurs ont des connaissances et des
savoir-faire liés à leurs pratiques quotidiennes et qu’ils les adaptent aux différentes contraintes
et opportunités. Cependant, se conformer aux habitudes garantit une certaine sécurité en
limitant l’incertitude. Si certaines pratiques se révèlent prometteuses grâce à des individus
ayant lancé l’innovation et pour lesquels elle a porté ses fruits, elle se diffusent spontanément.
« À partir du moment où les gens remarquent les avantages d’une nouvelle technique, alors ils
sont favorables à son adoption. », selon les propos d’un agriculteur malgache ( cité par
B.GASTINEAU et F.SANDRON, 2006). Selon le même article, « l’aide et la connaissance
technique » favorisent le mécanisme d’imitation et aident à limiter le risque d’échec. Ainsi,
lors de la mission microprojets, même si on a parlé de formations avant qu’ils en expriment le
souhait, les promoteurs désiraient un appui technique et des conseils pour se lancer dans leurs
activités. C’est le rôle des différents services techniques en place dans la commune.
Le cas marginal d’un Gourmantché de Madjoari qui a planté une haie-vive, la seule
dans les trois villages étudiés, montre que des individus peuvent innover de manière isolée. Il
l’a fait de façon autonome, de même qu’il a mis une petite pépinière privée en place. Le fait
qu’il soit secrétaire du CVD de son village, l’a certainement fait bénéficier d’influences
porteuses, d’autant plus que son père ait déjà l’habitude de planter des arbres.
Malheureusement on voit qu’il n’a planté que des Nimiers dans cette haie vive, et aujourd’hui
le village en est envahi. L’appui et le conseil peuvent s’avérer utiles pour éviter les erreurs
dans l’innovation.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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Figure 29: Haie vive « uniespèce » (Azadirachta indica); C.BORDES 2009
L’Etat se trouvant lui même pris au sein des contradictions de la communauté
internationale, a des politiques sectorielles contradictoires qui se répercutent sur les
cultivateurs. L’enjeu économique est le premier qui vaille dans un contexte de survie : on
produit ce qui se vend de la manière la plus rentable. Au-delà de l’alimentaire, l’argent permet
de subvenir à des besoins qui évoluent avec l’apparition nouveaux produits et services: santé,
éducation, distraction, vêtements, produits manufacturés... Dans une zone censée être un
sanctuaire de biodiversité, l’introduction d’espèces exotiques ainsi que la propagation des
monocultures à haut rendement, nécessiteraient de grandes précautions. La population en
situation de pauvreté reste malgré tout, tributaire des produits de la ressource naturelle ainsi
que de la productivité des sols. La préservation de leur intégrité est alors un intérêt commun.
Mais cela n’a pas beaucoup de valeur monétaire contrairement à d’autres produits dont les
filières sont bien organisées. On a vu la ressource en Karité peut être au cœur d’enjeux et
d’intérêts communs. Reprenons maintenant les intérêts, stratégies et points de blocages de
manière globale afin d’imaginer des perspectives et trouver des solutions durables.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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3.3 Quelles convergences porteuses de solutions durables
À ce stade, nous pouvons faire une synthèse des intérêts, stratégies et blocages relatifs
à la gestion des ressources ligneuses, qui sont apparus tout au long de ce travail, pour nous
aider à percevoir des convergences et imaginer des solutions durables. Nous allons dans un
premier temps, exposer de manière succincte les perspectives et solutions pour ensuite les
commenter à travers un scénario et des propositions de modèle et d’actions concrètes.
3.3.1 Intérêts, stratégies, points de blocages, perspectives et solutions
La question étant très compliquée, nous ne pouvons pas prétendre à l’exhaustivité de
cette synthèse. On la formulera sous la forme de deux tableaux : l’un concerne l’Etat l’autre
les cultivateurs.
Concernant l’Etat, on a vu dès le départ que l’enjeu de la gestion des ressources
forestières se situe aux niveaux international et national, économique et politique. Elle doit
non seulement garantir des recettes par l’exploitation, les systèmes de taxes et l’exportation,
l’approvisionnement en denrées issues des forêts, mais elle doit aussi être durable
économiquement, environnementalement et socialement pour le respect des engagements
conventionnels et pour aller dans le sens des bailleurs qui financent les projets.
Tableau 17 : Synthèse des intérêts, stratégies et blocages de l'Etat, relatifs à la gestion des ressources
ligneuses ; BORDES, 2010
Intérêts Stratégies Points de blocages Perspectives Solutions
Recettes du
tourisme: chasse
et vision
Conserver un
patrimoine
national, Respect
des engagements
(conventions...)
Consommation
nationale en bois
énergie
Recettes
d'exportation:
coton, élevage,
Karité
Aller dans le sens
des bailleurs
Délégation aux
concessions
privées
Domaines classés,
parcs nationaux
Inventaire des
ressources
Législation,
répression
Lutte contre la
désertification par
la plantation
Sociétés privées,
appui filière/
services
techniques, projets
Suivi des grands
axes de
développement
Gouvernance
Augmentation des
surfaces cultivées,
menace de
transgression
Manque de moyens
techniques et
financiers
Fraudes, braconnage
Manque de suivi,
entretien, désintérêt
Contradictions entre
les secteurs agrosylvo-pastoral
Inefficacité des
projets: manque de
suivi, moyens, non
respect des règles…
Gestion
transparente
Intensification
des cultures
Amélioration de la
collecte/gestion
des données
Diminuer les
frustrations,
partage des
responsabilités
Susciter l'intérêt,
favoriser les
initiatives
Harmonisation
des secteurs
Coordonner
intérêt commun
et intérêts
individuels
Garantie de la
rentabilité
Implication de la
mairie
Associations
agro/sylvo/pastorales
Programmes de R&D
Gestion concertée,
représentativité
exhaustive de
l'ensemble des
acteurs
Approche individuelle,
garantir les droits,
espèces intéressantes
Concertation, projets
de gestion intégrée
Transfert des droits
et responsabilités,
cadres de
concertation, appui
filière, R&D
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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Notons que l’importance des actions de recherche en faveur du développement qui avait
déjà été évoquée en première partie, apparaît dans la colonne des solutions, sous le sigle
R&D. Bien menée, la recherche pour le développement doit favoriser les innovations pour
une gestion plus efficace des ressources. Cependant, il a souvent été fait cas du cloisonnement
entre les chercheurs et les décideurs (A. NDIAYE, 2009). Le Burkina Faso semble s’être doté
d’un plan pour aller contre ce processus (cf. 1.1.2.5). Il faut alors que les résultats des études
soient bien transmis, compris et pris en compte dans les décisions.
D’autre part, dans la première ligne, on aborde des sujets qui n’ont pas été analysés
auparavant : le problème de la gouvernance et de transparence dans la gestion et la
redistribution des recettes de la chasse. Développer le sujet dépasserait les limites du
mémoire, mais on fait quand même une suggestion en se référant à la bibliographie 39 .
Concernant les populations, nous avons synthétisé les intérêts et stratégies comme suit :
Intérêts Stratégies Points de blocages Perspectives Solutions
Survie
immédiate
Monétarisation
Garantir la
survie sur le
long terme,
enrichissement
d'un
patrimoine
familial
Valeur sociale
Prélèvements
spontanés
Vente dans les
marchés
Plantation
d'espèces à
croissance
rapide
Sélection/Protection;
optimisation de
l'espace
Respect des
règles
coutumières
Raréfaction des ressources
Non maîtrise des RN
Restrictions, surveillance,
taxes
Droit de prélèvement limité
aux usages domestiques
Marchés locaux très peu
solvables
Faible valeur monétaire
Manque de moyens
matériels
Manque d'accès aux
intrants
Dégâts des animaux
Risque d'échec élevé
Concurrence avec les
cultures garantissant une
rentabilité plus élevée à CT
Transition des valeurs,
paupérisation
Préserver la RN
Garantie des droits,
d'usage, de
propriété et
d’exploitation
Gestion concertée
pour l'exploitation
commerciale
Sortir de l'isolement
Valorisation des
PFNL
Acquérir un capital
d'investissement
Assurer un
approvisionnement
intracommunal
Limiter la divagation
Taux de réussite
élevés
Miser sur la
diversification
Valorisation des
connaissances
Tableau 18: Synthèse des intérêts, stratégies et blocages des cultivateurs, relatifs à la gestion des
ressources ligneuses ; BORDES, 2010
Protection/
régénération
naturelle, plantations
Connaissance du
cadre législatif,
revendication des
droits
Organisation en
groupements de
gestion
Solliciter la
réhabilitation de la
RN19
Solliciter un appui
filière
Saisir les
opportunités lancées
par les projets
Mise en place de
pépinières
Parcage du petit
bétail
Solliciter conseil/
appui technique
Solliciter des appuis
filières
Transmission et
revendication des
savoirs
39 MDTS/MAS Info4Dourou, et J.-C. NGUINGUIRI, «Gouvernance des aires protégées…»
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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3.3.2 Sortir la commune de l’isolement, un scénario cohérent
3.3.2.1 Le maintien de la commune dans l’isolement
Qu’ils relèvent d’un choix stratégique, d’un déficit budgétaire, d’un désintérêt pour la
zone ou bien de tous ces facteurs en même temps, le choix politique de ne pas améliorer
l’accessibilité de cette commune, limite fortement le développement des activités
économiques et sociales dans la commune. La monographie destinée au conseil municipal,
fait cas de l’enjeu : « il est important de construire de façon durable la route nationale 19 » ;
ainsi que des ambiguïtés attenantes à la situation : « que des choix clairs soient effectués par
rapport à la vocation de la zone de Madjoari et des aménagements conséquents pourraient
alors être envisagés. ». Mais pour la préservation des ressources naturelles, cet isolement est
un atout car il limite fortement les déplacements et la commercialisation. Cela signifie moins
de braconnage et moins de prélèvements spontanés par les populations pour alimenter les
villes, donc moins d’effort à mettre dans les plans de gestion des ressources naturelles. En
effet, l’affirmation suivante extraite d’une étude sur le Schéma Directeur
d’Approvisionnement en Bois de Niamey montre que l’exploitation accrue des ressources
naturelles est facilitée par l’ouverture des routes et la construction de ponts : « Le canton de
Torodi dispose de ressources forestières importantes dont l’exploitation récente date de
l’ouverture du pont Kennedy (1970), renforcée lors du goudronnage de la route du Burkina
(1983). » (B. Attari, DE Niamey Niger).
3.3.2.2 Scénario d’une réhabilitation de la RN19
Pour envisager un scénario de réhabilitation de la RN19 qui sortirait la commune de
l’isolement, prenons l’exemple de la situation à Pama, petite ville a la périphérie de la zone de
réserve située à proximité de la commune (cf. annexe n°3). Dans l’hypothèse d’une
réhabilitation de la RN19, Madjoari resterait une enclave au milieu de réserves, donc ce ne
serait pas tout à fait comparable, mais accessible. La facilitation du transport devrait permettre
l’augmentation de la circulation des personnes et des marchandises donc des échanges. La
densité de population à Pama reste assez faible, ce qui nous permet d’avoir un scénario
relativement réaliste à court terme. On peut supposer qu’il y a une homogénéité culturelle et
climatique, vu la proximité des deux localités, ces deux facteurs étant à prendre en compte.
L’augmentation démographique y est aussi réelle, mais le statut des réserves forestières limite
l’extension des fronts de défriche brûlis. Le phénomène d’augmentation de l’exploitation des
ressources à des fins commerciales dans les limites du terroir est par contre tout à fait
envisageable. C’est un des facteurs de pression sur les ressources évoqué par les paysans,
dans l’article déjà cité de K. Hahn-Hadjali et A. Thiombiano qui traite de la perception des
espèces en voie de disparition dans trois localités de la région de l’Est, dont Pama. Cette
démarche d’étude ayant déjà été expliquée (cf. 2.4.2.), nous pouvons nous reporter aux
résultats concernant les espèces jugées disparues ou menacées de disparition. Ainsi, les
prélèvements exagérés sur des espèces aux vertus médicinales populaires comme Securidaca
longepedunculata et Parinari curatellifolia, ou l’abatage des arbres pour la récolte plus rapide
des fruits, fleurs ou feuilles, pourrait entraîner leur raréfaction voir disparition. L’exploitation
exagérée des ligneux pour le bois de service ou le charbon, pourrait menacer des espèces
apparemment encore bien réparties à Madjoari comme Anogeissus Leiocarpus, Combretum
micranthum, Prosopis africana et Burkea africana. On peut aussi supposer que le braconnage
serait facilité et que la population d’éléphants, se sentant encore plus menacée par l’Homme,
deviendrait potentiellement plus destructrice.
Dans le cas d’un tel scénario, la surveillance des zones protégées devrait donc être
accrue. Accentuer les effectifs de gardes forestiers serait coûteux et de plus, l’augmentation
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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de la répression se révèle souvent inefficace comme on a pu le voir. Il serait alors essentiel
d’intégrer la population locale à la gestion des forêts. En effet, on suppose que si elles
s’approprient les ressources et qu’elles y trouvent des bénéfices, elles seront d’autant plus
motivées pour surveiller et veiller à une gestion durable des ressources. D’autre part le
développement d’outils efficaces pour un suivi du couvert végétal permettrait de définir des
plans d’aménagements adéquats. C’est ce que nous allons essayer d’envisager dans la partie
suivante.
3.3.3 Un suivi plus efficace des ressources forestières
Les réflexions dans le domaine de l’environnement évoluent vers des modes de gestion
participatives et le mécanisme de la décentralisation va dans ce sens : il doit y avoir un
transfert de droits de propriété et d’usage au profit des communautés rurales et au détriment
de l’Etat. Dans le cas de Madjoari, les réserves sont gérées par l’Etat ou des privées. Les seuls
espaces ouverts à la gestion participative sont les ZOVIC (cf. 1.3.3.2), et seule l’exploitation
de la faune y est envisagée.
forêts
3.3.3.1 Responsabilisation des populations dans la gestion des
Le mot « participatif » est très à la mode dans le développement et nous ne le
présentons pas comme un outil miracle, propre à résoudre les problèmes de conflits sur la
gestion des ressources. Dans certains cas, c’est un mot qui décore les descriptifs de projet et
qui n’a pas réellement d’incidence sur la réelle prise en compte des besoins des populations.
Dans un de ses documents, la FAO (FAO, 1995) précise que « l'approche participative
appliquée à la gestion des ressources naturelles, doit être considérée comme un outil qui
favorise la prise en charge effective par l'ensemble de la population d'un village ou d'un
ensemble de villages des actions de restauration et de développement du terroir ». Elle a
« pour objectif général d'impliquer et d'associer de manière étroite les populations dans le
diagnostic, l'identification, la programmation, la mise en œuvre et le suivi des actions à
mener. » Nous parlerons alors plutôt de « gestion concertée » des ressources. Un article sur
les marchés ruraux contrôlés qui ont notamment vu le jour au Niger 40 , parle de « gestion
collégiale concertée ». Dans ce cas, l’Etat a effectivement transféré ses capacités de gestion
aux communautés de bases, via les Organisations paysannes. Le projet en question, s’il n’a
pas encore réussi a assurer une préservation effective des ressources, a au moins prouvé que
ce mode de gestion est possible.
Dans le cas d’une réhabilitation de la RN19 et d’un développement des activités
commerciales à Madjoari, une gestion concertée des ressources serait à envisager au niveau
du domaine protégé dont la gestion relève de l’Etat. En effet si les ressources du terroir sont
mises à mal par une pression accrue sur les ressources, il faudrait envisager la mise en place
de plans d’aménagements pour une exploitation rationnelle des ressources.
Selon J.P.SORG, on peut supposer deux choses dans le cas d’une démarche pour
l’appropriation des ressources forestières ou de leur usage par la population rurale : d’une part
qu’elle « représente une condition de durabilité de la gestion », d’autre part, « une gestion
intégrée de toutes les productions de la forêt favorise la participation des populations ». Il
faudrait en effet prendre en compte tous les produits que fournit la forêt et pas seulement la
chasse.
40 R.J. PELTIER, H. DESSARD, R.G. ALZOUMA, A.ICHAOU, « Bilan après quinze ans de gestion
communautaire d’une forêt villageoise de l’Ouest nigérien » Sècheresse, vol. 20, n°1, 2009
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Mais la gestion concertée nécessite la mise en place d’un plan d’aménagement que
chacun aurait à respecter. Ce n’est possible que si chacun y trouve son intérêt. Le pâturage est
un aspect important à prendre en compte par exemple. C’est en particulier à ce niveau que se
situent les conflits et les frustrations. Prendre davantage en compte les éleveurs dans les
décisions d’aménagement et de gestion est essentiel.
3.3.3.2 Développer des outils de gestion performants
Pour développer des outils de gestion performants, le MECV doit prendre en compte
les résultats des études qui ont déjà été faites, notamment par des chercheurs, sur la zone ainsi
que les conclusions et les propositions qui ont été formulées.
O. OUEDRAOGO (2009) ayant fait sa thèse dans le parc d’Arly préconise notamment
d’envisager des changements dans les techniques traditionnelles d’aménagement des forêts,
les feux en particulier, sans quoi « la plupart des formations peuvent subir des changements
dans le futur. » Il propose concernant les problèmes liés à l’élevage, le fauchage de la paille
pour alimenter le marché fourrager, ainsi que d’améliorer les parcours dans les capacités de
charge. Connaître ces dernières implique de faire des inventaires réguliers ou bien d’utiliser
des outils de gestion performants comme la télédétection qui permettrait d’avoir un suivi du
couvert efficace. La population d’éléphants pourrait d’ailleurs être suivie à l’aide de ces
outils, pour une meilleure anticipation de leurs déplacements.
De plus, la mise en place de plans d’aménagements nécessite également une étude
poussée du milieu : botanique, sociale et économique. La communication aux populations de
toutes les informations juridiques, techniques et financières ainsi que les données écologiques
et économiques, est essentielle. Il faut trouver des outils efficaces pour le transfert de
l’information. Mais en même temps que l’on envisage la mise en place de technologies
novatrices, il est important de développer des cadres de concertation où les droits et les rôles
de chacun sont clairement définis de manière consensuelle et où l’ensemble des acteurs puisse
se sentir représenté.
3.3.4 Une meilleure valorisation des ressources naturelles
Si les produits des arbres sont plus facilement commercialisables, la ressource forestière
sera davantage convoitée donc menacée. Mais dans le cas de la conservation des arbres dans
les champs, leur garantir une plus haute valeur peut contribuer à leur conservation par les
paysans.
Figure 30: Femmes au marché de Namouyouri; E.DROMER, 2009
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
- 92 -

3.3.4.1 La valorisation économique par l’appui filière
L’un des problèmes soulevés par le tableau de synthèse est que la concurrence entre
les espèces ligneuses et les cultures est d’autant plus rude que ces dernières sont mieux
valorisées sur le marché. C’est le cas du coton, dont on a déjà fait cas, pour lequel les
cultivateurs sont davantage appuyés et rémunérés. Pour ce qui est des PFNL, aucune filière
n’est formellement organisée à Madjoari. Seule la vente sur les marchés locaux est
envisageable étant donné l’isolement de la commune. Or le niveau de monétarisation y est
plutôt faible, ce qui n’assure pas une rémunération importante des produits. Si l’on veut que
les cultivateurs et les cultivatrices trouvent un intérêt à préserver et protéger la ressource
ligneuse dans leurs champs, ils doivent y trouver une rémunération. Tout comme le Karité, on
peut appuyer des filières de PFNL 41 , en facilitant la production et l’écoulement des produits
sur le marché. Lors de la mission « microprojets », on s’est rendu compte que des projets
avaient déjà appuyé des groupements de femme pour la fabrication du Karité. Des femmes
sont en effet venues déposer leur candidature pour se lancer dans des activités de fabrication
de savon à base de son beurre et certaines ont expliqué que des organismes leur avaient déjà
apporté du matériel et des formations. Mais ces activités n’ont pas pu s’auto-entretenir à cause
des difficultés à réinvestir dans les intrants de production. De plus on a vu que les femmes ont
peu de temps à investir à côté de toutes les tâches qui leur incombent, il faut donc que la
cueillette et la transformation des PFNL les rémunère suffisamment pour compenser le temps
que cela prend sur d’autres activités. L’appui à la commercialisation peut permettre de
garantir l’investissement en temps et en travail.
3.3.4.2 Une approche intégrée pour optimiser l’espace
• Intégrer les trois secteurs d’activité dans une même parcelle en s’inspirant
des pratiques déjà en place
On a vu que le manque de coordination entre les
secteurs était l’un des principaux blocages à la gestion
durable des ressources forestières. Si l’on s’inspire des
pratiques déjà en place, on peut imaginer une gestion des
parcelles qui intègre les trois secteurs de manière efficace.
Les stratégies observées à Madjoari correspondent à une
optimisation de l’espace et une intégration des différents
secteurs d’activité : l’aménagement des champs en parcs,
intègre l’arbre au milieu agricole et chez les éleveurs Peuls,
le parcage des animaux y associe aussi l’élevage,
garantissant un bon amendement des surfaces. L’installation
de cultures d’ombrage, sous les individus au branchage étalé
comme le Néré et le Ficus s. permettent une optimisation de
l’espace. Citons quelques raisons pour lesquelles ces
systèmes ne semblent pas assez performants :
- Le cheptel n’est pas assez important pour satisfaire le besoin d’amendement de
l’ensemble du terroir.
41 Les Produits Forestiers Non Ligneux sont définis comme tout produit issus des arbres mais qui n’est pas le
bois d’œuvre. Ce nom est controversé car les produits autres que le bois peuvent être ligneux mais comme il est
commun, on l’utilise.
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- Le parcage du cheptel dans les champs ne peut se faire qu’en saison sèche, au moment
où les herbacées perdent justement leur valeur fourragère. Le troupeau doit
automatiquement pâturer en forêt pour se nourrir, il y a donc une perte de la matière
organique.
- La valeur des PFNL et des cultures d’ombrage (sésame et piment) n’est pas assez élevée
vis-à-vis des cultures.
- La divagation des animaux peut mettre à mal la régénération naturelle dans les jachères
en favorisant la sélection d’espèces non désirées
On en revient alors aux problèmes d’organisation de l’affouragement et du parcage,
ainsi qu’à celui de la valorisation des PFNL. Concernant le premier, on peut se référer à la
solution proposée par O. OUADRAOGO (cf. 3.3.3.2). L’élevage relève d’une grande
complexité d’enjeux et d’acteurs. L’un des défis serait de mieux l’intégrer dans l’espace
agricole.
• Autoriser la pratique de l’émondage pour une valorisation du feuillage et
une diminution de la concurrence avec les cultures
Pour faire suite au paragraphe précédent, on pourrait aussi encourager la conservation
des espèces aux vertus fourragères dans les champs en autorisant un émondage raisonné afin
de valoriser le feuillage. D’autre part, dans ce contexte où la fertilité des sols est un facteur
limitant, on peut réfléchir à la valorisation de la litière foliaire pour augmenter les sources
d’amendement dans les parcelles. Nous avons vu dans la première partie que l’un des
avantages du système agroforestier est le transfert des nutriments contenus dans les feuilles
des arbres vers le sol. C’est une des raisons pour lesquelles les paysans conservent des arbres
dans leurs champs. Un article sur l’influence de la litière foliaire de cinq espèces végétales
tropicales sur la croissance du mil et du maïs 42 , montre que la litière de deux essences
fréquemment utilisées dans les plantations agroforestières, Azadirachta indica et Fedherbia
albida, ont un effet positif sur la croissance des cultures. Deux autres des espèces étudiées
sont des herbacées. Il a été démontré que l’incorporation des feuilles d’A.indica et de F.albida
au sol, a un effet positif sur la croissance du sorgho. Ceci serait dû entre autres à un rapport
C/N faible. En revanche, un autre chercheur a montré que la litière d’A.indica a un effet
inhibiteur sur la croissance de certains légumes ainsi que sur le sésame et le haricot. En
conclusion du rapport, l’intégration de la litière au sol pour l’amendement des cultures est
positif dans certaines conditions, la composition chimique variant selon les espèces (M.-D.
DIALLO et al, 2008). Un autre article sur « la gestion durable des parcs à néré et à karité
parle de l’intérêt de la pratique de l’émondage » (R.DUPONNOIS, dans l’ouvrage de
T.FTAÏTA). Selon lui, dans les parcs agroforestiers où les arbres sont relativement éloignés et
où la compétition pour l’eau et la lumière ne sont pas trop importantes, l’effet bénéfique de la
présence des arbres sur les cultures est facilement démontrable. Il cite des chercheurs ayant
montré des gains de productivité significatifs du mil dans des plantations amendées par les
produits de l’émondage du Karité. Cette pratique aurait un double effet positif en diminuant la
compétitivité pour la lumière et l’eau. En effet, la taille des arbres limite l’importance de
l’ombrage en même temps qu’elle diminue la densité des racines courtes dans le sol, donc le
pompage de l’eau en surface.
La loi interdit la pratique de l’émondage se basant sur l’hypothèse que si on
l’autorisait, elle mettrait en danger les peuplements d’espèces dont le feuillage est convoité.
C’est ce qui se passe dans les zones périurbaines. Mais si l’ACFF peut faire respecter une
interdiction, peut-être pourrait-il faire respecter une pratique raisonnée de l’émondage qui
42 M.-D. Diallo et al., 2008
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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permette la valorisation du feuillage de l’arbre sans menacer sa survie. Le fait d’imaginer un
système proche des pratiques déjà existantes permet de mieux évaluer les impacts, et il a plus
de chances d’être adopté si on cherche à le mettre en place. Il serait intéressant
d’expérimenter les techniques d’amendement par l’émondage proposées plus haut afin de
voire les réactions des cultures ainsi que la tolérance des arbres à cette pratique.
3.3.4.3 Un jardin botanique pour l’éducation environnementale
et la valorisation des espèces locales
Suite à la mission microprojets, il a été décidé de mettre en place un jardin botanique,
car c’était là ce qui semblait correspondre le mieux aux capacités et aux objectifs de l’équipe
Info4dourou, en tout cas à court terme. Ce projet a été porté par l’association pour la
promotion de l’environnement évoquée en première partie (1.3.5.2) ; mais l’idée vient de
l’ACFF qui les a appuyés dans la création de leur groupe. Il a pour objectif général de
« sauvegarder la diversité biologique par la conservation, la restauration et le renforcement
des espèces locales et exotiques tout en améliorant les conditions de vie de la population » 43 .
Selon les objectifs spécifiques initiaux, le jardin doit être associé à une pépinière afin
d’assurer une l’autosuffisance en plants et d’approvisionner la commune. Il devrait également
être un lieu de promotion des actions agroforestières (il doit notamment être entouré d’une
haie vive) ainsi que « d’éducation environnementale », favorable :
• À l’étude de la botanique notamment pour les élèves de la commune
• Aux visites guidées au profit des populations autochtones et étrangères
• À la récolte des espèces pour les besoins des populations en produits médicinaux
• L’accueil des projets d’expérimentation scientifique menées par des étudiants et
chercheurs
• La conservation des espèces en voie de disparition
• La formation et le conseil technique dans la plantation, l’entretien et la protection des
jeunes plants
• La promotion de l’innovation
• La transmission et la mise en valeur des connaissances locales 44
• La promotion pour le tourisme
La pépinière devrait favoriser la mise à disponibilité de plants dans la commune pour:
• La protection des berges (la suppression des espèces ripicoles dans les parcelles
traversées par des cours d’eau provoque leur destruction et entraîne une forte
érosion).
• La végétalisation ligneuse de cordons pierreux déjà existants.
• Les reboisements communaux, familiaux et scolaires
• Les initiatives individuelles de plantations
Nous pouvons voir que cela correspond à certaines solutions envisagées dans le tableau
de synthèse. Cela irait notamment dans le sens de la préservation du patrimoine local de
biodiversité naturelle. L’ACFF actuellement en poste à Tambarga semble s’orienter vers des
espèces exotiques et (Prosopis julliflora, Eucalyptus par exemple ainsi que d’autres arbres
fruitiers). Cela ne correspond pas aux objectifs de conservation de la biodiversité locale mais
à ceux des villageois dont l’intérêt prime dans l’espace de la commune. Il envisage également
43 Dossier de demande d’appui pour le Projet de création et de gestion d’un jardin botanique, GROUPEMENT
SOUGLI – MANI, octobre 2009,
44 Il est délicat d’affirmer ce point car la transmission et la mise en valeur des connaissances locales dépend de la
volonté des détenteurs de savoir de le transmettre dans un lieu commun.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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d’intégrer des espèces locales utiles et/ou menacées (Acacia nilotica, Entada africana,
Afzaelea africana, Azadirachta indica Parkia Biglobosa, Khaya senegalensis). Le choix des
espèces dépend aussi de celles dont dispose le CNSF. Des récoltes des semences au niveau
des peuplements naturels sont possibles si les techniques de conservation et de germination
des graines sont maîtrisées.
Nous ne savons pas actuellement comment a été intégré le groupement promoteur au
projet, ni dans quelles mesures on prévoit qu’il atteindra ses objectifs. Quoi qu’il en soit pour
que ce jardin appartienne à la commune de Madjoari, il faut que les responsabilités de gestion
soient transférées à un groupement villageois, et qu’il ne soit que soutenu et appuyé par l’Etat
ou un quelconque autre acteur. Celui-ci en contrepartie d’assumer les responsabilités de
gestion et d’entretien doit bénéficier des recettes de la vente des plants. Sans cela, le projet
restera une vitrine, abandonnée dès que les financements se retireront.
Ce travail a révélé que l’harmonisation des politiques sectorielles est essentielle dans
la gestion des ressources ligneuses. L’enjeu économique apparaît prépondérant dans les
décisions, aussi bien au niveau des cultivateurs qu’à celui de l’Etat. Mais on ne doit pas
oublier les enjeux sociaux, politiques et écologiques qui sont tout aussi déterminants. Les
solutions qui viennent d’être proposées sont soit intégratrices de plusieurs approches, comme
le modèle d’intensitifaction de la parcelle, ou bien à associer entre elles : le désenclavement
doit être accompagné d’une gestion concertée et efficace des ressources. Cela demande un
cadre de concertation ainsi qu’un suivi et une évaluation constantes des ressources. Un appui
à la commercialisation doit se faire en fonction de facteurs comme la demande, la
disponibilité en main d’œuvre, l’état de la ressource… Le jardin botanique qui devrait être un
lieu favorisant la conservation et la mise en valeur de la biodiversité locale, ainsi que
l’apprentissage et l’innovation, doit aussi avoir une vocation rémunératrice pour ses
gestionnaires afin d’être fonctionnel.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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CONCLUSION
L’arbre, par ses multiples usages et interactions écologiques, est au cœur de multiples
enjeux. À l’échelle internationale, les écosystèmes forestiers abritant faune et flore, sont les
représentantes emblématiques d’une diversité biologique qui s’érode suite aux accidents
climatiques et aux mauvaises pratiques anthropiques. Le Burkina Faso touché de plein fouet
par ces questions, subissant sècheresse et croissance rapide d’une population dont la pauvreté
s’accroît, a décidé de leur accorder une place importante dans ses orientations politiques, ainsi
que dans le cadre législatif et institutionnel du pays. Mais l’histoire de la protection de
l’environnement remonte à la période coloniale. Déjà, une logique malthusienne incitait les
administrateurs à mettre des forêts en défens pour s’en réserver l’usage, au détriment des
populations générant ainsi de nombreuses frustrations. Cette histoire s’est répercutée depuis
les indépendances jusqu’à aujourd’hui dans le vaste domaine de réserve transfrontalières de
l’Est du Burkina Faso. Les agents forestiers sont toujours des représentants des logiques
d’interdictions, de répression et de spoliation des ressources au détriment des populations
riveraines. Les habitants de Madjoari en ressentent encore les frustrations. Pourtant, la
démarche de préservation de la biodiversité a fait du chemin depuis. De nombreuses
réflexions au niveau international et national ont alimenté les prises de décisions et
l’élaboration progressive d’un cadre institutionnel et législatif qui prend de plus en plus en
compte les droits de la population riveraine dans la gestion des ressources naturelles. Le
processus de décentralisation va dans ce sens, rendant plus proches les décideurs des
préoccupations et des revendications locales. Mais la zone en question étant une source
d’enjeux non seulement environnementaux mais aussi économiques, on ne peut pas leur
laisser trop de place. En effet, la faune qu’y abritent les forêts est une source de revenus non
négligeables pour l’Etat, à travers le tourisme de chasse et de vision. Le mécanisme de gestion
participative et de redistribution, quoi que contribuant au développement de la commune,
n’est pas encore assez performant pour compenser les frustrations.
Cela joue donc évidemment sur la perception qu’ont les cultivateurs des démarches
étatiques pour la protection de l’environnement. Les villageois voient l’extension des surfaces
agricoles limitées à celles des réserves, observent l’appauvrissement de leurs terres aux côtés
de sols riches et fertiles, subissent un certain nombre d’interdictions sur le prélèvement des
ressources dont ils ont besoin pour vivre, ainsi que les dégâts d’éléphants qu’on protège à leur
détriment… mais ils ne voient personne venir désenclaver la commune. Pourquoi le ferait-on
alors que cela l’exposerait à encore plus de braconnage et d’abus Les informations circulent
dans cette commune, le bétail transhume et des migrants viennent s’y installer à la recherche
de terres fertiles, mais c’est un endroit laissé en marge du développement national car le
transport des personnes et des biens ne peut pas se faire à la même allure qu’ailleurs, et les
agents des services techniques rechignent à venir s’y installer. Côté commercialisation, tout
ne peut quasiment se faire qu’au niveau intra-communal, sauf pour la production de coton,
qu’un camion vient chercher une fois les récoltes terminées, transportant également des
intrants. L’Etat ayant tablé sa stratégie d’exportation sur cette culture de rente, c’est la seule
filière vraiment organisée dans le pays et donc le seul débouché certain pour les paysans.
Pourtant, elle est de moins en moins rentable et mène les paysans à la pauvreté d’une part,
d’autre part à la recherche du gain d’espace. Ils doivent composer avec ces contradictions,
entre stratégie économique et préservation de l’environnement.
La présence d’arbres joue un rôle écologique important au niveau de la parcelle et du
maintien de la fertilité du sol. Ce rôle n’est pas toujours positif et ils n’en sont pas les seuls
garants. Il a cependant été démontré que les parcs entretenus par les cultivateurs et notamment
à Néré et Karité, sont écologiquement plus durables que des parcelles nues. Ils ne sont pas
ignorants de ces bienfaits ni des conséquences de la diminution du couvert arboré. Ils
observent les interactions écologiques, les concurrences aussi bien que les synergies et tentent
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de les conserver en optimisant l’espace grâce à des cultures d’ombrage. Ils les sélectionnent
en fonction des interdits d’une part mais surtout en fonction des avantages et des
inconvénients qu’ils y trouvent. En principe les arbres fruitiers sont systématiquement
conservés car les fruits ont de la valeur non seulement alimentaire mais aussi monétaire.
Plusieurs facteurs déterminent alors la répartition des arbres dans les champs : ils sont
pédologiques, morphologiques, physiologiques, sociaux, économiques, culturels et enfin
politiques. En effet, les politiques de sensibilisation environnementale et de reboisements, ont
fortement influé sur le paysage arboré, notamment près des villages. On y observe de
nombreuses espèces introduites. Mais dans cette zone, ces introductions ne sont pas encore
très importantes, car d’une part, l’isolement de la commune rend l’approvisionnement en
plants, semences, produits phytosanitaires et matériels difficile, d’autre part, la protection
efficace des ressources naturelles, a rendu cette zone moins prioritaire aux actions de
sensibilisation.
Cependant, malgré son enclavement, la commune a bénéficié de la venue de
nombreux projets de développement. Les villageois sont habitués à voir des opérateurs
nationaux et internationaux venir faire des projets et repartir. Ils essaient d’y trouver leur
compte malgré des démarches pas toujours adéquates et des promesses parfois non tenues.
Concernant la plantation d’arbres, ils y trouvent leur intérêt bien que de nombreux blocages
l’entravent, ils les ont intégrés au paysage villageois. Dans un objectif de gain à moyen terme,
les espèces exotiques sont plus rentables que les essences locales. Ces arbres peuvent s’avérer
utiles et source d’activités génératrices de revenus, mais se sont souvent avérés nuisibles au
couvert local. Cela semble donc incohérent avec la préservation de la biodiversité. C’est
pourquoi, orienter les actions vers la domestication d’espèces locales ou plus simplement, la
régénération naturelle serait plus adéquate. Inventer des systèmes de culture intensifs
intégrant l’arbre, l’animal et la culture de façon plus performante à partir des systèmes déjà en
place, serait une solution au problème de baisse de fertilité des terres tout en accordant plus de
place à l’arbre dans la parcelle.
Malheureusement, sa valeur économique n’est pas assez estimée par rapport aux
cultures auxquelles il doit faire place. Leurs produits pourraient être mieux valorisés grâce à
un appui aux filières. Si on devait imaginer un scénario qui sortirait la commune de
l’isolement pour favoriser le développement des échanges et des activités, il faudrait
envisager les mesures nécessaires pour garantir une protection efficace des ressources qui
seraient alors davantage exposées aux pratiques abusives. Cela pourrait passer non pas par la
répression trop souvent inefficace, mais par l’élaboration d’un système de gestion concertée,
donnant plus de responsabilité aux populations riveraines. Il serait alors essentiel de mettre en
place un cadre de concertation où les intérêts d’un maximum d’acteurs puissent être pris en
compte. Pour cela, les informations sur les paramètres écologiques, économiques autant que
sur le cadre législatif et institutionnel doivent être transmises de manière intelligible par tous.
Cela exige une grande rigueur dans la collecte de données scientifiques sur les ressources
ainsi qu’un gros effort pour traduire les résultats en un langage commun.
L’Etat a donc beaucoup à faire pour adapter ses interventions aux intérêts des
populations cibles. C’est pourtant une condition essentielle à leur efficacité. C’est aussi
comme dirait J.P.SORG, le « fait d’une élémentaire justice sociale », qui « constitue, sans
aucun doute, la condition nécessaire d’une gestion durable des ressources ». Il faudrait pour
cela reconnaître que les cultivateurs sont capables d’avoir des pratiques raisonnées et
raisonnables, comme le montre cette étude, temps qu’elles ne sont pas placées dans des
situations qui limitent leurs alternatives. Mais le rôle de l’Etat dans l’orientation des stratégies
économiques et des programmes de développement est à relativiser, car il agit aussi en
fonction des conjonctures. Devant consentir à la volonté de ceux qui financent ses actions, il
est lui-même pris au sein de contradictions internationales.
Camille BORDES - La Gestion des arbres par les paysans - 2010
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Exemple du Burkina Faso, CIEH Ouagadougou, 1986, 17p [en ligne], IRD :
• D-Y. ALEXANDRE Initiation à l’agroforesterie en zone sahélienne, les arbres du
plateau central du Burkina Faso, IRD – KARTHALA, 2002, 212p
• M. ARBONNIER, Arbres, arbustes et lianes des zones sèches d’Afrique de l’Ouest,
Editions CIRAD, 2002
• S. BRUNEL, L’Afrique, un continent en réserve de développement, 2004 ; Bréal 2004,
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• Dr. Z.P. DAKUYO, Rôle des connaissances traditionnelles dans le développement
socio-économique : cas de la médecine traditionnelle au Burkina Faso, Pharmacie de la
COMOE , Laboratoires phytofla, Banfora, 2000
• DED (Service Allemand de Développement), Division du Développement Rural,
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• M.-D. DIALLO et al. Influence de la litière foliaire de cinq espèces végétales
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• B.GASTINEAU, F.SANDRON, « Démographie et environnement à Madagascar »,
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disparition en milieu Gourmantché (Est du Burkina Faso) ; Berichte des
Sonderforschungsbereichs 268, Band 14, Frankfurt a.M. 2000: 285-297
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écosystèmes forestiers contractés sahéliens, (ORSTOM, CIRAD, MHE/DER Niger); Ed
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Sécheresse n°4,vol. 19, oct-nov-déc 2008, d’après actualité scientifique de l’IRD Fiche n°307,
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ORSTOM, série Pédologie, vol. XXII, n°2, 1986 ; p173-180
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- 99 -

• M. MBALA, Etude de la dynamique spatio-temporelle d’occupation des terres de la
commune de Madjoari, Mémoire pour l’obtention du Master d’ingénierie en eau, 2iE : Institut
International d’Ingéniérie de l’Eau et de l’Environnement, juin 2009
• MECV. Monographie Nationale sur la diversité Biologique au Burkina Faso.
Secrétariat Permanent du Conseil National pour la Gestion de l’Environnement. Fév. 1999,
[ en ligne], MECV.
• MECV. Plan d’action et de mise en œuvre des réformes institutionnelles et juridiques
pour la décentralisation dans le secteur forestier . Rédigé par le Secrétériat Générale du
Ministère de l’Environnement et du Cadre de vie, Mars 2006.
• MEDEV, Cadre Stratégique de Lutte Contre la Pauvreté (CLSP), [en ligne] © 2006 –
MEDEV
• MEDEV, Cadres Stratégiques Régionaux de Lutte Contre la Pauvreté, 2005, MEDEV
[en ligne]
• A. NDIAYE (sous la direction de), Chercheurs et décideurs d’Afrique : Quelles
synergies pour le développement CODESRIA/CRDI 2009 106 pp.
• A. NDIAYE, D. LY KAYIHURA ; I.TAPSOBA, L’impact du Projet d’Appui à la
Commercialisation du Karité sur les femmes de la filière Karité, UNIFEM, CEAS, 2002. [en
ligne]

• C. RENAUDIN ; Etude originale : Vulnérabilité du paysannat cotonnier dans l’Est du
Burkina Faso ; Cahiers de l’Agriculture, vol 19, n°1 ; janvier-février 2010.
• A. ROUGIER, « Du terrain de chasse du colon à la gestion raisonnée de
l'environnement par les villageois » article publié le 4 mai 2010, sur RFI. [en ligne]

TABLE DES ANNEXES
Annexe n°1 : Diagramme des institutions publiques décentralisées et déconcentrées
intervenant dans la gestion du secteur forestier et leurs relations.
Annexe n°2 : Extrait de l’arrêté n°2004_019/MECV portant détermination de la liste des
espèces forestières bénéficiant de mesures de protection particulières/ MECV du
Burkina Faso
Annexe n°3 : Carte du Bassin versant de la Singou
Annexe n°4 : Répartition de la population dans les différents villages de la commune
Annexe n°5 : Protocole d’enquêtes auprès des cultivateurs
Annexe n°6 : Entretiens directifs pour le recensement et le classement des essences
prioritaires
Annexe n°7 : Calendrier des activités
Annexe n°8 : Liste des espèces recensées dans l’herbier lors du travail de recherche
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ANNEXE N°1 : Diagramme des institutions publiques décentralisées et déconcentrées
intervenant dans la gestion du secteur forestier et leurs relations.
Source : « Plan d’action et de mise en œuvre des réformes institutionnelles et juridiques pour
la décentralisation dans le secteur forestier ». SG MECV, Mars 2006.
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ANNEXE N°2 : Extrait de l’arrêté n°2004_019/MECV portant détermination de la liste
des espèces forestières bénéficiant de mesures de protection particulières/ MECV du
Burkina Faso
Vu la Constitution,
(…)
Vu la loi n°006/97/ADP du 31 janvier 1997, portant code forestier au Burkina Faso
Article 1 : En application de l’article 46 de la loi n°006/97/ADP du 31 janvier 1997, portant
code forestier au Burkina Faso, les espèces forestières ci-après énumérée, bénéficient de
mesures de protection particulières.
N° d’ordre Nom scientifique Nom français
01 Faidherbia albida Cad
02 Acacia senegal Gommier blanc
03 Adansonia digitata Baobab
04 Adenium obesum Baobab des chacals
05 Afzelia africana Lingué
06 Anogeissus leiocarpus Bouleau d’Afrique
07 Bombax costatum Kapokier d’Afrique
08 Borassus aethiopum Rônier à fruits jaunes
09 Borassus flabellifer Rônier à fruits verts
10 Ceiba pentandra Fromager
11 Celtis integrifolia Micocoulier africain
12 Delbergia melanoxylon Ebénier du Senegal
13 Elaeis guineensis Palmier à huile
14 Guibourtia copallifera Copallier de Guinée
15 Khaya senagalensis Caîlcédrat
16 Parkia biglobosa Néré
17 Prosopis africana Prosopis
18 Pterocarpus erinaceus Vène, palissandre du Sénégal
19 Pterocarpus lucens Vène
20 Tamarindus indica Tamarinier
21 Vitex doniana Prunier noir
22 Vitellaria paradoxa Karité
23 Ximenia Americana Prunier de mer, citronnier de mer
• Les 11 espèces en gras bénéficient de mesures de protection particulière depuis la
prise de l’arrêté n°1762 S.F.CH. du 30 décembre 1948, portant application de
certaines dispositions du décret du 4 juillet 1935 sur le régime forestier en Afrique
Occidentale Française.
Article 2 : Les espèces ci-dessus énumérées sont protégées sur toute l’étendue du territoire
national. Elles ne peuvent être abattues, arrachées, mutilées ou incinérées qu’après
autorisation des services compétents chargés des forêts.
(…)
Article 4 : Par région écologique, sur proposition des autorités locales, une liste
complémentaire d’espèces bénéficiant de mesures de protection particulières peut être dressée
par les services compétents chargés des forêts et soumises pour avis aux commissions locales
d’aménagement du territoire. (…)
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ANNEXE N°3 : Carte du Bassin versant de la Singou
Source : AGASSOUSSI E., CHEVROLET D., DIOP N., MDTS/MAS Info4Dourou, 2007
ANNEXE N°4 : Répartition de la population dans les différents villages de la commune
Source : Préfecture de Madjoari, 2005
N Villages Population 2004 Pop. 2004 Pop. 2005 Pop. 2010
Hommes Femmes
1 Gnabtankoagou 342 351 693 728 928
2 Kodjoari 162 148 310 325 415
3 Madjoari 713 734 1 447 1 519 1 937
4 Matambima 478 468 946 993 1 266
5 Momba 120 123 243 255 325
6 Namouyouri 486 492 978 1 027 1 309
7 Tambarga 1 481 1 571 3 052 3 204 4 085
8 Tanli 331 388 719 755 962
TOTAL 4 113 4 275 8 388 8 806 11 228
Pourcentage 49,03% 50,97%
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ANNEXE N°5 : Protocole d’enquêtes auprès des cultivateurs
Les parcelles sont choisies au fil des rencontres avec les agriculteurs. Le hasard repose sur la
variabilité de présence.
Observations de départ:
- Topographie (pente)
- Sol: sableux, limoneux, argilleux en apparence
- Culture: espèce, stade
- Couvert ligneux (%)
- Présence de souches
- Érosion
- Aménagements
- Autre
Mesures:
Un placeau 50m sur 50m dans lequel on fera l'inventaire des arbres.
Pour choisir le placeau on s’oriente vers le Nord à partir de l’endroit où on a
rencontré l’agriculteur, de x pas (x est une variable déterminée par un
chronomètre). Puis on oriente la parcelle Nord-Est. Si la parcelle est plus petite
que le placeau, on prend le coin du quart Sud-Est, on s’oriente Nord-Est en
incluant le terrain autour.
Pour chaque individu, on prend le DBH, la hauteur estimée, des remarques
(prélèvement d'écorce par ex).
Relevé du point GPS
Échantillon de sol en surface
Entretien avec l'agriculteur:
- Taille de sa parcelle
- Nombre d'actifs travaillant dessus
- Spéculations
- Cultivée depuis
- Laissée au repos combien de temps
- Problèmes d'érosion hydrique ou éolienne Perte de fertilité (en faisant reférence
aux observations)
Si oui moyens de lutte
Choisir 3 arbres parmi ceux observés (les trois espèces les plus proches pour créer un effet de
hasard).
Parmi ces arbres:
a. Lequel garde le mieux l'humidité
b. Lequel a les racines les plus profondes
c. Lequel a les racines les plus fortes
d. Lequel résiste le mieux au vent
e. Lequel fait le plus d'ombre
f. Lequel a les feuilles qui donnent le meilleur engrais
g. Sous lequel le maïs/coton/mil poussent le mieux
h. Lequel attire le plus les oiseaux
i. Lequel attire le plus les insectes ou maladies
j. Lequel apporte le plus de bénéfices Lesquels, pourquoi
k. Pour chacune des trois espèces : sa présence a-t-elle diminué ou augmenté dans la zone
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ANNEXE N°6 : Entretiens directifs pour le recensement et le classement des essences
prioritaires
On interroge 103 personnes
Nom ;
Age ;
Sexe ;
Activité principale ;
Lieu de résidence :
Lieu de naissance :
Parmi les arbres que tu connais :
1. Donne-moi les trois qui te donnent les meilleurs fruits
2. Donne-moi les trois qui te donnent les meilleures feuilles pour la sauce
3. Donne-moi les 5 que tu utilises le plus souvent pour te soigner
4. Donne-moi les trois qui donnent le meilleur bois pour le feu.
5. Donne-moi les trois qui donnent le meilleur bois pour construire ta case.
6. Donne-moi les trois qui donnent le meilleur fourrage pour tes animaux.
7. Donne-moi les trois qui te rapportent le plus d’argent.
8. Donne-moi les trois que tu aimes le plus avoir dans ton champ.
9. Donne-moi les trois que tu aimes le plus voir au village.
10. Dis- moi trois nom d’arbres que tu as déjà plantés.
11. Dis-moi trois nom d’arbres que tu aimerais planter.
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ANNEXE n° 7 : Calendrier des activités
Source : Camille BORDES en association avec Malik Matthey
Karité
Individus
précoces
Cueillette, séchage
pointe
Vente des sacs de noix séchées; fabrication
Individus et vente du beurre et du savon
tardifs
Cueillette
Néré
Cueillette
Fabrication du
Soumbala
Vente du
Soumbala
Manguier
Cueillette
Cueillette, vente directe
Pas de procédé de conservation
Hommes
Travaux agricoles: défriche, labours, sarclage,
récoltes
Activités de contre saison
Élevage
Pâturage
Passage des
transhumants
Pâturage dans
la zone
protégée
Feux de
brousse
Pâturage dans
les zones
protégées,
jachères et
champs
Activités agricoles
Coton
Cultures vivrières
Semis
précoces
Défriche, labours
Semis
Labours, Semis
Semis
tardifs
Sarclage, semis
Sarclage
Sarclage
Sarclage et récolte des
variétés à cycle court
Première
récolte
Récoltes
Récoltes tardives, séchage,
ventilation
Mois
Mai
Juin
Juillet
Août
Septem
bre
Octobr
e
Novem
bre
Décem
bre
Deuxième
récolte
séchage, ventilation, vente
Période creuse
Répartition des activités
Enfants scolarisés
Femmes
Période scolaire
Vente, travaux
domestiques
Vacances, aide aux
travaux agricoles
Travaux agricole:
semis, sarclages,
récoltes; cueillette;
travaux
domestiques
Période scolaire
Conditionnement
des produits
agricoles, vente,
collecte du bois de
feu, travaux
domestiques
Collecte du bois de
feu, vente, travaux
domestiques
Saison Saison pluvieuse Saison sèche
Janvier
Février
Mars
Avril
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ANNEXE N°8 : Liste des espèces recensées dans l’herbier lors du travail de recherche
C.BORDES, 2010
Cette liste permet au lecteur d’avoir facilement accès au nom scientifique complet. On
n’a pas ajouté de synonymes, les noms présents correspondent à ceux que l’on peut trouver
dans l’ouvrage, Arbres, arbustes et lianes des zones sèches d’Afrique de l’Ouest, (M.
ARBONNIER, 2002). La correspondance avec les noms français n’est faite que pour certains
cas, la plupart sont issus de l’ouvrage Initiation à l’agroforesterie en zone sahélienne
(ALEXANDRE, 2002). Les noms en gourmantché ont été vus et corrigés par une enseignante
en alphabétisation. Ils sont destinés à ceux qui connaissent la région ou qui désirent s’y
rendre, afin de pouvoir établir des comparaisons. Le risque d’erreur est encore élevé.
On notera ces quelques points de vocabulaire :
Pienli : blanc Boanli : noir Kon : épine Moanli : rouge
Nom scientifique auteur
Famille
botanique
Nom vernaculaire/
français
Nom
vernaculaire/Gourmantché
Acacia dudgeoni Craib ex Hall. Mimosacées li konsinga
Acacia gourmaensis A. Chev. Mimosacées li kongoabili
Acacia macrostachya Reichenb. Ex DC. Mimosacées o calipangpangu
Acacia nilotica L. Willd. Ex. Del. Mimosacées kada
Acacia sieberiana DC. Mimosacées li konmoanli (ikonkonpieni)
Adansonia digitata L. Bombacacées baobab bu tuobu
Anacardium occidentale L. Anacardiacées anacardier cicina
Anona senegalensis Pers. Annonacées ambor polibigasakpeli
Anogeissus senegalensis (DC.) Guill. Et Perr. Combrétacées bouleau d'afrique bu siebu
Azadirachta indica A. Juss Méliacées nimier bu titonbu
Balanites aegyptica (L.) Del. Balanicacées balanites bu kpankpagibu
Bombax costatum L. Bombacacées kapokier rouge bu fuobu
Bridelia ferruginea Benth. Euphorbiacées o yanpebu
Burkea ferruginea Hook. F. Césalpiniacées bu kpanbu = bukpangibu
Cajanus cajan Harms Papilionacées pois d'angole o atiili
Calotropis procera (Ait.) Ait. F. Asclépiadacées pomme de sodome ku pulunpuungu
Carica papaya L. Caricacées papayer o magisaantibu
Cassia siamea Lam. Césalpiniacées bois de perdrix bu timiligibu
Cassia sieberiana DC. Césalpiniacées le cassier de sieber sanja
Citrus aurantifolia (Christm.) Swingle Rutacées citron vert lonbuli
Citrus sinensis (L.) Osbeck Rutacées oranger lonbusiadi
Combretum collinum Fresen. Combrétacées li fapebimoanli (li fapebili)
Combretum glutinosum Perr. Ex DC. Combrétacées li fapebipienli (li fapebili)
Combretum micranthum G. Don Combrétacées kinkéliba o tuntulu
Combretum molle R. Br ex G. Don Combrétacées o juanbiligu
Combretum nigricans Lepr. Ex Guill. Et Perr. Combrétacées o kaanjamoano, o koalimoano
Commiphora africana Engl. Burséracées myrrhe africaine kinatoncianga
Crataeva adansonii DC. Capparacées ikpentuoga
Crescentia cujete L. Bignoniacées calebassier i tidiyiemu
Crossopteryx febrifuga (Afzel. Ex G. Don) Benth. Rubiacées
li najakali
Daniellia oliveri Hutch. Et Dalz. Césalpiniacées li !oabili
Delonix regia (Boj.) Raf. Césalpiniacées flamboyant o bonpiendubu
Detarium microcarpum Guill. Et Perr. Césalpiniacées détarium bu naakpagibu
Dichrostachys cinerea (L.) Wight et Arn. Mimosacées li djaguoli
Diospyros mespiliformis Hochst. Ex A. Rich. Ebenacées néflier bu gaabu
Elais guineensis Jacq. Arécacées palmier à huile i kaarikpe
Entada africana Guill. Et Perr. Mimosacées o lokoagu
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Eucalyptus camadulensis Dehnh. Myrtacées eucalyptus bu tiipienbu
Feretia apodanthera Del. Rubiacées walabilanga
Ficus abutilifolia (Miq.)Miq. Moracées li kankanpoali
Ficus glumosa (Miq.) Miq Moracées bu panpanbu
Ficus sycomorus C. C. Berg Moracées sycomore bu kankanbu
Ficus thonningii Blume Moracées sidia
Flueggea virosa (Roxb. Ex Wild.) Voigt Euphorbiacées o cilimu
Gardenia erubescens Stapf et Hutch. Rubiacées o nasobitiibu (kujabugu)
Gardenia ternifolia Schumach. Et Thonn. Rubiacées ñinbebelinga (kujabugu)
Grewia bicolor Juss. Tiliacées li yuanmoanli li yuanboanli
Grewia lasciodiscus K. Schum. Tiliacées li yuanpienli
Guiera senegalensis J.F. Gmel. Combrétacées guiéra npunpunpoanma
Hannoa undulata (Guill. Et Perr.) Planch. Simaroubacées li nalinlinli, bu nalinlinbu
Hymenocardia acida Tul. hyménocardiacées kikpelimoanga
Hyphaene thebaica L. Mart Arécacées bu kpakpalibu
Khaya senegalensis (Desr.) A. Juss. Méliacées caïlcédrat bu kogibu
Lannea acida A. Rich. Anacardiacées li "mantiabijali
Lannea microcarpa Engl. Et K. Krause Anacardiacées raisinier bu "mantiabu
Lonchocarpus laxiflorus Guill. Et Perr. Papilionacées bu kpamoanga
Mangifera indica L. Anacardiacées manguier bu maabu
Maytenus senegalensis (Lam) Exell Célastracées li ja"mali
Mitragyna inermis (Willd.) Kuntze Rubiacées bu yelinbu
Moringa oleifera Lam. Moringacées moringa ganbaaga
Oxytenanthera abyssinica (A. Rich.) Munro Polygalacées bambou li "mali
Parkia biglobosa (Jacq.) R. ex G. Don. Mimosacées néré bu dubu
Parkinsonia aculeata L. Césalpiniacées genêt épineux
Paulinia pinnata L. Sapindacées li galimoanli
Pceudocedrela kotschyi (Schweif.) Harms Méliacées li sesegeli, li sasieli
Piliostigma reticulatum (DC.) Hochst. Césalpiniacées kinabaandiaga (bu nabaanbu)
Piliostigma thonningii (Schumach.) Milne-Redh. Césalpiniacées
o nabaaniegu (bu nabaanbu)
Prosopis africana (Guill. Et Perr.) Taub. Mimosacées ikpaduga
Psidium guajava L. Myrtacées goyavier
Pteleopsis suberosa Engl. & Diels Combrétacées o gbelu
Pterocarpus erinaceus Poir. Papilionacées le vène bu natonbu
Raphia sudanica A. Chev. Arécacées raphia bu kpakpalibu
Sarcocefalus latifolius (Smith) Bruce Rubiacées pêcher africain bu nañinbu
Sclerocarya birrea (A. Rich) Hochst. Anacardiacées prunier d'afrique bu naamagibu
Securidaca longepedunculata Fres. Rhamnacées o popolu
Sterculia setigera Del. Sterculiacées kapokier blanc bu fuopienbu, bu nafocaabu
Strychnos spinosa Lam. Loganiacées bu kpankpalenga
Tamarindus indica L. Césalpiniacées tamarinier bu pugibu
Tapinanthus dodoneifolius Dc. Danser Loranthacées gui a sanwaliba
Terminalia avicennioides Guill. Et Perr. Combrétacées li sidikoali
Terminalia laxiflora R. Br ex G. Don Combrétacées o sapiagu
Vernonia colorata (Willd.) Drake Astéracées mikpenkagima
Vitellaria pardoxa Gaertn. F. Sapotacées karité bu saanbu
Vitex doniana Sweet Verbénacées u "anbu
Ximenia americana L. Olacacées bu midinbu
Ziziphus mauritiana Lam. Rhamnacées jujubier bu yuanbu
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