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Noss vî Bertry – La Gran<strong>de</strong> Guerre<br />
En 1914, plus précisément le 22 août,<br />
eut lieu à <strong>Bertrix</strong>, dans la forêt <strong>de</strong> Luchy,<br />
une bataille entre Français et<br />
Allemands. 100 ans se sont passés.<br />
Pour cette occasion, Yves Gourdin, historien<br />
local, par amour <strong>de</strong> son village,<br />
vous présente un petit souvenir qui<br />
narre les années <strong>de</strong> guerre 1914-1918<br />
en vous livrant un chapitre dans les<br />
revues « Ma commune ». Ceux-ci seront<br />
numérotés par épiso<strong>de</strong>s.<br />
Merci à Yves Gourdin pour ce travail <strong>de</strong> mémoire afin que nul<br />
n’ignore, et que nul n’oublie.<br />
1914 – Fin d’une époque toute <strong>de</strong> quiétu<strong>de</strong> et <strong>de</strong> presqu’insouciance.<br />
<strong>Bertrix</strong> compte 3.400 habitants. On naît, on vit, on travaille, on<br />
meurt dans la paix, subissant seulement les épreuves inhérentes à<br />
la nature humaine <strong>de</strong>puis que le mon<strong>de</strong> est mon<strong>de</strong>. Les journaux<br />
sont pleins <strong>de</strong>s petites nouvelles du mon<strong>de</strong> entier et nous arrivent<br />
sans se presser; rarement <strong>de</strong> grands titres secouent l’attention en<br />
annonçant <strong>de</strong><br />
l’imprévu. Pas <strong>de</strong><br />
radio… et pour<br />
cause ! Les plaisirs<br />
<strong>de</strong> la ville<br />
sont inconnus ici;<br />
l’usage du vélo<br />
commence à se<br />
vulgariser; une<br />
auto est un luxe<br />
rarissime. La vie<br />
n’est pas chère; on trouve <strong>de</strong>s œufs pour quelques sous; un abonnement<br />
<strong>de</strong> chemin <strong>de</strong> fer pour parcourir la Belgique entière pendant<br />
15 jours coûte 23 fr. Le plus beau chapeau, Madame, vous revient<br />
à 30 ou 40 fr.; un complet d’homme, <strong>de</strong> 45 à 90 fr. On reçoit un gros<br />
sac <strong>de</strong> bonbons pour 3 sous et un litre <strong>de</strong> « goutte » pour environ<br />
2 fr. Peu <strong>de</strong> tracasseries administratives et point <strong>de</strong> contrôleurs.<br />
C’était vraiment trop beau pour durer toujours.<br />
Mai, juin, juillet. Quelque chose ne va plus dans l’engrenage international.<br />
Les gouvernements s’énervent. Une menace plane ;<br />
<strong>Bertrix</strong> s’en préoccupe peu : les Balkans sont loin. Mais voici que<br />
l’Europe se divise en <strong>de</strong>ux camps; une à une, les nations prennent<br />
parti. Neutre, la Belgique attend, confiante, la suite <strong>de</strong>s événements.<br />
Soudain, le drame <strong>de</strong> Sarajevo met le feu aux poudres et la guerre<br />
éclate un peu partout à la fois. Guillaume II, empereur d’Allemagne,<br />
viole la neutralité belge pour être plus vite à Paris et pénètre chez<br />
nous avec ses armées, le 4 août. Fort <strong>de</strong> son droit, le roi Albert<br />
appelle ses soldats: on mobilise!<br />
En ces temps là, tous les jeunes gens ne faisaient pas comme<br />
maintenant, leur « service ». Tout le mon<strong>de</strong> n’était pas soldat : on<br />
« tirait au sort ».<br />
Les jeunes gens se rendaient à Paliseul, chef-lieu <strong>de</strong> canton, pour<br />
tirer le numéro qui les obligeait à partir ou leur permettait <strong>de</strong> rester<br />
tranquillement chez eux.<br />
Autre temps, autres mœurs !<br />
Au moment <strong>de</strong> la mobilisation, qui commença aux <strong>de</strong>rniers jours <strong>de</strong><br />
juillet, tant <strong>de</strong> choses allaient mal, il n’y avait ici «aucune autorité<br />
militaire. Les gendarmes ont organisé la mobilisation d’accord avec<br />
l’autorité communale. Les soldats partirent bien décidés ; dès le 30<br />
juillet, la plupart avaient rejoint. Quant aux volontaires, ils furent peu<br />
nombreux pour la bonne raison qu’ aucune organisation tant pour<br />
renseigner que pour<br />
enrôler n’existait dans le<br />
pays. – Par ordre <strong>de</strong><br />
l’autorité civile, toutes<br />
les armes ont été portées<br />
à l’hôtel <strong>de</strong> ville.<br />
Les objets du culte <strong>de</strong><br />
même que les archives<br />
<strong>de</strong> la fabrique avaient<br />
été mis en sûreté.<br />
Au début <strong>de</strong> la guerre, et encore pendant plusieurs mois, on<br />
constata une assistance plus nombreuse aux offices, une fréquentation<br />
plus assidue <strong>de</strong>s Sacrements. Je crois que le 15 août, à la<br />
procession qui se fit après-midi, et qui fut une procession <strong>de</strong> pénitence,<br />
il n’y avait pas cinquante abstentions ; jamais on ne vit une<br />
procession aussi bien fournie, aussi recueillie et aussi officielle ! Le<br />
conseil communal au grand complet suivait le drapeau national.<br />
C’était au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> la première escarmouche entre éclaireurs<br />
français et allemands, au lieu dit « Menufays » à un kilomètre <strong>de</strong><br />
<strong>Bertrix</strong>. Trois soldats français et un allemand périrent dans cette<br />
escarmouche et furent enterrés le 14 août au cimetière <strong>de</strong> <strong>Bertrix</strong>.»<br />
(Chanoine Arnould)<br />
A <strong>Bertrix</strong>, les premiers jours après le départ <strong>de</strong>s soldats mobilisés<br />
sont mornes et inquiets. Une menace imprécise pèse sur la vie<br />
pacifique du village : on sait si peu ce que c’est que la guerre.<br />
Les vieilles personnes fouillent leurs souvenirs pour raconter <strong>de</strong>s<br />
faits <strong>de</strong> la guerre franco-alleman<strong>de</strong> en 1870. Mais en 1870, c’est<br />
déjà si loin et c’est un autre siècle! On attend.<br />
Le 6 août, vers 10 heures du matin, les soldats français arrivent, se<br />
dirigeant vers la frontière alleman<strong>de</strong>, et sont follement acclamés.<br />
Désormais, le sort <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux pays, France et Belgique, est étroitement<br />
uni dans un même désir <strong>de</strong> vaincre la rapacité alleman<strong>de</strong>.<br />
Qu’ils étaient donc beaux les soldats français ! Leurs uniformes<br />
d’alors étaient chatoyants, bleu et rouge. Et les casques à crinières,<br />
les lances et les clairons rutilants au soleil ! Et leurs beaux chevaux<br />
piaffant sur nos routes ! Pourtant, c’était pour se battre qu’ils arrivaient,<br />
et combien <strong>de</strong> ceux qui sont passés par ici, en ces jours-là,<br />
n’ont pas vu le jour <strong>de</strong> la Victoire !<br />
C’est le samedi 22 août que <strong>Bertrix</strong> fait la connaissance du ru<strong>de</strong><br />
visage <strong>de</strong> la Guerre. Les Allemands avancent peu à peu. Les armées<br />
françaises qui vont assurer la défense <strong>de</strong> notre région se concentrent<br />
vers Carignan. Il y a <strong>de</strong>s groupes détachés du 10 e Dragons, le<br />
9 e régiment <strong>de</strong> Chasseurs à cheval, les 7 e , 9 e , 11 e , 14 e , 20 e , 83 e<br />
et 88 e régiments d’Infanterie ; en tout environ 22.000 hommes sans<br />
compter les 18 ème et 57 ème régiments d’Artillerie. Le 15 août, les<br />
éclaireurs français gagnent Florenville où ils arrivent à la sortie <strong>de</strong> la<br />
grand’messe. Ovations. Fleurs. Peu après, une sérieuse escarmouche<br />
les met aux prises avec <strong>de</strong>s éclaireurs allemands. Le 20, la<br />
cavalerie française et un régiment d’infanterie sont à Herbeumont et<br />
envoient le 21, une patrouille vers St Médard. Cette patrouille repère<br />
la cavalerie et l’infanterie alleman<strong>de</strong>s dans les bois au sud <strong>de</strong> St<br />
Médard et à Menugoutte.<br />
A suivre<br />
Yves Gourdin<br />
Septembre - Octobre 2012 • n° <strong>120</strong> — page n° 25