Rendez-vous d'Archimède _cycle les émotions - Espace culture de l ...
Rendez-vous d'Archimède _cycle les émotions - Espace culture de l ...
Rendez-vous d'Archimède _cycle les émotions - Espace culture de l ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
© Julien Lapasset<br />
dossier / LNA#35<br />
Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s murs...<br />
L’Université composante <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité du territoire<br />
Par Jean CAUNE<br />
Professeur d’Université à Grenoble 3, Stendhal<br />
Vice-prési<strong>de</strong>nt au développement universitaire et nouvel<strong>les</strong> technologies<br />
<strong>de</strong> la communauté d’agglomération grenobloise<br />
La politique <strong>de</strong> construction <strong>de</strong>s campus « à l’américaine » en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la ville, dans <strong>les</strong> années<br />
60, a certainement contribué à masquer la présence <strong>de</strong>s étudiants dans la vie urbaine. Ceux-ci<br />
apparaissent alors, aux yeux <strong>de</strong> beaucoup d’élus <strong>de</strong>s collectivités loca<strong>les</strong>, comme une population<br />
dont le travail, <strong>les</strong> loisirs, <strong>les</strong> habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie relèvent <strong>de</strong> l’extra-territorialité.<br />
Le campus n’est alors qu’un lieu, c’est-à-dire, selon la définition <strong>de</strong> Michel <strong>de</strong> Certeau, un « ordre (quel<br />
qu’il soit) selon lequel <strong>de</strong>s éléments sont distribués dans <strong>les</strong> rapports <strong>de</strong> coexistence. » 1 Il ne peut <strong>de</strong>venir<br />
espace qu’à la condition d’être l’objet <strong>de</strong> mouvements, <strong>de</strong> forces, d’opérations humaines. « L’espace est,<br />
selon <strong>de</strong> Certeau, un lieu pratiqué », entendons un lieu <strong>de</strong> pratiques socia<strong>les</strong>. Cette opposition théorisée<br />
par <strong>de</strong> Certeau reprend la distinction que Merleau-Ponty établissait entre l’espace géométrique (spatialité<br />
homogène et isotrope) et l’espace anthropologique (structuré par <strong>de</strong>s relations interpersonnel<strong>les</strong>).<br />
Les facultés, <strong>les</strong> bibliothèques, <strong>les</strong> lieux <strong>de</strong> recherche, dans <strong>de</strong>s campus à l’américaine, sont restés<br />
pendant longtemps <strong>de</strong>s éléments du lieu. Implanté à partir d’un programme, <strong>les</strong> uns à côté <strong>de</strong>s autres,<br />
chacun <strong>de</strong>s établissements est resté dans un endroit propre et distinct qui définit <strong>les</strong> activités précises qui<br />
y sont conduites. Les campus sont longtemps restés <strong>de</strong>s zones dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> règne la loi du « propre »,<br />
mais d’un « propre » fragmenté qui coexiste avec d’autres propres.<br />
Les années 90 voient se développer <strong>de</strong>s actions inter-universitaires qui investissent <strong>les</strong> lieux communs.<br />
Le campus <strong>de</strong>vient progressivement un domaine où peuvent se développer <strong>de</strong>s stratégies <strong>de</strong> vouloir et<br />
<strong>de</strong> pouvoir. La stratégie supposant « un lieu susceptible d’être circonscrit comme un propre et donc <strong>de</strong><br />
servir <strong>de</strong> base à une gestion <strong>de</strong> ses relations avec une extériorité distincte » 2 . Le propre, comme dit <strong>de</strong><br />
Certeau, est « une victoire du lieu sur le temps ». Le campus <strong>de</strong>vient espace quand <strong>de</strong>s types d’opérations<br />
sont capab<strong>les</strong> <strong>de</strong> produire, <strong>de</strong> nommer, <strong>de</strong> quadriller, <strong>de</strong> marquer… Pourtant, si <strong>les</strong> liaisons entre<br />
l’université, la vie économique <strong>de</strong> la Cité et le développement local semblent aller <strong>de</strong> soi, il n’en va pas <strong>de</strong><br />
même <strong>de</strong>s liens entre <strong>les</strong> pratiques <strong>culture</strong>l<strong>les</strong> <strong>de</strong>s étudiants et <strong>les</strong> institutions <strong>de</strong> la Cité.<br />
Le territoire est un construit, produit par la convergence <strong>de</strong> trois intentionnalités : la vision d’une<br />
i<strong>de</strong>ntité ; un projet politique, relatif aux conditions du Vivre ensemble ; une volonté <strong>de</strong> développer<br />
<strong>de</strong>s pratiques <strong>culture</strong>l<strong>les</strong>, c’est-à-dire <strong>de</strong>s relations intersubjectives (<strong>de</strong>s énonciations) portées par <strong>de</strong>s<br />
supports qui <strong>les</strong> ren<strong>de</strong>nt visib<strong>les</strong> dans l’<strong>Espace</strong> public.<br />
Pour construire le territoire <strong>de</strong> l’agglomération comme visée et projet, il est nécessaire d’intégrer la<br />
dimension universitaire, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la dimension matérielle (accueil, logement, vie étudiante…).<br />
Il ne s’agit pas seulement <strong>de</strong> considérer la population étudiante comme un réservoir potentiel <strong>de</strong><br />
consommateurs, <strong>de</strong> clients ou d’électeurs ; il s’agit aussi <strong>de</strong> favoriser ses apports et <strong>de</strong> <strong>les</strong> rendre visib<strong>les</strong>,<br />
dans le développement et l’innovation dans la Cité. La construction <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité du territoire ne se fera<br />
pas sans une forte dimension imaginaire et symbolique qui peut être illustrée par <strong>les</strong> pratiques <strong>culture</strong>l<strong>les</strong><br />
<strong>de</strong>s étudiants.<br />
L’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> ce territoire ne sera réelle, ne sera visible, n’aura <strong>de</strong> sens que si <strong>les</strong> pratiques <strong>culture</strong>l<strong>les</strong> <strong>de</strong>s<br />
étudiants apparaissent comme <strong>de</strong>s productions <strong>de</strong> l’esprit diffusées dans l’espace public et non pas <strong>de</strong>s<br />
expressions données à voir et à entendre à l’intérieur <strong>de</strong> l’espace étudiant.<br />
« Les privés <strong>de</strong> Culture<br />
sont inconscients <strong>de</strong> leur<br />
privation et exigent la<br />
privation pour tous »<br />
(Bourdieu), alors Vive<br />
l’<strong>Espace</strong> Culture…<br />
Parce que la Culture<br />
doit être un espace pour<br />
inventer <strong>de</strong>main, parce<br />
que c’est la voie royale<br />
<strong>de</strong> l’émancipation <strong>de</strong>s<br />
hommes, la ligne <strong>de</strong> défense<br />
<strong>de</strong> la connaissance pour<br />
nous permettre <strong>de</strong> refuser<br />
<strong>de</strong> naître avec <strong>de</strong>s cheveux<br />
gris, ne pas croire à la<br />
vieil<strong>les</strong>se <strong>de</strong> l’humanité<br />
mais au contraire imaginer<br />
encore et toujours qu’elle est<br />
dans la fleur <strong>de</strong> l’âge, parce<br />
qu’un pays reste vivant<br />
lorsque sa <strong>culture</strong> reste<br />
vivante.<br />
Par Hervé ROYER<br />
Directeur du Service Culturel<br />
<strong>de</strong> l’ULCO (Université du<br />
Littoral Côte d’Opale)<br />
1<br />
Michel <strong>de</strong> Certeau, L’invention du<br />
quotidien. Arts <strong>de</strong> faire, T1,<br />
p. 208, UGE, 1975<br />
2<br />
Id., p. 85<br />
Extrait <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> la journée du<br />
14 mai 2003 à la Sorbonne « La<br />
mission <strong>culture</strong>lle <strong>de</strong> l’Université au<br />
XXIe siècle », écités par Art + Université<br />
+ Culture ( Janvier 2004)<br />
17