Rendez-vous d'Archimède _cycle les émotions - Espace culture de l ...
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LNA#35 / dossier<br />
> version intégrale <strong>de</strong> l’article : www.univ-lille1.fr/<strong>culture</strong><br />
Une hétérotopie<br />
dans la cité<br />
Par Alain CAMBIER<br />
Professeur <strong>de</strong> Philosophie en Khâgne (Douai)<br />
Au cœur du campus, l’<strong>Espace</strong> Culture<br />
apparaît comme un espace <strong>de</strong> dialogue où<br />
sal<strong>les</strong> <strong>de</strong> conférences, d’expositions, <strong>de</strong> représentations<br />
théâtra<strong>les</strong>, musica<strong>les</strong> ou <strong>de</strong> danse<br />
constituent autant d’ouvertures au mon<strong>de</strong>.<br />
Car s’il est vrai que penser, réfléchir, s’adonner<br />
à la recherche impliquent une mise en retrait<br />
<strong>de</strong> l’être humain, celui-ci ne peut pourtant<br />
faire abstraction <strong>de</strong> son être-au-mon<strong>de</strong>, sans<br />
risquer <strong>de</strong> se déshumaniser. L’<strong>Espace</strong> Culture<br />
est là pour nous le rappeler. En ce sens, il n’est<br />
pas simplement une Agora au cœur <strong>de</strong> la cité<br />
universitaire où chacun peut venir débattre au<br />
milieu <strong>de</strong>s autres, mais il se définit comme une<br />
hétérotopie. Michel Foucault désignait par ce<br />
concept « <strong>de</strong>s lieux réels, <strong>de</strong>s lieux effectifs, <strong>de</strong>s<br />
lieux qui sont <strong>de</strong>ssinés dans l’institution même<br />
<strong>de</strong> la société, et qui sont <strong>de</strong>s sortes <strong>de</strong> contreemplacements,<br />
sortes d’utopies effectivement<br />
réalisées dans <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> <strong>les</strong> emplacements réels,<br />
tous <strong>les</strong> autres emplacements réels que l’on peut<br />
trouver à l’intérieur <strong>de</strong> la <strong>culture</strong> sont à la fois<br />
représentés, contestés et inversés, <strong>de</strong>s sortes <strong>de</strong><br />
lieux qui sont hors <strong>de</strong> tous <strong>les</strong> lieux, bien que<br />
pourtant ils soient effectivement localisab<strong>les</strong> » 1 .<br />
L’<strong>Espace</strong> Culture apparaît bien comme un lieu<br />
réel, mais toujours autre que lui-même, dans la<br />
mesure où il inscrit son espace dans l’ordre du<br />
symbolique. Sa fonction consiste à représenter<br />
d’autres horizons qui font ainsi irruption dans<br />
la cité universitaire. En tant qu’hétérotopie,<br />
l’<strong>Espace</strong> Culture constitue un emplacement critique,<br />
puisque le <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la cité se retrouve en<br />
son <strong>de</strong>dans : le « là-bas » est alors ici. Il renvoie<br />
à d’autres lieux que lui-même et ouvre <strong>les</strong> possib<strong>les</strong><br />
au cœur même <strong>de</strong> notre réalité prosaïque.<br />
Son organisation modulable accentue encore ce<br />
caractère : son café <strong>culture</strong>l se métamorphose<br />
en salle <strong>de</strong> projection ou <strong>de</strong> manifestation artistique,<br />
sa salle d’exposition change sans cesse<br />
au gré <strong>de</strong> ce qu’elle montre, son amphithéâtre,<br />
propice aux débats, peut se muer en salle <strong>de</strong><br />
spectac<strong>les</strong> venus parfois d’un extrême ailleurs.<br />
En un mot, l’hétérotopie <strong>de</strong> l’<strong>Espace</strong> Culture<br />
opère une dilatation <strong>de</strong> l’espace et du temps.<br />
Au sens propre, l’espace qu’il déploie débor<strong>de</strong><br />
largement son lieu assigné.<br />
Au-<strong>de</strong>là du savoir qui y est transmis, ce lieu<br />
critique ouvre celle-ci à la question du sens <strong>de</strong><br />
l’existence. Car une cité, quelle qu’elle soit, ne<br />
peut se contenter d’être un ensemble <strong>de</strong> constructions<br />
: encore faut-il qu’elle soit habitable.<br />
Habiter ne signifie pas simplement disposer<br />
d’un domicile, mais veut dire organiser son<br />
mon<strong>de</strong> autour d’un centre, faire rayonner<br />
un espace qualifié <strong>de</strong> significations qui rend<br />
notre environnement familier. Trop souvent,<br />
comme le relevait Hei<strong>de</strong>gger, le besoin <strong>de</strong><br />
construire <strong>de</strong>s bâtiments l’emporte sur le souci<br />
<strong>de</strong> l’habitat. Ainsi, une cité universitaire peut<br />
paradoxalement nous condamner à la grégaire<br />
solitu<strong>de</strong>. Depuis déjà longtemps, l’USTL a<br />
voulu pallier ce danger en donnant droit <strong>de</strong> cité<br />
aux expériences <strong>culture</strong>l<strong>les</strong>. Toute expérience<br />
est une traversée : la <strong>culture</strong> plus qu’une autre<br />
puisqu’elle nous fait sortir du cercle étroit <strong>de</strong><br />
nos certitu<strong>de</strong>s étriquées. Enfin achevé, l’<strong>Espace</strong><br />
Culture pourra d’autant mieux poursuivre son<br />
ambition : réconcilier le bâtir et l’habiter, pour<br />
faire retrouver à chacun son être-au-mon<strong>de</strong>.<br />
1<br />
Michel Foucault, Des espaces autres in Dits et écrits, tome IV,<br />
éd. Gallimard, 1994, p. 756.<br />
À la croisée artscience<br />
Par Olivier BENOIT<br />
Musicien<br />
Expérimentation,<br />
recherche, laboratoire sont<br />
<strong>de</strong>s mots que l’on entend<br />
souvent à l’université.<br />
Mais c’est aussi un<br />
vocabulaire courant dans<br />
l’art. Pourtant, lorsque<br />
l’on parle <strong>de</strong> recherche<br />
artistique, <strong>de</strong> création, le<br />
public peut se méfier ou<br />
ne pas comprendre, voire<br />
fuir alors que, comme<br />
pour la science, celle-ci est<br />
indispensable. La création<br />
est même la raison d’être<br />
<strong>de</strong> l’art.<br />
Diverses expériences<br />
récentes (je pense<br />
notamment à la<br />
chorégraphe Christine <strong>de</strong><br />
Smedt dans « 9x9 », au<br />
film <strong>de</strong> Bruno Dumont :<br />
« L’humanité », ou à mon<br />
expérience personnelle)<br />
qui intègrent <strong>de</strong>s artistes<br />
dits « amateurs » au sein <strong>de</strong><br />
groupes « professionnels »<br />
me font penser, étant<br />
donné le résultat, parfois<br />
si fort et original, que la<br />
barrière à laquelle on est<br />
habitués peut totalement<br />
perdre son sens.<br />
Ce nouveau lieu est un<br />
terrain <strong>de</strong> rencontre entre<br />
artistes dits « confirmés »<br />
et gens curieux, désireux.<br />
C’est un outil quasiinespéré,<br />
vu la tentative<br />
grandissante <strong>de</strong> récupérer<br />
la <strong>culture</strong>, <strong>de</strong> la détourner,<br />
<strong>de</strong> contrôler l’outil <strong>de</strong><br />
production <strong>de</strong> bout en<br />
bout, <strong>de</strong> la rentabiliser, bref<br />
<strong>de</strong> la vi<strong>de</strong>r <strong>de</strong> sa moelle.<br />
À nous <strong>de</strong> faire vivre<br />
cet <strong>Espace</strong> Culture,<br />
<strong>de</strong> confirmer que l’art<br />
« vivant » (opérant) est<br />
vital et pas seulement<br />
pour <strong>les</strong> « chercheurs » (<strong>les</strong><br />
créateurs).<br />
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