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UNIVERSITE DE PICARDIE JULES VERNEFACULTE DE MEDECINE D’AMIENSAnnée 2012 N° 2012 - 31.LE ROLE DU MEDECIN GENERALISTE DANS LA PRISE ENCHARGE DE L’ANOREXIE MENTALEEtude qualitative menée auprès de 12 médecins généralistesexerçant en Picardie_______________________<strong>THESE</strong>POUR LE DOCTORAT EN MEDECINE(DIPLOME D’ETAT)PRESENTEE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENTLE 6 AVRIL 2012PARGéraldine <strong>LAYANI</strong>_______________________Président du jury : Monsieur le Professeur Jean-Daniel LALAUJuges : Monsieur le Professeur Christian MILLEMonsieur le Professeur Bernard BOUDAILLIEZMonsieur le Professeur Patrick TOUSSAINTMadame le Docteur Isabelle BLONDIAUXDirecteurs de thèse : Madame le Docteur Agnès BEGUEMadame le Docteur Amélie SELLIER-PETITPREZ


A mon président de jury,Monsieur le Professeur Jean-Daniel LALAUProfesseur des Universités-Praticien hospitalier(Nutrition)Chef du Service Endocrinologie, maladies métaboliques et nutritionPôle "Médico-chirurgical digestif, rénal, infectieux, médecine interne et endocrinologie(D.R.I.M.E)Nous nous sommes rencontrés au cours du cinquième semestre de mon internat, lors d’unstage effectué dans votre service. Durant ces six mois, vous m’avez fait partager votreexpérience clinique et vos connaissances, et je vous en remercie. J’ai apprécié vos conseils aucours de nos échanges qui m’ont beaucoup apportés. Votre dimension humaine m’a beaucouptouchée. Mon passage dans votre service m’a fait grandir tant professionnellement quehumainement. Je garderai un très bon souvenir de ces six mois passés à vos côtés.Vous me faites l’honneur aujourd’hui de présider le jury de cette thèse,Recevez mes sincères remerciements et le témoignage de ma profonde considération.1


A mes juges,Monsieur le Professeur Christian MILLEProfesseur des Universités-Praticien hospitalier(Pédo-psychiatrie)Chef du service de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescentPôle "Femme - Couple - Enfant"Vous me faites l’honneur d’accepter de faire partie de ce jury,Soyez assuré, Monsieur, de ma profonde reconnaissance et de mon profond respect.2


Monsieur le Professeur Bernard BOUDAILLIEZProfesseur des Universités-Praticien hospitalier(Pédiatrie)Responsable du centre d'activité "Pédiatrie médicale et médecine de l'adolescent"Pôle "Femme - Couple - Enfant"Chevalier dans l'Ordre des Palmes académiquesJ’ai apprécié notre dernier échange à l’occasion de la signature concernant votreparticipation à mon jury de thèse. Je vous remercie pour l’attention portée à mon travailainsi que vos conseils prodigués.Vous me faîtes l’honneur de participer à ce jury,Soyez assurés, Monsieur, de ma profonde reconnaissance.3


Monsieur le Professeur Patrick TOUSSAINTProfesseur des Universités-Praticien Hospitalier(Neurochirurgie)Vous me faîtes l’honneur de juger ce travail,Soyez assuré, Monsieur, de ma profonde reconnaissance et de mon profond respect.4


Madame le Docteur Isabelle BLONDIAUXPsychiatre, PsychanalysteNos échanges lors des réunions du vendredis matin m’ont aidée à progresser dans maréflexion quant aux pathologies psychiatriques que j’appréhendais. Je vous remercie pourm’avoir fait partager vos connaissances et votre expérience. J’ai apprécié l’enthousiasme quevous avez manifesté à l’égard de mon travail et toute l’attention que vous continuez de luiporter.Vous me faîtes l’honneur de faire partie de ce jury,Soyez assurés, Madame, de ma profonde gratitude.5


Madame le Docteur Agnès BEGUEMédecin généralisteTu as marqué mon stage « praticiens », que j’ai effectué il y a bientôt deux ans. Notrerencontre restera un très beau moment de mon internat. Je te remercie pour m’avoir ouvert àton univers. Tu m’as marqué par ta disponibilité, ton écoute et ta gentillesse. Je te remerciepour m’avoir fait partager ton plaisir d’exercer la médecine générale et m’avoir transmis lesconnaissances dont tu disposais. Je te remercie également de m’avoir soutenue tout au longde ce travail et d’avoir porté de l’intérêt pour un sujet qui me tenait à cœur.J’espère que le temps ne sous séparera pas et que nous continuerons d’échanger nosexpériences.6


Madame le Docteur Amélie SELLIER-PETITPREZMédecin généralisteChef de clinique du département de médecine généraleMerci pour ton soutien, ton écoute et ta disponibilité. Je te remercie pour m’avoir guidée toutau long de ce travail et avoir pris le temps de m’apprendre une méthodologie que je neconnaissais pas. Je t’ai rencontrée au cours de mon internat, lors des cours que tu dispensaisà la faculté de médecine. Tu m’as marquée par ton enthousiasme et ton engagement à l’égardde notre discipline.J’espère poursuivre mon chemin en gardant toujours en mémoire toutes les valeurs et lesconnaissances que tu m’as transmises au cours de ces trois années passées à tes côtés.7


A Alex, ma plus grande passion…l’homme sans qui ma vie n’aurait pas le même sens.Tu es ce que j’ai de plus chère.Chaque jour de plus vécu à tes côtés est un jour de bonheur supplémentaire dans ma vie.Tu es mon âme sœur, mon confident, mon plus tendre amant et mon plus grand soutien.Tu es toujours là pour moi : quand je pleure, tu me réconfortes, quand je ris, tu partages mesrires, quand je doute, tu me redonnes confiance en moi, quand je m’énerve, tu m’apaises (oudu moins tu essaies…)…et quand je m’endors tu veilles sur moi pour que mes nuits soientdouces.Tu es ma plus belle rencontre. Je suis fière de toi et de tout ce que nous avons partagé etréalisé ensemble. Voici bientôt 9 ans que je suis à tes côtés….et nous avons encore toute lavie pour continuer de vivre ces instants magiques que nous partageons chaque jour de notrequotidien…8


A mon oncle François.Tu es parti trop tôt…Il n’y a pas un seul jour de ma vie où je ne pense pas à toi. Tu continues de vivre en moi. Jesais que tu es là tout près de moi et que tu veilles sur moi…je t’aime tant.A mes parents, sans qui je ne serai pas ce que je suis aujourd’hui.Vous m’avez apporté l’une des plus belles valeurs de la vie, la TOLERANCE. Je vousremercie pour votre soutien et avoir toujours été présent dans chacune des étapesimportantes de ma vie. Je vous aime si fort.Maman, je te remercie pour ta tendresse, ton écoute, ta sagesse et tes conseils si précieux. Tuas toujours trouvé les mots justes, aux maux de la vie. J’ai une profonde confiance en toi. Tupourras toujours compter sur moi…Papa, « ma mère juive ». J’aime les valeurs que tu m’as transmises, ton regard sur le monde,ton éternel optimisme... Tu as toujours veillé sur moi. Tu m’as donné les armes nécessairespour pouvoir affronter la vie, je t’en remercie. Je serai toujours là pour toi…A Romain, mon petit frère chéri.Mon chouchou, je suis fière du petit être que tu es devenu. Tu m’impressionnes par tes talentsde skateur, surfeur et snowboarder…J’ai confiance en toi…Je te souhaite un très bel avenir etune douce vie.A Françoise et Patrick.Merci pour avoir été présents, dans chacune des étapes de ma vie, au cours de ces 9dernières années. Vous vous êtes toujours montrés disponibles et de bons conseils à monégard. A l’avenir, vous pourrez toujours compter sur moi.9


A Flo.Le meilleur des scorpions….normal nous sommes nés le même jour. Je ne t’ai jamais ditcombien j’étais fière de toi et de ton parcours. Tu m’impressionnes par ton ingéniosité.J’espère être à tes côtés pour chacune des étapes de ta vie.A ma famille.A mon papy Jo.Tu serais si fier de moi.A mamie Esther et papy Brahim.Merci pour savoir réunir la famille et les bons moments passés à vos côtés.A mon oncle Eric et ma tante Valérie.Je tiens si fort à vous. Tonton, j’aime tes conseils et ton humour. Tata, j’aime ta douceur et tagentillesse.A ma tante Marie-Jeanne.Merci pour ton affection et toute la tendresse que tu portes à mon égard.A mon oncle Michel, ma tante Colette, et mon oncle Nicolas.J’espère que la vie nous réunira.A ma tante Catherine, mon oncle Stéphan, mon oncle Philippe et Carole.J’espère continuer à partager votre joie de vivre.A mes cousines et mes cousins.Un tendre pensée pour vous tous.Enfin, à Jacky, Yvette et ses filles.J’ai le regret de vous voir si peu, mais vous êtes dans mon cœur.A Dominique, ma marraine de cœur.J’ai une affection toute particulière à ton égard. Tu as toujours été présente pour moi. Tu faispartie de MA famille. Nous t’aimons fort, papa, maman, Romain et moi.10


A Martine.Tu fais partie de ces jolies rencontres qu’on souhaite tous avoir dans sa vie. Merci, à mamande nous avoir rapprochée. J’espère t’avoir longtemps à mes côtés.A Ginette.L’amitié n’a pas d’âge. Je vous porte une amitié profonde et sincère. Je suis fière de vousavoir près de moi en ce jour si important de ma vie. Merci pour toute votre affection.A la famille d’Alex.Je vous remercie pour m’avoir accueillie dans votre famille. Votre gentillesse et générositém’ont beaucoup touchée.A mon amie, Julie.Ma tendre et fidèle amie. Je serai toujours là pour toi, comme tu as toujours su l’être pourmoi. J’espère que le temps ne nous séparera jamais. Je n’oublierai jamais toutes ces bellesannées de fac passées à tes côtés.A mon amie d’enfance, Anaïs.Le temps a réussi à nous séparer mais nous nous sommes retrouvées. Je ne veux plus tequitter. Tu es si chère dans mon cœur.A mes amis Anne et Rodolphe, et leurs enfants.Anne, je t’aime tant. Tu as marqué ma vie à un moment où j’avais besoin demes amis… et tu étais là. Je te remercie pour ton aide et ton soutien siprécieux. Je tiens fort à vous trois…bientôt quatre.11


A mon amie Ethy.Tu es dans mon cœur. Je souhaite t’avoir toute ma vie à mes côtés. Tu escomme une sœur. Merci pour tout ce que tu as fait pour nous ces dernièresannées.A Juju, Jeannette, Mylène, et Véro mes amies de lycée.Notre amitié est si chère à mes yeux. J’aime tous les moments que nous avonspartagés ensemble et j’espère que nous continuerons longtemps à bruncher,rigoler, boire les « ti punch » de mimi, … Merci les filles.A Marie.MA rencontre amiénoise. Tu m’as ouvert ton cœur et je t’ai offert le mien. Tonamitié m’est précieuse. Tu resteras le meilleur souvenir de cet internat. Jepense fort à toi. Reviens-moi vite…A Jo, Laurie, Math, Sam, Sylvain, Julie, Marion, Vincent, Damien, Clara,Alex, Imane et Guillaume.Mon seul regret est de ne pas vous voir plus souvent. Je vous adore mes amis.A Céline, Phil, Chris, Camille, Juju, et Guillaume.J’aime nos soirées parisiennes…J’espère que l’on continuera longtemps departager cette joie de vivre ensemble.12


A mes amis amiénois.Juju, ma deuxième rencontre amiénoise… J’aime ta gentillesse et ta sincérité.Nath.C, tu as toujours été là pour moi.Nath.V, merci pour ton écoute et ta disponibilité.A mes co-internes.Delph et Benj, merci pour ces bons moments partagés à vos côtés.Claire, toujours de bonne humeur,…avec un énorme cœur…je t’adore.Vincent, Clem et Jérôme, merci les gars pour votre gentillesse et générosité.Axelle, une bien jolie rencontre en cette fin d’internat.Christine, Arnaud, Bobo et Thom, merci de votre soutien.Aux médecins hospitaliers que j’ai rencontrés au cours de mon internat et quim’ont tant appris.Une pensée toute particulière à Patrick. Tu m’as motivé et amené à denouvelles expériences. Tu m’as ouvert la voie à de nouveaux projets qui, sanstoi m’auraient semblés impossibles. Je te remercie d’avoir cru en moi, pour tapatience et ton si grand soutien. J’espère puiser chaque jour de ma vieprofessionnelle cet optimisme et cet enthousiasme dont tu es doté.A Françoise, merci pour ton amitié …Aux équipes des services qui m’ont accueillie durant mon internat.A tous les médecins qui ont participé à mes entretiens, sans qui ce travailn’aurait jamais existé.Et…. merci à tous les gens que j’ai oubliés.13


SOMMAIREABBREVIATIONS ............................................................................................................................. 19INTRODUCTION ............................................................................................................................... 21MATERIELS ET METHODES ......................................................................................................... 251. Population étudiée ..................................................................................................................... 252. Le guide d’entretien ................................................................................................................... 263. Entretien Test ............................................................................................................................ 274. Le déroulement des entretiens ................................................................................................... 275. Transcription des entretiens ....................................................................................................... 286. Analyse des entretiens ............................................................................................................... 28RESULTATS ....................................................................................................................................... 291. Présentation de l’échantillon ..................................................................................................... 292. Déroulement des entretiens ....................................................................................................... 303. Analyse des entretiens ............................................................................................................... 303.1. La place du médecin généraliste ........................................................................................ 303.1.1. Le positionnement du médecin généraliste vis-à-vis du patient ................................ 303.1.2. La prise en charge diagnostique ................................................................................ 333.1.2.1. Contexte de découverte ......................................................................................... 333.1.2.2. Eléments diagnostics ............................................................................................. 333.1.2.2.1. Diagnostic positif ........................................................................................... 333.1.2.2.1.1. Caractéristiques des patientes .................................................................. 333.1.2.2.1.2. Critères diagnostics objectifs................................................................... 363.1.2.2.2. Diagnostic étiologique .................................................................................... 363.1.2.3. Les recommandations de bonnes pratiques de l’HAS ........................................... 373.1.2.3.1. Prise de connaissance ..................................................................................... 373.1.2.3.2. Prise en compte dans la pratique .................................................................... 373.1.3. Le suivi ambulatoire .................................................................................................. 383.1.3.1. Caractéristiques du suivi ....................................................................................... 383.1.3.2. Organisation des soins ........................................................................................... 383.1.3.2.1. Les consultations au cabinet du médecin généraliste ..................................... 3815


3.1.3.2.2. Le traitement pharmacologique ...................................................................... 393.1.3.2.3. Coordination des soins ................................................................................... 393.1.3.2.4. La surveillance ............................................................................................... 403.1.4. Hospitalisation ........................................................................................................... 403.1.4.1. Contexte ................................................................................................................ 403.1.4.2. Critères d’hospitalisation ....................................................................................... 413.1.4.3. Choix du lieu ......................................................................................................... 423.1.4.3.1. Amiens : centre de référence en Picardie ....................................................... 423.1.4.3.2. Les autres lieux ............................................................................................... 433.1.4.3.2.1. Hôpitaux de proximité ............................................................................. 433.1.4.3.2.2. Lieux spécialisés ..................................................................................... 443.2. Les niveaux de difficultés du médecin généraliste ............................................................ 443.2.1. Dans leur implication affective ................................................................................. 443.2.1.1. Les limites de compétence du médecin généraliste ............................................... 443.2.1.2. Les difficultés de gestion émotionnelle ................................................................. 463.2.2. Dans sa relation au patient et sa famille .................................................................... 473.2.2.1. Relation avec le patient ......................................................................................... 473.2.2.2. Relation avec la famille ......................................................................................... 483.2.3. Dans l’organisation des soins et la prise en charge thérapeutique............................. 493.2.3.1. Ambulatoire ........................................................................................................... 493.2.3.1.1. Dans leur pratique quotidienne ....................................................................... 493.2.3.1.2. Dans l’organisation des soins avec les spécialistes ........................................ 513.2.3.2. Hospitalisations ..................................................................................................... 533.2.3.3. Les échecs de prise en charge................................................................................ 553.3. Les propositions et perspectives des médecins généralistes .............................................. 583.3.1. Amélioration de leur pratique au cabinet .................................................................. 593.3.2. Amélioration de l’organisation des soins .................................................................. 593.3.3. Développement de formations ................................................................................... 613.3.4. Développement des réseaux de soins et structures d’accueil dédiées ....................... 633.3.5. Outils d’aide à la pratique.......................................................................................... 654. Schéma synoptique des résultats ............................................................................................... 67DISCUSSION ...................................................................................................................................... 691. Forces et limites de l’étude ........................................................................................................ 691.1. Forces de l’étude ............................................................................................................... 691.2. Limites de l’étude .............................................................................................................. 7316


2. Synthèse des résultats et commentaires ..................................................................................... 752.1. Des médecins généralistes concernés ................................................................................ 752.2. Le médecin de famille ....................................................................................................... 752.3. Une prise en charge multidisciplinaire .............................................................................. 772.4. Un référent somatique ....................................................................................................... 792.5. Le diagnostic ..................................................................................................................... 802.6. L’hospitalisation ................................................................................................................ 812.7. Compétences et formation du médecin généraliste ........................................................... 832.8. L’implication affective ...................................................................................................... 842.9. Les réseaux de soins en Picardie ....................................................................................... 853. Implications pratiques ............................................................................................................... 86CONCLUSION .................................................................................................................................... 87BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................................................. 89ANNEXES ............................................................................................................................................ 9317


ABBREVIATIONSAFDAS-TCA : Association Française pour le Développement des Approches Spécialisées desTroubles du Comportement AlimentaireAPA : American Psychiatric AssociationCHR : Centre Hospitalier RégionalCHU : Centre Hospitalo-UniversitaireCIM : Classification Internationale de MaladieCMP : Centre Médico-PsychologiqueDSM : acronyme anglais de Manuel Diagnostic de Statistiques des troubles MentauxDU : Diplôme UniversitaireHAS : Haute Autorité de SantéHDT : Hospitalisation à la Demande d’un TiersIMC : Indice de Masse CorporelleNICE : National Institute for Clinical ExcellenceOMS : Organisation Mondiale de la SantéRDV : RenDez-VousSpA : Spondylarthrite AnkylosanteTCA : Troubles du Comportement Alimentaire19


INTRODUCTIONCONTEXTE ET NAISSANCE DE LA <strong>THESE</strong>L’impact des représentations collectives du corps sur la santé est de plus en plus évident dansnotre société. Pesant sur les notions de beauté, de réussite ou de contrôle de soi, cesreprésentations peuvent constituer un pouvoir de prescription alimentaire, notamment chez lesplus vulnérables et les adolescents. La recherche de la minceur, de la maigreur peut induiredes troubles du comportement alimentaire, l’adoption de régimes alimentaires excessifs etdangereux pour la santé [1]. Ainsi, nous constatons une évolution de l’anorexie mentaledepuis ces dernières années dans nos pays occidentaux ; sa médiatisation, la diffusiond’images chocs, les témoignages de plus en plus fréquents retrouvés dans la presse, à latélévision, nous donnent une vision préoccupante de cette maladie. De plus, cette pathologiene touche pas seulement une partie de la population mais toutes les classes sociales semblentêtre concernées. Nous avons donc le sentiment qu’il est nécessaire d’améliorer notrecompréhension de cette maladie afin d’en améliorer sa prise en charge thérapeutique.Cependant, et de façon paradoxale, nous ne disposons d’aucune donnée d’incidence et deprévalence de l’anorexie mentale en France, que ce soit dans la population générale ou enmédecine générale [2]. En revanche, des études internationales estiment que la prévalence decette pathologie dans la population générale, était de 0,9% à 1,5% chez les femmes [3] et de0,3% chez les hommes [4]. Ainsi, malgré le fait que cette pathologie ne semble pasreprésenter un problème de santé publique majeur sur le plan épidémiologique, elle représentenéanmoins un enjeu thérapeutique important de par sa chronicité et sa gravité.C’est dans ce contexte, qu’une prise de conscience de l’ensemble de la population sur cettepathologie, susceptible de se chroniciser avec un impact important en termes de morbidité etde mortalité à long terme, semble se constituer. En effet, l’anorexie mentale représente unenjeu de santé publique important en termes de gravité, insuffisamment pris en compte dansnotre pays jusqu’à présent [2]. De ce fait, un travail approfondi sur l’image du corps, sousl’égide du ministère de la santé, de la jeunesse, du sport et de la vie associative a été mené parun groupe de travail pluridisciplinaire présidé par le Professeur Marcel RUFO et le ProfesseurJean-Pierre POULAIN dès 2007, permettant d’aboutir à la signature d’une chartre21


d’engagement volontaire sur l’image du corps en avril 2008. Par la suite, la HAS a établi desrecommandations de bonne pratique sur la prise en charge de l’anorexie mentale en juin 2010,dont l’objectif est d’aboutir à la mise en place d’une prise en charge pluridisciplinaire oùchaque professionnel de santé interviendrait de façon coordonnée et complémentaire.Par ailleurs, le pronostic vital parfois engagé dans cette pathologie, dû à des retardsdiagnostics ou à l’entrée dans la pathologie à un âge précoce [2], nous amène à réfléchir surles conséquences graves que peut avoir cette maladie dans les situations les plus dramatiques.De plus, il est constaté qu’une détection et un traitement précoce des TCA permettent uneamélioration du pronostic de l’anorexie mentale [5]. Ainsi, cette maladie ne doit pas êtrenégligée des médecins généralistes qui sont généralement les premiers intervenants dans laprise en charge de ces malades. Les patients anorexiques débutent généralement leur parcoursau sein du cabinet du médecin généraliste avec une présentation initiale de plaintespsychologiques, gastro-intestinales ou gynécologiques consécutives à la maladie ou sescomplications. De ce fait, les médecins généralistes ainsi que les équipes au contact despopulations à risque, infirmières scolaires, entraîneurs sportifs, mais aussi médecins descentres de planification familiale, gynécologues, gastro-entérologues sont les mieux placéspour identifier de façon précoce les patients souffrant de troubles du comportementalimentaire. Ils doivent y être sensibilisés par une meilleure information [2].Enfin, les offres de soins ont aussi beaucoup évolué ces dernières années. La création demultiples réseaux de soins, spécifiques à la prise en charge des troubles du comportementalimentaire, a permis de rassembler au sein d’un même lieu, divers praticiens. Leurscompétences différentes semblent être un atout pour tenter d’apporter une réponse à la foisadaptée et efficace à la prise en charge de ces pathologies, dont l’anorexie mentale.CONTEXTE ACTUEL DE LA PRISE EN CHARGE DE L’ANOREXIE MENTALE ENPICARDIEL’anorexie mentale s’inscrit dans un ensemble de maladies de la nutrition que sont les TCA.Actuellement aucune structure hospitalière ou entité dédiée à la nutrition n’existe en Picardie.De plus, sur le plan ambulatoire, les médecins généralistes se trouvent dépourvus destructures relais dédiées à la prise en charge des patients anorexiques sur l’ensemble de larégion, retardant dans certaines situations la prise en charge thérapeutique. Ainsi, aujourd’hui22


certains médecins généralistes adressent leurs patients sur d’autres régions et notamment larégion parisienne où des structures existantes accueillent les malades afin de réduire le délaide prise en charge et d’établir une prise en charge hospitalière plus rapidement. [6]Cependant, plusieurs spécialistes, de spécialités différentes, au CHU d’Amiens(endocrinologie, psychiatrie, pédiatrie, chirurgie viscérale) ont pris conscience de l’évolutioncroissante de ces maladies, de l’existence d’échecs de prise en charge et de leurs sévérités.C’est dans ce contexte, et après avoir observé ce qui existait déjà dans d’autres régions, qu’unprojet d’unité hospitalière propre aux TCA s’est constitué. L’objectif du projet d’UnitéFonctionnelle TCA sur l’hôpital d’Amiens est de concentrer dans un lieu unique, une unitémixte, à la fois somatique et psychiatrique. Cette unité sera centrée sur la prise en charge depathologies mentales graves, dont l’anorexie mentale, relevant d’une approchemultidisciplinaire et se proposera de répondre à un manque de structures nécessaires à uneprise en charge optimale de l’anorexie mentale. La création d’un centre référent dans la priseen charge de TCA sur la région picarde permettrait de faciliter la coordination des soins entrela médecine ambulatoire et hospitalière.ENJEUX DE LA <strong>THESE</strong> : OBJECTIFS PRIMAIRES ET SECONDAIRESL’objectif principal de ce travail n’est pas d’évaluer les pratiques des médecins généralistesmais de rendre compte d’un état des lieux des modalités de prise en charge de l’anorexiementale par ces médecins généralistes en Picardie. Par le biais de ce travail, je vais ainsiidentifier leur pratique, mettre en évidence leurs difficultés, collaborations avec les autresspécialistes et déterminer leur souhaits afin d’améliorer la prise en charge actuelle de cespatients.23


MATERIELS ET METHODESJ’ai réalisé une étude qualitative par entretiens individuels semi-dirigés auprès de médecinsgénéralistes exerçant en Picardie.1. Population étudiéeLa méthode de l’entretien part du principe que «le tout social serait inclu en chaqueindividu » [7].Ce n’est pas un échantillon représentatif quantitativement mais qualitativement qui estimportant dans une étude qualitative [8]. Les informations issues des entretiens sont validéespar le contexte et n’ont pas besoin de l’être par leur probabilité d’occurrence. Ainsi, une seuleinformation donnée par l’entretien peut avoir un poids équivalent à une information répétéede nombreuses fois dans des questionnaires [9].Le nombre de médecins interrogé n’a pas été déterminé par avance. En effet, les entretiens ontété arrêtés une fois que « la saturation des données » a été atteinte. Cette notion est obtenuelorsqu’aucune nouvelle information et aucun nouveau code n’apparaissent lors de l’analysedes données [10]. Ce niveau de saturation nous permet de présenter des résultats quiglobalement reflètent le rôle du médecin traitant dans la prise en charge de l’anorexie mentaleen Picardie.Tous les médecins interrogés ont été choisis au hasard dans les pages jaunes, en tenant comptede critères spécifiques pour tenter d’équilibrer les caractéristiques des médecins interviewés :genre, secteur de conventionnement, lieu d’exercice. Mon seul critère exclusif de choix étaitqu’ils devaient être médecins généralistes et avoir déjà suivi en consultation un patientanorexique.J’ai pris contact par téléphone avec chacun des médecins. J’ai eu plusieurs échecstéléphoniques, les médecins ne souhaitant pas me rencontrer par manque de temps.25


2. Le guide d’entretienLes entretiens semi-dirigés ont été menés à l’aide d’un guide d’entretien préalablement établi.Le guide d’entretien n’est pas un questionnaire [8]. Il s’agit d’une liste de thèmes que lechercheur souhaite voir aborder sans ordre prédéfini. Ce guide a été réalisé avec l’aide du DrAmélie SELLIER, ma co-directrice de thèse.Mon guide d’entretien est constitué de trois parties.La première m’a permis d’aborder l’anorexie mentale par le biais d’une expériencepersonnelle que les médecins généralistes avaient vécu en consultation avec leur patientanorexique ; je leur ai demandé de me relater la première consultation et de me présenter lecontexte de cette situation initiale.La deuxième partie a traité du suivi de leur patient et des éventuelles hospitalisations qu’ilsont dû gérer. Par ailleurs, j’ai essayé de les orienter vers un questionnement plus large afin detenter de recueillir leur avis sur la pathologie elle-même et d’avoir des informations sur leurrelation avec les différents spécialistes ambulatoires et hospitaliers. C’est alors que l’on s’estdétaché de leur expérience personnelle pour essayer d’obtenir une approche plus globale de laprise en charge de cette pathologie.Enfin, la troisième partie leur a permis de s’exprimer sur leur parcours, leur formation maisaussi sur leurs propositions concernant l’amélioration de la prise en charge de ces patientsanorexiques. J’ai abordé aussi en fin d’entretien la question des réseaux de soins et la situationactuelle de la prise en charge de l’anorexie mentale en Picardie, en les laissant s’exprimer surces deux thèmes.Le guide d’entretien était modulable en fonction du déroulement de la rencontre. Dans cesens, il pouvait être intéressant de demander à l’enquêté à la fin de l’entretien ce qu’il en avaitpensé afin de modifier le guide en fonction de ses réflexions [11].L’intégralité du guide est retrouvée en Annexe 1.26


3. Entretien TestUn entretien a été réalisé pour tester et adapter le guide d’entretien initial. Arbitrairement, j’aidécidé que le premier médecin interrogé serait le médecin « testeur ».Cet entretien test m’a ainsi permis d’adapter au mieux la formulation de mes questions pourobtenir des réponses ouvertes amenant à la libre pensée des médecins traitants interrogés.4. Le déroulement des entretiensLors de la prise de contact avec les différents médecins, je me présenté et leur ai demandé sije pouvais les rencontrer pour m’entretenir avec eux à propos de mon sujet de thèse. J’aivérifié à ce moment-là s’ils avaient suivi ou suivaient actuellement un patient anorexique afinde pouvoir les inclure dans mon étude.Tous les entretiens se sont déroulés sur le lieu d’exercice du médecin pendant ou en dehors deson activité de consultation. Les rendez-vous ont tous été convenus par téléphonepréalablement et ont tous été maintenus.Après avoir obtenu le consentement éclairé du médecin généraliste [12], les entretiens étaientenregistrés par un dictaphone qui était placé au centre du bureau. Les enregistrements ontpermis une meilleure compréhension et observation des médecins interrogés et l’interprétationdes données [8].Le guide de l’entretien était ensuite suivi. Au cours de l’entretien, j’ai pris éventuellementquelques notes.Pendant l’entretien, il faut libérer au maximum l’interviewé pour qu’il se laisse aller à desassociations d’idées [7] en l’aidant à soulager ses inquiétudes [9]. Pour cela, j’ai utilisé desquestions directives mais imprécises [11]. Cela leur permettait de se livrer plus facilement.J’ai eu le sentiment qu’au fur et à mesure du déroulement de l’entretien une relation deconfiance se tissait petit à petit me permettant d’obtenir des informations contenant plusd’affects que celles obtenues au début de notre entrevue.27


Une stratégie d’intervention devait être définie pour permettre de relancer le sujet si besoin aucours de l’entretien.5. Transcription des entretiensJ’ai ensuite retranscris intégralement les entretiens à l’aide du logiciel de traitement de texteMicrosoft Word 2010®.6. Analyse des entretiensAprès leurs transcriptions, j’ai réalisé l’analyse de mes entretiens à l’aide d’un logicield’analyse qualitative N’vivo 8 Software®. Il apporte une aide technique à l’analyse, maisn’effectue aucune interprétation des données.J’ai utilisé la méthode d’analyse par théorisation ancrée (Grounded Theory) [13] décrite parGlaser et Strauss. Cette approche repose sur une analyse stricte phrase par phrase desdonnées. Elle est donc ancrée dans le texte et n’utilise pas de grilles d’analyse ni de thèmesprédéfinis par le chercheur. Au cours d’un processus de comparaison permanent, un ensemblede codes a émergé. Le codage des entretiens consiste à extraire des mots ou phrases et àsynthétiser leur signification par un ou plusieurs mots qui deviennent alors un code [10]. Ils’agit d’un codage ouvert fractionnant le texte en une série de codes.L’accumulation de ces codes a fait émerger des concepts plus généraux dans lesquelspouvaient être regroupés les codes ayant la même signification ou les mêmes implications. Aufur et à mesure de l’analyse des entretiens et de ce fait de l’apparition de nouveaux codes, unretour en arrière dans le texte déjà codé était effectué pour vérifier la présence ou non de cesnouveaux éléments [10]. La mise en relation des différents concepts entre eux et la mise enévidence de leurs interactions avec la question principale de l’étude [10] permettaientd’établir une théorie concernant les éléments intervenant dans le rôle du médecin traitant dansla prise en charge de l’anorexie mentale en Picardie.28


RESULTATS1. Présentation de l’échantillonProfil des médecins interviewés :Médecins Sexe Age Département Mode d’exercice SecteurA F 55 60 Groupe UrbainB M 53 60 Groupe UrbainC M 58 60 Seul UrbainD M 65 60 Groupe UrbainE M 49 60 Seul RuralF F 48 60 Seul UrbainG M 47 60 Groupe UrbainH F 51 60 Seul UrbainI F 58 80 Seul UrbainJ F 45 80 Groupe UrbainK F 44 80 Groupe UrbainL M 43 60 Groupe UrbainCe travail s’appuie sur les entretiens de 12 médecins généralistes exerçant en Picardie. Lesmédecins étaient 6 femmes et 6 hommes. Deux d’entre eux, étaient conventionnés secteur 2avec une activité de médecin homéopathe associée. Ils exerçaient tous en libéral, soit seul, soiten association dans un cabinet de groupe avec d’autres médecins généralistes etessentiellement en milieu urbain. Seul un médecin était situé en zone rurale. La moyenned’âge estimée des médecins interrogés arrondie à la décimale supérieure, était de 52 ans. Le29


Conseil National de l’Ordre des Médecins annonce un âge moyen des médecins en activité de51 ans [14].Le département de l’Oise est assez étendu et comporte trois secteurs qui me semblaientnécessaire d’explorer. J’ai donc interrogé quatre médecins sur Compiègne, trois sur Chantillyet Lamorlaye et deux médecins sur Beauvais et Bresles. Par ailleurs, j’ai interrogé troismédecins généralistes exerçant sur Amiens dans le département de la Somme. Ils étaient danstrois secteurs différents dont deux d’entre eux exerçaient dans des quartiers moins favorisés.2. Déroulement des entretiensTous les entretiens ont été menés aux cabinets des médecins généralistes pendant ou endehors de leurs consultations. Ils se sont déroulés après l’intégration du dictaphone sur leurbureau. Les entretiens ont duré de 20 minutes à 1heure et 10 minutes. Les entretiens figurenten Annexe 2.3. Analyse des entretiensTrois grandes parties se sont dégagées à la suite de la retranscription des entretiens. Lesthèmes traités dans chacune de ces parties ont permis d’apporter des réponses aux questionsposées sur le rôle du médecin généraliste dans la prise en charge de l’anorexie mentale.3.1. La place du médecin généraliste3.1.1. Le positionnement du médecin généraliste vis-à-vis du patientLes médecins généralistes interrogés ont évoqué de nombreuses caractéristiques liées à leurdiscipline et leur pratique. Ces caractéristiques définissaient leurs positions et attitudes vis-àvisde leur patient. Dans ce contexte pathologique, cela représentait, selon eux, un atout dansleur relation avec le patient.30


Pour une majorité d’entre eux, le médecin généraliste se définissait comme le médecinde famille. Cette notion regroupait plusieurs caractéristiques qui offraient au patient uncadre connu et rassurant.o En effet, une partie des médecins interrogés se décrivait comme coordinateuret référent du dossier médical de leur patient.B : Bah mon rôle il est central, et puis ça ne me dérange pas que cela m’épuise, me donne dutravail. On peut toujours le dire...allez voir quelqu’un d’autre, mais non, ça je l’accepte. Ca iln’y a pas de problème. J’accepte ce rôle de coordinateur.o Majoritairement les médecins se définissaient comme protecteur de la santé deleurs patients.J : J’essayais de voir un peu comment elle s’alimentait, ce qu’elle faisait, je lui donnais desconseils pour pas que sa santé ne trinque pas trop, qu’elle ne se carence pas trop. J’essayaisde voir un peu avec elle au moins les quelques aliments qu’elle ingérait, ceux qui étaientimportants pour elle.E : Je l’empêchais de mourir d’un trouble cardiaque.o D’autres pensaient avoir acquis la confiance de leurs patients qui lesconsidéraient comme garant de leur santé.E : Elle m’en avait parlé et au fil des années une relation de confiance s’est établie.H : Claire avait confiance en moi. Elle parlait bien avec moi. […] Et Claire me disait sonpoids, je ne la pesais jamais car il y avait un climat de confiance qui faisait que tout sepassait bien.o Un seul s’est défini un rôle d’autorité vis-à-vis de son patientB : […] bien sûr elle me fuyait puisque j’étais le contrat et qu’elle savait que jel’hospitaliserais.Beaucoup d’entre eux, ont évoqué leur particularité à soutenir et écouter leur patient.Les médecins établissaient une relation de confiance avec leurs patients et les aidaientdans leur processus de soin.o Pour ce faire, certains parlaient de l’écoute comme support à la prise en chargedu patient et comme élément participatif au mécanisme de soin.31


J : On a rediscuté alimentation à plusieurs reprises et avec les vacances d’été c’est passécomme cela, ça lui a fait plaisir, ça l’a détendu.H : […] elle venait me voir car elle savait que j’étais à l’écoute et que je pouvais lui donnerdes informations, […] Avec moi il y a toujours une relation privilégiée, puisque mes patientsviennent chercher une aide, une écoute, sans être jugé et accompagné.o Certains médecins estimaient que les patients venaient chercher un soutienpsychique auprès de leur médecin traitant. Cette fonction était déterminante dela relation de proximité et de confiance établie par le patient vis-à-vis de sonmédecin.H : […] elle ne vient pas dans le cadre de l’anorexie mais plutôt dans le cadre d’unaccompagnement de soutien logistique tant physique qu’émotionnel.o Pour d’autres, cette notion de soutien, s’appliquait aussi à la famille qui audelàdu réconfort venait chercher des conseils et de l’aide face à la détresse quis’imposait à elle et qu’elle ne maitrisait pas.B : […] deuxième fois, deuxième épisode aigu, c’est sa sœur qui est venue en me disant queses parents étaient partis toute la journée et qu’elle avait fait un malaise. Donc, j’ai appelé leSAMU, car il fallait l’hospitaliser absolument. […]Quand ils sont arrivés ils n’ont trouvépersonne donc ils sont repartis. Et la troisième fois, c’est la famille qui a appelé en disantqu’elle avait fait une crise de nerf et qu’elle avait tout cassé, on a donc fait une HDT.Un petit groupe de médecins s’est décrit comme étant des médecins de l’organicité enopposition au problème psychique rencontré dans l’anorexie mentale. Ils estimaientque leur rôle était d’agir sur l’atteinte corporelle visible secondaire au désordrepsychiatrique rencontré dans cette pathologie.A : Moi elle venait me voir que pour le problème organique.B : […] gérer le côté somatique.Enfin, quelques-uns des médecins interrogés estimaient que la base des soins reposaitaussi sur une relation médecin-malade privilégiée plaçant le patient comme un êtreunique pour lequel le médecin devait mettre tout en œuvre pour assurer son bien-êtrephysique et mental.32


H : Avec moi il y a toujours une relation privilégiée, puisque mes patients viennent chercherune aide, une écoute, sans être jugés et accompagnés. […] C’est dans ce climat de dialogueet de confiance que j’arrive à souder les choses, car chacun est unique et je m’adapte à cela.3.1.2. La prise en charge diagnostique3.1.2.1. Contexte de découverteDe multiples circonstances ont été évoquées par les médecins généralistes, différentes d’unmédecin à l’autre : anorexie, asthénie, dépression, acné, récidive d’anorexie, régimealimentaire, suivi de grossesse, éloignement familial, plaintes somatiques multiples,consultation motivée initialement par les parents, alerte par le psychologue scolaire.A noter cependant que l’amaigrissement et les anomalies biologiques étaient les deux seulescirconstances de découverte citées à plusieurs reprises, par plusieurs médecins généralistesdifférents.3.1.2.2. Eléments diagnostics3.1.2.2.1. Diagnostic positif3.1.2.2.1.1. Caractéristiques des patientesElles ont été décrites par les médecins généralistes selon différentes caractéristiquesConcernant le sexe et l’âge des patients suivis en consultation pour des troubles ducomportement alimentaire type « anorexie mentale », les médecins généralistes onttous répondu avoir eu uniquement des patients de sexe féminin.Par ailleurs, l’âge de ces patientes était très différent d’un médecin à l’autre. Ellesavaient entre 17 ans et 42 ans.Concernant leur caractère, ces patientes étaient définies par leur médecin généralisteselon plusieurs caractéristiques.o Certains parlaient de patientes anxieusesB : En décembre, il y avait un épisode d’angoisse, puis elle s’est remise à vomir.33


o D’autres décrivaient des patientes isolées socialement.C : Le diagnostic a été fait d’emblée par un changement de comportement : le refus de semettre à table, le fait que c’était une fille très ouverte qui s’est complètement refermée surelle-même.o Certains les définissaient comme perfectionnistes et brillantes scolairement.A : Cette jeune fille était très brillante. Elle avait eu son bac avec un an d’avance. Elle était àl’université sur Paris.o Enfin, d’autres avaient à l’inverse des patientes présentant des difficultés deconcentration entraînant chez certaines d’entre elles de l’échec scolaire.H : Elle avait du mal à se concentrer sur les cours, les résultats étaient moyens maismaintenus surtout dans les matières littéraires ce qu’elle voulait poursuivre. […]Avec lamaman, on s’est posé beaucoup de questions car Claire avait une baisse au niveau de lascolarité.Le rapport au corps et à l’alimentation de ces patientes anorexiques comportaient demultiples caractéristiques.o La thématique corporelle était complexe. Les patientes s’imposaient unautocontrôle empêchant tout individu d’atteindre cette sphère qui leur étaitpropre.Certains identifiaient un surinvestissement physique, nécessaire au contrôle deleur image corporelle.H : mais elle m’a dit qu’elle s’était levée à 5h45 pendant son séjour, qu’elle faisait le tour duvillage pour faire de l’exercice et qu’elle n’arrêtait pas de faire l’exercice .Tandis que d’autres remarquaient que cette perte pondérale participait à unbénéfice personnel qui rassurait les patientes et alimentait leur motivation de sedémunir progressivement de leurs kilos.H : Elle disait qu’elle se sentait bien à faire beaucoup d’exercices et quand le poidsdiminuait. […] qu’elle était rassurée de perdre du poids.34


o Sur le plan alimentaire de nombreux médecins notaient un rapport conflictuelà l’alimentation avec un rejet des aliments.H : D’emblée ça apparaissait déjà compliqué comme cursus au niveau de la nourriture. […]Et elle me parlait de sa petite fille, et elle me disait que l’alimentation n’était pas terrible.Elle m’a dit qu’elle mangeait mal, toujours debout sauf le soir. Le midi, elle m’a dit qu’ellefinissait les pots de sa fille ou qu’elle mangeait un yaourt ou des légumes et des fruits par« psychotage ».Les médecins généralistes ont identifié des réactions spécifiques chez ces patientes.o La majorité des médecins parlait d’un déni de la pathologie.I : Donc, probablement on suppose qu’elle prenait des laxatifs, mais il y a un réel dénicomplet de sa maladie.B : Et donc après elle a refusé toute prise en charge en disant si j’ai bien compris ce quej’avais, je me nourris suffisamment,.., refusant d’aller sur la balance. Je l’ai même viré deuxfois du cabinet puisqu’elle refusait de se peser.o Quelques-uns ont décrit une notion de culpabilité vis-à-vis de leurs proches etde ceux qui les entouraient.E : Elle était très surprotectrice, elle vivait mal que ses enfants s’en aillent et qu’ilsgrandissent et les problèmes avec son mari.o Enfin, un médecin a parlé de névrose de réparation comme réaction secondaireà la maladie. La patiente utilisait sa souffrance pour s’investir sur le planpersonnel. Elle tentait de se reconstruire en utilisant les difficultés vécues autravers de sa pathologie.B : Et elle veut faire médecine, peut-être par névrose de réparation. […]J’ai dû faire uncertificat pour annuler son inscription en P1 pour ne pas perdre le bénéfice de la P1. Maisfinalement l’année d’après elle n’a pas fait médecine et c’est sa sœur qui a fait médecine,…,névrose de réparation.La dernière notion abordée par les médecins généralistes portait sur l’environnementde leur patiente.35


o Plus de la moitié des médecins généralistes ont évoqué l’existence d’unecellule familiale complexe avec le rôle de la mère mal défini comme élémentparticipatif à la maladie de la patiente.A : Elle a commencé à perdre du poids quelque temps après le décès de sa mère qui est morted’un cancer très jeune. Son père était restaurateur et elle était venue car elle avait perdue 16kilos depuis octobre 2005.E : Et en fait ses troubles remonteraient à l’enfance, elle aurait été violée par son grand-père,relation très destructrice qui a conduit la patiente vers l’anorexie mentale.o Enfin, certains médecins généralistes ont constaté que la patiente profitait de lavulnérabilité de sa cellule familiale pour manipuler ses proches et exercer unrôle d’autorité voire parfois tyrannique vis-à-vis d’eux.B : […] sauf quand elle avait besoin de quelque chose, elle acceptait de voir le psy, pouravoir un avantage, car il y avait une manipulation.3.1.2.2.1.2. Critères diagnostics objectifsLa majorité des médecins généralistes interrogés ont utilisé des éléments cliniques pourdéfinir le diagnostic d’anorexie mentale. Les notions retrouvées en consultation étaientl’amaigrissement, l’anorexie et l’IMC. Certains se sont appuyés sur des éléments indirects,comme le discours de la patiente et son comportement liés à son exclusion sociale. Enfin,quelques médecins ont utilisé la biologie pour éliminer une pathologie organique etrechercher des signes de gravité caractéristiques de l’anorexie mentale.3.1.2.2.2. Diagnostic étiologiqueLa moitié des médecins interrogés a tenté de définir une cause à la pathologie de leur patiente.Les éléments retrouvés étaient le rapport conflictuel avec la mère, l’éloignement familial,l’inceste et le traumatisme familial.L’autre moitié des médecins interrogés n’a pas réussi à déterminer le mécanisme déclencheurde la pathologie ou ne l’a pas recherché.36


3.1.2.3. Les recommandations de bonnes pratiques de l’HAS3.1.2.3.1. Prise de connaissanceLa moitié des médecins interrogés méconnaissait les critères de l’HAS parus en juin 2010.Un des médecins pensait que ce document était rassurant pour la pratique.B : ça rassure un peu. On a besoin d’être rassuré et d’avoir des petits critères sur lesquelss’appuyer sur les prises de décision.Un autre connaissait les recommandations et voyait un intérêt à cet outil en ce sens qu’il étaitfacilement accessible et que chaque médecin était libre de le consulter à sa guise en fonctionde ses besoins.Enfin, un médecin a exprimé son désintérêt pour la prise en charge de cette pathologie.L’absence de consultation des recommandations en rapport avec cette pathologie restait ainsivolontaire.C : J’ai peut-être dû avoir quelque chose qui m’est passé entre les mains, mais je n’ai pas dutout approfondi les choses. Les anorexies ce n’est pas trop mon truc.3.1.2.3.2. Prise en compte dans la pratiqueSeule la moitié des médecins interrogés, connaissant les recommandations de l’HAS a purépondre à cette question. Les avis étaient très divergents.Certains estimaient que les recommandations étaient adaptées à la pratique et constituaientun outil utile pour anticiper sur la prise en charge de cette pathologie. Un des médecins anotamment parlé de l’importance du dépistage, notion prise en compte dans lesrecommandations.I : Il semblerait qu’actuellement l’HAS mette l’accent sur ce qui doit nous alerter avant quel’on puisse parler d’anorexie […]D’autres, en revanche, ont estimé qu’elles n’étaient pas adaptées au patient et à la pratique dumédecin généraliste car leur mise en place était trop complexe.B : […] dans les prises en charge finalement c’est vachement compliqué […].37


3.1.3. Le suivi ambulatoire3.1.3.1. Caractéristiques du suiviTous les médecins généralistes ont défini deux termes pour caractériser le suivi de la prise encharge de l’anorexie mentale : chronicité, en ce sens que la prise en charge de cette pathologies’effectuait dans le temps et multidisciplinarité, car ils étaient tous conscients de la nécessitéde l’intervention de plusieurs spécialistes dans la prise en charge de ces patients.B : Et là il y a eu un grand espoir car à la sortie j’avais dit, ce serait bien qu’il y ait un triplesuivi, avec le gastro, le psy et moi. […] Je lui ai expliqué qu’il fallait absolument un doublesuivi somatique et psychologique.I : […] On travaille en relation étroite.3.1.3.2. Organisation des soins3.1.3.2.1. Les consultations au cabinet du médecin généralisteLe suivi d’une pathologie chronique s’organise de façon adaptée à la maladie. Chacun desmédecins interrogés a organisé le suivi de leur patiente de façon spécifique à la situationvécue.La majorité des médecins interrogés organisait des consultations régulières etrapprochées adaptées à l’évolution de la maladie de leur patiente anorexique.A : Au début, je la voyais toutes les semaines/tous les 15 jours, puis après tous les mois. Ellevenait assez bien.C : […] Au début c’est assez fréquemment et après c’est un peu plus espacé.Plusieurs prévoyaient une fréquence de consultations adaptée aux besoins de lapatiente.H : A sa demande…..Au début je lui demandais de venir toutes les deux semaines, mais c’étaitvariable et elle pouvait venir quand elle en avait besoin.38


Enfin, certains ont organisé des consultations indirectes en recevant les parents de lapatiente, tandis que d’autres ont réalisé une consultation conjointe avec la présenced’un proche.J : Je vois ses parents, on discute, je leur ai déjà dit que je pouvais la revoir quand ilsvoulaient.H : dans un cadre un peu compliqué avec une compagne qui au départ l’accompagnait dansles consultations puis après elle est venue toute seule.3.1.3.2.2. Le traitement pharmacologiqueUn seul médecin a prescrit des antidépresseurs aux patientes anorexiques en premièreintention avant de prendre contact avec d’autres spécialistes.3.1.3.2.3. Coordination des soinsLa prise en charge est pluridisciplinaire et nécessite l’intervention de différents spécialistes.Tous les médecins généralistes ont organisé un suivi conjoint avec les médecins spécialistes.Aucun des médecins généralistes interrogés n’a effectué un suivi seul. Ils sollicitaientmajoritairement des psychiatres et des psychologues et plus rarement des endocrinologues. Anoter, que selon la situation géographique des médecins généralistes, les spécialistes étaientsollicités différemment. Ainsi en milieu rural, les généralistes ont sollicité essentiellement lespsychiatres ou psychologues exerçant dans leur secteur et ont fait rarement appel auxendocrinologues ou pédiatres en première intention. A l’inverse, en milieu urbain, lesmédecins généralistes ont plus souvent sollicité les médecins exerçant en milieu hospitalier eten première intention, les endocrinologues et les pédiatres.Une majorité de médecins a effectué ce suivi par téléphone pour une question de gain detemps et de facilité d’accès aux données observées lors de la dernière consultation spécialiséealors que d’autres l’ont réalisé par courrier.B : Je lui avais téléphoné pour lui demander si elle pouvait au départ la prendre en charge àl’hôpital, puis après, pendant l’hospitalisation, je l’avais rappelé pour savoir comment onpouvait faire pour la malade. […]Alors qu’avec St Anne j’ai un échange, par téléphone oupar courrier.39


A : Par téléphone et quelques courriers avec le psy de Compiègne.3.1.3.2.4. La surveillanceLes médecins généralistes ont utilisé des données cliniques et paracliniques objectives pourévaluer l’efficacité thérapeutique et dépister les signes de gravité liés à la pathologie.L’ensemble des médecins s’est appuyé du poids, de l’IMC et du bilan biologique commeéléments de surveillance.3.1.4. Hospitalisation3.1.4.1. ContexteL’hospitalisation a été majoritairement sollicitée lors de l’échec de la prise en chargethérapeutique ambulatoire. L’ensemble des médecins interrogés ont tous hospitalisé leurpatiente lorsque la question du pronostic vital était posée. Enfin, la majorité deshospitalisations n’a pas été programmée et a transité par le service des urgences. Leshospitalisations ont toujours été effectuées dans un contexte d’’urgence mais sont survenuesdans des circonstances différentes.Dans la majorité des cas, l’hospitalisation était indiquée et réalisée par le psychiatre quisuivait la patiente en consultation, secondairement à l’échec thérapeutique du traitementambulatoire. L’hospitalisation avait lieu dans des structures spécialisées connues dupsychiatre prenant en charge la patiente.A : D’ailleurs j’ai eu le psy de Compiègne par téléphone qui souhaitait qu’elle soithospitalisée dans une structure spécialisée nécessaire.H : Alors c’est là qu’elle m’a repris puisqu’elle m’a dit que c’était sa psychothérapeute quil’avait envoyée, après de multiples discussions sur sa maigreur, et convaincue de se fairehospitaliser deux fois trois semaines.Un médecin généraliste a hospitalisé sa patiente sous contrainte lorsqu’elle a présenté descritères de gravité engageant son pronostic vital, suite à son refus de prise en chargehospitalière.B : Et là elle est hospitalisée en HDT à Henri THEILLOUX.40


Plusieurs hospitalisations ont eu lieu suite à une demande familiale, lorsque la famille n’avaitplus aucune emprise sur la patiente qui progressivement s’épuisait et se laissait mourir face àl’évolution de sa maladie.H : […] et donc sur la demande de la maman, je m’étais mise en relation avec le Dr D qui estl’une des quatre médecins de la villa Montsouris, à Paris dans le 13ème.Enfin, une hospitalisation a été effectuée sur demande de la patiente après que l’indication aitété posée par le psychiatre qui lui a laissé le choix du lieu d’hospitalisation.H : La psychanalyste lui avait donné deux pistes : celle-ci, qu’elle a choisi et qui a bienfonctionné et une autre possibilité à Eaubonne où ça aurait dû être un psychiatre qui l’auraitprise en charge. Elle m’a dit que le psychiatre lui avait parlé d’un contrat de poids. Le motcontrat l’a effrayée. Le psy, la première qui l’a reçue, l’a fait attendre deux heures dans lasalle d’attente ce qui lui a fortement déplu. Quand il l’a reçue il a dégainé son contrat depoids qui l’a fait reculer et elle a tout de même réfléchi, elle est revenue le voir une deuxièmefois en consultation et c’est là qu’elle m’a dit que les termes du contrat avaient changé :c’était un changement unilatéral de ce contrat. Elle m’a dit qu’elle n’était pas d’accord etc’est là où elle a choisi l’autre solution, soit de se faire hospitaliser à Amiens sud, deux fois,trois semaines.3.1.4.2. Critères d’hospitalisationLa moitié des médecins généralistes a fait hospitaliser ses patientes secondairement à un bilanbiologique perturbé avec des anomalies du bilan potassique. En effet, ils ont considéré quec’était une urgence vitale pour la patiente.I : Et la dernière hospitalisation elle a été hospitalisée bien évidemment pour ses conduitesanorexiques mais surtout parce que son potassium était descendu à 1,6. Donc, elle a vraimentfailli y passer.J : Mais de toutes les façons quand cela devient trop dangereux, je n’ai pas d’autres moyensque de passer la main.B : Il y a eu une hospitalisation entre deux, pour une hypokaliémie importante au CHRCompiègne.41


Plusieurs médecins généralistes ont établi un contrat moral avec leur patiente incluantplusieurs objectifs, notamment celui de la reprise pondérale, adapté à chacune d’entre elles. Sil’un d’eux n’était pas respecté, le médecin faisait une demande d’hospitalisation considérantque la patiente était en danger sur le plan psychique et/ou physique et qu’il était nécessaireque sa prise en charge soit davantage rapprochée à celle réalisée en ambulatoire.J : On s’était fixé une limite de poids, de biologie aussi je crois. Je lui avais dit : je vouspréviens en dessous de telle limite je vous hospitaliserai.B : Avec chacune de mes patientes anorexiques, j’établis un contrat avec le poids sous lequelil ne faut pas descendre, la kaliémie limite…nécessitant l’hospitalisation. C’est une sorte decontrat. Et à ce moment-là, quand elles arrivent sur la balance, si le poids est trop bas c’estl’hospitalisation. Dès que je prononce le mot d’anorexie je dis « je veux vous prendre encharge mais c’est comme cela ». J’établis un contrat mais qui finalement n’est que moral.Plusieurs médecins ont hospitalisé leurs patientes sur des anomalies organiques, tandis qued’autres ont uniquement utilisé les critères biologiques.E : […] Sur la perte de poids, une tension plus basse que d’habitude, des signes dedéshydratation. […] et souvent dans un contexte psychique perturbé.B : […] Uniquement au départ sur un plan organique.3.1.4.3. Choix du lieu3.1.4.3.1. Amiens : centre de référence en PicardieSur l’ensemble des entretiens retranscrits, seuls les médecins exerçant sur Amiens ou dansune très proche couronne limitrophe d’Amiens, connaissaient l’unité d’hospitalisation auCHU d’Amiens dans le service d’endocrinologie pour les patients atteints de TCA.Les médecins généralistes qui connaissaient la structure ont évoqué de nombreux avispositifs. Certains ont dit que c’était la seule unité de référence en région Picardie adaptée à laprise en charge de l’anorexie mentale et qu’ils appréciaient sa compétence. Un des médecins aémis l’idée que le traitement de l’anorexie mentale dans le service d’endocrinologie était unetradition amiénoise, qui se transmettait de chef de service en chef de service. Certainsestimaient qu’une écoute particulière était faite auprès de leur patiente. Les médecins42


généralistes appréciaient la première consultation conjointe puisqu’elle permettaitd’approcher globalement la patiente dès le début de sa prise en charge. Dans la majorité descas, un retour d’informations était réalisé.I : Pour l’anorexie ça fait longtemps car il y a toujours eu pour l’anorexie et la boulimie uneécoute particulière dans ce service d’endocrinologie même avant que ce soit lui qui soit chefde service. […] Il y a peut-être une tradition amiénoise…Cependant, certains médecins ont estimé que la structure amiénoise ne proposait pas une priseen charge optimale en milieu hospitalier liée à un manque de personnels formés dans ledomaine de l’anorexie mentale. Ainsi, ils doutaient de l’efficacité de l‘hospitalisation au seinde l’unité amiénoise.I : Car là actuellement, on a un suivi de consultation et proposition d’hospitalisation aveccontrat mais il n’a y a pas la structure derrière. C’est embêtant. Il m’est arrivé avec l’une demes patientes qui pendant son hospitalisation ne devait pas quitter sa chambre, qui allait sebalader, qui descendait, qui faisait absolument ce qu’elle voulait. Donc le contrat qu’on luiavait proposé ne semblait pas être retenu du fait d’un manque de surveillance, bon manqued’adhésion au contrat aussi. Il faudrait carrément un espace dédié avec un personnelcomplètement formé. Aujourd’hui on ne l’a pas. […] Donc il y a un peu de déperdition entrel’adhésion à l’idée de se soigner et le passage dans une structure qui n’est pas aussispécialisée que ça. Là je crois qu’on perd des patientes et c’est dommage.3.1.4.3.2. Les autres lieux3.1.4.3.2.1. Hôpitaux de proximitéLa moitié des médecins interrogés a sollicité les hôpitaux de secteur pour la prise en chargehospitalière des patientes atteintes d’anorexie mentale. Leur répartition géographiquecorrespondait aux régions de Compiègne, Chantilly et Beauvais. Leur principal critère dechoix restait la faible distance avec l’hôpital limitrophe et la connaissance de la structure deproximité. Le principal défaut cité correspondait à l’absence de structure spécialisée deproximité nécessaire à l’accueil de ces patientes. Par ailleurs, tous les médecins, hormis unseul exerçant sur Chantilly, ont hospitalisé leur patiente par le biais des urgences, dans lecadre d’hospitalisation non programmée. Enfin, la majorité des médecins ayant sollicité les43


hôpitaux de secteur, méconnaissait l’unité spécialisée de référence en Picardie pour la prise encharge des patientes souffrant d’anorexie mentale, au CHU d’Amiens.Tous les médecins qui travaillaient dans le secteur de Compiègne ont adressé leur patiente auCHC de Compiègne ou à la structure psychiatrique Henri THEILLOUX.Un des médecins exerçant dans le secteur de Chantilly a sollicité la Clinique des Jockeys. Il ajustifié ce choix par la connaissance des lieux et des spécialistes qui y travaillaient.Enfin, un des médecins exerçant dans le secteur de Beauvais a fait hospitaliser sa patiente auCHC de Beauvais.3.1.4.3.2.2. Lieux spécialisésL’autre moitié des médecins interrogés a fait hospitaliser ses patientes dans des structuresspécialisées.Tous les médecins exerçant sur Amiens ont sollicité le CHU d’Amiens.L’ensemble des autres médecins a travaillé avec les structures parisiennes de l’institutMontsouris et le centre hospitalier psychiatrique de Saint Anne. La maison de Solène n’a pasété sollicitée directement par les médecins interrogés. Ces médecins exerçaient tous dans ledépartement de l’Oise.3.2. Les niveaux de difficultés du médecin généraliste3.2.1. Dans leur implication affective3.2.1.1. Les limites de compétence du médecin généralisteLa majorité des médecins généralistes interrogés se sentait incompétent pour prendre encharge de façon optimale les patients atteints d’anorexie mentale. Les médecins ne sesentaient pas suffisamment spécialisés pour traiter une pathologie à la fois psychiatrique etorganique qui demande des connaissances spécifiques dans ces deux domaines.I : […] il y a 3-4 ans que J-D LALAU a essayé d’ouvrir des lits et donc on était toujours encontact puisque quand j’avais un problème d’anorexie je ramais.44


B : J‘accepte d’être le médecin de famille qui va plus loin dans la prise en charge qu’unsimple médecin généraliste. Mais à un moment donné, mes compétences sont limitées sur leplan psychiatrique et ce n’est pas à moi de les prendre en charge. […] mais en tous les cas jene me sens pas armé pour cela. Il faut quand même reconnaitre ses capacités, avec ce quel’on connaît et ce que l’on est capable de donnerC : On renouvèle parfois les traitements quand il y a un problème intercurrent, ou quand il ya un petit truc. Bon on se voit et on essaye de régler les problèmes. Mais je préfère vraimentqu’ils soient pris en charge par des spécialistes. […]Bah dans ce cas-là, je passe souvent lamain. […]Je pense que je ne suis pas assez …euh…compétent pour pouvoir agir à un niveauimportant….E : […] Quand ce sont des domaines qu’on ne saisit pas bien en médecine généraleF : […] car je ne suis pas spécialisée.Plusieurs médecins ont exprimé leur impuissance face à l’évolution de cette pathologie. Ladestruction de leur patiente, sans pouvoir y remédier, était difficile à concevoir, d’autant plus,quand plus aucun des traitements mis en place n’agissait efficacement sur la pathologie.B : Quand on voit des gamines comme cela qui se détruisent, c’est très difficile.Quelques médecins ont évoqué leur absence d’expérience dans la prise en charge del’anorexie mentale liée à la faible épidémiologie de cette pathologie au cabinet du médecingénéraliste. D’autres ont parlé de la même difficulté de gestion de la pathologie, mais avecune justification plutôt liée à la difficulté de gérer une urgence vitale au cabinet du médecingénéraliste.E : Je n’avais pas d’expérience particulière par rapport à cela.H : Bah ce n’est pas simple, car à un moment donné on sait qu’il faut hospitaliser car on vadans le mur et on sait que les patientes en ont besoin et ce, de façon vitale.Enfin un seul médecin interrogé ne connaissait pas les critères diagnostics de cette pathologiequi rendait difficile sa prise en charge à son cabinet.C : …euh c’est vrai que je ne connais pas bien la définition de l’anorexie.45


3.2.1.2. Les difficultés de gestion émotionnelleL’autre niveau de difficulté des médecins généralistes s’est retrouvé dans la gestion de leursaffects personnels face à une situation de prise en charge qui ne les a pas laissés indifférents.La complexité de cette situation est due à l’empathie des médecins généralistes pour leurspatients.La moitié des médecins interrogés se sentait seuls et isolés pour gérer une situation qu’ils nemaîtrisaient pas et ne contrôlaient pas.A : J’étais finalement toute seule avec le psy. Tu peux encore appeler au CH, mais bon…[…]Maintenant il n’y a plus de psychiatre non plus.B : J’avais à nouveau téléphoné à la maison de Solène qui m’avait dit on ne peut toujourspas, débrouillez-vous. […]Et le problème est que j’étais tout seul.E : Car on se sent très isolée en médecine générale par rapport à la prise en charge del’anorexie mentale.Plusieurs médecins ont exprimé leur crainte et leur inquiétude pour leur patiente qu’ilsn’arrivaient plus à raisonner et traiter efficacement.F : On ne sait pas, c’est difficile à exprimer, ça fait peur à tout le monde. […] on est inquiet.Certains médecins culpabilisaient de ne pas adopter rapidement les attitudes et solutionsnécessaires pour traiter de façon optimale leur patiente.F : Après on se retrouve un peu en situation d’échec en disant bah mince je n’ai pas dit cequ’il fallait, je n’ai pas fait ce qu’il fallait, euh…c’est délicat.Enfin quelques médecins ont vécu difficilement l’absence de reconnaissance de leur patienteou des spécialistes intervenant dans la prise en charge d’une pathologie complexe quinécessite un investissement personnel important en terme de temps, de disponibilité etd’écoute.A : C’est du violon. On a un rôle majeur partout…mais on n’a même pas de courrier, mêmepas de l’hosto. Les généralistes c’est pipo !!B : La théorie c’est bien, mais après la pratique c’est usant, tuant, pas gratifiant, épuisant, etpuis sans fin.46


3.2.2. Dans sa relation au patient et sa famille3.2.2.1. Relation avec le patientLes médecins généralistes ont présenté des difficultés à gérer leurs patientes en ambulatoire.Ces difficultés étaient liées à la réaction contradictoire des anorexiques qui venaient enconsultation pour bénéficier d’une écoute et d’une prise en charge adaptée mais quis’opposaient à la mise en place des solutions thérapeutiques proposée par leur médecin.La principale difficulté rencontrée par la majorité des médecins interrogés était le refus desoins qui pouvait apparaitre à différentes étapes de la prise en charge. Quelques médecins onteu des difficultés à imposer un cadre strict dès le début de la prise en charge avec notammentcelui d’imposer des critères objectifs à leur patiente. D’autres ont eu davantage de difficultés àimposer une hospitalisation lorsque celle-ci leur semblait nécessaire au cours de la prise encharge.H : Le contrat de poids dans le cadre de troubles du comportement alimentaire est un mot quiest mal venu !!I : Ils sont assez controversés….avec isolement….ils sont difficiles à présenter et à faireaccepter.D’autres médecins ont éprouvé des difficultés à imposer un cadre thérapeutique à leurspatientes de peur de les perdre de vue et de ne jamais les revoir. La crainte de la rupture dutraitement fragilisait cette prise en charge conduisant les médecins à réaliser des compromisqu’ils n’estimaient pas toujours favorables à leurs patientes.F : Donc c’est toujours difficile de lui demander de venir, on a peur d’avoir une fermeture,avec je ne veux rien entendre, je ne veux rien voir. Ce n’est vraiment pas évident.H : Après si ma patiente avait refusé l’hospitalisation d’Eaubonne avec ce souci de définitionde contrat de poids, bah j’aurais cherché autre chose…Elles sont malgré tout sensibles à cequ’on leur propose.Plusieurs médecins ont été confrontés à des patientes qui après avoir été suivies dans le cadred’une anorexie mentale, ne revoyaient jamais. Cette situation culpabilisante étaitinconfortable et les amenait à se poser de multiples questions sur leur attitude en consultation.47


I : Une fois que la personne en a parlé, souvent, elle disparaît. Donc, c’est d’autant plusdifficile d’amener que l’on peut réaliser une prise en charge conjointe, spécialisée. Donc,j’essaye de ne plus forcément en parler à la première consultation…mais bon voilà. Donc il ya vraiment des perdus de vue. Le fait d’en parler, il y a un moment de recul, alors pastoujours mais assez souvent. Et euh…des patientes qui ont réussi un jour à en parler…bahelles disparaissent dans la nature.J : […] Et généralement ce sont ces jeunes filles que je ne revois jamais.F : Après on se retrouve un peu en situation d’échec en disant bah mince je n’ai pas dit cequ’il fallait, je n’ai pas fait ce qu’il fallait, euh…c’est délicat.K : […] Et puis après elle échappait, on lui redonnait un rendez-vous et elle ne venait pas. Ouelle venait une fois ou deux, mais dès qu’on lui disait « mais ton problème c’est l’anorexie,y’a rien d’autre que l’anorexie », elle se sauvait.Un des médecins interrogés n’était pas le médecin traitant de sa patiente mais avait servid’intermédiaire entre la mère qu’il connaissait et la patiente. Cette situation rendait difficileune prise en charge optimale puisque la relation de confiance établie entre le médecin et sapatiente était fragilisée par le contexte familial.F : En fait c’est une pathologie un peu complexe où l’on marche sur des œufs. Car la jeunefille, je ne l’avais jamais vue auparavant, je connaissais la maman. […] C’est commentrentrer dans la relation sans tirer trop fort, en tirant un peu… Mais c’est comme dansd’autres pathologies où l’on est un peu sur le fil où les parents nous disent des choses parrapport aux enfants par rapport au conjoint. On veut aider et on n’est pas encore dans larelation directe puisque l’on sert d’intermédiaire, donc c’est toujours un peu compliqué.3.2.2.2. Relation avec la famillePlusieurs médecins généralistes interrogés ont perçu l’existence d’une problématiquefamiliale à prendre en compte dans la prise en charge des patientes anorexiques. Cependant,ils n’étaient pas à l’aise pour l’aborder, en consultation avec les membres de la famille. Leurdouble position de confident et de médecin de proximité avec la patiente et sa famille ne leuroffrait pas toute la liberté escomptée pour aborder des sujets graves touchant l’ensemble desmembres de la famille. Ils avaient le sentiment de fragiliser un lien de confiance établi entreeux et la famille et avaient le sentiment que leur observation de la situation ne restait que48


subjective. De plus, ils étaient conscients que la thérapie familiale était un élémentindispensable de la prise en charge de la patiente, mais ils n’étaient pas toujours en mesure dela faire admettre aux membres de la famille, compte tenu de leur position de médecin defamille.B : La difficulté par rapport à cette fille c’est euh…….comment dire ça ….je crois que laproblématique est plus familiale puisque c’est la famille qui refuse de se prendre en charge.Ils étaient tous en souffrance, la fille a fait une tentative de suicide, le gamin déprimé, la mèresuper mal, le père fuit complètement. Ils avaient tous une pathologie familiale évidente. Il yavait un refus de prise en charge de la famille.D’autres médecins ont cependant évoqué d’autres difficultés avec l’entourage. En tant quemédecin de famille, ils devaient, à la fois traiter la patiente, mais également maintenir un lienfamilial, sans rompre le secret médical établi entre eux et leur patiente. La connaissance de lafamille et le fait d’être le médecin traitant des autres membres de la famille de la patientepouvaient représenter un niveau de difficulté supplémentaire à prendre en compte. En effet, ilsdevenaient les confidents d’une situation commune que chacun vivait différemment. Sansprendre parti, les médecins devaient apporter leur soutien et leurs conseils en restant le plusneutre possible.F : […] les parents nous disent des choses, par rapport aux enfants, par rapport au conjoint.On veut aider et on est pas encore dans la relation directe puisque l’on sert d’intermédiaire,donc c’est toujours un peu compliqué.3.2.3. Dans l’organisation des soins et la prise en charge thérapeutique3.2.3.1. Ambulatoire3.2.3.1.1. Dans leur pratique quotidienneDes difficultés ont été relevées dans la gestion organisationnelle et dans l’approche del’anorexie mentale par les médecins généralistes.Plusieurs médecins appréhendaient cette maladie qu’ils décrivaient comme complexe.B : Il y a une sorte de banalisation, alors que c’est une pathologie qui n’est pas banale. Entous les cas qui échappe au circuit traditionnel.49


F : C’est une pathologie un peu complexe où l’on marche sur des œufs.La majorité des médecins estimait qu’il était difficile de pouvoir prendre en chargecorrectement une pathologie qui représentait un motif de consultation peu fréquent et dont ilsn’avaient pas une grande expérience.C : Cette année j’en ai eu deux, des anciennes patientes. Sur ces dix dernières années j’en aieu une à deux par an. […] on n’a pas tellement d’anorexiques en fin de compte.E : C’est vrai que comme on n’est pas confronté bah on ne va pas les chercher. On vachercher toujours les choses qui nous posent problème et quand c’est quelque chose de rarebah on va moins regarder.Une majorité d’entre eux a évoqué la nécessité de consacrer plus de temps à ces patientes enconsultation. Cette durée était nécessaire pour approfondir et aborder des problèmes de fondperçus dans l’anorexie mentale mais n’était pas toujours évidente à trouver dans le cadred’une activité de médecine générale.A : Cette gamine quand je la recevais ça durait longtemps, on était obligé de bloqué deuxconsultations. On prenait le temps.C : […] ni le temps de trop les écouter […] et en plus je n’ai pas le temps.E : […] sachant qu’on n’a pas beaucoup de tempsD’autres médecins ont abordé des contraintes économiques liées au suivi de cette pathologie.En effet, aucune rémunération n’était prévue pour le temps supplémentaire que les médecinsavaient consacré pendant les consultations prolongées ou lors de leur déplacement à l’hôpitalpour maintenir un contact avec leur patiente.A : Il faut arrêter. T’es central, mais tu dois tout faire de façon bénévole. Bah tu faiscomment ? Tu coules ta baraque. On ne nous donne aucun moyen. […]Mais bon, il fautarrêter de dire qu’on a tout le boulot à faire alors qu’on ne donne aucun moyen.I : De toutes les façons, il est tout à fait convenu que je puisse continuer à suivre ma patientesi cela est nécessaire, me rendre sur place, continuer le lien. Ca ne s’est jamais produit maisà plusieurs reprises, nous en avions parlé, évoqué la chose et bon il n'y a avait aucun souci.Alors le souci est que, comme moi je ne suis pas payé, ça ne s’est jamais produit, car ça50


eprésente tout de même le fait de monter à l’hôpital, d’aller voir la patiente, il n’y pas deraison que ce soit gratuit3.2.3.1.2. Dans l’organisation des soins avec les spécialistesPlusieurs niveaux de difficultés se sont révélés aux médecins généralistes dans l’organisationdes soins avec les spécialistes.La principale difficulté pointée dans la coordination des soins entre le médecin généraliste etles spécialistes était liée au problème de la démographie médicale en Picardie.De nombreux médecins généralistes ont eu des difficultés pour trouver un référent ouun correspondant spécialiste pouvant les accompagner dans cette prise en chargecomplexe. Cette carence était nettement marquée dans le domaine psychiatrique. Lamajorité des médecins interrogés se trouvait dépourvue de correspondant car, soit lespsychiatres n’étaient pas à proximité de leurs cabinets, soit ils étaient à proximité maisne prenaient plus de patients en consultation. Cela représentait un enjeu thérapeutiquemajeur et une difficulté de terrain que les médecins généralistes devaient prendre encompte dans leur pratique quotidienne.E : A l’époque, ma patiente avec ses troubles ne souffrait pas trop du problème dedémographie médicale qu’il y a actuellement. […] Aujourd’hui je n’ai pas véritablement deréférent préférentiel. […] On a le plus grand centre d’Europe en psychiatrie à Clermont et leproblème est que le centre est tellement vaste qu’on ne sait pas à qui s’adresser. […] Après ily a le CMP qui est sur Beauvais ; au départ, c’était plus facile mais maintenant c’est pluscompliqué pour obtenir un RDV puis les médecins changent souvent donc pour la relationmédecin patient ce n’est pas évident. Je crois qu’on manque de moyens. […] Donc, onbidouille un peu, on essaye de faire au mieux, et puis on essaye d’organiser une prise necharge avec un psychiatre quand c’est possible.B : Donc sa mère me l’a ramené avec le bilan sanguin et j’ai téléphoné pour une prise encharge, ça a été tout un jeudi après-midi pour trouver un correspondant psychiatre quiaccepterait de la prendre en charge. […] Parce que personne sur place. C’était Amiens ouParis.51


D’autres médecins ont éprouvé des difficultés à trouver une structure qui possède descompétences dans la prise en charge de l’anorexie mentale en Picardie, à proximitéde leur lieu d’exercice. Ainsi, plus de la moitié des médecins interrogés ont adresséleurs patientes dans des centres à distance des lieux de domiciliation des patients.H : On aimerait avoir des points de chutes plus simples, l’un c’était Amiens, l’autre la villaMontsouris à Paris, on est obligé de naviguer…Le deuxième niveau de difficultés s’est retrouvé dans l’organisation des soins avec lesspécialistes.Quelques médecins généralistes n’ont pas eu de retour d’informations desconsultations spécialisées ou des hospitalisations de leur patiente. La prise en charges’est effectuée parallèlement sans réalisation d’échanges.D : Alors le problème des psychiatres : comment on accède aux psychiatres ? C’est de lafolie. Et comment ils nous renseignent, comment on sait que la prise en charge avance ? Etça, on le sait que par le retour du patient, on ne le sait jamais par le psychiatre si ça avanceou si ça n’avance pas, on ne sait jamais ce qui est dit. Et donc c’est terrible parce que c’estcomme si on était sur un bateau en pleine nuit dans le brouillard et qu’on avait une boussole,on dit notre boussole c’est ça : c’est le poids, on avance, on avance, et on n’a aucun retour,on ne sait pas si on avance bien, parce que le problème de poids, il faut bien le reconnaître, ilest extrêmement fluctuant au niveau des mois, on les aide à éviter les récifs en fait… Mais çane nous dit pas tout…Et euh… ce n’est jamais acquis.H : Bah non, je ne la connais pas. C’est une dame qui habite dans le Val d’Oise. Elle m’enparle, mais effectivement on n’est pas en lien.L : Avec les psychiatres, je n’ai pas de compte rendu.Par ailleurs, d’autres critiques ont porté sur les délais trop longs à obtenir uneconsultation spécialisée.H : On m’a dit qu’il y avait un délai d’attente d’un mois et qu’il fallait au moins uneconsultation avant cette hospitalisation. Et donc, ce médecin psychiatre à Paris, souhaitaitque Claire soit vue dans le cadre d’une consultation dans son cabinet à Paris et que c’étaitelle qui déciderait de l’hospitalisation et du schéma à suivre.52


D : J’ai encore eu un cas l’autre jour, j’ai une malade qui était délirante en fait euh… elleétait… un syndrome maniaque voilà c’est ça, je lui ai demandé de prendre RDV, ça a été 3semaines après. Donc ensuite la crise maniaque elle a pu passer et puis bon… et donc il fautdire que notre problème c’est ça.Un médecin a expliqué que la transition entre la pédiatrie et la médecine adulten’était pas toujours correctement effectuée et pouvait amener à une rupture de soins.F : Le souci est qu’il y en avait une qui avait 16-17 ans, elle n’était plus avec les enfants etc’est le Pr LALAU qui s’en est occupé, qui n’est pas pédiatre et qui ne voit que le côtéendocrinien de la pathologie.Enfin, certains médecins avaient l’impression qu’il y avait un décalage entre la craintequ’ils avaient pour leur patient et la rassurance des médecins spécialistes.J : On est souvent très inquiets pour nos patients et eux ne sont pas du tout inquiets…. (rires).Il y a un décalage… […] parfois sans être alarmant, si je l’envoyais à l’hôpital on me diraitque je m’inquiète pour rien qu’elle va très bien, on me dirait de ne pas m’embêter avec cela,point à la ligne.3.2.3.2. HospitalisationsPlusieurs médecins généralistes ont exprimé des difficultés à organiser une hospitalisationpour leur patiente.Les médecins généralistes étaient conscients que ces hospitalisations étaient contraignantes.Cependant, elles restaient nécessaires et parfois indispensables quand le contexte d’unpronostic vital était évoqué. La difficulté résidait dans le fait que les patientes atteintesd’anorexie mentale ne percevaient pas de la même façon l’enjeu de l’hospitalisation etrejetaient l’ensemble des soins qui leur étaient proposés. Les témoignages recueillis sur leshospitalisations des patientes par les médecins étaient connotés négativement. Ceshospitalisations étaient vécues comme une période de souffrance et d’exclusion sociale.L’isolement et la longue durée de prise en charge hospitalière étaient des éléments malacceptés des patientes. Enfin, une patiente a été contrainte à un gavage qui a été mal vécu et arendu l’adhésion à la prise en charge conflictuelle.53


E : Elle avait été prise en charge aussi au tout début à Saint Anne. Elle m’avait parlé desdifficultés qu’elle avait eues à l’époque à rester isolée avec une sorte de gavage puisqu’ellerefusait la nourriture, donc on l’avait forcée à se nourrir et à manger. […] elle ne souhaitaitplus de prise en charge hospitalière là-bas, qu’elle avait trop souffert et qu’elle voulaitdésormais être suivie en ambulatoire.Les médecins ont été obligés de négocier des soins qui leur semblaient indispensables pour lapatiente. Ils se retrouvaient dans une position délicate et culpabilisaient de devoir imposer leurpoint de vue avec force. Un des médecins a confié avoir dû procéder à une hospitalisationsous contrainte pour prévenir les risques organiques liés à la perte pondérale d’une patientequi refusait toute prise en charge.A : […] On ne pouvait pas l’hospitaliser de force. […] Moi de toutes les façons, je lui aiexpliqué que si elle ne reprenait pas de poids on allait devoir l’hospitaliser en milieuspécialisé. […]On ne pouvait pas l’hospitaliser de force en dehors des périodes d’extrêmesurgences où elle était en hypokaliémie.B : Ah oui, donc il s’est passé deux épisodes. Donc, bien sûr, elle me fuyait puisque j’étais lecontrat et qu’elle savait que je l’hospitaliserais. Donc elle est venue une fois, en sortant d’uneconsultation je la vois, elle était ensanglantée, donc je reviens, j’étais au téléphone. Donc jereviens pour la faire hospitalisée car il y avait eu un événement aigu et quand je suisressortie... elle n’était plus là. Que se passe-t-il ? Elle a fait un malaise ? Elle est tombée ?Bah, elle t’a vu et elle est partie. Bon ça c’était raté. Et deuxième fois, deuxième épisode aigu,c’est sa sœur qui est venue en me disant que ses parents étaient partis toute la journée etqu’elle avait fait un malaise. Donc, j’ai appelé le SAMU, car il fallait l’hospitaliserabsolument. Et dès qu’elle a entendu les pompiers, elle est partie. Quand ils sont arrivés ilsn’ont trouvé personne donc ils sont repartis. Et la troisième fois, c’est la famille qui a appeléen disant qu’elle avait fait une crise de nerf et qu’elle avait tout cassé, on a donc fait uneHDT. Elle y est depuis début août (deux mois).E : elle voulait désormais être suivie en ambulatoire.Sur le plan organisationnel, les médecins ont parfois rencontré des difficultés pour anticiperles soins hospitaliers afin d’éviter l’affrontement auquel ils étaient confrontés avec leurpatiente au cabinet.54


Sur Amiens, certains ont estimé que le temps pour obtenir la première consultation conjointeavec le Pr LALAU et le Dr BLONDIAUX était trop important et retardait la prise en chargespécialisée. Ils avaient le sentiment de n’avoir aucun recours intermédiaire pour répondre àune situation qui leur semblait urgente. Ils auraient souhaité pouvoir passer la main plusrapidement dans les situations qu’ils ne contrôlaient plus.I : Alors la seule chose est que comme cela fait deux ans qu’il y a une consultation conjointequi est organisée psychiatre-endocrinologue pour recevoir les nouveaux cas, quelquefois çapeut être un peu long de trouver une date.D’autres ont regretté de ne pas avoir été informés de l’existence de la structure. De ce fait,l’organisation d’une hospitalisation sans lien privilégié avec un spécialiste a rendu ladémarche plus compliquée et surtout plus longue.B : Je ne connais pas du tout la structure, je n’en n’ai jamais été informé. Il est vrai que jetravaille pourtant avec eux pour d’autres choses.Enfin, un médecin s’est senti exclu de la prise en charge de sa patiente puisqu’après l’avoiradressé en milieu hospitalier, il ne l’a plus revue en consultation.I : Et c’est ce qui se passe assez souvent, je propose et puis je n’entends plus parler depersonne….c’est arrivé plusieurs fois.3.2.3.3. Les échecs de prise en chargeL’une des difficultés majeure ressentie par les médecins généralistes lors de la prise en chargede l’anorexie mentale a été l’avènement de l’échec thérapeutique. Même si l’échec étaitconcevable, il n’était jamais facilement accepté. L’implication et les efforts menés pouraccompagner un patient étaient contraignants et pouvaient décourager quand aucun résultat neconcrétisait le travail entrepris avec un patient.Ces échecs ont été perçus à différents niveaux. En effet, les médecins interrogés ont évoquédes échecs thérapeutiques attribuables à la patiente.55


Quelques médecins ont eu des difficultés à organiser une prise en charge coordonnéeavec un psychiatre liée à l’absence de consultations psychiatriques disponibles danscertains secteurs de la Picardie. Les psychiatres étaient saturés en termes de demandeset ne pouvaient plus répondre favorablement à toutes les sollicitations qui leur étaientfaites.B : Elle m’avait donné trois-quatre correspondants. A chaque fois, c’était non, ce n’est paspossible, on a trop de monde.E : Mais maintenant, les psychiatres sont tous débordés donc j’en adresse peu. J’ai despsychiatres qui actuellement refusent des patients sur Beauvais.De ce constat, lié au manque de spécialistes, a suivi le problème du retardthérapeutique. Cette conséquence était difficile pour le médecin généraliste qui devaitcomposer une solution thérapeutique dans l’attente d’être secondé par un spécialiste.B : J’avais à nouveau téléphoné à la maison de Solène qui m’avait dit on ne peut toujourspas, débrouillez-vous.Enfin, lorsque la mise en place d’un suivi spécialisé a été réalisée, quelques médecinsgénéralistes regrettaient de ne pas être mieux informés du déroulement du suivi réaliséparallèlement au leur.B : Et là encore, je n’ai pas reçu de courrier, rien du tout. C’est la maman qui me rapportaitles propos. […] Entre temps, pas de courrier, pas de coup de téléphone, rien du tout. […] Lefait qu’il n’y ait pas eu de prise en charge sérieuse psychiatrique, au tout début, pendant sixmois, lui a peut-être fait dire que finalement on se désintéressait de son cas, ou que ce n’étaitpas si sérieux que ça. Il y a peut-être quelque chose qui….c’est ma vision des choses, c’est unpeu compliqué.Enfin, le dernier niveau d’échec décrit par les médecins généralistes était lié au systèmehospitalier.Plusieurs médecins généralistes se sont trouvés en difficulté devant la latence de laprise en charge hospitalière de leur patiente. Ce facteur temps a été vécu difficilementpar les médecins généralistes qui n’avaient pas de solutions à proposer à leur patientependant cette période d’attente.57


B : Donc à nouveau on lui a proposé une hospitalisation. Donc ça c’était fin septembreoctobreet on lui proposait une hospitalisation pour mars-avril. .J : Ah oui, oui, oui. On est vachement démuni. On tire souvent la sonnette d’alarme et rien nese passe. Je vois des petites nanas en consultation, arrivées à 15-16 ans. Je vois la nana quicommence à fondre […]. Puis la jeune parfois elle ne veut pas me dire ce qui se passe….jevois bien que ça ne va pas.Quelques médecins se sont retrouvés en échec face aux refus d’hospitalisation ou descontrats décidés au cours de l’hospitalisation. En dehors des hospitalisations souscontrainte, la patiente était libre de choisir son mode d’hospitalisation qui n’était pastoujours adéquate avec la gravité de la situation.I : Plusieurs fois on lui a proposé des contrats d’hospitalisation qu’elle n’a jamais tropacceptés. […] dans mes patientes, on a jamais mené une hospitalisation jusqu’au bout. Il y atoujours eu rupture de contrat juste avant ou dès le départ…Enfin quelques médecins interrogés ont eu le sentiment qu’Amiens n’était pas encoretout à fait adapté à la prise en charge hospitalière de ces anorexiques. Certainsdoutaient des moyens mis en place pour organiser leur hospitalisation.I : Car là actuellement, on a un suivi de consultation et proposition d’hospitalisation aveccontrat mais il n’a y a pas la structure derrière. C’est embêtant. Il m’est arrivé avec l’une demes patientes qui pendant son hospitalisation ne devait pas quitter sa chambre, qui allait sebalader, qui descendait, qui faisait absolument ce qu’elle voulait. Donc le contrat qu’on luiavait proposé ne semblait pas être retenu du fait d’un manque de surveillance, bon manqued’adhésion au contrat aussi. Il faudrait carrément un espace dédié avec un personnelcomplètement formé. Aujourd’hui on ne l’a pas.3.3. Les propositions et perspectives des médecins généralistesFace aux nombreuses difficultés rencontrées sur le terrain, les médecins généralistesinterrogés ont remis en question leur approche de l’anorexie mentale. Ils ont confié leursattentes et propositions pour améliorer la prise en charge de cette pathologie en médecinegénérale.58


3.3.1. Amélioration de leur pratique au cabinetPlusieurs idées ont été proposées pour améliorer l’approche de l’anorexie mentale par lesmédecins généralistes.Quelques médecins ont estimé qu’il était nécessaire que les spécialistes se rendent plusfacilement disponibles afin de répondre aux inquiétudes des médecins généralistes face à unesituation qu’ils maîtrisaient peu.J : Puis qu’on vous propose de revoir le patient dans un mois ou avant si jamais vous êtesinquiet. Voilà, ça j’aimerais bien.D’autres ont pensé que l’acquisition d’expériences permettait d’améliorer la prise en chargede cette pathologie. En effet, dépister et diagnostiquer davantage de cas pouvait aider àanticiper des soins mieux adaptés au contexte pathologique.E : […] Car c’est avec le temps qu’on finit par acquérir de l’expérience.F : Ah….bah le premier questionnement c’est nous qui l’avons. Le fait de faire partie d’unréseau m’aiderait aussi dans la prise de conscience de cette pathologie.Enfin, plusieurs médecins ont pensé qu’il était nécessaire de savoir reconnaître les prémicesde l’entrée dans la pathologie. Le dépistage leur semblait indispensable pour prendre encharge précocement l’anorexie mentale et éviter l’installation de la pathologie dans le temps.F : Le questionnement est que l’on connaît les situations où l’on se trouve dans la phasecritique…mais le questionnement est de savoir à quel moment nous trouvons nous dans lapathologie ou pas.3.3.2. Amélioration de l’organisation des soinsLes médecins généralistes ont émis plusieurs propositions pour améliorer l’organisation dessoins des patientes atteintes d’anorexie mentale.Quelques médecins ont pensé que leur intervention en milieu hospitalier dans le cadre d’unmaintien du suivi de leur patiente devait être rémunérée.59


I : Je ne sais pas comment ça peut se faire, le patient pourrait payer une visite,…, il faudraitpeut-être que ce soit relayé par le secrétariat du service. Il faudrait quelque chose commecela, je ne sais pas exactement.La majorité des médecins souhaitait que la coordination des soins avec les psychiatres soitaméliorée.De nombreux médecins auraient aimé avoir les coordonnées d’un médecin référentdans la prise en charge de l’anorexie mentale. Ils souhaitaient un soutien pour lesguider dans cette prise en charge complexe. Ce lien pouvait être physique mais aussitéléphonique.E : Je verrais bien un référent sur lequel on pourrait s’appuyer ou un numéro vert.[…]Autant dans certaines pathologies j’arrive à fonctionner de façon autonome et ai peu deréférent, mais dans le domaine de la psychiatrie je n’ai personne.F : Un guide d’orientation avec des référents locaux ou régionaux c’est toujours bien.B : Mais ce qu’il faudrait derrière, c’est une liste de numéro qui répond. […] avoir descontacts avec les psys.H : […] de l’information sur qui fait quoi et qui propose quoi.D’autres médecins souhaitaient que l’échange entre professionnels se fassesystématiquement. L’échange qui faisait partie de la prise en charge de la patienteaidait également les médecins généralistes à progresser dans leur démarche et leurapproche de la pathologie.H : Qu’il y ait au moins un retour, un coup de fil m’expliquant ce qui s’est passé. Si on veutêtre objectif, on a besoin d’informations complètes afin d’aider le patient à avancer dans saproblématique.E : Et l’échange professionnel nous permettrait d’acquérir une expérience et l’échange seraitplus simple comme cela. […]. Ce qui nous manque cruellement est la relation que l’on peutavoir avec nos confrères spécialistes.60


Enfin, plusieurs médecins auraient aimé que l’évaluation psychiatrique et diététique soitréalisée plus précocement. En effet, ils ne se sont pas toujours sentis aptes à juger de lagravité de la situation et auraient souhaité être soutenus dans les décisions prises à l’égard deleur patient.J : Déjà avoir un avis nutritionniste et psychologique rapide. Le patient est-il en dangerpsychologique ou pas ? Après …nous guider y a-t-il danger ou pas ? Quelles sont les limitesà ne pas dépasser ? …Car c’est parfois du flou avec nos patients. Voilà, vous pouvez tolérertelle ou telle limite. On vous donne tel conseil, vous pouvez aller dans ce sens-là. Caj’aimerais bien. Puis on vous propose de revoir le patient dans un mois ou avant si jamaisvous êtes inquiet. Voilà, ça j’aimerais bien.3.3.3. Développement de formationsL’ensemble des médecins interrogés regrettaient de ne pas avoir été mieux formés au cours deleurs études sur le diagnostic et la prise en charge thérapeutique de l’anorexie mentale. Lesconnaissances théoriques qu’ils avaient acquises sur cette pathologie provenaientessentiellement des informations qu’ils avaient retrouvées dans des manuels de psychiatrie oudans des revues médicales. Sur le plan pratique, ils utilisaient leurs propres expériences quiparfois ne suffisaient pas pour systématiser leur conduite thérapeutique à tenir carl’épidémiologie de cette pathologie au cabinet du médecin généraliste restait faible. Pourtant,ils étaient curieux et souhaitaient approfondir leurs connaissances dans ce domainepathologique qui les interpellait. Ils souhaitaient être mieux armés pour prendre en chargel’anorexie mentale de façon optimale.B : Je me suis formé tout seul, et j’ai beaucoup lu car c’est une maladie qui interpelle.E : on ne connait que le minimum de la pathologie donc après on va dans les livres et on faitson expérience soi-même.H : Je n’ai pas eu de formation particulière. Après je suis à l’écoute des patients et j’ai ledésir sincère de les aider donc ils savent qu’ils peuvent trouver un réconfort. C’est juste cela,être humaine.Tous les médecins généralistes interrogés ont fait part de leurs souhaits quant à l’améliorationde leur formation et de leur information dans leur pratique quotidienne concernant la prise en61


charge de l’anorexie mentale. La formation leur semblait nécessaire et indispensable au bondéroulement du suivi des patients anorexiques.Majoritairement, les médecins souhaitaient qu’une information sur les structures, lescorrespondants spécialisés dans l’anorexie mentale ainsi que des renseignements sur lapathologie elle-même, leur soient accessibles. Ils perdaient trop de temps à rechercher unconfrère spécialisé dans cette pathologie pouvant leur apporter le soutien nécessaire pourélaborer une prise en charge structurée et coordonnée. Cette information aurait pu se présentersous la forme d’un dépliant informatif qui a l’avantage d’être gardé dans un tiroir ou sur lebureau, mais cela aurait aussi pu être l’objet d’une Formation Médicale Continue danslaquelle plusieurs spécialistes de la question seraient intervenus et auraient échangé avec lesmédecins généralistes.I : A partir du moment où il y aurait individualisation d’un espace, il pourrait envoyer uneplaquette aux généralistes en disant voilà il y a tel espace qui est créé, vous pouvez prendrecontact avec tel correspondant par téléphone, voilà quelques critères…C : Oui, un dépliant, comme il y en a eu dans d’autres pathologies et notamment dans la SpAoù l’on avait un retard diagnostic de 10 ans en moyenne chez les médecins généralistes et ilest vrai que les dépliants sont un véritable outil d’aide.F : Un guide d’orientation avec des référents locaux ou régionaux c’est toujours bien.H : De l’information, vraiment...Sous forme d’une plaquette, d’une brochure que je pourraismettre dans mon tiroir afin que lorsque je suis confronté à cette problématique je puisse lasortir et m’y référer. C’est l’information et après les réseaux se font tous seuls.G : […] La formation postuniversitaire dans des structures telles…Par ailleurs, plusieurs médecins ont pensé qu’il était nécessaire d’actualiser leursconnaissances sur l’anorexie mentale pour être performants dans un domaine qu’ils nepratiquaient pas quotidiennement.J : Il faudrait qu’il y ait une structure intermédiaire ou que nous, on soit plus formé parrapport à ce problème-là.I : Je pense que pour l’instant, bon il faut actualiser ses connaissances régulièrement.62


De façon générale, les médecins généralistes ont estimé qu’il était indispensable qu’uneformation et une information concernant l’anorexie mentale soit réalisée de façon plusencadrée et mieux structurée. Il leur semblait important d’actualiser leurs connaissancesrégulièrement afin d’offrir aux patients une prise en charge de qualité.3.3.4. Développement des réseaux de soins et structures d’accueil dédiéesLa majorité des médecins interrogés a pointé, d’une part, que l’anorexie mentale était unepathologie complexe, d’autre part, que le suivi entre la médecine générale et la prise en chargespécialisée était trop scindée.Lors des différents entretiens, l’ensemble des médecins interrogés avaient un lien avec unréseau de soin adapté à une pathologie chronique (diabète, obésité, soins palliatifs, maladied’Alzheimer,…). Ils m’ont fait part de leur expérience et de leur implication de près ou deloin dans ces structures qui leur apportaient un grand soutien dans leur pratique quotidienne etamélioraient le suivi ambulatoire de leurs patients. Tous, et ce de façon unanime, souhaitaientque ce modèle soit appliqué pour la prise en charge de l’anorexie mentale en Picardie. Ilspensaient qu’entre le cabinet du médecin généraliste et le milieu hospitalier, une entitéautonome devait prendre le relais pour répondre aux questions de l’ensemble des personnestouchées par cette pathologie. Ils regrettaient de n’avoir aucun intermédiaire entre eux etl’hôpital.B : Pourquoi pas un réseau de soins, avec des correspondants qui se sentent plus impliqués,je travaillerais volontiers. Actuellement, ce n’est pas un abandon, mais chacun vient mettre sapetite contribution, mais rien de plus.E : Ce qui serait bien serait de pouvoir travailler avec une structure sur laquelle on pourraitse reposer et qui ait des compétences adaptées pour accueillir et prendre en charge cesmalades.I : Idéalement, il faudrait un lieu dédié avec un certain nombre de lits, aussi un espace deconsultation et que tout soit intégré dans ce lieu, aussi bien la diététicienne, les médecins, lepersonnel infirmier et autre. Un lieu autonome en partie avec les possibilités….63


Les médecins généralistes souhaitaient qu’un lieu dédié à la prise en charge de l’anorexiementale soit créé. Ils ont observé des besoins auxquels ils ne pouvaient pas répondre et qui nerelevaient pas toujours d’une prise en charge hospitalière.Beaucoup de médecins pensaient que la famille devait bénéficier d’un lieu d’écoute. Lesmédecins n’avaient pas toujours le temps et ne se sentaient pas toujours à leur place pourrecevoir les familles en consultation mais étaient conscients de l’importance du rôle desproches dans l’anorexie mentale. L’ensemble des médecins interrogés suggérait l’existence deconflits familiaux et avaient l’intuition qu’un lien entre la pathologie et la famille existait. Deplus, ils pensaient qu’être le seul intermédiaire entre la patiente et sa famille, n’était pasbénéfique pour la prise en charge. Ainsi, ils souhaitaient qu’un lieu soit dédié à l’accueil de lafamille offrant un soutien et des conseils appropriés au contexte de prise en charge. Ils ontproposé que ce lieu puisse exister au sein d’une structure spécialisée dédiée à la prise encharge de l’anorexie mentale.B : La difficulté par rapport à cette fille c’est euh….comment dire ça …. Je crois que laproblématique est plus familiale. Ils étaient tous en souffrance, la fille a fait une tentative desuicide, le gamin déprimé, la mère super mal, le père fuit complètement. Ils avaient tous unepathologie familiale évidente. Et le problème est que j’étais tout seul. […]Ce qui mefaciliterait, ce serait d’avoir des contacts avec les psys et une structure de répit pour lafamille.Plusieurs médecins ont pensé qu’un lieu regroupant la pédiatrie et la médecine adulte dansle cadre de la prise en charge de l’anorexie mentale pouvait faciliter le suivi de ces patients etéviter les ruptures de soins.H : Donc ce serait assez exemplaire qu’on puisse concevoir un espace dans lequel onpourrait recevoir des adultes et des adolescents.Quelques médecins souhaitaient qu’un lieu d’écoute leur soit aussi réservé afin d’échangerleurs expériences et de pouvoir progresser dans leurs prises en charges. Ils expliquaient quel’anorexie mentale ne les avait pas laissés pas indemnes. De ce fait, Ils avaient besoin de cetemps d’écoute pour être rassurés et parfois soulagés.B : On a besoin d’une structure de répit pour les soignants aussi bien que pour les familles,pour tout le monde. Alors je ne sais pas…un réseau…mais il faut qu’il y ait des gens àl’écoute.64


Enfin, ils espéraient qu’un lieu intermédiaire puisse être créé afin de réunir l’ensemble desintervenants dans la prise en charge de l’anorexie mentale et d’améliorer la coordination dessoins apportés aux patients. L’objectif était de faciliter les échanges entre les soignants et deles réunir dans un même lieu, leur permettant de proposer une prise en charge personnalisée etadaptée à la patiente. Plusieurs médecins souhaitaient s’investir dans une telle structure. Deuxmédecins m’ont confié, en aparté, qu’un rôle de coordinateur sur le plan de la médecinegénérale dédiée à l’anorexie mentale leur plairait et qu’ils pensaient que c’était en réunissantles soignants qu’on pouvait acquérir plus de rapidité et d’efficacité pour traiter les malades.3.3.5. Outils d’aide à la pratiqueLa totalité des médecins interrogés souhaitait avoir un outil utilisable dans leur pratiquequotidienne pour les aider à prendre en charge les patients atteints d’anorexie mentale.Ils auraient aimé que cet outil soit simple d’utilisation, rapidement consultable et que seuls leséléments essentiels soient présentés. L’objectif, selon eux, était d’aider le médecin généralistedans sa prise en charge lui permettant de repérer rapidement les signes de gravité ainsi que lescorrespondants à contacter.E : Oui tout à fait. En médecine générale ce que l’on recherche c’est un outil simple, concis,clair d’utilisation préciseC : Mais il faut que ce soit simple d’utilisation et vite consultable. Parce que si vous faites destrucs à rallonge avec des annexes…Il faut être clair, pas trop de messages à la fois, et puisune orientation simple.Les médecins interrogés souhaitaient que le format de cet outil soit réalisé sous forme dedépliant avec plusieurs feuillets comportant des informations différentes : un résumé dessignes de gravité des recommandations de l’HAS 2010, une liste de référents départementauxou régionaux avec des numéros de téléphone de ligne directe permettant de les joindrefacilement et rapidement. Cet outil serait uniquement destiné aux médecins généralistes. Unautre outil à usage des patients et des familles pourrait être envisagé mais différent de celuides médecins généralistes, car il ne répond pas aux mêmes attentes.C : Un dépliant, comme il y en a eu dans d’autres pathologies et notamment dans la SPA oùl’on avait un retard diagnostic de 10 ans en moyenne chez les médecins généralistes et il estvrai que les dépliants sont un véritable outil d’aide.65


F : Un guide d’orientation avec des référents locaux ou régionaux c’est toujours bien.H : De l’information, vraiment...Sous forme d’une plaquette, d’une brochure que je pourraismettre dans mon tiroir afin que lorsque je suis confronté à cette problématique je puisse lasortir et m’y référer. C’est l’information et après les réseaux se font tous seuls.J : Qu’est ce qui pourrait m’être utile. Alors, il y a eu plein de recommandations détailléesdernièrement, qui étaient un peu trop pour moi, mais les grandes lignes m’ont bien aidée :les lignes rouges à ne pas franchir, quand il faut s’inquiéter, voilà…C’est ça dont on abesoin. C’était un article que j’avais lu qui était un peu poussé, ce n’était pas du courant enville. Un petit livret, avec….les conseils…quand on n’atteint pas les phases critiques quelsconseils à donner. Les grandes lignes à suivre.A noter cependant, qu’aucun médecin ne m’a cité le site de l’AFDAS-TCA et notamment lacarte de France accessible sur internet référençant l’ensemble des centres spécialisés dans lesTroubles du Comportement Alimentaire par région. Ce site dispose d’informationsintéressantes destinées aux professionnels, aux patients et aux familles des patients.66


4. Schéma synoptique des résultats67


DISCUSSIONDans un premier temps, je présenterai une critique de l’enquête réalisée en traitant des forceset des limites de mon étude. Dans un second temps, en m’appuyant sur la problématique, jecomparerai le vécu des médecins interrogés au regard de l’anorexie mentale et des écrits desspécialistes. Enfin, je proposerai une application pratique de ce travail en présentant d’unepart, une maquette de document destiné aux médecins généralistes exerçant en Picardie,d’autre part, en abordant le développement du réseau de soins spécifique à l’anorexie mentaleen Picardie.1. Forces et limites de l’étude1.1. Forces de l’étudeMon étude traite d’une pathologie qui n’est pas représentative de l’activité principale desmédecins généralistes, mais dont les soignants et les pouvoirs publics ont pointé la gravité. Eneffet, l’anorexie mentale est l’une des pathologies psychiatriques ayant le taux de mortalité leplus élevé [15]. Selon les recommandations de bonnes pratiques de l’HAS parues en 2010, 5 à10% des adolescents souffrant d’anorexie mentale décèdent des complications de leurpathologie. Par ailleurs, la mortalité des patients souffrant d’anorexie mentale d’évolutionchronique (dont le suivi a été supérieur à 20 ans) est estimée à 20%, ce qui représente unemortalité de 0,5% par année d’évolution, soit douze fois plus que la mortalité attendue à cettepériode de la vie [2].Les cas d’anorexie mentale (critères DSM) sont rares en médecine générale. Cependant, ilsemble, selon deux études européennes effectuées en Angleterre et aux Pays-Bas, quel’incidence de cette pathologie en médecine générale augmente depuis ces dernières années[16, 17]. Or, nous ne disposons en France d’aucune donnée épidémiologique concernant laprévalence et l’incidence des troubles du comportement alimentaire, et de peu de données surleur devenir [2]. Par ailleurs, selon une étude anglaise menée par le NICE en janvier 2004, lescas d’anorexie mentale sont sûrement sous-estimés, alors qu’ils pourraient bénéficier d’une69


prise en charge précoce. De plus, selon une autre étude anglaise menée par l’équipe du DrOGG en 1997 concernant l’attitude des médecins généralistes face aux TCA, 70% despatients consultant pour des TCA sont adressés par le médecin généraliste pour une prise encharge spécialisée [18, 19].Ainsi, cette pathologie grave susceptible de se chroniciser et dont l’impact en terme demorbidité et mortalité à long terme est important, représente un enjeu de santé publiqueimportant, insuffisamment pris en compte dans notre pays, jusqu’à récemment. Toutefois,depuis 2008, il existe une prise de conscience de la gravité de cette situation en France, avecla présentation de deux rapports à l’Assemblée Nationale visant à lutter contre les incitations àla recherche d’une maigreur extrême ou à l’anorexie, ainsi que l’élaboration des premièresrecommandations de bonne pratique concernant la prise en charge de l’anorexie mentale parla HAS. Par ailleurs, l’étude anglaise menée par le NICE en janvier 2004 et lesrecommandations de bonne pratique de l’HAS, rappellent que le médecin généraliste joue unrôle central dans la prise en charge multidisciplinaire de cette pathologie [18, 2].Ainsi, j’ai souhaité étudier cette pathologie du point de vue des médecins généralistes enPicardie, dans la mesure où il s’agit d’une pathologie grave, à laquelle l’ensemble desmédecins doit être sensibilisé afin d’améliorer son dépistage, sa prise en charge et sonpronostic.A ma connaissance, il s’agit du premier travail effectué sur le thème de la prise en charge del’anorexie mentale par les médecins généralistes en Picardie. Cette étude tente de dresser unétat des lieux sur la gestion de cette pathologie complexe au quotidien par les médecinsgénéralistes. L’objectif n’est pas de porter un jugement sur leur pratique au quotidien maisplutôt de témoigner d’une situation afin de développer une réflexion sur l’organisation dessoins en lien avec la prise en charge de cette pathologie en Picardie.Ce travail de terrain naît dans un contexte particulier. En effet, à ce jour, aucune entité deprise en charge des TCA en milieu hospitalier ou ambulatoire en Picardie n’existeofficiellement. Or, depuis plusieurs années les équipes d’endocrinologie, de psychiatrie et depédiatrie du CHU d’Amiens travaillent activement pour faire émerger une structure deréférence qui offrirait un plateau technique adéquat à la gestion de cette pathologie.70


Dans ce contexte de création d’une unité de référence pour la prise en charge de l’anorexiementale en Picardie, il m’a semblé important de recueillir les ressentis et besoins desmédecins généralistes intervenant en amont de la prise en charge spécialisée afin que lesmédecins spécialistes puissent mieux entrevoir la réalité de terrain à laquelle sont confrontésleurs confrères généralistes.Ainsi, l’ensemble de ce travail propose une réflexion visant à élaborer une prise en chargecoordonnée, globale et multidisciplinaire de qualité des patients atteints d’anorexie mentaledans la région Picardie.J’ai traité ce sujet à l’aide d’une méthodologie qui me semble adaptée aux objectifs de l’étude.J’ai souhaité recueillir les différentes approches, visions, interprétations et ressentis desmédecins généralistes à propos d’une pathologie complexe dont la prise en chargemultidisciplinaire représente un enjeu thérapeutique important.En effet, la recherche qualitative ne cherche pas à quantifier ou à mesurer mais consistedavantage à recueillir des données verbales (plus rarement des images ou du son) permettantune démarche interprétative. Par son approche compréhensive, cette méthode permetd’explorer le lien entre « la vraie vie » du clinicien et la « science dure », mais égalementd’explorer les émotions, sentiments, comportements et expériences personnelles des sujetsinterrogés. Dans un modèle classique d’enquête, une hypothèse est avancée puis est testée parun protocole. En revanche dans le modèle qualitatif, les hypothèses sont issues del’observation des résultats. L’approche qualitative recherche une hypothèse ou aboutit à uneclassification qui pourra ensuite être explorée par l’approche quantitative (constructivisme)[12]. La démarche est donc inductive, interprétative, allant de l’observation à l’hypothèse.L’ordre des procédures est inversé, ce qui permet de débuter le travail en restant le plus ouvertpossible par rapport aux résultats auxquels on pourrait aboutir. Ainsi, contrairement à uneétude quantitative, la formulation de l’hypothèse de travail ne se précise qu’au fur et à mesurede la prise de données [20].Par ailleurs, j’ai recherché à dialoguer avec les médecins que j’ai rencontrés, afin d’avoir« une écoute […] attentive de la personne qui parle » [21]. Je voulais éviter les entretiens oùle médecin doit répondre à des questions fermées, trop précises, dans lesquelles il ne peut pasdévelopper sa réponse. La méthode qualitative par entretiens semi-dirigés m’a paru la plusadaptée à cette recherche en profondeur, car elle permet de poser des questions ouvertes, dans71


un ordre qui s’adapte à la conversation. Cette technique permet de diriger l’entretien pour nepas qu’il s’épuise, mais sans l’emmurer ou le restreindre [21].La méthodologie qualitative a en effet « davantage vocation à comprendre, à détecter descomportements, des processus ou des modèles théoriques qu’à décrire systématiquement, àmesurer ou à comparer » [21]. A ce titre, cette méthodologie de recherche est particulièrementadaptée à des sujets de médecine générale tels que celui que je traite ici, du fait qu’ellepermet un abord plus élargi du système de santé et des déterminants de soins [22].Il existe plusieurs façons de recueillir les données : en entretien individuel ou en entretien degroupe (focus group). En ce qui me concerne, j’ai choisi de réaliser des entretiens individuelscar ils ont l’avantage de pouvoir aborder des sujets intimes ou délicats sachant que l’interviewn’a lieu qu’entre deux personnes face à face. Ainsi, les médecins généralistes interrogés ontpu s’exprimer librement sans avoir l’impression d’être jugés sur leurs pratiques et pouvaientainsi livrer plus facilement leurs questionnements et ressentis, contrairement aux techniquesde groupes. L’entretien individuel m’a donc paru la méthode la plus appropriée à marecherche notamment au niveau de sa mise en œuvre, sachant qu’il suffit uniquement de laprésence de l’enquêteur et l’enquêté pour exister.Il demeure trois façons de mener les entretiens individuels: semi-structurés, structurés ouapprofondis. Mon choix s’est porté sur la réalisation d’entretiens semi-structurés. L’analysedes résultats a été effectuée selon la méthode de théorisation ancrée (Grounded theory). Cetteméthode spécifique développée par Glaser et Strauss en 1967 vise à construire la théorie àpartir des données recueillies [13]. Elle est ancrée dans le texte et n’utilise ni grilles d’analyse,ni thèmes prédéfinis par le chercheur. Ainsi, elle a l’avantage de disposer de peu deconnaissances préalables sur le sujet étudié puisque la théorie se génère à partir des donnéesde la recherche. Par ailleurs, elle permet des allers-retours entre la récupération des données,leur analyse, d’une part, et les composantes analytiques, d’autre part. Ainsi, la qualité desdonnées recueillies, la profondeur et la vraisemblance des interprétations des faits ne s’entrouvent que meilleures [23].Notons que j’ai choisi d’écarter les entretiens structurés car le scénario doit être déterminé àl’avance : il n’y a pas de flexibilité permise et les questions sont posées de façonstandardisées. Ainsi, cette technique nécessite davantage de connaissances préalables, maissurtout, offre moins de liberté d’expression à l’enquêté.72


Enfin, j’ai écarté les entretiens approfondis car cette technique nécessite de la part desinterviewers qu’ils soient chevronnés. En effet, comparés aux entretiens semi-structurés, lesentretiens approfondis demandent à l’enquêteur d’être plus expérimenté et plus entraîné afind’obtenir des résultats reproductibles. Seules une à deux questions sont préparéesinitialement, ce qui impose de relancer régulièrement l’entretien mais qui compliquel’utilisation de cette méthode pour des personnes non expérimentées. De plus, l’informationissue de l’entretien libre est très difficile à traiter, catégoriser et interpréter [7], impliquant lerisque d’être hors sujet [11]. Cette technique nécessite donc d’y être formé et entraînépréalablement, ce que je n’étais pas.1.2. Limites de l’étudeMon étude comporte des biais liés au panel de médecins interrogés et la méthodologiequalitative qui induisent les biais liés aux conditions de réalisation des entretiens, à l’enquêté,l’enquêteur, ainsi qu’à l’analyse des entretiens.J’ai interrogé davantage de médecins exerçant en milieu urbain, qu’en milieu rural. J’ai àl’esprit que mon panel manque de diversité sur le plan de la répartition géographique desmédecins interrogés en Picardie. En effet, j’aurais pu réaliser mes entretiens sur un territoireplus étendu en incluant principalement le département de l’Aisne. Ce manque de diversité estlié également à la « saturation des données » obtenue au bout du douzième entretien et dumanque de temps pour coordonner la réalisation des entretiens sur l’ensemble de la région.Les entretiens n’ont pas tous été menés dans les mêmes conditions. Leur durée a été variableselon les médecins. Chacun d’entre eux m’a livré son expérience et sa réflexion personnellesur l’anorexie mentale, ce qui m’a amenée à conduire des enregistrements plus ou moinslongs variant d’une dizaine de minutes à plus d’une heure pour certains. De plus, je n’ai pasété reçue dans les mêmes contextes. En effet, si tous les entretiens ont été menés au cabinetrespectif des médecins, certains m’ont reçue entre deux consultations alors que d’autres ontpris le temps de me voir en dehors de leur temps de consultation. Leur disponibilité pourrépondre à mes questions n’est donc pas comparable selon les uns et les autres. De plus, laprésence de parasites en consultation, comme le téléphone ou la maîtrise du temps écoulé,73


pour ne pas empiéter sur la consultation suivante, ont probablement affecté le recueil de mesdonnées par une moindre disponibilité de leur part.Dans la méthode qualitative des biais peuvent également venir de l’enquêté, puisque la qualitéde l’information dépend de [12] :- la capacité de réflexion de la personne interrogée (associations d’idées, capacité depenser, etc.),- l’esprit de synthèse de l’enquêté,- la participation psychologique des propos,- des mécanismes de défense que l’interrogé déploient (fuite, rationalisation,projection, introjection, identification, refoulement, renversement, oubli, etc.).A noter que mon étude a été menée auprès de médecins, une population avertie, dont lesréponses sont maîtrisées. De plus, cette étude est assimilée à une évaluation des pratiquesprofessionnelles par les médecins. Ainsi, bien qu’il leur soit rappelé le maintien de leuranonymat avant chaque interview, l’enregistrement des entretiens ne les met pas à l’aise. Dece fait, le début des entretiens a été parfois constitué de réponses stéréotypées liées à la crainted’un jugement porté sur leur pratique. Cependant, au fur et à mesure du déroulement del’entretien, les médecins se sont livrés plus facilement. Malgré cela, quelques médecins n’ontpas souhaité divulguer des informations, très enrichissantes pour mon sujet d’étude au coursde l’enregistrement et se sont confiés dès l’arrêt du dictaphone. Ainsi, j’ai réutilisé cesconfidences dans le cadre de mes notes afin de donner du sens à mon travail. Cependant, je neles ai pas intégrées comme citations textuellement dans mes résultats.Par ailleurs, un des principaux facteurs limitant de la méthode qualitative, est l’habilité del’enquêteur à mener les entretiens. Le style de conduite, le mode d’entretien, les mécanismesde défense, les propres opinions du chercheur peuvent influencer beaucoup la recherche [12].En effet, j’avais forcément des prérequis concernant le sujet traité puisque j’ai choisi d’étudierle rôle du médecin généraliste dans la prise en charge de l’anorexie mentale en Picardie suiteà une observation faite de la situation au cours de mes différents stages d’interne tant enmilieu ambulatoire qu’hospitalier. Cependant, je me suis obligée à mettre de côté toutes mesreprésentations et mes connaissances concernant ce sujet lors de la réalisation des entretiens etde l’analyse de mes données, afin de rester la plus neutre possible. Il n’en demeure pas moinsqu’il existe un conflit d’intérêt dont je dois tenir compte dans cette étude.74


Enfin, Il n’y a pas eu de triangulation. Ce principe consiste à valider les résultats par larecherche de leur convergence en variant les techniques de recueils de données [12].2. Synthèse des résultats et commentaires2.1. Des médecins généralistes concernésTous les médecins généralistes interrogés ont pris le temps de répondre aux questions que jeleur ai soumises en me faisant partager leur expérience et leur réflexion. Ils se sont sentispréoccupés par la prise en charge d’une pathologie complexe dont le pronostic peut être vital.L’enthousiasme des médecins concernant ce sujet peut être justifié par leur mode d’inclusiondans mon étude. En effet, je les ai appelés au préalable avant de venir à leur cabinet en leurexpliquant ma démarche et en leur demandant s’ils avaient déjà suivi un patient anorexique enconsultation. J’ai donc interrogé des médecins volontaires pour répondre à des questions surl’anorexie mentale, une pathologie qui ne les a pas laissés indifférents tant dans leur démarcheprofessionnelle que dans l’atteinte de leurs affects.2.2. Le médecin de familleMon étude a montré que les médecins généralistes interrogés se sentent investis d’un rôleimportant, lié à leur position de médecin de famille, dans la prise en charge de l’anorexiementale.Ils établissent une relation privilégiée avec le patient et sa famille. Leur objectif est de créerune alliance thérapeutique dès la première consultation avec les différents protagonistes,alliance nécessaire voire indispensable, en raison du déni, de la dangerosité réelle de laconduite anorexique, des pièges de ce comportement alimentaire et des différents facteurs derésistance [2].Par ailleurs, les médecins ont parfois évoqué des familles marquées par un sentiment dedésespoir et d’isolement. Concernant ces dernières, les médecins ont observé de leur part de laculpabilité. De ce fait, eux-mêmes se trouvent face à une situation telle, qu’ils doivent75


épondre à la fois à une demande personnelle de la patiente mais aussi à une demandefamiliale.Ce rôle du médecin de famille est décrit dans la thèse de José Emmanuel BERNARD [24]. Ila mené une enquête qualitative auprès de médecins généralistes de la Gironde où il a étudiéleur rôle dans la prise en charge de l’anorexie mentale chez des adolescents. Il a précisé quel’accessibilité et la meilleure connaissance du médecin généraliste par les patientsreprésentaient des atouts dans la mise en place du projet thérapeutique de l’anorexique. Ainsi,il a observé que le médecin généraliste générait un climat de confiance favorable quant à lamise en place des soins adaptés à la patiente et quant à l’acceptation de sa prise en chargepsychiatrique et de celle de sa famille. Par ailleurs, le soutien psychologique auprès desparents lui semblait indissociable du suivi de l’anorexique. Cette notion est reprise par lesdernières recommandations de l’HAS qui considèrent que la prise en charge familiale estprimordiale dans la prise en charge de l’anorexie mentale [2].Le médecin a donc pour mission d’intégrer la prise en charge individuelle de la patiente ausoutien psychologique de l’entourage. A ce titre, les recommandations australiennes précisentqu’il est du rôle du professionnel de santé de réaliser le lien entre le patient et sa famille, enleur expliquant la nature et la prise en charge de l’anorexie mentale mais également endéfinissant les stratégies pour améliorer les fonctions adaptatives et interpersonnelles(encourager l’implication dans les groupes d’entraide) [25].En revanche, les médecins interrogés se sont posés des questions quant à la confidentialité dudossier médical de leurs patients. En effet, ce qui peut être considéré comme un atout, comptetenu de la proximité établie entre eux, leur patient et l’entourage, peut en contre partiefragiliser la confiance établie entre tous ces intervenants. Le médecin doit écouter tout enconseillant ses patients. Or, dans le cas de l’anorexie mentale, il a peur de rompre le secretmédical établi entre lui et sa patiente en donnant des informations confidentielles à la famille.Par ailleurs, il a le sentiment de ne pas être le bon interlocuteur pour évoquer la thérapiefamiliale, par peur de juger une situation dont il détient essentiellement des élémentssubjectifs.Cependant, les recommandations de l’HAS rappellent qu’il ne faut pas s’abriter derrière desrègles de confidentialité pour travailler avec la famille. En effet, dans la mesure où les parentset l’entourage sont souvent impliqués dans la prise en charge thérapeutique, ils peuvent avoirconnaissance de certaines informations relatives à la santé du patient, mais en sa présence ou76


avec son accord [2]. Les médecins généralistes peuvent donc intervenir auprès de la famille àla condition d’avoir demandé au préalable l’autorisation au patient. Finalement, le dialoguereste l’une des meilleures solutions pour faciliter l’organisation de la prise en charge del’anorexique et de sa famille. A ce propos, le Dr VENISSE a rappelé que la relationthérapeutique devant tenir dans la durée, les soignants devront trouver la juste distancerelationnelle et entretenir l’alliance thérapeutique au long cours sans céder à la fascination, niau rejet. Il convient, à cet effet que le patient ne se sente ni oublié, ni sous emprise. En règlegénérale, un suivi pluridisciplinaire aidera à maintenir les liens dans le temps avec un référentdu projet global afin de renforcer le sentiment de sécurité du patient et de tisser chez lui le« sentiment continu d’exister » auparavant très fragile [26, 27].2.3. Une prise en charge multidisciplinaireTous les médecins généralistes interrogés ont travaillé en collaboration avec d’autresspécialistes pour organiser la prise en charge thérapeutique de leurs patientes. Ils ont faitappel, en premier lieu, à des psychiatres compte tenu de la nosographie psychiatrique de lapathologie pour laquelle l’ensemble des médecins généralistes reconnait majoritairement, nepas avoir de compétences évidentes dans cette discipline.A ce titre, les recommandations de bonnes pratiques de l’HAS ainsi que les recommandationsinternationales américaines, britanniques et australiennes rappellent la nécessité del’intervention d’une équipe pluridisciplinaire pour une prise en charge optimale de lapathologie [2, 5, 18, 25, 28, 29, 30]. La nécessité d’associer plusieurs disciplines aux soins del’anorexie mentale s’explique par l’étiologie multifactorielle (composantes individuelles,familiales et culturelles) [31] et le besoin de prendre en considération la composantesomatique [32].Cependant, les médecins n’ont pas toujours eu le sentiment d’être intégrés dans une équipecomme le recommande l’APA en 2006 [5]. En effet, les recommandations américainespréconisent une approche d’équipe constituée au minimum d’un psychiatre, d’un somaticienet d’un professionnel de la nutrition [5].Or, les résultats ont mis en évidence que les médecins interrogés, n’ont pas toujours sollicitéles autres spécialistes au début de la prise en charge. Le problème de la démographie médicale77


en Picardie et l’absence de référents en matière de soins psychiatriques et nutritionnels ontcontribué à retarder l’intervention de ces spécialistes au cours du suivi des patientesanorexiques. Par ailleurs, concernant ce suivi, la coordination des soins par échanges directs(téléphone) ou par courriers, n’a pas toujours été menée avec succès. Enfin, quelquesmédecins ont évoqué les difficultés économiques des patients et de leur famille à pouvoirentreprendre une prise en charge psychologique en ambulatoire. En effet, ces soins restent nonremboursés par la sécurité sociale et représentent donc un frein à l’accès aux soins spécialisés.Cela majore les difficultés pour les médecins généralistes à élaborer une prise en charge dequalité, dans le cadre d’un nombre de situations non négligeables, où ceux-ci vont devoir sesubstituer au psychothérapeute. Or, cette prise en charge diminue la qualité des soins apportésà la patiente, puisque le médecin n’est pas formé à ce type de compétence, malgré ses qualitésd’écoute.Les recommandations de l’HAS rappellent que cette coordination permet de limiter les effetsde clivage, les mécanismes de défense fréquemment à l’œuvre chez les patients souffrant deTCA [2]. Ainsi, le NICE recommande un accord écrit clair entre les différents professionnelsde santé sur la responsabilité de la surveillance du patient souffrant de TCA, lors de la miseen place des soins spécialisés [18]. Cette pratique n’est certes pas d’usage en France mais peutnéanmoins nous faire réfléchir sur la manière d’intégrer l’ensemble des spécialistes à cetteprise en charge pluridisciplinaire afin que tous les intervenants se sentent impliqués dans leparcours de soins des patients. Enfin, les recommandations de l’HAS rappellent que le recoursà des réseaux de soins impliquant les différents intervenants devrait faciliter le développementde la multidisciplinarité [2].Ainsi, il existe un écart entre ce que préconise la littérature et ce que vivent les médecinsgénéralistes au quotidien. Ils sont confrontés à une carence de moyens les amenant à gérer dessituations complexes sur le terrain. Cependant, ils restent réceptifs aux informations qu’ilspeuvent obtenir et cherchent à améliorer la coordination des soins pour aboutir à une prise encharge de qualité. Ils souhaitent avoir des référents ambulatoires de la pathologie en matièrede soins psychiatriques et nutritionnels. Ils veulent réduire le retard de la prise en chargethérapeutique afin d’améliorer le pronostic de la pathologie, notion importante rappelée parl’APA 2006 [5].78


2.4. Un référent somatiqueLes médecins interrogés se sont décrits majoritairement comme médecins référents du dossiermédical de leurs patients et médecins somaticiens. Ils se sont sentis responsables de la santéde leurs patients et ont accepté d’endosser un rôle de coordinateur.Ainsi, dans un article de la revue du praticien paru en 2008 rédigé par les Pr GODART,PERDEREAU et CORCOS, les auteurs ont précisé que le médecin généraliste, de par saposition privilégiée (souvent le premier à être consulté, le premier à dispenser les soins,bénéficiant de la confiance des familles), devait être le référent de l’aspect somatique [31].Cependant, la préconisation d’un coordinateur de soins par l’Académie nationale de médecinecomme unique référent [33], n’a pas le même sens que le terme utilisé par les médecinsgénéralistes interrogés.En effet, ces derniers ont défini leur rôle de coordinateur comme référent du dossier médical,celui qui détient les informations initiales du dossier. Or, les données de la littérature précisentque le rôle du coordinateur est de prescrire des actions spécifiques nécessaires à un momentdonné et de maintenir une vue d’ensemble globale de la prise en charge [34]. Son rôle estégalement d’assurer le lien avec les autres intervenants [31].Or, compte tenu des faits vécus et décrits par les médecins généralistes au cours des différentsentretiens, peu d’entre eux se sont sentis capables de prendre cette responsabilité. Ils ont eu lesentiment d’être isolés et auraient souhaité partager leur démarche afin d’être rassurés de laqualité des soins qu’ils offraient à leurs patients.Ainsi, les recommandations de la Haute Autorité de Santé préconisent que le choix ducoordinateur de la prise en charge au sein de l’équipe de soignants (psychiatre ou somaticien)doit être déterminé en fonction de la situation du patient (âge, évolution et sévérité de lamaladie, parcours de soins, choix du patient) et de l’expérience et de la disponibilité dechacun des intervenants de l’équipe pluridisciplinaire [2].Cependant, cette organisation prend tout son sens au sein d’une équipe pluridisciplinaireconstituée de multiples intervenants qui travaillent en collaboration sur le dossier des patientsanorexiques. Or, cette situation fait majoritairement défaut dans les différents entretiens quej’ai menés. En revanche, les médecins généralistes sont demandeurs d’une restructuration dela prise en charge des patients anorexiques en Picardie et souhaitent être intégrés au sein79


d’une équipe où ils pourront être écoutés. Ils souhaitent également échanger afin de prendreles décisions adéquates pour leurs patients et progresser dans la prise en charge de l’anorexiementale.2.5. Le diagnosticDans mon étude, les médecins généralistes ont utilisé essentiellement les données del’interrogatoire pour réaliser le diagnostic d’anorexie mentale. Certains d’entre euxs’appuyaient des données de l’examen clinique comme l’IMC. Enfin, quelques médecins ontutilisé les résultats biologiques pour éliminer une pathologie organique à l’amaigrissement dela patiente.Or, les critères de la HAS rappellent que le diagnostic d’anorexie mentale est un diagnosticpositif et ne doit pas être un diagnostic d’élimination [2]. Ainsi, l’utilisation de la biologiereste critiquable si elle est utilisée pour rechercher un diagnostic différentiel de l’anorexiementale.L’association d’un amaigrissement à une ou plusieurs anomalies comportementales (lecture etrecopiage des recettes, participation active aux achats alimentaires, cuisine pour l’entouraged’assiettes riches en calories, hyperactivité, troubles obsessionnels avec des rituels de propretéou de rangement, hyper investissement scolaire, absence de plainte à la nécessité de reprendredu poids) sont quasi pathognomoniques du diagnostic d’anorexie mentale [2]. Il est alorsrecommandé de confirmer le diagnostic d’anorexie mentale par la présence de chacun descritères d’une des classifications internationales CIM-10 et DSM-IV-TR. L’absence d’aumoins un critère diagnostic révèle une anorexie mentale subsyndromique [2].Enfin, mon étude montre que l’obstacle majeur à l’élaboration du diagnostic d’anorexiementale rencontrée par les médecins généralistes est le déni de la pathologie, surtout dans lapremière phase de la maladie (phase de toute puissance) où le patient ne souffre pas encoredes symptômes qu’il pense contrôler.Ce constat, fait par les médecins interrogés, est vérifié dans la littérature, où les DrLEONARD, FOULON et GUELFI ont précisé dans un article paru dans la revue Psychiatrieen 2005 que le déni est considéré comme un sérieux obstacle à la détection, à l’évaluation etau traitement de l’’anorexie mentale. Il empêche la reconnaissance précoce des troubles et80


l’appréciation de la gravité [35]. Ainsi, pour ne pas se laisser contaminer par le déni, ne pas lebanaliser, ne pas entrer dans un rapport de force et ne pas se laisser fasciner par la position detoute puissance que le patient projette sur son interlocuteur, le Pr CORCOS recommanded’aider à la verbalisation des souffrances physiques et psychiques, mais aussi de l’avertir desséquelles possibles et de l’alerter sur la non-innocuité de la pathologie [36].2.6. L’hospitalisationLes résultats montrent que tous les médecins interrogés ont considéré l’hospitalisation commeune alternative suite à l’échec d’une tentative de traitement ambulatoire. Dans la majorité descas, la prise en charge hospitalière a eu lieu en urgence. Ces hospitalisations étaientmajoritairement précédées d’une prise en charge ambulatoire où le médecin généraliste étaitintervenu seul dans la prise en charge initiale. Peu de médecins ont évoqué une hospitalisationpréparée et réalisée dans le cadre d’un projet thérapeutique.Ces résultats ne concordent pas complètement avec les préconisations de la littérature. Lesrecommandations américaines précisent que l’anorexie mentale s’intègre à un parcours desoin global [5]. Par ailleurs, les Pr GODART, LYON, PERDEREAU et CORCOS ontrappelé, dans un article de La Revue du Praticien parue en 2008, que l’hospitalisation nepouvait être considérée comme le traitement de l’anorexie mentale : elle devait se dérouler encoordination avec les soins ambulatoires, la précédant, et ces derniers devaient être poursuivisau-delà des soins hospitaliers [31].Ainsi, l’hospitalisation doit faire partie d’un projet thérapeutique qui s’inscrit dans une priseen charge multidisciplinaire où l’ensemble des intervenants ambulatoires et hospitalierstravaillent en coordination afin d’obtenir de meilleurs résultats thérapeutiques. A ce propos, ilexiste une étude réalisée en Corée du Sud qui a comparé l’hospitalisation de jour et la prise encharge ambulatoire. Elle a montré qu’il y avait une amélioration significative des attitudesalimentaires, des comportements de purge, de l’IMC, de l’estime de soi, mais également, unediminution de la dépression, plus importantes chez les patients en hôpital de jour que chezceux pris en charge en ambulatoire. Le groupe « hôpital de jour » a bénéficié d’une prise encharge au sein d’une équipe multidisciplinaire avec des sessions individuelles, familiales et engroupe, tandis que le groupe « ambulatoire » n’a bénéficié que d’un suivi individuel effectuépar un seul praticien. Ainsi, il a été supposé que l’amélioration du groupe « hôpital de jour »81


était probablement due à la prise en charge multidisciplinaire et aux interventions reçuesplutôt qu’à la modalité de prise en charge [37]. De ce fait, l’hospitalisation ne doit pas êtreconsidérée comme une alternative à la prise en charge ambulatoire mais doit s’inscrire dans lecadre d’une prise en charge multidisciplinaire.Cependant les hospitalisations peuvent aussi avoir lieu en urgence sans avoir étépréalablement préparées lorsque le risque vital de la patiente est engagé. Ainsi, mon étudemontre que l’ensemble des médecins interrogés ont sollicité une hospitalisation lorsque lepronostic vital de la patiente était engagé selon différents critères. Par ailleurs, l’absence decorrespondants a parfois obligé les médecins à envoyer leurs patientes à l’hôpital, où uneprise en charge spécialisée pouvait être initiée, à condition qu’elle ait lieu au sein d’unestructure spécialisée.Ces données sont concordantes avec les données de la littérature. Selon le NICE, leshospitalisations en urgence doivent être réalisées à temps plein et concernent les patientsayant un risque physique élevé ou modéré, un risque suicidaire ou d’auto-agression important,ainsi qu’à des sujets non améliorés par un traitement ambulatoire approprié [18]. Selon lesrecommandations australiennes, elles peuvent aussi être discutées pour des situations moinssévères, en cas d’indisponibilité des structures ambulatoires [25].Cependant, certaines indications posées par les médecins interrogés n’ont pas été retrouvéesdans les recommandations. Elles correspondent à des situations pratiques qui doivent êtrenégociées, au cas par cas. La pression parentale doit être prise en compte par le médecin quisollicite une hospitalisation dans le cadre d’un entourage fragilisé par la pathologie de lapatiente. Par ailleurs, les délais de consultation spécialisée parfois trop importants ont aussiobligé certains médecins interrogés à envoyer leurs patients aux urgences pour initier uneprise en charge spécialisée. De plus, le refus de soins et la mise en danger de la patiente aaussi contraint un médecin a réalisé une prise en charge hospitalière sous contrainte.Enfin, dans mon étude, quelques médecins auraient aimé avoir une place au sein de cette unitéhospitalière en participant à la prise en charge hospitalière de leurs patients. Cependant, lescontraintes économiques et horaires rendent difficiles la concrétisation d’un tel dispositif. Ilserait tout de même intéressant de réfléchir à la place du médecin généraliste au sein del’équipe hospitalière, en lien avec à la continuité de son rôle ambulatoire dans le cadre del’hospitalisation. Cela permettrait de poursuivre également une prise en charge globaleadaptée à la patiente où il n’y aurait plus de rupture entre la prise en charge ambulatoire et82


hospitalière. Mais cette réflexion pose le problème de la répartition des soins, notamment desmoyens matériels et économiques à dispenser pour mettre en place une telle organisation.2.7. Compétences et formation du médecin généralisteLa majorité des médecins interrogés s’est sentie incompétente pour prendre en charge defaçon optimale les patients atteints d’anorexie mentale. Ils ont justifié ce sentiment négatif parleur difficulté à gérer une pathologie complexe à laquelle ils n’avaient pas été suffisammentformés et informés et pour laquelle leurs conditions de travail n’étaient pas toujours enadéquation avec les besoins suscités par l’anorexique et sa famille.Dans la thèse de Michel VAISSIERE, qui étudie la prise en charge des troubles ducomportement alimentaire auprès de 157 médecins généralistes exerçant sur Toulouse, 73%des médecins généralistes interrogés ont reconnu n’avoir jamais reçu de formation spécifiquesur les TCA [38]. De la même façon, la thèse de Jean-Emmanuel BERNARD a montré quel’ensemble des médecins interrogés s’est senti mal formé en matière de TCA [24]. Cesrésultats sont concordants avec ceux de mon étude et pointent les difficultés des médecins àprendre en charge une pathologie pour laquelle ils n’ont pas reçu de formation adéquate aucours de leur cursus universitaire ou au cours de leur carrière.Par ailleurs, la thèse de VAISSIERE a montré, que plus de la moitié des médecinsgénéralistes aurait aimé participer à une formation portant principalement sur le traitement, lacoordination des soins et le soutien moral des patients, si elle leur avait été proposée [38]. Cesrésultats concordent avec ceux retrouvés dans la thèse de BERNARD, où la majorité desmédecins interrogés aurait souhaité un approfondissement des connaissances sur lacoordination d’interventions spécialisées, un des rôles essentiels du médecin généraliste [24].Il semble donc, que la prise en charge thérapeutique et la coordination des soins avec lesspécialistes leur posent plus de soucis que la réalisation du diagnostic.De plus, mon étude montre que les médecins généralistes utilisent essentiellement leurexpérience et la presse médicale pour acquérir des connaissances afin d’améliorer leur priseen charge de l’anorexie mentale. Ces résultats sont retrouvés dans la thèse de VAISSIERE oùles sources de connaissances sur les TCA des médecins toulousains interrogés étaient surtoutla presse médicale et leur expérience personnelle [38]. Cependant, dans mon étude, une83


majorité de médecins est restée perplexe devant l’évocation des recommandations de bonnepratique de la HAS concernant la prise en charge de l’anorexie mentale parus en 2010. Celadoit nous faire réfléchir sur la formation des médecins généralistes.En effet, il est nécessaire de leur apporter l’ensemble des connaissances actuelles qui leurpermettront de prendre des décisions adaptées à la situation vécue, sans se sentir mis enéchec. Les modalités de ces formations restent encore à définir ; dans mon étude, denombreux médecins ont cité les Formations Médicales Continues, obligatoire selon le code dedéontologie, tandis que d’autres ont évoqué la possibilité de disposer d’une plaquette quiaurait l’avantage d’être rapidement consultable au cabinet.2.8. L’implication affectiveMon étude a montré que les médecins généralistes s’étaient impliqués affectivement lors de laprise en charge de leurs patients atteints d'anorexie mentale. Cette pathologie complexe ne lesa pas laissés indifférents. Chacun d’entre eux a vécu des histoires de vie et la difficulté a étéde gérer l’empathie qu’ils avaient pour leur patient. Par ailleurs, ils avaient conscience de lagravité du pronostic vital mis en jeu dans cette pathologie qu’ils n’ont jamais perdue de vue.Ainsi, ils culpabilisaient de ne pas être les « bons » médecins de ces patients « complexes » àprendre en charge au quotidien.Chez la majorité des médecins, le sentiment de ne rien faire, de ne servir à rien, peut dominer,particulièrement lors du refus de soins ou de la mise en échec par le patient. L’impression deperdre son temps, de tourner en rond, sans espoir de résultats, grandit au fur et à mesure dusuivi. Les consultations peuvent être longues, le médecin se trouvant entraîné dans uneposition de psychothérapeute par le patient mais également par la famille.Ainsi, le médecin généraliste est pris entre deux sentiments différents qu’il a du mal àidentifier. D’un côté, il ressent le devoir de protéger un patient atteint d’une pathologie dontsa complexité rend difficile sa compréhension et sa prise en charge. De l’autre, il se rendcompte que son isolement représente un frein majeur à la prise en charge de l’anorexique etque la collaboration avec d’autres spécialistes reste l’une des solutions possibles pour élaborerun parcours de soins.84


2.9. Les réseaux de soins en PicardieLes médecins interrogés ont le sentiment que l’organisation de la prise en charge ambulatoireactuelle des patients atteints d’anorexie mentale en Picardie n’est pas favorable à la mise enplace d’un traitement et d’un suivi de qualité. Ils se sentent seuls et démunis car ils n’ont pasde correspondants référencés spécialisés dans cette pathologie qui peuvent les aider àorganiser une prise en charge coordonnée et multidisciplinaire. Ils ont évoqué l’existence deplusieurs réseaux de soins ambulatoires de pathologies chroniques comme le diabète, les soinspalliatifs, l’obésité, … Une majorité d’entre eux les connaissent, participent à leurfonctionnement et semblent satisfaits des résultats obtenus pour leurs patients. Ainsi, ils ontété une majorité à souhaiter la mise en place d’une organisation semblable pour la prise encharge des patients atteints d’anorexie mentale.Dans la thèse de VAISSIERE, 80% des médecins toulousains interrogés étaient favorables àl’institution d’une prise en charge des TCA sous la forme d’un réseau organisé de soins, et63% d’entre eux (soit 47% des médecins généralistes exerçant sur Toulouse) ont dit vouloir yparticiper [38]. Les données de mon étude ne me permettent pas de généraliser les demandesdes médecins généralistes en Picardie. En revanche, l’ensemble des résultats recueillis aucours de mes entretiens concordent avec ceux obtenus par Michel VAISSIERE. Les médecinsgénéralistes semblent donc favorables à la création de réseaux de soins spécialisés dans laprise en charge de l’anorexie mentale.En effet, à ce jour, aucune unité spécialisée dans la prise en charge de l’anorexie mentale pourles patients adultes n’est référencée. Le CHU d’Amiens reste le seul de la région Picardie àproposer des lits d’hospitalisation au sein du service d’Endocrinologie dédiés à la prise encharge des patients anorexiques à l’âge adulte. Or, cette unité n’est pas une entité autonome etmanque à ce jour de moyens humains et financiers pour se développer. Cependant, lesspécialistes hospitaliers travaillant au sein de cette unité sont conscients de la gravité de lasituation et souhaitent pouvoir l’améliorer dans les années à venir. En effet, ils ont observéune augmentation de leurs motifs de consultations liés aux TCA depuis ces dernières années.Par ailleurs, ils ont constaté qu’ils manquaient de spécialistes capables de prendre le relais enambulatoire. Enfin, les délais d’hospitalisations très longs compte tenu d’un nombre dedemandes croissant ne leur semblent plus acceptables. [6] Ainsi, la création d’une unitéfonctionnelle dédiée à la prise en charge des TCA reste une priorité qu’ils souhaitent85


concrétiser prochainement. Ces spécialistes hospitaliers souhaitent apporter une approchepluridisciplinaire de cette pathologie grave dont le pronostic peut être vital.3. Implications pratiquesAu cours des entretiens, les médecins ont proposé plusieurs idées pour améliorer la prise encharge des patients atteints d’anorexie mentale dans leur pratique quotidienne. Ils ont été unetrès grande majorité à souhaiter disposer d’un dépliant où seraient référencés les signes degravité mais surtout les coordonnées des différents correspondants sur l’ensemble de la régionPicardie. Actuellement, une psychologue de la maison des adolescents d’Amiens, NathalieDOISE, tente de constituer un annuaire avec l’ensemble des structures dédiées à la prise encharge de l’anorexie en Picardie. Cependant, il manque un annuaire dédié aux médecins quileur permettrait d’organiser de façon optimale la prise en charge de ces patients enambulatoire.Par ailleurs, récemment, une consultation dédiée aux familles des patients atteints d’anorexiementale a été créée à la maison des adolescents sur Amiens une fois par semaine. Nous avonsévoqué précédemment la nécessité de créer un lieu d’écoute destiné aux familles des patientsatteints d’anorexie mentale compte tenu des difficultés qu’elles rencontrent sur le terrain. Ilserait intéressant d’évaluer l’efficacité de cette structure sur la prise en charge individuelle del’anorexique et de sa famille.86


CONCLUSIONCe travail a permis de réaliser un état des lieux de la prise en charge des patients atteintsd’anorexie mentale par les médecins généralistes en Picardie, notamment dans l’Oise et dansla périphérie d’Amiens. Les médecins généralistes se sentent investis d’un rôle important dansla prise en charge de ces patients, rôle lié à leur position de médecin de famille. Ils sontconscients de la gravité de cette pathologie et estiment qu’il est de leur devoir de tout mettreen œuvre pour protéger le patient et sa famille. En revanche, ils ne se sentent passuffisamment armés pour prendre en charge de façon optimale les patients atteints d’anorexiementale. Les connaissances théoriques leur font défaut, mais c’est surtout le manque d’offrede soins en Picardie qui les met en échec. En effet, ils se sentent isolés face à des prises encharge complexes pour lesquelles ils ne se sentent pas suffisamment compétents. Par ailleurs,ne trouvant pas de correspondant en Picardie, nombreux ont été dans l’obligation d’adresserleurs patients dans des structures spécialisées, essentiellement parisiennes. Finalement, lesmédecins généralistes sont conscients de leur place face aux patients anorexiques maisdoutent quant à leur pratique face aux difficultés qu’ils rencontrent sur le terrain. Par ailleurs,la question de leur formation doit nous interpeler et nous amener à revoir les modalités de leurmise en œuvre.A ce titre, plusieurs spécialistes à l’hôpital d’Amiens ont pris conscience de cette réalité deterrain depuis quelques années. Actuellement, ils recherchent des solutions pour améliorer laprise en charge de l’anorexie mentale et ce, afin de proposer une démarche pluridisciplinairedans le cadre de la création d’une unité dédiée à la prise en charge des Troubles duComportement Alimentaire. La mise en place de cette offre de soins devrait permettre àterme, pour l’ensemble des soignants, de trouver des interlocuteurs capables de les aider àoptimiser les soins en ambulatoire. Enfin, il serait intéressant de réfléchir à la formation deprofessionnels de santé qui souhaiteraient s’investir dans cette pathologie, afin de développerdes réseaux de soins sur l’ensemble de notre région.L’avènement des premières recommandations de bonnes pratiques de la HAS relatives à laprise en charge de l’anorexie mentale parues en 2010, est un atout pour l’ensemble desprofessionnels de santé concernés par cette pathologie. Néanmoins, ces recommandations87


mériteraient que davantage de médecins généralistes en prennent connaissance pour mieuxappréhender la pathologie et en connaître ses mécanismes.Au terme de ce travail, je propose une maquette de document répondant au souhait desmédecins généralistes de disposer d’un outil d’informations pratiques dans lequel serontprécisés les signes de gravité et les correspondants accessibles en région Picardie.L’élaboration est en cours de réalisation, notamment en ce qui concerne le recueil descoordonnées des référents. Il serait également intéressant de compléter la carte de notre régionsur le site de l’AFDAS-TCA, en référençant les spécialistes des TCA, afin d’optimiser l’offrede soins.Ce travail propose des pistes de réflexions en termes d’organisation de soins qui pourraientêtre évaluées secondairement à l’aide d’études quantitatives, pour vérifier l’efficacité de leurmise en place. Mon étude pourrait être poursuivie en interrogeant les médecins exerçant dansl’Aisne afin d’avoir une vision encore plus globale de la prise en charge de l’anorexie mentaleen Picardie.Enfin, un travail complémentaire pourrait consister en l’étude des différences de prise encharge de l’anorexie mentale en pédiatrie et en médecine adulte ainsi que la période detransition entre ces deux secteurs de soins, notion que je n’ai pas prise en compte dans monétude.88


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ANNEXESLes annexes sont fournies sur le CD-ROM joint à la thèse.Annexe 1 : Guide des entretiens.Annexe 2 : Entretiens de A à L.Annexe 3 : Maquette de la future plaquette destinée aux médecins généralistes, concernant lessignes de gravité et l’offre de soins pour l’anorexie mentale en Picardie.93


LE ROLE DU MEDECIN GENERALISTE DANS LA PRISE EN CHARGE DE L’ANOREXIEMENTALE : ETUDE QUALITATIVE MENEE AUPRES DE 12 MEDECINS GENERALISTESEXERCANT EN PICARDIEINTRODUCTION : L’anorexie mentale a été particulièrement médiatisée ces dernières années. Pour la première fois, elle afait l’objet de recommandations de bonnes pratiques par la Haute Autorité de Santé en 2010, dans lesquelles le médecingénéraliste joue un rôle important dans sa prise en charge. J’ai donc souhaité réaliser un état des lieux, du point de vue dumédecin généraliste, sur sa place dans la prise en charge de cette pathologie.METHODE : J’ai réalisé une enquête qualitative, par entretiens semi-dirigés, auprès de douze médecins généralistesexerçant en Picardie. L’analyse des résultats a été effectuée selon la méthode de théorisation ancrée.RESULTATS : Les médecins généralistes ont estimé avoir un rôle important dans la prise en charge de l’anorexie mentale,lié à leur position de médecin de famille. Cependant, ils ont évoqué de nombreuses difficultés pour réaliser une prise encharge de qualité ; ils manquaient de connaissances sur la pathologie et se sont sentis mis en échec par le manque d’offre desoins. En revanche, ils ont proposé plusieurs pistes de réflexions pour améliorer la l’organisation de la prise en chargeactuelle, comme l’utilisation d’un document référençant les spécialistes de la pathologie et la création de réseaux de soins.CONCLUSION : Les médecins généralistes sont conscients de leur place face aux anorexiques mais rencontrent desdifficultés qui les font douter de leur pratique. Une meilleure organisation des soins et une amélioration de leur formationconcernant cette pathologie complexe permettrait d’optimiser la prise en charge des patients atteints d’anorexie mentale.MOTS CLES : Anorexie mentale - Médecin généraliste - Prise en charge pluridisciplinaire - Réseau de soins - EntretiensindividuelsTHE ROLE OF THE GENERAL PRACTITIONER IN THE MANAGEMENT OF ANOREXIA :QUALITATIVE STUDY CONDUCTED WITH 12 GENERAL PRACTITIONERS IN PICARDYINTRODUCTION : Anorexia nervosa has been particularly publicized in recent years. In 2010 for the first time the FrenchHealth Authority published some recommended practice guidelines for the treatment of anorexia, in which the importance ofthe GP is mentioned. So I decided to review the role of GPs, from their own perspective, in the management of this disease.METHOD : I conducted a qualitative survey using semi-structured interviews with twelve general practitioners in Picardy.Analysis of the results was performed using the method of grounded theory.RESULTS : The GPs felt they had an important role in the treatment of anorexia nervosa, due to their position as a familydoctor. However, they admitted they had difficulty providing good quality care, mainly because they did not know enoughabout the disease and felt frustrated by the lack of medical provision. Even so, they suggested several ideas worth consideringto improve the organization of the current management of the disease, like the use of a document listing specialists inanorexia nervosa and the creation of care networks.CONCLUSION : General practitioners are aware of their place in the handling of patients with anorexia but are faced withdifficulties that make them question their practice. A better organization of care and better training on anorexia nervosawould optimize the management of patients suffering from this complex disease.KEY WORDS : Anorexia nervosa - General Practitioner - Multidisciplinary management - Care Network - Individualinterviews

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