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Arman - Vicky David Gallery

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EXTRAIT DU CATALOGUE<br />

ARMAN AVANT LE NOUVEAU RÉALISME<br />

par Jean-Michel Bouhours, commissaire de l’exposition<br />

Pour avoir fréquenté l’École des arts décoratifs de Nice puis l’École du Louvre à Paris, <strong>Arman</strong> n’avait de<br />

cesse de rappeler les uniques vertus de la maïeutique. Il rencontre Claude Pascal et Yves Klein à l’école<br />

de Judo de Nice en 1947; il est alors le seul du trio à prétendre à une carrière artistique de peintre.<br />

Quelques années plus tard viendront deux découvertes majeures: celle de l’œuvre de Jackson Pollock,<br />

lors de l’unique exposition du vivant de l’artiste organisée à Paris en 1952 par le Studio Paul Facchetti,<br />

et le travail typographique réalisé au moyen de Cachets d’Hendrik Nicolaas Werkman, artiste hollandais<br />

proche du groupe de Stijl, au travers d’un article de Willem Sandberg dans la revue Art d’aujourd’hui.<br />

À ce moment-là, <strong>Arman</strong> effectue son service militaire à Antibes et se trouve dans un état de déréliction;<br />

certes il se destine à la carrière d’artiste mais celle-ci est aléatoire, pour ne pas dire indéterminée.<br />

Marié depuis deux ans à Éliane Radigue, qui elle-même a des velléités de carrière musicale, le couple<br />

Fernandez «tire le diable par la queue». L’année 1954 est un tournant. Alors qu’il passe ses vacances<br />

chez ses amis à Nice à son retour du Japon, Yves Klein commente la peinture abstraite d’<strong>Arman</strong> et<br />

lui conseille de rechercher une voie plus personnelle. <strong>Arman</strong> comprend d’emblée la leçon et la nécessité<br />

d’un langage original. Enfin, sa visite de l’exposition de Kurt Schwitters à la galerie Berggruen en 1954<br />

a pour effet de le libérer de la peinture à l’huile 1 . Ces jalons, qu’<strong>Arman</strong> nous a indiqués, ont forgé<br />

un itinéraire qui l’emmènera d’une abstraction sous l’influence de Serge Poliakov et Nicolas de Stael,<br />

au Nouveau Réalisme.<br />

Ce texte vise à une démarche heuristique qui devrait permettre de mieux comprendre comment<br />

les langages les plus radicaux d’<strong>Arman</strong> – les Accumulations et les Poubelles – se sont mis en place.<br />

Pour cela, il nous faut revenir sur la période qui précède la déclaration du Nouveau Réalisme 2 .<br />

À la galerie La Roue en 1957, <strong>Arman</strong> présente ses tableaux abstraits des débuts ainsi que quelques petits<br />

Cachets. Avec ces nouveaux travaux, il amorce ce virage personnel que lui a suggéré Klein grâce à une<br />

abstraction gestuelle qui a pour précepte l’agir contre le faire, l’action contre le fait. Pierre Restany y voit<br />

la catharsis du travail ennuyeux qu’<strong>Arman</strong> effectuait dans le magasin de son père à Nice pour subsister.<br />

Chez <strong>Arman</strong>, le geste artistique, pour être cathartique, est répétitif et nerveux; il répond d’une gestique<br />

qui emprunte au domaine machinique sa rapidité d’exécution. L’artiste affirme, ce faisant, la primauté<br />

de l’accident, du désordre et de la subjectivité. Il s’agit bien d’une action automatique et obsessionnelle,<br />

caractérisant selon la définition qu’en fit Harold Rosenberg, l’action painting. Quand <strong>Arman</strong> écrit à Éliane<br />

qu’il a le désir de cacheter chacune des nombreuses taches de rousseur que celle-ci a sur le corps, il<br />

affirme l’aspect pulsionnel de son geste. Il n’y a pas lieu de douter que l’œuvre de Werkman lui ait donné<br />

des idées pour ses premiers Cachets: on y retrouve le matériau bien sûr, la construction sémanticoplastique,<br />

la répétition du même motif, le refus du décoratif.<br />

Cependant, une chose mérite d’être relevée. Les tout premiers Cachets d’<strong>Arman</strong> datés de la fin de l’année<br />

1954, – ceux qu’<strong>Arman</strong> présenta à la galerie La Roue – ont été réalisés non pas sur du papier comme<br />

le seront les suivants, mais directement sur des tissus imprimés. Ces premières œuvres entièrement<br />

fabriquées avec des matériaux de rebut, tant pour le support que pour la technique, affirment, à la manière<br />

de Rauschenberg avec ses Combine Paintings, que tout matériau relève de l’ordre du pictural.<br />

On peut évidemment arguer que chez <strong>Arman</strong> nécessité économique fit loi artistique. La démarche pouvait<br />

également répondre aux préconisations du texte-manifeste de 1928 de Kurt Schwitters, de se saisir de<br />

tous les matériaux qui traînent dans les débarras et les tas d’ordures; ce texte sera repris dans le catalogue<br />

de la galerie Berggruen, qu’<strong>Arman</strong> a eu entre les mains 3 . L’artiste met en situation de coexistence et de<br />

confrontation deux réalités visuelles fort disparates, l’imprimé mécanique d’un motif de décoration florale<br />

fabriqué par une machine selon une trame parfaitement régulière, très présent dans la composition<br />

par ses couleurs et sa connotation, et un effet de «surcharge» des Cachets affirmant au contraire une<br />

finesse du trait, appliqués selon un mode répétitif, erratique et irrégulier du fait qu’il est le produit d’un<br />

geste humain. Par les Cachets, l’artiste introduit une surcharge sémiotique, mais aussi des variations<br />

dans la répétition, des accidents et du fortuit. Dans un texte de 1948 consacré à la nouvelle peinture<br />

américaine, Clement Greenberg avait, à la fois, pour définir la nouvelle spatialité picturale en jeu et pour<br />

illustrer l’absence de variation dans la répétition et l’économie d’un déroulement de la composition<br />

all over [bord à bord], comparé la peinture expressionniste abstraite au papier peint 4 . Il faudra la critique<br />

de Pierre Restany dans la revue Cimaise enjoignant <strong>Arman</strong> d’abandonner le «format restreint de fresques

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