20Onze débar<strong>de</strong>ursvQuand quelque chose ne va pas avecles enfants, on les "soigne" ou on lespunit.[…]Le "<strong>Théâtre</strong> dans l’école" ne guérit nine punit. Il fait la seule chose morale– et utile dans la pratique – qu’onpuisse faire au milieu <strong>de</strong> la confusionet <strong>de</strong> la violence. Il la change encréativité. Il ne se limite pas à ai<strong>de</strong>rles enfants rebelles à se comprendreeux-mêmes et les autres, aussi vitalque cela soit. Il leur donne larécompense que seule la créativitépeut donner – la capacité <strong>de</strong> changer.C’est une chose qu’on n’obtient pasen cherchant à guérir ou à punir.Edward BondExtraits du texte “Le théâtre dans l’école duBelgra<strong>de</strong> Theatre”, texte lu en public lors d’unerencontre organisée dans l’école du Belgra<strong>de</strong>Theatre, le 24 février 1996, puis publié, amputé<strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers paragraphes, dans “TheGuardian”.Je suis né à huit heures et <strong>de</strong>mie du soirle mercredi 18 juillet 1934Il y avait un orageUne heure avant ma naissancema mère lavait les escaliers <strong>de</strong> son immeublepour qu’ils soient propres quand la sage femmemarcherait <strong>de</strong>ssusDans le quartier où vivait ma mèreon considérait les représentants du corps médicalcomme <strong>de</strong>s agents <strong>de</strong> l’autoritéJ’ai été bombardé pour la première fois à cinq ansLe bombar<strong>de</strong>ment a continué jusqu’à ce que j’aie onze ansPlus tard l’armée m’a enseigné neuf façons <strong>de</strong> tuerEt à vingt ans j’ai écrit ma première pièceComme tous les gens en vie au milieu <strong>de</strong> ce siècleou nés <strong>de</strong>puisJe suis un citoyen d’Auschwitz et un citoyen d’HiroshimaJe suis citoyen du mon<strong>de</strong> humainqui est encore à construire.Edward BondStage29à l’attention <strong>de</strong>senseignants dans le cadre du PlanAcadémique <strong>de</strong> FormationIl sera animé par Jean-Pierre Vincentautour <strong>de</strong> l'univers d'Edward Bond et<strong>de</strong> son œuvre.
iolence21Jean-Pierre Vincent...Mes pièces ne sont pashabiles ni brillantes, nepleurent pas quand elles<strong>de</strong>vraient et parfois rientquand elles ne <strong>de</strong>vraient pasparce qu'elles <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ntque le public comprenne etnon qu'il admire. Peut-êtremes pièces ne font-elles pasce que les pièces doiventfaire. Au moins elles essaient“d'être utiles."Edward Bond à Jean-Pierre VincentQuand on m’a remis “cet entretien” et que j’ai lu les paroles <strong>de</strong> Jean-PierreVincent, je me suis dit qu’il fallait vous dire quelques mots sur l’homme. Oui, surl’homme. Bien sûr, j’aurais pu couler sur cette page, une photographie <strong>de</strong> lui, avec<strong>de</strong>ssous, une biographie complète et détaillée, “comme on dit”, avec les titres <strong>de</strong>spièces qu’il a jouées, celles qu’il a mises à la verticale, les dates en gras, les nomscélèbres qu’il a côtoyés, d’autres noms encore moins connus mais tout aussiessentiels pour lui, ses directions <strong>de</strong> <strong>Théâtre</strong>s, celle <strong>de</strong> la Comédie Française, sesrécompenses... et que sais-je encore ? Vous trouverez prochainement cette biographiesur notre site et si vous n’avez pas encore internet, n’hésitez pas à nouscontacter, nous vous l’adresserons volontiers. J’avais envie d’autre chose, <strong>de</strong> vousparler <strong>de</strong> la toute première i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> Jean-Pierre Vincent, celle d’être un homme,et <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong>, si proche, celle d’être un homme <strong>de</strong> <strong>Théâtre</strong>. Le premier aime lesêtres, le second trouve le courage <strong>de</strong> leur avouer. Je me souviens, il y a très longtemps,avec quelques amis, nous fréquentions un Conservatoire <strong>de</strong> Province, le soir,autour d’un verre, nous n’en finissions pas <strong>de</strong> refaire le mon<strong>de</strong> par le <strong>Théâtre</strong>, etdans nos discussions passionnées, ne cessaient <strong>de</strong> revenir <strong>de</strong>s noms comme ceux<strong>de</strong> Michel Bouquet pour son interprétation dans “No man’s land” <strong>de</strong> Harold Pinter,Robert Hirsh pour celle <strong>de</strong> “Sosie” dans “Amphitryon” <strong>de</strong> Molière, Marlon Brandopour Tenessee Williams, Ariane Mnouchkine, Romy Schnei<strong>de</strong>r, Patrice Chereau etJean-Pierre Vincent... Pourquoi ?... Parce que ces gens-là faisaient un <strong>Théâtre</strong> pourles Humains. Un <strong>Théâtre</strong> rien que pour eux tellement ils les admiraient. Un <strong>Théâtre</strong>où le talent était à la fois sur la scène et dans la salle. Un <strong>Théâtre</strong>, oui, <strong>de</strong>s aveuxd’une telle sincérité, que lorsqu’ils nous étaient offerts nous n’étions plus tout à faitles mêmes. Peut-être étions-nous un peu plus nous mêmes ? Un <strong>Théâtre</strong> qui n’avaitpas la prétention d’atteindre la vérité mais qui avait le courage <strong>de</strong> partir sans cesseà sa rencontre. Un <strong>Théâtre</strong> où les humains avaient la beauté <strong>de</strong> leurs faiblesses etle désespoir <strong>de</strong> leurs forces. Être en instance <strong>de</strong> leur découverte. Partir. Partir encoreà la rencontre <strong>de</strong> l’Autre, pour s’en approcher au plus près, mais sans jamais oser s’yconfondre. Un <strong>Théâtre</strong> où l’imparfait n’avait jamais sa place. Quand je relis l’autobiographied’Edward Bond, je me dis, qu’un jour ou l’autre, le chemin <strong>de</strong> cet auteur <strong>de</strong>vaitcroiser celui <strong>de</strong> Jean-Pierre Vincent. C’est chose faite aujourd’hui. Quand je pense àJean-Luc Lagarce, je me dis la même chose... Que la vie est belle !... Etre un homme<strong>de</strong> théâtre, c’est aussi savoir trahir avec élégance les secrets que cet art vous avaitconfiés pour les susurrer à <strong>de</strong> plus jeunes... comme si le <strong>Théâtre</strong> était un grandlivre qu’il était inévitable d’écrire à plusieurs... Car on murmure que Jean-PierreVincent est un remarquable professeur...