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Et les enfants dans tout ça? - Canada Media Fund

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<strong>Et</strong> <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> <strong>dans</strong> <strong>tout</strong> ça?Les famil<strong>les</strong> canadienneset la télévision à l’ère numériqueGroupe de recherche sur <strong>les</strong> jeunes et <strong>les</strong> médiasCentre for Youth and <strong>Media</strong> StudiesDépartement de communication, Université de MontréalIAuteursAndré H. Caron Ed.D.Jennie M. Hwang Ph.D.Elizabeth McPhedran B.A.CollaborateursCatherine Mathys B.Sc.Pierre-Luc Chabot B.Sc.Ninozka Marrder B.A.A.Boris H.J.M. Brummans, Ph.D.Letizia Caronia, Ph.D.TraductionFrédéric Moreau


IIRemerciementsNous aimerions <strong>tout</strong> d’abord souligner l’excellentecollaboration qui a pu s’établir entre nous etl’Alliance Médias Jeunesse, particulièrement grâceà Peter Moss, président de l’AMJ, ainsi que <strong>les</strong>directrices Caroline Fortier et Chantal Bowen.Nous voudrions aussi remercier Richard J. Paradis,président du Groupe CIC pour son appui précieuxà ce projet. De plus, nous aimerions soulignerla contribution de Michele Paris, Alex Raffé,J.J. Johnson, Lyne Côté et Katrina Walsh pour larévision de nos chapitres régionaux.Évidemment, un projet d’une telle envergure ne seréalise pas sans l’enthousiasme, le dynamisme etle travail acharné de <strong>tout</strong>e une équipe de gens quinous a assistés <strong>tout</strong> au long du processus.Enfin, rien de ceci n’aurait été possible sans laparticipation, le temps et le chaleureux accueil quenous avons reçu des nombreuses famil<strong>les</strong> et desjeunes que nous avons rencontrés <strong>dans</strong> <strong>tout</strong>es <strong>les</strong>régions du pays.Leur curiosité, leur appréciation de la rechercheet leurs précieuses suggestions ont été d’un appuiinestimable.Nous aimerions aussi souligner l’énormecontribution de Bell Média qui a financé ce projetainsi que le Fonds des médias du <strong>Canada</strong> qui asoutenu financièrement la traduction et contribuéà la diffusion de nos rapports de recherche.Prof. André H. CaronDirecteur du groupe de recherche sur <strong>les</strong> jeunes et <strong>les</strong> médiasUniversité de Montréal.


Table des matièresOrigine du projet 1Introduction à la seconde phase de l’étude 2Méthodologie 4Analyse régionale de St. John's, NL 9Introduction 10Du point de vue de la famille 12Du point de vue de l’enfant 19« <strong>Et</strong> si j’étais producteur » : <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> se prêtent au jeu 24Du point de vue de l’ado<strong>les</strong>cent 25Réflexions fina<strong>les</strong> 26IIIAnalyse régionale de Montréal, QC 29Introduction 30Du point de vue de la famille 32Du point de vue de l’enfant 39« <strong>Et</strong> si j’étais producteur » : <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> se prêtent au jeu 42Du point de vue de l’ado<strong>les</strong>cent 43Réflexions fina<strong>les</strong> 46Analyse régionale de Toronto, ON 47Introduction 48Du point de vue de la famille 51Du point de vue de l’enfant 63« <strong>Et</strong> si j’étais producteur » : <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> se prêtent au jeu 67Du point de vue de l’ado<strong>les</strong>cent 68Réflexions fina<strong>les</strong> 70


Origine du projetPendant plus de trente ans, l’Alliance MédiasJeunesse (AMJ) [anciennement l’Alliance pourl’enfant et la télévision (AET)] a suivi de près laqualité de la télévision jeunesse canadienne etcelle de tous <strong>les</strong> autres contenus sur écran destinésaux <strong>enfants</strong>. Elle a également ardemmentcontribué à la vitalité de l’industrie télévisuelleet a entrepris des projets de recherche originauxafin de mieux comprendre la télévision pour<strong>enfants</strong> et l’impact des écrans sur <strong>les</strong> jeunes. Encollaborant avec le Conseil de la radiodiffusionet des télécommunications canadiennes (CRTC)ainsi qu’avec d’autres agences gouvernementa<strong>les</strong>,l’AMJ livre en continu de nouveaux éclairagessur <strong>les</strong> contenus sur écran adressés aux jeunesCanadiens.L’étude sur la télévision jeunesse dont c’est ici lerapport a été soutenue et financée par Bell Médiaet le Fonds des médias du <strong>Canada</strong> (FMC). Ce projeta été mené pendant trois ans par une équipede chercheurs issus du Groupe de recherchesur <strong>les</strong> jeunes et <strong>les</strong> médias du Département decommunication de l’Université de Montréal,sous la direction de André H. Caron, Ph.D. Éd.Le travail de recherche, novateur, s’est articuléen deux étapes. Au cours d’une première phase,en s’appuyant sur une approche quantitative, <strong>les</strong>programmes jeunesse de la télévision canadienneont été examinés au niveau national et leurcontenu analysé. Les conclusions publiées en2010 ont dressé l’état actuel de la télévision pour<strong>enfants</strong>, de ses forces et de ses perspectives dedéveloppement.Le rapport de la première phase relève également<strong>les</strong> émissions que <strong>les</strong> jeunes Canadiens regardenten fonction de leur groupe d’âge et <strong>les</strong> productions<strong>les</strong> plus populaires. Il s’appuie sur uneanalyse de la relation entre chaînes de diffusion,horaires de programmation et habitudes d’écoutedes téléspectateurs.La seconde phase de l’étude, qui se fonde sur <strong>les</strong>résultats de la première, consiste en une étudequalitative sur l’appropriation des médias etde leur contenu par <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> et <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>.L’équipe de recherche s’est entretenue en profondeuravec plusieurs famil<strong>les</strong> et à mené desgroupes de discussion à travers le pays. Au rangdes questions abordées figurent <strong>les</strong> suivantes :— Quel est le mode d’écoute réel des <strong>enfants</strong>aujourd’hui, en 2012 ?— La télévision est-elle encore un média dominant<strong>dans</strong> la vie des <strong>enfants</strong> ?— Les <strong>enfants</strong> regardent-ils des programmesjeunesse sur Internet ?— De quelle manière la télévision a-t-elle façonné<strong>les</strong> jeunes d’hier et façonne-t-elle encore <strong>les</strong><strong>enfants</strong> d’aujourd’hui ?Des parents, des ado<strong>les</strong>cents et des <strong>enfants</strong> d’unpeu par<strong>tout</strong> au pays ont livré aux chercheursleurs impressions sur la télévision jeunesse. Ilsont répondu à leurs questions, leur permettantd’examiner avec précision le rôle du contenu médiatique<strong>dans</strong> la vie des jeunes Canadiens. Cetteétude ne se fonde pas uniquement sur <strong>les</strong> habitudesmédiatiques des famil<strong>les</strong> canadiennes maisaussi sur la manière dont cel<strong>les</strong>-ci interprètent,appréhendent et utilisent <strong>les</strong> médias <strong>dans</strong> leursinteractions socia<strong>les</strong> quotidiennes, en famille etavec leurs amis.Les chapitres suivants traiteront des objectifs derecherche de la seconde phase en détail. Serontégalement présentés la méthodologie et <strong>les</strong> résultatsobtenus <strong>dans</strong> <strong>les</strong> cinq régions canadiennesvisitées par <strong>les</strong> membres de l’équipe de recherche.1


2Introduction à laseconde phase del’étudeEn collaboration avec l’Alliance Médias Jeunesse(AMJ), le Groupe de recherche sur <strong>les</strong> jeunes et<strong>les</strong> médias de l’Université de Montréal a entreprisune vaste étude qualitative sur l’appropriationdes médias et de leur contenu par <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>canadiens et leurs parents. À partir des donnéessur <strong>les</strong> programmes jeunesse obtenues au coursde la première phase, la seconde phase a eu pourobjet d’observer <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> canadiennes <strong>dans</strong>leur foyer et de révéler ce que parents et <strong>enfants</strong>pensent de la télévision jeunesse actuelle.La première phase du projet (2010) a entre autresrévélé d’importantes lacunes quant à la disponibilitéet à la diversité des programmes de latélévision canadienne expressément destinés aux<strong>enfants</strong> âgés entre 9 et 12 ans. Parmi l’ensembledes émissions proposées, seu<strong>les</strong> 2 sur 5 sont d’originecanadienne et plus de la moitié du contenudisponible pour cette tranche d’âge consiste endessins animés.Au <strong>Canada</strong> anglais, parmi <strong>les</strong> 10 programmesjeunesse <strong>les</strong> plus plébiscités par <strong>les</strong> 9-12 ans,seuls 3 sont réalisés au <strong>Canada</strong>, alors que pour<strong>les</strong> 2-6 ans, 8 des 10 programmes <strong>les</strong> plus citéssont produits ou coproduits au <strong>Canada</strong>. Chez <strong>les</strong>francophones, <strong>les</strong> chiffres sont respectivement de5 sur 10 pour <strong>les</strong> 9-12 ans et de 6 sur 10 pour <strong>les</strong>2-6 ans.Globalement, <strong>les</strong> 9-12 ans représentent unetranche d’âge particulièrement vulnérable. À cettepériode, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> recherchent l’indépendanceet l’intimité. Ils développent un intérêt accrupour <strong>les</strong> médias sociaux et <strong>les</strong> interactions en généralavec leurs pairs. Le champ de leurs intérêtspersonnels et de leurs aptitudes intellectuel<strong>les</strong>s’élargit. Ils continuent de façonner leur sens de lacommunauté et ont soif de reconnaissance <strong>dans</strong><strong>tout</strong>es sortes de domaine, que ce soit de leurspairs, de leur famille ou de leurs concitoyens.De plus, cette période peut s’avérer très délicatecar l’accès à la maturité et <strong>les</strong> changementsconnexes se manifestent à des rythmes et surdes durées différentes d’un enfant à l’autre.Enfin, cet âge est décisif en ce qu’il va de pairavec une exposition grandissante à de nouvel<strong>les</strong>technologies à écran, <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> sont susceptib<strong>les</strong>de laisser moins de temps à l’enfant pour regarderla télévision.Ces <strong>enfants</strong> ont été <strong>dans</strong> un premier temps defidè<strong>les</strong> spectateurs des nombreuses productionscanadiennes de qualité qui leur étaient alors proposées.Mais vers 9-12 ans, devant une offre réduitede programmes canadiens, ils commencentà se tourner vers des émissions étrangères. Enoutre, la baisse de qualité des programmes canadiensqui leur sont directement destinés poussenombre d’entre eux à regarder des contenusadressés à des personnes plus âgées, au grandpublic ou aux adultes, mais qui ne conviennentpas toujours à leur âge.C’est pourquoi la seconde phase a été conçuepour interroger des famil<strong>les</strong> canadiennes <strong>dans</strong>leur environnement quotidien, afin de découvriravec précision ce que <strong>les</strong> parents et leurs <strong>enfants</strong>de 9-12 ans pensent des programmes jeunesseactuels faits spécialement pour leur groupe d’âge.Des parents, ado<strong>les</strong>cents et <strong>enfants</strong> de cinqrégions du pays ont livré leurs opinions aux chercheurset répondu à leurs questions <strong>dans</strong> leurspropres mots. L’équipe a ainsi tenté d’examiner,avec le plus de précision possible, le rôle desmédias <strong>dans</strong> la vie de ces jeunes individus.Par ailleurs, l’étude n’a pas uniquement eu pourobjet le rôle de la télévision et de son contenu.Elle s’est également penchée sur le recours des<strong>enfants</strong> aux nouvel<strong>les</strong> technologies à traversleur usage de l’ordinateur, du iPad, de la consolede jeux vidéo et du téléphone cellulaire. Leschercheurs ont donc observé, au sein de chaquefamille, la place des médias <strong>dans</strong> <strong>les</strong> interactionsquotidiennes. Ils ont demandé aux participantscomment ils percevaient l’impact des productions


télévisuel<strong>les</strong> sur <strong>les</strong> jeunes Canadiens, commentils évaluaient la qualité passée et actuelle desprogrammes jeunesse et comment ils se voyaienteux-mêmes évoluer <strong>dans</strong> un paysage médiatiqueen perpétuelle mutation.Ainsi, cette recherche a voulu répondre aux objectifssuivants :— comprendre le rôle de la télévision <strong>dans</strong> la viedes jeunes Canadiens en se concentrant surleur perception des programmes jeunesse ;— analyser comment <strong>les</strong> jeunes perçoivent <strong>les</strong>contenus diffusés à partir de leur interprétationet de leur usage de ces images <strong>dans</strong>leurs interactions familia<strong>les</strong> et socia<strong>les</strong> quotidiennes;— mieux mesurer l’influence de la télévision surla jeunesse canadienne sous l’angle des valeurset de l’identité.Avec ces objectifs en tête, le Groupe de recherchesur <strong>les</strong> jeunes et <strong>les</strong> médias (composé de quatrechercheurs chevronnés et de quatre assistantsde recherche d’études supérieures) a développéune série d’instruments de collecte de données :1) Entretien approfondi avec des famil<strong>les</strong> <strong>dans</strong>leur foyer respectif ; 2) Groupes de discussionavec, successivement, des <strong>enfants</strong>, des pèreset des mères, permettant aux participantsd’échanger des idées avec leurs pairs ; 3) Groupesde discussion composés d’ado<strong>les</strong>cents qui, venanteux-mêmes de quitter l’enfance, ont une idée pertinentedes éléments qui intéressent <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>.Chaque instrument était assorti d’une listearrêtée de questions abordant plusieurs thèmesmajeurs, tels que <strong>les</strong> habitudes d’écoute des <strong>enfants</strong>(où, quand, quoi, pourquoi, avec qui ?), l’implicationparentale et <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> qu’ils imposent<strong>dans</strong> la sélection des contenus, la perceptiondes programmes jeunesse au <strong>Canada</strong>, <strong>les</strong> usagesémergents de nouveaux médias, etc. Les groupesde discussion ont également été l’occasion depratiquer un exercice de stimulation mémorielle :<strong>les</strong> participants étaient appelés à se remémorerleurs souvenirs d’enfance liés à la télévision.Cette méthode de retour sur le passé a permisde recueillir de précieuses informations sur <strong>les</strong>caractéristiques des programmes mémorab<strong>les</strong> quiincarnent <strong>les</strong> valeurs et <strong>les</strong> identités canadiennes.De cette manière, <strong>les</strong> chercheurs ont égalementété capab<strong>les</strong> d’examiner plus précisémentcomment <strong>les</strong> jeunes Canadiens reproduisent cesvaleurs <strong>dans</strong> leurs interactions socia<strong>les</strong> quotidiennes.Les souvenirs nostalgiques des parentsont composé des images très nettes de leur rapportd’alors à la télévision et des attributs qu’ilssouhaiteraient retrouver <strong>dans</strong> <strong>les</strong> programmesactuels pour leurs <strong>enfants</strong>. Les méthodes et <strong>les</strong>questions des entretiens de la seconde phaseseront abordées plus en détail <strong>dans</strong> le chapitresuivant.La collecte de données a démarré à Montréal(Québec) à l’automne 2010 et s’est prolongée aucours des 18 mois suivants à travers le <strong>Canada</strong>.Elle a été réalisée auprès de famil<strong>les</strong> de Toronto(Ontario), St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador),Calgary (Alberta) et Vancouver (Colombie-Britannique).Dans chaque ville/région, 5 famil<strong>les</strong>ont été interrogées à domicile et 4 groupes dediscussion ont été conduits. Au total, 80 famil<strong>les</strong>distinctes ont été sondées (soit plus de 200participants) à propos de leurs habitudes médiatiqueset de leurs opinions sur la télévision pour<strong>enfants</strong>.Les entretiens à domicile ont été l’occasion pourl’équipe de recherche de côtoyer tous <strong>les</strong> types defamille, non sans relever quelques excentricités.Au cours de ce projet, <strong>les</strong> chercheurs ont <strong>tout</strong> vu.Ils ont rencontré des famil<strong>les</strong> issues de tous <strong>les</strong>milieux et de tous <strong>les</strong> horizons. Certaines vivaientgrâce à l’aide sociale, d’autres occupaient degrandes demeures avec trois voitures <strong>dans</strong> le garage.Ils ont parfois été accueillis avec des biscuits<strong>tout</strong> droit sortis du four mais également <strong>dans</strong> deshalls d’entrée encombrés de cartons remplis debabio<strong>les</strong>. Certains foyers comptaient pas moinsde six postes de télévision quand d’autres n’enpossédaient qu’un. Une famille en particuliergardait son poste sous clef <strong>dans</strong> le bureau desparents. Ils ont rencontré des <strong>enfants</strong> inscrits au3


4tableau d’honneur de leur école et d’autres quiéprouvaient des difficultés d’apprentissage ; des<strong>enfants</strong> capab<strong>les</strong> de jouer de quatre instrumentsde musique et d’autres occupés à construiredes bateaux pirates, grandeur nature, <strong>dans</strong> leurjardin. Les chercheurs ont également croisé<strong>tout</strong>es sortes d’animaux à poil, des chiens et chatshabituels jusqu’au rat domestiqué en passantpar un poney miniature. Les parents interrogésexerçaient <strong>tout</strong>es sortes de métiers : enseignant,arboriculteur, comptable, mécanicien, constructeurde kayak, joueur de jeux vidéo professionnel,parent au foyer et fonctionnaire, pour n’en citerque quelques-uns. Les famil<strong>les</strong> sondées présentaientdes antécédents divers, parlant parfois unedeuxième langue à la maison, et des structuresfamilia<strong>les</strong> variées, certaines étant recomposées.Ces famil<strong>les</strong> ont livré aux chercheurs une lectureglobale des pratiques régiona<strong>les</strong> de consommationdes médias. <strong>Et</strong> prises individuellement, el<strong>les</strong>ont fait transparaître des habitudes médiatiqueset des cultures familia<strong>les</strong> diverses.Ce rapport est organisé comme suit : le chapitresuivant abordera la méthodologie de l’étude endécrivant en détail <strong>les</strong> participants, <strong>les</strong> procéduresd’entretien et <strong>les</strong> questions posées. Ensuite,<strong>les</strong> données de l’étude seront présentées régionpar région, en suivant <strong>les</strong> thèmes qui ont émergéau cours de l’analyse des chercheurs. Pour finir,<strong>les</strong> résultats feront l’objet d’une synthèse et <strong>les</strong>implications de la seconde phase de la rechercheseront examinées.MéthodologieLa seconde phase de l’étude s’est employée à fournirun portrait détaillé des contenus et usagesmédiatiques à travers <strong>les</strong> yeux des famil<strong>les</strong> canadienneset formulé <strong>dans</strong> leurs propres termes.Chaque instrument a permis d’aborder des questionsspécifiques du point de vue des différentsgroupes de participants <strong>dans</strong> chaque ville/région.L’étude a été approuvée par le comité d’éthiquede l’Université de Montréal, ce qui a assuré laconfidentialité des renseignements offerts par <strong>les</strong>participants à la recherche.Le principal critère de sélection des famil<strong>les</strong> a étél’âge des <strong>enfants</strong>. Puisque l’équipe de recherches’intéressait plus spécialement aux <strong>enfants</strong> de 9 à12 ans, elle a travaillé de concert avec des firmesde recrutement <strong>dans</strong> chaque région pour identifierdes famil<strong>les</strong> cib<strong>les</strong> en fonction de l’âge des<strong>enfants</strong>. L’équilibre fil<strong>les</strong>/garçons a été respecté.Chaque famille prenant part à l’étude était composéed’au moins un enfant appartenant à cettetranche d’âge. La plupart d’entre el<strong>les</strong> en avaientdeux. Autre critère, chaque enfant participantdevait regarder la télévision 10 heures ou plus parsemaine et chaque famille retenue devait possédersous son toit certains appareils de nouvelletechnologie.Entrevues familia<strong>les</strong>à domicilePour conduire <strong>les</strong> entrevues familia<strong>les</strong>, <strong>les</strong>membres de l’équipe de recherche se sont rendus<strong>dans</strong> cinq vil<strong>les</strong> et leurs banlieues, <strong>tout</strong>es <strong>dans</strong>des régions différentes : St. John’s à Terre-Neuveet-Labrador,Montréal au Québec, Toronto enOntario, Calgary en Alberta et Vancouver enColombie-Britannique. Dans chaque ville/région,cinq famil<strong>les</strong> ont reçu l’équipe de recherche chezel<strong>les</strong>. Les chercheurs ont ainsi pu se familiariseravec leur environnement médiatique quotidienet avoir un aperçu de leur vie à la maison. Ils ontégalement relevé, <strong>dans</strong> <strong>les</strong> foyers, la dispositiondes équipements technologiques. Ce détail leura semblé significatif <strong>dans</strong> la mesure où il indiquecomment la famille s’approprie la technologie.Chaque entrevue a duré environ 60 minutes et<strong>tout</strong>es <strong>les</strong> conversations ont été filmées.Les entretiens ont commencé par des questionssimp<strong>les</strong> : <strong>les</strong> différentes formes de média etde technologie présentes au domicile et leuremplacement <strong>dans</strong> la maison. Les particularitésconcernant des abonnements au câble, à deschaînes payantes et à Internet ont également étéabordées. Ensuite, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> ont été interrogéssur leurs habitudes médiatiques généra<strong>les</strong> : queregardez-vous à la télévision au cours d’une


journée ordinaire, entre le lever et le coucher ?Quel poste de télévision utilisez-vous le plus ?Regardez-vous la télévision avec vos parents ?Quels sont vos programmes favoris et pourquoi ?Quel<strong>les</strong> émotions ressentez-vous devant cesprogrammes ?Les parents ont été invités à citer <strong>les</strong> trois meilleursprogrammes jeunesse disponib<strong>les</strong> actuellementet à expliciter <strong>les</strong> raisons de leur choix. Ilsont mentionné le titre du programme en questionet discuté de leurs préférences plus en détail. Illeur a également été demandé d’exprimer leuropinion quant à l’état actuel des productionsjeunesse : l’offre disponible pour <strong>les</strong> 9-12 ans, <strong>les</strong>productions canadiennes, l’impact de la télévisionsur leurs <strong>enfants</strong> et comment ils interviennentet régulent la consommation médiatique deces derniers. Finalement, l’équipe de recherchea examiné l’utilisation de l’ordinateur par <strong>les</strong><strong>enfants</strong> et a suivi <strong>les</strong> activités en ligne auxquel<strong>les</strong>ils s’adonnaient, qu’ils pratiquent ou non le« media multitasking ». Elle a aussi pris note desdifférents sites auxquels ils avaient régulièrementrecours. En outre, <strong>les</strong> chercheurs ont exploréleur usage des nouvel<strong>les</strong> technologies (conso<strong>les</strong>de jeux vidéo, iPod, téléphone cellulaire et iPad).À la fin, tous <strong>les</strong> membres de la famille ont étéinterrogés sur <strong>les</strong> changements observés <strong>dans</strong>leur consommation médiatique des dernièresannées. Cette question leur a permis de réfléchirsur l’intégration des nouvel<strong>les</strong> technologies <strong>dans</strong>leur foyer et sur leurs nouveaux moyens de communiquer,d’apprendre ou de se divertir.Groupes dediscussion composésde pères ou de mèresDans chaque ville/région, cinq famil<strong>les</strong> supplémentairesont été recrutées pour participer à desentretiens de groupe. Pères, mères et <strong>enfants</strong>formaient des groupes séparés. Les groupes dediscussion des pères et ceux des mères étaientcomposés de 5 personnes, tandis que <strong>les</strong> groupesdes <strong>enfants</strong> comptaient de 6 à 10 participants.Chaque entretien, d’une durée d’une heure etdemie, a été filmé.Ces groupes de discussion avaient pour objectifd’amener <strong>les</strong> participants à s’exprimer librementavec leurs pairs et à commenter ensemble l’étatactuel de la télévision jeunesse. Dans <strong>les</strong> groupesformés de pères ou de mères, l’entretien débutaitpar un exercice de stimulation sensorielle visantà éveiller la nostalgie. Une vidéo Internet conçuepar Chrome Experiment et permettant de revoirle domicile familial et le voisinage de leur enfanceleur était présentée. Après qu’un parent ait indiquél’adresse où il avait grandi et que celle-ci aitété entrée sur le site Web de Chrome Experiment,un clip de la chanson We Used to Wait du groupeArcade Fire se lançait, accompagnée d’imagesGoogle Earth du quartier d’enfance, de la rue etfinalement de la résidence du participant. Lesparents qui ont pris part à cette expérience ontété abasourdis de revoir la rue <strong>dans</strong> laquelle ilsavaient grandi. Cela a eu pour effet de réveillerdes souvenirs empreints de nostalgie. Puis, l’animateurprenait la parole et lisait <strong>les</strong> indicationssuivantes :J’aimerais maintenant que vous fermiez<strong>les</strong> yeux et que vous imaginiez replonger<strong>dans</strong> votre enfance. Je veux que voustentiez de vous remémorer <strong>les</strong> programmesque vous regardiez à l’âge de 9-10 ans.Rappelez-vous ces expériences. Repensez-ycomme si vous étiez en train de vivre cesmoments. Remémorez-vous <strong>les</strong> sensationsqui y sont associées, ce que vous voyez et ceque vous entendez.Les parents prenaient alors un temps de réflexionpuis couchaient sur le papier leurs souvenirs et<strong>les</strong> émotions qui y étaient associées. Chacun leurtour, ils ont ainsi partagé leurs souvenirs de latélévision de leur enfance en répondant à desquestions comme : Quels étaient alors vos programmespréférés ? Qui étaient vos personnagesfavoris ? Vous rappelez-vous de la musique dugénérique ? À quelle heure ce programme était-ildiffusé et avec qui le regardiez-vous ? Où le regardiez-vous? Quel est l’élément le plus inoubliable5


6à vos yeux ? Quel<strong>les</strong> émotions ressentiez-vousquand vous regardiez ces programmes ? L’exercicese terminait avec une pause de cinq minutes.La seconde moitié de la discussion se concentraitsur le présent. Les participants reprenaient leurcasquette de parents et réfléchissaient sur desquestions similaires à cel<strong>les</strong> posées <strong>dans</strong> le cadredes entrevues familia<strong>les</strong> (essentiellement au sujetde leur opinion sur <strong>les</strong> programmes jeunesseactuels, le contenu en ligne et le meilleur contenupour leurs <strong>enfants</strong>). Fait intéressant, <strong>les</strong> parentsse sont naturellement exprimés sur <strong>les</strong> valeursqu’ils ont apprises à travers <strong>les</strong> programmesde leur enfance et <strong>les</strong> ont comparées à cel<strong>les</strong>auxquel<strong>les</strong> leurs <strong>enfants</strong> étaient actuellementexposés. La discussion se terminait par un jeu derôle au cours duquel <strong>les</strong> parents endossaient <strong>les</strong>fonctions d’un producteur de télévision et étaientinterrogés sur <strong>les</strong> émissions jeunesse qu’ils severraient produire.Groupes dediscussion composésd’<strong>enfants</strong>Dans <strong>les</strong> groupes de discussion composés d’<strong>enfants</strong>,aucun exercice de stimulation mémoriellemais un jeu de dessin où ils évoquaient leursprogrammes de télévision favoris. Chaqueenfant, l’un après l’autre, avait l’opportunité dedessiner une référence à son programme préféréet le groupe devait deviner de quel programme ils’agissait et le commenter, ce qui suscitait beaucoupd’excitation. Il a également été demandéaux <strong>enfants</strong> d’évaluer <strong>les</strong> programmes jeunessepopulaires actuels après visionnement de courtsextraits (ex. : La Vie de palace de Zack et Cody,Bob l’éponge, Une grenade avec ça ?, Kaboum).Il est arrivé que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> qui appréciaientl’émission en cause se mettent spontanémentà chanter le générique, et nombreux sont ceuxqui, étonnamment, ont formulé des opinionstranchées sur ces programmes. Ils se sont d’ailleursempressés de <strong>les</strong> partager, qu’el<strong>les</strong> soientpositives ou négatives. Les participants se sontégalement prêtés au jeu de rôle du producteurau cours duquel ils ont travaillé de concert pourcréer un programme pour <strong>enfants</strong> destiné à leurtranche d’âge. Dans cet exercice, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> ontpu choisir le style du programme (dessin animéou film en prises de vue réel<strong>les</strong>), le cadre del’histoire, <strong>les</strong> types de personnages et un synopsisde l’intrigue. Cela a donné aux chercheurs d’unaperçu des préférences des jeunes esprits créatifscanadiens.Groupes dediscussion composésd’ado<strong>les</strong>centsEn plus des famil<strong>les</strong> participantes, 5 ou 6 ado<strong>les</strong>centsâgés entre 13 et 17 ans ont été associés àl’étude <strong>dans</strong> chaque ville/région. La constitutionde ces groupes visait à obtenir un éclairagesur leurs préférences d’écoute par rapport auxprogrammes qu’ils regardaient quand ils avaiententre 9 et 12 ans. Comme <strong>dans</strong> <strong>les</strong> autresgroupes, ils ont évalué <strong>les</strong> programmes jeunesseactuels (après visionnement d’extraits) et se sontprêtés au jeu de rôle du producteur de télévision(puisqu’ils venaient de sortir de l’enfance et qu’ilscomprenaient <strong>les</strong> préférences d’un auditoireplus jeune). Les données recueillies ont permisà l’équipe de recherche d’analyser des aspectsde programmes ou de personnages particuliers(mémorab<strong>les</strong>) ainsi que des portées symboliquessignificatives à partir des recommandationsdes participants pour développer de futurs programmesjeunesse.


Analyse des donnéesPendant cette traversée du <strong>Canada</strong>, des heuresd’enregistrement ont été accumulées, <strong>les</strong>quel<strong>les</strong>ont été transcrites méticuleusement en anglaisou en français. Au total, plus de soixante heuresde données ont été examinées. Ces transcriptionsont été analysées en cherchant des thèmesdominants qui ont permis aux chercheurs dese faire une idée plus précise des habitudesmédiatiques des <strong>enfants</strong> et des parents et de leursopinions sur la question. Plus spécifiquement,on a étudié <strong>les</strong> aspects thématiques des proposde chaque participant <strong>tout</strong> en se concentrantsur <strong>les</strong> préférences télévisuel<strong>les</strong> des parents,<strong>enfants</strong> et ado<strong>les</strong>cents qui transparaissaient <strong>dans</strong><strong>les</strong> fréquents récits d’expériences et souvenirsnostalgiques de chacun. Puis, <strong>les</strong> transcriptions etnotes de terrain ont été relues plusieurs fois pouridentifier et marquer <strong>les</strong> éléments récurrents. Larégularité des occurrences a permis de définir desthèmes centraux et de capturer <strong>les</strong> modes spécifiquesselon <strong>les</strong>quels chaque famille et chaqueparticipant s’approprie un usage et un contenumédiatique <strong>dans</strong> chaque ville/région. À partir de<strong>tout</strong>es <strong>les</strong> données collectées et de tous <strong>les</strong> entretiensconduits, plusieurs thèmes majeurs se sontdégagés. Certains d’entre eux sont spécifiques àune ou plusieurs régions tandis que d’autres sontcommuns à tous <strong>les</strong> foyers du pays.Il est pertinent de noter qu’aucun participantà un groupe de discussion ni aucune famille n’arelevé ou mentionné de préférence spécifiqueau genre masculin ou féminin pour ce qui étaitdes programmes favoris des <strong>enfants</strong>. Bien que laquestion ne leur ait pas été directement posée,aucun enfant ni adulte n’a volontairementfait état d’un « programme pour garçons » oud’une « émission de fil<strong>les</strong> » ou d’un lien entresexe de l’auditoire et contenu. Seul le groupe dediscussion des ado<strong>les</strong>cents en a fait mention. Eneffet, nombreux sont ceux qui se sont rappelé <strong>les</strong>démarcations entre <strong>les</strong> programmes regardés àcet âge selon le sexe des spectateurs. Cela dit, ilssont <strong>les</strong> seuls à avoir abordé ce point. De plus,cela n’a jamais été présenté comme un aspectnégatif mais plutôt comme une réalité factuellede certains programmes destinés aux 9-12 ans.Le présent rapport consacre un chapitre entier àchaque région, lequel offre une étude approfondiede chaque ville assortie de citations et d’exemp<strong>les</strong>personnels des participants. Ces résultats sontprésentés d’est en ouest, c’est-à-dire de St. John’sà Vancouver.7


9Analyse régionale deSt. John's, NL


10IntroductionLes données de l’étude relatives à l’est canadienont été recueillies à St. John’s, capitale de Terre-Neuve-et-Labrador, dont la population dépasse<strong>tout</strong> juste <strong>les</strong> 200 000 habitants. Les informationsprésentées <strong>dans</strong> le chapitre ci-dessous ontété recueillies pendant quatre jours en juin 2011.Dans l’ensemble, <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> rencontrées <strong>dans</strong>cette province sont de classe moyenne inférieureà supérieure, et l’âge des parents varie de la fin dela trentaine au début de la quarantaine. Chaquefamille compte au moins un enfant âgé entre 9et 12 ans. Tous sont nés au <strong>Canada</strong>. Les revenusannuels par foyer se situent entre 34 000 $ et 120000 $. Tous <strong>les</strong> parents ont grandi au <strong>Canada</strong>. Lamajorité d’entre eux ont passé l’essentiel de leurvie à Terre-Neuve et occupent à plein temps ouà mi-temps des postes de col bleu. Quelques-unssont des diplômés universitaires ou d’éco<strong>les</strong>supérieures. Parmi <strong>les</strong> métiers exercés figurentouvrier en bâtiment, enseignant, technicien <strong>dans</strong>le domaine de la santé et directeur de vente audétail.Le chapitre qui suit présente l’archétype de lafamille de Terre-Neuve, celle qui incarne et synthétisele mieux <strong>les</strong> foyers interrogés. Puis serontexposées brièvement <strong>les</strong> habitudes médiatiquestypiques et <strong>les</strong> tendances qui ont émergé <strong>dans</strong>l’analyse de données propre à cette région du<strong>Canada</strong>. Les thèmes seront divisés en catégories,<strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ont apporté un éclairage sur <strong>les</strong> troisang<strong>les</strong> retenus pour explorer le sujet de l’étude :le point de vue de la famille, celui de l’enfant etcelui de l’ado<strong>les</strong>cent. Comme <strong>tout</strong> au long de cerapport, <strong>les</strong> noms des famil<strong>les</strong> ont été modifiéspour assurer la confidentialité et l’anonymat auxparticipants.Les CarlsonBienvenue chez <strong>les</strong> Carlson, une famille de classemoyenne supérieure qui réside en banlieue de St.John’s. La mère, Lisa, est enseignante au collègelocal tandis que le père, John, travaille à pleintemps comme directeur de vente au détail. Tous<strong>les</strong> deux ont un peu plus de 40 ans. Ensemble,ils perçoivent un revenu annuel situé entre 100000 $ et 120 000 $. Leur fils de 11 ans, Kyle,participe également à l’entretien. Il est intelligentet s’exprime bien. Il cultive une passion pour lamusique et joue de trois instruments. Le couplea également une fille aînée de 14 ans, qui n’estpas présente lors de l’entretien, mais d’après <strong>les</strong>informations transmises par <strong>les</strong> parents, elleréussit bien à l’école.C’est autour de la table de la cuisine que <strong>les</strong>membres de la famille se retrouvent volontierspour partager <strong>les</strong> détails de leurs habitudes médiatiques.Pour information, cette famille possède4 téléviseurs : 1 <strong>dans</strong> le salon, 1 au sous-sol, 1<strong>dans</strong> la chambre de la fille aînée et le dernier<strong>dans</strong> la chambre parentale. Kyle a tendance àutiliser <strong>les</strong> deux premiers pour suivre ses troisprogrammes préférés : Les Stupéfiants, Phineaset Ferb et Star Wars: the Clone Wars.Une journée typique chez <strong>les</strong> Carlson commencepar le déjeuner que Kyle prend en compagnie deson père <strong>dans</strong> le salon devant Family Channel(un rituel qui sera examiné plus en détailultérieurement <strong>dans</strong> le chapitre). Après l’école,Kyle rentre à la maison et passe la plupart deses après-midis à jouer dehors avec des amis duvoisinage. Toutefois, il lui arrive de rentrer etde s’asseoir devant la télévision ou de faire sesdevoirs avant le souper. Pendant que ses parentspréparent le repas du soir, lui et sa sœur aimentécouter <strong>les</strong> programmes de Family Channel <strong>dans</strong>le salon. Les repas chez <strong>les</strong> Carlson ont tous lieuen famille <strong>dans</strong> le salon, ou au sous-sol devant latélévision. D’ordinaire, ils regardent des comédiesde situation pour adultes qu’ils ont préalablementenregistrées, comme The Big Bang Theory etAmerica’s Funniest Home Videos, ou des sériespour adultes comme Castle. Après le souper, ils


poursuivent parfois leur covisionnement familial,habituellement avec Les Stupéfiants ou d’autresémissions de Discovery Channel, <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> sont<strong>les</strong> préférées de la famille. Néanmoins, quatresoirs par semaine, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> participent à desactivités parascolaires à partir de 18 h 30, ce quileur laisse peu de temps à consacrer à la télévision.Les fins de semaine, une routine différenteprend le relais puisque Kyle reconnaît regardermoins de télévision. Mis à part <strong>les</strong> programmesdu samedi matin de Family Channel, il préfèrepasser ses journées dehors.Lisa et John sont tous <strong>les</strong> deux impliqués activement<strong>dans</strong> <strong>les</strong> pratiques médiatiques de leurs<strong>enfants</strong>. Ils ont mis en place certaines règ<strong>les</strong> afinde contrôler leur consommation. Par exemple,leur fils n’a le droit de jouer aux jeux vidéo qu’enfin de semaine, à moins qu’il se soit entraîné àjouer de ses instruments de musique à raisond’une heure par jour. Ils ont également installéun module de contrôle parental avec mot de passesur leur téléviseur HD au sous-sol, parce qu’ilsne sont pas toujours à proximité pour surveillerce que leurs <strong>enfants</strong> regardent. Cela dit, John sefait fort d’expliquer qu’il est parfois importantde faire une entorse à leur règlement, quand i<strong>les</strong>t question de mettre leurs <strong>enfants</strong> <strong>dans</strong> unesituation d’égalité avec leurs pairs. Au sujet desgoûts de son fils en matière de jeux vidéo, le pèreadmet que bien que Halo ne soit pas adapté à sonâge, il lui permet d’y jouer pour qu’il ne soit pasrejeté par ses amis, tous d’avides consommateursde jeux vidéo.Il arrive que <strong>les</strong> Carlson s’inquiètent que certainesémissions spécifiquement destinées à la tranched’âge de Kyle soient trop graves et que leur contenune soit pas assez informatif. Pour remédier àla situation, ils aiment regarder la télévision avecleurs <strong>enfants</strong> autant que possible, d’ordinaire desprogrammes diffusés sur Discovery Channel, afinde suivre leurs habitudes et de passer ensembledes moments de qualité.Habitudesmédiatiquesà St. John’sLes <strong>enfants</strong> de St. John’s affirment regarder aumoins 10 heures de télévision par semaine. Celadit, ils passent également une bonne partie deleur temps libre à l’extérieur, à jouer avec des amis<strong>dans</strong> leur quartier. Les <strong>enfants</strong> s’assoient courammentdevant le téléviseur avant d’aller à l’école,pendant le souper familial et en soirée. Ils le fontplus rarement après l’école et en fin de semaine.Pendant ces périodes, ils ont tendance à passerplus de temps dehors, en fonction de la météo.Les famil<strong>les</strong> interrogées à St. John’s possèdenten moyenne 3,8 téléviseurs par foyer (4 sur 5ont souscrit un abonnement de télé par satelliteou par câble). Néanmoins, la pratique régulièredu covisionnement entre membres d’une mêmefamille semble être assez fréquente. Celle-ci intervientgénéralement au cours des repas du soir,quand <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> regardent des programmes engénéral destinés aux adultes <strong>tout</strong> en mangeant.Environ 2 famil<strong>les</strong> sur 5 possèdent leur propremagnétoscope numérique (ou PVR) et choisissentde préenregistrer leurs programmes préféréspour <strong>les</strong> regarder ensuite à l’heure des repas. C’estau cours des soirées et <strong>les</strong> matins avant l’écoleque parents et <strong>enfants</strong> suivent avec plaisir <strong>les</strong>programmes jeunesse qu’ils préfèrent sur FamilyChannel, YTV ou Discovery Channel. En certainesoccasions, <strong>tout</strong>efois, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> regardent latélévision seuls, puisqu’un tiers de ceux qui ontété interrogés disposent d’un téléviseur <strong>dans</strong> leurpropre chambre à coucher.Si <strong>les</strong> modes de consommation télévisuelle sontrelativement similaires d’une famille à l’autre, <strong>les</strong>usages de l’ordinateur ou d’Internet varient. Lesfamil<strong>les</strong> rencontrées à St. John’s possèdent enmoyenne 2,2 ordinateurs par foyer, ce qui signifiequ’<strong>enfants</strong> et parents doivent <strong>les</strong> partager. Lesfamil<strong>les</strong> placent presque toujours un ordinateur<strong>dans</strong> la pièce centrale, accessible à tous. Néan-11


12moins, certains <strong>enfants</strong> rapportent avoir leurpropre ordinateur portable. Ils disposent ainsi deplus de liberté et de mobilité pour l’utiliser et ontaccès à Internet quand ils en ont envie.Sur Internet, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> fréquentent une largevariété de sites, dont le plus visité reste Facebook.En fait, parmi <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> de 9 à 12 ans interrogésà Terre-Neuve, 4 sur 5 ont un compte Facebooket certains disent y avoir accès plusieurs fois parjour. Comme <strong>dans</strong> d’autres régions, le nombred’<strong>enfants</strong> de St. John’s qui ont recours à Facebooket à d’autres sites de médias sociaux varie avecl’âge, mais la plupart d’entre eux ont entre 11 et12 ans. Les plus jeunes n’ont pas encore ouvert decompte, ou s’ils l’ont déjà fait, ne s’y rendent pasaussi fréquemment que <strong>les</strong> plus âgés. Parmi <strong>les</strong>autres sites populaires figurent MSN, des sites dejeux en ligne et YouTube. Peu d’<strong>enfants</strong> déclarentregarder des programmes télévisuels sur Internet.Concernant <strong>les</strong> autres équipements électroniques,chaque foyer compte en moyenne 2,4 conso<strong>les</strong>de jeux (Nintendo Wii, PlayStation, DSI, etc.) et4 <strong>enfants</strong> sur 5 possèdent leur propre téléphonecellulaire et leur iPod. Les chercheurs n’ont relevéqu’une seule fille détentrice d’un Smartphone.Elle l’utilise de temps en temps pour accéderà Facebook et à Internet, en plus de <strong>tout</strong>es <strong>les</strong>autres fonctions régulières du téléphone.Du point de vuede la famillePlusieurs thèmes ont émergé de l’ensemble desdonnées collectées, et el<strong>les</strong> trouvent un échochez <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> de St. John’s. La section qui suitconsiste en un rapport détaillé de ces thèmes,<strong>les</strong>quels sont étayés par des exemp<strong>les</strong> tirés descinq entretiens familiaux et des quatre groupes dediscussion qui ont été tenus.« Nous avonstendance à regarderensemble beaucoupde ces programmes »Comme cela a été mentionné précédemment, <strong>les</strong>famil<strong>les</strong> de St. John’s pratiquent fréquemment lecovisionnement et <strong>les</strong> parents font état d’un suiviactif des programmes jeunesse de leurs <strong>enfants</strong>.Le suivi actif d’un programme se vérifie dèslors que <strong>les</strong> parents qui l’exercent sont capab<strong>les</strong>d’expliquer et de discuter des émissions que leurs<strong>enfants</strong> regardent. Ils témoignent ainsi du niveaud’attention qu’ils prêtent au programme et aucontenu diffusé. Le covisionnement consiste àphysiquement rejoindre l’enfant pendant qu’ilregarde la télévision ou à regarder la télévision enfamille.Les entretiens de St. John’s ont fait apparaîtrede nombreuses preuves de covisionnement actif :la plupart des parents de l’agglomération n’ontaucune difficulté à nommer <strong>les</strong> programmeset <strong>les</strong> personnages préférés de leurs <strong>enfants</strong>, àindiquer <strong>les</strong> horaires de diffusion et à raconter <strong>les</strong>intrigues des épisodes passés. Par ailleurs, beaucoupde parents affirment apprécier <strong>les</strong> mêmesprogrammes que leurs <strong>enfants</strong>, ce qui transformesans aucun doute le covisionnement en un passetempsplaisant pour <strong>tout</strong>e la famille. Dans le cas


des Doherty, la mère, le père et la fille de 12 ansaiment regarder Hannah Montana ensemble :INT Vous regardez <strong>les</strong> épisodes avec elle ?F12PèreMèreParfois.Parfois. (Tout le monde rit)Souvent. Il adore HannahMontana. N’est-ce pas ?INT C’est vrai ?PèreMèrePèreMèreElle est née le jour de mon anniversaire,le 23 novembre. C’est une bonne raisonde suivre ses aventures.Mais c’est aussi un bon programmefamilial.C’est vrai.Moi aussi j’aime regarder Hannah Montana.C’est bien, vous savez ?Plus tard, le même père est revenu sur ce point. Ila souligné combien il appréciait ces moments enfamille. Ils lui rappellent son enfance et le fait quesa famille respectait la même tradition :J’aime aussi regarder ça. C’est passeulement valable pour ces programmes,<strong>les</strong> Hannah Montana et autres. J’aime medétendre devant ces émissions. J’aime <strong>les</strong>comédies. El<strong>les</strong> apportent... C’est familial.On s’assied ensemble et on regarde.C’est super. J’ai grandi <strong>dans</strong> une familletrès unie. C’est très agréable de pouvoirse retrouver et de passer du bon tempsensemble. Je ris. <strong>Et</strong> ma famille aussi.Comme le confirment <strong>les</strong> citations précédentes,la pratique du covisionnement semble être unetradition familiale que <strong>les</strong> parents ont gardée deleur enfance. En fait, de nombreux parents interrogésà St. John’s sont nostalgiques en évoquantleurs souvenirs d’enfance devant l’unique postede télévision du foyer, avec <strong>tout</strong>e la famille. Cesémotions semblent être passées <strong>dans</strong> leur vied’adulte. Beaucoup de pères et mères s’efforcentaujourd’hui de perpétuer ce rituel et passent dutemps à regarder la télévision avec leurs <strong>enfants</strong>.Le groupe de discussion des mères en a donné unexcellent exemple. À cette occasion, une mère aexpliqué comment elle a entretenu cette traditionvia le covisionnement mais aussi en partageantavec sa fille des émissions spécifiques de sonpassé :Je regardais toujours Les routes du paradisavec ma mère. Juste ma mère et moi. Masœur était déjà au lit quand ça commençait.On s’assoyait avec une boîte de mouchoirsentre nous et on braillait et pleurait<strong>tout</strong>es <strong>les</strong> larmes de notre corps. Maismaintenant, j’ai tous <strong>les</strong> épisodes et je <strong>les</strong>regarde avec ma fille. C’est quelque chosequi est resté.Le covisionnement n’est pas seulement uneexcellente manière pour <strong>les</strong> parents de passer dutemps avec leurs <strong>enfants</strong>, c’est également unepratique que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> apprécient grandementet qui leur est profitable.À St. John’s, beaucoup d’entre eux rapportentqu’ils aiment beaucoup regarder la télévisionavec leurs parents. Partager leur enthousiasmepour certains programmes constitue pour euxun moyen de se rapprocher de leurs parents.Chez <strong>les</strong> Forrester, la mère et la fille de 11 ansaiment regarder ensemble Oprah et Dr. Phil aprèsl’école – un moment qu’el<strong>les</strong> ne partagent qu’entreel<strong>les</strong> deux. La jeune fille a raconté aux chercheursque <strong>tout</strong>es deux « pleuraient devant Oprah »,leur donnant ainsi un aperçu intime de ce passetempsprivilégié mère-fille. Les mêmes mère etfille ont ensuite mentionné d’autres émissionsqu’el<strong>les</strong> regardent ensemble et pourquoi, selon lafille, ce temps passé ensemble est si important :MèreF11MèreINTMèreF11MèreINTNous regardons ensemble HannahMontana.Ouais.Comme beaucoup d’autres programmesque nous apprécions.Bien.Sur<strong>tout</strong> <strong>les</strong> jumeaux sur le bateau.La Vie de croisière de Zack et Cody.C’est ça.Je vois. C’est effectivement très popu-13


14F11laire. Aimes-tu que tes parents regardentla télévision avec toi ?Oui.INT Peux-tu nous expliquer pourquoi ?F11On se prend à aimer passer du tempsensemble.Les Carlson sont un excellent exemple de lamanière dont chaque parent peut covisionner uneémission spécifique avec son enfant. Pour <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>,ces programmes se traduisent en momentsprivilégiés passés avec chacun de leurs parents.Par exemple, le père et son fils de 11 ans aiments’asseoir ensemble pour suivre Les Stupéfiantssur Discovery Channel. Tous deux apprécientla dimension scientifique de l’émission. De leurcôté, la mère et le fils affectionnent America’sFunniest Home Videos et Phineas et Ferb pourleur humour. Les Carlson ne regardent peut-êtrepas toujours la télévision en famille, mais pour<strong>les</strong> parents, regarder un programme seul avec leurfils symbolise le lien spécial que chacun entretientavec lui.Autre avantage, le covisionnement actif permetd’initier le dialogue sur certaines questions abordées<strong>dans</strong> le programme. Sur<strong>tout</strong> avec des <strong>enfants</strong>plus âgés, <strong>les</strong> parents estiment que regarder latélévision ensemble sert de passerelle pour parlerde sujets qui créent un malaise chez <strong>les</strong> ados etqui autrement seraient diffici<strong>les</strong> à aborder. Chez<strong>les</strong> Hannigan, par exemple, le père a su expliquerl’intérêt qu’il a trouvé à regarder Degrassi avec sesjumel<strong>les</strong> de 12 ans :INTPèreINTPèreF12-1 Mouais.Vous disiez combien Degrassi vousmettait parfois mal à l’aise mais...C’est à cause des questions ado<strong>les</strong>centesabordées, comme la sexualité ou d’autressujets similaires. Mais c’est <strong>tout</strong>.Ça ne vous dérange pas qu’el<strong>les</strong> soientexposées à ces sujets ?Je n’ai pas aimé regarder avec el<strong>les</strong> unépisode pendant lequel deux garçonss’embrassaient. Ça m’a gêné et mis mal àl’aise, mais...F12-2 Mouais.MèrePèreC’est sûr.C’est comme ça que ça se passe j’imagine.Mais nous ne leur parlons pasbeaucoup de ce genre de choses. Doncc’est aussi bien qu’el<strong>les</strong> en découvrentun peu plus de cette manière. Parfoislorsque ce type de thématique apparaît,j’essaie comment dire d’expliquer ou deraconter certaines choses sur le sujetmais ça <strong>les</strong> énerve parfois un peu. Je necrois pas qu’el<strong>les</strong> veulent m’entendremais reste que ça nous donne l’occasionde parler et de réfléchir à certaineschoses.Bien que la pratique du covisionnement soitsignificative, il est important de rappeler que<strong>les</strong> mêmes famil<strong>les</strong> possèdent en moyenne 3,8téléviseurs par foyer, ce qui laisse également laplace à une écoute individuelle. Le commentairedes McLeary est sur ce point très intéressant.Mère et fille rapportent que tous <strong>les</strong> membres dela famille aiment regarder American Idol, mêmesi généralement ils ne le regardent pas ensemble<strong>dans</strong> la même pièce. Tandis que la fille de 11 anssuit l’émission avec sa mère, le reste de la famillevoit le programme <strong>dans</strong> <strong>les</strong> autres pièces de lamaison.MèreF11MèreINTF11MèreOn a un penchant pour <strong>les</strong> émissions detéléréalité. On aime tous American Idol.Oui, tous. Mes deux sœurs, mes parentset moi, on le regarde tous.On le suit tous.<strong>Et</strong> vous aimez ça, regarder la mêmeémission ?Il arrive qu’on ne le regarde pas tous<strong>dans</strong> la même pièce.Nous sommes tous devant l’émissionmais <strong>dans</strong> des pièces différentes.INT Vraiment ?F11Ma sœur et mon père vont plutôt leregarder ici alors que ma mère et moimontons <strong>dans</strong> la chambre de ma mère.


Bien qu’ils ne soient peut-être pas assis côte àcôte devant ce programme, tous ont soulignéaux chercheurs que cette émission en particulierconstituait une partie importante du « tempspassé en famille » et un intérêt commun partagépar tous <strong>les</strong> membres du foyer.L’équipe de recherche pense que cette pratiqueimportante du covisionnement actif à St. John’spourrait être liée au type d’activités que <strong>les</strong>parents exercent. Ces derniers semblent disposerde plus de temps libre en soirée. Ils peuvent ainsile consacrer à leurs <strong>enfants</strong> sans être accaparéspar leur travail. De plus, en moyenne, <strong>les</strong> parentsde St. John’s passent moins de temps <strong>dans</strong> <strong>les</strong>transports matin et soir que leurs homologuesde Toronto, sauvant encore un peu plus de tempsà passer en famille. Néanmoins, le niveau élevéde covisionnement observé à St. John’s pourraitsimplement être dû à une culture familiale différenteet à un mode de vie propre à cette région.« Il esthabituellementdehors jusqu’ausouper »Bien que <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> interrogées à St. John’sconsomment des médias à grande échelle, <strong>les</strong><strong>enfants</strong> semblent préserver un équilibre avec <strong>les</strong>activités à l’extérieur. Dans <strong>les</strong> autres régions dupays, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> du même âge disent rarementjouer avec leurs amis dehors. Mais <strong>les</strong> jeunes deTerre-Neuve mentionnent tous plus d’une fois<strong>les</strong> jeux en plein air au rang de leurs habitudes.Interrogés sur leur consommation télévisuellequotidienne, tous ont plus ou moins répondu dela même manière que le fils de la famille Carlson,11 ans :INTG11Bon. Peux-tu nous décrire ta journée desemaine type ? Tu rentres à la maisonvers 15 h 30 et tu prends une collation ?Parfois. S’il fait beau, quand ma mèrerentre, je vais sur <strong>les</strong> terrains d’en faceet je joue avec mes amis. Il m’arriveaussi de rentrer, de regarder un peu detélévision et de me reposer.INT Jusqu’au souper ?G11MèreOui.En fait, il est habituellement dehorsjusqu’au souper.Il est à noter qu’au rang des activités menéesaprès l’école ou en fin de semaine, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> deSt. John’s citent « jouer dehors » avant « regarderla télévision ». Ces réponses ont été fournies sansque leurs parents <strong>les</strong> incitent à le faire, ce quiindique qu’il s’agit bien là d’une routine normaleque <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> apprécient généralement.Cette différence s’explique peut-être directementpar la province <strong>dans</strong> laquelle ils résident. Lesparents de Terre-Neuve n’ont de cesse de rappelerqu’ils ont une grande confiance <strong>dans</strong> leur voisinageet que cela constitue un environnementidéal pour élever des <strong>enfants</strong>. Ils se sententrassurés quand leurs <strong>enfants</strong> jouent dehors grâceau solide sens de la communauté qu’ils partagentavec leurs voisins. De nombreux parents onteux-mêmes grandi avec cette tradition de « tempspassé dehors en famille » et trouvent qu’il estimportant de perpétuer ce rituel avec leurs<strong>enfants</strong> aujourd’hui. Chez <strong>les</strong> Doherty, la mèrequi a vécu à Edmonton (AB) et Dartmouth (N.-É.)par le passé est revenue sur la confiance qu’elleressent aujourd’hui à laisser sa fille jouer dehors àSt. John’s :Quand j’habitais à Edmonton, ma filleaînée avait cinq ans. <strong>Et</strong> je peux vous assurerà 100 % que (fille12) n’aurait pas eu laliberté d’aller jouer dehors. Je ne lui auraispas laissé autant de liberté à Edmontonque je lui en accorde aujourd’hui. À causede la criminalité et… Il y a plus de raisonsde s’inquiéter là-bas je crois pour le parent.L’année dernière, ou l’année d’avant, nousvivions à Dartmouth. La vie y est déjàplus proche de Terre-Neuve. Mais mêmelà-bas, j’étais plus hésitante car on entendplus de choses sur des fusillades en voiture.15


16Ça n’existe pas ici. Je suis beaucoup plusrassurée à l’idée de la laisser aller dehors– elle n’erre pas seule. Je sais toujours oùelle est. Nous vivons <strong>dans</strong> une rue trèsfréquentée mais pourtant je n’ai pas autantde craintes à la laisser s’occuper dehors quej’en aurais en Nouvelle-Écosse et encoreplus en Alberta.Ce témoignage et ceux des autres parents confirmentque le sens profond de la communauté et lasécurité qui règnent à St. John’s constituent unepart importante et fortement appréciée de la vie<strong>dans</strong> cette province de l’est.« Tu peux laisser tonenfant la regarder24 heures par jour– il n’y verra jamaisrien d’inappropriépour son âge »De <strong>tout</strong>es <strong>les</strong> stations disponib<strong>les</strong> à Terre-Neuve,Family Channel est de loin la plus regardée par<strong>les</strong> <strong>enfants</strong>. C’est aussi, selon l’étude, la plusfiable aux yeux des parents. Ces derniers ontchoisi Family Channel à l’unanimité comme lachaîne qu’ils préconisent pour leurs <strong>enfants</strong>. Lesprogrammes diffusés sont selon eux <strong>les</strong> plus sûrset <strong>les</strong> plus divertissants. Ci-dessous, un extraitdu groupe de discussion conduit en présence demères de Terre-Neuve. Chacune revient sur ce quimotive son choix de chaînes :Mère5INTMaintenant, pour la tranche d’âge de mafille (9 ans), <strong>les</strong> meilleurs programmessont sans conteste Zoé, iCarly, PhénomèneRaven et <strong>les</strong> autres émissions dugenre.Je suppose alors qu’on peut dire quevous préconisez comme chaîne...Mère5 Family Channel !INTMère2Mère5INTMère4Family Channel avant <strong>tout</strong>...Exactement. <strong>Et</strong> Teletoon.Bien avant YTV, oui.Pourquoi la privilégier par rapport àYTV ?Bob l’éponge est le seul dessin animé queje <strong>les</strong> laisse regarder sur YTV. Il y a aussiTes désirs sont désordres, en qu’habituellement,je le raye de la liste.INT D’accord. <strong>Et</strong> quelle en est la raison ?Mère4INTMère4INTMère2Mère5INTJ’ai surpris une fois ma fille regarderun programme diffusé juste après Bobl’éponge. Il s’agissait de quelque chosesur <strong>les</strong> ado<strong>les</strong>cents. Je ne sais mêmepas ce que c’était mais il s’agissait d’undessin animé sur de vrais personnagesado<strong>les</strong>cents.Ce devait être 6teen. Est-ce que ça sepasse <strong>dans</strong> un centre commercial ?C’est ça et je me suis opposée à ce quequ’elle le regarde. Ça ne me plaisait pas.Je ne veux pas qu’elle regarde ce genrede programmes.Bien, et vous n’avez pas ce sentimentavec Family Channel. Est-ce pour vousune chaîne que vous la laisseriez regarder?Complètement.Il n’y a pas de soucis à se faire. Tu peuxt’asseoir et laisser ton enfant la regarder24 heures par jour. Ça ne pose aucunproblème. Il n’y verra jamais rien d’inappropriépour son âge.Est-ce que vous parleriez d’un niveaude confiance que vous ressentez enversFamily Channel ?(Tout le monde acquiesce)Mère1Mère2Mère4Mère5Oui.Oui.OuiCertainement.


Ces parents ne trouvent pas seulement queFamily Channel diffuse des programmes responsab<strong>les</strong>.Ils considèrent également que ses programmessont <strong>les</strong> plus appropriés pour la tranched’âge de leurs <strong>enfants</strong>. Ils citent des émissionstel<strong>les</strong> que Hannah Montana, Cory est <strong>dans</strong> laplace, La Vie de croisière de Zack et Cody et LesSorciers de Waverly Place comme étant « dignesde confiance ». Ils ne ressentent aucune crainte àlaisser leurs <strong>enfants</strong> suivre ces programmes sanssurveillance.Ils jugent cette chaîne légitime en raison deses programmes appropriés et de sa capacité àdivertir. Mais ils semblent sur<strong>tout</strong> lui trouverbeaucoup plus d’attraits que <strong>les</strong> autres chaînesjeunesse disponib<strong>les</strong>. Chez <strong>les</strong> Carlson, <strong>tout</strong> lemonde s’accorde à dire que <strong>les</strong> autres chaînesconviennent moins aux 9-12 ans, même si el<strong>les</strong>diffusent des dessins animés qui visent habituellement<strong>les</strong> <strong>enfants</strong> et <strong>les</strong> jeunes adultes :INTMèrePèreMèrePèreG11PèreQue pensez-vous globalement des programmesjeunesse ? Dans quel état setrouve selon vous la télévision jeunesse ?Je trouve certains dessins animés trèsétranges.Oui.Il me semble que ce ne sont pas <strong>les</strong>chaînes que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> regardent de<strong>tout</strong>e façon. Reste qu’en zappant, tutrouves...Tu as mentionné Teletoon. Les <strong>enfants</strong>ne regardent pas beaucoup cette chaîne.Mais si tu y jettes un coup d’œil, tu ytrouveras pas mal de contenus assezperturbants.C’est vrai.L’humour y est assez cru.Les opinions tranchées que ces parents ont formuléesau sujet des chaînes et des programmesappropriés sont directement liées à la discussionprécédente portant sur le covisionnement actif.Parce que <strong>les</strong> parents de St. John’s suivent activement<strong>les</strong> émissions jeunesse avec leurs <strong>enfants</strong>, ilssont à même de juger de ce qui est approprié et dece qui ne l’est pas, ce qui leur permet de trier <strong>les</strong>programmes qu’ils autorisent leurs <strong>enfants</strong> à regarder.Cette observation est également ressortied’un groupe de discussion composé d’ado<strong>les</strong>cents.Les six ado<strong>les</strong>cents présents ont tous reconnuque leurs parents ne leur avaient pas permis deregarder Les Simpson quand ils avaient 10 ans.« Dans <strong>les</strong>programmescanadiens enanglais, ils disent“eh” »On a demandé aux parents s’ils faisaient la différenceentre <strong>les</strong> programmes canadiens et américains,et si c’était le cas, <strong>les</strong>quels ils préféraient.Généralement, ils n’ont pas d’avis arrêté sur laquestion. Ils disent apprécier des émissions canadiennespour adultes comme Republic of Doylemais s’accordent avec leurs <strong>enfants</strong> pour direqu’il est difficile de différencier <strong>les</strong> programmesproduits au <strong>Canada</strong> de ceux produits aux États-Unis. Pour la plupart, l’origine du programme neconstitue jamais un problème ni une source desouci. Voici ce que répond la mère chez <strong>les</strong> Doherty,au sujet de sa fille de 12 ans :Je ne crois pas qu’elle sache vraiment d’oùils sont originaires et donc je ne crois pasqu’elle serait capable de répondre à cettequestion.Quelques <strong>enfants</strong> sont capab<strong>les</strong> de faire la distinctionentre <strong>les</strong> deux productions, grâce à de petitsindices. Chez <strong>les</strong> Carlson, le fils de 11 ans penseque <strong>les</strong> personnages anglo-canadiens utilisent lemot « eh » tandis que chez <strong>les</strong> Forrester, la fille,11 ans elle aussi, se souvient d’avoir été troubléepar un épisode spécial pour l’Action de grâce de sasérie favorite en novembre.17


18Quand on leur demande quel<strong>les</strong> productions ilspréféreraient regarder, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> sont divisés.Certains choisissent <strong>les</strong> émissions américainesau motif que leurs programmes favoris sont déjàproduits aux États-Unis. D’autres préfèrent descontenus canadiens, à condition qu’ils soient dequalité égale voire supérieure à ceux conçus del’autre côté de la frontière.Chez <strong>les</strong> Carlson, la mère est une enseignantede collège qui voit directement l’influence que latélévision américaine a sur ses étudiants, particulièrementen matière de politique, de géographieet d’actualités :INTMèreVous avez dit que <strong>les</strong> jeunes de votreclasse semblent en savoir plus sur <strong>les</strong>événements de l’actualité américaineque sur la nôtre.Absolument. Comme je l’ai dit, avant <strong>les</strong>dernières élections fédéra<strong>les</strong>, peut-êtrela moitié de mes élèves ignoraient quiétait le premier ministre du <strong>Canada</strong>alors qu’environ 95 % d’entre euxauraient pu dire que le président desÉtats-Unis était Barack Obama.La plupart des parents pensent que <strong>dans</strong> la mesuredu possible, il serait préférable d’avoir plusde programmes canadiens disponib<strong>les</strong> pour <strong>les</strong>9-12 ans, car ils ne sont capab<strong>les</strong> que de citer desémissions américaines présentement diffusées.Cela dit, parents et <strong>enfants</strong> conviennent qu’ilsaccordent plus d’importance à la qualité du contenuqu’à l’origine de la production.« C’est un peu unparent loin desparents »Il est indiscutable que la télévision joue un rôlemajeur <strong>dans</strong> la vie des famil<strong>les</strong> de St. John’s. Découvrirla fonction que chaque famille assigne àla télévision constitue une partie intéressante del’analyse. Les rô<strong>les</strong> peuvent parfois varier mêmeentre <strong>les</strong> différents individus d’une même famille.Mais <strong>tout</strong>es <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> ont recours à la télévisionpour se divertir, ou pour « passer un peu letemps », comme le dit un enfant de 11 ans. Latélévision est aussi utilisée pour initier <strong>les</strong> conversations,elle représente un intérêt commun, unoutil éducatif et une occasion de passer du tempsen famille. Il existe <strong>tout</strong>efois d’autres rô<strong>les</strong> assezpeu conventionnels que certains foyers prêtent àla télévision.Chez <strong>les</strong> Doherty, la fille âgée de 12 ans utilise latélévision de sa chambre comme veilleuse. Ellea pris l’habitude de laisser le téléviseur allumé<strong>tout</strong>e la nuit mais sans le son. Selon sa mère, lalumière qu’émet l’écran la rassure. Bien que ce soitla seule participante qui dise garder la télévisionallumée la nuit, plusieurs des famil<strong>les</strong> interrogéesreconnaissent laisser leur téléviseur allumé enjournée, même s’il n’y a personne pour le regarder.En ce sens, la télévision est omniprésente<strong>dans</strong> le foyer et même quand elle n’accapare pasl’attention de quelqu’un, elle prend un caractèred’ubiquité et impose en quelque sorte son nouveaurôle de substitut de la radio.Le père de la jeune Doherty voit la télévisioncomme un outil d’apprentissage et un modèlepour enseigner à son enfant un comportementsocial approprié. Il va même plus loin en appelantla télévision « un parent loin des parents », unesorte d’intermédiaire pour sa fille de 12 ansquand elle ressent un certain malaise à aborderavec ses parents <strong>les</strong> problèmes qu’elle a avecd’autres <strong>enfants</strong>. Selon lui, la télévision (etplus spécifiquement <strong>les</strong> programmes diffuséssur Family Channel) font office de modèle oude guide. Ils montrent des comportementssociaux convenab<strong>les</strong> et indiquent aux <strong>enfants</strong>comment résoudre <strong>les</strong> problèmes vécus avec leurssemblab<strong>les</strong>. Ils rassurent également <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>en leur montrant qu’ils ne sont pas <strong>les</strong> seuls àvivre ces difficultés et que <strong>tout</strong> le monde doitfaire face à ces mêmes questions universel<strong>les</strong>. Parconséquent, le père assigne à la télévision unepartie de ses devoirs parentaux. Il lui confie lerôle important de l’aider à élever sa fille et à luienseigner de précieuses leçons de vie.


Ma fille rentre de l’école avec en tête l’intentionde ne pas dire à sa mère ou à son pèrece qui est en train de lui arriver. Si quelquechose se passe à l’école, ils n’ont pas vraimentenvie de le raconter chez eux car ilsont compris qu’ils risquent de mettre leursamis <strong>dans</strong> une situation délicate et queleurs parents vont appeler l’école. <strong>Et</strong> doncen regardant ces programmes, on comprenddirectement comment ça se passe. Onconstate qu’il est de plus en plus questiond’intimidation à l’école ou de pressionsexercées par d’autres <strong>enfants</strong> de son âge.Mais le fait qu’à la télévision ces problèmesfinissent toujours par être résolus lui faitcomprendre qu’elle n’est pas <strong>tout</strong>e seule, que<strong>les</strong> personnages s’en sortent de telle ou tellemanière et qu’elle devrait peut-être en faireautant. Vous comprenez ? C’est pourquoic’est une sorte de parent loin des parents.Pour <strong>les</strong> Carlson, regarder Family Channel lematin au déjeuner est plus qu’un divertissement.C’est un marqueur <strong>dans</strong> leur organisation dutemps. Le père et son fils se fient à l’ordre desprogrammes matinaux pour savoir quand ilsdoivent partir pour l’école. Ainsi, la grille deprogrammation joue le rôle d’horloge.INTG11Tu viens de mentionner que tu regardaisquelque chose le matin avant de partir àl’école. De quoi s’agit-il ?Eh bien, je prends mon déjeuner et jeregarde Family Channel. <strong>Et</strong> puis on...INT Quel est le programme en question ?G11PèreG11MèrePèreC’est toujours le même ordre de jour enjour. D’abord il y a Cory est <strong>dans</strong> la placepuis Phénomène Raven et ensuite...La vie de croisière.La Vie de croisière de Zack et Cody. C’estça.Apparemment, c’est comme ça qu’ilssavent s’ils sont en retard.Si Derek commence, je sais que je vaisavoir des ennuis. Faut y aller !(Tout le monde rit)PèreMèrePèreINTPèreG11C’est triste à dire, mais c’est vrai.Moi je suis déjà partie. Ils sont juste tous<strong>les</strong> deux.C’est plus facile que d’avoir une radio-réveil.Les programmes se recyclentd’une semaine sur l’autre. C’est la mêmeprogrammation <strong>tout</strong>es <strong>les</strong> semaines,presque tous <strong>les</strong> jours. Quand j’entendsle générique...C’est votre radio-réveil.Notre signal, c’est la fin de La vie depalace de Zack et Cody.En général, on est partis quand PhénomèneRaven se termine.Du point de vuede l’enfant« Parfois, je vais surmon ordinateur enmême temps »L’expression « media multitasking » sert à décrirel’action de recourir à plusieurs formes de médiasimultanément. La plupart de ces <strong>enfants</strong> disents’y adonner devant la télévision en utilisantrégulièrement d’autres plateformes médiatiques(l’ordinateur, Internet, le clavardage, conso<strong>les</strong> dejeux DSi, messages texte sur téléphone cellulaire,etc.). Il est à noter qu’en termes de « media multitasking», le degré de fréquence parmi <strong>les</strong> adeptesvarie en fonction de l’âge de l’enfant.Pour <strong>les</strong> plus vieux (11 et 12 ans), le « mediamultitasking » est devenu la norme. C’est notammentle cas pour <strong>les</strong> jumel<strong>les</strong> Hannigan, âgées de12 ans. El<strong>les</strong> le pratiquent « 100 % du temps ».El<strong>les</strong> vont habituellement utiliser leur ordinateurportable pour clavarder en ligne et texter d’autresamis sur leur cellulaire <strong>tout</strong> en regardant latélévision.19


20INTF12-1 Oui.INTDonc si tu étais assise et que tu regardaisune émission ou simplement si latélévision était allumée, aurais-tu tonordinateur portable ouvert ?<strong>Et</strong> que ferais-tu sur ton ordinateurportable ?F12-1 Je serais sur Facebook.INTF12-1 Oui.INTF12-1 Aussi.OK. Est-ce qu’en plus d’être sur Facebook,tu discuterais en ligne ?Vraiment ? <strong>Et</strong> tu utiliserais ton téléphonecellulaire ?INT Est-ce que tu texterais en même temps ?F12-1 Oui.INTPèreComment fais-tu pour ne pas perdre lefil ?Je sais. Ça dépasse mon imagination.Le père a livré sa propre interprétation du multitaskinghabituel de ses fil<strong>les</strong>.PèreMèrePèreJ’ai remarqué qu’el<strong>les</strong> peuvent être surFacebook, sur leur ordinateur, avec latélévision allumée et si tu essaies dechanger de chaîne, el<strong>les</strong> ne vont pas telaisser le faire. <strong>Et</strong> moi de leur dire « Maistu ne prêtais même pas attention à cequi était diffusé ».Exactement.De temps à autre, je <strong>les</strong> vois se déconnecterde Facebook et commencer àenvoyer des messages texte.À l’autre bout du spectre se situent habituellement<strong>les</strong> plus jeunes, âgés de 9, 10 et 11 ans.Eux tendent à se concentrer davantage sur uneseule activité à la fois. Les trois <strong>enfants</strong> de 11 ansinterrogés à St. John’s ont en gros tous fournis<strong>les</strong> mêmes réponses aux questions portant sur le« media multitasking ». Le garçon jouera parfoisavec ses Légo devant la télévision tandis que <strong>les</strong>deux fillettes sont plus susceptib<strong>les</strong> de faire ducoloriage ou de lire. El<strong>les</strong> envoient également desmessages texte pendant <strong>les</strong> publicités. Quelle quesoit l’activité connexe qu’ils fassent, <strong>les</strong> trois <strong>enfants</strong>précisent bien que la télévision est toujoursla source vers laquelle leur attention est dirigéeen priorité.Il a également été demandé aux <strong>enfants</strong> s’ilexistait un programme si divertissant qu’ilaccaparait entièrement leur attention, à tel pointqu’ils cessaient le « media multitasking » pourse concentrer sur la télévision. Tous <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>qui ont admis s’adonner au multitasking ontdéclaré avoir au moins une émission favorite pourlaquelle ils interrompent <strong>tout</strong>e autre activité. Lajeune Doherty, 12 ans, dresse une liste des émissionspendant <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> elle ne pratique pas lemultitasking et explique pourquoi ces émissionsmonopolisent son attention :INTF12Existe-t-il des programmes que turegardes sans être en même temps surInternet, sans jouer avec tes rats ou faireautre chose comme ça ?Oui.INT Lesquels ?F12INTF12PèreF12 Non !Eh bien mes deux programmes préféréssont : La Vie de palace de Zack et Codyet La Vie de croisière de Zack et Cody.<strong>Et</strong> pourquoi n’es-tu pas distraite pard’autres choses quand tu <strong>les</strong> regardes ?Qu’est-ce que tu aimes <strong>dans</strong> ces émissions?Je ne sais pas...Les garçons.Mère T’es sûre ?F12Je ne sais pas vraiment pourquoi. C’estjuste une série super chouette.Les <strong>enfants</strong> ont tous nommé un ou deux programmesqui bénéficient de leur entière attentionet devant <strong>les</strong>quels ils ne s’adonneront jamais aumultitasking. Dans la liste figurent Star Wars: theClone Wars, Degrassi, Ma vie de star, La force dudestin, Urgences, On ne vit qu’une fois, Espritscriminels et Hannah Montana.


« Oh, j’adore cettesérie »Au cours des entrevues familia<strong>les</strong> et des groupesde discussion, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> sont amenés à nommer<strong>les</strong> programmes de télévision qu’ils préfèrent età expliquer pourquoi. Voici la liste complète detous <strong>les</strong> programmes favoris mentionnés par <strong>les</strong><strong>enfants</strong> <strong>dans</strong> <strong>les</strong> entretiens à domicile et <strong>dans</strong> <strong>les</strong>groupes de discussion. La liste reprend <strong>les</strong> catégoriesd’âge pour offrir au lecteur une meilleurecompréhension des préférences en fonction del’âge. L’origine de la production est égalementprécisée :ÂgeProgrammes préférés9 Les Simpson (É.-U.)Phineas et Ferb (É.-U.)iCarly (É.-U.)11 Phineas et Ferb (É.-U.)iCarly (É.-U.)Les Simpson (É.-U.)La Vie de croisière de Zack et Cody(É.-U.)La Vie de palace de Zack et Cody (É.-U.)Hannah Montana (É.-U.)Bonne chance Charlie (É.-U.)Shake It Up (É.-U.)Les Stupéfiants (É.-U.)Star Wars: the Clone Wars (É.-U.)Les Sorciers de Waverly Place (É.-U.)Phénomène Raven (É.-U.)Le Petit Malin (É.-U.)12 Cory est <strong>dans</strong> la place (É.-U.)Les Sorciers de Waverly Place (É.-U.)Phénomène Raven (É.-U.)Hannah Montana (É.-U.)La Vie de palace de Zack et Cody (É.-U.)Cake Boss (É.-U.)America’s Best Next Dance Crew (É.-U.)Degrassi (CA)Ma vie de star (CA)Esprits criminels (É.-U.)Bien qu’il soit parfois difficile pour <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>de décrire ce qu’ils ressentent devant certainesémissions, la plupart d’entre eux sont capab<strong>les</strong>d’exprimer <strong>les</strong> raisons de leurs préférences. Dans<strong>les</strong> extraits ci-dessous, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> s’expliquentsur leurs choix. La jeune fille McLeary, 11 ans,est la première à le faire. Elle s’anime quand elleévoque Hannah Montana, La Vie de palace deZack et Cody, Bonne chance Charlie et Shake itUp.INTF11Bien, et pourquoi aimes-tu ces programmes?Parce qu’ils sont très drô<strong>les</strong> et qu’ils sontcomme...Mère Elle dit souvent « comme ».F11Ils sont drô<strong>les</strong> à regarder, ils sont excitants,et ils me dépaysent.INT Comment te sens-tu en <strong>les</strong> regardant ?F11 Heureuse. Ouais !Le fils Carlson, 11 ans, affiche le même enthousiasmequand il décrit son programme préféré, undessin animé appelé Star Wars: the Clone Wars.G11Je ne sais pas trop. Je le trouve superexcitant.INT C’est excitant ?G11Ouais.INT Rien d’autre ? Sur <strong>les</strong> personnages ?G11INTG11Parfois, je suis juste le prochain épisodepour ne pas perdre le fil. Tous <strong>les</strong> épisodesse terminent habituellement parun « à suivre ».Donc tu ne peux pas rater un épisodesans risquer de perdre un peu de l’intrigue.Ouais.INT Tu as dit que tu étais excité ?G11Ouais. Mais aussi stressé de voir ce quiva se passer ensuite.INT C’est vrai ?G11Ce qui va se passer.21


22INT Le fameux « à suivre ».G11Ouais.INT Il y donc une sorte de suspense, c’est ça ?G11Ouais.La fille Forrester, âgée de 11 ans, fournit uneexplication plus approfondie de son choix.Elle reconnaît l’influence positive qu’HannahMontana a eue sur elle. La série est pour elle unesource d’inspiration et donne un bon exemplede la manière dont on peut « vivre ses rêves ».Elle trace aussi de nombreux parallè<strong>les</strong> entre lepersonnage principal et elle-même. Comme elle,elle adore chanter.INTF11Tu nous a indiqué tes émissions favorites,comment te sens-tu devant el<strong>les</strong> ?Heureuse.INT Ah oui ? <strong>Et</strong> pourquoi ?F11INTF11El<strong>les</strong> sont très drô<strong>les</strong>. <strong>Et</strong> c’est commeregarder des gens faire des choses.Hannah Montana est en fait une vraiechanteuse.Je vois.Depuis qu’elle est petite, elle a toujoursvoulu être chanteuse.INT Vraiment ?F11MèreC’est comme elle a vécu son rêve.<strong>Et</strong> (fille11) adore chanter.« Cette station estma préférée parceque c’est des gens demon âge »Les <strong>enfants</strong> sont susceptib<strong>les</strong> de regarder diversprogrammes de différentes stations mais ilsemble bien que Family Channel soit leur chaîne« par défaut » quand ils allument le téléviseur.C’est aussi cette chaîne qui diffuse la majorité deleurs programmes favoris, <strong>les</strong> plus mentionnésétant Hannah Montana, La vie de palace de Zacket Cody, Les Sorciers de Waverly Place et PhénomèneRaven. La jeune Doherty, âgée de 12 ans,qui laisse <strong>dans</strong> sa chambre la télévision alluméeen sourdine <strong>tout</strong>e la nuit, confirme que c’est biensur ce canal que son téléviseur est toujours réglé :MèreElle laisse son téléviseur allumé <strong>tout</strong>e lanuit. C’est une habitude qu’elle a prise.Mais elle baisse le volume considérablement.Elle aime sur<strong>tout</strong> la lumièrequi émane de l’écran. Allez comprendre! Je crois que quand elle se réveille, elleregarde la télévision mais ne monte pasle son <strong>tout</strong> de suite.INT <strong>Et</strong> sur quelle chaîne es-tu ?F12INTMèreF12INTF12Family. Ouais. Mais je regarde aussi YTVet d’autres.Donc quand tu vas te coucher, la télévisionest allumée mais pas le son ?C’est ça.Oui.<strong>Et</strong> d’habitude, elle est réglée sur Familyou sur YTV ?Family.INT Family. OK. Ensuite tu t’endors ?F12INTF12Ouais.<strong>Et</strong> quand tu te réveil<strong>les</strong> le lendemainmatin, rien n’a changé.C’est ça.Elle explique ensuite pourquoi elle choisit ceschaînes en particulier :Je regarde toujours <strong>les</strong> mêmes chaînesparce que <strong>tout</strong>es <strong>les</strong> autres ne sont pasvraiment pour mon âge. Family est mastation préférée car leurs émissions sont surdes jeunes de mon âge.La jeune Doherty n’est pas la seule à admettreregarder cette chaîne plus que <strong>tout</strong>es <strong>les</strong> autres.Chez <strong>les</strong> McLeary, la fille, 11 ans, raconte que letéléviseur principal (<strong>dans</strong> le salon) est presquetoujours réglé sur cette chaîne car, comme sa


mère le confirme, « elle contrôle la télévision ».Elle apprécie ces programmes au motif qu’ilssont « vraiment drô<strong>les</strong> », « excitants » et qu’ils« passent le temps ». Bien que chaque enfant lachoisisse pour différentes raisons, cette chaînesemble être la plus regardée parmi <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>interrogés à St. John’s.« Un jour, ils ontjuste arrêté de <strong>les</strong>diffuser »L’annulation ou le retrait des antennes desprogrammes prisés est un sujet sensible chargéen émotions. Bien souvent, <strong>les</strong> émissions <strong>les</strong> pluspopulaires continueront d’être programmées enreprise, faute de nouveaux épisodes. Mais <strong>les</strong>cases de diffusion sont parfois trop tardives pour<strong>les</strong> <strong>enfants</strong>, quand l’émission en question n’estpas <strong>tout</strong> simplement retirée des ondes.Les émotions suscitées sont habituellement lacolère et la tristesse. Les <strong>enfants</strong> de St. John’sn’ont pas tardé à partager leurs sentiments surla question. La fille McLeary parle notammentouvertement des programmes qu’elle aimait etqui ont cessé d’être diffusés. Elle fait part de lafrustration qu’elle a alors ressentie. Dans l’extraitqui suit, elle exprime son irritation devant l’annulationde Zoé et Phénomène Raven.INTF11MèreF11Qu’as-tu ressenti quand ces émissionsont été retirées des ondes ?J’étais vraiment en colère. J’adorais cesséries.Elle était triste.Comme un jour, ils ont juste arrêté de<strong>les</strong> diffuser.INT Oh non !F11J’aimais ces émissions.Chez <strong>les</strong> Forrester, la fille, 11 ans, a elle aussiressenti de la frustration quand l’un de ses programmespréférés, Le Petit Malin, a été annulé.INTF11Donc c’est La vie de palace et PhénomèneRaven ? Ce sont <strong>les</strong> deux programmesque tu préfères ? N’y en a-t-ilpas un troisième à rajouter à la liste ?Oui, mais il n’est plus diffusé. C’est LePetit Malin.INT OK. <strong>Et</strong> ils l’ont retiré des ondes ?F11INTF11Ouais.C’est décevant. Qu’as-tu ressenti quandcette série a été annulée ?Je n’étais pas très heureuse.INT Non ? Pourquoi ?F11J’adorais la regarder. C’était si drôle.La jeune fille mentionne qu’elle va maintenantsur Internet pour regarder d’anciens épisodes duPetit Malin et ceux d’un autre programme, Davethe Barbarian, sur YouTube. Mais elle le fait uniquementparce qu’il n’est plus possible de <strong>les</strong> regarderà la télévision. Aucun enfant de St. John’sne passe d’ailleurs beaucoup de temps à regarderdes programmes télévisuels sur Internet, à moinsque ceux-ci aient été retirés des ondes. En fait,la jeune fille McLeary est la seule exception. Ellecherche ses extraits favoris de Hannah Montanasur YouTube et <strong>les</strong> regarde en boucle. Sinon, <strong>les</strong><strong>enfants</strong> préfèrent de loin regarder la télévisionsur leur téléviseur. Certains disent s’aventurersur <strong>les</strong> sites des télédiffuseurs comme family.ca etytv.ca pour jouer à des jeux, mais pas souvent. Lajeune fille des Doherty avait l’habitude se rendresur ces sites il y a un ou deux ans, mais elle le faitde moins en moins maintenant qu’elle a découvertd’autres sites de jeux en ligne.23


24« <strong>Et</strong> si j’étaisproducteur » : <strong>les</strong><strong>enfants</strong> se prêtentau jeu« Il nous faut debeaux cracks eninformatique »Dans le cadre des groupes de discussion, <strong>les</strong><strong>enfants</strong> se sont prêtés à un jeu de rôle <strong>dans</strong> lequelils portaient le chapeau du producteur de télévision.Ensemble, ils ont réfléchi à la conceptiondu meilleur programme jeunesse. Les <strong>enfants</strong>de St. John’s ont décidé que leur programme sedéroulerait au <strong>Canada</strong>, plus spécifiquement surune plage de Terre-Neuve. L’émission suivraitdeux <strong>enfants</strong> bloqués sur une plage déserte, unfrère et une sœur qui ont survécu à un accident.Chaque épisode de 20 minutes traiterait de leurstentatives successives d’être secourus. Les <strong>enfants</strong>aimeraient y trouver une rivalité à la « Tom andJerry » entre le frère et la sœur. Cela permettraitaux jeunes spectateurs de s’attacher à l’un oul’autre des personnages en fonction de leur sexe.Les <strong>enfants</strong> pensent aussi que l’humour estl’élément le plus important <strong>dans</strong> un programmetélévisé. Il prime sur la dimension instructive,qui à leurs yeux est incompatible avec un contenuamusant. Les seuls aspects instructifs qu’ils souhaiteraientvoir <strong>dans</strong> leur programme seraient <strong>les</strong>techniques de survie que <strong>les</strong> autochtones de l’îleenseigneraient aux deux protagonistes. Commele dit une fille de 9 ans : « C’est pas vraiment del’enseignement mais ils leur apprennent commentfaire. C’est instructif et pas instructif à la fois ».Un autre enfant du même âge pense qu’il estessentiel qu’il y ait <strong>dans</strong> leur programme de bel<strong>les</strong>et beaux cracks de l’informatique. Quand on leurdemande comment <strong>les</strong> spectateurs devraientse sentir à l’issue d’un épisode, une fille déclarequ’ils devraient « avoir vraiment envie d’écrireune lettre aux créateurs du programme ».Au cours des entretiens familiaux, certains<strong>enfants</strong> ont également émis des suggestions pourde nouveaux programmes. Ils ont exprimé leursfrustrations devant <strong>les</strong> productions actuel<strong>les</strong>.La jeune fille des Doherty, âgée de 12 ans, s’estaussi vu demander ce qu’elle ferait pour <strong>les</strong> 9-12ans si elle était productrice. Sa réponse, détailléeet mûrement réfléchie, a semblé s’inspirer de laformule de Family Channel : une combinaison deprogrammes en prises de vue réel<strong>les</strong> sur la vie depréado<strong>les</strong>cents, leur famille et leurs amis et <strong>les</strong>situations socia<strong>les</strong> auxquel<strong>les</strong> <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> de cetâge sont habituellement confrontés. Elle a beaucoupinsisté pour que le programme soit en prisesde vue réel<strong>les</strong> et non en dessins animés pour qu’ilsoit plus réaliste.INT Quel serait le scénario ?F12INTF12INTF12Ce devra être un bon programme pourmon âge, il devra plaire. J’y mettraisde vrais acteurs et j’inventerais unproblème, comme peut-être une disputeentre moi et mes amis ou quelque chosede ce genre. <strong>Et</strong> <strong>les</strong> parents de mon amien parleraient avec mes parents et puison réglerait le problème en parlant carce serait bien ainsi. Tous <strong>les</strong> programmessont sur comment <strong>les</strong> gens règlent leursproblèmes et ils savent comment s’yprendre et <strong>les</strong> téléspectateurs font lamême chose. Ça aide.Des questions qui surviennent <strong>dans</strong> lavie de tous <strong>les</strong> jours ?Ouais, comme <strong>dans</strong> la vie ordinaire.Ouais.Des choses qui pourraient t’arriver àtoi ?Ouais, de vrais trucs.INT <strong>Et</strong> voir comment on <strong>les</strong> résoudrait ?F12Exactement.


La jeune McLeary, 11 ans, a des idées bienarrêtées sur l’état de la télévision jeunesse d’aujourd’hui.Mais ce sont plutôt des observationset des plaintes que des suggestions adressées auxproducteurs. Comme sa mère, elle pense qu’il ya actuellement trop de nouveaux programmes àla télévision. El<strong>les</strong> trouvent que ces programmessont créés trop hâtivement et qu’on accorde peud’attention et de réflexion aux détails. Ils sontde qualité inférieure et moins originaux que<strong>les</strong> anciennes productions de Family Channel.Les producteurs manquent d’idées pour leursnouvel<strong>les</strong> créations, qui du coup sont loin d’êtredivertissantes.MèreF11Il y a un nouveau programme chaquejour. C’est tous <strong>les</strong> jours pareil.En plus, ils ne sont pas bons du <strong>tout</strong>.INT Vraiment ?F11INTF11MèreIls ne sont pas bons. Shake It Up parexemple est en quelque sorte nouveaumais ça c’est un excellent programme.C’est drôle. Mais <strong>les</strong> <strong>tout</strong> derniers,ceux qui mettons datent de la semainedernière sont vraiment mauvais. Ils nesavent plus quoi faire de nouveau.Je vois.Ils ne savent plus quoi inventer parcequ’ils ont déjà <strong>tout</strong> fait. Par exemple,Les Sorciers de Waverly Place, c’est surdes magiciens mais vu qu’ils ne veulentplus faire des séries sur des magiciens,ils essayent de trouver quelque chose denouveau.C’est son avis. Elle me dit : « Maman, ily a trop d’émissions ». Elle pense qu’ilssont à court d’idées pour leurs nouvel<strong>les</strong>productions et <strong>les</strong> trouve moins bonnesqu’auparavant.F11Ouais, ils retirent des ondes <strong>les</strong> émissionsque <strong>les</strong> gens aiment, comme Zoéqui était vraiment mon programmefavori et maintenant, c’est fini. C’étaitun excellent programme et à la place, ilsajoutent des séries bizarres.Du point de vuede l’ado<strong>les</strong>centLes ado<strong>les</strong>cents interrogés à Terre-Neuve <strong>dans</strong> lecadre d’un groupe de discussion ont apporté unpoint de vue unique sur l’état actuel de la télévisionjeunesse canadienne. Fraîchement sortis dela tranche d’âge cible, <strong>les</strong> ado<strong>les</strong>cents gardent dessouvenirs vivaces de leur expérience antérieure dela télévision. Ils peuvent facilement dresser descomparaisons et formuler des critiques envers <strong>les</strong>productions actuel<strong>les</strong>. Ils offrent une réflexionintéressante sur la qualité, le caractère appropriéet divertissant des programmes jeunesse actuels.Leur point de vue est plus pertinent et plusproche de la cible que celui des parents.En début de session, <strong>les</strong> ado<strong>les</strong>cents du groupede discussion sont invités à se remémorer leurexpérience de la télévision à l’âge de 10 ans. Tous<strong>les</strong> participants se sont rappelés avoir regardéla télévision en famille. La mention de leursprogrammes préférés, comme Hannah Montanaet Bob l’éponge, leur rappelle de précieux souvenirsvécus avec leurs parents et leurs frères etsœurs. Sur le plan individuel, Hannah Montana aparticulièrement compté pour quelques-unes desfil<strong>les</strong>. Cette série leur a « donné une raison de seréjouir en grandissant ». Les ado<strong>les</strong>cents se rappellentaussi avoir rejoué certaines scènes de leursémissions favorites avec leurs amis à l’école et à lamaison. Pour ce qui est de la médiation parentale,aucun des ado<strong>les</strong>cents n’avait le droit de regarderLes Simpson, Les Griffin ou <strong>les</strong> programmes quipassaient trop tard en soirée. Une fille se souvientd’avoir débattu avec son père chaque semainepour avoir le droit de veiller plus tard et de voirTotally Spies, à 21 h 00.25


26Il est intéressant de noter que la majorité des ado<strong>les</strong>centsinterrogés admettent suivre encore desrediffusions de ces mêmes programmes. Les fil<strong>les</strong>continuent de regarder Hannah Montana pour lecôté divertissant. Les garçons aiment se replonger<strong>dans</strong> Bob l’éponge pour le côté nostalgique. Uneparticipante en particulier explique que regarderHannah Montana aujourd’hui l’amène à porter unjugement différent sur <strong>les</strong> épisodes précédents.Quand elle était plus jeune, elle voyait <strong>dans</strong> lepersonnage principal une source d’inspiration.Aujourd’hui, elle peut s’identifier à elle comme àune semblable, ce qui rend le programme « beaucoupplus intéressant à regarder ».Les ado<strong>les</strong>cents disent que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> actuelsregardent beaucoup de programmes qu’ilsregardaient eux-mêmes à leur âge. Bien qu’il yait de nouveaux programmes, <strong>les</strong> ado<strong>les</strong>centsconstatent que leurs frères et sœurs plus jeunessuivent eux aussi Hannah Montana, iCarly etBob l’éponge régulièrement. Tous <strong>les</strong> ado<strong>les</strong>centsavouent avoir apprécié Les Griffin mais reconnaissentaussi que ce programme n’est pas adaptéà un public d’<strong>enfants</strong> de 9-12 ans. Ils ne seraientpas à l’aise de laisser leurs propres frères et sœursle visionner.Les ado<strong>les</strong>cents ont abordé deux autres pointsqu’ils considèrent comme des aspects cruciauxde la télévision jeunesse. Le premier est ladistinction entre <strong>les</strong> programmes pour fil<strong>les</strong> etceux pour garçons, ou la catégorisation des programmesregardés selon le sexe du téléspectateur.Ils relèvent que très peu d’<strong>enfants</strong> passent outrecette démarcation. Si quelqu’un aime regarder unprogramme destiné à l’autre sexe, il le cachera depeur d’être ridiculisé. Le second point est l’importancedu thème accrocheur pendant le génériquede début. Les ado<strong>les</strong>cents sont fiers de dire qu’ilsse souviennent toujours des paro<strong>les</strong> des génériquesde leurs programmes favoris. Ils pensentà ce sujet qu’un très bon générique contribueà rendre le programme plus attrayant. Pourreprendre <strong>les</strong> termes d’une participante, « c’est unaccomplissement que de pouvoir le chanter et deconnaître <strong>tout</strong>es <strong>les</strong> paro<strong>les</strong> ».La dernière activité du groupe de discussionconsistait à collaborer au développement d’unnouveau programme de télévision destiné aux9-12 ans. Les ado<strong>les</strong>cents étaient partagés entreun dessin animé et une série en prises de vueréel<strong>les</strong>. Ils se sont donc prononcés pour deuxprogrammes distincts. Le dessin animé devraitêtre comique mais pas réaliste. Il devrait se situer<strong>dans</strong> un lieu exotique tel que l’intérieur d’unvolcan ou sur un flocon de neige. Les personnagesseraient des « créatures » et s’harmoniseraientà l’environnement <strong>dans</strong> lequel ils évoluent (ex. :des elfes si l’histoire se passe sur un flocon deneige). Le programme en prises de vue réel<strong>les</strong>devrait comporter des <strong>enfants</strong> de leur âge etd’autres plus âgés. Les téléspectateurs pourraientainsi s’identifier à certains personnages et enadmirer d’autres. Le programme devrait contenirun nombre limité d’adultes et combiner dessituations de vie réelle avec des événements surnaturels(ex. : une intrigue faite d’aventures, ouun personnage qui mène une double vie, comme<strong>dans</strong> <strong>les</strong> programmes actuels de Family Channel).Les ado<strong>les</strong>cents pensent qu’il est important desituer l’histoire <strong>dans</strong> une école secondaire pourque l’intrigue aborde des questions socia<strong>les</strong>comme l’intimidation, <strong>les</strong> préjugés et <strong>les</strong> querel<strong>les</strong>entre jeunes. Cela intéresserait <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> quivont bientôt entrer au secondaire. Enfin, peud’ado<strong>les</strong>cents ont considéré comme importantl’endroit où se déroulerait l’intrigue. Selon eux,que le programme se situe aux États-Unis ou au<strong>Canada</strong> importait peu du moment que le cadreconstituait une destination « excitante » où ilsauraient envie de se rendre.Réflexions fina<strong>les</strong>Région la plus à l’est de l’étude, St. John’s laissel’impression d’un quotidien séduisant, typique dela côte est en termes d’appropriation médiatique.Bien que <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> de Terre-Neuve partagentaient points communs avec des famil<strong>les</strong> d’autresrégions du <strong>Canada</strong> (comme nous le verrons <strong>dans</strong><strong>les</strong> chapitres suivants), leur différence ne tientpas seulement à la demi-heure de décalage horairequi <strong>les</strong> sépare du continent.


Les entretiens qualitatifs ont révélé des caractéristiquesqui font d’el<strong>les</strong> une communauté uniqueet traditionnelle. Ces famil<strong>les</strong> se distinguentde cel<strong>les</strong> du reste du <strong>Canada</strong> par quelques-unesde leurs habitudes médiatiques. Parmi tous <strong>les</strong>traits présentés <strong>dans</strong> ce chapitre, certains fontressortir leur singularité, comme l’importancemaintes fois soulignée du covisionnement enfamille, mais aussi le besoin d’établir un équilibreentre activités parascolaires, jeux en plein air etutilisation des technologies. Le niveau de suiviactif des programmes jeunesse par <strong>les</strong> parentsest le plus élevé observé au pays. Bien que St.John’s soit la ville la plus petite et la plus isoléede l’étude, ses habitants ne sont pas sous-équipéstechnologiquement. Le simple nombre d’appareilsélectroniques <strong>dans</strong> leurs foyers est égal, voiresupérieur, à celui <strong>dans</strong> <strong>les</strong> autres régions.27Les participants de St. John’s veillent à équilibrerla télévision avec des activités en plein air. Ceconstat est clair. Néanmoins, <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> interrogéesà Terre-Neuve semblent être cel<strong>les</strong> qui regardentglobalement le plus de télévision si on <strong>les</strong>compare aux famil<strong>les</strong> des quatre autres régionsétudiées. El<strong>les</strong> sont également <strong>les</strong> plus enclinesà laisser la télévision allumée <strong>tout</strong>e la journée,même si personne ne la regarde. C’est égalementà St. John’s que nous avons relevé le plus grandnombre de famil<strong>les</strong> qui soupent ensemble devantla télévision régulièrement. Il est indéniable quela télévision reste très présente <strong>dans</strong> le quotidiendes famil<strong>les</strong> de St. John’s.Le chapitre suivant portera sur la région québécoisede l’étude et plus précisément sur Montréal.Les habitudes médiatiques des <strong>enfants</strong> et desfamil<strong>les</strong> canadiennes continueront d’être examinées,<strong>tout</strong> comme leurs points de vue intéressantset uniques sur <strong>les</strong> phénomènes observés.


29Analyse régionale deMontréal, QC


30IntroductionLes famil<strong>les</strong> québécoises interrogées à Montréalconstituent la part francophone de notre étude.Montréal est la plus grande agglomération francophonedu <strong>Canada</strong> et la deuxième plus grandeville du pays après Toronto. Sa population estestimée à 3,8 millions d’habitants.Les cinq entrevues à domicile ont été conduiteschez des famil<strong>les</strong> habitant à Montréal ou<strong>dans</strong> sa banlieue. La plupart de ces famil<strong>les</strong>appartiennent à la classe moyenne inférieureou moyenne supérieure du point de vue deleurs revenus. Les parents sont <strong>dans</strong> la fin de latrentaine ou au début de la quarantaine et ils ontau moins deux <strong>enfants</strong> entre 9 et 12 ans, tous nésau <strong>Canada</strong>. Ces famil<strong>les</strong> proviennent de milieuxsocio-économiques divers : on compte parmi el<strong>les</strong>une famille bénéficiaire de l’aide sociale avec unenfant handicapé, un ancien membre de l’armée,un ouvrier col bleu, une éducatrice de la petiteenfance et un ingénieur en technologie.À l’instar du chapitre sur St. John’s et de tousceux qui vont suivre, cette section du rapportdébutera avec une présentation approfondie dela famille montréalaise type en termes d’écoutetélévisuelle et de consommation médiatique.Encore une fois, <strong>les</strong> noms des participants ontété modifiés afin d’assurer la confidentialitédes propos et l’anonymat des répondants. Parailleurs, il est à noter que tous <strong>les</strong> participants àcette portion de l’étude sont de langue maternellefrançaise. Les entretiens ont par conséquent étéconduits intégralement en français.Montréal fut le premier point de collecte dedonnées de l’étude. C’est également là que leprotocole d’entretien a été testé. Par conséquent,certains thèmes ont été abordés à Montréalautrement que <strong>dans</strong> <strong>les</strong> quatre autres régions du<strong>Canada</strong>. De très légers ajustements ont été apportésau protocole à la suite de ces premiers tests.Ils concernent sur<strong>tout</strong> <strong>les</strong> groupes de discussioncomposés d’<strong>enfants</strong>. Une des activités proposéesa en effet été retirée et le jeu du producteur a étéreconfiguré.La famille NadeauLes Nadeau sont une famille recomposée declasse moyenne. Ses quatre membres résident<strong>dans</strong> une maison jumelée du nord de Montréal.La mère a un peu plus de trente ans et exerce lemétier d’éducatrice de la petite enfance. Elle adeux <strong>enfants</strong> d’une relation précédente : Char<strong>les</strong>,12 ans, et Béatrice, 10 ans. Tous <strong>les</strong> deux sont intelligentset sociab<strong>les</strong> et ne se sont pas faits prierpour aborder avec <strong>les</strong> chercheurs leurs pratiquesmédiatiques habituel<strong>les</strong>. Le partenaire de la mèrehabite sous le même toit. Il fut également présentlors de l’entretien et semble très impliqué <strong>dans</strong>la vie des <strong>enfants</strong>. Toute la famille s’est retrouvéeautour de la table de la cuisine pour répondre auxquestions des membres de l’équipe de recherche.Les <strong>enfants</strong> ont commencé par énumérer leurshabitudes médiatiques hebdomadaires. Bienqu’ils ne regardent pas la télévision avant d’aller àl’école, ils rentrent à la maison <strong>dans</strong> l’après-midiet partagent alors leur temps entre télévision,jeux sur ordinateur, jeux dehors avec leurs amis etdevoirs scolaires. À l’heure du souper, parents et<strong>enfants</strong> ont l’habitude de manger <strong>dans</strong> la cuisineavec la télévision éteinte. C’est une règle chère àla mère qui a elle-même grandi <strong>dans</strong> un foyer oùla télévision prenait le pas sur la conversationà l’heure des repas. Elle est déterminée à évitercet écueil, maintenant qu’elle a une famille à elle.Après le souper, <strong>les</strong> Nadeau regardent généralementla télévision et la moitié du temps, ils lefont en famille.Pour ce qui est de leurs programmes favoris,Char<strong>les</strong>, 12 ans, manifeste depuis peu un intérêtpour des contenus ciblant plus <strong>les</strong> ado<strong>les</strong>cents(ex. : Les Simpson, Les Griffin et des programmesdiffusés sur MusiquePlus). De son côté, Béatrice,10 ans, apprécie <strong>les</strong> émissions spécifiquement


destinées à sa tranche d’âge (comme Une grenadeavec ça ? et Gérald McBoing Boing). Le frère et lasœur ayant des goûts différents, ils passent pasmal de temps à regarder la télévision chacun deleur côté.Avec 4 téléviseurs à la maison, il n’est pas difficilepour <strong>les</strong> membres de la famille de regardersimultanément <strong>les</strong> programmes de leur choix.Néanmoins, le téléviseur le plus fréquenté estcelui situé <strong>dans</strong> le salon. C’est devant celui-là quela famille se retrouve pour regarder un mélangede programmes grand public et de programmesjeunesse.Béatrice consacre ses matins de fin de semaineà la télévision tandis que Char<strong>les</strong> préfère fairela grasse matinée. Il allume plutôt la télé enaprès-midi ou joue à des jeux vidéo. Les deuxadultes s’accordent pour dire qu’en termes derépartition de la consommation médiatique entretélévision et autres plateformes, le rapport deBéatrice se situerait autour de 70/30 tandis queChar<strong>les</strong> tend à équilibrer le sien. Entré depuis peu<strong>dans</strong> la préado<strong>les</strong>cence, son ratio serait autour de60/40.Du point de vue technologique, <strong>les</strong> Nadeausont une famille « high-tech ». Béatrice disposed’un téléviseur <strong>dans</strong> sa chambre et Char<strong>les</strong> a unordinateur de bureau. Il l’utilise essentiellementpour jouer en ligne et pour aller sur Facebook. Lefoyer compte au total 4 ordinateurs et 4 conso<strong>les</strong>de jeux. Chaque enfant possède également uniPod. La mère admet qu’autant de technologieà la maison requiert pas mal de médiation etde règ<strong>les</strong> qu’elle s’efforce de faire appliquer. Ellereconnaît surveiller assidûment la consommationde Char<strong>les</strong> en jeux vidéo mais avoue être moinsstricte pour ce qui est de la télévision. La mère etson partenaire ont tous deux des opinions trèspertinentes sur la télévision jeunesse destinéeaux 9-12 ans et sur ses lacunes. Leurs vues serontexplorées plus en détail <strong>dans</strong> une section ultérieurede ce chapitre.Habitudesmédiatiques àMontréalEn ce qui a trait à la consommation hebdomadairede télévision, <strong>tout</strong>es <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> ont rapportéque leurs <strong>enfants</strong> la regardaient au moins 10heures par semaine, le plus communément aprèsl’école, en soirée et <strong>les</strong> fins de semaine. Quelques<strong>enfants</strong> ont dit passer certains après-midi à jouerdehors avec des amis plutôt qu’à regarder latélévision, mais cela dépend de la météo. Tout lemonde admet regarder davantage de télévisionen hiver, quand <strong>les</strong> activités en plein air sontlimitées à cause des températures glacia<strong>les</strong> et dela noirceur précoce.<strong>Et</strong> regarder la télévision ne pose de problème àaucun des foyers interrogés, puisqu’ils comptenten moyenne 4,4 téléviseurs (il s’agit de la plushaute moyenne au <strong>Canada</strong>) et que 3 <strong>enfants</strong> sur5 disposent de leur propre téléviseur <strong>dans</strong> leurchambre (en seconde place derrière Toronto, oùla moyenne est légèrement supérieure). Aucunefamille n’a fait mention d’un magnétoscope numériqueou PVR et près de la moitié des famil<strong>les</strong>sont abonnées à la télévision par satellite ou parcâble.Les famil<strong>les</strong> montréalaises possèdent en moyenne2,2 ordinateurs et <strong>tout</strong>es bénéficient d’un accèsInternet haute vitesse. Généralement, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>l’utilisent pour jouer à des jeux, regarder des clipsvidéo sur YouTube, effectuer des recherches pourl’école et fréquenter des médias sociaux. Parmi<strong>les</strong> <strong>enfants</strong> participants, 3 sur 5 se sont crééun compte Facebook, bien qu’aucun d’eux n’aitatteint l’âge requis de 13 ans pour être membre.Pour <strong>les</strong> autres appareils électroniques, chaquefoyer dispose en moyenne de 2,5 conso<strong>les</strong> de jeux(Wii, Xbox, Nintendo DS). La moitié des <strong>enfants</strong>rencontrés sont détenteurs d’un téléphone cellulaireet 2 sur 5 ont leur propre iPod.31


32Du point de vuede la familleL’analyse des données récoltées à Montréal enNovembre 2010 au cours de cinq entrevuesfamilia<strong>les</strong> et de quatre groupes de discussion ontfait émerger d’intéressantes tendances. Certainesfont écho aux résultats observés ailleurs au <strong>Canada</strong>tandis que d’autres sont spécifiques à l’agglomérationquébécoise. Les paragraphes qui suiventdétaillent ces thèmes, étayés par des exemp<strong>les</strong>synthétisés, des citations et des observations deschercheurs.« C’est une desaffaires qu’onregarde des foisensemble »Si <strong>les</strong> chercheurs devaient formuler l’observationla plus courante à Montréal en matière decovisionnement familial, ce serait la suivante :<strong>les</strong> famil<strong>les</strong> regardent effectivement la télévisionensemble, en particulier le soir après le souperet parfois en fin de semaine, et el<strong>les</strong> apprécientgrandement ces moments passés en famille.Chez <strong>les</strong> Robillard, la mère explique combien elleaime rejoindre ses <strong>enfants</strong> devant le poste, pourpeu que ces derniers aient trouvé un programmequ’ils souhaitent tous regarder :Je trip sur le fait que l’enfant va écouterl’émission avec nous, j’aime ça l’écouter enfamille.Mme Robillard met le doigt sur un facteurimportant qui a resurgi <strong>dans</strong> tous <strong>les</strong> entretiensmontréalais : il est évident que <strong>les</strong> émissions queces famil<strong>les</strong> visionnent ensemble sont des programmesque <strong>tout</strong> le monde apprécie. Si certainsmembres de la famille souhaitent suivre quelquechose qui convient mieux à leur goût, il leur suffitde se retirer <strong>dans</strong> une autre chambre devant unautre téléviseur.Chez <strong>les</strong> Désiré, la mère partage la même lignede pensée, qui se fait chez eux plus prégnantencore. Elle avoue regarder rarement la télévisionavec ses <strong>enfants</strong> pour la simple et bonne raisonque leurs goûts télévisuels divergent. Il lui arrivedonc régulièrement de suivre avec son époux <strong>les</strong>programmes de leur choix <strong>dans</strong> leur chambre,tandis que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> visionnent <strong>les</strong> leurs <strong>dans</strong>leur chambre ou au salon. Seule exception à cetterègle, la soirée cinéma, pendant laquelle la famil<strong>les</strong>e retrouve <strong>dans</strong> le salon pour regarder un DVD :MèreF12MèreOn ne regarde pas beaucoup la télévisionen famille. Moi et mon mari on utilisesur<strong>tout</strong> celle de ma chambre et <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>chacun <strong>dans</strong> leurs chambres , maisdes fois on va <strong>dans</strong> le salon.Pour regarder des DVD.C’est ça, pour regarder des DVD.Ce sont <strong>les</strong> films qui constituent le facteur clefdont fait mention Mme Désiré. Effectivement,<strong>dans</strong> de nombreux foyers, on regarde en familleplus de films que de programmes télévisés. Lesfilms représentent une approche pour stimulerle covisionnement quand tous <strong>les</strong> membres neparviennent pas à se mettre d’accord sur uneémission à regarder.Cette pratique de la « soirée cinéma » se retrouve<strong>dans</strong> <strong>les</strong> cinq régions prises en compte <strong>dans</strong>l’étude. C’est un moyen efficace de rassembler<strong>les</strong> famil<strong>les</strong> <strong>dans</strong> le cadre d’un covisionnement.Comme il en est fait mention <strong>dans</strong> la section sur<strong>les</strong> habitudes médiatiques, <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> montréalaisesdisposent en moyenne de 4,4 téléviseurspar foyer. Cela signifie que si l’un d’entre eux estoccupé, il est facile pour <strong>les</strong> autres membres de lafamille d’en trouver un de libre. Il est par ailleursintéressant de noter que contrairement à ce quel’on pourrait penser, ce n’est pas <strong>dans</strong> <strong>les</strong> foyers<strong>les</strong> plus riches que l’on trouve le plus de téléviseurs.Par exemple, <strong>dans</strong> <strong>les</strong> foyers à bas revenus,même <strong>dans</strong> celui bénéficiant de l’aide


sociale, <strong>les</strong> chercheurs ont relevé autant, sinonplus, de postes de télévision et d’autres appareilstechnologiques que <strong>dans</strong> <strong>les</strong> foyers <strong>les</strong> plus aisés.Un frère et une sœur ont expliqué, <strong>dans</strong> le cadredu groupe de discussion, comment la pratiquedu visionnement séparé facilité par le nombre detéléviseurs est devenue une habitude :G10F12On a quand même 4 télés.Oui je sais mais toi tu ne veux pas alleren bas. Moi non plus.INT Non ? Alors qui va en bas ?F12G10Des fois je vais en bas, elle va en haut,une fois sur deux, ou elle va <strong>dans</strong> sachambre.<strong>Et</strong> mon père il va <strong>dans</strong> son garage.Le seul programme qui est revenu de temps entemps et qui semble faire l’unanimité au seindes famil<strong>les</strong> est Les Parent. Cette comédie desituation grand public diffusée sur Radio-<strong>Canada</strong>a pour élément central une famille québécoiseet en est à sa troisième saison. Presque tous <strong>les</strong>parents, que ce soit au cours des entretiens familiauxou des groupes de discussion, ont rapportésuivre ce programme précis régulièrement avecleurs <strong>enfants</strong>. Même chez <strong>les</strong> Désiré, la mère quiadmet s’asseoir rarement devant la télévision enfamille apprécie regarder Les Parent de tempsen temps avec ses <strong>enfants</strong>. Selon elle, cette sériereflète bien <strong>les</strong> réalités de la vie de famille :MèreOuais [Les Parent] c’est une des affairesqu’on regarde des fois ensemble.INT Pourquoi ?MèreParce que ça reflète la réalité — çaressemble pas mal [au quotidien].Les parents ne regardent pas toujours la télévisionavec leur progéniture mais cela ne signifiepas qu’ils ignorent <strong>tout</strong> des programmes quesuivent leurs <strong>enfants</strong>. Le pourcentage de covisionnementn’est peut-être pas aussi élevé qu’àSt. John’s, mais le nombre de parents montréalaisqui visionnent activement <strong>les</strong> programmesjeunesse de leurs <strong>enfants</strong> et prennent le tempsd’en comprendre le contenu reste important.La distinction entre pratiquer un visionnementactif et avoir une vague idée de l’écoute de ses<strong>enfants</strong> se précise dès lors que <strong>les</strong> parents sont enmesure d’aborder en détail <strong>les</strong> programmes queleurs <strong>enfants</strong> regardent. Ils démontrent ainsi leniveau d’attention qu’ils prêtent aux émissionsjeunesse, même si cela n’implique que de regarderactivement que quelques épisodes.Les parents de la famille Tremblay illustrentbien cette tendance. Bien qu’ils reconnaissentne pas trop regarder la télévision en famille, ilsconnaissent le programme préféré de leur fille,Occupation Double, et le postulat de l’émissionen question. Quand cette dernière a été lancée,<strong>les</strong> parents ont suivi en compagnie de leur fille<strong>les</strong> deux premiers épisodes, pour s’assurer que lecontenu était approprié aux <strong>enfants</strong>. Toutefois,n’y trouvant aucun intérêt pour eux, ils ont cesséde le regarder régulièrement avec leur fille. Lepère rapporte qu’il prend également le temps deconnaître <strong>les</strong> programmes préférés de ses <strong>enfants</strong>en s’asseyant avec eux <strong>dans</strong> le salon de temps entemps quand ils sont devant la télévision :PèreMoi je peux arriver puis m’éffoirer <strong>dans</strong>le salon. Je vais m’asseoir pour l’écouteravec elle.INT Vous allez écouter Tactik ?PèreExactement ça me dérangera pasIl dit ne pas voir d’inconvénient à regarder desprogrammes jeunesse avec ses <strong>enfants</strong>, bien qu’iln’en fasse pas une habitude. D’autres occurrencesde visionnement actif de la part de parents serontprésentées <strong>dans</strong> la section suivante. Les opinionsdes parents sur <strong>les</strong> programmes favoris de leurs<strong>enfants</strong> seront abordées, ainsi que l’étendue deleur connaissance des programmes jeunesseactuels que suivent leurs <strong>enfants</strong>.33


34« J’aime sur<strong>tout</strong> <strong>les</strong>émissions qui vontvéhiculer <strong>les</strong> bonnesvaleurs »Quand <strong>les</strong> parents sont interrogés sur ce qu’ilspensent des émissions plébiscitées par leurs <strong>enfants</strong>,ils répondent qu’il y a peu de programmesappropriés avec un contenu satisfaisant et véhiculantde bonnes valeurs. L’offre de programmesde qualité est à leurs yeux moins conséquente quecelle destinée à un public de prématernelle. D’unpoint de vue général, ils trouvent que <strong>les</strong> chaînespubliques comme Télé-Québec et Radio-<strong>Canada</strong>offrent des programmes préscolaires de qualitésupérieure, tel Toc Toc Toc. Cette émission estpour eux à la fois éducative, stimulante et appropriée.Chez <strong>les</strong> Nadeau, le partenaire de la mèrerésume bien ce sentiment <strong>dans</strong> la déclarationsuivante :Mais il faut aussi peut-être un peu diviserce que fait le privé du public. Je pense queTélé-Québec et Radio-<strong>Canada</strong> ont desprogrammes jeunesse qui sont quand mêmeassez développés et qui ont un bon contenudonc c’est une dépense qui vient <strong>dans</strong> leurplan de fonctionnement. Beaucoup plus queVrak.tv ou Télétoon où c’est vraiment unedépense qu’il faut rentabiliser.La mère partage cette opinion et préfère queses <strong>enfants</strong> regardent <strong>les</strong> programmes deschaînes publiques. Elle <strong>les</strong> trouve plus fiab<strong>les</strong>que <strong>les</strong> chaînes privées. Cela dit, <strong>les</strong> parentsreconnaissent que <strong>les</strong> émissions des stations publiquesconviennent mieux à un public plus jeuneque leurs <strong>enfants</strong> de 9, 10, 11 et 12 ans, ce quiexplique pourquoi ces derniers se tournent plutôtvers Vrak.tv et Télétoon.Bien qu’ils ne soient pas toujours aussi bons queceux que leurs <strong>enfants</strong> suivaient par le passé,certains programmes (sur<strong>tout</strong> sur Vrak.tv)continuent de séduire des parents. Ils offrentselon eux un contenu amusant et approprié. Pource qui est des chaînes, la majorité des parents ontplus confiance en Vrak.tv et Télétoon que <strong>dans</strong><strong>les</strong> chaînes grand public. Chez <strong>les</strong> Désiré, parexemple, la mère dit se sentir plus à l’aise quandses <strong>enfants</strong> sont devant Vrak.tv parce qu’elle n’apas besoin de surveiller le contenu auquel ils sontexposés. Par contre, quand ils sont sur d’autreschaînes, elle intervient et regarde activement cequi passe pour juger du caractère approprié ounon :J’aime bien ça quand ils sont sur Vrak.tvparce que je sais que le contenu y est quandmême assez sécuritaire, j’ai pas vraimentbesoin de trop surveiller. C’est sur qu’il y acertaines heures qu’il ne faut pas dépasser.C’est plus rassurant tandis que s’ils sonten train de regarder autre chose, il fautvraiment que j’observe et que je mets lecontrôle parental.Bien que <strong>tout</strong> le monde soit d’accord là-dessus,certains parents trouvent que <strong>les</strong> programmes deVrak.tv ignorent parfois où se situe la frontièreà ne pas dépasser. Le partenaire de Mme Nadeauconsidère que le contenu présenté <strong>dans</strong> <strong>les</strong> plusrécents programmes de Vrak.tv, comme Vrak laVie, sortent parfois de la cible des 9-12 ans etsont un peu trop « adultes » à son goût.Reste qu’Une grenade avec ça ?, diffusé sur Vrak.tv, a été de loin le programme le plus cité commeprogramme jeunesse préféré des parents. Ces dernierstrouvent qu’il véhicule des valeurs mora<strong>les</strong>positives et qu’il est plein d’humour. De plus,c’est un programme québécois avec des acteursquébécois, qui reflète la culture <strong>dans</strong> laquelle ilsont élevé leurs <strong>enfants</strong>. Lors du groupe de discussion,un des pères participants à indiqué qu’ilencourageait sa fille à regarder cette série, plutôtque des émissions diffusées sur MusiquePlus. Illa juge plus appropriée et estime que sa moralitécorrespond aux valeurs qu’il tente d’inculquer à lamaison :Moi j’aime sur<strong>tout</strong> <strong>les</strong> émissions qui vontvéhiculer <strong>les</strong> bonnes valeurs. Une grenadeavec ça ?, je pense que ça véhicule desvaleurs nob<strong>les</strong>. Il montre la hiérarchie entre


le patron et <strong>les</strong> employés, tu sais ? Si jecompare cette émission là à une émissionde MusiquePlus, c’est claire que je vais plusorienter ma fille vers ce type d’émissionparce qu’il y a des valeurs.iCarly est un autre programme considéré commefaisant partie des plus adaptés pour <strong>les</strong> 9-12ans. Dans le groupe de discussion composé demères, des participantes ont déclaré le trouverpositif parce que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> peuvent s’identifieraux personnages. Une fois encore, Les Parent aété plébiscité par <strong>les</strong> parents parce qu’il convientbien aux <strong>enfants</strong> et qu’il plaît beaucoup à <strong>tout</strong>e lafamille.Parmi <strong>les</strong> programmes que <strong>les</strong> parents n’aimentpas que leurs <strong>enfants</strong> regardent, Les Simpson estle plus souvent cité. On lui reproche sa vulgarité,<strong>les</strong> stéréotypes qu’il véhicule et ses propos irrespectueuxenvers <strong>les</strong> parents et <strong>les</strong> adultes.Bien que <strong>les</strong> comédies de situation du réseau américainDisney, tel<strong>les</strong> que Hannah Montana et LaVie de Palace de Zack et Cody, diffusées sur Vrak.tv et doublées en français, sont extrêmementpopulaires auprès des 9-12 ans, beaucoup deparents expriment des critiques à leur égard. LesTremblay trouvent que le comportement ado<strong>les</strong>centou préado<strong>les</strong>cent que ce type de programmesdépeint est inexact et inapproprié. Ils estimenttous <strong>les</strong> deux que <strong>les</strong> personnages sont ennuyeux,sans intérêt et manquent généralement d’intelligence.Leurs <strong>enfants</strong> ne sont pas du même avis.Leur fille de 12 ans juge ces programmes humoristiques,ce qui n’enthousiasme pas ses parents.Cela dit, ils n’interdisent pas à leurs <strong>enfants</strong> de <strong>les</strong>regarder, contrairement à la majorité des autresparents interrogés, qui limitent le visionnementdes Simpson.« Il y a vraiment uneespèce de vide »Le consensus général sur la télévision jeunessedestinée aux 9-12 ans est le suivant : l’offre deprogrammes est certes importante, mais <strong>les</strong>programmes de qualité pour cette tranche d’âgecontinuent de faire grandement défaut. S’il existed’excellentes émissions pour <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> de 8 ansou moins et si <strong>les</strong> ado<strong>les</strong>cents se voient proposerdes programmes avec des contenus adultes, <strong>les</strong>9-12 ans, eux, ont accès à peu d’options stimulanteset inspirantes. Les parents notent queleurs <strong>enfants</strong> se désintéressent des programmesqui leur sont offerts et que par conséquent, ilsgravitent continuellement vers des programmesado<strong>les</strong>cents ou adultes qui potentiellement neleur conviennent pas encore. Ce sont <strong>les</strong> Nadeauqui expliquent le mieux ce phénomène. Ilsévoquent la tranche d’âge des 9-12 ans commeune phase, un entre-deux négligé par <strong>les</strong> producteurs,puisque la majorité des programmes canadiensde qualité ciblent des <strong>enfants</strong> plus jeunes :PèreMèreIls sont comme <strong>dans</strong> un entre-deux, il ya vraiment un espèce de vide.Ils aiment encore <strong>les</strong> émissions pour<strong>enfants</strong> mais ils commencent à s’intéresseraux émissions plus adultes. Je trouvequ’ils sont à un âge vraiment difficile.C’est comme si l’on se concentraitbeaucoup sur le préscolaire puis qu’onoubliait un peu l’entre-deux.Les participants aux groupes de discussion despères et des mères ont tous remarqué un déficitsimilaire <strong>dans</strong> <strong>les</strong> programmes de leurs <strong>enfants</strong>.Plus précisément, ils observent que l’offre semb<strong>les</strong>auter directement d’un contenu préscolaire à desthèmes inappropriés tels que petits amis/amouretteset comportements irrespectueux envers <strong>les</strong>parents.Certains <strong>enfants</strong> trouvent même que <strong>les</strong> programmesdestinés à leur groupe d’âge sont ratésparce qu’ils véhiculent des messages trop subtilspour que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> de 10 ans <strong>les</strong> saisissent, outrop « simp<strong>les</strong> et puérils » pour retenir l’attentiondes jeunes de 12 ans. Un père raconte notammentque sa fille est convaincue que ses programmesfavoris sont totalement appropriés pour son âge,alors que de son point de vue de parent, il n’estabsolument pas d’accord. S’il avait le choix, ilpréférerait que sa fille regarde des programmes35


36« plus légers ». Il admet néanmoins qu’il est peutêtreguidé par son désir inné de protéger sa filleen l’empêchant de grandir trop vite :Si je pose la question à ma fille, elle auraitdite non, parce que <strong>dans</strong> sa tête, <strong>tout</strong>es <strong>les</strong>émissions qu’elle regarde sont parfaites.Mais moi, si je <strong>les</strong> regarde avec mes yeux deparents, je vais dire non, ca ne fit pas. Peutêtre parce que je veux la garder – je veuxtrop la protéger face à des choses. Mais àmes yeux, j’aimerais mieux qu’elle regarde<strong>les</strong> émissions un peu plus soft. C’est ça queje veux qu’elle écoute.Beaucoup de parents comparent <strong>les</strong> programmesaujourd’hui proposés à leurs <strong>enfants</strong> avec ceuxqu’ils regardaient quand ils avaient leur âge.Généralement, <strong>les</strong> parents montréalais (et desautres régions comme <strong>les</strong> chapitres suivants lemontreront) évoquent <strong>les</strong> programmes de leurenfance avec nostalgie. Selon eux, ces derniersavait une portée morale plus évidente et étaientde meilleure qualité que ceux d’aujourd’hui. Chez<strong>les</strong> Tremblay, le père déplore un manque de créativité,de morale et globalement de justesse encomparaison des programmes de sa jeunesse. Iltrouve aussi que <strong>les</strong> émissions jeunesse actuel<strong>les</strong>sont diffusées trop tôt, et que des cases de grandeécoute sont occupées par des émissions pouradultes qui ne conviennent pas à <strong>tout</strong>e la famille :Moi je trouve ça dommage. On reviens àmon temps, <strong>les</strong> émissions comme la petitemaison <strong>dans</strong> la prairie ils avaient quelquechose d’intéressant à l’intérieur de ça, ilsavaient toujours un message qui passait.Aujourd’hui honnêtement, je regardemême aux heures de grandes écoutes tu tedis pourquoi ils ne montrent pas quelquechose de plus génial, plus intéressant, pluscréatif. C’est vraiment insipide d’écoutercela, c’est trop adulte, comme OccupationDouble, tu par<strong>les</strong> d’une heure pour montrercela aux <strong>enfants</strong>, c’est carrément stupide...aujourd’hui c’est pour ça qu’on lâche de plusen plus la télé.Les Laverdure estiment de leur côté que <strong>les</strong>dessins animés sont devenus excessivementviolents et irrespectueux. Les Désiré sont quantà eux frustrés de voir que <strong>les</strong> émissions de qualiténe restent pas sur <strong>les</strong> ondes assez longtempspour trouver un public et gagner en popularité,contrairement aux programmes de leur enfance.« On mélange <strong>les</strong>valeurs socia<strong>les</strong> enmontrant la réalitéde la vie quotidienneet le fun »Devant la déception d’un très grand nombrede parents occasionnée par ce « déficit deprogrammes », <strong>les</strong> chercheurs leur ont demandéquels étaient <strong>les</strong> éléments essentiels d’une bonneémission jeunesse pour des <strong>enfants</strong> de 9 à 12 ans.Si <strong>les</strong> réponses varient <strong>dans</strong> le détail d’unerégion à l’autre, <strong>les</strong> mêmes caractères générauxreviennent à travers <strong>tout</strong> le pays. Les parentsveulent que <strong>les</strong> programmes destinés à leurs <strong>enfants</strong>soient divertissants et drô<strong>les</strong> pour stimulerleur imagination, qu’ils présentent un contenuapproprié à leur âge et qu’ils abordent des questionsimportantes comme le respect des adulteset de ses semblab<strong>les</strong>, la politesse et <strong>les</strong> valeursfamilia<strong>les</strong> fortes. Il serait également apprécié que<strong>les</strong>dites émissions représentent avec exactitudeleur culture <strong>tout</strong> en prônant la tolérance et l’acceptationdes autres.Les parents de la famille Nadeau adhèrent à<strong>tout</strong>es ces suggestions et recommandent en plusque <strong>les</strong> producteurs imitent le style et la distributionefficace des programmes de Télé-Québecet de Radio-<strong>Canada</strong>, que leurs <strong>enfants</strong> avaientl’habitude de regarder, mais en ciblant cette foisciun public plus âgé.


Stimuler son imaginaire et rester commeTélé-Québec mais plus vieux un peu. Jepense que cela serait bien pour eux, pourla créativité sur<strong>tout</strong>. Les samedis de Lison(sur Radio-<strong>Canada</strong>) qu’on avait <strong>dans</strong> letemps, il y avait des concours de dessin,une interaction avec eux. Plus d’interactionavec le public pour aider l’enfant à seconcentrer puis aider l’enfant à participeret sentir une interaction plutôt que justeregarder un spectacle.Beaucoup de parents signalent aussi que des programmesinteractifs pourraient avoir l’avantagede maintenir <strong>les</strong> jeunes spectateurs impliqués etconcernés, et leur permettre de participer. Dansle groupe de discussion, un père a souligné l’importancede demander aux <strong>enfants</strong> ce qu’ils aimeraientvoir. Il s’est plu en effet à rappeler qu’enfin de compte, c’était à eux que <strong>les</strong> programmesétaient destinés. Quelques parents trouventpar ailleurs que diffuser des émissions jeunesseentre 16 h et 18 h n’est pas réaliste parce qu’enmajorité, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> ne sont pas encore rentrésà la maison. Certains sont gardés tandis qued’autres participent à des activités parascolaires/sports. Les <strong>enfants</strong> finissent ainsi par suivredavantage de programmes pour adultes en soirée,puisque c’est là ce qui est proposé quand ils onteffectivement le temps de s’asseoir et de regarderun peu la télévision.« Sur ce côté-là, on<strong>les</strong> a structurés »Dans l’ensemble, <strong>les</strong> parents font état d’unnombre assez régulier de règ<strong>les</strong> et d’interventionsrelatives aux habitudes médiatiques ettélévisuel<strong>les</strong> de leurs <strong>enfants</strong>. La plupart essaientd’imposer certaines conditions, comme celle definir ses devoirs et ses tâches avant de se mettredevant la télévision. Ils limitent aussi le tempsalloué aux jeux vidéo ou à Internet. La moitié desfamil<strong>les</strong> admettent regarder la télévision durant<strong>les</strong> repas, mais ne le font pas systématiquement àtous <strong>les</strong> repas.Chaque parent, à sa manière, fixe le cadre qu’ilpense nécessaire à ses <strong>enfants</strong>. Chez <strong>les</strong> Désiré,par exemple, le câble est connecté via une carteinformatisée que la mère retire de son boîtier si<strong>les</strong> <strong>enfants</strong> ne respectent pas <strong>les</strong> consignes misesen place à la maison. Elle reconnaît que cela lafrustre parfois, mais que de tel<strong>les</strong> mesures sontnécessaires pour faire appliquer <strong>les</strong> règ<strong>les</strong>. Cesmesures, admet-elle, sont extrêmement efficaces.Après des mois de tergiversations, <strong>les</strong> Tremblayont finalement décidé de se désabonner deMusiquePlus car ils désapprouvaient la majoritédes programmes que leurs <strong>enfants</strong> regardaient.La mère de la famille Robillard emploie uneapproche différente. Elle ne limite pas le tempsd’écoute de ses <strong>enfants</strong> mais souligne <strong>les</strong> bienfaitsqu’elle observe quand elle s’assoit avec eux devantla télévision. Bien qu’elle trouve que la télévision<strong>dans</strong> son ensemble possède un grand potentiel, cemédia est selon elle d’autant plus bénéfique, pourne pas dire sûr, si un adulte supervise l’écoute des<strong>enfants</strong> et s’implique <strong>dans</strong> ce qu’ils regardent :Cela dépend de l’encadrement que tu faisavec l’enfant. Moi je ne suis pas du style àlimiter l’enfant avec la télévision je me disc’est un media y en par<strong>tout</strong> <strong>dans</strong> la maison.C’est savoir gérer des fois. Moi je pense quec’est un média qui a beaucoup de potentiel,de pouvoir, mais on doit s’en servir d’unebonne manière, oui il y a une période où tupeux laisser aller, mais il y a une périodeoù ils ont besoin d’encadrement. C’est pasjuste une question de temps devant la téléc’est aussi une question de qualité puis c’estune question d’encadrement.À part interdire MusiquePlus ou des programmesjugés inappropriés, comme Les Simpson, lamajorité des parents admettent ne pas exercersur ce que leurs <strong>enfants</strong> regardent à la télévisionle même contrôle assidu que pour Internet et<strong>les</strong> jeux vidéo. Chez <strong>les</strong> Nadeau, la mère a limitéle temps de jeux vidéo de son fils de 12 ans à 30minutes par soir. Sans cela, dit-elle, il joueraitsans arrêt pendant des heures. Elle évoque avechumour la frustration qu’elle a ressentie dernièrement,quand son fils qui s’était cassé le pouce s’est37


38vu recommander par le docteur de jouer aux jeuxvidéo une à deux heures par jour en guise de rééducation.Elle explique aussi combien elle trouvedifficile de rationner la consommation télévisuellede son fils, alors qu’elle passe déjà tellement detemps à réglementer sa pratique des jeux vidéo.Beaucoup d’autres parents reconnaissent imposerdes règ<strong>les</strong> plus strictes pour Internet que pourla télévision. Ces règ<strong>les</strong> consistent en généralà surveiller le temps passé en ligne plutôt quele contenu auquel <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> ont accès. Dansl’ensemble, <strong>les</strong> parents admettent se soucierplus du temps que leurs <strong>enfants</strong> passent surInternet que ce qu’ils y font. Cela parce qu’ilsont l’impression d’avoir déjà une idée précise ducontenu auquel leurs <strong>enfants</strong> accèdent : médiassociaux, sites de jeux en ligne, et clavardage entreamis. Par ailleurs, la mère de la famille Robillardprécise qu’elle et son époux pourraient toujoursconsulter l’historique de leur navigateur Internets’ils devaient surveiller <strong>les</strong> sites fréquentés parleurs <strong>enfants</strong>.Suivant une approche autre que le contrôledes pratiques technologiques de leurs <strong>enfants</strong>,certains parents restreignent la consommationtélévisuelle de leur progéniture en la complétantpar d’autres activités. Ils encouragent leurs<strong>enfants</strong> à rejoindre des équipes sportives, à s’impliquer<strong>dans</strong> des occupations extrascolaires ou<strong>tout</strong> simplement à jouer dehors. Dans le groupede discussion des pères, l’un d’eux raconte qu’ila constaté de nombreux changements positifschez sa fille depuis qu’il l’a encouragée à se joindreà l’équipe locale de nage de compétition. Nonseulement elle passe moins de temps devant latélévision, mais <strong>les</strong> autres fil<strong>les</strong> de son équipe sesont révélées être des sources d’inspiration etelle a avec el<strong>les</strong> des intérêts communs (dont latélévision ne fait pas partie) :Moi je <strong>les</strong> oriente vers le sport. Ma fille, ellefait de la natation compétition et mon fils,il fait du baseball puis du ski et snowboard.Donc, j’essaie de <strong>les</strong> pousser <strong>dans</strong> le sportparce que ce que je me suis rendu compte aufil des ans c’est qu’en <strong>les</strong> poussant vers <strong>les</strong>sports, ils sont moins devant la télévision.Puis le cercle d’amis fait qu’ils se regroupentavec leurs amis de sport. Ma fille, son cercled’amies sont <strong>tout</strong>es des fil<strong>les</strong> qui font dela natation puis ne sont pas des fil<strong>les</strong> quiregardent trop la télévision.« Je dirais que<strong>les</strong> émissionsquébécoisesessayent de passerplus de morale que<strong>les</strong> américaines »Quand il est question de comparer <strong>les</strong> contenuscanadiens et américains, <strong>les</strong> parents montréalaiss’entendent pour dire que leurs <strong>enfants</strong> nesont pas capab<strong>les</strong> de discerner <strong>les</strong> productionscanadiennes en anglais des productions américaines.La seule distinction qu’ils sont en mesurede faire porte sur <strong>les</strong> programmes québécoiset américains. En effet, au Québec, <strong>tout</strong>es <strong>les</strong>productions en anglais sont doublées en français,ce qui <strong>les</strong> rend faci<strong>les</strong> à reconnaître. Parmi <strong>les</strong>jeunes Montréalais, certains ne prêtent attentionqu’à la qualité du contenu, tandis que d’autressoulignent l’importance de voir des programmesquébécois de qualité. Plus <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> grandissent,plus ils semblent capab<strong>les</strong> de faire la distinctionentre programmes québécois et américains et deporter sur eux un regard critique.Quelques <strong>enfants</strong> parmi <strong>les</strong> plus âgés ont expriméleur aversion pour <strong>les</strong> comédies de situation pour<strong>enfants</strong> produites aux États-Unis. Chez <strong>les</strong> Désiré,la fille de 12 ans décrit la série Sonny comme« pas originale », « ennuyeuse » et « pas assezréaliste ». Cependant, <strong>dans</strong> le groupe de discussion,une autre participante de 12 ans a remarquécombien elle trouvait <strong>les</strong> programmes de langue


anglaise globalement de meilleure qualité et plusdrô<strong>les</strong> que <strong>les</strong> émissions francophones, bien que<strong>les</strong> programmes québécois soient plus faci<strong>les</strong> àcomprendre.Je ne sais pas normalement d’où ilsviennent mais je trouve que cel<strong>les</strong> faitesen anglais sont meilleures. En français jecomprends mieux mais en anglais je <strong>les</strong>trouve mieux faites et plus drô<strong>les</strong>.Les parents pensent qu’au moins la moitié desprogrammes que leurs <strong>enfants</strong> regardent sontd’origine américaine mais adaptés en français.Selon eux, <strong>les</strong> productions américaines sontessentiellement plus divertissantes tandis que<strong>les</strong> programmes québécois (sur<strong>tout</strong> ceux quis’adressent à un public préscolaire) sont plusinstructifs et culturellement plus pertinents. Si laplupart souhaiteraient que leurs <strong>enfants</strong> suiventdes programmes québécois, ils comprennent quela production locale n’est pas suffisante pour quecela soit possible. Dans le groupe de discussion,un père a admis préjuger parfois des programmesjeunesse américains parce qu’il a d’emblée uneopinion négative de la télévision américaine. Celadit, il n’essaie pas d’influer sur ce que regarde safille car il estime que c’est une décision qui luirevient à elle.C’est sur que moi, je vais privilégier uneémission comme Une grenade avec ça?par rapport à une émission américaine.Personnellement je vais la privilégier, maisje ne vais pas l’imposer à ma fille. Je nesais pas trop pourquoi, peut être que j’aiune mauvaise opinion des téléséries américaines.Peut être se sont des préjugés qu’ona comme parents.Du point de vuede l’enfant« Je ris de <strong>tout</strong>,c’est drôle ! <strong>Et</strong> sesaventures sont trèsamusantes »Dans <strong>les</strong> entretiens familiaux à domicile comme<strong>dans</strong> <strong>les</strong> groupes de discussion, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> ontévoqué avec <strong>les</strong> chercheurs leurs programmesfavoris et <strong>les</strong> raisons qui motivaient leurs choix.Contrairement à ce qui a été observé à St. John’s,où <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> appréciaient pour la plupart <strong>les</strong>mêmes programmes jeunesse (principalementceux diffusés sur Family Channel, YTV ou DiscoveryChannel), <strong>les</strong> jeunes Montréalais évoquentune sélection de programmes beaucoup plus vasteet des critères de sélection <strong>tout</strong> autres.La liste complète ci-après reprend tous <strong>les</strong> programmesde télévision cités comme étant leursfavoris. Cette liste se divise en classes d’âge pourune compréhension plus pointue des préférencesen fonction de ce facteur. Il convient de rappelerque c’est <strong>dans</strong> leur version française que <strong>les</strong>jeunes Montréalais regardent <strong>les</strong> programmesaméricains qui figurent <strong>dans</strong> la liste.ÂgeProgrammes préférés10 Une grenade avec ça ? (CA)Gérald McBoing Boing (É.-U.)César, l’homme qui parle aux chiens(É.-U.)Les Stupéfiants (É.-U.)Comment c’est fait (CA)Jobs de bras (CA)Le Dino Train (É.-U.)Yakari (FR-BE)Batman (É.-U.)Bob l’éponge (É.-U.)39


40SpieZ ! Nouvelle génération (FR)Kaboum (CA)11 Les Simpson (É.-U.)Bakugan (JAP)Les têtes à claques (CA)Bob l’éponge (É.-U.)Il était une fois <strong>dans</strong> le trouble (CA)iCarly (É.-U.)Tactik (CA)12 Palmarès (CA)Les Simpson (É.-U.)Les Griffin (É.-U.)Sports (É.-U.)Juste pour rire (CA)Les parent (CA)Occupation double (CA)Les Frères Scott (É.-U.)Gossip Girl : L’élite de New York (É.-U.)Tactik (CA)Fringe (É.-U.)La vie secrète d’une ado ordinaire (É.-U.)Black Girls Rock (É.-U.)Il est à noter qu’à Montréal un grand nombred’<strong>enfants</strong> citent une chaîne quand il leur estdemandé de nommer leur programme favori.Les observations des chercheurs révèlent que<strong>les</strong> <strong>enfants</strong> s’attachent aux chaînes qui diffusentla majorité de leurs émissions préférées. Parconséquent, ce sera instinctivement sur cettechaîne qu’ils se rendront en premier lieu. Onappelle ce phénomène « la chaîne par défaut » ou« la chaîne incontournable », et cela réapparaîtraplusieurs fois <strong>dans</strong> le rapport. Parmi <strong>les</strong> chaînescitées figurent Vrak.tv, MusiquePlus, Télétoon,Télé-Québec, Canal D, TVA et BT.Bien qu’il ne soit pas toujours évident pour <strong>les</strong><strong>enfants</strong> de décrire ce qu’ils ressentent devantcertaines émissions, la plupart des répondantsmontréalais ont été capab<strong>les</strong> d’expliquer pourquoiils aimaient tel programme plutôt qu’un autre.Voici quelques extraits des explications fournies.Le premier propos est celui d’une fille de 12 ansqui participait au groupe de discussion. Les Parentdemeure son programme préféré parce qu’i<strong>les</strong>t tellement drôle qu’elle « pète une crise » si ellerate un épisode et qu’elle adore le regarder pour« écœurer ses parents ».F12[Les Parent], c’est drôle <strong>tout</strong> qu’est-cequ’ils disent c’est vraiment drôle.INT Oui ? Cela vous donne des trucs ?F12INTF12Pour écœurer mes parents.Est-ce que ça t’arrive de manquer desépisodes ?Oui, pis quand j’en manque un, je pèteune crise.Son père a eu l’occasion de confirmer l’enthousiasmede sa fille pour Les Parent <strong>dans</strong> songroupe de discussion. Il a également déclaré qued’ordinaire, ses <strong>enfants</strong> suivaient une routine del’après-midi assez réglementée : ils mettent latable, font leurs tâches et leurs devoirs avant deregarder la télévision. Mais le soir où Les Parentest diffusé, cette routine disparaît : « Tout se poseautour de la maison, boom, ils courent vers latélévision et ils s’assoient et la regardent ».Les jeunes fil<strong>les</strong> de la famille Robillard, 11 et12 ans, seront toujours d’accord pour regarderTactik, un de leurs programmes favoris. Cettecomédie de situation préado<strong>les</strong>cente, qui suitl’existence de jeunes joueurs de soccer québécois,est diffusée quotidiennement sur Télé-Québec,qui la produit également. Les sœurs disent appréciercette série en particulier parce qu’el<strong>les</strong> aimentque <strong>les</strong> histoires portent sur des personnages deleur âge. El<strong>les</strong> ont été des fans de la série depuisses débuts et l’ont suivie avec enthousiasme,saison après saison.INT Pourquoi c’est bon ?F12F11MèreF12C’est des jeunes de notre âgeDe notre âge puis c’est comme pleind’histoires qui leurs arrivent et ilsjousent au soccer.Moi j’ajouterais que ça rejoint aussi <strong>les</strong>interventions parents-<strong>enfants</strong>.J’aime l’histoire parce que tsé c’est desséries et je <strong>les</strong> suis depuis un bout.


INTF12Donc t’aime cela quand il y a une progressiontu vois l’évolution de l’histoire ?Ouais c’est ça.INT Puis toi ?F11La même affaire.Dans le groupe de discussion, deux autres <strong>enfants</strong>citent Bob l’éponge comme étant leur programmepréféré. Il s’agit d’un garçon de 11 ans et d’unefille de 10. Les motifs de leur choix ne sont <strong>tout</strong>efoispas <strong>les</strong> mêmes :Le garçon aime Bob l’éponge parce qu’il s’agitd’une histoire bizarre et sans pareille. Pour lajeune fille, c’est son côté drôle et ses aventures quila rendent impatiente de voir le prochain épisode.G11F10Quand ils sont <strong>dans</strong> l’eau, c’est bizarre,quand ils sortent de l’eau, ils sont normauxComme une vraie éponge...Je rie de <strong>tout</strong>, c’est drôle! <strong>Et</strong> sesaventures sont très amusantes. De plus,comme il y a plusieurs aventures, il y aplus de moments drô<strong>les</strong> et plus il y a desmoments drô<strong>les</strong> plus tu veux écouter laprochaine émission.Le fils de la famille Tremblay, 10 ans, reconnaîtbeaucoup aimer <strong>les</strong> programmes scientifiquescomme Les Stupéfiants parce qu’ils sont drô<strong>les</strong>et pleins d’action, et de ce fait « jamais ennuyeuxcomme d’autres émissions ».INTG10F12G10Qu’est-ce que t’aime <strong>dans</strong> cette émission?Il y a de l’action.Il est drôle, le gars.Il y a des camions et ils font desexpériences des fois ça explose et pleind’autres affaires. C’est drôle.Dans le même esprit, la jeune fille des Nadeau, 10ans, adore Une grenade avec ça ? parce que c’estdrôle mais aussi parce qu’il s’agit d’un concepttrès original et par conséquent jamais fatigant :Une grenade avec ça ? parce qu’il y a deschoses que tu n’entends pas parler souvent.Finalement, une jeune fille de 10 ans du groupede discussion a livré ce qu’elle ressent devantSpieZ ! Nouvelle génération, un dessin animéfrançais sur des espionnes. C’est également unenouvelle adaptation de l’ancien Totally Spies.Elle se rappelle combien cette série animée larend joyeuse et lui enseigne <strong>les</strong> rudiments de l’espionnage.En même temps, elle lui fait peur car ily a de gros monstres <strong>dans</strong> certains épisodes.INTF10INTF10INTF10Qu’est-ce que t’aime <strong>dans</strong> cette émission?Pourquoi t’aime ça ?Parce que c’est un film d’espionnage puisj’aime <strong>les</strong> émissions d’espionnage.Oui ? Pourquoi t’aime ça ? T’apprendsdes trucs ?Oui si je veux espionner quelqu’un.Comment tu te sens quand tu écoutescette émission-?Je ressens de la joie, des fois de la peurparce qu’il y a des gros monstres.« Je veux écouter latélé en faisant rien,là »Dans l’ensemble, on peut avancer que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>interrogés à Montréal ne sont pas de grandsadeptes du « multitasking » devant la télévision.Le terme « media multitasking » décrit le faitd’utiliser simultanément plusieurs plateformesmédiatiques. <strong>Et</strong> <strong>dans</strong> cette étude, il fait plusprécisément référence aux <strong>enfants</strong> qui regardentla télévision <strong>tout</strong> en utilisant un autre supportmédiatique ou une autre technologie (ex. : ordinateurportable, Internet, clavardage, messagerietexte, jeux sur DSi, etc.). Les entrevues ontappris aux chercheurs que le plus souvent, <strong>les</strong><strong>enfants</strong> préfèrent s’asseoir devant la télévision etconsacrer leur entière attention à ce qui se passe àl’écran. Les rares exceptions viennent de quelquesjeunes qui font leurs devoirs devant leur téléviseur,qui jouent sur leur iPod ou qui dessinent,tandis que l’un d’eux lit des bandes dessinées et41


42qu’un autre joue du piano (mais <strong>tout</strong>es ces activitéssont sur<strong>tout</strong> pratiquées pendant <strong>les</strong> pausespublicitaires).À part cela, <strong>les</strong> deux fil<strong>les</strong> Robillard admettentenvoyer des messages texte à leurs amis assezfréquemment <strong>tout</strong> en regardant la télévision maisel<strong>les</strong> ne tiennent jamais de conversation sur cequ’el<strong>les</strong> sont en train de suivre.« Il y a une sectionjeu, une sectionépisode, de pleinchoses ! »Un pourcentage élevé d’<strong>enfants</strong> se tournent versInternet pour regarder des épisodes de leursséries favorites dont ils ont manqué la diffusion.Quelques <strong>enfants</strong> s’y sont essayés mais n’en fontpas une pratique régulière parce qu’ils préfèrentvisionner leurs programmes favoris sur de grandsécrans. La jeune fille des Désiré, 12 ans, suitparfois la série Les Parent sur radio-canada.cacar sa diffusion télévisée est trop tardive pourqu’elle puisse la regarder. De la même manière, lejeune garçon des Laverdure, 10 ans, et la fille desNadeau reconnaissent avoir navigué sur <strong>les</strong> sitesVrak.tv, telequebec.tv et Télétoon à la recherched’épisodes disponib<strong>les</strong> mais ils n’ont pas pourhabitude de <strong>les</strong> fréquenter. D’autres <strong>enfants</strong>,comme le fils des Tremblay, 10 ans, évitent <strong>les</strong>épisodes en ligne car ils prennent trop de tempsà télécharger. Quant au cadet des Désiré, 10 ans,il ne voit pas l’intérêt de regarder une secondefois en ligne des épisodes qu’il a déjà vus à latélévision.S’ils sont moins désireux de regarder sur Internetdes épisodes actuels de leurs séries favorites,ces <strong>enfants</strong> fréquentent <strong>tout</strong>efois <strong>les</strong> sites destélédiffuseurs pour jouer à des jeux et participer àdes concours. Presque tous <strong>les</strong> jeunes interrogésavouent se rendre sur <strong>les</strong> sites de leurs télédiffuseurspréférés régulièrement (<strong>les</strong> plus communsétant Télé-Québec, Télétoon et Vrak.tv) pours’adonner aux nombreux jeux inspirés des programmeset s’inscrire aux concours en espérant<strong>les</strong> remporter. Une jeune fille de 12 ans présente<strong>dans</strong> le groupe de discussion raconte comment,une année plus tôt, elle a réussi à gagner unconcours organisé par un cercle d’admirateursautour d’un programme de Vrak.tv. Elle a trouvécette victoire très excitante et gratifiante maisadmet aujourd’hui être trop « trop vieille » pourparticiper à ce genre d’activités. De nombreux <strong>enfants</strong>parmi <strong>les</strong> plus âgés pensent la même choseet trouvent que <strong>les</strong> sites des télédiffuseurs ne sontplus de leur âge. Il est <strong>tout</strong>efois indéniable que<strong>les</strong> plus jeunes continuent de s’y rendre fréquemmentet apprécient beaucoup <strong>les</strong> jeux, sur<strong>tout</strong>ceux en lien avec leurs programmes favoris. Lacadette des Nadeau, 10 ans, s’explique :Je vais sur Télé-Québec, Radio-<strong>Canada</strong>, ily a une section <strong>enfants</strong> avec un petit dinosaurepuis il y a une section où on retrouvedes jeux de Kaboum, des jeux et plein dechoses !« <strong>Et</strong> si j’étaisproducteur » : <strong>les</strong><strong>enfants</strong> se prêtentau jeu« Émissions defantasme, hors de laréalité »Comme l’explique le paragraphe sur la méthodologiede l’étude, <strong>les</strong> participants des groupes dediscussion se sont prêtés au jeu du producteurde télévision. Ils ont été chargés de créer un <strong>tout</strong>nouveau programme pour <strong>les</strong> 9-12 ans. Le groupede discussion de Montréal comptait 7 <strong>enfants</strong>âgés entre 9 et 12 ans et issus de famil<strong>les</strong> québé-


coises habitant <strong>dans</strong> la région montréalaise. L’unaprès l’autre, <strong>les</strong> participants ont exprimé ce quià leurs yeux rendait un programme jeunesse intéressantpuis ont inventé, individuellement, unenouvelle émission. [Cette formule a été ultérieurementadaptée. Dans <strong>les</strong> quatre autres régions,<strong>les</strong> <strong>enfants</strong> ont réfléchi en groupe à un nouveauprogramme.] Les paragraphes qui suiventreprennent quelques-unes de leurs réponses, quimontrent combien <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> cultivent des goûtsdivers en matière de télévision :— Un garçon de 11 ans a eu l’idée d’un dessinanimé d’action dont <strong>les</strong> personnages principauxseraient Anakin Skywalker de StarWars et Porcinet de Winnie l’ourson. Sa séries’appellerait Star-Wars-Ourson.— Une fille de 9 ans a proposé un dessin animésur un groupe de chats et leurs chatons quifont peur aux chiens du quartier et à leurschiots. Elle est persuadée que cette inversiondes rô<strong>les</strong> serait originale et drôle.— Une participante de 10 ans aimerait quantà elle voir plus de programmes composésd’éléments existant hors de la réalité, <strong>dans</strong> unmonde imaginaire.— Fait assez intéressant, sa sœur de 12 anspréconise davantage de séries suivant despersonnages de la vie réelle, de préférence descomédies <strong>dans</strong> <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> <strong>les</strong> héros et héroïnesjouent continuellement de malchance.— Enfin, un garçon de 11 ans a insisté sur lebesoin de créer un dessin animé drôle sanstrop de violence au motif que « si ça se bat,c’est plate ».Du point de vuede l’ado<strong>les</strong>centLe groupe de discussion composé d’ado<strong>les</strong>centsest toujours une occasion intéressante d’entendreun point de vue unique sur l’état actuel de latélévision jeunesse. Les participants viennent<strong>tout</strong> juste de quitter l’enfance et la tranched’âge cible de l’étude. Ils sont ainsi en mesurede se rappeler avec précision des expériences detélévision de leur enfance et de <strong>les</strong> comparer avec<strong>les</strong> programmes d’aujourd’hui. Cela dit, <strong>les</strong> adosréunis à Montréal ont admis ne pas avoir une« grande connaissance des technologies ». Deuxentrevues de groupe ont été conduites, chacunerassemblant 3 fil<strong>les</strong> et 6 garçons âgés de 15 à17 ans. Les répondants fondaient leur opinionsur leur expérience personnelle de la télévision(vécue entre 9 et 12 ans) ainsi que sur leur regardcritique à l’égard des extraits de programmespopulaires qui leur ont été présentés.La session commence par un exercice <strong>dans</strong> lequel<strong>les</strong> ado<strong>les</strong>cents doivent se remémorer leurs 10 anset discuter de leurs programmes favoris d’alors.Il semble que <strong>les</strong> participants regardaient un mélangeassez équitable d’émissions québécoises etaméricaines, bien que presque <strong>tout</strong>es étaient doubléesen français. Deux ados disent en revanchetoujours préférer <strong>les</strong> programmes québécois telsque Mixmania et Dans une galaxie près de chezvous parce qu’il est plus facile de se projeter <strong>dans</strong>la vie québécoise qu’ils dépeignent et que leursscénarios sont plus appropriés. Comme l’expliquel’une des ado<strong>les</strong>centes :Mixmania était un production locale aveclequel je pourrais plus m’identifier qu’avec<strong>les</strong> séries américaines où il y avait <strong>les</strong>coup<strong>les</strong> et <strong>tout</strong> ça puis t’as 12 ans et tu necomprends pas ce qui ce passe.La moitié des ado<strong>les</strong>cents admettent avoir regardéLes Simpson à 10 ans, même s’ils réalisent qu’àcet âge, ils ne saisissaient pas la majorité des référenceshumoristiques. Une ado<strong>les</strong>cente de 17 anstrouve intéressant de suivre la série aujourd’huiet mesure combien, à 10 ans, elle passait à côté deblagues et de références culturel<strong>les</strong> :Les blagues sont très adultes et il y a desréférences culturel<strong>les</strong> que maintenant jecomprends mais je me suis dit ‘mon Dieu,quand j’ai écouté ça, je ne comprenais rien.43


44Dans la même veine, plusieurs avouent avoircommencé à regarder des comédies et des sériesdramatiques pour ado<strong>les</strong>cents dès l’âge de 10, 11ou 12 ans. La série la plus fréquemment citée estLes Frères Scott. Une participante explique qu’ellea commencé à suivre cette série en particulierparce qu’elle était plus jeune d’un ou deux ans quetous <strong>les</strong> autres élèves de sa classe. Elle a ainsi étéinfluencée par ce que regardaient <strong>les</strong> autres. Âgéemaintenant de 17 ans, elle se remémore cettepériode de sa vie et mesure combien <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>s’influencent mutuellement quant à ce qu’ilsregardent à la télévision. Elle se rappelle avoircherché à participer aux conversations sur LesFrères Scott à l’école. Un ado<strong>les</strong>cent de 16 ans sesouvient d’avoir commencé à regarder cette sérietrès jeune. C’est le seul programme en prises devue réel<strong>les</strong> qu’il aimait alors (il passait la plupartde son temps devant des dessins animés sur YTVet Télétoon, tels que Bob l’éponge, Jackie Chan,Yugio, Les Simpson et Looney Tunes.Ces ado<strong>les</strong>cents perçoivent différemment leursprogrammes favoris d’alors. Ils ont acquis plus dematurité et disposent d’un jugement plus aiguisé.Le garçon de 16 ans explique qu’aujourd’hui,devant des rediffusions de Bob l’éponge, il estcapable de saisir des messages moraux cachésqu’il n’était pas en mesure de saisir à 10 ans.À l’époque, Bob l’éponge n’était pour lui qu’undessin animé comique. Une fille de 17 ansdresse le même constat après avoir revisionnéTotally Spies. Elle peut maintenant comprendrepourquoi, des trois protagonistes, la rousse étaitsa favorite. Étant elle-même brune, elle n’avaitjamais prêté beaucoup d’attention aux raisonsqui motivaient sa préférence pour la rousse. Maisaujourd’hui qu’elle est une ado<strong>les</strong>cente plus mûre,elle reconnaît que c’est sur<strong>tout</strong> l’intelligence et ladétermination de la rousse qui en faisaient sonpersonnage préféré et celui qu’elle admirait.Quelques ados se remémorent avoir regardé latélévision en famille, bien que ces moments selimitaient normalement aux programmes suivisau retour de l’école, avec leurs frères et sœurs.L’ado<strong>les</strong>cente qui adorait Dans une galaxie près dechez vous se souvient de <strong>tout</strong> le rituel qu’elle et sajeune sœur respectaient avant de regarder la sérieà 16 h 30. El<strong>les</strong> se dépêchaient de ranger leurlunch, de changer de vêtements et de se faire unecollation pour ensuite s’asseoir confortablementdevant leur programme favori. Les deux sœursaimaient suivre cette série ensemble, tous <strong>les</strong>après-midi après l’école.Un participant de 16 ans garde d’aussi bonssouvenirs des dessins animés qu’il regardaitavec son frère jumeau. Tous deux partageaient<strong>les</strong> mêmes goûts en matière de télévision. Ils neregardaient la télévision avec leurs parents qu’enfin de semaine, devant des films, ou parfois <strong>les</strong>soirs de semaine.Les ado<strong>les</strong>cents ont fait plusieurs allusions à lanotion de « chaîne par défaut », soit au fait deregarder une chaîne en particulier même si <strong>les</strong>programmes diffusés présentent peu d’intérêt.Une ado de 17 ans se souvient d’avoir regardé Lavie de palace de Zack et Cody ou Zoé, alors qu’elle<strong>les</strong> trouvait ennuyeuses, parce qu’elle et sa sœuravaient pris l’habitude d’allumer la télévision àcette heure précise. Bien qu’el<strong>les</strong> auraient préférévoir un programme plus intéressant, el<strong>les</strong> sesont adaptées à ce qui était proposé pendant leur« heure de télé » :Les après-midis, il y avait ces programmesgenre La vie de palace de Zack et Cody quej’ai trouvé vraiment très boffes mais quandmême comme c’était à la même heure, onl’a regardé un peu parce que c’était notrehabitude. Puis à un moment donné on s’estdit ‘c’est vraiment pas bon, alors on a arrêtéde regarder la télé après école.Bien que sa famille n’achète jamais de télé-horaire,elle n’a jamais eu de difficulté à être aufait des horaires de diffusion de ses émissionspréférées. Elle a pris l’habitude d’allumer latélévision à certaines heures et de mémoriser laprogrammation correspondante :J’ai jamais acheté le guide TV mais enmême temps, je savais à quelle heure ily avait certaines émissions. On prendl’habitude.


Ces commentaires montrent combien, entre 9 et12 ans, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> développent facilement deshabitudes concernant <strong>les</strong> heures auxquel<strong>les</strong> ilsregardent la télévision. Même s’ils n’apprécientpas particulièrement ce qui est diffusé <strong>dans</strong> lacase horaire qui est la leur, ils n’éteindront parleur téléviseur pour autant. Ils resteront devantpour le principe de regarder la télévision et nonpour le plaisir que cela leur procure.Avant de clore le groupe de discussion, <strong>les</strong> ado<strong>les</strong>centsont collaboré à la création d’un nouveauprogramme à l’intention des 9-12 ans. Ils ontdécidé de créer quelque chose de « générique »avec des personnages qui avaient autour de 12ans. Une participante a trouvé important que soitmaintenu cet âge en guise de repère. Les <strong>enfants</strong>d’aujourd’hui doivent selon elle comprendrequ’on n’a pas à se comporter à 12 ans comme onle fait quand on est plus âgé. Il ne faut pas qu’ilsreproduisent la conduite ado<strong>les</strong>cente inappropriéeque dépeignent souvent des programmesdestinés aux plus vieux. Elle préconise que <strong>les</strong>émissions mettent en avant des personnages âgésde 12 ans qui sont aussi des modè<strong>les</strong> à suivre etqui partagent <strong>les</strong> intérêts du public cible. De telsprotagonistes capteraient l’attention des <strong>enfants</strong>qui comprendraient qu’il est <strong>tout</strong> à fait « OKd’agir comme ton âge ».Toutefois, d’autres participants du groupeprônent l’utilisation de personnages qui vontau secondaire, parce que cet environnementattire un public plus jeune. Étant donné qu’ilsont toujours regardé des émissions avec desprotagonistes plus vieux, autour de 17 ans, quise comportent comme s’ils en avaient 12 (ex. :High school musical), la formule devrait marcherpour des téléspectateurs âgés aujourd’hui de 9 à12 ans.Une autre exigence évoquée concerne <strong>les</strong> sujetsabordés. Il doit s’agir de thèmes qui suscitentl’intérêt comme le sport, la musique et <strong>les</strong> arts etpas uniquement <strong>les</strong> interactions socia<strong>les</strong> comme<strong>les</strong> histoires d’amour et <strong>les</strong> relations amica<strong>les</strong>. Ildevrait y avoir de l’humour mais un humour intelligentavec des jeux de mots qui exigent que <strong>les</strong><strong>enfants</strong> portent attention pour <strong>les</strong> comprendre.Le programme devrait se concentrer sur troismeilleurs amis – une dynamique que ces ado<strong>les</strong>centstrouvent pertinente car elle séduit l’auditoire.Il est également drôle de voir comment letrio résout ses problèmes et comment chacuninteragit avec <strong>les</strong> deux autres. Les personnagesdoivent aussi posséder des traits assez distinctspour que <strong>les</strong> spectateurs puissent choisir aveclequel ils s’identifient le plus. Ce « gang » de personnagesa aussi l’intérêt d’offrir une plus grandegamme de scénarios et de points de vue que si l’onsuivait un seul héros. Cela dit, il est important,d’après <strong>les</strong> ado<strong>les</strong>cents, que chaque protagonistesoit présenté de façon caricaturale au début dela saison, pour que chacun ait un rôle clairementdéfini. Une fois <strong>les</strong> rô<strong>les</strong> établis, <strong>les</strong> personnagesdoivent pouvoir faire l’objet de développementset plusieurs facettes doivent apparaître.Plutôt que de donner au programme un tonromantique, <strong>les</strong> ado<strong>les</strong>cents préfèrent mettre del’avant l’amitié entre <strong>les</strong> protagonistes. En guisede principal élément savoureux, au moins un oudeux personnages devraient être impliqués <strong>dans</strong>un flirt léger, avec des interactions innocentesentre fille et garçon. Selon <strong>les</strong> ado<strong>les</strong>cents interrogés,montrer aux 9-12 ans comment se comporterconvenablement avec le sexe opposé permettraitd’éviter <strong>les</strong> souvenirs douloureux et <strong>les</strong> maladresses.Les <strong>enfants</strong> seraient également moinsenclins à se lancer <strong>dans</strong> des relations amoureusestrop tôt ou à adopter des comportements tropmatures pour leur âge. Les participants au groupede discussion trouvent que <strong>les</strong> adultes appliquentsouvent leurs formu<strong>les</strong> de programmes à ceuxdestinés aux <strong>enfants</strong>. À leurs yeux, <strong>les</strong> producteursne devraient pas perdre de vue l’auditoireauquel ils s’adressent pour s’assurer de restertoujours en phase avec ce que veulent <strong>les</strong> 9-12ans.45


46Réflexions fina<strong>les</strong>Il est évident que Montréal, seule régionquébécoise de l’étude, dispose de programmesde télévision spécifiques, mais elle présenteégalement un style et des opinions propres enmatière d’appropriation médiatique. Bien que <strong>les</strong>famil<strong>les</strong> montréalaises aient certains points communsavec cel<strong>les</strong> des autres régions canadiennes,Montréal reste une métropole unique et variée entermes d’habitudes médiatiques et télévisuel<strong>les</strong>.Parmi <strong>tout</strong> ce qui a été relevé <strong>dans</strong> ce chapitre,certains traits sont distinctifs de Montréal et dela culture québécoise, notamment l’accent surl’importance d’une programmation québécoise degrande qualité et adaptée à l’âge cible, mais aussila déception occasionnée par un certain déficit enmatière de programmes destinés aux 9-12 ans. Lenombre élevé de téléviseurs par foyer a égalementun effet sur la pratique du covisionnement. Celadit, bien que le niveau d’écoute en famille nesoit pas aussi élevé qu’à St. John’s, <strong>les</strong> famil<strong>les</strong>montréalaises passent <strong>tout</strong> de même pas mal detemps ensemble devant leur téléviseur. Environ lamoitié de ce temps est dédiée à des émissions detélévision, et l’autre à des films.Il n’empêche que <strong>les</strong> foyers montréalais partagentdes habitudes médiatiques avec leurs homologuescanadiens. En moyenne, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> pratiquent le« media multitasking » et regardent la télévisionsur Internet quelque peu moins que <strong>dans</strong> le restedu <strong>Canada</strong>. Bien que <strong>dans</strong> <strong>les</strong> faits, ils suiventdes programmes grand public et ado<strong>les</strong>cents, ilsapprécient globalement une combinaison de programmesjeunesse québécois et de langue anglaiseque leurs semblab<strong>les</strong> plébiscitent également <strong>dans</strong><strong>les</strong> autres provinces (bien que ceux de langueanglaise soient normalement doublés en françaisà Montréal). De plus, <strong>les</strong> parents montréalaischerchent <strong>dans</strong> <strong>les</strong> programmes jeunesse de leurs<strong>enfants</strong> <strong>les</strong> mêmes critères importants que <strong>les</strong>parents du reste du <strong>Canada</strong>.Le chapitre suivant poursuit l’analyse de la télévisionet des habitudes médiatiques des jeunes Canadiens.L’étude se déplace vers l’ouest et abordela plus grande métropole du pays — Toronto,en Ontario — pour y révéler <strong>les</strong> opinions loca<strong>les</strong>intéressantes et uniques en la matière.


47Analyse régionale deToronto, ON


48IntroductionLes données concernant le centre du <strong>Canada</strong> ontété recueillies à Toronto, capitale de l’Ontario,sur une période de trois jours en février 2011.Avec une population de 6 millions d’habitants(incluant <strong>les</strong> banlieues qui composent le GrandToronto [Greater Toronto Area en anglais]), c’estla plus grande métropole du <strong>Canada</strong>. Les chercheursont sondé des famil<strong>les</strong> issues de la classemoyenne à la classe moyenne supérieure quivivent <strong>tout</strong>es <strong>dans</strong> le Grand Toronto. Les parentssont entre la fin-trentaine et la mi-quarantaine.Chaque famille compte au moins deux <strong>enfants</strong>âgés entre 9 et 12 ans et perçoit un revenu annuelmoyen allant de 45 000 $ à 125 000 $. Tous <strong>les</strong>parents interrogés sont nés au <strong>Canada</strong> ou y viventdepuis plus de 10 ans. Ils travaillent à tempsplein et occupent principalement des emplois decol blanc <strong>dans</strong> l’industrie des services. Dans <strong>les</strong>foyers retenus, au moins un parent est titulaired’un diplôme d’enseignement supérieur ou universitaire.Au rang des occupations, on relève unjoueur professionnel de jeux vidéo, un fonctionnaireet un technicien en télécommunications.Tous <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> participants sont nés au <strong>Canada</strong>et disent regarder plus de 10 heures de télévisionpar semaine.Comme <strong>les</strong> autres chapitres de ce rapport, celui-cicommencera par un portrait approfondi de lafamille qui, selon l’équipe de recherche, incarne lemieux la « famille torontoise type ». Néanmoins,à cause de la grande diversité des famil<strong>les</strong> rencontrées,<strong>les</strong> chercheurs ont estimé pertinent deprésenter deux profils familiaux différents. Tous<strong>les</strong> deux montrent des dynamiques communes,propres à cette région du <strong>Canada</strong> qui est particulièrementgrande, diverse et en constants croissance.Comme toujours, <strong>les</strong> noms des famil<strong>les</strong>ont été modifiés pour protéger l’anonymat desparticipants et assurer la confidentialité de leurspropos.Les RajputLes Rajput sont une famille de classe moyennecomposée de cinq membres, dont trois <strong>enfants</strong> :l’aînée, 12 ans, a deux frères de 10 et 6 ans. Lafamille réside <strong>dans</strong> une maison récente sur deuxétages qui fait partie d’un projet d’urbanisationprometteur à Brampton (à environ 45 minutes ducentre-ville de Toronto).Le père, <strong>dans</strong> la quarantaine, est originaire duMoyen-Orient. Il a grandi au Pakistan et s’estinstallé au <strong>Canada</strong> une fois adulte. La mère, âgéed’un petit peu plus de 40 ans, est égalementd’origine moyen-orientale mais elle est née et agrandi à Hamilton, en Ontario. Les deux parentstravaillent à temps plein et doivent aménagerleur emploi du temps pour s’assurer que l’und’entre eux soit à la maison et s’occupe des<strong>enfants</strong>. Pour y parvenir, le père (un technicienen télécommunications) part travailler à 5 h dumatin et rentre à la maison en début d’après-midipour surveiller ses <strong>enfants</strong> après leurs activitésscolaires. La mère, elle, reste à la maison le matinpour préparer <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> avant l’école. Puis elleprend le train de banlieue afin de rejoindre sonlieu de travail, <strong>dans</strong> le centre-ville de Toronto. Cetrajet lui prend plus d’une heure. Elle arrive aubureau <strong>dans</strong> le courant de la matinée et reste parconséquent généralement plus tard le soir.Une journée de semaine type chez <strong>les</strong> Rajputcommence par la préparation des <strong>enfants</strong> pouraller à l’école. C’est la mère qui s’en charge. Lesdeux garçons vont souvent manger leur déjeunerdevant des dessins animés tandis que l’aînéese prépare <strong>dans</strong> sa chambre ou elle va elle aussiregarder la télévision (habituellement FamilyChannel). La mère admet que regarder la télévisionà cet instant de la journée est une source dedistraction qui ajoute pas mal de confusion à leurroutine du matin. Néanmoins, il semble que cesoit devenu une activité incontournable de leurquotidien. L’après-midi, l’aînée passe chercherses deux frères à l’école et <strong>les</strong> raccompagne à lamaison où ils prennent une collation et regardentun peu de télévision avant le retour de leur père.Quand ce dernier rentre, vers 16 h, ils éteignent


la télévision et commencent leurs devoirs. Lepère est très impliqué <strong>dans</strong> la scolarité de ses <strong>enfants</strong>.Il insiste souvent pour qu’ils réalisent desdevoirs supplémentaires et approfondissent leurinstruction, sans oublier <strong>les</strong> études religieusesquotidiennes auxquel<strong>les</strong> ils s’adonnent ensemble.Peu de temps après <strong>les</strong> devoirs, le père préparele souper, qu’ils mangent en famille assis autourd’une table. Une fois le repas terminé, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>ont le droit de regarder la télévision ou de jouer àl’ordinateur.Le père <strong>les</strong> encourage toujours à regarder desprogrammes télévisuels à contenu informatif. Ilaime regarder La roue de la fortune et Jeopardyavec ses fils chaque soir. Pendant ce temps, lafille regardera <strong>dans</strong> sa chambre <strong>les</strong> émissionspour <strong>enfants</strong> et ado<strong>les</strong>cents de son choix, commeLes Sorciers de Waverly Place et Les Menteuses.Quand la mère rentre de son travail, vers 20 h,elle est accueillie par ses trois <strong>enfants</strong> qui lui fontpart de leur journée avant d’aller se coucher.Globalement, cette famille est bien organiséeet la consommation médiatique est bien réglée.Les habitudes médiatiques de chacun (contenuet usage) sont très liées à leurs préférencesindividuel<strong>les</strong>, à leur âge et au temps qu’ils ont à yconsacrer. Les origines familia<strong>les</strong> de semi-migrantexpliquent peut-être le regard plus « traditionnel» des parents sur la consommation médiatiqueet sur <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> connexes (traditionnel encomparaison de <strong>tout</strong>es <strong>les</strong> autres famil<strong>les</strong> interrogéesà Toronto). La consommation télévisuelley est réglée de la même manière que beaucoupd’autres activités imposées aux <strong>enfants</strong> (ex. : <strong>les</strong>heures de repas, <strong>les</strong> devoirs, l’étude religieuse).En d’autres termes, la télévision remplit chez <strong>les</strong>Rajput une fonction particulière : elle occupe lafamille du retour de l’école au souper, ou avant etaprès <strong>les</strong> devoirs.Au total, la famille possède quatre téléviseurs :un <strong>dans</strong> le salon, où a lieu la plus grande part ducovisionnement en famille, un <strong>dans</strong> la chambredes parents, un <strong>dans</strong> la chambre de la fille aînéeet un qui est sur le point d’être installé <strong>dans</strong> lachambre du cadet de 10 ans. La plupart du temps,c’est <strong>dans</strong> le salon que <strong>les</strong> Rajput regardent latélévision. Le père surveille <strong>dans</strong> l’ensemble ceque regardent ses <strong>enfants</strong>. Il souhaite aussi qu’ilsdemandent la permission avant d’allumer latélévision. Cette règle s’applique sur<strong>tout</strong> aux deuxgarçons car la fille de 12 ans est en mesure decontourner l’encadrement de son père. De plus,elle regarde davantage la télévision depuis qu’elledispose de son propre appareil <strong>dans</strong> sa chambre.La famille aime également regarder des filmsensemble en fin de semaine.En général, le fils de 10 ans écoute des programmesà contenu informatif (comme ceux deDiscovery Channel ou des jeux sollicitant desconnaissances diverses) avec son père et sonjeune frère. Il regarde aussi des dessins animéscomme Bob l’éponge et Pokémon. Lui et sonfrère jouent fréquemment à l’ordinateur, mais latélévision reste la plateforme de divertissementqu’il préfère. Les parents continuent d’avoir leurmot à dire sur <strong>tout</strong>es <strong>les</strong> habitudes médiatiquesde leurs deux garçons mais ils trouvent de plusen plus difficile de surveiller leur fille de 12 ans.Elle allume fréquemment la télévision tard le soir,passe une bonne partie de son temps sur <strong>les</strong> réseauxsociaux et se dispute avec ses parents pourêtre autorisée à envoyer plus de messages textepar mois sur son téléphone cellulaire. Les parentsne semblent pas encore excessivement préoccupéspar la situation mais il est clair que la fille acommencé à prendre ses distances des habitudesfamilia<strong>les</strong>. Elle préfère passer plus de temps <strong>dans</strong>sa chambre et socialiser avec ses amis.Au cours des entretiens, le père a notamment formuléune remarque intéressante en comparant sapropre enfance avec celle de ses <strong>enfants</strong>, ponctuéepar la télévision. Il se rappelle qu’au Pakistan, latélévision était à l’époque considérée comme unarticle de luxe et utilisée uniquement pour obtenirde l’information. Aujourd’hui, il constate queses <strong>enfants</strong> n’ont recours à la télévision qu’à desfins de divertissement. Ce point de vue pourraitexpliquer pourquoi il encourage ses <strong>enfants</strong> àregarder plus de programmes instructifs que dedessins animés.49


50Les SandersLes Sanders sont une famille de classe moyennesupérieure composée de quatre membres ethabitant une grande maison sur deux étages àPickering, une proche banlieue de Toronto. LesSanders sont une famille interraciale. La mère estasiatique et le père caucasien (tous <strong>les</strong> deux <strong>dans</strong>la quarantaine). Leurs deux fils sont âgés de 12 et10 ans. Les parents sont tous <strong>les</strong> deux titulairesd’un diplôme universitaire et travaillent à tempsplein pour le gouvernement canadien. Ensemble,ils gagnent annuellement entre 100 000 $ et 120000 $. En <strong>tout</strong>, ils disposent de quatre téléviseursà domicile : un <strong>dans</strong> le salon et un <strong>dans</strong> chaquechambre.En semaine, leur journée type commence avec<strong>les</strong> parents et <strong>enfants</strong> qui se préparent pour allerrespectivement au travail et à l’école. Le fils cadetregarde environ 20 minutes de Bob l’épongependant son déjeuner. Le frère aîné dit ne plusêtre intéressé par ce genre de programmes maisrejoint parfois son frère devant la télévision poury déjeuner. Le souper est pour <strong>les</strong> Sanders uneoccasion de s’asseoir tous ensemble; ce qui n’estpas toujours possible à cause des emplois dutemps chargés de chacun. L’aîné ne regarde généralementla télévision qu’en soirée, une fois quele souper est fini et qu’il a terminé ses devoirs. À21 h ou 22 h, il aime regarder des programmespour ado<strong>les</strong>cents ou grand public <strong>dans</strong> sachambre avant de s’endormir. Le fils cadet passeplus de temps devant la télévision que son aîné. Ily consacre sur<strong>tout</strong> <strong>les</strong> après-midi après l’école et<strong>les</strong> fins de semaine. Ses activités extrascolaires etses devoirs semblent lui prendre moins de temps.Il continue de préférer <strong>les</strong> programmes pour<strong>enfants</strong>, en prises de vue réel<strong>les</strong> ou en versionanimée. Ses émissions favorites sont iCarly, Bobl’éponge et La Vie de palace de Zack et Cody. Detous <strong>les</strong> équipements disponib<strong>les</strong> à la maison,<strong>les</strong> plus prisés par <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> sont <strong>les</strong> appareilsportatifs. L’aîné de 12 ans utilise l’ordinateurportable récemment acheté pour <strong>tout</strong>es sortesd’activités en ligne (essentiellement pour clavarderavec ses amis). Il aime également se servir deson cellulaire et envoyer des messages texte. Lecadet de 10 ans, lui, aime jouer quotidiennementavec son iPod tactile et sa PlayStation3.La famille ne regarde pas souvent la télévisionensemble et n’a pas d’habitudes spécifiquesen la matière, hormis <strong>les</strong> soirées cinéma en finde semaine, qu’on tente d’organiser une foispar semaine. Les parents voient rarement <strong>les</strong>programmes favoris de leurs <strong>enfants</strong>, sur<strong>tout</strong>en raison d’horaires professionnels chargés etparce qu’ils rapportent souvent du travail à lamaison. Le père est globalement plus attentifaux pratiques médiatiques des <strong>enfants</strong> que lamère. Cette dernière apparaît très peu au fait deshabitudes et préférences de ses fils. Les parentsn’éprouvent pas le besoin d’intervenir souvent<strong>dans</strong> la consommation médiatique de leurs<strong>enfants</strong>. Toutefois, le père commence à penserque l’aîné aurait besoin davantage de règ<strong>les</strong> et derestrictions quant aux programmes qu’il affectionneet à son utilisation excessive d’Internet etdu téléphone cellulaire – un sujet qui sera abordéultérieurement <strong>dans</strong> le chapitre.Habitudesmédiatiques àTorontoLes <strong>enfants</strong> des famil<strong>les</strong> interrogées à Torontorapportent regarder la télévision au moins 10heures par semaine, sans compter le temps passéà jouer aux jeux vidéo, à naviguer sur Internet ouà texter/parler sur un téléphone cellulaire, ce quimonopolise aussi une bonne partie de la semaine.Mais cela sera abordé ultérieurement. Habituellement,<strong>les</strong> <strong>enfants</strong> suivent en semaine un ou deuxprogrammes avant d’aller à l’école. Toutefois, lamajorité de leur temps d’écoute intervient aprèsl’école et en soirée. Les <strong>enfants</strong> <strong>les</strong> plus âgés onttendance à regarder moins la télévision à leurretour de l’école car ils disent avoir plus de devoirset participent à plus d’activités extrascolaires.


Les famil<strong>les</strong> torontoises possèdent en moyenne3,2 téléviseurs et 4 sur 5 d’entre el<strong>les</strong> sont abonnéesà un service de télévision par câble numériqueou par satellite. De ce fait, et parce que 2/3des <strong>enfants</strong> ont un téléviseur <strong>dans</strong> leur chambre,la pratique du covisionnement en famille estmoins assidue à Toronto que <strong>dans</strong> <strong>les</strong> autresrégions. Généralement, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> utilisent leurpropre téléviseur le matin, après l’école et <strong>les</strong> finsde semaine. Les parents se joignent habituellementà eux <strong>les</strong> soirs de semaine pour regarderdes programmes grand public ou des émissionsdestinées aux adultes. Cela dit, la soirée cinémaen famille est une pratique courante <strong>les</strong> finsde semaine. Toutes <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> interrogées s’yadonnent sur une base hebdomadaire.Bien que <strong>les</strong> pratiques télévisuel<strong>les</strong> varient d’unfoyer à l’autre, l’utilisation de l’ordinateur et d’Internetsemble relativement uniforme chez tous<strong>les</strong> <strong>enfants</strong>. Les famil<strong>les</strong> torontoises possèdenten moyenne 2,8 ordinateurs (portab<strong>les</strong> ou non)et tous bénéficient d’un accès Internet hautevitesse. Les <strong>enfants</strong> (sur<strong>tout</strong> ceux de 11 et 12 ans)passent une bonne partie de leur temps libre enligne, pour jouer ou pour fréquenter des médiassociaux. Parmi <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> participants à l’étude,3 sur 5 ont un compte Facebook et presque tousdisposent d’une adresse courriel et vont surYouTube régulièrement. Néanmoins, très peud’<strong>enfants</strong> regardent des programmes de télévisionen reprise vidéo sur Internet. Pour ce qui estdes autres appareils électroniques, chaque foyerpossède en moyenne 4 conso<strong>les</strong> de jeux (ex. :Nintendo Wii, PlayStation, Xbox, DSI, etc.), 3<strong>enfants</strong> sur 5 disposent d’un téléphone cellulaireet 2 sur 3 ont un iPod. La majorité d’entre euxsont d’ailleurs capab<strong>les</strong> d’avoir accès à Internetvia leur iPod.Du point de vuede la familleLes entretiens et <strong>les</strong> groupes de discussionconduits à Toronto ont fait apparaître plusieursthèmes importants. Certains ont déjà été relevésailleurs au pays mais d’autres sont propres à larégion torontoise. La section qui suit dresse unrapport détaillé de ces thèmes, étayés par desexemp<strong>les</strong> fournis par <strong>les</strong> cinq famil<strong>les</strong> interrogéeset <strong>dans</strong> <strong>les</strong> quatre groupes de discussion qui ontété menés en février 2011.« Mon père litparfois le journal etregardera peut-êtreun bout avec moi »Globalement, le « temps d’écoute en famille »le plus fréquemment rapporté <strong>dans</strong> <strong>les</strong> foyersparticipants intervient devant des films <strong>les</strong> soirsde fin de semaine. Nombreux sont <strong>les</strong> parents quiregardent quelques contenus télévisuels actuelsavec leurs <strong>enfants</strong> mais cette pratique a tendanceà être réservée à des programmes pour adultes ougrand public.Trois profils se dégagent à Toronto en matière decovisionnement familial. Les Robinson en sont<strong>les</strong> pratiquants <strong>les</strong> plus assidus. Ils regardent latélévision majoritairement ensemble, bien quece soit presque exclusivement devant des programmesdestinés aux adultes. La mère résume cepoint <strong>dans</strong> la déclaration suivante :Ils regardent avec moi Operation Repo.Il m’arrive de regarder cette émission,parfois. J’aime aussi <strong>les</strong> programmes deA&E comme First 48, 48 Hour Mystery,<strong>tout</strong> ce qui touche à de vrais crimes. Çame fascine. J’aime beaucoup ça et il arrivequ’ils <strong>les</strong> regardent avec moi. On suit çaensemble. Sinon, on regarde aussi des films.Il nous arrive aussi de regarder des films enfamille.Bien que ce ne soit pas des programmes qui leursoient typiquement destinés, <strong>les</strong> fil<strong>les</strong> Robinson,11 et 12 ans, <strong>les</strong> citent au rang de leurs émissionsfavorites et admettent <strong>les</strong> regarder en compagniede leur mère. <strong>Et</strong> bien que la famille dispose de51


52trois téléviseurs, c’est principalement devant celuidu salon qu’ils s’installent ensemble.La famille Mancini pratique, elle, un covisionnementfamilial modéré. Les parents privilégientde loin <strong>les</strong> programmes à contenu informatifet admettent ouvertement ne pas apprécier <strong>les</strong>émissions spécifiquement adressées aux <strong>enfants</strong>,en particulier <strong>les</strong> dessins animés. Voilà ce que leurfille de 12 ans répond quand on lui demande sielle regarde ses programmes préférés, Les Menteuseset iCarly, avec ses parents :F12PèreBah, parfois, je regarde la télé, ilsentrent <strong>dans</strong> la pièce mais ils nes’assoient pas. Ils ne la regardent pasvraiment.Tu n’as qu’à changer ! Moi, je regarde pasça ! C’est <strong>tout</strong>. (blague)Même si ses parents n’aiment pas regarder des« émissions pour <strong>enfants</strong> » avec leur fille, cela nesignifie pas qu’ils ne regardent pas la télévisionensemble. Dans l’extrait ci-dessous, la familleaborde <strong>les</strong> programmes qu’ils aiment regarderensemble et qui constituent des moments parents-<strong>enfants</strong>privilégiés :F12PèreINTF12PèreY’avait une émission que papa et moi onregardait le lundi soir. Celui sur la Romeancienne.Ouais, c’était bien. Tu aimais ça et moiaussi.Ça vous arrive d’enregistrer ces programmespour <strong>les</strong> regarder ensuite sijamais vous n’avez pas le temps ?Bah, on le faisait avec The Bachelor etThe Bachelorette.Ça, c’est leur soir ensemble. (référence àla mère et la fille)Les Sanders incarnent la troisième tendance :ce sont ceux qui regardent le moins la télévisionensemble. Idéalement, ils essaient de réserverune soirée de la semaine pour regarder un film enfamille. Mais même cette habitude peut s’avérerdifficile à maintenir. Quand on lui demande s’ilregarde ses programmes favoris avec ses parents,le fils de 10 ans répond ce qui suit :Bah, seulement s’ils lisent leur journal.Mais ma mère, ça n’arrive pas en général.Soit elle travaille ou elle fait autre chose.Mon père arrive parfois pour lire sonjournal et là peut-être qu’il regarde un boutavec moi.On retrouve chez <strong>les</strong> Sanders une tendancecommunément observée <strong>dans</strong> <strong>les</strong> foyers torontoisinterrogés : beaucoup de parents assument laresponsabilité supplémentaire d’emporter dutravail chez eux pour s’en acquitter pendant lasoirée, ce qui leur laisse peu de temps pour regarderla télévision. Chez <strong>les</strong> Rajput, la mère metune heure et demie pour se rendre à son travail etle même temps pour en revenir. Le plus souvent,elle arrive donc chez elle vers 20 h et ne peut sejoindre à ses <strong>enfants</strong> pour regarder la télévisionen après-midi et en soirée. Les ado<strong>les</strong>cents dugroupe de discussion ont eux aussi confirmé cedéficit général de covisionnement parental dûà de lourds engagements professionnels. C’estégalement la raison qu’ils ont invoquée pour expliquerque leurs parents se soient rarement assisavec eux devant la télévision quand ils avaient 10ans. Tous conviennent que leurs parents étaient« trop occupés pour regarder la télévision », et quepeu prenaient le temps de suivre <strong>les</strong> programmesfavoris de leurs <strong>enfants</strong>. Cela dit, ils ont toujourseu l’impression que leurs parents avaientconscience de ce qu’ils regardaient. Commel’explique une fille de 15 ans au sujet de sa mère :« Elle nous demandait de quoi il s’agissait mais nes’assoyait pas avec nous ».Dans une autre mesure, <strong>les</strong> Robinson offre unexemple singulier. Chez eux, la technologiepermet aux parents de passer du temps avec leurs<strong>enfants</strong> et de tisser des liens avec eux, et ce enmarge de la télévision. Le père a passé plusieursannées à jouer avec ses fil<strong>les</strong> à des jeux vidéo et ildécrit avec fierté combien ses fil<strong>les</strong> ont atteint unbon niveau. À tel point qu’el<strong>les</strong> le battent souventalors que c’était le contraire quand el<strong>les</strong> étaientplus jeunes. Quoique cette approche fonctionnebien <strong>dans</strong> cette famille, beaucoup de parents


trouvent plus difficile d’entrer en relation avecleurs <strong>enfants</strong> dès lors qu’ils préfèrent <strong>les</strong> jeuxvidéo à la télévision. Chez <strong>les</strong> Clark, la mère expliquepar exemple qu’elle et ses fils regardent peula télévision ensemble car ces derniers préfèrentjouer à des jeux vidéo :MèreG11MèreOn regarde, comment, iCarly et <strong>tout</strong> le...Seulement quand il y a un nouvel épisode.C’est vrai. On regarde aussi Zack etCody. C’est <strong>tout</strong> je crois. Juste ces deuxséries. Mais on regarde rarement latélévision.INT À cause des jeux ?MèreG11MèreOui, il joue...À la X-box.Ouais, ils vont jouer en ligne.Autre tendance remarquée chez <strong>les</strong> famil<strong>les</strong>torontoises : <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> partagent l’engouementde leurs parents pour de vieux programmes, enparticulier ceux que <strong>les</strong> parents appréciaient<strong>enfants</strong>. Chez <strong>les</strong> Rajput, le père aime regarderScooby Doo avec ses <strong>enfants</strong>. Ce programme restecher à son enfance : « Nous pensons que regarderdes dessins animés avec <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>, c’est peude chose, mais ainsi, on construit une relationavec eux. Donc quand ils regardent Scooby Doo –“Papa, c’est un bon épisode” – alors là, je m’assoisavec eux et je le regarde sans problème ». De lamême manière, ses <strong>enfants</strong> pensent que regarderScooby Doo est une opportunité de se rapprocherde lui. L’aînée des Rajput, 12 ans, reconnaît suivreprécisément ce dessin animé parce qu’elle saitqu’alors son père la rejoindra et qu’ils pourrontpasser du temps ensemble. On retrouve dessituations identiques chez <strong>les</strong> Mancini. Le père etson fils aiment regarder des rediffusions des TroisStooges. Chez <strong>les</strong> Robinson, <strong>les</strong> fil<strong>les</strong> apprécientel<strong>les</strong> aussi <strong>les</strong> vieux dessins animés prisés par leurpère, comme Les Cosmocats.« Ils n’apprennentpas grand-chose,c’est plus dudivertissement »S’il est un point sur lequel <strong>les</strong> parents de Torontose font très insistants, c’est l’importance de la« télévision éducative » <strong>dans</strong> la vie de leurs <strong>enfants</strong>.Le terme de « télévision éducative » renvoiepour eux aux programmes à contenu informatifqui sont généralement grand public et qui seconcentrent sur des sujets spécifiques tels que lanature, l’histoire, <strong>les</strong> sciences, <strong>les</strong> biographies etainsi de suite.Au cours des entretiens à domicile, il a été demandéaux parents ce que leurs <strong>enfants</strong> devraientregarder en premier lieu. Tous ont réponduDiscovery Channel, History Channel, NationalGeographic ou the Food Channel pour leur contenu« éducatif ». Quand il leur a été demandé dementionner des programmes spécifiques ciblant<strong>les</strong> 9-12 ans, <strong>les</strong> parents ont avoué trouver <strong>les</strong>émissions de Family Channel et YTV appropriées.El<strong>les</strong> ne constituent pas nécessairement à leursyeux un divertissement de qualité, mais pourcertains, des séries comme Hannah Montana ouLa Vie de palace de Zack et Cody permettent àleurs <strong>enfants</strong> d’approfondir leurs connaissanceset de tirer un quelconque apprentissage despersonnages qui évoluent <strong>dans</strong> un quotidiencommun à cette tranche d’âge.Beaucoup de parents considèrent qu’il convientde regarder des dessins animés comme Bobl’éponge « une à deux fois par semaine ».Toutefois, ils soulignent que leurs <strong>enfants</strong>« n’apprennent pas grand-chose. C’est plutôt undivertissement. C’est une perte de temps ». Dansl’ensemble, ces parents souhaitent que leur progénituremaximise son temps en apprenant desprogrammes qu’elle regarde. Une mère va jusqu’àsuggérer que <strong>les</strong> émissions jeunesse « mettentplus l’accent sur l’apprentissage et moins surl’imaginaire ». Les discussions sur l’état actuel53


54de la télévision en général ont été vives, sur<strong>tout</strong>quand la qualité des programmes d’aujourd’huia été comparée à cel<strong>les</strong> des programmes d’hier,mais ce point ne sera pas développé <strong>dans</strong> cechapitre.Les Rajput illustrent bien le décalage qui existeentre <strong>les</strong> programmes que <strong>les</strong> parents préconisentet l’intérêt réel que ces émissions suscitent chezleurs <strong>enfants</strong>. Le père et la mère exhortent leurs<strong>enfants</strong> à regarder Discovery Channel et d’autresprogrammes à contenu informatif bien qu’ils nesoient pas spécifiquement destinés à leur tranched’âge (ex. : Jeopardy et La classe de 5e). En revanche,leur fille de 12 ans n’est pas conquise parcette sélection et préfère suivre <strong>les</strong> programmesde son choix <strong>dans</strong> sa chambre. Lorsque la mèreévoque sa frustration de constater que DiscoveryChannel n’attire pas beaucoup d’<strong>enfants</strong>, safille répond : « Discovery Channel, c’est plate etbizarre alors je change de chaîne ». Sa réponsereflète l’opinion de plusieurs <strong>enfants</strong> interrogés,mais pas de tous. À l’inverse, son frère de 10ans aime <strong>les</strong> programmes à contenu informatifet s’accorde avec ses parents pour dire qu’il n’ya pas assez d’émissions pédagogiques adresséesà ce groupe d’âge. Cela dit, <strong>dans</strong> ce cas précis,<strong>les</strong> chercheurs ont eu du mal à déterminer si legarçon exprimait sa propre opinion ou réitéraitcelle de son père.Une observation a retenu l’intérêt des chercheurs: quand il a été demandé aux parents desélectionner <strong>les</strong> trois meilleurs programmesjeunesse actuels, presque tous ont nommé deschaînes plutôt que des émissions. Les réponses<strong>les</strong> plus fréquentes ont été Discovery, Historyou Family Channel. Par ailleurs, la plupart desparents ont eu des difficultés à citer plus d’un oudeux programmes créés spécifiquement pour latranche d’âge de leurs <strong>enfants</strong>. Comme l’expliqueune mère : « Je ne saurais probablement pas quoivous répondre car je ne regarde pas beaucoup latélévision ». Une autre mère fait écho à cet aveu :« Je ne l’ai jamais vraiment évalué. Je ne sais pasce qui passe. »La plupart des parents ont nommé un programmeinformatif, Comment c’est fait, commejustification de ce qu’ils préconisent pour leurs<strong>enfants</strong>. Quelques parents ont évoqué La Vie depalace de Zack et Cody, iCarly et Les Sorciers deWaverly Place qui, selon eux, sont « des émissionsappropriées et acceptab<strong>les</strong> ». La majorité desparents ont été incapab<strong>les</strong> de décrire en détail lemoindre programme pour <strong>enfants</strong>. Cela est venuconfirmer une impression déjà abordée <strong>dans</strong> leparagraphe sur le covisionnement : il y a à Torontobeaucoup moins de parents qui suivent activement<strong>les</strong> programmes de leurs <strong>enfants</strong> que <strong>dans</strong><strong>les</strong> autres régions. Ce fait est encore plus évidentquand <strong>les</strong> données de Toronto sont comparéesavec cel<strong>les</strong> de St. John’s, où globalement, le covisionnementactif constitue une part essentielle dela vie de famille.Les parents torontois expliquent qu’ils ont tendanceà recommander <strong>les</strong> programmes éducatifsdes chaînes tel<strong>les</strong> que Discovery à cause du déficitimportant d’émissions de qualité offertes à latranche d’âge de leurs <strong>enfants</strong>. Ainsi, le père de lafamille Robinson déclare : « Une bonne partie dela télé d’aujourd’hui est à jeter aux vidanges. Voussavez quoi ? Vous n’avez qu’à y mettre quelquechose qui en vaille la peine pour nos <strong>enfants</strong> ».Bien que le père des Sanders soit du même avis, ilsouligne un point valable sur l’état de la télévisionqu’il est pertinent d’inclure <strong>dans</strong> ce rapport :On critique souvent la télé en disant qu’elleest bonne à jeter mais ce n’est pas exact.Ce qui compte, c’est ce qu’on en fait. Il y atoujours de bons programmes. Si vous <strong>les</strong>pistez et que vous <strong>les</strong> regardez, y’a matièreà en tirer quelque chose. Il y a aussi de lamerde mais à la télé, personne ne vousimpose de regarder quoi que ce soit.Bien qu’ils soient prompts à la critique, <strong>les</strong>parents de Toronto ne sont pas avares de suggestionspour améliorer la télévision jeunesse.Globalement, ils pensent que <strong>les</strong> programmesdevraient être plus instructifs. Ils souhaitentaussi que <strong>les</strong> contenus soient plus en lien avec dessituations de la vie réelle à partir desquel<strong>les</strong> leurs<strong>enfants</strong> pourraient apprendre quelque chose. Une


mère suggère que plus de programmes traitent dela jeunesse canadienne, pour que ses <strong>enfants</strong> sesentent plus proches des personnages. Les mèresdu groupe de discussion aimeraient que l’accentporte sur le respect des aînés et des parents – unmessage qui d’après el<strong>les</strong> fait cruellement défaut<strong>dans</strong> <strong>les</strong> programmes que leurs <strong>enfants</strong> regardent.El<strong>les</strong> soulignent également l’importance d’aborderdes sujets délicats comme l’intimidation etl’intolérance. El<strong>les</strong> réclament aussi que <strong>les</strong> leçonsmora<strong>les</strong> des programmes actuels soient étoffées.Certaines mères craignent que <strong>les</strong> messages nesoient pas assez clairs « car il se passe trop dechoses – il y a trop de rebondissements <strong>dans</strong>l’histoire ». La mère qui s’est ainsi expriméedressait une comparaison avec <strong>les</strong> programmesde son enfance. Elle a l’impression qu’alors, <strong>les</strong>séries comme La Petite Maison <strong>dans</strong> la prairieétaient construites sur des intrigues plus simp<strong>les</strong>avec des valeurs mora<strong>les</strong> et des leçons de vie plusfaci<strong>les</strong> à comprendre.« Ça semble être unechaîne plutôt sûre »Il a déjà été mentionné que <strong>les</strong> parents torontoisplébiscitent par une écrasante majorité <strong>les</strong>stations à contenu informatif tel<strong>les</strong> que DiscoveryChannel et autres. Toutefois, pour <strong>les</strong> chaînesdédiées aux programmes jeunesse, plusieurs parentspréfèrent Family Channel. Ils la considèrent« sans risque » et « appropriée » et elle diffuse lamajorité des programmes favoris de leurs <strong>enfants</strong>(tels que La Vie de palace de Zack et Cody, LesSorciers de Waverly Place et Phineas et Ferb). Ausein du groupe de discussion composé d’<strong>enfants</strong>,une fille de 11 ans explique : « Mes parents n’ontpas de problème à nous laisser regarder cettechaîne ». Les Mancini trouvent qu’en comparaisondes autres chaînes proposées, « Familyreste probablement l’une des meilleures stations(parce qu’elle) diffuse des films, du Disney, etc. ».Bien qu’ils ne voient habituellement pas d’inconvénientà ce que leurs <strong>enfants</strong> de 12 et 10 ansregardent YTV, ils ont l’impression que <strong>les</strong> contenusdeviennent inappropriés après 22 h et sontplus méfiants envers cette station. De plus, <strong>les</strong>Mancini émettent quelques réserves sur Teletooncar comme leur fils le dit : « Y’a beaucoup de grosmots et de mauvaises émissions comme RobotChicken et American Dad ».Un nombre considérable de parents invoquentdes raisons identiques pour expliquer pourquoiils préfèrent Family Channel à d’autres stationspour <strong>enfants</strong> : « un contenu qui convient à l’âgecible », « des personnages auxquels on peuts’identifier » et le fait que <strong>les</strong> messages présentés<strong>dans</strong> chaque épisode soient des réflexions sur descomportements sociaux que l’on observe <strong>dans</strong>« la vraie vie » et dont leurs <strong>enfants</strong> peuvent tirerun enseignement. Comme l’explique la mère desRajput :Je pense qu’ils se concentrent beaucoupsur <strong>les</strong> questions socia<strong>les</strong> que des <strong>enfants</strong>de cet âge peuvent rencontrer. HannahMontana, par exemple, elle a <strong>tout</strong>es sortesde problèmes d’ordre humain avec ses amis.Même Phénomène Raven, c’est drôle maisça montre aussi comment elle gère sesémotions et <strong>les</strong> situations problématiquesqu’elle rencontre en interagissant avec <strong>les</strong>autres.Dans le groupe de discussion, une mère s’estexprimée sur <strong>les</strong> programmes en prises de vueréel<strong>les</strong> de cette chaîne. Elle <strong>les</strong> trouvait adaptéspour ses <strong>enfants</strong> :Je crois que c’est parce qu’on n’y voitpas beaucoup d’adultes. Pour moi, ils seconcentrent vraiment sur <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> et ilss’expriment à un niveau que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>peuvent comprendre. Les parents fontquelques apparitions mais <strong>les</strong> personnagesprincipaux sont <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>. Je pense quec’est sur<strong>tout</strong> le fait qu’il y ait peu d’adultes.Vous voyez ce que je veux dire ? Peut-êtreque ça attire plus leur attention. Des<strong>enfants</strong> qui montrent à d’autres <strong>enfants</strong>comment être un enfant.55


56« On avait hâtede <strong>les</strong> regarder,on passait cesmoments en famille.On a moins celamaintenant »Autre consensus notable parmi <strong>les</strong> parents interrogésà Toronto : la nostalgie ressentie à l’égarddes programmes télévisés « que nous regardionsquand nous étions petits ». Ils réclament massivementle retour de la formule des comédies desituation de leur enfance. Selon eux, il existe undéficit certain <strong>dans</strong> <strong>les</strong> valeurs véhiculées par <strong>les</strong>programmes d’aujourd’hui. Les contenus appropriésmanquent et plus globalement la qualitédes émissions d’aujourd’hui est en deçà de celledes programmes plus anciens comme La petitemaison <strong>dans</strong> la prairies , Le Cosby Show et SacréeFamille. Il est <strong>tout</strong>efois intéressant de noter quetous <strong>les</strong> programmes évoqués par <strong>les</strong> parents sontdes séries destinées à un public familial et nonspécifiquement conçues pour <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>. Le pèrede la famille Robinson exprime la frustration quesuscite chez lui la télévision actuelle :À l’époque c’était « oublie le contenunégatif, on ne veut pas que <strong>les</strong> genssoient comme ça ». Mais ce n’est plus lecas aujourd’hui. La télé d’aujourd’hui, onn’arrête pas de le dire, elle est bonne à jetercomparativement aux programmes del’époque. Des séries comme Sacrée Familleou d’autres que nous regardions étaient desprogrammes instructifs.Les parents Mancini ont la vive impression quesi l’offre actuelle des programmes jeunesse estplus vaste et plus variée, elle n’a pas la mêmequalité que <strong>les</strong> programmes qui ont baigné leurenfance. Au sein du groupe de discussion, unemère reconnaît qu’il y a une différence de qualiténotoire entre <strong>les</strong> deux générations. Elle affirmeque <strong>les</strong> émissions de son époque étaient plusteintées de morale : « Ils essayaient de nous apprendreà distinguer le bien du mal et le messageétait beaucoup plus évident qu’il ne l’est <strong>dans</strong> <strong>les</strong>programmes récents ».À Toronto, <strong>les</strong> parents interrogés s’inquiètentqu’il n’existe plus de programmes de qualité quiconviennent à <strong>tout</strong>e la famille. Une mère qui participaitau groupe de discussion va jusqu’à poserla question : « Existe-t-il encore des programmesfamiliaux ? », ce à quoi <strong>les</strong> autres mères ont eu dumal à répondre. Il semble bien que le covisionnementfamilial soit un des aspects qui leur manquele plus. Chez <strong>les</strong> Clark, la mère note que « SacréFamille, Cosby Show et Cheers, on avait hâte de<strong>les</strong> regarder. On passait ces moments en famille.On a moins cela maintenant ».Beaucoup pensent que <strong>les</strong> programmes d’antanétaient supérieurs à ceux d’aujourd’hui et qu’ilsdevraient servir de modèle aux nouvel<strong>les</strong> créations.Une mère participant au groupe de discussiona soulevé un point intéressant qui augured’un débat et qu’il est pertinent de rapporter ici.Bien qu’elle admette que <strong>les</strong> programmes de sonenfance présentaient des valeurs plus saines, ellenote aussi qu’ils étaient « naïfs » et « simp<strong>les</strong> » etqu’ils ne reflétaient pas la société de l’époque avecexactitude :Dans mon enfance, nous avons rarement vudes coup<strong>les</strong> interraciaux, nous avons rarementvu des gays, et jamais de <strong>les</strong>biennes.<strong>Et</strong> <strong>les</strong> choses sont différentes maintenant.Le monde est en train de changer et latélévision doit s’adapter. Si on reste bloquésen 1980, notre société ne va jamais progresser.En tant que mère, je souhaite quemes <strong>enfants</strong> sachent qu’il existe différentstypes de famil<strong>les</strong>, de races, de religions etque nous devons tous <strong>les</strong> accepter.Les mères sont divisées sur ce que devrait être un« contenu approprié » capable de refléter notresociété actuelle. El<strong>les</strong> concèdent que leurs <strong>enfants</strong>sont technologiquement bien plus avancésqu’el<strong>les</strong>-mêmes ne l’étaient à leur âge et qu’ilscôtoient des contenus pour adultes beaucoup


plus jeunes que la génération précédente. Ainsi,la télévision ne peut se permettre, selon el<strong>les</strong>, denier cette réalité. Toutefois, elle devrait l’aborderd’une manière consciencieuse et adaptée. D’aprèsces mères, si la télévision fait l’objet d’uneconsommation responsable, « elle est un moyende <strong>les</strong> [leurs <strong>enfants</strong>] exposer au monde qui <strong>les</strong>entoure ».« Il grandit. C’estune décision difficilemais pour l’heure, jen’ai pas dit non »Dans l’ensemble, <strong>les</strong> parents interrogés à Torontointerviennent peu <strong>dans</strong> <strong>les</strong> habitudes télévisuel<strong>les</strong>de leurs <strong>enfants</strong>. Ils se soucient plus de contrôlerleur usage excessif du téléphone cellulaire, de l’ordinateurportable et des jeux vidéo. La majoritédes famil<strong>les</strong> pratiquent de façon assez constantele « pas de télévision pendant le souper ». Maishormis cette règle, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> semblent êtreautorisés à regarder la télévision aussi longtempsqu’ils le souhaitent. Comme le dit la mère desClark, « ils n’ont jamais regardé trop la télévisionau point que ça devienne un problème ». Lesdevoirs gardent <strong>tout</strong>efois la priorité sur <strong>les</strong> loisirs.Cette règle est particulièrement importante chez<strong>les</strong> Rajput. Le père passe ses après-midi à aiderses <strong>enfants</strong> à faire leurs devoirs avant de <strong>les</strong> laisserregarder des dessins animés. Quand ils sontinterrogés sur leur quotidien, presque tous <strong>les</strong><strong>enfants</strong> disent prendre du temps pour faire leursdevoirs et regarder la télévision.Si <strong>les</strong> parents ne s’inquiètent pas des heures queleur progéniture passe devant la télévision, ilssont préoccupés par leur utilisation d’Internet,des téléphones cellulaires et des jeux vidéo, sur<strong>tout</strong>parmi <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> de 12 ans. Presque tous <strong>les</strong>parents admettent craindre que leur aîné soit excessivementexposé aux médias. Plus <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>passent du temps sur leur téléphone ou en ligne,plus <strong>les</strong> parents ont la sensation que quelquechose <strong>les</strong> sépare, comme si un obstacle se dressaitentre eux et l’enfant et qu’il nuisait ultimementà la dynamique familiale. Les Sanders expliquentcomment la relation de leur aîné de 12 ans avec lereste de la famille s’est détériorée depuis qu’ils luiont acheté un ordinateur portable :MèrePèreMèrePèreAvec lui (garçon12), depuis qu’on luia acheté un ordinateur portable, ily a quelques semaines, je crois, on aremarqué qu’il ne passait plus autantde temps avec la famille. Avant on étaitsouvent tous ensemble <strong>dans</strong> le salonet maintenant, il est à l’étage <strong>dans</strong> sachambre ou <strong>dans</strong> le bureau. Il n’est pluslà et quand il envoie des messages textesur son téléphone, il sort de la pièce. Onle voit de moins en moins.Ce qui ne nous réjouit pas franchement.On essaie de trouver un moyen de leramener parmi nous.Ouais, je pense que Facebook a certainementété une source d’attraction importantepour lui. <strong>Et</strong> ça a certainementeu un effet sur le temps qu’on a passéensemble.Les Mancini font face à une situation similaireavec leur fille de 12 ans qui, comme le fils desSanders, passe de plus en plus de temps devantson ordinateur portable <strong>dans</strong> sa chambre. Ilsrapportent qu’il n’a pas été facile de modérer letemps que leur fille passe en ligne. D’un côté, ilsne souhaitent pas restreindre son indépendanceni sa vie sociale. De l’autre, ils ont l’impressionde perdre de plus en plus contact avec leur aînéeet veulent qu’elle participe plus aux activitésfamilia<strong>les</strong>. Finalement, <strong>les</strong> parents ont résoluleur problème par un compromis : « Elle aide unedemi-heure, je lui laisse utiliser l’ordinateur unedemi-heure ». Les activités de leur fille sur soncompte Facebook leur sont également notifiéessur leur Blackberry.Bien qu’ils tentent de limiter le temps que leurs<strong>enfants</strong> passent à l’ordinateur, ils n’exercentpas un contrôle étendu. Ils veillent à avoirune connaissance précise des horaires et de la57


58durée de l’utilisation de l’ordinateur par leurs<strong>enfants</strong>, mais se soucient moins de ce qu’ils fonteffectivement en ligne. Chose intéressante, sur<strong>les</strong> cinq coup<strong>les</strong> de parents, quatre sont capab<strong>les</strong>d’expliquer pourquoi ils ne se sentent pas obligésde surveiller rigoureusement <strong>les</strong> sites Internetque leurs <strong>enfants</strong> consultent. Le père de la familleRajput est convaincu que « quand <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> sontà l’ordinateur, il est nécessaire de <strong>les</strong> surveiller[parce que] on ne sait jamais ce qu’il s’y passe ».Lui et sa femme n’ont pas pour autant l’habituded’appliquer cette doctrine. Comme la mère ledéclare : « Chaque fois que je viens <strong>dans</strong> leurchambre, parce que leur porte reste ouverte, je <strong>les</strong>trouve en train de jouer aux mêmes jeux. Je <strong>les</strong>entends. Je sais donc toujours ce qu’ils font ».De leur côté, une fois de plus, <strong>les</strong> Mancini sontpartagés entre empiéter sur la vie privée deleur fille de 12 ans et surveiller son activité surInternet. Quand on demande à la mère si el<strong>les</strong>’implique <strong>dans</strong> l’usage d’Internet de ses <strong>enfants</strong>,elle s’explique de la façon suivante :Pas vraiment à cet âge. Ils sont assez autonomes.À moins qu’ils aient besoin de moiet <strong>dans</strong> ce cas, ils m’appellent. Sinon, je n’aipas envie d’avoir l’impression de <strong>les</strong> épier.Parce qu’ils me demanderaient « Qu’est-ceque tu fais ? Pourquoi tu es là ? »Chez <strong>les</strong> Clark, la mère est contrariée par la placecroissante que prennent <strong>les</strong> jeux vidéo en ligne<strong>dans</strong> la vie de son fils. Mais le fait qu’il joue avecdes copains de classe la rassure. Elle considèrede ce fait que cette activité est plus sociale quesolitaire. Finalement, la mère des Sanders reconnaîtqu’elle aimerait observer de plus près ce quefait son fils sur Facebook mais ne se trouve pasassez experte technologiquement pour suivre sesinteractions socia<strong>les</strong> sur ce site :Quand (fils12) a eu accès à Facebooket MSN, il a dit qu’on pourrait venirlire ce qu’il écrit n’importe quand. Maismaintenant, il est plus ou moins en trainde nous cacher ce qu’il y fait. Il tourne sonordinateur, il nous demande de partir. Doncoui, j’aimerais passer, que nous passions,plus de temps avec lui. Je suis là [s’il] faitses devoirs ou s’il fait autre chose, maisquand il est en train de socialiser avec desamis, il aimerait bien ne pas nous avoir<strong>dans</strong> <strong>les</strong> pattes... À l’occasion, je suis allésur son compte quand il l’avait laissé ouvert.J’y ai lu certains trucs mais je ne saispas comment naviguer là-dessus. Je n’aipas de compte Facebook. Je suis capable delire une ligne mais pas d’avoir accès à <strong>tout</strong>ela conversation.Autre thème qui revient souvent <strong>dans</strong> <strong>les</strong> témoignagesdes parents : la question permanente du« quand dire non » et <strong>les</strong> facteurs sous-jacentsà cette décision. Pour certains parents, il n’estpas facile de s’en tenir aux règ<strong>les</strong> mises en place,sur<strong>tout</strong> quand ils sont confrontés à des <strong>enfants</strong>qui implorent et défendent leur cas de façonconvaincante. Chez <strong>les</strong> Rajput, par exemple, <strong>les</strong>parents éprouvent des difficultés depuis qu’ilsont autorisé leur fille à avoir un téléviseur <strong>dans</strong>sa chambre. Ils la surprennent souvent tard <strong>les</strong>oir devant des programmes qui ne sont pas deson âge, comme La loi et l’ordre. Comme la mèrel’explique, « Nous débranchons sa télévision maiselle nous implore et nous supplie et finit par nousamadouer, alors on lui rebranche le câble ».Certains font valoir que le plus grand obstacle àleurs interventions est la pression des autres —quand <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> veulent quelque chose que leursamis ont déjà et qui <strong>les</strong> aiderait à « s’intégrer »,malgré le fait que ce ne soit pas recommandé pourun public de leur âge. Le compte Facebook constitueune illustration classique de cette situation,commune aux cinq régions. De nombreux parentslaissent leurs <strong>enfants</strong> ouvrir un compte alorsmême que l’âge requis pour devenir membre estde 13 ans. Les Mancini ont fait face à un dilemmesimilaire, à Noël dernier, quand leur fils de 10ans a formulé le souhait de recevoir en cadeau le


jeu vidéo Call of Duty. Conscients que ce jeu étaitrecommandé pour <strong>les</strong> 18 ans ou plus, <strong>les</strong> parentsont hésité à le lui acheter <strong>dans</strong> un premier temps.Puis, ils ont finalement cédé en expliquant que« cette décision était avant <strong>tout</strong> le fruit de lapression des autres <strong>enfants</strong> ». Le père des Sandersest lui confronté à un dilemme moral identique,chaque semaine, quand son fils de 12 ans regardeJersey Shore. Quand on lui demande ce qu’ilpense de la série censément favorite de son fils, ilrépond :PèreINTG12Eh bien, c’est... À mon avis, et je ne l’aipas regardé, mais je la connais de réputation,c’est une série assez scabreuse.C’est sur des ado<strong>les</strong>cents qui mènentune vie <strong>dans</strong> laquelle le sexe occupeune place centrale. <strong>Et</strong> bien que ce soittrès populaire, cette série ne m’attirecertainement pas. C’est une de ces sériesque nous lui interdisons normalementde regarder mais, vous savez, il granditet c’est une décision difficile. Mais pourl’heure, je n’ai pas dit non. J’en ai discutéavec lui.Est-ce parce que tous tes amis la regardent?Sur<strong>tout</strong>, oui. C’est très populaire <strong>dans</strong>ma classe, à l’école.Bien que ces parents aient du mal à justifier leurlaxisme, il semble que <strong>dans</strong> la plupart des famil<strong>les</strong>interrogées à Toronto, <strong>les</strong> parents accèdent auxdemandes de leurs <strong>enfants</strong> même quand ils ontl’impression que cel<strong>les</strong>-ci pourraient empiétersur <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> qu’ils ont mises en place. Faitintéressant, la question du caractère approprié ounon de Jersey Shore a refait surface à plusieursreprises au cours de l’entretien avec <strong>les</strong> Sanders,incitant finalement le père à reconsidérer <strong>les</strong>règ<strong>les</strong> (ou le manque de règ<strong>les</strong>) qu’il applique à laconsommation télévisée de ses <strong>enfants</strong> :INTPèreQu’en est-il de la télé ? Est-ce qu’il y ades règ<strong>les</strong> pour la télévision ?Eh bien, je ne dirais pas que nous avonsgravé de règ<strong>les</strong> spécifiques. Mais soyezsûrs que nous prêtons attention à cequ’ils regardent. Alors nous essayons...nous nous assurons d’exercer le bonjugement et... maintenant que je dis ça,je repense à Jersey Shore et commentje vais m’y prendre – je n’arrête pas d’ypenser. Cette série ne correspond pasaux valeurs que nous respectons <strong>dans</strong>notre famille.« Il s’assoit devantl’ordinateur. <strong>Et</strong> jepréférerais qu’ilsocialise dehors »Contrairement à ceux d’autres régions, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>de Toronto citent rarement <strong>les</strong> jeux en pleinair comme une de leurs activités quotidiennes. Sile sujet a été abordé <strong>dans</strong> <strong>les</strong> entretiens, ce sont<strong>les</strong> parents qui en ont fait mention. Ils souhaitentque leurs <strong>enfants</strong> y consacrent plus de temps etsont frustrés que leurs <strong>enfants</strong> préfèrent regarderla télévision ou utiliser leur ordinateur. La mèredes Mancini se dit déçue que son fils de 10 ans,même s’il passe du temps avec ses amis, préférerahabituellement jouer à l’intérieur :Nous préférerions qu’il sorte et s’adonne àdes activités physiques. C’est ce que nousavons fait. Mais quand il sort retrouverdes amis, ils vont chez l’un d’entre eux et ils’assoit devant l’ordinateur. Je préféreraisqu’il socialise dehors. C’est ce que je veuxpour toi car c’est ce que nous avons fait.Cela dit, cette pratique n’est pas la norme. Chez<strong>les</strong> Robinson, la fille de 11 ans mentionne souvent<strong>les</strong> jeux en plein air comme une de ses activitésfavorites. Bien qu’elle apprécie clairementpasser du temps dehors, elle ne peut le faire aprèsl’école que quand elle va chez sa grand-mère,parce que ses parents et elle habitent <strong>dans</strong> unappartement d’un quartier plus commercial deToronto et n’ont pas de cour arrière.59


60La mère des Rajput offre une explication valablede ce désintérêt croissant envers <strong>les</strong> jeux à l’extérieurque <strong>les</strong> chercheurs ont constaté à Toronto.Elle trouve que <strong>dans</strong> leur quartier, <strong>les</strong> habitantsn’ont pas le même sens de la communauté qu’àHamilton où elle a grandi :On ne connaît pas vraiment nos voisins...<strong>Et</strong> je crois aussi que la culture qui tepermettait d’aller chez tes voisins et amisn’existe plus.Sur ce qui a occasionné ce « changement deculture », la mère répond ceci :Je pense pour commencer que <strong>les</strong> parentssont juste trop occupés. Très souvent, <strong>les</strong>deux parents travaillent. Quand j’ai grandi,ma mère ne travaillait pas et elle étaittoujours à la maison. Les amis de ma mèreétaient toujours chez nous. Alors qu’aujourd’hui,le peu de temps que <strong>les</strong> parentspassent à la maison, ils veulent le passeravec leurs <strong>enfants</strong> ; ils ne veulent plusrecevoir des amis et laisser leurs <strong>enfants</strong>aller et venir.Une fois de plus, le travail est cité comme unfacteur qui limite le temps passé en famille maisaussi le temps passé avec la communauté.« Les modes devie canadien etaméricain sont sidifférents »Sur la comparaison entre la télévision américaineet canadienne, <strong>les</strong> avis des parents et de leurs<strong>enfants</strong> sont mitigés. Quelques parents trouventque la télévision canadienne grand public estde « qualité moindre » techniquement (à caused’un budget inférieur) mais « supérieure » entermes de valeurs mora<strong>les</strong> véhiculées et parailleurs « moins négative ». La mère des Robinsonexplique que ce clivage reflète bien <strong>les</strong> deux sociétés: « Les modes de vie américain et canadiensont si différents ». Cela dit, tous s’accordent pourdire qu’il n’existe en ce moment presque aucunprogramme jeunesse canadien spécifique pour<strong>les</strong> 9-12 ans. La mère des Rajput soulève que« <strong>les</strong> programmes américains dominent <strong>dans</strong> latélévision que nous regardons au <strong>Canada</strong>. Toutes<strong>les</strong> émissions qu’ils regardent viennent des États-Unis. Je ne crois pas qu’ils fassent la différence ».Quand il leur a été demandé de se prononcer surl’état de la télévision jeunesse canadienne, <strong>les</strong>Mancini ont répondu ce qui suit :PèreMèreAméricain.100 % américain.INT Vraiment ?MèreINTPèreMèreTout est américain.Est-ce que ça manque ? Est-ce qu’il devraity avoir plus de contenu canadien ?Oui, ce devrait être le cas.Oui.Les <strong>enfants</strong> ont répondu différemment à cettequestion. Certains ont affiché une neutralitéet d’autres ne s’en soucient guère du momentque le programme en question est intéressant.Reste que quelques-uns ont formulé des avis trèstranchés sur le sujet. D’un côté, la fille des Rajput,12 ans, a largement exprimé son désintérêt pourla télévision produite au <strong>Canada</strong> :Les Américains ont de meilleurs programmestélé. Ils font des trucs que nousaussi voulons regarder parce qu’ils ontde meilleures idées. <strong>Et</strong> au <strong>Canada</strong>, bahc’est canadien... Je ne sais pas moi, je neregarde pas de programmes canadiens pour<strong>enfants</strong>.Bien que sa préférence aille clairement auxprogrammes américains, elle n’a pas été capablede citer des émissions canadiennes qu’elle n’aimepas, hormis How To Be Indie. Elle trouve que <strong>les</strong>programmes américains dépeignent un mode devie plus attirant que celui décrit <strong>dans</strong> <strong>les</strong> émissionscanadiennes.


À l’autre extrême, <strong>les</strong> sœurs Robinson, 11 et 12ans, soutiennent fermement la télévision canadienne.El<strong>les</strong> considèrent que <strong>les</strong> programmesaméricains proposent des contenus moins appropriéset plus douteux, qui ne conviennent pas àleur tranche d’âge. L’aînée explique :Je pense que <strong>les</strong> programmes américainssont très négatifs et parlent de choses assezaffreuses. Je ne dis pas que <strong>les</strong> programmescanadiens sont parfaits, ils ne le sont pas,mais le <strong>Canada</strong> est plus un pays de natureet il y a plus de trucs sur le plein air, commedes émissions de pêche et autres. Pasnécessairement des trucs malsains avec del’alcool et du sexe. Je pense qu’il y a plusde programmes appropriés à la télévisioncanadienne qu’américaine.Pour étayer leur point de vue, <strong>les</strong> fil<strong>les</strong> citentl’exemple de Degrassi : La Nouvelle génération, unprogramme à la fois réalisé et produit au <strong>Canada</strong>.C’était un de leurs programmes favoris mais <strong>les</strong>fil<strong>les</strong> ont aujourd’hui moins de plaisir à le regarderdepuis qu’el<strong>les</strong> pensent que la production a« changé de mains ». Avec la nouvelle « tournure »que <strong>les</strong> producteurs ont donnée à la série (uncontenu plus torride et de nouveaux acteurs),<strong>les</strong> fil<strong>les</strong> trouvent que Degrassi est devenu trop« américanisé » à leur goût :Mère Tu te rappel<strong>les</strong> de Degrassi ?F11MèreF12MèreF11INTF12F11Ouais, je n’aime pas <strong>les</strong> nouveaux épisodes.Ils sont plus... plus mauvais.Ce n’est pas pour ton âge.Ils y ont mis beaucoup de choses américaines.Ouais, c’est devenu très américain.Il y a beaucoup de sexe, c’est sur<strong>tout</strong> àpropos de sexe alors je ne regarde pluscette série.Intéressant. Ça ne vous plaît plus autantque par le passé ?Non.NonINT Non ? À cause des thèmes abordés ?F12MèrePèreOui et la manière dont c’est présenté.Ce n’est plus la même chose.Ce n’est plus pareil. El<strong>les</strong> ne regardentplus cette série.Autre fait pertinent, quand on a demandé aux<strong>enfants</strong> du groupe de discussion où ils souhaitaientréaliser, produire et situer leur nouvel<strong>les</strong>érie imaginaire, tous ont convenu que ce devraitêtre une production canadienne tournée au<strong>Canada</strong> et se déroulant au <strong>Canada</strong>. Cela montrebien que si que <strong>les</strong> goûts diffèrent en matière deprogrammes, ils diffèrent aussi en matière d’originede production.« Il y a un peu deMiley Cyrus en elle »Les parents sont divisés quant à savoir si latélévision a une influence sur leurs <strong>enfants</strong> maisleurs réponses sont <strong>tout</strong>es positives ou neutres.Les Mancini et <strong>les</strong> Clark observent que la télévisiona influencé leurs <strong>enfants</strong> d’un point de vuematériel. La mère des Mancini note que sa fillede 12 ans suit « <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> tenues, la mode et<strong>les</strong> vêtements ». Elle remarque de plus en pluscette attitude lorsque mère et fille vont ensembleau centre commercial. Chez <strong>les</strong> Clark, la mèrepartage cette impression. Elle relève que <strong>dans</strong> <strong>les</strong>émissions de télévision, <strong>les</strong> publicités influencentses <strong>enfants</strong> <strong>dans</strong> le choix de leurs vêtements(« comme <strong>les</strong> jeans moulants »), leur apparenceet <strong>les</strong> jeux auxquels ils jouent. Son compagnontrouve que cela est naturel puisque « la télévisionsert à ça ; le produit qui fera l’objet de la plusgrande campagne publicitaire sera toujours celuiqui sera le plus vendu ». Bien que l’influence soitindéniable, aucun parent n’exprime d’inquiétude,ce qui laisse croire aux chercheurs qu’ilsconsidèrent cette influence comme neutre etinoffensive.Toujours sur cette question, la mère des Rajputremarque également le mimétisme comportementalet l’identification aux personnages. Parexemple, elle trouve que sa fille aînée (12) est très61


62influencée par <strong>les</strong> personnages de ses séries préférées.Elle reconnaît <strong>les</strong> manières que sa fille emprunteà ces personnages, affirmant : « Il y a unpeu de Raven et un peu de Miley Cyrus en elle ».Sa fille a tendance à agir comme <strong>les</strong> héroïnes desséries Phénomène Raven et Hannah Montana.La mère a bien conscience de cette influence maiselle ne considère pas pour autant cet impact négatif,sur<strong>tout</strong> parce qu’elle a elle-même été sujetteà des influences similaires : elle fait un parallèleentre sa personnalité et celle du personnage deElaine <strong>dans</strong> Seinfeld.Dans le groupe de discussion, beaucoup d’<strong>enfants</strong>ont été en mesure de donner des exemp<strong>les</strong> decamarades de classe qui reproduisent un style,des attitudes et des actions qu’ils ont vus à latélévision. Une fillette de 11 ans rapporte notammentl’expérience suivante :F11Il y avait un gars de mon école qui copiedes personnages de série. C’est assezdrôle.INT Qu’est-ce qu’il fait ?F11INTF11Ses cheveux, ses vêtements, <strong>tout</strong>. Sesactions, comment il parle...<strong>Et</strong> à qui ressemble-t-il ? De quelle séries’inspire-t-il ?Jersey Shore.Enfin, <strong>les</strong> Robinson utilisent l’influence que latélévision peut avoir sur leurs fil<strong>les</strong> pour leurtransmettre des leçons de vie. Le père, qui aconnu un passé difficile avec des passages en établissementcarcéral, aime regarder avec ses fil<strong>les</strong>de 11 et 12 ans des émissions tel<strong>les</strong> que BeyondScared Straight pour qu’el<strong>les</strong> comprennent <strong>les</strong>difficultés de la vraie vie et <strong>les</strong> conséquences desdécisions malavisées :F11PèreF12Y’a aussi une émission, c’est une bonneémission pour apprendre comment nepas aller en prison, ça s’appelle BeyondScared Straight.Oui, c’est une bonne émissionÇa montre comment est la vie en prison.F11PèreOui et que c’est pas agréable. Faut pasaller en prison. C’est aussi pour ça que jetrouve cette émission intéressante.Avec Scared Straight, au début, je croyaisque ça n’allait pas être un bon programmepour el<strong>les</strong>. Mais ayant connumoi-même la prison, je l’ai regardé etfinalement, je <strong>les</strong> ai encouragées à y jeterun cous d’œil.Le père reconnaît que de prime abord, ceprogramme peut ne pas convenir aux plusjeunes. Il considère néanmoins que l’on peut entirer certaines leçons de vie. Il espère que cetteémission va influencer ses <strong>enfants</strong> et <strong>les</strong> pousserà prendre à l’avenir <strong>les</strong> bonnes décisions, pouréviter <strong>les</strong> erreurs qu’il a faites par le passé. Il estimecependant qu’il doit être présent lorsque sesfil<strong>les</strong> voient ce programme pour répondre à leurséventuel<strong>les</strong> questions et s’assurer qu’el<strong>les</strong> comprennentbien la gravité de la situation. Ses fil<strong>les</strong>,qui n’ignorent rien de son passé mouvementé,admettent avoir l’impression de former unefamille plus soudée et sont capab<strong>les</strong> de maintenirun dialogue très ouvert sur <strong>tout</strong>e sorte de sujet.« <strong>Et</strong> elle le regardesur le canal 51 »Un petit détail apparemment et sans conséquencecache une tendance propre à la région deToronto : celle de faire référence aux chaînes nonpar leur nom mais par leur canal de diffusion.Le numéro de la station agit comme un procédéheuristique : on connaît le numéro, pas nécessairementle nom de la chaîne, et cela fonctionne unpeu comme une marque déposée. Voici commentla fille de 12 ans des Robinson raconte sa routinede consommation télévisuelle : « Parfois, onregarde des clips de musique sur le canal 29.Sur<strong>tout</strong>. Il nous arrive aussi de regarder la chaîne51 et puis à 21 h, on regarde Operation Reposur la 58 ». L’aînée des Rajput, 12 ans, montrequant à elle que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>, habitués à utiliser <strong>les</strong>numéros des canaux, ne connaissent même pas lenom des chaînes :


INT <strong>Et</strong> sur CBC ?F12Les samedis matin sur la 18, ils diffusentdes trucs comme Phénomène Raven.Mère Non, mon cœur. CBC, c’est le canal 6.F12Oh ! Le canal 6, c’est pour <strong>les</strong> vieux.Bien qu’aucune explication n’ait été donnée, <strong>les</strong>chercheurs ont considéré qu’il était pertinentde relever cette tendance, qui se retrouve <strong>dans</strong><strong>tout</strong>es <strong>les</strong> entrevues familia<strong>les</strong> et tous <strong>les</strong> groupesde discussion conduits <strong>dans</strong> la région de Toronto.Du point de vuede l’enfant« Chaque épisodeest différent. C’estpour ça que je l’aimevraiment beaucoup »La collecte de données à fait ressortir que laplupart des <strong>enfants</strong> cultivaient des goûts différentsen matière de programmes. L’équipe derecherche a donc dressé une liste exhaustive detous <strong>les</strong> programmes de télévision que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>participants à l’étude ont cités comme étant leurspréférés. La liste a été divisée par groupe d’âgeafin de faciliter la compréhension du rapportentre âge et préférences :ÂgeProgrammes préférés9 iCarly (É.-U.)La Vie de croisière de Zack et Cody(É.-U.)Bob l’éponge (É.-U.)Phineas et Ferb (É.-U.)10 Bob l’éponge (É.-U.)iCarly (É.-U.)Ben10 (É.-U.)La Vie de croisière de Zack et Cody(É.-U.)Pokémon (JAP)Tes désirs sont désordres (R.-U.)Bugs Bunny (É.-U.)Les Trois Stooges (É.-U.)Glee (É.-U.)11 iCarly (É.-U.)Les Griffin (É.-U.)Les Simpson (É.-U.)Wipeout (CA)Phineas et Ferb (É.-U.)Journal d’un vampire (É.-U.)Les Menteuses (É.-U.)Les Sorciers de Waverly Place (É.-U.)Sketches à gogo ! (É.-U.)Touche pas à mes fil<strong>les</strong> (É.-U.)12 Jersey Shore (É.-U.)Glee (É.-U.)Les Menteuses (É.-U.)Ancient Discovery (R.-U.)iCarly (É.-U.)La Vie de croisière de Zack et Cody(É.-U.)Les Sorciers de Waverly Place (É.-U.)Drake et Josh (É.-U.)Sketches à gogo ! (É.-U.)Bob l’éponge (É.-U.)Tes désirs sont désordres (R.-U.)Gossip Girl (É.-U.)Operation Repo (É.-U.)The First 48 Hours (É.-U.)72 hours: True Crime (CA)Quel que soit le nom ou le sujet du programmequ’ils ont retenu, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> ont tendance à justifierleurs préférences par <strong>les</strong> mêmes motifs. Lestrois raisons <strong>les</strong> plus invoquées sont le caractèredrôle d’un programme, des personnages dont<strong>les</strong> actes sont bizarres/intéressants et la variété/intérêt des sujets abordés. Ci-dessous, quelquesextraits <strong>dans</strong> <strong>les</strong>quels des <strong>enfants</strong> citent leurémission favorite et expliquent <strong>les</strong> raisons de leurchoix.63


64Le fils Sanders, âgé de 10 ans, souligne combien ilaime la comédie en prises de vue réel<strong>les</strong> La Vie depalace de Zack et Cody, de Family Channel :G10PèreG10Ça s’appelle La Vie de palace de Zack etCody. J’adore.Ça te divertit ? Ça te rend heureux ? Çate rend triste ?Oui, ça me divertit. C’est assez drôleparfois. Rien que ces <strong>enfants</strong> bizarresqui vivent <strong>dans</strong> cet hôtel. <strong>Et</strong> puis chaqueépisode est vraiment différent. C’estpour ça que je l’aime vraiment beaucoup.Une participante de 10 ans du groupe de discussions’exprime sur son programme préféré :J’aime Family Channel parce qu’il y aplein d’émissions pour <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>. Monprogramme préféré est Paire de rois parceque c’est vraiment drôle de suivre leursaventures bizarres et fol<strong>les</strong>. Ça m’intéresseet je trouve ça drôle.Comparativement aux autres régions canadiennesde l’étude, Toronto présente de loin la plus grandepart de préado<strong>les</strong>cents (10, 11, 12 ans) quiregardent des programmes pour ado<strong>les</strong>cents oupour adultes et qui <strong>les</strong> citent comme étant leursprogrammes favoris.Par exemple, l’aînée des Rajput, 12 ans, suit régulièrementGossip Girl et La Loi et l’ordre tandisque <strong>les</strong> fil<strong>les</strong> Robinson délaissent de plus en plusFamily Channel pour Operation Repo, True Crimeet 48 Hours, qu’el<strong>les</strong> regardent avec leurs parents.Le fils Sanders, 12 ans, préfère Jersey Shore àd’autres émissions pour <strong>enfants</strong> parce que c’est« cool de voir comment ils gèrent <strong>les</strong> situations ».Les données recueillies <strong>dans</strong> <strong>les</strong> groupes dediscussion montrent que de nombreux <strong>enfants</strong>apprécient cette série en particulier. En fait, ausein du groupe de discussion, 4 <strong>enfants</strong> sur 8 ontreconnu suivre cette série. Ils ont d’ailleurs livréquelques commentaires intéressants. Une fille de11 ans confie : « Ça m’inspire. Tu vois par exemplecomment ils s’entraînent. <strong>Et</strong> ça m’inspire de voirdes choses comme ça ». Sa sœur, 11 ans elle aussi,confirme : « J’aime Snookie. Elle est drôle et <strong>tout</strong>epetite et j’aime sa voix ». Un garçon de 10 ansrapporte que bien qu’il ne l’ait vu qu’une seulefois, il aime <strong>les</strong> personnages : « Ouais, c’est que duvrai ». Suit l’extrait d’une note qu’une fille de 11ans a écrit sur son programme favori :J’aime Jersey Shore parce que c’est drôle et qu’ils’y passe beaucoup de choses. Les garçons sontmignons et <strong>tout</strong> le monde a ses propres tâches<strong>dans</strong> la maison. Ça rend la série intéressanteet amusante. Certaines parties me rendentheureuse, d’autres me rendent triste. Je ressens<strong>tout</strong>es sortes d’émotions en fonction de ce qui sepasse et ne se passe pas. J’aime aussi Jersey Shoreparce que <strong>tout</strong> y est vrai, <strong>tout</strong> ce que disent oufont <strong>les</strong> personnages. Quelques-uns des garçonset des fil<strong>les</strong> sont aussi une source d’inspirationpour moi.Au cours d’une autre séquence du groupede discussion, on a présenté aux <strong>enfants</strong>des extraits des six programmes jeunessepour <strong>les</strong> 9-12 ans <strong>les</strong> plus populairesactuellement afin de donner aux chercheursplus d’information sur ce qui fait et défaitle succès d’un programme de télévision – cescommentaires ont d’autant plus de valeurqu’ils viennent directement des <strong>enfants</strong>.Les extraits diffusés provenaient des émissionssuivantes : Défis extrêmes : la tournéemondiale, H2O, Bob l’éponge, Derek,Sketches à gogo ! et Drake et Josh. Les<strong>enfants</strong> n’ont pas été avares de commentaires.Ils ont partagé avec enthousiasmeleurs opinions, positives ou négatives selon<strong>les</strong> programmes. Bien que <strong>les</strong> goûts varientd’un enfant à l’autre, certains consensussont apparus. Bob l’éponge a de loin étél’extrait le mieux reçu. Les <strong>enfants</strong> se sontexclamés à la première image et ont presquetous entonné la chanson du générique. Touss’entendaient pour dire que c’était un bonprogramme parce qu’il était « drôle » etqu’il avait des « personnages amusants ».Quand on regarde l’ensemble des commentairesformulés, on peut en conclure que <strong>les</strong><strong>enfants</strong> apprécient <strong>les</strong> séries « bizarres » et« complètement irréalistes ». La majorité


du groupe considère aussi la violence « amusante».Pour ce qui est des programmes en prises devue réel<strong>les</strong>, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> aiment ceux auxquels ilspeuvent s’identifier, comme Drake et Josh, qui apour sujet une famille recomposée et la rivalitéentre demi-frères qui s’ensuit. Les <strong>enfants</strong> se sontempressés de critiquer <strong>les</strong> programmes « trop prévisib<strong>les</strong>» et saluent <strong>les</strong> émissions qui ont changéde formule pour offrir aux téléspectateurs denouveaux scénarios, comme La Vie de palace deZack et Cody. Finalement, ils ont signifié que <strong>les</strong>programmes en prises de vue réel<strong>les</strong> ne pouvaientpas s’écarter trop de la réalité mais devaient <strong>tout</strong>de même compter quelques éléments « irréalistes» pour <strong>les</strong> divertir. Par exemple, H2O (quiraconte <strong>les</strong> aventures de jeunes fil<strong>les</strong> qui peuventse transformer en sirènes) est selon eux bien tropirréaliste pour être divertissant. D’un autre côté,Derek est excessivement réaliste et s’écarte troppeu de sa formule initiale pour que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>continuent de s’y intéresser. Comme l’a remarquéune fillette de 10 ans : « J’ai regardé quelquesépisodes puis je me suis ennuyée parce que c’esttoujours la même routine ». L’ensemble des commentairespermet de comprendre la popularitéde La Vie de palace de Zack et Cody au sein desgroupes de discussion. Cette série relate la viede deux frères confrontés à des défis crédib<strong>les</strong>du quotidien, en amplifiant légèrement la réalité(puisqu’ils vivent <strong>dans</strong> un hôtel).« Trop de petitespublicités »Bien que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> rencontrés à Toronto passentune partie de leur temps à l’ordinateur et surInternet (en particulier <strong>les</strong> plus âgés), très peud’entre eux regardent des programmes télévisuelsen ligne. Il existe cependant deux raisons spécifiquesqui poussent certains à le faire.Quelques <strong>enfants</strong> vont s’aventurer en ligne pourvoir un contenu auquel ils n’auraient normalementpas accès à la télévision. C’est le cas d’ungarçon de 11 ans présent <strong>dans</strong> le groupe de discussion.Il va sur YouTube pour regarder de vieuxépisodes du dessin animé original Spiderman. Dela même manière, la fille Robinson, 12 ans, aimeregarder sur YouTube des clips musicaux queMuchMusic ne diffuse pas.D’autres se rendent sur Internet pour voir unépisode manqué à la télévision. Ce cas n’a étémentionné que par <strong>les</strong> fil<strong>les</strong> Mancini et Rajput, 12ans. Toutes deux s’aventurent parfois sur le sitede MuchMusic pour regarder des épisodes de LesMenteuses ou de Championnes à <strong>tout</strong> prix dontel<strong>les</strong> ont raté la diffusion télévisée. El<strong>les</strong> disent<strong>tout</strong>efois que cela n’arrive pas souvent. L’aînéedes Rajput consulte également YouTube pourtrouver des épisodes manqués des programmesde Family Channel tels que Les Sorciers de WaverlyPlace et La Vie de croisière de Zack et Cody.Cela dit, <strong>les</strong> entretiens réalisés à Toronto révèlentque <strong>dans</strong> l’ensemble, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> préfèrent regarder<strong>les</strong> programmes télévisuels à la télévisionplutôt que sur Internet. La seule raison avancée,par l’aînée des Rajput, 12 ans, est qu’il y a « tropde petites publicités qui apparaissent de par<strong>tout</strong>».« Quand je regardela télévision, jevais sur mon iPodet j’attends <strong>les</strong>réponses de mesamis sur Facebook »À Toronto comme à St. John’s, presque tous <strong>les</strong><strong>enfants</strong> interrogés s’adonnent d’une manière oud’une autre au « media multitasking » (terme quidésigne le recours simultané à plusieurs plateformesmédiatiques, en l’occurrence la télévisionet un autre média/technologie). Cette habituden’est <strong>tout</strong>efois pas commune à tous. L’analyse del’information récoltée à Toronto révèle que cette65


66pratique est plus répandue chez <strong>les</strong> plus âgés (11et 12 ans) que chez <strong>les</strong> plus jeunes (9-10 ans). Leschercheurs n’ont en revanche pas été capab<strong>les</strong> desavoir si le « media multitasking » se pratiquaitégalement pendant <strong>les</strong> séquences de covisionnementfamilial, comme lors des soirées cinéma enfin de semaine. Dans cet extrait de l’entretien desdeux frères Sanders, 10 et 12 ans, le lien entre âgeet « media multitasking » se fait évident :INTG12INTG12INTG12INTG12INTG12Bien. <strong>Et</strong> quand vous deux regardez latélévision, vous arrive-t-il de faire autrechose en même temps ? Est-ce quevous utilisez un autre média <strong>tout</strong> enregardant la télévision ? Toi par exemple(garçon12), est-ce que tu fais autrechose ? Est-ce que tu joues sur l’ordinateurpar exemple ?Quand je suis devant la télévision, j’envoiedes messages texte ou j’utilise monordinateur portable.Tu envoies des messages de ton téléphone?Oui, de mon cellulaire.Bon. <strong>Et</strong> qu’est-ce que tu fais sur tonordinateur devant la télévision ?Habituellement, je vais sur Facebook.OK.<strong>Et</strong> sur YouTube.Que fais-tu le plus ? Vas-tu sur<strong>tout</strong> surFacebook pendant que la télé est alluméeen fond ? Ou est-ce que tu regardesla télévision avec Facebook en fond ?Un peu des deux. Peut-être plus la télévisionen fond.INT OK. <strong>Et</strong> toi ?G10INTQuand je regarde la télévision, jen’utilise pas l’ordinateur parce que je nevais pas sur Facebook. Il m’arrive justed’utiliser mon iPod. C’est <strong>tout</strong>.À quelle fréquence, selon toi, fais-tuautre chose <strong>tout</strong> en regardant la télévision? Est-ce que ça arrive chaque foisque tu regardes la télévision ?G10Non, pas du <strong>tout</strong>. Ça arrive pas souvent.Ça dépend de ce que je regarde. Si c’estquelque chose que j’aime, que je veuxvraiment regarder, alors je vais probablementne rien faire d’autre. Mais si c’estun truc juste comme ça, quelque chosequi ne m’intéresse pas vraiment, alorsje vais utiliser mon iPod, mais c’est passouvent.Autre exemple, celui d’une fille de 12 ans dugroupe de discussion qui explique ses habitudesdevant la télévision : « Quand je regarde latélévision, je vais d’habitude sur mon iPod etj’attends <strong>les</strong> réponses de mes amis sur Facebook ».Cette pratique commune aux plus âgés (12) peuts’expliquer par leur entrée <strong>dans</strong> la préado<strong>les</strong>cenceet leur besoin d’entretenir un lien plus étroit avecleurs semblab<strong>les</strong>. Il ne faut pas non plus oublier<strong>les</strong> médias sociaux auxquels beaucoup d’<strong>enfants</strong>commencent à se familiariser à cet âge.En matière de « media multitasking », le cas dela jeune Robinson, 12 ans, est particulièrementintéressant. Elle regarde des clips musicaux simultanémentà la télévision et sur son ordinateurportable, avec MuchMusic d’un côté et YouTubede l’autre :F12Regarder la télévision et aller sur monordinateur. Je fais ça beaucoup le matin.INT Ah oui ? <strong>Et</strong> que fais-tu sur l’ordinateur ?F12Je vais regarder des clips de musique surYouTube et en même temps, je regardela télévision. Je suis pas mal bonne enmultitasking.La jeune fille a ensuite dévoilé sa technique auxchercheurs. Elle s’assoit sur une chaise pivotantepour se positionner facilement en face de l’une oul’autre des plateformes. La chaise lui permet deregarder <strong>les</strong> deux écrans en même temps, quandbien même l’ordinateur et la télévision sont situés<strong>dans</strong> deux coins opposés de la chambre. Commele concède sa mère, « Ouais, elle le fait <strong>tout</strong> letemps ».


Ces cas ne permettent <strong>tout</strong>efois pas de faire decette tendance une généralité parmi <strong>les</strong> plusâgés. L’aînée des Rajput, 12 ans, va parfois surFacebook ou fait ses devoirs <strong>tout</strong> en regardant latélévision mais uniquement pendant <strong>les</strong> pausespublicitaires. C’est toujours à la télévision qu’elleaccorde le plus d’attention. De la même manière,la cadette des Robinson, 11 ans, n’est pas aussiadepte du « media multitasking » que sa sœuraînée. Il lui arrive de dessiner ou de lire alors quela télévision est allumée mais elle n’a pas pourhabitude d’utiliser d’autres plateformes médiatiquessimultanément. Tous <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> de 9 à10 interrogés se sont révélés bien moins friandsdu « media multitasking » que leurs aînés. Ils ontconfié n’aller que quelquefois « sur leur iPod »ou parfois « prendre une collation » pendantqu’ils regardent la télévision. C’est toujours versla télévision que leur attention est tournée enpremier lieu.Il a été demandé aux <strong>enfants</strong> s’il existait unprogramme suffisamment bon pour monopoliserleur attention et <strong>les</strong> détourner du « mediamultitasking ». Tous ont reconnu qu’il y avait aumoins un ou deux programmes pour <strong>les</strong>quels ilsabandonnaient <strong>tout</strong>e autre activité. Entretienaprès entretien, il est ressorti que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> sontplus qu’heureux de délaisser leur ordinateur portableou leur téléphone cellulaire quand un « bonprogramme est diffusé ». En réalité, en présenced’un nouvel épisode intéressant, la télévision vaprimer sur <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> technologies et sur <strong>les</strong>médias sociaux.Voici <strong>les</strong> programmes suffisamment bons pourjustifier aux yeux des <strong>enfants</strong> qu’ils délaissent lemultitasking : Bob l’éponge, (É.-U.), iCarly (É.-U.),Glee (É.-U.), Jersey Shore (É.-U.), Les Menteuses(É.-U.), Journal d’un vampire (É.-U.), OperationRepo (É.-U.), La Vie de croisière de Zack et Cody(É.-U.), Les Sorciers de Waverly Place (É.-U.),Drake et Josh (É.-U.), Sketches à gogo ! (É.-U.) etTes désirs sont désordres (R.-U.).« <strong>Et</strong> si j’étaisproducteur » : <strong>les</strong><strong>enfants</strong> se prêtentau jeu« Après l’avoirregardé, je devraisme sentir commeune nouvellepersonne »Dans une autre séquence du groupe de discussion,<strong>les</strong> participants (en l’occurrence, 8 <strong>enfants</strong> âgésde 9 à 12 ans et issus de 4 famil<strong>les</strong> de Toronto)ont été invités à endosser le rôle des producteurspour créer un <strong>tout</strong> nouveau programme pourleurs pairs. Les <strong>enfants</strong> devaient partager leursidées avec le groupe et imaginer un postulat dedépart, un cadre géographique, une intrigue,des personnages et même un titre. La majoritédes <strong>enfants</strong> de Toronto ont choisi de créer unecomédie en prises de vue réel<strong>les</strong> portant sur despersonnages de leur âge ou un peu plus vieux quisont confrontés à des problèmes du quotidien etauxquels ils pourraient s’identifier.L’histoire se situe <strong>dans</strong> une école secondairecanadienne. Un nouvel étudiant arrive en ville etéprouve des difficultés à s’intégrer <strong>dans</strong> son nouvelenvironnement et à se faire de nouveaux amis.Selon <strong>les</strong> participants du groupe de discussion, undes personnages principaux au moins devra être« heureux » et compter au moins deux bons amis.Les autres personnages seront « pathétiques ».La série sera instructive mais subtilement. Elleapportera plus de leçons de vie et moins de faits.Quelques <strong>enfants</strong> pensent qu’il serait avantageuxque <strong>les</strong> acteurs principaux soient des vedettesbien connues et facilement reconnaissab<strong>les</strong> de67


68tous. Bien que <strong>les</strong> participants considèrent généralement<strong>les</strong> programmes canadiens comme peuintéressants, ils ont été enthousiasmés à l’idéede réaliser « le premier programme canadienintéressant ». Quant au titre, il devrait selon euxprendre la forme d’une question et résumer lethème du programme. Un garçon de 12 ans asuggéré « Ma triste vie ». Un autre garçon de 12ans a déclaré qu’après avoir visionné un épisodede leur création, <strong>les</strong> téléspectateurs « devraient sesentir comme une nouvelle personne ».Également au cours des entretiens familiaux,quelques <strong>enfants</strong> ont fait part de suggestionspour <strong>les</strong> producteurs de télévision. Les deux fil<strong>les</strong>Robinson, 11 et 12 ans, ont en particulier soulignéque leur programme idéal devait véhiculerdes valeurs mora<strong>les</strong> positives, s’écarter d’unecertaine imagerie négative et se concentrer surla dimension positive des événements. Les deuxfil<strong>les</strong> ont fait valoir que tous <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> étaientdifférents et que chacun cultivait des goûts qui luiétaient propres :D’une certaine manière, ça me rend maladequand ils retirent de bons programmes etqu’ils en programment de nouveaux qui nesont pas intéressants, mais avec plus derebondissements. C’est comme si, avec <strong>les</strong>nouvel<strong>les</strong> technologies, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> aimentdes choses différentes, alors ils pensent quetous <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> aiment ça quand il se passeplein de rebondissements. Mais même si <strong>les</strong><strong>enfants</strong> ne sont plus <strong>les</strong> mêmes, certainsvont devenir enragés de voir que vous avezretiré certains programmes.Ces fillettes ont vite compris que <strong>les</strong> producteursne pouvaient pas prétendre satisfaire <strong>tout</strong> lemonde avec le même type de programme. Selonel<strong>les</strong>, ils devraient tenir compte des individualitéset des goûts de chacun quand ils décident deretirer une série de leur programmation.Du point de vuede l’ado<strong>les</strong>centLes ado<strong>les</strong>cents torontois interrogés <strong>dans</strong> le cadred’un groupe de discussion ont offert aux chercheursun point de vue unique sur la télévisionjeunesse actuelle. Tout juste sortis de la tranched’âge cible, <strong>les</strong> ado<strong>les</strong>cents gardent des souvenirstrès précis de la télévision de leur enfance et sontcapab<strong>les</strong> d’établir facilement des comparaisonsavec <strong>les</strong> programmes d’aujourd’hui. De plus, <strong>les</strong>six ado<strong>les</strong>cents participants avaient tous un frèreou une sœur âgée entre 9 et 12 ans. Ils étaient dece fait très familiers de la tranche d’âge cible etde ses préférences. Leur réflexion sur la qualitéet sur le caractère approprié et divertissant de latélévision jeunesse actuelle est très intéressante.Leur point de vue est également plus pertinent etplus juste que celui des parents.En ouverture de la discussion, on a demandéaux ado<strong>les</strong>cents de se remémorer leurs 10 ans etleur expérience de la télévision à cet âge. Leursréponses ont été relativement cohérentes. Laplupart d’entre eux préféraient <strong>les</strong> comédiesen prises de vue réel<strong>les</strong> de Family Channel auxdessins animés, hormis Bob l’éponge et Tesdésirs sont désordres, qui figuraient parmi <strong>les</strong>programmes favoris <strong>les</strong> plus cités. Tous se sontaccordés à dire que La Vie de palace de Zack etCody était, quand ils avaient 10 ans, le meilleurprogramme et le plus populaire. Suffisammentirréaliste pour être drôle mais aussi assez réalistepour être crédible, cette série a été pour eux« marquante ». Les personnages entretenaientune sorte de rivalité entre frères et s’adonnaient àdes activités amusantes. <strong>Et</strong> il y avait toujours uneleçon à tirer de leurs aventures. Tous ont reconnuapprécier qu’ « il était assez facile de s’identifier »aux personnages. Une participante de 15 ans, quiaime aussi d’autres séries en prises de vue réel<strong>les</strong>(comme Zoé), a ainsi expliqué son choix :J’aimais ça parce qu’enfant, tu veuxtoujours savoir comment se comportent <strong>les</strong>plus vieux. <strong>Et</strong> ce programme est satisfaisantpour ça. Tu vois comment ils agissent,


comment ils s’habillent et comment ilsparlent de tous ces sujets cool.Pour une autre participante, un programmejeunesse intéressant et à succès requiert un air degénérique facile à retenir :Ça assoit l’identité. Genre, en plus despersonnages, si la chanson est bonne, <strong>les</strong>téléspectateurs vont accrocher. Quand audébut <strong>les</strong> gens font genre « C’est quoi cettesérie ? », si l’air du générique est bizarre, ilsne vont pas regarder.Tous <strong>les</strong> ado<strong>les</strong>cents se rappellent avoir regardéleurs programmes favoris d’alors en présencede leurs frères ou sœurs, ou seuls. Comme vuprécédemment, <strong>les</strong> participants n’ont pas passébeaucoup de temps avec leurs parents devant latélévision quand ils étaient plus jeunes. L’agendaprofessionnel de leurs père et mère était souventtrop chargé pour ce faire. La plupart des ado<strong>les</strong>centsrapportent que leurs parents passaientparfois voir ce qu’ils regardaient mais s’arrêtaientrarement pour suivre activement avec eux <strong>les</strong>programmes jeunesse. Comme l’affirme un garçonde 14 ans quand il fait référence à sa famille,« ouais, on regarde pas vraiment la télévisionensemble ».Par ailleurs, <strong>les</strong> ado<strong>les</strong>cents voient certainsprogrammes avec leurs frères et sœurs cadets etont <strong>tout</strong> à fait conscience de l’influence que cela asur eux. Ils pensent que leurs cadets ont été plustôt exposés à des programmes pour un publicplus âgé parce que c’est généralement le plus âgéqui contrôle la télécommande quand ils regardentla télévision ensemble. Ils essaient de ne pas tropsuivre de programmes inappropriés pour leursjeunes frères et sœurs en leur présence. Certainsmettent même un point d’honneur à partager letemps d’écoute avec leurs cadets à « 50-50 » etregardent des programmes qui intéressent cesderniers.Les ado<strong>les</strong>cents ont formulé de très intéressantscommentaires sur leur mode de consommationtélévisuelle actuel, en comparaison de celui qu’ilsavaient à 10 ans. Non seulement regardaient-ilsbeaucoup plus la télévision à 10 ans, essentiellementparce qu’ils avaient moins de devoirsscolaires et moins d’activités extrascolaires, maisils étaient également moins tatillons sur ce qu’ilsregardaient. Aujourd’hui, ils n’allument la télévisionque pour des émissions précises alors qu’à 10ans, ils n’opéraient que rarement une sélection etsuivaient beaucoup plus de programmes sans <strong>les</strong>aimer particulièrement. Ils s’en tenaient égalementà trois chaînes par défaut (Family Channel,YTV et Teletoon) et se contentaient d’alternerentre ces trois canaux. Le fait d’être restés <strong>dans</strong>ce circuit de trois chaînes est selon eux une desraisons pour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ils ont moins eu accès àdes programmes pour adultes ou inappropriéspour leur âge.En comparaison, ils relèvent que leurs frères etsœurs ont tous repris cette habitude de « regarderla télévision pour la regarder ». Cela signifie que<strong>les</strong> 9-12 ans passent une bonne partie de leurtemps devant la télévision sans y suivre des programmesspécifiques. Les ado<strong>les</strong>cents ne peuventplus s’offrir ce luxe car leur emploi du temps estplus chargé. Ils ont plus de devoirs à faire et sontimpliqués <strong>dans</strong> plus d’activités socia<strong>les</strong>, ce quileur laisse moins de temps pour une écoute oisive.Les participants du groupe de discussionreconnaissent que YTV, qui était une stationpopulaire quand ils avaient 10 ans, a perdu de sonattrait aux yeux de leurs jeunes frères et sœurs.Selon un ado<strong>les</strong>cent de 15 ans, YTV ne seraitplus la « chaîne par défaut » de ses petits frèrescomme elle l’a été pour lui quand il avait 10 ans.En revanche, <strong>les</strong> ados affirment à l’unanimitéque leurs frères et sœurs cadets considèrentFamily Channel comme leur station favoriteet leur chaîne par défaut. Ils pensent que « <strong>les</strong>programmes sont plus appropriés pour leur âgeet plus intéressants » parce qu’ils portent sur« des <strong>enfants</strong> de leur âge ». De plus, « il y a uneplus grande sélection qui plaît autant aux garçonsqu’aux fil<strong>les</strong> ».Sur la question de la comparaison entreprogrammes canadiens et américains, tous <strong>les</strong>participants concèdent que <strong>les</strong> programmescanadiens sont moins divertissants. Des mots69


70comme « ringard », « bizarre » et « trop normal »ou encore « essaient trop de se rapporter aux <strong>enfants</strong>» sont sortis au cours de la discussion. Dansl’ensemble, ils trouvent que la télévision jeunessecanadienne doit relever un défi. Elle doit créer desprogrammes qui ne sont pas trop près de la réalité,ce qu’ils admettent trouver ennuyeux, maisqui ne sont pas non plus tirés par <strong>les</strong> cheveux, car,prétendent-ils, ils perdent alors rapidement deleur intérêt. Ils concèdent qu’il en existe « un oudeux de bons » mais trouvent toujours que la plupart« sont mauvais » pour <strong>les</strong> raisons précitées.Leurs frères et sœurs cadets regardent tous plusde programmes américains, pas nécessairementparce qu’ils <strong>les</strong> préfèrent aux canadiens maisparce qu’ils pensent que <strong>les</strong> programmes américainssont de « qualité supérieure » en termes dedivertissement, mais pas de production.Cela dit, ils conviennent tous que s’ils avaient lechoix entre regarder des programmes canadienset américains aussi divertissants et bien faits<strong>les</strong> uns que <strong>les</strong> autres, leur préférence irait vers<strong>les</strong> canadiens. Une fois de plus, l’intérêt pour <strong>les</strong>productions loca<strong>les</strong> est bien présent. Mais <strong>les</strong>ado<strong>les</strong>cents ne trouvent <strong>tout</strong> simplement pas queleur intérêt est satisfait.Le groupe de discussion s’est clôturé par un exercicevisant à collaborer au développement d’un<strong>tout</strong> nouveau programme de télévision destinéaux 9-12 ans. Les ado<strong>les</strong>cents n’ont pas réussi àse mettre d’accord entre prises de vue réel<strong>les</strong> etdessin animé. Ils ont donc décidé de faire deuxprogrammes distincts. Pour le dessin animé,ils préconisent une comédie avec beaucoupd’aventures qui se déroulerait <strong>dans</strong> une forêt,plus précisément <strong>dans</strong> un village de cabanes <strong>dans</strong><strong>les</strong> arbres, <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> sont reliées par <strong>les</strong> racinessouterraines des arbres. Les personnages principauxseraient des créatures dotées de qualitéshumaines. Chaque épisode devrait avoir unedimension morale, noyée <strong>dans</strong> le lot des bouffonneries.Idéalement, ce programme serait diffusé<strong>les</strong> jours de semaine à 16 h sur Family Channel.Pour le programme en prises de vue réel<strong>les</strong>, <strong>les</strong>participants se sont accordés sur une comédieavec quelques éléments d’aventure qui se déroulerait<strong>dans</strong> une banlieue fictive ou une grande villeimaginaire. Des fil<strong>les</strong> et des garçons joueraient <strong>les</strong>personnages principaux, <strong>les</strong>quels seraient bonsamis. Le fait d’avoir des personnages des deuxsexes compte pour eux, parce qu’ils veulent queleur programme plaise aux garçons comme auxfil<strong>les</strong>. Ces protagonistes devraient avoir quelquechose de « spécial », qui <strong>les</strong> rend uniques (parexemple des super pouvoirs), et évoluer <strong>dans</strong>quelques lieux clés comme l’école, le parc ou lerestaurant du quartier. Ils souhaitent que leprogramme contienne quelques références amusanteset bien placées à la pop culture, quelquechose que <strong>les</strong> spectateurs pourraient distinguermais qui ne serait pas trop criard <strong>dans</strong> le scénario.Finalement, ils aimeraient que ce programme soitdiffusé à la suite du dessin animé, soit <strong>les</strong> jours desemaine à 16 h 30 sur Family Channel.Réflexions fina<strong>les</strong>En général, bien que <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> interrogées àToronto aient certains points communs aveccel<strong>les</strong> d’autres régions canadiennes, leurs habitudesmédiatiques et télévisuel<strong>les</strong> font de Torontoune métropole unique et diverse, distincte dureste du pays. Parmi <strong>tout</strong>es <strong>les</strong> caractéristiquesrapportées, certaines soulignent le profil singulierde la région de Toronto : l’accent sur la nécessitéde programmes à contenu informatif pour <strong>les</strong><strong>enfants</strong>, un covisionnement moins actif etfréquent des programmes jeunesse de la part desparents et une intervention parentale moindresur le front des technologies. Ces caractéristiquespeuvent s’expliquer en partie par plusieursfacteurs, au rang desquels figurent un sens plusfaible de la communauté <strong>dans</strong> le voisinage,une attitude axée sur le succès avec une grandeimportance accordée à la réussite académique,extrascolaire et professionnelle, une populationen croissance constante composée de famil<strong>les</strong>diverses, aux origines variées et avec des modesd’éducation différents, et des parents qui ont deplus en plus besoin de travailler loin de leur foyeret de rester compétitifs sur le marché du travail.


Pour autant, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> et famil<strong>les</strong> de Torontoet leurs homologues du reste du <strong>Canada</strong> ont encommun certaines habitudes médiatiques. Enmoyenne, <strong>les</strong> jeunes Torontois pratiquent le« media multitasking » et regardent la télévisionen ligne autant que <strong>dans</strong> <strong>les</strong> autres régions. Bienqu’ils suivent des programmes pour ado<strong>les</strong>centset grand public, <strong>dans</strong> l’ensemble, ils aiment toujoursregarder <strong>les</strong> mêmes programmes jeunesseque leurs pairs <strong>dans</strong> <strong>les</strong> autres régions. De plus,quand il leur a été demandé de produire unprogramme de télévision destiné à leur tranched’âge, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> de Toronto participant augroupe de discussion ont en gros créé le mêmetype de contenu que <strong>dans</strong> <strong>les</strong> autres régions. Leschercheurs en ont donc conclu qu’ils partageaient<strong>les</strong> mêmes besoins en termes de programmesjeunesse de qualité.71L’étude sur <strong>les</strong> habitudes médiatiques et télévisuel<strong>les</strong>de la jeunesse canadienne s’arrêtera <strong>dans</strong>le chapitre suivant à Calgary, en Alberta, pourlivrer un aperçu intéressant et singulier sur lephénomène étudié.


73Analyse régionale deCalgary, AB


74IntroductionC’est à Calgary que l’équipe de recherche adébuté sa collecte d’information relative à l’Ouestcanadien. Fortes d’une population dépassant 1,2million d’habitants, Calgary et sa région constituentla plus grande agglomération de l’Albertaet la cinquième du <strong>Canada</strong>. Les chercheurs y ontrecueilli des données pendant quatre jours enseptembre 2011. Exactement cinq entretiensà domicile y ont été réalisés auprès de famil<strong>les</strong>appartenant à la classe moyenne ou moyennesupérieure. Chacune compte au moins deux<strong>enfants</strong> nés au <strong>Canada</strong>, dont un âgé entre 9 et 12ans. Les parents, eux, sont tous <strong>dans</strong> la quarantaine.Ils disposent d’un revenu annuel (par foyer)allant de 65 000 $ à 125 000 $ et ont tous éludomicile <strong>dans</strong> l’une des nombreuses banlieues deCalgary, la majorité étant des projets immobiliersest titulaire d’un diplôme universitaire ou d’enseignementsupérieur. Les occupations varientde comptable à mécanicien d’avions, de mère aufoyer à ouvrier en passant par ingénieur <strong>dans</strong>l’industrie pétrolière.Comme tous <strong>les</strong> autres chapitres de ce rapport,celui-ci commencera par un portrait de la famillequi, aux yeux de l’équipe de recherche, incarnele foyer type de la région de Calgary, offrant unaperçu de la réalité familiale et de la consommationmédiatique locale actuelle. Une fois de plus,<strong>les</strong> noms des famil<strong>les</strong> présentées ont été modifiéspour protéger l’anonymat des participants etassurer la confidentialité de leurs réponses.Les BradfordLes Bradford résident avec leurs <strong>enfants</strong> <strong>dans</strong>l’un des nouveaux quartiers d’une banlieue deCalgary. Ils constituent une représentationintéressante de la famille albertaine typique enmatière de pratiques médiatiques. Le père, Jason,travaille à plein temps comme comptable <strong>dans</strong>une firme de construction. La mère, Marissa,est femme au foyer. Tous deux ont moins de 45ans et l’un d’entre eux est titulaire d’un diplômeuniversitaire. Leur revenu annuel varie entre65 000 $ et 100 000 $. Ils ont 2 <strong>enfants</strong> : Sarah,12 ans, sociable et sportive, est en 8e (1er cycledu secondaire). Mike, 9 ans, intelligent et curieux,est en 4e année. Les quatre membres de la familleBradford sont vraisemblablement tous nés au<strong>Canada</strong>.L’entretien s’est déroulé <strong>dans</strong> la salle à manger,autour de la table. Chacun s’est volontiers prêtéau jeu et a évoqué <strong>les</strong> détails de ses habitudes médiatiquesquotidiennes. Les Bradford possèdent4 téléviseurs : 1 <strong>dans</strong> la chambre des parents, 1<strong>dans</strong> la salle multimédia à l’étage et 2 modè<strong>les</strong>plus anciens <strong>dans</strong> la salle de jeux au sous-sol. Faitintéressant, on ne trouve aucun téléviseur aurez-de-chaussée de la maison. Ce choix délibéréa pour but de créer une « zone sans télévision »propice à la conversation. Habituellement, <strong>les</strong><strong>enfants</strong> ont recours aux postes au sous-sol pourjouer sur leurs conso<strong>les</strong> vidéo et regarder desfilms. Mike est le premier concerné car il aimerevoir La guerre des étoi<strong>les</strong> sur VHS et jouer sursa Wii. C’est également sur ces téléviseurs que <strong>les</strong><strong>enfants</strong> suivent la majorité de leurs programmes« pour <strong>enfants</strong> ».Le poste de la salle multimédia, à l’étage, estessentiellement dédié à des sessions de covisionnementen famille. Les parents estiment qu’enmoyenne, leurs <strong>enfants</strong> regardent une heureet demie de télévision par jour. Ce chiffre n’est<strong>tout</strong>efois pas constant. Il varie en fonction de leuremploi du temps chargé. Généralement, <strong>les</strong> parentsimposent aux <strong>enfants</strong> des règ<strong>les</strong> peu sévèresvisant à encadrer leur consommation télévisuelle.Les programmes inappropriés sont proscritstandis que <strong>les</strong> devoirs et <strong>les</strong> tâches doivent êtesfaits avant d’allumer la télévision. L’interventiondes Bradford sera exposée plus en détail au coursdu chapitre.Une journée typique chez <strong>les</strong> Bradford commencepar la préparation des <strong>enfants</strong> en vue de l’école.Personne ne regarde la télévision à ce moment-là,d’une part parce qu’il n’y a pas de téléviseur àproximité de la cuisine, lequel permettrait d’accompagnerun repas, et d’autre part à cause desemplois du temps chargés de chacun (Sarah part


souvent tôt pour l’école à cause d’engagementsextrascolaires). De retour à la maison <strong>dans</strong>l’après-midi, Mike termine ses devoirs scolaires,puis soit il sort jouer avec des amis, soit il regardela télévision. Dans le second cas, il passe habituellementson après-midi devant Bob l’éponge. Sarahpratique de nombreux sports et joue actuellement<strong>dans</strong> <strong>les</strong> équipes de volley, de basket et de soccerde son école. Elle consacre normalement sesaprès-midi aux compétitions ou à l’entraînement.Très souvent, quand elle rentre chez elle, elle n’aguère le temps de faire autre chose que de finirses devoirs avant de passer à table.Les repas se prennent à la table de la salle à manger,sans télévision – une règle à laquelle tientfermement Marissa. Puis, <strong>les</strong> soirées se finissenten famille devant des programmes tels que Survivor,Glee et certaines émissions de DiscoveryChannel. En fin de semaine, Mike passe sesmatinées au sous-sol devant des dessins animéscomme Bob l’éponge et Le diabolique MonsieurKat, tandis que Sarah écoute des émissions decuisine en direct sur TLC et Food Network. LesBradford aiment visionner en famille des filmsqu’ils louent sur Shaw on Demand la plupart dessoirs de fin de semaine.Depuis peu, ils ont recours au PVR (ou magnétoscopenumérique). Cette pratique trouve saplace <strong>dans</strong> leur routine médiatique car elle leuraccorde plusieurs libertés. Ils sont à même dechoisir quand regarder leurs programmes favoriset de sauter <strong>les</strong> messages publicitaires. Commel’explique Marissa, grâce au PVR, ils ne craignentplus de rater Survivor quand ils assistent auxnombreux matches de soccer de Sarah qui ontlieu en soirée. Ils savent qu’une fois rentrés à lamaison, ils retrouveront leur émission exemptede <strong>tout</strong>e réclame. Il leur arrive également d’enregistrerdes émissions jeunesse qu’ils visionnerontplus tard. Parmi cel<strong>les</strong>-ci, iCarly, La Vie de palacede Zack et Cody, et Bob l’éponge. Bien que parentset <strong>enfants</strong> regardent assez souvent la télévisionensemble, c’est seuls que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> suiventd’ordinaire ce type de programmes. Les parentsviennent <strong>tout</strong>efois s’asseoir à leurs côtés quand ilsen font la demande.Concernant <strong>les</strong> autres médias, chacun des <strong>enfants</strong>possède une Nintendo DS. Mike dispose d’uneconsole Wii et Sarah d’un iPod. Ils utilisent tousces appareils pour jouer. Le foyer est équipé dedeux ordinateurs, un de bureau <strong>dans</strong> le salon etun portable que se partagent <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>. Ils yont essentiellement recours pour jouer en ligne,car aucun ne possède de compte Facebook. Saraha également en sa possession un téléphonecellulaire. Son forfait voix et texte est minimalmais semble lui convenir parfaitement. Elle n’estpas encore, d’après ses parents, excessivementaccrochée à son téléphone cellulaire.Habitudesmédiatiques àCalgaryLes <strong>enfants</strong> présents lors des cinq entretiensfamiliaux ont rapporté regarder la télévision plusde 10 heures par semaine, à l’exception de ceuxdes Brown, qui y consacrent entre 5 et 7 heures.Les <strong>enfants</strong> d’une seule famille avouent regarderla télévision avant l’école. La plupart d’entre euxécoutent en revanche quelques programmes auretour de l’école. À Calgary, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> interrogésregardent la télévision majoritairement en fin desemaine et en soirée. Cette tendance fluctue avec<strong>les</strong> saisons. Ils jouent plus souvent dehors <strong>les</strong>mois d’été et regardent plus la télévision en hiver,quand le temps est plus rude et que <strong>les</strong> journéessont plus courtes.Les famil<strong>les</strong> sondées possèdent en moyenne 3téléviseurs par foyer. Ce chiffre est légèrementinférieur à celui observé à St. John’s et à Toronto(respectivement 3,8 et 3,2). La plus grandedifférence réside <strong>dans</strong> la disposition des postesen question. Chez <strong>les</strong> cinq famil<strong>les</strong> interrogées,aucun enfant n’a de téléviseur <strong>dans</strong> sa chambre.Cette statistique est d’autant plus notable quandon la compare aux données de Toronto, où 2/3des <strong>enfants</strong> possèdent leur propre téléviseur.Généralement, <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> regardent ensemblepas mal de télévision. El<strong>les</strong> ont tendance à plani-75


76fier des soirées précises pour se réunir devant desprogrammes grand public. Cela dit, avec 3 des 5famil<strong>les</strong> qui utilisent désormais un magnétoscopenumérique, la quantité de programmes préenregistrésest en hausse, ce qui transforme <strong>les</strong>habitudes télévisuel<strong>les</strong>. Pas moins de 4 famil<strong>les</strong>sur 5 sont abonnées à la télévision numérique parcâble ou satellite.Concernant <strong>les</strong> habitudes informatiques et enligne, <strong>les</strong> foyers sont équipés en moyenne de 2,2ordinateurs que <strong>les</strong> membres de la famille se partagent.Puisque seulement 1/3 des <strong>enfants</strong> interrogésdisposent d’un compte Facebook, il sembleque <strong>les</strong> jeunes Calgariens passent la majorité deleur temps en ligne à jouer, à visionner des vidéossur YouTube et à collecter des informations pourleurs devoirs. Autre fait intéressant spécifique àcette région, tous <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> inscrits à la Commissionscolaire de Calgary se voient attribuerun compte courriel par lequel ils reçoivent desinformations relatives aux activités scolaires. Denouveaux programmes tels que Desire 2 Learn(D2L) ont été mis en place. Cette plateformeInternet est contrôlée par la Commission scolaireet comprend une série d’outils Internet dont<strong>les</strong> professeurs et leurs élèves se servent pourcommuniquer, délivrer des contenus de cours,procéder à des évaluations, stocker des fichiers etpartager leur travail. Il en résulte que beaucoupdes devoirs scolaires des <strong>enfants</strong> de Calgary sontexécutés sur ordinateur.Par ailleurs, <strong>les</strong> foyers visités comptent enmoyenne 3,2 conso<strong>les</strong> de jeux vidéo (ex. : Wii,PlayStation, Nintendo DS, etc.), et pour <strong>les</strong>appareils portatifs, 1/3 des <strong>enfants</strong> interrogéspossèdent leur propre téléphone cellulaire (pasde téléphone intelligent cependant) tandis que 4<strong>enfants</strong> sur 5 ont leur propre iPod ou iPod tactile.Du point de vuede la familleLes données collectées et <strong>les</strong> entretiens ont faitémerger plusieurs thèmes importants communsaux famil<strong>les</strong> calgariennes. Ces thèmes feront<strong>dans</strong> <strong>les</strong> paragraphes suivants l’objet d’un compterendu détaillé, étayé par des exemp<strong>les</strong> fournispar <strong>les</strong> 5 famil<strong>les</strong> interrogées et <strong>les</strong> 4 groupes dediscussion menés par <strong>les</strong> chercheurs.« Elle fait beaucoupde sport. Elle n’apas l’occasion deregarder beaucoupla télévision aprèsl’école »Bien que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> interrogés à Calgary disentregarder la télévision 10 heures ou plus parsemaine, <strong>les</strong> chercheurs ont relevé <strong>dans</strong> cette villeune attitude envers la télévision qui se distinguede cel<strong>les</strong> observées <strong>dans</strong> <strong>les</strong> autres régions. Sila consommation télévisuelle est importanteet régulière, elle ne constitue pas pour autantune activité essentielle <strong>dans</strong> le quotidien de cesfamil<strong>les</strong>. En d’autres termes, la télévision estperçue comme une activité secondaire. Son butreste avant <strong>tout</strong> de divertir et de combler <strong>les</strong>espaces vides <strong>dans</strong> la vie de ces Calgariens. Ceconstat ressort également <strong>dans</strong> <strong>les</strong> propos de lamère de la famille De Luca quand elle évoque <strong>les</strong>pratiques télévisuel<strong>les</strong> de ses deux fils : « C’estquand ils ne font rien d’autre qu’ils vont regarderla télévision ». Reste que <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> de Calgaryne semblent pas avoir beaucoup de périodesd’inactivité à combler en comparaison de cel<strong>les</strong>des autres régions.


Ces conclusions résultent de l’analyse des entretiensfamiliaux à domicile, au cours desquels,<strong>dans</strong> la plupart des cas, la télévision a été reléguéeau second plan <strong>dans</strong> <strong>les</strong> discussions portantsur <strong>les</strong> emplois du temps hebdomadaires types.L’entretien avec la famille Brown illustre bience propos. Dans cet extrait, parent et <strong>enfants</strong>abordent leur routine quotidienne en semaine :INTF12MèreF12F9PèreVous n’avez pas parlé de la télévision aurang de vos activités. Quand est-ce quevous la regardez en semaine ?Habituellement, quand on a fini nosdevoirs ou...Les vendredis soir et <strong>les</strong> fins de semaine.Ouais.<strong>Et</strong> <strong>les</strong> mardis.On la regarde pas beaucoup en semaine.INT Pas de télévision après l’école ?F12Bah non. On est pas à la maison.Dans <strong>les</strong> cinq famil<strong>les</strong>, <strong>les</strong> chercheurs ont relevédes réponses similaires. Si <strong>les</strong> Brown sont ceuxqui regardent le moins la télévision, <strong>les</strong> autres ont<strong>tout</strong>es cité d’autres activités ou obligations quipriment sur la télévision. Cette attitude ne touchepas exclusivement la télévision mais égalementl’informatique et <strong>les</strong> jeux vidéo. Chez <strong>les</strong> Jones,le fils de 9 ans rapporte qu’il aimerait bien jouer àla Xbox tous <strong>les</strong> jours mais qu’il peine à trouver letemps de le faire : « Parfois, je ne peux pas [jouertous <strong>les</strong> jours] parce que je suis très occupé maisd’habitude, j’essaie de trouver le temps ». Lesexplications possib<strong>les</strong> sont nombreuses. Parmiel<strong>les</strong>, l’implication élevée des <strong>enfants</strong> <strong>dans</strong> desactivités sportives et extrascolaires, plus de jeuxen plein air, un encadrement parental plus strictet le recours récent aux magnétoscopes numériques(ou PVR).L’argument du « on est jamais à la maison », telqu’avancé plus haut par la jeune fille des Brown,12 ans, est une réponse que l’on retrouve <strong>dans</strong>l’ensemble des entretiens familiaux. Bien que leurniveau d’activité hors de la maison varie, <strong>tout</strong>es<strong>les</strong> famil<strong>les</strong> mènent manifestement des viesactives avec moult occupations extrascolaires,sportives, socia<strong>les</strong> et d’autres engagements programmés.Comme l’explique la mère des De Luca :« Ce sont tous <strong>les</strong> deux des <strong>enfants</strong> actifs — ilsfont du sport à l’école et jouent dehors ». Dans<strong>tout</strong>es <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> rencontrées, un des <strong>enfants</strong>au moins est considérablement impliqué <strong>dans</strong> unou plusieurs sports qui occupent une grande partde son après-midi. Par exemple, le fils De Luca,12 ans, est membre de l’équipe de cross-countryde son école. Il joue également <strong>dans</strong> <strong>les</strong> équipesde basket de son école et de son quartier. La filledes Brown, 12 ans, prend part à des compétitionsde <strong>dans</strong>e auxquel<strong>les</strong> elle consacre 4 jours parsemaine. <strong>Et</strong> comme cela a été vu précédemment,la fille des Bradford pratique le volley, le basket etle soccer. Son père résume tous ces engagementslorsqu’il déclare : « Elle fait beaucoup de sports.Elle n’a pas l’occasion de regarder beaucoup latélévision après l’école ».Le simple nombre d’activités pratiquées hors dudomicile est impressionnant quand on le compareà celui observé <strong>dans</strong> <strong>les</strong> régions de l’est du pays.À Toronto par exemple, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> interrogésévoquent très rarement des activités extrascolaires.Ainsi donc, <strong>les</strong> jeunes d’Alberta pratiquentnon seulement le sport intensément et d’autresactivités, mais ils expriment aussi globalement unintérêt pour le plein air. Cet engouement n’a étérelevé nulle part ailleurs <strong>dans</strong> cette étude, exceptéà St. John’s. Chez <strong>les</strong> De Luca, notamment, <strong>les</strong>deux frères de 10 et 12 ans passent la majorité deleurs après-midi à jouer dehors avec <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>du voisinage. Ils aiment jouer au basket l’été,faire des glissades l’hiver et récemment, ils ontconsacré un bon nombre d’heures à construireune cabane en forme de bateau pirate <strong>dans</strong> leurcour arrière. Selon leur mère, leur enthousiasmes’explique entre autres par le fait qu’ils habitentune rue en croissant avec peu de circulation etqu’ils cultivent des liens étroits avec la communauté.La même situation se retrouve chez <strong>les</strong>Campbell, qui résident également <strong>dans</strong> un cul-desaccalme, avec un parc au milieu de la rue. LesCampbell partagent également avec leurs voisins,en <strong>les</strong>quels ils ont une totale confiance, un senspoussé de la communauté. Leurs <strong>enfants</strong> ont77


78grandi en jouant ensemble dehors. À la questionde savoir si elle ressentait le besoin d’encadrer laconsommation télévisuelle de sa fille de 12 ans,Mme Campbell a répondu :Vu qu’il y a d’autres <strong>enfants</strong> de son âge quihabitent le bloc et que nous avons le parc àproximité, elle préfère de loin jouer dehorsavec ses amis que se poster devant untéléviseur ou un ordinateur. Nous n’avonspas vraiment besoin d’encadrer quoi que cesoit à ce sujet.Cette inclination se vérifie également quand <strong>les</strong><strong>enfants</strong> rendent visite à leurs amis. À Toronto,certains parents sont frustrés de voir leur progénituren’aller chez des amis que pour y jouer à desjeux vidéo. À Calgary, en revanche, presque tous<strong>les</strong> <strong>enfants</strong> interrogés disent avoir recours auxmédias chez leurs amis mais également jouer àl’extérieur. D’après la jeune fille des Brown, 9 ans :Quand je vais chez une de mes amies, j’aimefaire de la trampoline et jouer dehors avecd’autres amis qui habitent au coin de larue. Mais il m’arrive aussi de regarder latélévision ou des films.Les <strong>enfants</strong> maintiennent ces habitudes pendanttrois saisons par an mais ont tendance, l’hiver,à en changer, quand il devient difficile de passerde longues heures à l’extérieur à cause des températuresglacia<strong>les</strong> et des journées plus courtes.Cela dit, l’aînée des Campbell, 12 ans, trouve <strong>les</strong>ressources pour jouer dehors <strong>tout</strong>e l’année :À l’automne, on fait toujours un tas defeuil<strong>les</strong>. En hiver, on construit un super forten neige et l’été, on a ce petit jeu maisonqu’on appelle Hôtel Maui.« On est des grosadeptes du PVR »Au cours des dernières années, <strong>les</strong> magnétoscopesnumériques (PVR) ont gagné en popularitéauprès des Canadiens. Cette tendance est plusfrappante <strong>dans</strong> <strong>les</strong> provinces de l’Ouest, où denombreuses famil<strong>les</strong> en possèdent un. Cel<strong>les</strong>-cisoulignent d’ailleurs <strong>les</strong> effets positifs que cetappareil a eu sur leurs habitudes d’écoute. ÀCalgary, 3 des 5 famil<strong>les</strong> qui ont participé auxentretiens familiaux ont un PVR. C’est aussi lecas de 4 des 5 famil<strong>les</strong> sondées <strong>dans</strong> <strong>les</strong> groupesde discussion. Tous <strong>les</strong> propriétaires de magnétoscopenumérique reconnaissent y avoir recoursfréquemment et en sont très satisfaits. De plus,le PVR a toujours été spontanément mentionné<strong>dans</strong> <strong>les</strong> discussions relatives aux habitudes télévisuel<strong>les</strong>familia<strong>les</strong>. Les chercheurs en ont concluque le PVR fait désormais partie intégrante deleur mode de consommation télévisuelle. Le pèredes Bradford est celui qui a décrit le mieux cephénomène quand il s’est exclamé : « Le PVR ?Veux, veux pas, c’est juste devenu un équipementde base ! ».Les parents évoquent plusieurs raisons pourexpliquer pourquoi ils préfèrent regarderdes programmes préenregistrés : la capacitéd’avancer rapidement quand interviennent <strong>les</strong>pauses publicitaires, gagner 15 minutes sur unprogramme d’une heure, avoir plus de soup<strong>les</strong>sepour le visionner et ne pas devoir se conformeraux horaires de diffusion des chaînes. Comme lerapporte la mère des De Luca :On sort souvent, alors on enregistre. Puisà notre retour, on n’est pas obligés deregarder <strong>les</strong> publicités, ça prend moins detemps et on peut le regarder quand ça nousarrange. Ce peut être une semaine plustard. On le regarde quand on peut.Les Jones vont jusqu’à enregistrer des programmesen direct et en temps réel pour bénéficierdes mêmes avantages et en particulier pouréchapper aux publicités et avoir la liberté de faireune pause au milieu de l’émission si nécessaire :Même si on regarde l’émission en direct,on va habituellement faire une pause etlaisser l’enregistrement filer pour pouvoirensuite reprendre le cours sans rien avoirperdu. C’est la beauté d’avoir un PVR. Alorsc’est vrai, même si on la regarde en direct,ce n’est pas vraiment du direct. On est desgros adeptes du PVR.


Il est également intéressant de noter que <strong>les</strong> troisfamil<strong>les</strong> dotées d’un PVR admettent <strong>tout</strong>es quel’appareil a révolutionné leur mode d’écoute :quand, où et comment ils regardent la télévision.Pour <strong>les</strong> De Luca, il s’agit du plus gros bouleversementmédiatique qu’ils ont connu au coursdes cinq dernières années. Pour eux, c’est plusimportant que l’ascendant pris par Internet sur latélévision, ce qui est habituellement la premièreréponse fournie par <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> interrogées.Les deux autres options télévisuel<strong>les</strong> en voguesont l’utilisation de la vidéo à la demande (ouVàD) et de Netflix. Presque <strong>tout</strong>es <strong>les</strong> famil<strong>les</strong>consultées admettent louer directement chezleur câblodistributeur (habituellement Shaw onDemand) des films qu’ils regardent <strong>les</strong> soirs defin de semaine. Deux famil<strong>les</strong> au moins ont faitpart des effets bénéfiques de leur souscriptionà Netflix. Les De Luca en sont particulièrementsatisfaits car Netflix leur permet de faire découvrirà leurs <strong>enfants</strong> de vieux programmes detélévision, plus agréab<strong>les</strong> et plus appropriés seloneux que <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> émissions. Avec Netflix,leurs fils peuvent également choisir librementà quelle heure ils souhaitent regarder leursprogrammes favoris. D’ailleurs, le samedi matin,ils ne regardent plus <strong>les</strong> dessins animés diffuséssur le câble mais leurs dessins animés favoris quine sont plus en ondes, comme des épisodes deX-men, Danny Fantôme et Avatar.« Pour moi,télévision ou pas,ce qui compte c’estqu’ils veulent m’avoirà leurs côtés »Si on devait comparer le temps de covisionnementfamilial observé à Calgary à celui desautres régions de l’étude, on pourrait dire que<strong>les</strong> Calgariens se situent quelque part entre <strong>les</strong>Torontois (moins adeptes du covisionnement) et<strong>les</strong> Terre-Neuviens (qui sont <strong>les</strong> plus grands partisansdu covisionnement). À Calgary, parents et<strong>enfants</strong> semblent globalement s’y adonner moinsqu’à St. John’s. De façon générale, <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> del’Alberta écoutent un peu la télévision ensemblele soir après le souper. Ces heures d’écoute sonthabituellement consacrées à des programmesparticuliers que <strong>tout</strong>e la famille apprécie certainssoirs de la semaine. Ainsi, <strong>les</strong> De Luca suivent lasérie Castle le lundi soir, <strong>les</strong> Campbell regardentAmerican Idol et Survivor <strong>les</strong> mercredis et jeudissoir, et <strong>les</strong> Brown suivent The Amazing Race ledimanche.INT Qu’y a-t-il <strong>les</strong> lundis soir ?G10 Castle !INT Ah, Castle ? Tu es un grand fan ?G10MèreMouais.Ouais, on regarde Castle tous ensemble.INT Toute la famille ?MèreOui. La soirée du lundi soir est uneincontournable. On s’entasse tous sur lecanapé pour suivre cette série. On adoreça.En gros, il semble que <strong>les</strong> heures d’écoute ensoirée soit consacrées au covisionnement familial.Toutefois, <strong>les</strong> programmes regardés alors sont leplus souvent destinés au grand public et moinsà un public spécifiquement enfantin. Tous s’accordentsur le fait que ces moments de covisionnementfamilial sont effectivement alloués à desprogrammes que tous <strong>les</strong> membres de la famil<strong>les</strong>ont à même d’apprécier, tandis que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>écoutent leurs émissions jeunesse pendant leurtemps libre. Telle est l’explication des parentsBradford :INTPèreMèreEst-ce qu’ils regardent la télévision seulsou avec vous ? Y a-t-il des programmesque vous regardez ensemble ?Eh bien, la plupart des émissions detéléréalité, on <strong>les</strong> regarde ensemble.Survivor, Glee. En soirée, on s’assoithabituellement devant la télévision ensemble.Donc oui, la plupart du temps,79


80quand on la regarde, on le fait ensemble.Il suit ses Bob l’éponge et autres de soncôté mais le soir, quand on écoute uneémission, on le fait généralement enfamille.La majorité des parents admettent regarder avecleurs <strong>enfants</strong> principalement des programmesgrand public. Mais cela ne signifie pas qu’ils neregarderont jamais d’émissions jeunesse avec eux.Tous <strong>les</strong> parents interrogés ont plus qu’une idéegénérale des programmes préférés de leurs <strong>enfants</strong>.Ils connaissent <strong>les</strong> noms des personnagesprincipaux et <strong>les</strong> intrigues des derniers épisodes.On peut donc en conclure qu’ils consacrent <strong>tout</strong>de même un peu de temps à suivre activement<strong>les</strong> programmes jeunesse de leur progéniture. LesBrown illustrent bien cette observation <strong>dans</strong> l’extraitsuivant, portant sur <strong>les</strong> habitudes d’écoutefamiliale :MèrePèreIl est rare que l’on regarde Family. Nimoi ni Steve le faisons mais de tempsen temps, il peut m’arriver de suivreun bout et de dire « C’était pas mal ouc’était bien ».C’est vrai. Comme l’épisode Smarty-Pants,mon préféré des Sorciers [deWaverly Place]. C’était un excellentépisode. Rappelle-toi quand elle porte<strong>les</strong> pantalons.Les Jones sont du même avis. Bien que ce nesoit pas leur premier choix, il leur arrivera <strong>tout</strong>de même de regarder Family Channel avec leurs<strong>enfants</strong>, sur<strong>tout</strong> depuis que leurs deux fils enregistrentla majorité des épisodes :MèrePèreMèreMais <strong>les</strong> autres programmes [sur FamilyChannel], alors oui, je <strong>les</strong> regarde tous.Je n’ai aucun problème avec ça.C’est vrai. La Vie de palace ne medérange pas.Tant que ce n’est pas quelque chosequ’on a déjà vu 100 fois, j’aurais plaisir àle regarder avec <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>.Dans une section ultérieure, la mère des De Lucamontrera qu’elle n’est pas enthousiasmée par latélévision jeunesse actuelle <strong>dans</strong> son ensembleet qu’elle n’a pas plaisir à la regarder. Bien qu’elleait une idée très précise de ce que ses <strong>enfants</strong>regardent sur YTV et Teletoon Retro, elle préféreraitéchapper aux dessins animés. Cela dit, àl’occasion, elle regardera <strong>les</strong> programmes favorisde ses fils, « mais plus s’ils m’ont demandé depasser ce temps avec eux. Pour moi, télévisionou pas, ce qui compte c’est qu’ils veulent m’avoirà leurs côtés. C’est ce qui prime, n’est-ce-pas ? ».Il est important de signaler que presque tous<strong>les</strong> parents interrogés ont admis ne pas avoir deplaisir devant <strong>les</strong> programmes jeunesse actuelscréés spécifiquement pour leurs <strong>enfants</strong>. Malgré<strong>tout</strong>, ils feront l’effort de rejoindre leur progénituredevant ces programmes de temps en temps.Ce concept sera développé plus en détail <strong>dans</strong> lecourant du chapitre.Les « soirées film » de la fin de semaine sontégalement des pratiques populaires et propicesau covisionnement familial <strong>dans</strong> <strong>les</strong> foyers deCalgary. Tous ont admis se réserver au moins unsoir par fin de semaine pour regarder un film avecconjoint(e) et <strong>enfants</strong>. Les Brown ont récemmenttroqué leur traditionnel « soirée film » pour entrerde plein pied <strong>dans</strong> le XXIe siècle. Ils ont mis enplace une « Soirée YouTube ». Le père en expliquele concept :Ça illustre juste que le divertissement familiala considérablement changé. L’autre soir,nous avons eu une soirée musique. Vendredidernier, n’est-ce pas ? On s’est tous assisdevant l’ordinateur et on est allés surYouTube. Chacun son tour, on a choisi unechanson. On s’est vraiment bien amusésmais ça ou descendre au rez-de-chausséepour regarder la télévision, c’est juste uneautre manière de se divertir.


Quelle que soit la forme médiatique retenue pourle covisionnement, le fait de partager en familleune activité génère des résultats positifs. Les filsDe Luca, 10 et 12 ans, en sont une illustration :INTG10Aimes-tu regarder la télévision avec<strong>tout</strong>e ta famille ?Ouais, bah...INT <strong>Et</strong> pourquoi aimes-tu ça ?G12Il aime se blottir contre nous.(Tout le monde rit)MèreG12INTG12On aime tous ça ! Vous vous entasseztous <strong>les</strong> deux sur le canapé.Oui, nous sommes une famille très unie.Ah oui ? <strong>Et</strong> toi, pourquoi aimes-tu regarderla télévision avec ta famille ?Sur<strong>tout</strong> pour le plaisir de regarder latélévision. <strong>Et</strong> aussi parce que j’aimepasser du temps avec eux.Les chercheurs estiment que cet engouementpour le covisionnement est motivé par la volontédes parents de reproduire <strong>les</strong> expériencespositives de leur enfance. Dans <strong>les</strong> groupes dediscussion, <strong>les</strong> pères et <strong>les</strong> mères ont été invités àréfléchir au rôle que la télévision a joué <strong>dans</strong> leurenfance. Le plus souvent, ces réflexions réveillentdes souvenirs de partage en famille :Je me rappelle que l’on passait <strong>les</strong> dimanchessoir devant Le Monde Merveilleuxde Disney avec ma sœur et ma mère. Quandj’étais beaucoup plus jeune, je me souviensavoir regardé Star Trek avec mon père.C’est un de ces souvenirs... Je m’assoyaisavec lui <strong>dans</strong> son fauteuil Lazy-Boy et onregardait ça ensemble.Les parents de Calgary essaient donc de préservercette tradition familiale qu’ils ont tant chérie parle passé. Ils prennent le temps de s’asseoir avecleurs <strong>enfants</strong> devant la télévision. De la mêmemanière qu’ils ont grandi en passant leurs samedissoir en famille devant Hockey Night in <strong>Canada</strong>,leurs soirs de semaine devant The Cosby Showet Sacrée famille, ils tentent, une fois adultes, derecréer cette habitude certains soirs devant desémissions comme American Idol et Survivor, sansparler de leur « soirée film » hebdomadaire. Lesvaleurs familia<strong>les</strong> très présentes à Calgary sontrenforcées par ces moments de partage devantdes programmes de télévision appropriés etdivertissants. Ce choix de la continuité fait écho àce qui a été observé à St. John’s, où de nombreuxparticipants ont fait part de leur satisfactionà vivre ces moments en famille comme ils lefaisaient <strong>dans</strong> leur enfance.« On fait attention àce que regardent <strong>les</strong><strong>enfants</strong> »De l’analyse des données récoltées lors desentretiens familiaux et des groupes de discussionémerge l’observation suivante : <strong>dans</strong> l’ensemble,<strong>les</strong> parents de Calgary tendent à imposer chez euxdes valeurs plus conservatrices et traditionnel<strong>les</strong>qu’ailleurs au pays. Leur approche pragmatique del’encadrement et leur façon de s’impliquer <strong>dans</strong><strong>les</strong> pratiques télévisuel<strong>les</strong> et médiatiques de leurs<strong>enfants</strong> y font écho. Bien que <strong>les</strong> cinq coup<strong>les</strong> deparents agissent de façon spécifique, <strong>les</strong> chercheursont relevé trois niveaux d’interventiondifférents : faible, intermédiaire et élevé. Uneinclination, <strong>tout</strong>efois, ressort de tous <strong>les</strong> entretiensfamiliaux, à savoir qu’on ne regarde pas latélévision pendant le souper. Cette règle n’estpas exempte d’entorses lors d’occasions spécia<strong>les</strong>,comme pendant <strong>les</strong> soirées film accompagnéesd’une pizza <strong>dans</strong> le salon — mais elle est strictementappliquée le reste de la semaine.Au plus faible niveau d’intervention parentale, onretrouve <strong>les</strong> Campbell et leurs fil<strong>les</strong> de 15 et 12ans. La mère admet volontiers ne pas surveillerce que sa fille cadette regarde à la télévision ousur Internet. Elle explique cela essentiellementpar le fait qu’elle n’en a jamais ressenti le besoin.Elle trouve que ses deux fil<strong>les</strong> maintiennent déjàun équilibre sain entre activités médiatiques etnon médiatiques et ne voit par conséquent pas deraison d’imposer des procédures de surveillance.81


82Au niveau intermédiaire d’intervention parentalefigurent <strong>les</strong> Jones et <strong>les</strong> Bradford. Les parentss’impliquent <strong>dans</strong> <strong>les</strong> habitudes de leurs <strong>enfants</strong>et établissent certaines règ<strong>les</strong>, mais ils octroientégalement à leurs <strong>enfants</strong> une certaine marge demanœuvre. Chez <strong>les</strong> Bradford, <strong>les</strong> parents ontinstauré certains usages précis comme l’interdictiond’allumer la télévision ou l’ordinateur avantque <strong>les</strong> devoirs soient faits, que <strong>les</strong> chambressoient rangées et que <strong>les</strong> tâches soient exécutées.Ils appliquent également un précepte que l’onretrouve chez <strong>les</strong> Campbell et qui proscrit <strong>tout</strong>téléviseur au rez-de-chaussée. Cette décision apour but de créer un espace qui soit exempt dedistractions et donc propice à la conversation.Toutefois, ils laissent leurs <strong>enfants</strong> prendre leurspropres décisions concernant l’usage de certainesformes de média (après en avoir discuté tous ensemble).Par exemple, quand il leur a été demandés’ils avaient autorisé leur fille de 12 ans à ouvrirun compte Facebook, la mère a raconté ceci :Je lui ai dit, si tu veux vraiment que nouste laissions en ouvrir un, j’ai besoin d’avoirun accès complet à ce que tu y fais. On s’estassis, on a lu ensemble <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> de Facebooket puis elle m’a finalement dit, « Je necrois pas que je sois prête pour ça ».Les parents Bradford considèrent tous <strong>les</strong> deuxque l’instauration de règ<strong>les</strong> est importante maisque faire participer <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> à leur création estune manière plus efficace de <strong>les</strong> faire appliquer.Chez <strong>les</strong> Jones, certaines choses ont été bannies,comme la série animée Les Griffin et <strong>les</strong> jeux vidéoCall of Duty et Halo, que <strong>les</strong> parents trouventinappropriés. Ces mêmes parents tentent parailleurs de surveiller régulièrement l’activitéde leurs <strong>enfants</strong> sur Facebook en ajoutant <strong>les</strong>amis de leur enfant sur le compte du père et ensondant l’historique de leur navigateur Internet.En tant que parents, leur principale stratégieconsiste à contrôler l’exposition de leurs <strong>enfants</strong>aux médias <strong>dans</strong> l’ensemble et à l’équilibrer avecdes jeux en plein air et autres activités. Dansl’extrait suivant, la mère développe son approcheet celle de son mari :Je pense sur<strong>tout</strong> que nous essayonsvraiment de limiter notre propre expositionà <strong>tout</strong>es ces choses. Nous sommes aussitrès actifs hors de la maison. Je ne suis pasexcessivement soucieuse. Certains parentslimitent le temps d’écoute télévisuelle deleurs <strong>enfants</strong> et pensent que ça va avoir uneinfluence mais je pense que ça fait partiede leur processus d’apprentissage et qu’ilsgrandissent ainsi. Je trouve notre attitudeenvers la télévision assez saine comparée àcelle de nos pairs et de beaucoup de gens. Jepense que c’est une question d’équilibre.Finalement, ce sont <strong>les</strong> De Luca et <strong>les</strong> Brownqui pratiquent le plus haut degré d’interventionobservé à Calgary. Globalement, ils paraissentbeaucoup plus conservateurs <strong>dans</strong> leurs valeursfamilia<strong>les</strong> et <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> relatives aux médias qu’ilsappliquent. Les De Luca ont 5 <strong>enfants</strong> âgésentre 10 et 18 ans et sont très impliqués <strong>dans</strong>l’église locale. La mère a brièvement exposé auxchercheurs <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> en vigueur à domicile. I<strong>les</strong>t entre autres interdit de regarder la télévisionou d’allumer l’ordinateur avant d’avoir fini sesdevoirs, et pour écouter une émission spécifique,il faut au préalable demander la permission. Lesprogrammes que <strong>les</strong> parents autorisent doiventrefléter <strong>les</strong> valeurs que <strong>les</strong> De Luca appliquentsous leur toit : pas de langage grossier, riend’inapproprié et des comportements respectueux.Les parents De Luca estiment qu’il est importantque <strong>les</strong> émissions que leurs <strong>enfants</strong> regardentfassent écho aux valeurs qu’ils leur transmettent.De plus, la mère insiste pour regarder avec ses<strong>enfants</strong> <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> productions avant de <strong>les</strong>laisser <strong>les</strong> regarder seuls. Ainsi, elle n’a pas seulementune idée de ce qu’ils regardent mais elleest à même d’évaluer <strong>les</strong> contenus et de s’assurerqu’ils soient bien appropriés. Concernant <strong>les</strong>autres formes de médias, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> de 10 et12 ans n’ont ni compte Facebook ni téléphonecellulaire et leur usage d’Internet se limite à desjeux qui ont été préalablement approuvés, à desrecherches pour leurs devoirs scolaires ou à l’accèsau site Netflix. Quand elle aborde la mise en placede règ<strong>les</strong> sous sont toit, la mère déclare : « Nousn’avons jamais créé une règle en décrétant quec’était comme ci ou comme ça. Nous leur expli-


quons pourquoi, à savoir que nous souhaitonsqu’ils soient capab<strong>les</strong> de respecter leurs propresparents, d’autres gens, leurs professeurs, etc. ».Les Brown ont adopté une position similaire.Ils imposent à leurs fil<strong>les</strong> de 9 et 12 ans denombreuses règ<strong>les</strong> qui encadrent leurs habitudesmédiatiques. Par exemple, el<strong>les</strong> doivent respecter« l’interdiction des gadgets » <strong>les</strong> soirs de semaine.El<strong>les</strong> n’ont donc pas accès à la télévision, àl’ordinateur, à leur iPod ou aux jeux vidéo <strong>dans</strong>la semaine. Cette mesure s’explique en partiepar <strong>les</strong> nombreuses activités extrascolaires desfil<strong>les</strong> mais aussi parce que leurs parents veulentqu’el<strong>les</strong> passent du temps à lire et à s’impliquer<strong>dans</strong> d’autres activités. Les fins de semaine,el<strong>les</strong> sont autorisées à regarder la télévision et àutiliser l’ordinateur, à condition qu’el<strong>les</strong> aient prisle temps de déjeuner avant. Bien que cet usagesoit habituellement respecté, certaines entorses ysont faites. Les mardis soir qu’el<strong>les</strong> passent chezleurs grands-parents, el<strong>les</strong> peuvent regarder latélévision et <strong>les</strong> dimanches à 21 h, la famille entièreécoute l’émission Amazing Race. L’exigenceportant sur l’utilisation de l’ordinateur est elleaussi appliquée moins strictement puisque <strong>les</strong>fil<strong>les</strong> y ont recours pour leurs devoirs et ont tendanceà y rester ensuite pour des jeux vidéo. Il està noter que comme chez <strong>les</strong> Bradford, <strong>les</strong> Brownon décidé de bannir <strong>tout</strong> téléviseur de leur rez-dechausséeafin de créer un zone libre de télévision.Le père justifie la mise en place de ces règ<strong>les</strong> par<strong>les</strong> motifs suivants :J’ai travaillé à Vancouver pendant 7 à 8mois, et tous <strong>les</strong> gens que je croisais <strong>dans</strong>le centre-ville avaient en main un de cesgadgets alors qu’ils sortaient leur chien. Ducoup, j’essaie de restreindre le temps allouéà ces gadgets car je vois ces gens avec cestrucs <strong>dans</strong> la face et je pense que cela nuitréellement à leur capacité de communiquer,de s’ouvrir et de profiter de ce qui setrouve autour d’eux. C’est pourquoi j’essaied’orienter mes fil<strong>les</strong> <strong>dans</strong> ce sens. Je saisqu’el<strong>les</strong> sont très influençab<strong>les</strong>. J’essaie demaintenir leur esprit un peu plus ouvert aumonde qui <strong>les</strong> entoure.Quelle que soit la nature des règ<strong>les</strong>, <strong>les</strong> famil<strong>les</strong>interrogées en Alberta ont manifestementconscience des habitudes médiatiques de leurs <strong>enfants</strong>et ont tendance à donner à leurs tactiquesd’intervention une orientation plus conservatriceque <strong>dans</strong> <strong>les</strong> autres régions.« Ils sont parfoisennuyeux mais c’estce qu’il y a de mieuxpour vos <strong>enfants</strong> »Règle générale, <strong>les</strong> parents interrogés à Calgarysouhaitent que leurs <strong>enfants</strong> regardent des programmesqui conviennent à leur âge, qui soientcomiques et respectueux, qui livrent des leçonsde vie et qui renforcent <strong>les</strong> valeurs familia<strong>les</strong>déjà bien implantées. Cela dit, la sélection deprogrammes répondant à ces critères varie d’unfoyer à l’autre. Tandis que certains trouvent quela télévision jeunesse actuelle dépeint des attitudeset des comportements déplacés, d’autresconsidèrent que ces formes de divertissementsont inoffensives pour leurs <strong>enfants</strong>. Néanmoins,tous <strong>les</strong> parents reconnaissent que la majoritédes programmes que leurs <strong>enfants</strong> préfèrent sontsans intérêt pour le spectateur adulte.À un extrême, la mère de la famille De Lucatrouve que <strong>les</strong> programmes jeunesse actuelsdiffusés sur Family Channel, YTV et Teletoondressent un portrait négatif de la famille et fontla promotion de comportements inconvenants etirrespectueux chez <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> :Je trouve notamment qu’ils présentent<strong>les</strong> parents comme des individus stupides,comme si <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> n’avaient plus rien àapprendre d’eux. Ces programmes tournentautour de l’enfant et <strong>les</strong> parents ne sontjamais impliqués. Tout ce qui se passetourne autour de la vie des <strong>enfants</strong>. Il n’y aaucune interaction parentale. Bien souvent,<strong>les</strong> <strong>enfants</strong> eux-mêmes ne traitent pas leurs83


84parents correctement. Sans oublier tousces programmes sur YTV dont la plupartsont centrés sur l’enfant. Même Bobl’éponge n’est pas un programme appropriéselon moi. Je n’aime pas leur manière dedépeindre <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> comme étant incroyablementsuperficiels.Elle préconise de vieux dessins animés commeLes Pierrafeu et Les Jetson. Afin d’exercer uneinfluence sur ce que regardent leurs <strong>enfants</strong>, ilsont choisi de se désabonner de Family Channel etde Teletoon. Ils ne reçoivent désormais plus que<strong>les</strong> chaînes câblées de base, dont YTV et TeletoonRetro. Les Campbell admettent eux aussi ne pasêtre très enthousiasmés par <strong>les</strong> programmesen prises de vue réel<strong>les</strong> disponib<strong>les</strong> sur FamilyChannel, mais pour une <strong>tout</strong> autre raison. Lepère trouve gênant que bon nombre de jeunesvedettes de Disney se lancent <strong>dans</strong> une carrièremusicale. Cela crée à ses yeux un décalage entre<strong>les</strong> personnages des programmes pour <strong>enfants</strong> et<strong>les</strong> chanteuses à la sexualité souvent exacerbéeque ces jeunes actrices deviennent sur scène, enparticulier <strong>dans</strong> <strong>les</strong> clips musicaux diffusés justeaprès <strong>les</strong> séries <strong>dans</strong> <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> el<strong>les</strong> jouent :Avec Selena Gomez et d’autres, à l’occasion,à la fin de leur série, ils diffusent leursclips musicaux. Personnellement, je ne <strong>les</strong>aime pas. Je trouve que cela a tendanceà <strong>les</strong> rendre beaucoup plus sensuel<strong>les</strong> ouplus âgées que <strong>les</strong> personnages qu’el<strong>les</strong>incarnent à la télévision. Je trouve çavraiment regrettable !La mère des Campbell partage cette opinion. Elleestime irréaliste que <strong>tout</strong>es <strong>les</strong> vedettes de télévisionsoient « bel<strong>les</strong> ». Ce fait, selon elle, ne reflètepas la réalité et pourrait donner à sa fille unefausse impression de la beauté. Toutefois, il n’estpas interdit à sa fille de regarder ces programmes.L’équipe de recherche a également demandé auxparents quels étaient selon eux <strong>les</strong> trois meilleursprogrammes jeunesse. Les famil<strong>les</strong> non citéesjusqu’ici et <strong>les</strong> participants aux groupes de discussionont répondu Family Channel et ses comédiesde situation en prises de vue réel<strong>les</strong>, tel<strong>les</strong> que LaVie de palace de Zack et Cody et Les Sorciers deWaverly Place. Ces programmes sont considéréscomme <strong>les</strong> meilleurs pour leurs <strong>enfants</strong> au motifqu’ils sont « loufoques », « décents », « qu’ilsconviennent à leur âge », qu’ils sont « sans danger» et « drô<strong>les</strong> pour eux ».Bien que <strong>les</strong> parents admettent trouver <strong>les</strong> comédiesde situation de Family Channel monotoneset sans intérêt pour <strong>les</strong> adultes, ils considèrentqu’il s’agit là de la meilleure forme de divertissementpour leurs <strong>enfants</strong> <strong>dans</strong> l’ensemble desprogrammes télévisés disponib<strong>les</strong>. Ils attribuentà ces productions des scénarios humoristiqueset des trames mora<strong>les</strong> en accord avec <strong>les</strong> valeursqu’ils essaient d’insuffler à leurs <strong>enfants</strong>. Denombreux parents mentionnent égalementsans hésiter Discovery Channel comme unesource de programmes de qualité adaptés à leurs<strong>enfants</strong>. Ils considèrent que Les Stupéfiants,River Monsters et Daily Planet sont adéquats carils donnent aux <strong>enfants</strong> « <strong>les</strong> moyens d’exercerleur pensée critique et <strong>les</strong> aident à entrevoir lascience d’une manière qu’ils n’auraient peut-êtrepas envisagée ». Enfin, le père de la famille Jonessoulève un point abordé par presque <strong>tout</strong>es <strong>les</strong>famil<strong>les</strong>, soit l’importance de l’humour <strong>dans</strong> <strong>les</strong>programmes jeunesse :PèreJe suis preneur de <strong>tout</strong> pourvu que cesoit comique. La comédie est très importante.Ils doivent apprendre commentrire.INT Que ce soit ou non pour <strong>enfants</strong> ?PèreINTPèreDans <strong>les</strong> deux cas. On regarde Zack etCody, Futurama, Les Simpson, CornerGas. <strong>tout</strong> ce qui <strong>les</strong> fait rire.C’est important pour vous qu’il y ait del’humour <strong>dans</strong> ce qu’ils regardent ?Oui, ça l’est.Le père des Campbell exprime le même sentiment: « C’est divertissant. Il n’est pas nécessaireque ce soit toujours instructif, juste que ce soitdrôle ». Pour lui comme pour beaucoup de parentsinterrogés, le rire est un excellent moyen de créerun lien avec l’enfant, sans oublier que cela permetégalement de se détendre et de se divertir.


« Il n’existe pasd’émissionsfamilia<strong>les</strong> qui nousconviennent à tous »Si tous <strong>les</strong> parents concèdent qu’il existe quelquesprogrammes corrects créés spécifiquementpour leurs <strong>enfants</strong> de 9 à 12 ans, une majoritéécrasante d’entre eux pensent que la programmationactuelle accuse un déficit de productionsdestinées à <strong>tout</strong>e la famille, qui conviendraientaux <strong>enfants</strong> et <strong>les</strong> divertiraient <strong>tout</strong> en plaisantaux parents. Dans le groupe de discussion, un despères traduit bien l’opinion générale <strong>dans</strong> l’extraitsuivant :Ces programmes visent désormais <strong>les</strong>adultes ou <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> mais pas <strong>les</strong> deux enmême temps. Avant, on pouvait regardercertaines émissions ensemble. Une famillepouvait s’asseoir ensemble et appréciercertains programmes, pas tous, maisquelques-uns. Le choix était plus limitéje suppose. Mais aujourd’hui, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>regardent iCarly, La vie de palace, JohnnyTest ou un ces dessins animés et je ne croispas qu’ils soient divertissants. Mais je nepeux pas non plus <strong>les</strong> laisser regarder ce quemoi je regarde. Alors il ne reste plus rien.Comme cela a été rapporté <strong>dans</strong> la section précédente,peu de parents prennent plaisir à regarderdes programmes qui sont spécifiquement dédiésaux <strong>enfants</strong>. Ils <strong>les</strong> trouvent agaçants et inappropriés.D’un autre côté, ils sont mal à l’aise à l’idéede permettre à leurs <strong>enfants</strong> de suivre avec euxdes programmes aux heures de grande écoute.Ces derniers sont selon eux devenus imprévisib<strong>les</strong>,repoussent bien trop souvent <strong>les</strong> limites del’acceptable et leur contenu est déplacé. Beaucoupde parents déplorent ce manque de programmesà l’intention des famil<strong>les</strong> et aspirent à retrouver<strong>les</strong> programmes avec <strong>les</strong>quels ils ont grandi, ceuxqu’ils regardaient en famille pour le plaisir detous. Un autre père qui prenait part au groupede discussion exprime sa frustration face à cettesituation :Le nombre de programmes qu’une famillepeut regarder ensemble est assez mince.Alors ce qui se passe, et ça se passe cheznous... Dans mon enfance, nous n’avionsqu’un seul téléviseur. Alors <strong>tout</strong> le monde sepostait devant et <strong>les</strong> programmes se destinaientà une plus grande variété de publics.Bon, aujourd’hui, <strong>les</strong> productions ont plusprécisément pour cible <strong>les</strong> jeunes <strong>enfants</strong> ou<strong>les</strong> adultes. Alors ce qui se passe, c’est qu’onse retrouve avec quatre postes de télévisionsous le même toit, tous allumés et chacunregarde une station différente.Partant de ce constat, si <strong>les</strong> parents et leurs<strong>enfants</strong> souhaitent continuer à regarder desprogrammes adaptés et divertissants, ils doiventalors se tourner vers des films ou des émissionsde téléréalité basées sur des concours. Ainsi, ilssont sûrs que tous <strong>les</strong> apprécieront et que riend’inconvenant ne sera montré.Peu désireux de regarder ce qu’ils considèrentcomme des programmes jeunesse ternes, maiscraignant d’exposer leurs <strong>enfants</strong> à des contenusgrand public inappropriés, beaucoup de parentsdélaissent <strong>les</strong> comédies de situation ou <strong>les</strong> dramespour des chaînes spécialisées comme DiscoveryChannel. El<strong>les</strong> assurent à tous d’être divertis sansêtre exposés à un contenu déplacé. Cette solutionrapide ne pallie cependant pas le déficit généralde programmes jeunesse destinés à la famille quidivertissent <strong>enfants</strong> et parents.Les parents estiment aussi que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> plusâgés (11 et 12 ans) commencent à s’aventurervers des programmes pour ados ou grand publicpuisque ceux qui leur sont destinés ne retiennentpas leur attention. D’autres facteurs comme l’influencedes autres <strong>enfants</strong> ou des frères et sœurssont susceptib<strong>les</strong> de jouer un rôle <strong>dans</strong> certainespréférences des <strong>enfants</strong>. Chez <strong>les</strong> Brown, la mèrese soucie du contenu que regarde sa fille de 985


86ans. Bien qu’il soit fait pour son groupe d’âge, ilaborde des sujets qui dépassent largement sonniveau de maturité :Je pense que <strong>dans</strong> certains cas, elle estun peu trop jeune pour <strong>les</strong> regarder. Tous<strong>les</strong> personnages ont l’âge d’aller au cégepou à l’université, ce qui fait que <strong>les</strong> sujetstraités sont parfois un peu trop profonds,sur<strong>tout</strong> pour une fillette de 9 ans. Ils n’ensont pas encore au stade des rendez-vous etdes petits-amis. Même <strong>les</strong> dessins animésabordent ces questions-là. Je ne trouvepas qu’il y ait réellement quelque chose quiconvienne à son âge. Elle se trouve coincéeà regarder ce que mon aîné de 12 ansregarde parce qu’elle ne veut pas suivre <strong>les</strong>productions qui lui sont destinées.Les parents pensent que <strong>les</strong> productions actuel<strong>les</strong>ne parviennent pas à retenir durablement l’attentionde leurs <strong>enfants</strong> parce qu’ils ne sont pas satisfaisants.Au contraire, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> sont motivésà chercher de nouvel<strong>les</strong> chaînes et de nouveauxprogrammes qui <strong>les</strong> divertiront. La mère des DeLuca partage cet avis pour des raisons simp<strong>les</strong>qu’elle exprime <strong>dans</strong> l’extrait suivant :Personnellement, je pense qu’ilssous-estiment <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> de cet âge. Ilsne leur passent que des choses criardes,tape-à-l’œil, colorées et stupides, sansaucune profondeur. Alors que selon moi, ces<strong>enfants</strong> sont en mesure de comprendre bienplus que ça – c’est pourquoi nous regardonssouvent des programmes pour un publicplus âgé. Ça semble juste plus pertinent etplus profond.« Du moment quec’est de la télévisionde qualité, je m’enfiche »Les famil<strong>les</strong> interrogées à Calgary n’ont pas pourhabitude de s’interroger sur le pays d’origine duprogramme qu’ils visionnent. Quand on leurdemande ce qu’ils pensent de la différence entre<strong>les</strong> programmes canadiens et américains, <strong>les</strong>réactions sont rares. Parmi <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>, quelquesunssont incapab<strong>les</strong> de distinguer <strong>les</strong> productionscanadiennes des américaines et admettent quecette question n’a jamais traversé leur esprit. Ainsi,un jeune de 12 ans a tenu <strong>les</strong> propos suivants<strong>dans</strong> un groupe de discussion : « Du moment quec’est de la télévision de qualité, je m’en fiche ». Enrevanche, <strong>les</strong> parents ne se sont pas faits prierpour commenter la différence de « qualité deproduction » entre <strong>les</strong> deux pays, affirmant quela télévision américaine est plus « raffinée » et« peaufinée ». La télévision canadienne, elle, gardeune touche d’amateurisme qu’ils attribuent à depetits budgets de production.Il est à souligner que la « qualité inférieure » dontils font mention ne concerne que la productiontechnique et non la capacité à divertir ou lecontenu. Aucun parent ni enfant n’a été capablede citer un programme jeunesse canadienactuellement diffusé. Seule exception, la familleJones déclare préférer <strong>les</strong> programmes canadiens,dont l’humour est apprécié. Les Jones avouent<strong>tout</strong>efois peiner à repérer des émissions nationa<strong>les</strong>dont la qualité vaut celle des productionsaméricaines, sur<strong>tout</strong> parmi <strong>les</strong> programmes pour<strong>enfants</strong>. Le seul exemple qui leur vient à l’espritest L’Île des défis extrêmes, un dessin animécanadien que <strong>tout</strong>e la famille a pris plaisir à regarder: « Durant <strong>tout</strong>e la saison, nous avons regardé<strong>les</strong> épisodes dès leur première diffusion. <strong>Et</strong> c’étaitsuper. C’était génial. Mais là encore, on voyait quec’était un programme canadien. » Par ailleurs, lefils des De Luca, 10 ans, cite Super Académie au


ang de ses programmes favoris sans savoir qu’ils’agit là d’une production canadienne.Après réflexion, presque tous <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> etparents ont admis regarder quasi exclusivementdes programmes télévisuels américains. Cela ne<strong>les</strong> dérange pas car pour <strong>les</strong> Calgariens interrogés,la qualité du contenu prime sur l’origine de laproduction. Les parents de la famille Brownrésument bien ce point de vue :INTMèrePèreCela vous importe-t-il de savoir s’il s’agitd’un programme canadien ou américain?Non.Pas vraiment. Si la matière est aurendez-vous, ça va. Si nous avons vu leprogramme, qu’il véhicule de bonnesvaleurs et que ça nous fait rire, alorsl’essentiel est là.« Elle l’a apprisdevant la télévision.On ne dit pas ça à lamaison »À la question Pensez-vous que la télévision d’aujourd’huipeut avoir un impact sur vos <strong>enfants</strong>,leur mode de vie et leur comportement ?, tous <strong>les</strong>parents ont répondu haut et fort « oui », bien quechacun ait des exemp<strong>les</strong> différents à livrer. Chez<strong>les</strong> De Luca, on s’inquiète que certaines émissionstransmettent à leurs fils de 10 et 12 ans des« valeurs superficiel<strong>les</strong> », en contradiction avec <strong>les</strong>messages d’indépendance et d’estime de soi que<strong>les</strong> parents tentent d’inculquer à leurs <strong>enfants</strong>.Ça véhicule l’idée selon laquelle tu n’es pasjoli à moins que ta coupe de cheveux soitcomme ci et que <strong>les</strong> vêtements que tu portessoient comme ça; ou que tu n’es pas un garscool à moins que tu par<strong>les</strong> d’une certainemanière et que tu manques de respectenvers <strong>les</strong> fil<strong>les</strong>. S’ils voient ça tous <strong>les</strong> jourset que ces attitudes sont dépeintes commepopulaires et désirab<strong>les</strong>, c’est ce qu’ilsvont penser et ce n’est pas ce que nous leurenseignons.De la même manière, <strong>les</strong> Brown trouvent queleurs fil<strong>les</strong> de 9 et 12 ans adoptent un certainvocabulaire et découvrent des sujets à la télévisionqui ne sont pas de leur âge. La mère aremarqué que ses deux fil<strong>les</strong> parlaient de petitsamis, de beauté, de tendances vestimentaires etemployaient des termes argotiques forcémenttrouvés à la télévision puisque ces sujets ne sontjamais abordés <strong>dans</strong> leur foyer.Les Jones ont constaté un effet immédiat aprèsqu’ils aient décidé de laisser leurs deux fils suivre<strong>les</strong> combats de catch de la WWE (une décision quiintervint après un an de tergiversations). Cetterésolution leur offre <strong>tout</strong> de même le réconfortde savoir que leurs deux fils suivent ce type deprogramme à la maison <strong>dans</strong> un environnementsous surveillance, laissant aux parents la possibilitéd’intervenir en case de violence excessive. Lamère craint sur<strong>tout</strong> que ses <strong>enfants</strong> soient par lasuite enclins à plus de violence. Selon elle, « <strong>les</strong><strong>enfants</strong> sont comme des éponges, ils prennentbeaucoup de <strong>tout</strong> ce qu’ils voient ». La mère desBradford est d’accord. Son fils de 9 ans regardenotamment Les Simpson, programme qu’elle estimeirrespectueux et qui à ses yeux fait l’apologiede comportements déplacés : « Il lui arrive de leregarder, rarement, mais alors je vais vraimentporter attention à leur comportement car çadéteint aussi sur lui ».Les parents Campbell avec leurs deux fil<strong>les</strong> ontimmédiatement vu à quel point la télévision pouvaitinfluencer leurs <strong>enfants</strong>. Bien qu’ils n’aientpas relevé d’impact profond sur leur cadette, ilsestiment que leur aînée, âgée aujourd’hui de 15ans, a grandement été influencée par des comédiesde situation en prises de vue réel<strong>les</strong> commeHannah Montana :Elle est convaincue qu’elle se destinait àdevenir une star de la télévision comme cesfil<strong>les</strong> et que le mannequinat était le moyende se lancer pour y parvenir. L’influence est87


88évidente. C’est agaçant ! Je ne crois pas quece soit une bonne chose. Non. Encore unefois, ils accentuent le niveau de ces fil<strong>les</strong>,el<strong>les</strong> sont <strong>tout</strong>es habillées merveilleusement,sont pleines de talent, apparemmentel<strong>les</strong> sont aussi <strong>tout</strong>es capab<strong>les</strong> de chanteret ainsi de suite. Mais qu’en est-il de lajeune fille moyenne ? Il faut montrer aux<strong>enfants</strong> que c’est aussi GÉNIAL d’êtreordinaire.Comme ces exemp<strong>les</strong> le montrent, <strong>les</strong> parentsinterrogés à Calgary ont relevé des signes incontestab<strong>les</strong>de l’influence de la télévision sur leurs<strong>enfants</strong>. Cette influence n’est par ailleurs pas décritecomme positive, ce qui pousse <strong>les</strong> chercheursà croire que <strong>les</strong> parents s’en passeraient volontiers.Cela dit, certains semblent moins se soucierde ces influences, parce qu’ils sont proactifs <strong>dans</strong>la sélection des programmes de leurs <strong>enfants</strong>et qu’ils ont reconnu au préalable <strong>les</strong> possib<strong>les</strong>influences. Il semble qu’en reconnaissant cesimpacts, <strong>les</strong> parents tentent d’expliquer à leurprogéniture la différence entre ce qu’ils voient àla télévision et comment ils doivent se comporter<strong>dans</strong> la vraie vie. En abordant cette question defront, <strong>les</strong> parents paraissent avoir ces influencessous contrôle ou au moins sous surveillance.Du point de vuede l’enfant« Nomme quelquechose de plus créatifqu’une éponge quivit <strong>dans</strong> un ananassous la mer »Bien que <strong>les</strong> raisons soient très nombreuses ettrès variées, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> cultivent <strong>dans</strong> l’ensembledes goûts télévisuels précis. La liste qui suitintègre de façon exhaustive tous <strong>les</strong> programmescités par <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> comme étant leurs favorislors des entretiens familiaux et des groupes dediscussion. La liste a été divisée en catégoriesd’âge pour une meilleure compréhension durapport entre âge et préférences :ÂgeProgrammes préférés9 Seul face à la nature (R.-U.)WWE Wrestling (É.-U.)Futurama (É.-U.)iCarly (É.-U.)Phineas et Ferb (É.-U.)Du talent à revendre (É.-U.)Bob l’éponge (É.-U.)10 Castle (É.-U.)Super Académie (CA)Troisième planète après le Soleil (É.-U.)Turf Wars (É.-U.)11 La Vie de palace (É.-U.)Les Stupéfiants (É.-U.)Seul face à la nature (R.-U.)12 Drake et Josh (É.-U.)Castle (É.-U.)M.A.S.H (É.-U.)Wipeout (CA)Danny Fantôme (É.-U.)iCarly (É.-U.)Hannah Montana (É.-U.)Les Griffin (É.-U.)Les Sorciers de Waverly Place (É.-U.)La vie de palace (É.-U.)What Not To Wear (É.-U.)Glee (É.-U.)Cake Boss (É.-U.)Toddlers in Tiaras (É.-U.)Esprits criminels (É.-U.)Looney Tunes (É.-U.)Storage Wars (É.-U.)La petite maison <strong>dans</strong> la prairie (É.-U.)Les Simpson (É.-U.)


Quel que soit le genre ou le contenu de leursprogrammes préférés, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> justifient tousleur choix par <strong>les</strong> mêmes motifs. Les trois raisons<strong>les</strong> plus invoquées sont : des personnages dont <strong>les</strong>agissements sont intéressants et peu ordinaires,une dimension comique, des sujets assez variés/intéressants. Les extraits ci-dessous présententdes <strong>enfants</strong> expliquant pourquoi tel ou tel programmecompte parmi leurs favoris. Un des filsdes De Luca, 12 ans, précise pourquoi il apprécieDrake et Josh :INTG12Qu’est-ce que tu aimes vraiment <strong>dans</strong>cette série ?C’est sur<strong>tout</strong> que je comprends leurhumour.INT Est-ce que tu aimes <strong>les</strong> personnages ?G12Ouais, j’aime leurs personnalités.INT Tu as un exemple ?G12Josh, <strong>dans</strong> Drake et Josh, est à la foistrès suffisant et vraiment stupide.INT <strong>Et</strong> ça te plaît ?G12INTG12Ouais. Il ne comprend rien.Tu l’aimes parce qu’il est drôle ou pour<strong>les</strong> choses qu’il fait ?Sa petite sœur lui fait des farces qu’il nevoit pas venir. Ils sont vraiment nuls.Chez <strong>les</strong> Brown, <strong>les</strong> deux sœurs de 9 et 12 ansexpliquent différemment pourquoi el<strong>les</strong> aimentiCarly et Les Sorciers de Waverly Place :INT Qu’est-ce qui te plaît chez eux ?F12Je connais bien <strong>les</strong> personnages et je <strong>les</strong>trouve drô<strong>les</strong>.INT Ça fait longtemps que tu <strong>les</strong> regardes ?F12F9Je suis cette série depuis très très longtemps,ouais.iCarly est très drôle. <strong>Et</strong> avec Les Sorciersc’est cool et amusant.Enfin, ce jeune de 12 ans qui prenait part augroupe de discussion admet que Bob l’épongereste l’un de ses programmes de télévision favorisgrâce à sa créativité, son originalité en continu, etla loyauté qu’il ressent envers ce programme :G12INTG12Je le regarde depuis que j’ai un an et ilscontinuent de faire de nouveaux épisodesalors je n’ai pas arrêté de le suivre.<strong>Et</strong> qu’est ce que tu aimes ? Qu’est-ce quifait que tu y es resté attaché ?Nomme quelque chose de plus créatifqu’une éponge qui vit <strong>dans</strong> un ananassous la mer !Les participants au groupe de discussion des<strong>enfants</strong> ont visionné des extraits de six desprogrammes jeunesse actuels <strong>les</strong> plus populaires<strong>dans</strong> leur région. L’objectif était, pour <strong>les</strong> chercheurs,de récolter plus d’information sur <strong>les</strong>aspects que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> jugent positifs et négatifs– une rétroaction précieuse et directe. Dans ce casprécis, <strong>les</strong> extraits étaient tirés de L’Île des défisextrêmes : La tournée mondiale, H2O, Derek,Sketches à gogo ! et iCarly. Les <strong>enfants</strong> n’ont pasété avares de commentaires et ont volontiers partagéleurs points de vue sur <strong>les</strong> qualités et défautsde chacun des programmes. Bien que chaqueenfant cultive des goûts qui lui sont propres, ilssont tous tombés d’accord sur certains points...Premièrement, <strong>les</strong> rires enregistrés utilisés <strong>dans</strong><strong>les</strong> comédies de situation pour <strong>enfants</strong> « nedupent personnes », comme l’a rappelé un garçonde 12 ans. Tous trouvent que <strong>les</strong> rires enregistrésdévalorisent le programme. En outre, ils n’aimentpas qu’ont leur dise ce qu’ils sont censés trouverdrôle :Je n’aime pas quand <strong>dans</strong> <strong>les</strong> séries il y a enarrière des rires enregistrés qu’on entendcomme 120 fois à travers l’épisode alors quetu vas rire qu’une ou deux fois.Deuxièmement, le jeu des acteurs et le développementdes personnages peuvent faire et défaire <strong>les</strong>uccès d’un programme télévisuel. Aussi, bien quedes séries comme Derek et Sonny soient parfoisdrô<strong>les</strong>, le « piètre jeu » des comédiens et des89


90personnages « qui ne sont pas aboutis » nuisentselon eux à l’effet comique. D’un autre côté,des séries comme iCarly ont été positivementaccueillies à cause de leurs personnages étoffés :« Les personnages sont bien définis parce qu’ilsont leur propre personnalité [...] on ne peut que<strong>les</strong> apprécier pour ça ».Enfin, créer des tensions et des oppositions entre<strong>les</strong> personnages principaux constitue toujoursune dynamique positive et intéressante <strong>dans</strong> unscénario. Les <strong>enfants</strong> apprécient notamment larivalité entre <strong>les</strong> frères de Derek, et ce, quelle quesoit la question du jeu des acteurs :J’aime et j’aime pas. Je ne l’aime pas àcause du jeu des acteurs qui n’est pas bonmais j’aime le fait qu’ils se battent toujoursun peu comme moi et mon frère. On sedispute toujours pour savoir qui s’assoitoù, etc.Le même commentaire vaut pour Sonny et larelation d’amour-haine qui lie <strong>les</strong> deux personnagesprincipaux.De tous <strong>les</strong> programmes dont des extraits ont étéprésentés, iCarly est celui qui a reçu le meilleuraccueil. Les <strong>enfants</strong> louent la qualité des acteurs,<strong>les</strong> personnages hilarants et l’angle novateur de lasérie Web. Ils apprécient également L’Île des défisextrêmes pour sa drôlerie et son idée originale(bien qu’ils pensent que <strong>les</strong> dernières saisonssont plus formatées et que <strong>les</strong> personnages serépètent parfois au risque de devenir ennuyeux).Finalement, la série Sonny a elle aussi été bienreçue (bien que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> préfèrent sur<strong>tout</strong> lasérie dérivée Sketches à gogo ! parce qu’ils sontplus sensib<strong>les</strong> aux parodies qu’aux pitreries encoulisses de Sonny). Le programme le moinsplébiscité a été H20. Les <strong>enfants</strong> sont unanimes,la série est trop enfantine, ennuyeuse et el<strong>les</strong>’adresse à un public de fil<strong>les</strong> (beaucoup n’avaient<strong>tout</strong>efois jamais regardé un épisode et ont fondéleur avis sur <strong>les</strong> extraits de 20 secondes qu’ilsvenaient de voir).« Pendant <strong>les</strong> pausespublicitaires, je vaissur mon iPod ouautre »En comparaison des résultats à Toronto et St.John’s, il y a à Calgary moins d’<strong>enfants</strong> adeptesdu « media multitasking ». Les jeunes Calgariensinterrogés indiquent typiquement qu’ils n’utilisentjamais d’autres formes de média quand ilsregardent la télévision. Ou alors, ils ne le font quependant <strong>les</strong> pauses publicitaires. À l’instar d’undes garçons du groupe de discussion, certainspréfèrent concentrer leur attention sur une choseà la fois : « Je n’en fais jamais [du multitasking].Généralement, je ne choisis qu’un seul support ».D’autres, comme cette fille présente <strong>dans</strong> lemême groupe de discussion, vont profiter du magnétoscopenumérique pour passer d’une activitéà une autre plus facilement :Il m’arrive de jouer à l’ordinateur quand jeregarde la télévision mais habituellement,je mets l’émission en pause ou je l’enregistreet reprends ce que je faisais avant. Je vaisaller sur mon ordinateur et reviendrai plustard à la télévision.Le cadet des Jones, 9 ans, propose une réponsesimilaire. Il aime jouer sur son ordinateur portable<strong>tout</strong> en regardant la télévision mais trouvecela difficile car il ne parvient pas à se concentrer.Au bout du compte, il pense qu’il devrait faire uneseule chose à la fois. L’aînée des Brown, 12 ans,s’essaie au « multitasking » en jouant sur son iPoddevant la télévision mais trouve cela égalementardu. Elle préférerait focaliser son attention surune seule activité à la fois : « Je le fais souventmais jamais longtemps. Je veux dire que [jel’ai] toujours avec moi mais habituellement,je joue avec et j’arrête parce qu’un programmeme distrait ». Certains <strong>enfants</strong> rapportent queleurs parents souhaitent qu’ils évitent le « multitasking», comme cette fillette de 12 ans dugroupe de discussion : « Je ne peux faire qu’une


seule chose à la fois. C’est une règle. Mes parentsne veulent pas que je sois distraite ».Ces réponses, représentatives de ce qui se fait àCalgary, ne signifient cependant pas qu’aucunenfant n’y pratique le « media multitasking ». Unparticipant du groupe de discussion âgé de 10ans affirme aimer « texter sur son iPod, jouer àl’ordinateur et regarder la télévision ». Une fille va« jouer à des jeux de société ou <strong>tout</strong> simplementsur l’ordinateur et écouter [la TV] ». Bien qu’ilsexistent, <strong>les</strong> jeunes adeptes d’un multitaskingrégulier et maîtrisé sont loin d’être nombreux.Cette impopularité du « media multitasking »semble s’expliquer par une combinaison defacteurs, y compris l’encadrement parental etun intérêt authentique des <strong>enfants</strong> pour <strong>les</strong> programmesqu’ils regardent. Une autre explicationpossible serait que <strong>les</strong> jeunes Calgariens regardantmoins la télévision que leurs pairs des provincesde l’Est, ils sont plus enclins à focaliser leur attentionsur <strong>les</strong> programmes, qu’ils prennent le tempsd’apprécier. Le jeune De Luca, 10 ans, confirmecette impression <strong>dans</strong> la déclaration suivante :« On ne regarde pas beaucoup la télévision alorsquand on la regarde, c’est qu’on s’intéresse vraimentce qui y passe ».« Je ne savais mêmepas que tu pouvaisregarder la télé enligne »Si leur pratique du « media multitasking » sedistingue, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> de Calgary montrent <strong>les</strong>mêmes tendances que leurs pairs de l’est pource qui est de l’écoute télévisuelle en ligne. Lamajorité des <strong>enfants</strong> interrogés n’en sont pasencore à s’aventurer sur le Web pour regarder desprogrammes de télévision, à l’exception des sitesNetflix et YouTube qu’ils fréquentent facilement.En fait, un seul enfant a mentionné chercher surInternet des épisodes dont il a raté la diffusion.<strong>Et</strong> il se trouve qu’il s’agit de la plus jeune enfantinterrogée à Calgary. La cadette des Brown, 9ans, atteste avoir une ou deux fois sondé Internetpour y trouver des épisodes manqués de iCarly.Elle ne se rappelle <strong>tout</strong>efois pas des sites Internetqu’elle a consultés. Pour le reste, la question duvisionnement de programmes télévisuels enligne n’a pas soulevé beaucoup de réactions. Lajeune fille des Campbell a même émis la remarquesuivante : « Je ne savais même pas que tu pouvaisregarder la télé en ligne ».« <strong>Et</strong> si j’étaisproducteur » : <strong>les</strong><strong>enfants</strong> se prêtentau jeu« Messages cachés »« Redoutablementdélirante »« Épique »Pour clore le groupe de discussion des <strong>enfants</strong> (5de 12 ans et 1 de 10 ans, tous issus de la régionde Calgary), on leur a demandé d’imaginerqu’ils sont chargés de créer un <strong>tout</strong> nouveauprogramme pour leurs pairs. L’animateur del’exercice <strong>les</strong> encourage à partager leurs idées et àdéterminer un postulat de départ, un cadre pourl’histoire, une intrigue, des personnages et mêmeun nom pour le nouveau programme. Les jeunesCalgariens ont décidé de créer un dessin animécentré autour d’une famille.Au départ, ils ont discuté du lieu où l’histoiredevrait se dérouler. La moitié des <strong>enfants</strong>souhaitaient la situer <strong>dans</strong> une forêt tandis quel’autre lui préférait un cadre urbain — au final, lafamille évoluerait à la lisière d’une forêt qui borde91


92une ville. Il s’agirait d’un programme combinant<strong>les</strong> caractéristiques de la comédie et de la séried’aventure. Les <strong>enfants</strong> considèrent en effet l’humourcomme l’élément le plus important d’unesérie mais soulignent que le rythme doit êtresoutenu pour que le public ne détourne pas sonattention. Il y a eu de nombreuses discussionspour déterminer s’ils devaient créer une versionanimée ou en prises de vue réel<strong>les</strong>. Les <strong>enfants</strong> sesont finalement prononcés en faveur d’un dessinanimé parce que <strong>les</strong> possibilités offertes sontainsi plus vastes et que le risque d’avoir de piètresacteurs (comme <strong>dans</strong> de nombreuses comédies enprises de vue réel<strong>les</strong> qu’ils ont vues) est écarté.Le programme tournerait autour d’une famillepropriétaire d’un hippopotame domestique dunom de Earl. La série se passerait au <strong>Canada</strong> etserait produite au <strong>Canada</strong>. Ils en ont décidé ainsiparce qu’à leurs yeux, <strong>les</strong> Canadiens ont un meilleursens de l’humour et donc qu’ils devraient êtrecapab<strong>les</strong> de faire de meilleurs dessins animés que<strong>les</strong> Américains. Les <strong>enfants</strong> estiment aussi quela série en question ne devrait pas contenir d’élémentspédagogiques parce que « si c’est éducatif,ça ne peut pas être drôle ». Cela dit, il est importantselon eux que soient intégrés au contenu des« messages cachés » qui nécessitent une attentionsoutenue pour être décelés et qui sont une sourced’apprentissage (des leçons de vie subti<strong>les</strong> sur<strong>les</strong>quel<strong>les</strong> méditer une fois la série terminée).Enfin, <strong>les</strong> participants souhaitent que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>qui regardent leur série la trouvent « redoutablementdélirante » et « épique ». Ils préconisentqu’elle soit diffusée en semaine <strong>dans</strong> un créneaude grande écoute, à 19 h (puisqu’ils seront alorsrentrés de leurs activités extrascolaires, qu’ilsauront fini de souper et terminé leur devoirs),avec une rediffusion en fin de semaine pour ceuxqui l’auraient manquée en semaine. Toutefois, ilsne parviennent pas à se mettre d’accord sur untitre. Les propositions sont nombreuses, maisaucune ne fait l’unanimité.Du point de vuede l’ado<strong>les</strong>centReprenant le même format que <strong>les</strong> groupes dediscussion composés d’ado<strong>les</strong>cents <strong>dans</strong> <strong>les</strong> autresrégions, cette réunion de 4 jeunes Calgariens, 2garçons et 2 fil<strong>les</strong>, tous âgés entre 13 et 15 ans,a offert aux chercheurs un regard unique surl’état de la télévision jeunesse actuelle. Tout justesortis de la tranche d’âge cible de l’étude, <strong>les</strong> adosgardent des souvenirs vivaces de la télévision deleur enfance et sont à même de la comparer à celled’aujourd’hui pour mieux l’évaluer. Ils apportentainsi une réflexion intéressante sur la qualité dela télévision jeunesse actuelle, sur son caractèreapproprié et son aptitude à divertir. Leur point devue est plus pertinent et plus proche de la cible del’étude que celui des parents.Comme toujours, <strong>les</strong> ado<strong>les</strong>cents sont d’abordinvités à se remémorer leurs 10 ans et leur expériencede la télévision à cet âge. Il en ressort que<strong>les</strong> garçons préféraient <strong>les</strong> dessins animés commeBob l’éponge et Tes désirs sont désordres au motifqu’ils étaient « drô<strong>les</strong> », tandis que <strong>les</strong> fil<strong>les</strong> suivaientplus volontiers des séries en prises de vueréel<strong>les</strong> de Family Channel, en particulier HannahMontana, Derek, Popular et Lizzie McGuire.Comme une participante le remarque, « Je <strong>les</strong>aimais parce qu’ils étaient drô<strong>les</strong> et que j’aimaisrire en <strong>les</strong> regardant. Je suppose que <strong>les</strong> séries deFamily Channel me parlaient plus que <strong>les</strong> autres ».L’autre fille détaille pourquoi Hannah Montanaétait sans conteste son programme favori quandelle était petite. Elle admet qu’elle le regardaitquotidiennement et qu’à l’école, elle rejouait desscènes de la série avec ses amies. Miley Cyrusétait son actrice préférée. Aujourd’hui qu’elle agagné en maturité, elle porte un regard différentsur <strong>les</strong> anciens épisodes. Quand elle tombe surdes rediffusions de Hannah Montana, elle relèvedésormais des thèmes et des influences possib<strong>les</strong>dont elle n’avait pas conscience étant petite :Il y a quelques semaines, je disais à une demes amies combien ça faisait longtempsque nous n’avions pas regardé Hannah


Montana. <strong>Et</strong> elle me disait que <strong>dans</strong>quelques épisodes, si on y fait attention,on se rend compte qu’elle est parfois assezimpolie mais ils font en sorte que ça neparaisse pas parce que c’est elle l’héroïne.Alors j’ai regardé la série la fois d’après etj’ai constaté que ce qu’elle m’avait dit étaitvrai. Mais je n’aurais jamais cru ça quandj’étais plus jeune.Les ados se rappellent avoir commencé tôt àregarder des programmes qui n’étaient pasnécessairement adaptés à leur jeune âge. Ils <strong>les</strong>visionnaient avec une sœur ou un frère aîné, voireun parent, afin de passer plus de temps ensemble.Par ailleurs, trois d’entre eux se souviennent avoirvu des épisodes des Griffin et des Simpson dèsleur très jeune âge, en présence de son frère aînépour l’un et de leur père pour <strong>les</strong> deux autres :« Je le regardais avec mon père. C’est sa sériepréférée. J’étais avec lui, il la regardait alors je laregardais aussi. Mais jamais seul ». Ils admettenttous ne pas avoir toujours compris l’humour deces programmes et avoir dû souvent solliciterleurs parents ou frères et sœurs pour saisir <strong>les</strong>blagues. Fait intéressant, devant un extrait deL’île des défis extrêmes, un ado<strong>les</strong>cent s’est justementrappelé avoir aimé ce programme quandil avait 10 ans parce que « ce n’est pas commeLes Griffin ou Les Simpson, aucune blaguene t’échappe ». Bien qu’il ne s’agisse pas d’unprogramme inapproprié, une jeune fille expliquequ’elle a été influencée par Arthur quand elle étaitplus jeune : « Je le regardais avec ma sœur. Cen’était pas un de mes programmes préférés maiselle aimait ça alors je voulais que ça me plaisepour être comme elle ».Après avoir visionné des extraits de productionsjeunesse, <strong>les</strong> quatre ado<strong>les</strong>cents ont reconnu avoirregardé tous <strong>les</strong> programmes de Family Channelau moins une fois, et souvent de nombreuses fois,même s’il ne s’agissait pas de leurs programmesfavoris. Une ado<strong>les</strong>cente explique : « Si ça passaitsur Family Channel à une heure de grande écoute,je devais le regarder souvent. Family Channel aété ma solution de repli entre 7 et 13 ans. C’étaitla première chaîne que j’allumais et je m’adaptaisà ce qui y passait ». Ce concept de « chaîne derepli » ou de « chaîne par défaut » revient souvent<strong>dans</strong> <strong>les</strong> entretiens avec des <strong>enfants</strong>. À l’instarde ce qui a été dit <strong>dans</strong> le groupe de discussiondes ado<strong>les</strong>cents torontois, <strong>les</strong> jeunes Calgarienspensent que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> s’en tiennent à une oudeux « solutions de repli » :Quand on est petit, on explore pasvraiment <strong>les</strong> chaînes disponib<strong>les</strong>. On secontente de trouver une station avec unprogramme qu’on aime et on la regarde.C’est seulement en grandissant qu’on semet à explorer l’ensemble des stationsproposées.Autre observation d’intérêt, la notion de« programmes pour garçons » et « programmespour fil<strong>les</strong> » a souvent été mentionnée <strong>dans</strong> <strong>les</strong>groupes de discussion d’ados précédents en tantque facteur important et décisif <strong>dans</strong> la sélectiondes contenus à regarder. Il est à noter que cettedifférentiation entre émissions pour fil<strong>les</strong> ougarçons est sur<strong>tout</strong> une observation à posteriorides ado<strong>les</strong>cents, maintenant qu’ils réfléchissentaux programmes qu’ils suivaient plus jeunes.Les chercheurs n’ont pas constaté que <strong>les</strong> 9-12ans faisaient eux-mêmes cette distinction. Autrepoint à rapporter, quand on leur demande s’ilsse rappellent de la grille de programmationde leur station préférée, <strong>les</strong> ado<strong>les</strong>cents sontcapab<strong>les</strong> de donner sans difficulté des séquencesde programmes. Ainsi, une participante de 15ans établit la liste suivante : « Hannah Montana,La vie de palace de Zack et Cody, Derek, Phil dufutur – pas mal, non ? ». Cela illustre combien lanotion de « chaîne de repli » est présente chez <strong>les</strong><strong>enfants</strong>. Ils suivent <strong>tout</strong> ce que celle-ci diffuse.Ainsi, même si <strong>les</strong> programmes mentionnés parcette ado<strong>les</strong>cente ne figuraient pas tous parmi sesprogrammes favoris, elle continuait de <strong>les</strong> regarderet peut encore aujourd’hui <strong>les</strong> énumérer <strong>dans</strong>leur ordre de programmation. Sa routine d’alorsconsistait à regarder fidèlement Family Channel<strong>les</strong> jours de semaine.L’activité finale du groupe de discussion invite<strong>les</strong> participants à collaborer au développementd’un nouveau programme de télévision pour<strong>les</strong> <strong>enfants</strong> de 9 à 12 ans. Ils ont en l’occurrence93


94décidé de créer un dessin animé basé sur <strong>les</strong>interactions et <strong>les</strong> tribulations d’un groupe d’amisado<strong>les</strong>cents. Les participants soulignent l’importanced’avoir des personnages ado<strong>les</strong>cents et nondes préado<strong>les</strong>cents, puisque c’était là ce qu’ilsregardaient plus jeunes (Hannah Montana avait16 ans quand ils en avaient 10). Un ado<strong>les</strong>cent dugroupe relève : « Si quelqu’un regarde une sérieavec un personnage de 10 ans, il va se dire quec’est destiné à des personnes plus jeunes que lui ».<strong>Et</strong> l’autre ado<strong>les</strong>cente de renchérir : « Regarderune série <strong>dans</strong> laquelle ils ont le même âge quevous, c’est un peu comme se prendre une claque<strong>dans</strong> le visage ». Vient ensuite la question du lieuoù situer l’histoire. Les quatre ados suggèrent desvil<strong>les</strong> des États-Unis tel<strong>les</strong> que Los Ange<strong>les</strong> ouMiami. L’idée d’établir leur intrigue quelque partau <strong>Canada</strong> ne semble convaincre personne. Uneparticipante fournit l’explication qui suit :Je ne pense pas que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> canadienss’en préoccupent. La majorité de nos programmesviennent des États-Unis de <strong>tout</strong>efaçon. On est en quelque sorte habitué àêtre laissé pour compte. C’est pourquoi çadevrait se passer <strong>dans</strong> une ville américaine.Le scénario finalement retenu est le suivant :des ado<strong>les</strong>cents sont obligés de venir travailler<strong>dans</strong> un complexe de vacances en guise depunition pour avoir monté un canular. Un juge<strong>les</strong> condamne à compléter un certain nombred’heures de travaux d’intérêt général sur le site ducomplexe. Chaque épisode suivra le groupe alorsque leur punition prend effet, puis tandis qu’ilsdécident de faire une nouvelle farce au juge avantque ce dernier n’alourdisse leur sentence. La sérieaura pour titre « Les trouble-fête ».Réflexions fina<strong>les</strong>Après avoir analysé <strong>les</strong> témoignages des famil<strong>les</strong>calgariennes portant sur leurs habitudes télévisuel<strong>les</strong>et médiatiques en général, l’équipe derecherche en est arrivée à formuler certainesobservations. Tout d’abord, on retrouve <strong>dans</strong> l’attitudedes foyers interrogés à Calgary un peu dela culture politique conservatrice de l’Alberta. Cetrait se manifeste plus précisément <strong>dans</strong> l’importanceque <strong>les</strong> parents accordent au temps passéen famille (ainsi que <strong>dans</strong> la pratique soutenue ducovisionnement parental en comparaison de celuirelevé <strong>dans</strong> d’autres vil<strong>les</strong> de l’est du pays), ainsique <strong>dans</strong> l’intervention et le contrôle des parentsplus stricts sur la télévision et Internet.La pratique du covisionnement assure auxparents une connaissance plus étendue destypes d’émissions que leurs <strong>enfants</strong> regardentfréquemment. Cette connaissance touche <strong>les</strong>intrigues des programmes, <strong>les</strong> personnages et<strong>les</strong> contenus. Elle résulte de ce que l’on appellele covisionnement actif, soit l’inclination desparents à prendre le temps de regarder, avecleurs <strong>enfants</strong>, <strong>les</strong> programmes favoris de cesderniers. Bien que cette pratique ne soit pas aussipoussée à Calgary qu’à St. John’s, elle est plusprésente que <strong>dans</strong> d’autres régions. Il est à noterque <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> de Calgary et leurs parents sesoucient peu du temps qu’ils passent devant latélévision. En cause, le fait qu’ils sont impliqués<strong>dans</strong> diverses occupations qui, comme leurs nombreusesactivités de plein air, priment sur leurtemps d’écoute. La télévision est vue comme uneactivité secondaire, dont le but est de divertir etde remplir <strong>les</strong> moments d’oisiveté du quotidien.Une dernière observation concerne la popularitécroissante du magnétoscope numérique (PVR) etde Netflix <strong>dans</strong> cette province de l’Ouest. Cettetendance semble plus présente <strong>dans</strong> leur routinetélévisuelle quotidienne que <strong>dans</strong> l’est du pays.Le chapitre suivant conclura cet examen deshabitudes médiatiques de la jeunesse canadienne.Il nous conduira <strong>dans</strong> la région la plus à l’ouestvisée par l’étude : Vancouver, en Colombie-Britannique,qui offre à l’étude une perspective uniqueet très intéressante.


95Analyse régionale deVancouver, BC


96IntroductionVancouver, en Colombie-Britannique, représenteà la fois l’ultime arrêt et la ville la plus à l’ouest decette étude pancanadienne. Avec une populationavoisinant <strong>les</strong> 2,3 millions d’habitants, Vancouveret sa proche banlieue constituent l’agglomérationla plus densément peuplée de l’Ouest du <strong>Canada</strong>et la troisième plus grosse du pays. Les individusqui ont participé à l’étude <strong>dans</strong> cette régionsont issus de la classe moyenne ou moyennesupérieure. Les famil<strong>les</strong> interrogées vivent <strong>dans</strong>des quartiers distincts du Grand Vancouver. Leurrevenu annuel se situe entre 65 000 $ et 125 000$ ou plus. Les parents ont tous plus de 40 anset occupent des postes à temps plein ou partiel<strong>dans</strong> des occupations variées, d’organisateur devoyages à arboriculteur en passant par professeurd’anglais langue seconde et constructeur dekayaks. La plupart d’entre eux sont titulaires d’undiplôme universitaire. Chaque famille compteau moins deux <strong>enfants</strong> appartenant à la tranched’âge cible (entre 9 et 12 ans) et tous sont nés au<strong>Canada</strong>.La section consacrée à Vancouver reprend lastructure des quatre chapitres précédents. El<strong>les</strong>’emploiera d’abord à dresser le portrait de la famillevancouvéroise type, eu égard aux pratiquestélévisuel<strong>les</strong> quotidiennes et à la consommationmédiatique générale de <strong>tout</strong>es <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> consultées<strong>dans</strong> la région. Par la suite seront abordés <strong>les</strong>thèmes principaux qui se dégagent de l’analysedes données récoltées. Ces thèmes sont pourcertains propres à Vancouver et pour d’autrescommuns à l’ensemble des régions canadiennes.Comme toujours, <strong>les</strong> noms des famil<strong>les</strong> ont étémodifiés pour assurer leur anonymat et la confidentialitéde leurs réponses.Les JohnsonCette famille de la classe moyenne, composéede quatre personnes, réside <strong>dans</strong> une maisonmitoyenne située à l’extrême ouest du centrevillede Vancouver. Le père, Tom, est travailleurautonome à temps plein <strong>dans</strong> le marketing et lapublicité sur Internet. La mère, Meagan, occupeun poste administratif à l’Université de la Colombie-Britannique.Les deux parents ont dépassé 40ans depuis peu et l’un d’eux a complété l’équivalentd’une formation universitaire. Ensemble, ilsont eu 2 fil<strong>les</strong> : Adrienne, 12 ans, très brillante etpleine d’entrain, et Dakota, 9 ans, curieuse et songeuse.Parents comme <strong>enfants</strong> sont nés au <strong>Canada</strong>.L’entretien a pris place <strong>dans</strong> le salon, non loinde la grande télévision HD. Les quatre membresde la famille ont décrit avec enthousiasme leursroutines médiatiques aux chercheurs.Une journée typique chez <strong>les</strong> Johnson débutepar le lever et la préparation de <strong>tout</strong>e la famille,<strong>les</strong> uns pour aller travailler, <strong>les</strong> autres pour allerà l’école. Ils ont érigé en règle collective quepersonne ne regarde la télévision <strong>les</strong> matins ensemaine, car cela s’avère une distraction trop importantepour <strong>les</strong> fil<strong>les</strong>, ralentissant leur routinedu matin. Une fois que cel<strong>les</strong>-ci sont rentrées del’école, el<strong>les</strong> sont autorisées à allumer le téléviseurmais leurs parents <strong>les</strong> encouragent à finir leursdevoirs avant. Les soupers ont habituellementlieu devant la télévision, puisque parents et <strong>enfants</strong>enregistrent leurs programmes favoris surleur magnétoscope numérique. Ainsi, <strong>les</strong> repassont l’occasion de se retrouver et de regarderensemble des émissions qu’ils apprécient tous,tel<strong>les</strong> que Du talent à revendre et X-Factor l’été etdes comédies grand public l’hiver, ainsi que d’occasionnelsépisodes de Bob l’éponge à la demandede Dakota. Les soirées se passent d’ordinaire enfamille. Après le souper, tous se rejoignent <strong>dans</strong>le salon pour regarder des programmes sportifsou grand public, <strong>les</strong>quels ont presque toujoursété enregistrés au préalable. Puisqu’il n’y a quedeux téléviseurs au domicile (un poste principal<strong>dans</strong> le salon et un autre <strong>dans</strong> la chambre desparents – il y en a également un <strong>dans</strong> la chambrede Dakota mais il a récemment été déconnecté),


la majorité de leur consommation télévisuelle alieu en famille.Les fins de semaine, Dakota se lève avant<strong>les</strong> autres et suit <strong>dans</strong> la pièce principale sesprogrammes favoris, dont Bob l’éponge et LesSorciers de Waverly Place. Adrienne, habituellementla suivante à se lever, se passe un DVD deses émissions favorites (des comédies de situationgrand public tel<strong>les</strong> que The Office ou The Big BangTheory) sur l’ordinateur. Elle trouve aujourd’hui<strong>les</strong> séries de Dakota « trop puéri<strong>les</strong> ». Cela dit, elleadmet avoir encore du plaisir à voir des épisodesde Tes désirs sont désordres, iCarly et Victoriousparce qu’ils sont « drô<strong>les</strong> » et qu’ils la rendent« heureuse ». La famille consacre le reste de sessamedis et dimanches à faire des courses et àmener des activités à l’extérieur. Les dimanchessoir sont en revanche réservés au visionnementde films en famille.Les parents estiment que <strong>les</strong> programmesinnocents étaient plus nombreux du tempsde leur enfance mais ne rejettent pas pourautant <strong>les</strong> productions jeunesse actuel<strong>les</strong>. Tousdeux admettent ne pas regarder beaucoup deprogrammes pour enfant avec leurs fil<strong>les</strong>, àl’exception de séries comme iCarly et Les Sorciersde Waverly Place. Toutefois, ils ont l’impressionque la télévision jeunesse est plus divertissanteet mieux produite que par le passé. Ils préfèrent<strong>les</strong> programmes qui dépeignent des personnagesféminins indépendants et à la personnalité forte,<strong>les</strong>quels peuvent être un exemple à suivre pourleurs fil<strong>les</strong>. Cette question sera abordée plus endétail ultérieurement <strong>dans</strong> ce chapitre.Habitudesmédiatiques àVancouverIl apparaît que <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> de Vancouver regardenten moyenne moins souvent la télévisionque leurs homologues de l’Est du <strong>Canada</strong>. Lescinq famil<strong>les</strong> consultées rapportent que leurs<strong>enfants</strong> consomment près de 10 heures (ou plus)de télévision par semaine. À l’instar de ce qui aété vu à Calgary, la télévision ne semble pas figurer<strong>dans</strong> <strong>les</strong> premiers rangs des activités que <strong>les</strong><strong>enfants</strong> pratiquent quotidiennement. Beaucoupde jeunes interrogés évoquent plutôt <strong>les</strong> jeux enplein air, un passe-temps qu’ils sont à même deconserver <strong>tout</strong>e l’année en raison des hivers douxde la côte Ouest. Il est à souligner <strong>tout</strong>efois queces jeux à l’extérieur ne sont pas aussi répandusqu’à St. John’s. D’autres <strong>enfants</strong> indiquent êtreimpliqués <strong>dans</strong> des activités extrascolaires etsportives, tandis que certains évoquent simplementleurs passions chronophages, commecette fille de 12 ans qui aime cuisiner et fairedes gâteaux. De plus, presque aucun enfant nerapporte regarder la télévision ou des films quandil est chez des amis.Cela dit, il est indéniable que ces <strong>enfants</strong> passentun nombre d’heures relativement conséquentdevant la télévision et qu’ils apprécient ce qu’ilsy voient. Les foyers <strong>dans</strong> <strong>les</strong>quels <strong>les</strong> chercheursse sont rendus possèdent en moyenne 3,2téléviseurs. Pourtant, seulement 1 enfant sur3 possède un poste <strong>dans</strong> sa propre chambre,lequel n’est jamais connecté au câble. Il n’est doncutilisé que pour regarder des DVD. Par ailleurs,3 famil<strong>les</strong> sur 5 disposent d’un magnétoscopenumérique (PVR) et y ont recours régulièrementpour visionner leurs programmes en décalageet éviter <strong>les</strong> pauses publicitaires. Tandis que 2famil<strong>les</strong> n’ont recours qu’au service de câble debase, 3 sur 5 ont souscrit à la télévision par satelliteHD Telus ou au câble numérique HD, <strong>les</strong>quelsleur apportent satisfaction car ils donnent laliberté de sélectionner certaines stations et de sedé<strong>les</strong>ter d’autres.Pour ce qui est des autres médias, <strong>les</strong> chercheursont constaté une moyenne de 2 ordinateurs parfoyer, ce qui implique que <strong>les</strong> membres d’unemême famille en partage souvent l’usage. Parmi<strong>les</strong> <strong>enfants</strong> interrogés, 2 sur 10 ont actuellementun compte Facebook actif. Il est d’ailleurs à noterque <strong>les</strong> deux <strong>enfants</strong> en question ont 12 ans.Concernant <strong>les</strong> autres équipements électroniques,seul 1 enfant sur 5 dispose d’un téléphone cellu-97


98laire (lequel est un téléphone intelligent) et 4 sur5 d’entre eux ont leur propre iPod. Les foyers deVancouver présentent le nombre de conso<strong>les</strong> dejeux vidéo (Wii, Xbox, DSi, etc.) le plus bas, avecune moyenne de 2,2 systèmes de jeux par foyer.Ce chiffre prend <strong>tout</strong>e sa mesure quand on lecompare à celui relevé à Toronto, où la moyenneavoisine le double.Du point de vuede la familleL’analyse des données collectées au cours des cinqentretiens familiaux et des quatre groupes dediscussion conduits à Vancouver en septembre2011 ont fait émerger quelques tendances intéressantes.Certaines font écho aux observationsdéjà relevées <strong>dans</strong> d’autres régions du <strong>Canada</strong>,tandis que d’autres sont propres à la région deVancouver. Les paragraphes ci-dessous proposentun compte rendu détaillé de ces thèmes, étoffépar des exemp<strong>les</strong> concis, des citations et des observationsdes membres de l’équipe de recherche.« C’est la Left Coast »À l’instar de ce qui a été constaté à Calgary,l’attitude des Vancouvérois envers la télévisionest différente de celle observée <strong>dans</strong> <strong>les</strong> provincesde l’Est. Bien qu’elle joue un rôle important <strong>dans</strong>le quotidien de ces famil<strong>les</strong>, ces dernières luiaccordent moins d’importance et y ont moins recoursqu’à Toronto ou à St. John’s. Cela ne signifiepas pour autant que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> n’aiment pas laregarder — tous font mention de programmes favorisqu’ils prennent plaisir à suivre. La différenceporte sur<strong>tout</strong> sur l’approche de la consommationtélévisuelle qu’ont <strong>les</strong> parents et leurs <strong>enfants</strong>. Laroutine de la jeune fille des Anderson, 12 ans, enest une bonne illustration :Je ne regarde pas très souvent la télévision.Je préfère l’art. Je ne la regarde pas le matinparce que j’ai l’école. Je la regarde peutêtreà cette heure-ci de la journée, peut-être3 fois par semaine après l’école et en soirée.On voit parfois des films le vendredi soir.<strong>Et</strong> <strong>les</strong> fins de semaine, je ne l’allume pasbeaucoup parce que je suis occupée avec mesautres activités.Bien que cet exemple soit un peu plus extrêmeque la moyenne, la plupart des <strong>enfants</strong> interrogésont effectivement rapporté aux chercheurs qu’ilspassaient chaque semaine plusieurs heures àjouer dehors et à honorer d’autres occupations. <strong>Et</strong>si <strong>les</strong> jeunes Vancouvérois ne sont pas aussi impliqués<strong>dans</strong> des activités extrascolaires que leurspairs de Calgary, ils ont trouvé d’autres moyensd’occuper leur temps aux dépens de la télévisionet des nouvel<strong>les</strong> technologies. Les fils de la familleWhite, 10 et 12 ans, ne regardent par exemplequ’environ une heure de télévision par soir. Ilsconsacrent le reste de leur temps libre à jouer auLego, à s’amuser <strong>dans</strong> leur cour arrière ou à lire.Fait intéressant, <strong>dans</strong> trois des famil<strong>les</strong> interrogées,<strong>les</strong> parents admettent être plus permissifspour la consommation télévisuelle de leurs<strong>enfants</strong> que beaucoup de leurs amis. Ils attribuentcela à l’attitude « Left Coast » , qui reflète grandementselon eux la culture de la côte Ouest. Ainsi,<strong>les</strong> Johnson déclarent :Nous avons beaucoup d’amis de gauche quine croient pas en la télévision. Certainsn’ont pas le câble, voire même pas la télévision...C’est la Left Coast.Les Anderson font également écho à ce point devue :La plupart des parents que nous connaissonssont beaucoup plus stricts que noussur l’usage de la télévision, d’Internet et del’ordinateur. Nous sommes probablementplus permissifs que la plupart des parents.Nous sommes vraisemblablement plusdétendus sur ce sujet. Mais ça ne vaut quepour notre groupe d’amis.Même chez <strong>les</strong> Davies, la mère évoque cettesituation : « Mes <strong>enfants</strong> regardent beaucoup plusla télévision que leurs amis ».


Les chercheurs en ont donc conclu que <strong>les</strong>famil<strong>les</strong> de Vancouver privilégient sur<strong>tout</strong> unmode de vie aux multip<strong>les</strong> facettes <strong>dans</strong> lequel latélévision figure sans être prédominante. La mèredes Anderson croit savoir pourquoi la plupartdes <strong>enfants</strong> à Vancouver, au moins <strong>les</strong> pairs deses <strong>enfants</strong> dont elle a pu observer l’attitudedirectement, regardent <strong>dans</strong> l’ensemble moins latélévision :Je crois qu’il y a <strong>dans</strong> leur école une cultureévidente qui favorise <strong>les</strong> jeux à l’extérieuraux dépens de la télévision. Sans compterque parents comme <strong>enfants</strong> sont tous impliqués<strong>dans</strong> un grand nombre d’activités.Presque trop. Au point de ne presque plusavoir de temps libre. Il n’y a pas de place<strong>dans</strong> leur emploi du temps pour regarderla télévision pendant des heures. Non.Beaucoup d’entre eux ont des pratiques desoccer, de natation, de patinage... Pleind’<strong>enfants</strong> font du soccer et du hockey. Avecla même routine des matches <strong>tout</strong>es <strong>les</strong> finsde semaine. C’est délirant.Bien que la consommation télévisuelle de ces famil<strong>les</strong>soit moindre que celle de leurs homologuesde la côte Est, elle reste un élément important deleur existence. Il sera vu ultérieurement que parentset <strong>enfants</strong> ont beaucoup à dire sur le sujet.« Je pense qu’ilsretirent quelquechose desprogrammes qu’onregarde en famille »Concernant l’écoute en famille, <strong>les</strong> parentsinterrogés admettent passer un certain nombred’heures devant la télévision avec leurs <strong>enfants</strong>,beaucoup plus qu’à Toronto ou Montréal. Cela dit,ils regardent <strong>dans</strong> l’ensemble moins la télévisionque leurs homologues de l’Est, ce qui doit égalementêtre pris en considération. En se fondantsur l’analyse des données, on peut dire que globalement,<strong>les</strong> famil<strong>les</strong> de Vancouver consacrentau covisionnement en famille quelques soiréesen semaine ainsi qu’une partie de leurs finsde semaine. Les soirées sont dédiées à desprogrammes familiaux, parfois des émissionsjeunesse que parents et <strong>enfants</strong> prennent plaisirà regarder, mais plus généralement des émissionsgrand public. Les soirées de fin de semaine sontprincipalement réservées à des films.Les Johnson passent un temps considérabledevant la télévision en famille, en particulier<strong>les</strong> soirées. Ce fait ressort avec évidence <strong>dans</strong> ladescription qu’ils font de leurs séances d’écoutecollective. Quand ils rapportent leur routine télévisuelletype, tous parlent à la première personnedu pluriel et font référence au « programme favoride la famille » pour qualifier <strong>les</strong> émissions qu’ilsregardent le soir. Il semble qu’ils aient identifiédes programmes que tous aiment regarder. Ilssoupent fréquemment <strong>dans</strong> le salon devant desémissions qu’ils auront préalablement enregistrées:MèreF12MèreL’été, on est des gros fans de programmesqui dévoilent <strong>les</strong> talents desparticipants.Comme Du talent à revendre.Du talent à revendre, X-Factor et <strong>dans</strong>une moindre mesure So You Think YouCan Dance. On préfère cel<strong>les</strong> qui sontbien tournées. On a regardé beaucoup deces émissions en famille cet été.INT <strong>Et</strong> en hiver ou à l’automne ?PèreOn regarde <strong>les</strong> nouvel<strong>les</strong> séries, <strong>les</strong>comédies. Mais à l’automne et en hiver,on regarde sur<strong>tout</strong> le hockey et <strong>les</strong>émissions d’actualités. Les comédies, cesera avec <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>.Ils regarderont également ensemble quelques programmescréés spécifiquement pour <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>.Le père, par exemple, ne voit pas d’inconvénientà suivre Bob l’éponge avec sa cadette de 9 ans et99


100apprécie particulièrement iCarly :Je n’ai aucun problème à regarder iCarly.C’est divertissant, c’est amusant. Ça, je leregarde volontiers avec el<strong>les</strong>.Chez <strong>les</strong> Walker, la mère ne compte pas ses heurespour covisionner <strong>les</strong> programmes de ses trois<strong>enfants</strong>, principalement des dessins animés.Leur cas est <strong>tout</strong>efois assez unique. Les Walkeront trois <strong>enfants</strong> âgés entre 12 et 9 ans. Le plusvieux est autiste tandis que le second présentedes troub<strong>les</strong> d’apprentissage sévères, ce qui rendle contexte familial très exigeant pour <strong>les</strong> parents.La mère explique aux chercheurs que la télévisionconstitue un excellent moyen de <strong>les</strong> calmer et demaintenir leur attention, pour autant qu’ils regardentdes dessins animés non violents. De plus,elle a relevé que sa simple présence à leurs côtésaugmente <strong>les</strong> effets positifs. Cela l’aide à calmerses <strong>enfants</strong> et à <strong>les</strong> surveiller.Il ressort très clairement des entretiens conduitsà Vancouver que <strong>les</strong> parents ont recours à latélévision et plus spécifiquement à certainsprogrammes pour se rapprocher de leurs <strong>enfants</strong>.À maintes reprises au cours de ces entretiens, <strong>les</strong>chercheurs ont relevé qu’un parent et un enfantmentionnaient des émissions que tous <strong>les</strong> deuxaimaient regarder en des termes parfois chargésd’émotion. Cela montre bien que plus qu’unintérêt commun, ces émissions spécifiques représententun temps qu’ils peuvent passer ensemble,chacun appréciant la compagnie de l’autre.Les parents des Anderson aiment par exempleassister avec leurs <strong>enfants</strong> aux épisodes desSimpson et de Futurama. D’abord parce qu’ilssont eux-mêmes friands de ces dessins animés,ensuite parce qu’ils estiment qu’en accompagnantleurs <strong>enfants</strong>, ils sont à même de leur expliquer<strong>les</strong> plaisanteries diffici<strong>les</strong> à saisir et <strong>les</strong> référencesculturel<strong>les</strong> cachées, et ainsi faire en sorte qu’ilsapprennent quelque chose de ces programmes.Les parents des Anderson insistent égalementpour que leurs <strong>enfants</strong> regardent avec euxquotidiennement <strong>les</strong> bulletins de nouvel<strong>les</strong> parcequ’il est important selon eux que leurs <strong>enfants</strong>comprennent ce qui se passe <strong>dans</strong> le mondeen dehors de leur propre existence. Comme lerapporte le père, « Je pense qu’ils retirent quelquechose des programmes qu’on regarde en famille ».Il explique en outre que voir ses <strong>enfants</strong> avoirdu plaisir à regarder un des programmes qu’ilaime personnellement est une grande source desatisfaction : « C’est chouette de pouvoir partagerça et rire tous ensemble ».Fait intéressant, chez <strong>les</strong> Davies et <strong>les</strong> White, <strong>les</strong>mères reconnaissent ne pas regarder beaucoupla télévision. Ce sont donc <strong>les</strong> pères qui covisionnentavec leurs <strong>enfants</strong>. <strong>Et</strong> le hasard fait que<strong>les</strong> pères de ces deux famil<strong>les</strong> aiment regarder <strong>les</strong>programmes sportifs et la série de science-fictionbritannique Dr. Who avec leurs <strong>enfants</strong>. Enconséquence, pères et <strong>enfants</strong> évoquent avecaffection l’intérêt qu’ils partagent pour cettesérie en particulier et le temps qu’ils passentensemble devant la télévision. Chez <strong>les</strong> Johnson,le père explique non sans fierté que lui et safille de 12 ans se retrouvent souvent devant <strong>les</strong>mêmes émissions : « Elle et moi avons des goûtssimilaires. Elle va regarder le hockey, The Officeet d’autres choses de ce genre avec moi ». Dansle groupe de discussion, un père a dit partageravec sa fille un lien de même nature, comme ill’explique <strong>dans</strong> l’extrait qui suit :INT Vous souriez. À quoi pensez-vous ?Père2INTPère2Je réfléchis à ma réponse. Je supposeque ça ne me gêne pas que ma fille regardeThe Office. C’est ce qu’elle fait. Elleen enregistre <strong>les</strong> épisodes par groupes de20.C’est une série que vous lui recommandez?Je n’y vois pas d’inconvénient. J’aime uncertain humour noir. <strong>Et</strong> je crois que mafille l’apprécie aussi. C’est une chose surlaquelle nous nous retrouvons.Une autre mère présente <strong>dans</strong> le groupe de discussionraconte qu’elle partage avec ses <strong>enfants</strong><strong>les</strong> séries préférées de son enfance, en particulierDegrassi. Voir ses <strong>enfants</strong> apprécier <strong>les</strong> mêmes


programmes qu’elle lui apporte une grandesatisfaction :Il y a deux séries que j’adorais quand j’étaispetite, Degrassi Junior High et DegrassiHigh. C’était mes séries favorites et j’aimeencore <strong>les</strong> regarder aujourd’hui. J’ai lecoffret. Ce qui est drôle, c’est que mes<strong>enfants</strong> l’aiment aussi. C’est amusant de laregarder avec eux. J’appréciais vraiment cesséries à leur âge alors c’est super de <strong>les</strong> voirprendre autant de plaisir.Le fait pour des parents de revoir avec leurs<strong>enfants</strong> des épisodes des séries préférées de leurjeunesse est une tendance que <strong>les</strong> chercheursont constatée <strong>dans</strong> <strong>les</strong> cinq régions du pays oùils se sont arrêtés. Selon eux, il s’agit là d’unemanière agréable pour <strong>les</strong> parents d’évoquerune partie de leur passé avec leurs <strong>enfants</strong>. C’estaussi un moyen d’identifier un intérêt commun,puisque la plupart des parents n’apprécient pas<strong>les</strong> programmes jeunesse actuels et peinent à s’yintéresser.Les émissions pour <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> parents et <strong>enfants</strong>manifestent un engouement commun sontessentiellement des programmes pour adultes oule grand public. Néanmoins, <strong>les</strong> chercheurs ontremarqué que <strong>les</strong> parents interrogés pratiquaientactivement le visionnement des programmesjeunesse. Pour synthétiser, le visionnement actifd’un programme se distingue clairement de lasimple conscience d’écoute en ce que <strong>les</strong> parentssont capab<strong>les</strong> de discuter des émissions que leurs<strong>enfants</strong> regardent, démontrant ainsi le niveauauquel ils prêtent une attention active aux programmeset au contenu présenté. Lorsque des parentsont conscience de l’écoute de leurs <strong>enfants</strong>,ils sont en mesure de nommer le programmesuivi, et peut-être un ou deux personnages. S’ily a visionnement actif, ils peuvent nommer <strong>les</strong>personnages et livrer <strong>les</strong> intrigues, voire décriresans difficulté le scénario des derniers épisodes.Même si quelques parents à Vancouver ne sontpas conquis par <strong>les</strong> programmes produits actuellementà l’intention des 9-12 ans, ils démontrentà travers leurs témoignages qu’ils ont activementsuivi <strong>les</strong> programmes que leurs <strong>enfants</strong> écoutentet qu’ils ont passé du temps à évaluer si ouiou non ces programmes étaient appropriés.L’exemple qui suit l’illustre bien. Le père desAnderson évoque avec facilité <strong>les</strong> programmespréférés de son fils, Phineas et Ferb ainsi que LesZybrides (un dessin animé canadien diffusé surTeletoon) :Les Zybrides est une très bonne série. Undes acteurs est un ancien de Kids in theHall. C’est très drôle. Ce sont tous desmutants génétiques qui ont été créés <strong>dans</strong>un laboratoire. Ils vivent sur cette île. C’estdélirant... Phineas et Ferb est une sériebien écrite et drôle, avec de bons acteurs quiprêtent leur voix.Ces cas de visionnement actif transparaissentégalement <strong>dans</strong> la décision de nombreux parentsinterrogés à Vancouver de se désabonner decertaines chaînes spécialisées, au motif qu’ilsn’aiment pas <strong>les</strong> programmes diffusés. En prenantle temps de rejoindre leurs <strong>enfants</strong> devantla télévision et de suivre <strong>les</strong> mêmes programmesqu’eux, ils ont été en mesure de juger du contenuet de prendre la décision avisée de rejeter ce quiétait proposé à leurs <strong>enfants</strong>. Ce sujet sera abordéplus en détail ultérieurement <strong>dans</strong> ce chapitre.« J’enregistre<strong>tout</strong> pour pouvoiraccélérer au momentdes publicités »Autre tendance typique de la côte Ouest et déjàobservée à Calgary, l’usage du magnétoscopenumérique ou PVR et ses effets sur la consommationmédiatique des famil<strong>les</strong>. À Vancouver,3 des 5 famil<strong>les</strong> qui ont accueilli <strong>les</strong> chercheurschez el<strong>les</strong> et 3 autres parmi <strong>les</strong> 5 participantaux groupes de discussion possèdent un PVRqu’el<strong>les</strong> utilisent fréquemment. El<strong>les</strong> semblenttrouver trois avantages principaux à regarder des101


102programmes préenregistrés : premièrement, laliberté de regarder une émission n’importe quandet à n’importe quelle heure de la journée. Avec ledécalage horaire, el<strong>les</strong> sont capab<strong>les</strong> d’enregistrerdes émissions plus tôt et de <strong>les</strong> regarder enavance. Par exemple, <strong>les</strong> Johnson enregistrentde nouveaux épisodes de The Office ou The BigBang Theory quand ils sont diffusés plus tôt enOntario, puis ils <strong>les</strong> regardent avant leur diffusionà l’heure de l’Ouest, à leur convenance, habituellementpendant <strong>les</strong> repas. <strong>Et</strong> réciproquement,le PVR permet aux parents de regarder leursprogrammes pour adultes en général après que <strong>les</strong><strong>enfants</strong> soient couchés.Deuxièmement, grâce au PVR, <strong>les</strong> famil<strong>les</strong>peuvent conserver un certain nombre d’épisodesenregistrés. Parents et <strong>enfants</strong> ont donc accès àleurs programmes favoris et peuvent en revoir <strong>les</strong>épisodes quand la programmation du momentne <strong>les</strong> satisfait pas. Ainsi, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> des Daviesse repassent souvent <strong>les</strong> fins de semaine des épisodesde leurs programmes favoris s’il n’y a riende plus intéressant à la télévision.Troisièmement, <strong>les</strong> parents aiment pouvoir accélérerla lecture de leur enregistrement pendant <strong>les</strong>pauses publicitaires — ils échappent aux publicitéset sauvent du temps puisque <strong>les</strong> programmessont alors plus courts.« Ils sont attiréspar <strong>les</strong> émissionsintéressantes,intelligentes et quine <strong>les</strong> prennent paspour des imbéci<strong>les</strong> »Comme cela a été vu <strong>dans</strong> le paragraphe surle covisionnement, la plupart des parentsde Vancouver suivent activement <strong>les</strong> sériestélévisées favorites de leurs <strong>enfants</strong>. Ils sontainsi capab<strong>les</strong> de <strong>les</strong> commenter et de poser unregard critique sur ces programmes jeunesse.C’est donc volontiers que <strong>les</strong> parents interrogésont livré leurs opinions, tantôt élogieuses tantôtréprobatrices, sur <strong>les</strong> émissions que suivent leurs<strong>enfants</strong>. Fait intéressant, bien que <strong>les</strong> « meilleursprogrammes » que <strong>les</strong> parents préconisent pourleurs <strong>enfants</strong> varient d’une famille à l’autre,tous s’accordent sur <strong>les</strong> « pires émissions ». Lesraisons invoquées sont d’ailleurs exactement <strong>les</strong>mêmes. Le paragraphe suivant s’attardera sur <strong>les</strong>programmes que <strong>les</strong> parents considèrent comme<strong>les</strong> meilleurs pour leurs <strong>enfants</strong> de 9-12 ans.Les Anderson ont une idée très précise desprogrammes que leurs <strong>enfants</strong> regardent etexpriment aisément leurs points de vue. Le pèreest un travailleur indépendant qui œuvre en tantque organisateur de voyages opérateur de guidestouristiques. Il a par le passé étudié le cinéma etest critique à propos des émissions pour <strong>enfants</strong>.Il recherche spécifiquement des scénarios intelligentset des personnages étoffés. Il lui arrivede juger sévèrement <strong>les</strong> créations actuel<strong>les</strong> maisn’est pas avare de louanges quand il sent que <strong>les</strong>producteurs ont fait un bon travail. Selon lui etsa femme, <strong>les</strong> meilleurs programmes pour leurs<strong>enfants</strong> sont Les Simpson, Phineas et Ferb, Foster,la maison des amis imaginaires, L’Île des défisextrêmes et Les Zybrides (<strong>les</strong> deux derniers étantdes productions animées canadiennes). Ils reconnaissenttous <strong>les</strong> deux que Les Simpson ne sontpas un programme pour <strong>enfants</strong>. Néanmoins,ils estiment que <strong>les</strong> connaissances véhiculéeset le plaisir que leurs <strong>enfants</strong> en tirent font decette série un candidat de premier ordre. Quantà Phineas et Ferb, ils livrent leur opinion <strong>dans</strong>l’extrait qui suit :PèreMèrePèreIls sont attirés par <strong>les</strong> émissionsintéressantes, intelligentes et qui ne <strong>les</strong>prennent pas pour des imbéci<strong>les</strong>. C’est làla qualité première de Phineas et Ferb etFoster, la maison des amis imaginaires.Si je devais n’en citer qu’un, ce seraitPhineas et Ferb.C’est un programme intelligent.


MèrePour ceux qui veulent retenir des leçonsde vie, voilà des personnages qui <strong>les</strong>transmettent avec humour. La grandesœur coincée essaie toujours de leurfaire la morale. Sans oublier leur manièrede traiter avec leurs frères et sœurset leurs parents. <strong>Et</strong> puis ça se terminetoujours bien. C’est un peu comme TheAesop Fab<strong>les</strong>, mais <strong>dans</strong> une versionmoderne et amusante. C’est parfait pourintéresser <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> <strong>tout</strong> en proposantquelque chose d’acceptable aux parentsqui seront satisfaits que cela dépasse <strong>les</strong>imple divertissement.Le père poursuit en expliquant pourquoi il trouveimportant que ses <strong>enfants</strong> regardent des programmesbien écrits et intéressants :Le fait est qu’ils vivent <strong>dans</strong> une familleassez interactive où il se passe beaucoupde choses. Alors quand ils regardent latélévision, ils recherchent quelque chose quisatisfasse aussi cet aspect-là et qui susciteleur intérêt.Pour la mère des Walker, <strong>les</strong> seuls programmesappropriés pour ses <strong>enfants</strong> sont <strong>les</strong> dessins animésnon violents comme Les Calinours, Garfieldet Berenstain Bears. Ces productions ne figurenthabituellement pas parmi cel<strong>les</strong> que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>de Vancouver préfèrent et el<strong>les</strong> s’adressentd’ordinaire à un public beaucoup plus jeune.Néanmoins, <strong>dans</strong> la situation familiale spécifiquedes Walker, regarder ces dessins animés est aussiessentiel que bienvenu. La mère explique que <strong>tout</strong>ce qui est créé pour la tranche d’âge de ses <strong>enfants</strong>est soit trop violent soit trop stimulant pour eux,compte tenu de leurs handicaps. C’est pourquoielle s’en tient essentiellement aux émissionsdiffusées sur Teletoon Retro.Chez <strong>les</strong> Johnson, <strong>les</strong> parents plébiscitent iCarlyet Les Sorciers de Waverly Place. Leur fille de 9ans adore Bob l’éponge. Ils ne voient pas d’inconvénientà la laisser le regarder mais considèrece dessin animé comme une simple source dedivertissement sans autre valeur réelle. Le pèrepréfère iCarly et s’en explique :J’aime iCarly parce que c’est drôle, quece n’est pas stupide et que ça ne <strong>les</strong> mènepas sur une mauvaise voie. Il s’agit justed’<strong>enfants</strong> qui font <strong>tout</strong>es sortes de choses.La mère des Anderson choisit plutôt Les Sorciersde Waverly Place pour ses fil<strong>les</strong> :C’est une bonne série familiale – <strong>les</strong>parents gardent une influence forte. J’aitoujours été d’accord pour que mes fil<strong>les</strong> laregardent. C’était une bonne série.Le père rapporte également que lui et sa femmetentent d’identifier des programmes qui ont pourpersonnages principaux des fil<strong>les</strong> de caractèrepouvant servir d’exemple à leurs fil<strong>les</strong>. Il juge importantque cel<strong>les</strong>-ci puissent apprendre quelquechose de leurs héroïnes. Pour cette raison, <strong>les</strong>deux parents ont beaucoup apprécié Kim Possibleque leurs fil<strong>les</strong> avaient l’habitude de regarderquelques années plus tôt.J’aimais la dimension superhéros de lasérie, le côté « combattant du crime ». Lesfil<strong>les</strong> avaient du caractère. J’aime <strong>les</strong> séries<strong>dans</strong> <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> <strong>les</strong> fil<strong>les</strong> sont fortes et nonpas faib<strong>les</strong>, soumises, grincheuses et gâtées.D’un point de vue général, <strong>les</strong> parents prenantpart aux entretiens familiaux et ceux participantaux groupes de discussion s’accordent sur le faitque <strong>les</strong> meilleures séries pour <strong>les</strong> 9-12 ans doiventêtre divertissantes, bien écrites et véhiculer desmessages positifs d’amour et de bonne conduite.L’importance de ces critères ressort <strong>dans</strong> <strong>les</strong>motifs qui poussent quelques parents de Vancouverà se détourner de certains programmesjeunesse. De façon assez surprenante, <strong>les</strong> parentsinterrogés <strong>dans</strong> cette région cultivent tous unecertaine aversion pour <strong>les</strong> « comédies de situationde Disney ». Cette opinion est d’autant plus intéressantequ’elle se distingue de cel<strong>les</strong> entendues<strong>dans</strong> <strong>les</strong> provinces de l’Est, où la majorité desparents louent justement ce type de programmespour <strong>enfants</strong>. À Vancouver, la majorité desfamil<strong>les</strong> consultées et <strong>les</strong> cinq mères du groupede discussion n’ont pas caché leur déception àl’égard de séries comme Hannah Montana, La Viede palace de Zack et Cody et d’autres comédies103


104pour enfant en prises de vue réel<strong>les</strong> diffuséessur Family Channel. Cette insatisfaction est telleque 2 des famil<strong>les</strong> interrogées chez el<strong>les</strong> et 3 decel<strong>les</strong> qui participaient aux discussions de groupeont décidé de se désabonner de Family Channel.Toutes rejettent ces programmes pour des raisonssimilaires. D’abord, et cela fait écho aux propostenus par certains parents de Calgary, <strong>les</strong> personnagespréado<strong>les</strong>cents principaux sont, à leursyeux, « odieux » et manquent de respect envers<strong>les</strong> adultes et <strong>les</strong> parents. Ils estiment ensuite queces personnages ont une influence négative surleurs propres <strong>enfants</strong>. Voici un extrait du groupede discussion des mères sur le sujet :Mère2Les personnages sont vraiment irrespectueux.Ils tiennent tête aux adultes etpensent qu’ils font la loi <strong>dans</strong> la série.Ensuite, je vois mes <strong>enfants</strong> faire lamême chose et je me retrouve à leur dire« vous n’êtes pas <strong>dans</strong> la série, là ! ».INT Vos <strong>enfants</strong> <strong>les</strong> imitent ?Mère2Mère3C’est un constat. Sur<strong>tout</strong> ma fille. Jele vois. <strong>Et</strong> je lui ai dit, « Ça suffit, vousn’allez plus regarder ça. »Tout à fait. Je n’aime pas non plus <strong>dans</strong>ces séries l’absence chronique de parentsou d’adultes. Dans des émissions,sur<strong>tout</strong> iCarly ou La Vie de croisière,l’absence de parents ou d’adultes estquasiment totale. <strong>Et</strong> même s’il y aquelques adultes, ce sont <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> quifont la loi. Les adultes font ce que <strong>les</strong><strong>enfants</strong> veulent.D’autres parents sont frustrés par la natureformatée de ces programmes, <strong>les</strong>quels sontrépétitifs et dépourvus d’inspiration. Que ce soitchez <strong>les</strong> Anderson ou <strong>les</strong> Johnson, <strong>les</strong> parentsjugent que ces programmes sous-estiment leurs<strong>enfants</strong> et que ce genre de production aurait bienbesoin d’un regain de créativité, à l’image de LesZybrides :Ils sont très formatés. Ce n’est pas trèsintelligent ni très réfléchi. Chaque émissionest la même. On retrouve <strong>les</strong> mêmespersonnages types. On a la belle fille avecson acolyte qui bien sûr n’est pas attirantemais qui est drôle.... [Je préfère] la série LesZybrides. Elle est délirante et il s’y passebeaucoup de choses.« Si c’est une bonneémission, un adulteautant qu’unenfant »À Vancouver, <strong>les</strong> parents ont indéniablement desopinions très tranchées sur <strong>les</strong> programmes qu’ilspréconisent pour leurs <strong>enfants</strong>. Les chercheursleur ont donc demandé quels étaient <strong>les</strong> élémentsessentiels d’un programme de qualité destiné aux9-12 ans. Leurs réponses et leur lot de suggestionsafin d’améliorer <strong>les</strong> programmes destinésau groupe d’âge de leurs <strong>enfants</strong> ne se sont pasfait attendre. Le point de vue suivant n’est passeulement intéressant, il est aussi spécifique auxparents de Vancouver : pour qu’un programmejeunesse ait du succès et soit bien accueilli, i<strong>les</strong>t essentiel qu’il puisse également attirer <strong>les</strong>parents. Dans <strong>les</strong> cinq régions de l’étude, cesderniers ont lancé un appel aux producteurs pourqu’ils créent des émissions familia<strong>les</strong> que tous à lamaison puissent apprécier. À Vancouver, <strong>les</strong> parentssoulignent explicitement le besoin de concevoirdes programmes jeunesse qui divertissentégalement <strong>les</strong> parents. La mère des Andersonexplique la logique derrière cette théorie :MèreINTMèreOn parlait de ça ce matin. C’est commeun livre bien écrit. Il divertira un adulteautant qu’un enfant.Vous pensez qu’un programme jeunessedevrait également divertir <strong>les</strong> adultes ?Oui, absolument. Si c’est une bonneémission, un adulte l’appréciera autantqu’un enfant. Je suis capable devantPhineas et Ferb de rire autant qu’eux...


Il est important de passer du temps àregarder la télévision avec votre enfant.Si vous utilisez la télévision pour <strong>les</strong>occuper, ils ne l’apprécieront pas vraiment.Ils veulent que vous vous assoyezavec eux et non que vous vous affairiezau loin, après avoir allumé la télé pourqu’ils soient divertis.Chez <strong>les</strong> White, la mère partage cette impression :Si un programme jeunesse, une émissiondestinée aux <strong>enfants</strong> parvient à retenirl’attention d’un adulte, c’est qu’elle est probablementtrès bien faite. Les <strong>enfants</strong> enretirent ce qu’ils en retirent, il peut bien yavoir deux degrés d’humour. Ils ne saisirontpeut-être pas <strong>les</strong> événements historiques oule ton sarcastique, mais ce n’est pas grave.Les <strong>enfants</strong> le comprendront à leur niveauet ce ne sera pas leur faire insulte, ni faireinsulte à l’intelligence des adultes.Faisant écho à la suggestion d’un programmefamilial que <strong>tout</strong> le monde pourrait apprécier,beaucoup de parents pensent que rajeunir ourefaçonner la formule des viel<strong>les</strong> comédies desituation grand public de leur enfance offriraitune excellente solution. Cela dit, le père desJohnson remarque à juste titre que la télévisiond’aujourd’hui doit refléter la différence entre <strong>les</strong>deux générations, un défi que selon lui la comédied’ABC Famille moderne a merveilleusementrelevé :Je serais tenté de penser que Famillemoderne est un programme familial. Les<strong>enfants</strong> ne sont pas si proprets, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>du Cosby Show n’étaient pas parfaits maisils ne tenaient pas tête aux parents. Maisce n’est pas la réalité non plus, n’est ce pas ?Nous voulons que nos <strong>enfants</strong> se façonnentdes opinions et débattent avec nous s’ils nesont pas d’accord avec ce que nous faisons.Ça me va. Pour moi, c’est ça la famille moderne.C’est plus moderne que Cosby. Cettefamille-là n’existe plus aujourd’hui.Afin d’améliorer la télévision jeunesse, desparents proposent également de revoir ladynamique de beaucoup d’émissions actuel<strong>les</strong>.Cel<strong>les</strong>-ci devraient, selon eux, être moins centréessur l’enfant et plus sur la famille et encourager<strong>les</strong> spectateurs à adopter un comportement respectueuxenvers leurs parents et <strong>les</strong> adultes. Unemère du groupe de discussion résume bien cetteopinion que partagent <strong>tout</strong>es <strong>les</strong> participantes :Je pense que modérer le ton des émissionscomme iCarly ne leur ferait pas de mal.Revoir cette manière qu’ont <strong>les</strong> fil<strong>les</strong> de secomporter, se sentant toujours au-dessusde <strong>tout</strong>. <strong>Et</strong> pourquoi ne pas montrer quandel<strong>les</strong> rentrent de l’école, leur père ou leurmère <strong>dans</strong> la cuisine en train de préparer <strong>les</strong>ouper ? Ou juste quelqu’un qui parle avecses parents de choses et d’autres ? C’est ça.Juste intégrer plus de scènes de famil<strong>les</strong>norma<strong>les</strong>.Autre point intéressant apporté par <strong>les</strong> pères dugroupe de discussion, le besoin d’un contenu quienseigne aux <strong>enfants</strong> comment développer unepensée critique et interpréter <strong>les</strong> médias correctement,ce qu’ils regardent et ce qu’ils absorbentdes nouvel<strong>les</strong> technologies :Père2INTPère2C’est dur de synthétiser le concept <strong>dans</strong>une seule réponse mais quelque chosequi aiderait <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> à avoir unepensée critique. Voilà ce qui manque. Ily a sur<strong>tout</strong> beaucoup d’information qu’ilfaut décoder. <strong>Et</strong> pour ce faire, il faut desoutils.Apprendre à lire <strong>les</strong> médias en quelquesorte ?Ce serait un des aspects, oui.Les pères du groupe de discussion appellentaussi à une réduction des publicités <strong>dans</strong> <strong>les</strong> programmesjeunesse. Ils craignent en effet que cetaspect rende leurs <strong>enfants</strong> matérialistes et avides.105


106« Il a tendance àparodier ce qu’il voità la télévision quandil joue avec ses amis »La question des possib<strong>les</strong> influences de la télévisionsur <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> n’a pas suscité beaucoup deréactions. Quelques parents pensent qu’il peut yavoir une influence, positive ou négative. D’autresréfutent cette idée, et une majorité n’a pas grandchoseà dire sur le sujet. Comme il a été vu <strong>dans</strong><strong>les</strong> sections précédentes, de nombreux parentsestiment que leurs <strong>enfants</strong> sont influencés négativementpar <strong>les</strong> comédies de situation commeLa Vie de palace de Zack et Cody parce qu’el<strong>les</strong>font l’apologie d’un comportement irrespectueuxenvers <strong>les</strong> adultes. Beaucoup de mères présentes<strong>dans</strong> le groupe de discussion ont remarqué chezleurs <strong>enfants</strong> un changement d’attitude et unmanque de respect. El<strong>les</strong> pensent qu’ils ont tiréces mauvaises habitudes des émissions qu’ilsregardent.Les Davies ont constaté une légère influence surleur fils de 10 ans, lequel reproduit des scénariosvu à la télévision quand il imagine des jeux avecses amis. Bien qu’il parodie parfois des scènesde combat, <strong>les</strong> parents ne considèrent pas cetteinfluence comme négative. Chez <strong>les</strong> Johnson,père et mère ne sont pas d’accord sur l’impact quela télévision a sur leurs deux fil<strong>les</strong>. La mère penseque <strong>les</strong> programmes peuvent avoir une influenceimportante, sur<strong>tout</strong> en comparaison de ceux deson enfance :L’influence est considérable. Cela conditionnece qu’el<strong>les</strong> veulent écouter, commentel<strong>les</strong> souhaitent s’habiller, la manière dontel<strong>les</strong> parlent. C’est ce que je crois. S’il y aune expression qui fait son apparition <strong>dans</strong>une émission, vous pouvez être sûr que <strong>les</strong><strong>enfants</strong> vont la ressortir à un momentdonné. Je pense que la télévision a plusd’impact sur eux qu’elle n’en a eu sur nousquand nous étions jeunes.Le père est d’un <strong>tout</strong> autre avis. Il croit que sesfil<strong>les</strong> sont suffisamment intelligentes pour fairela différence entre la vraie vie et ce qui passe àla télévision. El<strong>les</strong> sont ainsi à même d’agir enconséquence :Je ne pense pas qu’el<strong>les</strong> soient vraimentinfluencées. Je ne <strong>les</strong> vois pas agir commecertains <strong>enfants</strong> à la télévision.Finalement, chez <strong>les</strong> Anderson, <strong>les</strong> parentscroient fermement que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> sont influencéspar <strong>les</strong> programmes qu’ils regardent maisuniquement d’une façon positive. D’après eux,des séries comme Les Simpson enrichissent leursconnaissances et leur sensibilité culturelle. Parcontre, ils n’ont pas relevé de répercussions sur lecomportement de leurs <strong>enfants</strong>, essentiellement,croient-ils, parce qu’ils passent pas mal de tempsà discuter ensemble des attitudes appropriées etde l’importance de la notion de respect.INTMèrePensez-vous que la télévision a un impactsur vos <strong>enfants</strong> ? Les avez-vous déjàvus influencés par <strong>les</strong> programmes qu’ilssuivent ?Oui. Ils sont certainement influencéspar Les Simpson parce qu’on y faitconstamment référence. Ça a unerépercussion sur leurs connaissances. Jeveux dire qu’ils sont toujours en traind’apprendre.INT Vous ne retrouvez jamais <strong>dans</strong> leur comportementla trace d’une influence de latélévision ?PèreMèreJe ne dirais pas ça.Non, parce que nous leur parlons beaucoupde la bonne attitude à adopter etde respect.


« Les règ<strong>les</strong> ne leurposent pas trop deproblèmes. Ce sontdes <strong>enfants</strong> faci<strong>les</strong> »Mis à part <strong>les</strong> White, chez qui <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> encadrantl’usage des médias sont légion, <strong>les</strong> parents deVancouver ont tendance à être plus permissifsavec leurs <strong>enfants</strong>. Cette approche décontractéede l’intervention parentale ressort avec évidence<strong>dans</strong> <strong>les</strong> descriptions des règ<strong>les</strong> et des routines envigueur <strong>dans</strong> <strong>les</strong> foyers vancouvérois. Les propostenus par le père des Johnson offre par exempleun contraste saisissant au regard des règ<strong>les</strong> plustraditionnel<strong>les</strong> observées à Calgary :Les devoirs d’abord. Ça se résume pas malà ça, s’assurer qu’ils ont <strong>tout</strong> fait. Ensuiteils doivent ranger leur chambre. Mais pastoujours. C’est sur<strong>tout</strong> <strong>les</strong> devoirs avant<strong>tout</strong> et des chambres relativement en ordre.Alors là, ils peuvent regarder un peu latélévision.Aucun des parents participant à l’étude n’autoriseses <strong>enfants</strong> à avoir <strong>dans</strong> sa chambre la télévisionpar câble. Les Johnson l’ont fait un temps avecleur fille de 12 ans mais après avoir constatéqu’elle s’isolait plus souvent <strong>dans</strong> sa chambre, ilsont rapidement décidé de débrancher le câble. Ilsemble y avoir parmi ces famil<strong>les</strong> un consensusgénéral sur le fait que la consommation médiatiqueest acceptable tant qu’elle est pratiquée à lavue de tous. Bien que certains programmes soientproscrits, <strong>les</strong> interdictions ne sont pas toujourssuivies et <strong>les</strong> parents semblent être <strong>les</strong> premiersà <strong>les</strong> enfreindre. Chez <strong>les</strong> Anderson par exemple,c’est avec humour que la mère raconte qu’ellen’aime pas que ses <strong>enfants</strong> regardent Les Griffinalors que leur père <strong>les</strong> laisse toujours suivre cettesérie en sa compagnie.Chez <strong>les</strong> White, la mère souligne l’importancede limiter <strong>les</strong> programmes autorisés à ceux de lacatégorie G (soit Général). Toutefois, la raisonen est que des contenus trop violents ou tropstimulants vont exciter ses <strong>enfants</strong> handicapés aurisque de réveiller des troub<strong>les</strong> de comportement.Chez <strong>les</strong> Davies, la seule règle relative aux médiasporte exclusivement sur <strong>les</strong> contenus. Si <strong>les</strong> parentsestiment que ce que leurs <strong>enfants</strong> regardentest inapproprié, ils vont éteindre la télévision.Ils expliquent qu’il est relativement facile demaintenir cette règle parce que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> n’ontpas de télévision <strong>dans</strong> leur chambre. C’est ainsiplus facile de contrôler ce qu’ils regardent. Ceprincipe semble bien passer auprès des <strong>enfants</strong>car, comme la mère le rappelle :Les règ<strong>les</strong> ne leur posent pas trop deproblèmes. Ce sont des <strong>enfants</strong> faci<strong>les</strong>. Leseul moment où ils vont contester notreautorité, c’est quand on leur dit « Éteignezla télé, il est l’heure d’aller se coucher ».De nombreux parents disent ne pas appliquerbeaucoup de règ<strong>les</strong> à la lettre mais établissentplutôt des directives ou des « ententes mutuel<strong>les</strong>» sur ce qui est approprié et ce qui ne l’estpas. Ils soulignent qu’avec leurs vies très chargéeset en perpétuelle évolution, il est plus simplede « prendre <strong>les</strong> choses comme el<strong>les</strong> viennent »plutôt que de passer son temps à créer et à enfreindredes règ<strong>les</strong> qui ne conviennent pas à leurroutine familiale. Selon <strong>les</strong> chercheurs, la médiationparentale des Anderson, qu’ils abordent <strong>dans</strong>le dialogue ci-dessous, est emblématique du styleparental constaté chez la plupart des famil<strong>les</strong>vancouvéroises interrogées :MèrePèreINTPèreINTNos ordinateurs sont <strong>dans</strong> une airecommune. Nous n’aimons pas l’idéequ’ils aillent <strong>dans</strong> leur chambre avec.Exactement. C’est aussi le cas pourInternet. On a aussi passé avec eux cetaccord simple selon lequel ils peuventjouer une heure si après ils font leurdictée.Il n’y donc pas de règ<strong>les</strong> établies maisbeaucoup d’ententes d’un communaccord ?On s’efforce d’atteindre l’équilibre.Je vois.107


108MèreOuais, on fonctionne beaucoup auressenti. Ça va dépendre de leur journée,s’ils sont très occupés, et de beaucoup dechoses.Un père participant au groupe de discussionréitère la même doctrine <strong>dans</strong> l’affirmationsuivante :Nos règ<strong>les</strong> sont constamment en traind’évoluer. Ils finissent toujours par trouverla faille, ou alors, quelque chose d’inattenduet d’inconnu survient, nécessitant unenouvelle règle ou que l’on change un peu <strong>les</strong>choses.Ces exemp<strong>les</strong> donnent un aperçu global de lamédiation parentale à Vancouver en matière deconsommation télévisuelle. Néanmoins, unefamille s’est distinguée en dépassant de loin<strong>tout</strong>es <strong>les</strong> formes d’intervention observées jusquelà par <strong>les</strong> chercheurs à travers le <strong>Canada</strong>. Chez<strong>les</strong> White, <strong>les</strong> parents exercent un contrôle trèsserré de la consommation médiatique à laquelleleurs fils de 10 et 12 ans sont autorisés. Voici unextrait de l’explication de la mère sur <strong>les</strong> règ<strong>les</strong> envigueur :Je cache la Nintendo DS, ils ne l’utilisentgénéralement pas et ne l’emmènent pas àl’école. L’ordinateur est aussi protégé parun mot de passe, ce qui explique qu’ils nesoient pas devant <strong>tout</strong> le temps. La portedu bureau est également verrouillée. Ils nepeuvent pas débarquer et allumer la télévisionà l’improviste. Je rentre moi-même lecode pour allumer l’ordinateur et celui pourouvrir la porte du bureau paternel où setrouve la télévision.Il est également à noter que chez <strong>les</strong> White, onne regarde pas la télévision avant d’aller à l’école,ni durant <strong>les</strong> repas. De plus, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> sontlimités à environ une heure de télévision par jour.En appliquant ces règ<strong>les</strong> et en veillant à entrerelle-même <strong>les</strong> codes d’accès pour l’ordinateur etla télévision, la mère a l’impression de contrôlertotalement ce que regardent ses fils et pendantcombien de temps ils le regardent. De plus, en <strong>les</strong>accompagnant constamment <strong>dans</strong> leur consommationmédiatique, elle et son mari peuvents’assurer qu’ils suivent des programmes qui leurconviennent et qu’ils visionnent en ligne descontenus qui sont adaptés à leur âge.« Ces programmeslà...ils pourraienttrès bien êtreaméricains »D’un point de vue général, à Vancouver, parentset <strong>enfants</strong> sont sensib<strong>les</strong> à l’idée de voir desprogrammes canadiens, qui soient représentatifsde leur pays et de leur communauté. Cela dit, i<strong>les</strong>t très difficile pour la plupart d’entre eux denommer à brûle-pourpoint des émissions canadiennes.Ils éprouvent en majorité des difficultésà distinguer <strong>les</strong> deux types de production et ontd’ordinaire tendance à considérer que ce qu’ilsregardent vient des États-Unis. Toutefois, <strong>les</strong><strong>enfants</strong> rapportent certains indices qui aidentà déterminer le pays d’origine de la production.Trois fil<strong>les</strong> de 12 ans issues de trois famil<strong>les</strong>distinctes livrent <strong>les</strong> leurs :F12F12F12Les programmes canadiens sont plus...parfois, ils sont mieux écrits et leurhumour est aussi meilleur d’après moi.<strong>Et</strong> pour <strong>les</strong> programmes américains,c’est l’opposé.Pour certaines émissions, il est facile dedire à la fin d’où el<strong>les</strong> viennent. Quandils parlent d’Ontario, ou d’« une Canadienne», on peut s’en douter. Mais onne sait jamais.Dans <strong>les</strong> programmes canadiens, il y amoins de rires enregistrés. La chaîneFamily ne diffuse que des émissionsaméricaines, et ils ont des rires enregistrés.Mais sur YTV et Nickelodeon,ils n’en ont pas et beaucoup de leursémissions sont canadiennes.Chez <strong>les</strong> Johnson, cette question de la comparaisonentre productions américaines et


canadiennes a donné lieu à une discussion trèssignificative sur la « qualité » des programmescanadiens. Ils ont abordé <strong>les</strong> mérites de leur productiontechnique et souligné combien ils se sontaméliorés, tant et si bien qu’aujourd’hui, seloneux, c’est un compliment que de ne pas pouvoir<strong>les</strong> distinguer des productions américaines :PèreF12MèrePèreF12PèreJe ne suis pas toujours capable de direquels programmes sont canadiens et<strong>les</strong>quels ne le sont pas.Eh bien, <strong>les</strong> émissions de YTV sontcanadiennes.Avant, la qualité de la production étaitun bon indicateur. C’est ce que j’aitoujours pensé.À l’époque, <strong>les</strong> fictions canadiennesétaient assez mal faites. Mais <strong>les</strong> programmespour <strong>enfants</strong> comme...Indie à <strong>tout</strong> prix.Exactement, des programmes commecelui-là... ils pourraient très bien êtreaméricains, produits par Disney.INT <strong>Et</strong> c’est un compliment ?MèrePèreOui.Bien sûr que c’est un compliment.Mère <strong>Et</strong> il y a ce Mr. Young, c’est ça ?F12MèreF12MèreF12Oui, Mr. Young.Cette série pourrait être américaine.Oui, c’est difficile de voir la différence.Ça passe sur YTV mais ça a <strong>tout</strong> d’unprogramme américain, en <strong>tout</strong> cas dupoint de vue de la qualité.Oui, et <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> se comportentcomme des Américains. Ils ne sont pasvraiment différents.INT Qu’en est-il du scénario et des valeurs ?MèreLà-dessus, el<strong>les</strong> se valent <strong>tout</strong>es pas mal.À l’instar des Anderson, quelques parentsencouragent leurs <strong>enfants</strong> à regarder plus de productionscanadiennes, à condition qu’el<strong>les</strong> leursparaissent divertissantes et qu’el<strong>les</strong> en valent lecoup. Chez <strong>les</strong> Anderson comme <strong>dans</strong> quelquesautres foyers, <strong>les</strong> parents sont sans conteste <strong>les</strong>mieux informés. Ils sont plus à même que leurs<strong>enfants</strong> de distinguer <strong>les</strong> programmes canadiensdes américains. Le père, par exemple, signale toujoursà ses <strong>enfants</strong> que <strong>les</strong> séries Les Zybrides etL’Île des défis extrêmes sont produites au <strong>Canada</strong>et que de nombreux auteurs qui travaillent surLes Simpson viennent du <strong>Canada</strong>. Il estime que<strong>les</strong> Canadiens ont un sens de l’humour spécifiqueet bien à eux, qu’il entend inculquer à ses <strong>enfants</strong>le plus tôt possible. La mère relève également desavantages à regarder des programmes canadienset souligne l’importance de pouvoir faire ladistinction :Exactement, il est important de pouvoirreconnaître <strong>les</strong> productions canadiennes.Devant That’s So Weird, voir <strong>les</strong> comédiens<strong>dans</strong> <strong>les</strong> rues de vil<strong>les</strong> canadiennes et interrogerdes gens comme ils le font sur CBCcrée une sorte de lien entre vous et l’émission.<strong>Et</strong> je pense que c’est une très bonnechose pour <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>. Ils ont l’impressionde regarder quelque chose qui fait partie deleur communauté.Si plusieurs parents semblent acquis à la causedes émissions nationa<strong>les</strong>, <strong>les</strong> chercheurs trouventqu’il est difficile de susciter chez tous <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>un engouement durable pour <strong>les</strong> productionscanadiennes, sur<strong>tout</strong> quand ces <strong>enfants</strong> n’ontpas conscience du pays d’origine de la plupart deleurs émissions favorites. À l’occasion du groupede discussion, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> se voient demander oùils souhaitent situer le programme qu’ils sont entrain de concevoir pour <strong>les</strong> 9-12 ans. <strong>Et</strong> comme lemontre clairement l’extrait qui suit, <strong>les</strong> productionscanadiennes n’éveillent pas le même intérêtchez <strong>tout</strong> le monde :INTÇa ne vous intéresse donc pas de savoirsi c’est un programme canadien ouaméricain ?(Tout le monde répond non)109


110INTSi vous pouviez choisir entre uneémission canadienne et une américaine,lequel d’entre vous opterait pour lacanadienne ?(Un garçon de 9 ans lève la main)INT Toi ? <strong>Et</strong> pourquoi ?G9INTParce que je suis Canadien.Parce que tu es Canadien. <strong>Et</strong> parmi <strong>les</strong>autres, <strong>les</strong>quels choisiraient un programmeaméricain ?(Tous <strong>les</strong> autres lèvent la main)INT Tout le monde ? Pourquoi ?F12G9INTParce que <strong>les</strong> meilleures séries sont américaines: The Office, Big Bang Theory.Les émissions populaires sont américaines.Est-ce qu’ils font de meilleurs programmes?(Tout le monde approuve)F12G9G10Personne ne parle des émissions canadiennes.Je préfère simplement <strong>les</strong> programmesaméricains.Moi j’aime <strong>les</strong> deux.Cela suggère qu’il peut être très important desusciter un attachement pour <strong>les</strong> programmescanadiens chez <strong>les</strong> spectateurs de cet âge en particulier,afin de fonder un public fidèle qui continuerade regarder et de soutenir <strong>les</strong> productionsnationa<strong>les</strong> une fois adulte. Bien que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>du pays regardent de nombreuses productionscanadiennes <strong>dans</strong> leur période préscolaire, laquantité de programmes destinés aux 9-12 ansest plus mince. En conséquence, <strong>les</strong> préado<strong>les</strong>centscommencent à se tourner vers des contenusaméricains. Si <strong>les</strong> producteurs canadiens parviennentà maintenir l’attention des 9-12 ans, ilsont plus de chance de pouvoir compter à l’avenirsur leur fidélité.Du point de vuede l’enfant« Devant cesémissions... Je mesens enthousiaste,heureuse »Au cours des entretiens familiaux comme <strong>dans</strong> <strong>les</strong>groupes de discussion, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> ont été invitésà évoquer avec <strong>les</strong> chercheurs leurs programmespréférés, et <strong>les</strong> raisons qui fondaient leurs choix.La liste qui suit est un inventaire exhaustif desprogrammes de télévision cités par <strong>les</strong> répondants.Ils ont été regroupés en fonction de l’âgede l’enfant pour établir un lien plus évident entrepréférences télévisuel<strong>les</strong> et âge :ÂgeProgrammes préférés9 Les Simpson (É.-U.)Futurama (É.-U.)Phineas et Ferb (É.-U.)Bob l’éponge (É.-U.)Les Sorciers de Waverly Place (É.-U.)Tom et Jerry (É.-U.)Star Wars: the Clone Wars (É.-U.)La Vie de croisière (É.-U.)Bugs Bunny (É.-U.)Les Schtroumpfs (É.-U.)Woody Woodpecker (É.-U.)P’tit monstre (É.-U.)10 Bakugan (JAP)La panthère rose (É.-U.)Dr Who (R.-U.)12 Iron Chef (É.-U.)Giada at Home (É.-U.)The Big Bang Theory (É.-U.)The Office (É.-U.)Du talent à revendre (É.-U.)


Victorious (É.-U.)Bob l’éponge (É.-U.)iCarly (É.-U.)Tes désirs sont désordres (É.-U.)Glee (É.-U.)Les menteuses (É.-U.)Les Sorciers de Waverly Place (É.-U.)Dr Who (R.-U.)Jersey Shore (É.-U.)En plus de citer leurs programmes préférés, ona demandé aux <strong>enfants</strong> d’exprimer <strong>les</strong> émotionsqu’ils ressentent devant ces programmes etde livrer <strong>les</strong> éléments spécifiques qu’ils affectionnent.Si certains éprouvent des difficultésà décrire leurs sensations devant telle ou telleémission, la majorité de ceux qui ont été interrogésà Vancouver ont été en mesure de préciser <strong>les</strong>raisons de leur sélection, comme <strong>dans</strong> <strong>les</strong> extraitsci-dessous.La jeune fille des Johnson, 12 ans, s’intéressesur<strong>tout</strong> à des comédies grand public tel<strong>les</strong> queThe Big Bang Theory et The Office. Néanmoins,elle trouve un certain confort à regarder desdessins animés ou des séries en prises de vueréel<strong>les</strong> destinées à sa tranche d’âge comme Victorious,iCarly et le dessin animé Tes désirs sontdésordres, qu’elle décrit <strong>dans</strong> l’extrait qui suit :F12F9F12Il y a aussi ce dessin animé, Tes désirssont désordres, avec ce garçon qui reçoitl’aide de fées. C’est drôle, comme un bondessin animé. Ce sont <strong>les</strong> programmespour <strong>enfants</strong> que j’ai plaisir à regarder.Je <strong>les</strong> aime bien et c’est ces programmesque je vais suivre quand j’ai envie de mesentir enthousiaste et comme heureuse.C’est amusant.Oui, amusant. Ce sont des programmesdevant <strong>les</strong>quels on se sent bien.Dans l’ensemble, <strong>les</strong> plus jeunes interrogés, âgésde 9 et 10 ans, rapportent que <strong>les</strong> caractéristiquesimportantes de leurs émissions favorites sont« <strong>les</strong> personnages drô<strong>les</strong> », « <strong>les</strong> histoires farfelues» et des éléments de violence typiques desdessinsanimés. Les <strong>enfants</strong> âgés de 12 ans ont manifestédes goûts plus spécifiques en fonction du typede programmes qu’ils appréciaient. Néanmoinsl’humour reste, aux dires de tous, un aspectessentiel. Les téléspectateurs de 12 ans tendentégalement à être plus attirés par <strong>les</strong> émotions,bien que cela dépende de leur niveau de maturité,lequel change radicalement d’un individu àl’autre. Autre élément cité comme déterminant,le reflet de leurs intérêts personnels. Par exemple,<strong>les</strong> <strong>enfants</strong> de 12 ans qui aiment The Big BangTheory disent s’y intéresser parce que <strong>les</strong> sciencessont une de leurs matières favorites. De la mêmemanière, la jeune fille des Anderson, 12 ans, aimesuivre The Food Network puisque cuisiner et fairedes pâtisseries constitue son passe-temps favori.Dans le groupe de discussion, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>regardent et commentent des extraits des cingprogrammes jeunesse <strong>les</strong> plus populaires actuellement,destinés à leur tranche d’âge et diffusésà Vancouver. Cela permet aux chercheurs derecueillir de plus amp<strong>les</strong> informations sur ce quifait ou défait le succès d’un programme de télévisionen s’appuyant sur une précieuse rétroactiondirectement des <strong>enfants</strong>. Dans le cas du groupe deVancouver, <strong>les</strong> extraits diffusés sont tirés de L’Îledes défis extrêmes : La tournée mondiale, H2O,Derek, Sonny et iCarly. Les <strong>enfants</strong> ont beaucoupde choses à dire et partagent volontiers leur pointde vue concernant <strong>les</strong> aspects positifs et négatifsde chaque programme.Bien que chaque enfant cultive des goûts qui luisoient propres, certains consensus apparaissent.Les trois éléments qui comptent le plus pour ces<strong>enfants</strong> sont l’humour (comme <strong>dans</strong> L’Île desdéfis extrêmes), des rapports conflictuels entre<strong>les</strong> personnages (sur<strong>tout</strong> entre frères et sœurs,à l’image de ce qui se passe <strong>dans</strong> Derek), et despersonnages comiques et consistants mais passuperficiels (le plus plébiscité étant de loin Spencer<strong>dans</strong> iCarly). Le plus intéressant avec ces troisprogrammes, c’est qu’ils ont suscité des réactionspositives chez des garçons de 9 ans comme chezdes fil<strong>les</strong> de 12, dont <strong>les</strong> profils démographiquessont extrêmement différents. Dans <strong>les</strong> extraitssuivants tirés du groupe de discussion, des111


112<strong>enfants</strong> réagissent et participent à une discussionsur <strong>les</strong> passages de ces trois programmes.L’Île des défis extrêmes (CA)G9(1)G9(2)J’adore cette série, L’Île des défis extrêmes!Non, c’est L’Île des défis extrêmes : Latournée mondiale !G9(1) Ah bon ?G9(2)INTIls en ont fait deux nouveaux.Est-ce que <strong>tout</strong> le monde connaît cetteémission ?(Tout le monde répond par l’affirmative)INT Est-ce que vous l’aimez ? Ça vous plaît ?(Tout le monde acquiesce)INTF12Allez-y, dites-moi pourquoi.Ça fait un bout que je ne l’ai pas regardémais j’aimais ça parce que je trouvais çadrôle.INT Qu’est-ce qui est drôle ?F12Derek (CA)G9(1)F12G9(2)G9(3)INTF12G9(1)INTG9(1)Juste certaines blagues.Je le regarde.Moi aussi.Je déteste.J’en ai plus ou moins entendu parlermais je ne l’ai jamais regardé.Qui aime ? Bon, donc presque tous ceuxqui en ont entendu parler l’aiment bien.Qu’est-ce que vous aimez <strong>dans</strong> cettesérie ? Dites-moi.Quand Derek et Casey se disputent, c’estassez drôle.Ouais, c’est très drôle.Les disputes entre Derek et Casey sontel<strong>les</strong>une composante du scénario quevous aimez ?J’aime aussi voir comment la petiteINTF12G9(1)F12INTG10INTG10sœur et le petit frère se disputent.D’accord. Qu’est-ce que vous aimezd’autre <strong>dans</strong> cette série ?Les problèmes qui arrivent à Derek etCasey. Derek est trop bizarre.Il est aussi paresseux.C’est un trouble-fête.Bien. Est-ce qu’il y en a d’autres de cetavis ? Non ? Vous aimez cette émission ?Non.iCarly (É.-U.)INTF12Pourquoi ? Qu’est-ce que tu n’aimespas ?Je n’aime pas ce qu’ils font. Je ne trouveça jamais drôle ou intéressant.Oui ? Qu’est-ce que vous aimez <strong>dans</strong>iCarly ?C’est une série différente des autres.INT Comment ça ?F12Le contexte de départ est différent.Aucune autre série n’a pour sujet uneémission qui passe sur Internet. J’aimeaussi Spencer, il est drôle.INT <strong>Et</strong> toi, pourquoi aimes-tu iCarly ?G9(2)INTG9(3)INTG9(2)Pour Spencer.Bon, alors vous aimez <strong>les</strong> personnages.Seulement celui-là ?Hem, oui.C’est <strong>tout</strong> ? Vous n’aimez pas le scénario?J’aime aussi l’histoire mais c’est sur<strong>tout</strong>Spencer qui me plaît.INT <strong>Et</strong> pour toi ?G9(1)C’est aussi drôle de voir Sam semer letrouble.


« J’ai décidérécemment d’allersur leur site Internetpour regarderdes épisodes deVictorious »À Vancouver, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> avancent un argumentinédit pour expliquer pourquoi ils suivent leursprogrammes préférés sur Internet. Environ lamoitié des <strong>enfants</strong> ayant participé aux entretiensà domicile fréquentent des sites Internet dechaînes de diffusion pour regarder d’anciens épisodesde programmes télévisuels. Dans d’autresrégions du <strong>Canada</strong>, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> se rendent sur cessites essentiellement pour jouer aux jeux proposés.Mais <strong>les</strong> jeunes Vancouvérois consultentces sites, tels que Family.ca et YTV.com, tantpour <strong>les</strong> jeux que pour <strong>les</strong> programmes. Chez <strong>les</strong>Anderson, la fille de 12 ans dit se rendre sur <strong>les</strong>sites de Family Channel et YTV pour regarder desépisodes passés de Victorious, Phineas et Ferb etHannah Montana. Elle avoue néanmoins qu’ellen’en fait plus une habitude et qu’elle ne fréquenteplus ces sites aussi souvent aujourd’hui. La jeunefille des Davies, 12 ans, ne se rend sur Internetpour regarder ses séries préférées, comme LesMenteuses et Glee, que si elle oublie de <strong>les</strong>enregistrer avec son PVR lors de leur télédiffusionoriginale. De temps en temps, elle aime aussialler en ligne pour regarder en flux des films enmode continu. Son frère ne va pas sur Internetpour <strong>les</strong> programmes mais pour y pratiquer desjeux tels que Beaver Dam sur YTV.com ou d’autressur Teletoon.ca. Chez <strong>les</strong> Walker comme chez<strong>les</strong> White, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> aiment beaucoup <strong>les</strong> jeuxproposés sur <strong>les</strong> sites de Teletoon et de YTV. Leurmère <strong>les</strong> y autorise, à condition que <strong>les</strong> jeux nesoient pas violents.Selon <strong>les</strong> chercheurs, la fille des Johnson metle doigt sur une des raisons principa<strong>les</strong> pour<strong>les</strong>quel<strong>les</strong> <strong>les</strong> jeunes de Vancouver choisissentde regarder leurs programmes favoris en ligne.Comme indiqué auparavant, <strong>les</strong> Johnson, (comme<strong>les</strong> Anderson et de nombreuses mères du groupede discussion) se sont récemment désabonnésde Family Channel parce qu’ils trouvaient laprogrammation trop insatisfaisante. En retour,ils autorisent leurs <strong>enfants</strong> à visionner sur le sitede la chaîne leurs programmes favoris. Ainsi, lacadette des Johnson, 9 ans, qui reste une grandefan des émissions de Family Channel, se rend enligne et regarde certains de ses épisodes favoris :F12MèreF12MèreF9MèreF9F9INTF9C’est sur<strong>tout</strong> ma sœur qui <strong>les</strong> regardesur l’ordinateur.Elle <strong>les</strong> regarde davantage sur l’ordinateur.Ils <strong>les</strong> passent sur le site Internet deFamily Channel.Quels programmes diffusent-ils ? LesSorciers ?Des épisodes complets des Sorciers deWaverly Place, puis...Tu regardes encore un peu HannahMontana ?Oui, mais aussi Sonny et La Vie depalace. Père Sonny et La Vie de palace deZack et Cody ?Ouais.Tu vas donc sur Internet parce que tune peux avoir accès à la chaîne sur tontéléviseur ?Oui.113


114« Parfois, je vais liredevant la télé. Maisparfois, je vais justeregarder la télé »En termes de « media multitasking », <strong>les</strong> réponsesdes <strong>enfants</strong> de Vancouver sont similaires à cel<strong>les</strong>reçues <strong>dans</strong> <strong>les</strong> quatre autres régions du <strong>Canada</strong>.Il arrive à certains d’avoir recours à d’autresformes de technologie <strong>tout</strong> en regardant latélévision mais ce n’est la norme chez aucun des<strong>enfants</strong> interrogés.D’autres, comme chez <strong>les</strong> White et <strong>les</strong> Walker,ne pratiquent jamais le « multitasking ». Ilsferont parfois du coloriage ou joueront avec desLego devant la télévision, mais ces activités nesont techniquement pas considérées comme du« media multitasking » puisqu’il ne s’agit pasd’une autre forme de média. Enfin, comme chez<strong>les</strong> Anderson, d’autres encore jouent sur leurordinateur portable ou sur leur iPod tandis quele téléviseur est allumé. Toutefois, <strong>dans</strong> de tel<strong>les</strong>circonstances, ils admettent que la télévisionpasse au second plan et que c’est l’autre plateformemédiatique qui bénéficie de leur entièreattention. Tous <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> s’accordent pour direque lorsqu’ils souhaitent regarder un programme,ils préfèrent s’y consacrer entièrement et laisserde côté <strong>tout</strong>e autre activité. L’aînée des Anderson,12 ans, reconnaît même qu’elle ne peut pas fairede « multitasking » ni laisser la télévision alluméeen arrière-plan quand elle doit se concentrer.Aussi, elle quitte le salon afin de focaliser <strong>tout</strong>eson attention sur ses devoirs. Aucun enfantn’a exprimé de jugement particulier quant à lapratique du « media multitasking ».Comme <strong>dans</strong> <strong>les</strong> autres régions, le « media multitasking» se fait généralement plus courammentchez <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> plus âgés, principalement ceuxde 11 et 12 ans, quand ils entrent <strong>dans</strong> la préado<strong>les</strong>cenceet que <strong>les</strong> médias sociaux prennent plusde place.L’extrait qui suit est tiré du groupe de discussiondes <strong>enfants</strong> et illustre <strong>les</strong> habitudes de « multitasking» de 2 fil<strong>les</strong> de 12 ans comparées à cel<strong>les</strong>de 3 garçons de 9 ans. Cet exemple est importantcar il aide à mieux comprendre <strong>les</strong> différentespratiques de « multitasking » selon l’âge :INTG9(1)Cela vous arrive-t-il de regarder latélévision et d’utiliser votre ordinateuren même temps ?Parfois.F12(1) J’utilise mon iPod pour [aller sur] Facebooktandis que je regarde la télévision.INT <strong>Et</strong> toi, qu’est-ce que tu fais ?F12(2) J’envoie beaucoup de messages texte.INT Bon. <strong>Et</strong> toi ?G9(1)INTG10Je vais sur mon ordinateur de bureau etj’interromps mes jeux vidéo par tranchesde 5 minutes pour regarder la télé.<strong>Et</strong> pour toi ? Est-ce que parfois tu regardesla télévision <strong>tout</strong> en faisant autrechose ?Parfois.INT Seulement parfois ?G10INT <strong>Et</strong> toi ?G9(2)INTG9(2)Ce n’est pas une habitude.Il m’arrive de me mettre devant des jeuxvidéo.Est-ce que ça t’arrive souvent, la plupartdu temps, ou est-ce exceptionnel ?Ça m’arrive quelquefois mais pas <strong>tout</strong> letemps.INT Qu’en est-il pour toi ?G9(3)Je ne fais jamais deux choses en mêmetemps. Je n’en ai pas le droit.


« <strong>Et</strong> si j’étaisproducteur » : <strong>les</strong><strong>enfants</strong> se prêtentau jeu« Quelque chosed’universel jesuppose, que <strong>tout</strong>le monde peutcomprendre »À une autre étape de la discussion de groupe des<strong>enfants</strong> (en l’occurrence 6 <strong>enfants</strong> âgés de 9 à12 ans tous issus de famil<strong>les</strong> de Vancouver), onleur demande d’imaginer qu’ils sont chargés deproduire un <strong>tout</strong> nouveau programme de télévisionpour leur tranche d’âge. L’animateur de ladiscussion encourage <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> à partager leursidées avec le groupe pour déterminer un postulatde départ, un cadre pour l’histoire, une intrigue,des personnages et même un titre. Le groupe dediscussion réuni à Vancouver étant composé de 4garçons de 9 et 10 ans et de 2 fil<strong>les</strong> de 12 ans, ladifférence d’âge et de sexe a créé une dynamiquecomplexe, faisant ressortir des préférences et desgoûts très distincts. En conséquence, recueillir <strong>les</strong>suffrages de tous a parfois constitué un vrai défi.Cela dit, <strong>les</strong> participants ont réussi à travaillerde concert et ont résolu de créer une comédieen dessin animée qui se déroule <strong>dans</strong> le futur et<strong>dans</strong> l’espace, et <strong>dans</strong> laquelle <strong>les</strong> personnagesconduisent des aéroglisseurs. Le protagonisteprincipal dispose de superpouvoirs. Il est notammentcapable de voler et possède des pouvoirs deguérison mutants. L’ensemble des protagonistesforme un groupe composé de fil<strong>les</strong> et de garçons,parmi <strong>les</strong>quels des bons et des méchants, ettous vont s’affronter <strong>les</strong> uns <strong>les</strong> autres au fil desépisodes. Sur la question du lieu de production,2 <strong>enfants</strong> ont retenu le <strong>Canada</strong> et 3 ont choisi <strong>les</strong>États-Unis. Il s’agira donc d’un programme américain.Il sera diffusé à 18 h <strong>les</strong> fins de semaine, unhoraire qui semble idéal aux <strong>enfants</strong> parce qu’ilassure au programme de toucher un maximum despectateurs. À la question de savoir comment ilsaimeraient que <strong>les</strong> spectateurs se sentent aprèsavoir regardé leur création, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> répondentcomme suit :G10G9F12Excités de voir chaque nouvel épisode.Comme après un programme cool etgénial.Être surpris par ce qui s’est passé.Par ailleurs, ils pensent qu’il est important que <strong>les</strong>acteurs qui prêtent leur voix soient talentueux etque <strong>les</strong> animations soient de bonne qualité. À unmoment, il a été suggéré que le programme soitréalisé en 3D.Pendant l’entretien avec la famille Anderson,l’aînée de 12 ans a décrit aux chercheurs sonconcept de l’émission idéale pour <strong>les</strong> 9-12 ans. Ilressort de la citation qui suit que ce programmeest par nature une émission familiale, que tous <strong>les</strong>membres de la famille peuvent apprécier et regarderensemble. Il est clair que pour cette fillette de12 ans, passer du temps en compagnie de sa sœuret de ses parents devant un bon programme detélévision compte énormément :Ce serait probablement une fiction, commeune comédie de situation, une comédie.Ça raconterait l’histoire d’<strong>enfants</strong> de 13ans, donc un peu plus âgés que moi maispas trop différents. Ils ne seraient pas tropmatures, comme des <strong>enfants</strong> mais un peuplus âgés. Ça serait une comédie devantlaquelle on se sent bien, pas quelque chosequi fait peur ni quelque chose de grossier. Ily aurait comme 4 ou 5 <strong>enfants</strong>, des <strong>enfants</strong>ordinaires, qui je ne sais pas, sont contentsd’être des <strong>enfants</strong>. J’aimerais que çaconvienne pas mal à tous <strong>les</strong> âges. Commeça, si vous avez un frère ou une sœur de 13ans ou de 5 ans, ils peuvent tous le regarder.Personne n’aurait besoin de descendre115


116au sous-sol pour le regarder ou de sortirsi je le regarde. Quelque chose donc, quiconvienne à tous <strong>les</strong> âges et devant lequel<strong>les</strong> parents peuvent aussi rire parfois. Avecun humour qui leur plairait mais que <strong>les</strong><strong>enfants</strong> comprendraient, quelque chosed’universel je suppose, que <strong>tout</strong> le mondepeut comprendre. Ouais, je voudrais que cesoit un programme familial.Du point de vuede l’ado<strong>les</strong>centLe dernier groupe de discussion d’ado<strong>les</strong>centsde cette étude a été le théâtre d’une discussionintéressante sur l’état actuel de la télévision jeunesse.Il était constitué de 2 fil<strong>les</strong> et de 3 garçons,tous âgés de 13 à 15 ans. Les cinq participantsont livré des points de vue remarquab<strong>les</strong> et pertinentssur <strong>les</strong> programmes de télévision destinésaux 9-12 ans. Ils ont fondé leurs commentairessur leurs propres expériences télévisuel<strong>les</strong> à cetâge et sur leur analyse critique d’extraits desprogrammes <strong>les</strong> plus populaires actuellementdiffusés à Vancouver.Les ado<strong>les</strong>cents sont d’abord invités à se remémorerleurs 10 ans pour aborder <strong>les</strong> programmesqui étaient leurs préférés à cet âge. Il semble que<strong>les</strong> participants regardaient pour la plupart <strong>les</strong>mêmes émissions, typiquement un mélange dedessins animés et de comédies de situation enprises de vue réel<strong>les</strong> produites par Disney. Deuxdes participants ont passé leur enfance en Inde etpar conséquent suivi des programmes plus anciens,tels que Batman et Popeye. Toutefois, aprèsavoir déménagé au <strong>Canada</strong>, ils se sont rapidementfamiliarisés avec l’ensemble des programmespopulaires et ont ainsi été capab<strong>les</strong> de prendrepart à la conversation. Une participante de 15ans admet qu’elle a toujours été à cet âge « plusintéressée par <strong>les</strong> dessins animés pour garçons »mais qu’elle devait en même temps suivre <strong>les</strong>comédies de situation de Family Channel pourmieux s’intégrer parmi <strong>les</strong> fil<strong>les</strong> de son école :INTF15INTF15Revenons sur <strong>les</strong> programmes de Disney,ceux que tu as mentionnés, comme LaVie de palace. Pour quel motif aimais-tu<strong>les</strong> regarder ?Parce qu’ils correspondaient probablementplus à mon âge et que d’autres<strong>enfants</strong> <strong>les</strong> regardaient. Je pensais quec’était une bonne idée de regarder ceuxlàet de voir de quoi il s’agissait.Tu dirais que beaucoup de gens àl’école, y compris tes amis, parlaientde télévision ? C’est ce qui se passaithabituellement ?Oui.Maintenant qu’ils ont gagné en maturité et qu’ilspeuvent repenser à leur enfance avec plus derecul, quelques jeunes sont capab<strong>les</strong> d’effectuerune analyse critique de leurs programmespréférés d’alors et de leurs effets sur leur développementpersonnel. C’est notamment le cas d’uneado<strong>les</strong>cente de 13 ans qui considère que regarderdes dessins animés comme Bob l’éponge et Tesdésirs sont désordres à l’âge de 10 ans l’a renduebeaucoup plus extravertie et lui a appris à êtreplus sociable :Je dirais que <strong>dans</strong> ces émissions, ils sonttoujours tellement extravertis que cela m’arendue plus extravertie que je ne l’étais.Apparemment, quand j’étais petite, j’étaistrès timide, je ne parlais à personne. Maisen grandissant, à force de regarder desprogrammes comme Bob l’éponge et Tesdésirs sont désordres, je me suis mise àparler plus. Je suppose que j’apprenaisbeaucoup de ces émissions.Ensuite, on propose aux participants des extraitsdes émissions <strong>les</strong> plus populaires de leurpassé et on leur demande de <strong>les</strong> commenter. Legroupe est divisé sur <strong>les</strong> comédies de situationen prises de vue réel<strong>les</strong> diffusées par Disney.À 10 ans, quelques-uns aimaient beaucoup <strong>les</strong>séries comme Hannah Montana et La Vie depalace de Zack et Cody à cause de leurs histoires« incroyab<strong>les</strong> » et « exagérées ». Ils <strong>les</strong> trouvaientintéressantes parce qu’el<strong>les</strong> <strong>les</strong> laissaient imaginerune version différente et plus attirante de la vraie


vie. D’autres participants trouvaient en revancheces séries beaucoup trop irréalistes et étaientfrustrés de ne pouvoir se projeter <strong>dans</strong> la vie et<strong>les</strong> aventures des personnages. Après la diffusionde l’extrait des Simpson, un garçon de 15 ansoffre une interprétation captivante de ce qu’ilretirait de cette série cinq ans plus tôt :Je la regardais parfois mais ça n’avait pasbeaucoup de sens parce que j’avais 8 ou 9ans. À cet âge, il te faut des couleurs et dela musique à la télévision, quelque chosequi attire ton œil. Ce n’était pas vraimentattirant. Ce qui comptait, c’était <strong>les</strong> blaguesmais à 10 ans, tu ne <strong>les</strong> saisis pas vraiment,tu te contentes de rire. Alors tu ris pour <strong>les</strong>raisons <strong>les</strong> plus stupides. C’était ça, monexpérience des Simpson.L’extrait suivant, tiré de Bob l’éponge, conduità une discussion très intéressante parce que <strong>les</strong>cinq répondants ont tous été de grands fans dudessin animé quand ils étaient plus jeunes. Dansl’ensemble, ils attribuent l’attrait de la série à lanature surréaliste du monde de Bob l’éponge.Étant donné qu’il s’agit d’un dessin animé, lefait d’être déconnecté de la vraie vie est déjàacquis. Aussi, <strong>les</strong> ado<strong>les</strong>cents considèrent qu’i<strong>les</strong>t important que <strong>les</strong> séries animées soient aussiextravagantes que possible, ce qui est exactementle cas de Bob l’éponge.F13INTF13G15Dans Hannah Montana, ils essaient dete faire croire que c’est la vraie vie, cequi rend la chose encore plus bizarre.Alors que <strong>dans</strong> Bob l’éponge, tu saisque ce n’est pas réel. C’est une épongequi vit <strong>dans</strong> l’océan avec un écureuilet une pieuvre. <strong>Et</strong> Bob habite <strong>dans</strong> unananas. Tout ça contribue à rendre ceprogramme drôle.Donc plus ils en rajoutent, plus ça peutêtre drôle ?Exactement.Regarder des gens vivre sous l’eau ets’amuser, ça a été un moment déterminantpour moi : « Comment font-ils pourvivre sous l’eau ? Je veux le faire moiaussi ». Les autres dessins animés reprenaient<strong>les</strong> mêmes éléments de normalitéalors que celui-là était drôle et décalé.C’était complètement différent.Le groupe de discussion des ado<strong>les</strong>cents setermine par un exercice collaboratif. On <strong>les</strong> inviteà concevoir un nouveau programme de télévisionpour <strong>les</strong> 9-12 ans. Ils décident de produire undessin animé et s’inspirent du coté farfelu etimprobable tant apprécié <strong>dans</strong> Bob l’éponge. Ilss’accordent sur le fait que l’histoire doit se dérouler<strong>dans</strong> un lieu surréaliste en plein air, avec despersonnages extravertis. D’après un participantde 15 ans, le cadre de l’histoire doit répondre àcertains critères :Ça doit avoir lieu quelque part où on ne vapas habituellement, un lieu exotique, unlieu dont on peut rêver et dire « J’irais bienlà-bas, ça doit être cool, je me demande cequi se passerait si j’allais là-bas ».Finalement, ils décident de situer la série <strong>dans</strong><strong>les</strong> nuages, <strong>les</strong> habitations flottant <strong>tout</strong> autourdu monde. Les personnages principaux qui ontélu domicile <strong>dans</strong> <strong>les</strong> nuages prendraient la formede créatures indéfinies mais non menaçantes.El<strong>les</strong> passeraient <strong>les</strong> épisodes à scruter la Terreet à commenter combien l’espèce humaine est« bizarre » et « étrange ». Il y aurait deux outrois personnages principaux, <strong>les</strong>quels auraienttous des personnalités distinctes de sorte quechaque enfant pourrait se projeter <strong>dans</strong> au moinsl’un d’entre eux et identifier celui qu’il préfère.Des personnages secondaires sont prévus pourapporter quelque chose à l’histoire et créer desnouvel<strong>les</strong> dynamiques de scénarios. Les nuages,théâtre de la série, ne seraient pas situés au-dessusd’un lieu spécifique mais flotteraient autourde la Terre; ainsi, chaque épisode relaterait uneaventure <strong>dans</strong> un nouveau pays ou au contactd’une nouvelle culture. En bref, « un dessin animéà l’échelle mondiale pour que la part réalistenourrisse la part imaginaire ».Le programme intégrerait quelques élémentspédagogiques, tels que des informations sur <strong>les</strong>différentes cultures du monde, des valeurs essentiel<strong>les</strong>ou des traits de comportement appropriés.117


118Tous <strong>les</strong> éléments éducatifs devraient <strong>tout</strong>efoisêtre inclus <strong>dans</strong> des messages cachés pour que lasérie n’ait pas l’air trop moralisatrice. Finalement,la série devrait être avant <strong>tout</strong> une comédiedistillant des plaisanteries intelligentes que latranche d’âge cible sera capable de saisir. Selon <strong>les</strong>ado<strong>les</strong>cents, des couleurs vives et éclatantes ainsiqu’une musique de générique que l’on retientfacilement sont autant de précieux a<strong>tout</strong>s pour <strong>les</strong>uccès de ce nouveau programme.Réflexions fina<strong>les</strong>En se fondant sur l’analyse des témoignagesdes famil<strong>les</strong> vancouvéroises concernant leurshabitudes médiatiques et plus précisémenttélévisuel<strong>les</strong>, <strong>les</strong> chercheurs ont formulé certainesobservations. Tout d’abord, on retrouve à Vancouverune saveur manifeste qui fait écho à la notionde « Left Coast » évoquée par le père de la familleJohnson. Hormis un cas extrême, <strong>les</strong> parentsde Vancouver exercent une médiation parentalerelativement décontractée et ont une approcheplus permissive de la consommation médiatiquede leurs <strong>enfants</strong> (sur<strong>tout</strong> quand on <strong>les</strong> compare àcelle de leurs homologues de Calgary). À Vancouver,parents et <strong>enfants</strong> accordent moins de tempsà la télévision. Les multip<strong>les</strong> activités qui remplissentleur quotidien et <strong>les</strong> longues heures qu’ilspassent à l’extérieur priment parfois sur leurtemps d’écoute. Dans l’ensemble, La télévision estconsidérée comme une activité secondaire, dontle but est de divertir et de combler <strong>les</strong> momentsd’oisiveté du quotidien.Autre observation notable : plusieurs parentsréprouvent <strong>les</strong> comédies de situation produitespar Disney, une position discrètement formuléeà Calgary mais exprimée avec insistance àVancouver. Cette observation est encore plusremarquable quand on la compare au reste du<strong>Canada</strong> anglais. À St. John’s, par exemple, FamilyChannel est citée par <strong>les</strong> parents comme étant deloin la meilleure station pour le groupe d’âge deleurs <strong>enfants</strong>, celle qui présente <strong>les</strong> personnages<strong>les</strong> plus attachants, susceptib<strong>les</strong> d’être de bonsmodè<strong>les</strong> à suivre. Dernière observation : la popularitécroissante du magnétoscope numérique(ou PVR) <strong>dans</strong> cette région ultime de l’Ouestcanadien. Cette tendance semble plus importanteet plus présente <strong>dans</strong> leurs habitudes télévisuel<strong>les</strong>quotidiennes que <strong>dans</strong> l’Est canadien.Le chapitre suivant conclura le rapport et proposeraun examen approfondi des thèmes universelsabordés <strong>dans</strong> <strong>les</strong> cinq régions et des observationsgénéra<strong>les</strong> qui ont été formulées. Il offriraégalement un aperçu de la télévision jeunesse dedemain et de ce que cela signifie pour <strong>les</strong> <strong>enfants</strong>qui ont entre 9 et 12 ans actuellement.


Conclusion119


120Cette étude qualitative offre des données actualiséesrelatives à l’appropriation des médias et deleurs contenus par <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> canadiens et leursparents au quotidien. Chacun de ses comptesrendus régionaux détaille <strong>les</strong> impressions et <strong>les</strong>opinions que <strong>les</strong> programmes de la télévisionjeunesse canadienne suscitent <strong>dans</strong> <strong>les</strong> foyers.L’étude précise ainsi le rôle de la télévision auXXIe siècle <strong>dans</strong> la vie des famil<strong>les</strong> et révèle ceque <strong>les</strong> jeunes Canadiens et leurs parents pensentde la télévision, de son contenu, et des nouvel<strong>les</strong>technologies.La plupart des informations recueillies parl’industrie des médias sur ce sujet se fondent surun échantillon de participants plus importantmais sur des indicateurs quantitatifs limités.L’approche qualitative choisie <strong>dans</strong> cette étude apermis aux famil<strong>les</strong> de se pencher sur <strong>les</strong> raisonset <strong>les</strong> modalités de leur consommation télévisuelleet d’en discuter. Les entretiens approfondisavec plus de 200 participants issus de 80 famil<strong>les</strong>à travers le pays révèlent et confirment <strong>les</strong> tendancesobservées en la matière.De nombreux thèmes ont été abordés <strong>dans</strong> <strong>tout</strong>es<strong>les</strong> régions prises en compte <strong>dans</strong> cette étude :<strong>les</strong> habitudes médiatiques des <strong>enfants</strong>, le rôle dela télévision <strong>dans</strong> <strong>les</strong> foyers canadiens, l’imagede la télévision jeunesse, <strong>les</strong> différences entre <strong>les</strong>productions canadiennes et américaines, l’appropriationdes médias, l’encadrement parentalet ainsi de suite. Les résultats indiquent d’unepart que sur ces thèmes, chaque ville/région sedistingue à de nombreux égards. Par exemple, <strong>les</strong>habitants de St. John’s sont ceux qui regardentle plus la télévision en famille et qui consacrentà la télévision en général le plus grand nombred’heures. Cependant, c’est aussi <strong>dans</strong> la capitaleterre-neuvienne que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> contrebalancentle mieux leur usage médiatique quotidien pardes jeux à l’extérieur. De leur côté, <strong>les</strong> famil<strong>les</strong>québécoises interrogées à Montréal ont apportéun angle de vue intéressant sur la réalité des programmesjeunesse québécois et sur l’écho que <strong>les</strong>émissions québécoises et américaines trouventchez leurs <strong>enfants</strong> aujourd’hui. Il est surprenantde voir comment <strong>les</strong> jeunes Québécois s’identifientà ces deux types de programmes et se <strong>les</strong>approprient, tandis que leurs parents exprimentsouvent le souhait de voir une plus grande offred’émissions pour <strong>les</strong> 9-12 ans et de préférenced’origine québécoise.À Toronto, <strong>les</strong> chercheurs ont observé <strong>les</strong> profilsfamiliaux <strong>les</strong> plus divers et constaté que presquechaque foyer avait adopté un mode de vie similaire,à la fois moderne et très actif. Si <strong>les</strong> parentstorontois sont apparus quelque peu moins au faitdes habitudes médiatiques de leurs <strong>enfants</strong>, ilsont exprimé un vif désir de contenus jeunesse àcaractère informatif. Ils attendent de ces contenusqu’ils soutiennent et complètent l’instructionde leurs <strong>enfants</strong>. En bref, à Toronto, la télévisiondoit divertir autant qu’éduquer. À Calgary,l’équipe de recherche a constaté l’appropriationmédiatique la plus traditionnelle et conservatricedu pays. C’est là que <strong>les</strong> meilleurs exemp<strong>les</strong>d’intervention parentale ont été observés. Lesparents s’y impliquent très activement <strong>dans</strong> la viede leurs <strong>enfants</strong>. Fait intéressant, Calgary est laseule ville ou aucun des <strong>enfants</strong> interrogés ne disposaitde son propre téléviseur <strong>dans</strong> sa chambre.C’est aussi là que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> « actifs » sont <strong>les</strong>plus nombreux. La plupart des répondantsétaient impliqués <strong>dans</strong> de nombreuses activitésextrascolaires, <strong>les</strong>quel<strong>les</strong> ne leur laissaient quepeu de temps à consacrer aux médias.Enfin, à Vancouver, bien que <strong>les</strong> parentss’investissent <strong>dans</strong> <strong>les</strong> habitudes médiatiquesde leurs <strong>enfants</strong>, qu’ils connaissent bien, leurcontrôle est apparu plus permissif à l’égard de laconsommation médiatique de leur progéniture.En Colombie-Britannique, parents et <strong>enfants</strong> ontégalement tendance à accorder moins de temps àla télévision. Leurs emplois du temps très chargéset <strong>les</strong> nombreuses heures passées en plein air primentparfois sur leur temps d’écoute télévisuelle.Autre tendance à signaler, le magnétoscopenumérique est très populaire <strong>dans</strong> <strong>les</strong> provincesde l’Ouest, où environ 3 famil<strong>les</strong> sur 5 l’utilisentassidûment et évoquent en des termes trèsélogieux son impact sur leur routine médiatiqueet leur consommation télévisuelle en général. Àl’opposé, le PVR n’a presque jamais été mentionné


<strong>dans</strong> <strong>les</strong> régions de l’Est canadien. Cela pourraits’expliquer par le décalage horaire, qui revientassez souvent <strong>dans</strong> <strong>les</strong> réponses, mais aussi pard’autres facteurs évoqués, tels que la capacité àpasser <strong>les</strong> pauses publicitaires ou de visionner sesprogrammes avec plus de flexibilité.D’autre part, certaines similitudes <strong>dans</strong> laconsommation médiatique des famil<strong>les</strong> resurgissent<strong>dans</strong> <strong>tout</strong> le pays. Tous <strong>les</strong> foyers sontpar exemple bien équipés et comptent unevariété de plateformes médiatiques destinéesau divertissement et à l’apprentissage. Leschercheurs ont <strong>dans</strong> l’ensemble observé une forteprésence d’équipements médiatiques sans qu’ily ait une corrélation entre le nombre d’appareilstechnologiques dont disposait une famille et lerevenu annuel de cette dernière. Les foyers visitésqui bénéficiaient de l’aide sociale possédaient unattirail technologique similaire, sinon plus fournique <strong>les</strong> foyers de la classe moyenne supérieure.Dans ce type d’environnement, quelques <strong>enfants</strong>ont développé des habitudes de « media multitasking».L’analyse des données recueillies révèle que le« media multitasking » existe bel et bien mais qu’iln’est pas pratiqué par tous. De plus, ses adeptesne s’y adonnent pas tous à la même fréquence.Celle-ci reflète habituellement l’âge de l’enfantconcerné. Pour entrer <strong>dans</strong> <strong>les</strong> détails, le « mediamultitasking » est une pratique plus communechez <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> <strong>les</strong> plus âgés de la tranche d’âgecible (11 et 12 ans) que chez <strong>les</strong> plus jeunes (9 et10 ans). Cette hausse du « multitasking » chez <strong>les</strong>plus âgés peut s’expliquer par leur entrée <strong>dans</strong>une nouvelle phase de leur vie faisant la part belleaux médias sociaux, et où l’acceptation des pairset l’interaction avec eux prend de l’importance.Par ailleurs, il ressort de l’étude que le « multitasking» n’est pas nécessairement fonction desprogrammes suivis à la télévision. Par exemple,<strong>les</strong> <strong>enfants</strong> ne clavardent pas avec leurs amis sur<strong>les</strong> émissions qu’ils sont en train de regarder — ils’agit là de deux activités distinctes.Presque tous <strong>les</strong> parents auxquels <strong>les</strong> chercheursse sont adressés ont conscience de l’influencecroissante d’Internet, laquelle nécessite qu’ilsprocèdent à des ajustements imprévus et qu’ilsfixent des limites claires. Pourtant, l’équipe derecherche à découvert que si certains <strong>enfants</strong>suivaient quelques programmes sur Internet,cette pratique était très loin d’être la norme. Les<strong>enfants</strong> âgés entre 9 et 12 ans continuent deregarder la majorité de leurs émissions sur unposte de télévision. En outre, ils reconnaissentvolontiers que la télévision reste leur écran favoripour suivre du contenu télévisuel. Il est à soulignerqu’environ la moitié des <strong>enfants</strong> interrogésn’avaient jamais regardé de programmes télévisuelsen ligne et que l’autre moitié n’en faisait pasune habitude régulière.En résumé, visionner des contenus télévisuels surInternet reste une activité marginale; le Web n’esten aucun cas le média préféré des <strong>enfants</strong> poursuivre leurs programmes favoris.Bien que le contenu canadien soit extrêmementprésent et bien accueilli au niveau préscolaire(ce constat évident est ressorti <strong>dans</strong> la premièrephase de l’étude), il semble être remis en questionune fois que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> atteignent la préado<strong>les</strong>cence.Globalement, de nombreux répondantsfont état de la qualité tantôt inférieure tantôtsupérieure des programmes canadiens quandils <strong>les</strong> comparent aux productions américaines.La notion de qualité a soulevé de nombreusesquestions chez <strong>les</strong> chercheurs, tant son acceptionsemble ne pas être la même pour tous. Quelquesparticipants aux entretiens trouvent que <strong>les</strong> programmescanadiens n’ont pas un budget suffisantpour concurrencer leurs homologues américainsen termes de production. Ils considèrent que<strong>les</strong> émissions canadiennes sont de « qualitéinférieure » à un niveau purement technique.D’autres estiment que <strong>les</strong> contenus canadienstendent à être « de qualité supérieure » pour cequi est des valeurs qu’ils véhiculent et du sensde la communauté qu’ils transmettent aux téléspectateurs.Plus nombreux encore sont ceux quiadmettent être incapab<strong>les</strong> de faire la différenceentre <strong>les</strong> productions des deux pays, au motifqu’el<strong>les</strong> se valent « qualitativement ».121


122Pour beaucoup, c’est là un constat positif puisquecela signifie que <strong>les</strong> productions canadiennes sontdésormais aussi peaufinées et divertissantes quele sont <strong>les</strong> américaines. D’autres y voient uneopportunité ratée de se distinguer. Se peut-il que<strong>les</strong> productions canadiennes ne présentent pasune identité assez forte et ne fassent pas assez lapromotion du « sens de la communauté » que tantde parents et d’<strong>enfants</strong> disent apprécier ?Les chercheurs pensent qu’exposer <strong>les</strong> jeunestéléspectateurs de 9 et 10 ans à plus de contenuscanadiens permettrait de leur montrer que latélévision faite au <strong>Canada</strong> est aussi divertissanteque <strong>les</strong> autres et d’éveiller leur intérêt. Dans lecas contraire, le jeune public continuera avec<strong>les</strong> années à dériver de plus en plus vers descontenus américains, au point que cela deviendraune habitude quand ils auront atteint l’âge adulte.Il revient également aux parents de s’informersur <strong>les</strong> émissions canadiennes actuellementproposées à leurs <strong>enfants</strong> et de <strong>les</strong> encourager à<strong>les</strong> regarder. Même <strong>les</strong> entretiens familiaux enprésence de l’équipe de recherche ont donné lieuà des discussions sur la télévision canadienneque bien des famil<strong>les</strong> ont admis ne jamais avoireues auparavant. En conclusion, il est raisonnabled’affirmer que <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> vouent un véritableintérêt au contenu canadien, dès lors que la qualitéde ce dernier équivaut à celle des productionsaméricaines.Réflexions fina<strong>les</strong>S’il devait ressortir de cette étude une observationgénérale pour <strong>les</strong> cinq régions canadiennesprises en compte, ce serait l’importance et lavaleur que <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> canadiennes accordentencore à la télévision et le rôle inébranlable quecelle-ci continue de jouer <strong>dans</strong> <strong>les</strong> foyers. Lesentretiens qualitatifs menés en profondeur <strong>dans</strong><strong>les</strong> famil<strong>les</strong> ainsi que <strong>les</strong> groupes de discussionorganisés à travers le pays indiquent clairementque <strong>dans</strong> cet océan de nouvel<strong>les</strong> technologies,la télévision reste la plateforme médiatique laplus communément utilisée et celle à laquelle onassigne la fonction de rassembler <strong>les</strong> famil<strong>les</strong>.Contrairement à l’ordinateur, qui donne souventlieu à des activités individuel<strong>les</strong> et qui par conséquentisole l’utilisateur, la télévision continued’unir <strong>les</strong> membres d’une famille. C’est une plateformemédiatique que tous peuvent partager, enraison de sa taille et de son emplacement <strong>dans</strong> lefoyer, mais aussi parce que le contenu qu’elle diffuseunifie <strong>les</strong> intérêts personnels et crée des lienset des points communs entre <strong>les</strong> téléspectateurs.En ce début de la deuxième décennie du XXIesiècle, et de la même manière que cela sembleavoir été le cas par le passé, la plupart des parentset des <strong>enfants</strong> s’accordent à dire que la télévisionest la plateforme médiatique idéale pour créerune expérience familiale à laquelle tous peuventprendre part.Cette étude n’en considère pas pour autantque <strong>les</strong> nouveaux écrans soient de moindreimportance et que seule la télévision remplitun rôle unique <strong>dans</strong> le paysage médiatique desfamil<strong>les</strong> canadiennes. D’ailleurs, concernant <strong>les</strong>nouveaux écrans et leur rôle domestique, cetteétude vient compléter <strong>les</strong> résultats récents établispar d’autres projets de recherche et en particuliercelui conduit récemment par Viacom2 , Disneyet Yahoo1 , sur l’usage des tablettes commeécran secondaire visant à prolonger l’expériencetélévisuelle traditionnelle. Leur recherche suggèreque <strong>les</strong> écrans secondaires, et en particulier latablette, ne constituent pas une menace pour latélévision. Elle offre au contraire aux spectateursplus de moyens d’interagir activement avec <strong>les</strong>programmes qu’ils suivent à la télévision, pardes applications en lien avec leurs programmesfavoris. L’objectif principal n’est donc pas deconcurrencer la télévision mais de maintenirl’attention du spectateur pour un programmequ’il regarde, même quand il n’est pas en trainde le visionner à la télévision. D’une certainemanière, l’industrie des médias a pris consciencedu rôle constant que la télévision joue <strong>dans</strong> <strong>les</strong>foyers et cherche à incorporer de nouveaux écrans<strong>dans</strong> cette routine médiatique déjà établie afind’encourager et d’améliorer l’expérience d’écoutede la famille moderne.


Concernant plus spécifiquement <strong>les</strong> 9-12 ans,le constat est le suivant : <strong>les</strong> jeunes Canadienscontinuent de regarder la télévision – celle-cin’est pas menacée d’extinction, au moins pas <strong>dans</strong>l’immédiat. Si certains adultes promettent sadisparition, <strong>les</strong> parents et <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> interrogés<strong>dans</strong> l’étude jugent cette prédiction infondée etinsistent sur le caractère essentiel de la télévision.Elle constitue un équipement de base du foyeret l’intérêt que lui vouent <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> ne montreaucun signe de déclin. Ainsi donc, ce n’est pasl’acte physique de regarder la télévision qui poseproblème mais plutôt ce qu’il est possible d’y voir.Les producteurs doivent réagir aux préoccupationsde nombreux parents qui soulignent la nécessitéd’une plus grande variété de programmesde qualité pour <strong>les</strong> 9-12 ans et expriment <strong>les</strong>ouhait d’avoir accès à plus d’émissions familia<strong>les</strong>qui conviennent aux téléspectateurs de tous âges.Cette étude fait effectivement clairementressortir qu’à cet âge, <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> aspirent encoreà passer du temps en famille et chérissent cesmoments de proximité avec leurs proches. Il estd’autant plus important de capitaliser sur cesmoments de partage que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> de cettetranche d’âge sont sur le point d’entrer <strong>dans</strong>l’ado<strong>les</strong>cence et auront bientôt moins de tempsà consacrer à des activités familia<strong>les</strong>. C’est aussiun moment opportun pour ranimer l’intérêtpour des programmes canadiens — un facteuressentiel pour <strong>les</strong> producteurs désireux que leurscontenus canadiens fidélisent un public à longterme. Bien que <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> aient été d’avidesconsommateurs de programmes canadienspréscolaires, leur engouement s’essouffle par lasuite. En effet, parents comme <strong>enfants</strong> avouentêtre moins sensib<strong>les</strong> aux programmes nationauxdestinés aux 9-12 ans.Augmenter la production de programmes dequalité dédiés à cette tranche d’âge permettraitde regagner l’attention du jeune public. Celaaiderait <strong>les</strong> jeunes Canadiens à s’identifier à leurcommunauté et fonderait sur le long terme unattachement pour <strong>les</strong> arts et divertissementscanadiens.En plus de ces révélations, s’inviter directement<strong>dans</strong> <strong>les</strong> foyers canadiens et interroger <strong>les</strong>famil<strong>les</strong> sur leur appropriation de la télévisiona donné aux chercheurs un aperçu fascinant dela variété des rô<strong>les</strong> que <strong>les</strong> Canadiens assignentà la télévision. En d’autres termes, cette étudea permis de découvrir <strong>dans</strong> quelle mesure latélévision outrepasse son rôle premier de sourcede divertissement. Dans de nombreuses famil<strong>les</strong>,la télévision sert d’outil pédagogique. Elle apporteaux <strong>enfants</strong> de multip<strong>les</strong> leçons à travers desprogrammes qui véhiculent des faits instructifs,ou via des comédies de situation qui présententdes expériences auxquel<strong>les</strong> <strong>les</strong> <strong>enfants</strong> peuvents’identifier, des attitudes convenab<strong>les</strong> et dessolutions plausib<strong>les</strong> aux problèmes quotidiensqu’ils sont susceptib<strong>les</strong> de rencontrer en tantque préado<strong>les</strong>cents. La télévision peut égalementservir à inculquer à ses spectateurs un sens de lacommunauté, en particulier avec des programmesqui mettent l’accent sur la culture et la régiond’où sont originaires ceux qui <strong>les</strong> regardent. Denombreux parents ont rapporté suivre des émissionsde télévision avec leurs <strong>enfants</strong> afin de <strong>les</strong>exposer à leur héritage culturel ou à leur communauté.C’est notamment le cas d’une mère de St.John’s, qui suit un programme local sur la pêcheavec ses <strong>enfants</strong> pour qu’ils découvrent commentleur grand-père pêcheur gagnait sa vie.Enfin, bien que cela ait été souligné à maintesreprises, la télévision donne aux famil<strong>les</strong> des occasionsde passer du temps ensemble. Cel<strong>les</strong> que<strong>les</strong> chercheurs ont rencontrées à travers le paysmènent <strong>tout</strong>es des vies très actives et socialementbien remplies, à renfort de pratiques de socceret de rendez-vous de jeux. Néanmoins, et c’estune constante <strong>dans</strong> <strong>tout</strong>es <strong>les</strong> régions, regarderla télévision en famille symbolise un temps passéensemble, permet aux membres d’une famille123


de tisser des liens et constitue un événementqu’<strong>enfants</strong> et parents chérissent. Ces momentsde partage tant appréciés de tous ne passent pasinaperçus et restent <strong>dans</strong> <strong>les</strong> mémoires. Pourreprendre une citation d’un jeune garçon de 12ans, « On s’entasse tous sur le canapé. J’aime çaparce que c’est amusant de regarder la télévisionmais aussi parce que je passe du temps avec mafamille ».124En résumé, la télévision n’est pas qu’une plateformemédiatique parmi d’autres, ni un simp<strong>les</strong>ystème qui délivre des contenus. Elle ne peut pasnon plus être comparée aux technologies destinéesà un utilisateur unique comme l’ordinateurou le téléphone cellulaire. Contrairement à cesderniers, la télévision propose en soi une expériencequi éloigne <strong>les</strong> membres de la famille desplateformes médiatiques centrées sur l’individu.Elle crée des opportunités de passer du temps ensemble.Les chercheurs ont pu constater en personne,grâce à des récits empreints de nostalgie,combien la télévision rassemblait <strong>les</strong> famil<strong>les</strong> parle passé. Des témoignages ont également indiquéque cette vocation perdurait aujourd’hui. Pourfinir, il ne fait donc pas de doute que la télévisiona le potentiel de continuer à rassembler parentset <strong>enfants</strong>, aussi longtemps que le contenu proposédonnera des raisons à tous de se retrouver surle canapé, de regarder un programme intéressantet de se divertir.


Appendice 1125


Groupe dediscussion deVancouver126


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« Fais un dessinde ton émissionpréférée »Groupe dediscussion deCalgary129


« Fais un dessinde ton émissionpréférée »Groupe dediscussion deSt. john’s130


Groupe dediscussion deSt. John’s131


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