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adieu Marilyn, bonjour Lara - Université de Lausanne

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SOCIÉTÉFemmes en armes :Paramount Pictures<strong>adieu</strong> <strong>Marilyn</strong>,<strong>bonjour</strong> <strong>Lara</strong>Maman! <strong>Lara</strong> Croft, l’égérie <strong>de</strong>s jeuxvidéo, débarque sur les écrans <strong>de</strong> cinémaà la fin du mois. Violente, elle plaît égalementaux jeunes filles à cause <strong>de</strong> soncôté intellectuelle-qui-ne-se-laissepas-marcher-sur-les-pieds.L’icône <strong>de</strong> lafemme postmo<strong>de</strong>rne est née.→A LLEZ SAVOIR! / N°20 JUIN 2001 43


Femmes en armes : <strong>adieu</strong> <strong>Marilyn</strong>, <strong>bonjour</strong> <strong>Lara</strong>SOCIÉ T É© N. ChuardPas facile d’écrire sur les femmes etles armes. Les étu<strong>de</strong>s manquent etle sujet semble aussi un peu tabou. Saufpour le magazine masculin «Penthouse»qui publiait, il y a quelquetemps, une série <strong>de</strong> photos <strong>de</strong> femmesnues mais armées, suscitant unerévolte <strong>de</strong>s lecteurs. Allez savoir pourquoi,les armes semblaient les choquerdavantage que la pornographie. Unequestion <strong>de</strong> génération? Ce qui est sûr,c’est que les amateurs <strong>de</strong> jeux vidéon’ont pas cette réaction <strong>de</strong> rejet faceaux femmes armées. Ils adorent <strong>Lara</strong>Croft, la plus célèbre <strong>de</strong>s héroïnes <strong>de</strong>jeu vidéo dont on peut résumer le personnageen quatre mots : gros seins etgros pétards.Chaque nouvelle sortie <strong>de</strong> ses aventuresest saluée par <strong>de</strong>s millions <strong>de</strong> fanset se sol<strong>de</strong> tout aussi régulièrement par<strong>de</strong>s ventes astronomiques partout dansle mon<strong>de</strong>. Consécration suprême pourun personnage virtuel, <strong>Lara</strong> Croft aMelody Bourbon,sociologue à l’Université <strong>de</strong> <strong>Lausanne</strong>droit aujourd’hui, comme Super Mario,à son propre film produit par Hollywoo<strong>de</strong>t qui sort fin juin dans les sallesroman<strong>de</strong>s. Tout indique qu’il <strong>de</strong>vraitfaire un malheur au box office.«<strong>Lara</strong> plaît aussi aux femmes»N’allez pas croire que <strong>Lara</strong> Croftn’emballe que <strong>de</strong>s machos informatiques,plutôt jeunes, boutonneux et enmal d’amour. Ce personnage est unphénomène bien plus complexe quecela. «<strong>Lara</strong> Croft plaît aussi aux femmes»,fait remarquer Melody Bourbon,une sociologue qui prépare un DEAromand entre autres à l’Université <strong>de</strong><strong>Lausanne</strong> (UNIL), après avoir rédigéun mémoire sur les femmes guerrièreslors <strong>de</strong> ses étu<strong>de</strong>s à Londres.Au cours <strong>de</strong> ses recherches, MelodyBourbon a découvert un club d’admiratriceset <strong>de</strong> clones <strong>de</strong> <strong>Lara</strong> Croft quiorganisent plusieurs fois par an <strong>de</strong>scompétitions internationales dans lanature, un genre <strong>de</strong> «Camel trophy»sans jeep mais avec un petit arsenal <strong>de</strong>poche. Parmi les participantes, jeunesEuropéennes et Américaines surtout,il y a aussi quelques femmes mûres qui,très certainement, ne lisent pas «Penthouse»,puisqu’elles s’exhibent avec<strong>de</strong>s bazookas, <strong>de</strong>s fusils et <strong>de</strong>s pistoletsqui ont l’air bien réels.Condition pour participer aux festivités:s’inspirer aussi fidèlement quepossible du modèle. Porter une longuetresse brune, un short moulant, unt-shirt itou et un ceinturon double,comme dans les westerns, avec unelanière <strong>de</strong> chaque côté censée maintenirl’engin contre la cuisse, mais dontl’effet esthétique n’est pas sans rappelercelui d’une jarretelle (voir soushttp://network.ctimes.net/cb/lara/larapics.html).Le modèle <strong>de</strong> la femmepostmo<strong>de</strong>rne<strong>Lara</strong> Croft n’est pourtant pas la premièrefemme armée <strong>de</strong> l’histoire ducinéma. A l’écran, les femmes ont prisles armes <strong>de</strong>puis longtemps. On sesouvient <strong>de</strong> Bonnie and Cly<strong>de</strong>, <strong>de</strong>spétroleuses, <strong>de</strong> Nikita, du couple fémininve<strong>de</strong>tte du film «Baise-moi» ou <strong>de</strong>l’inoubliable Sigourney Weaver dans«Alien».Aucune d’elles n’a pourtant suscitéautant <strong>de</strong> fantasmes que <strong>Lara</strong> Croft.Aurait-elle quelque chose <strong>de</strong> plus queses prédécesseures qui titille l’inconscientcollectif et qui expliquerait cesdéguisements? Melody Bourbon n’apas <strong>de</strong> réponse. Seulement une hypothèse.<strong>Lara</strong> Croft ne serait-elle pas lemodèle <strong>de</strong> la femme postmo<strong>de</strong>rne, libérée,indépendante et égale <strong>de</strong> l’homme?«<strong>Lara</strong> Croft est très belle, explique-telle,avec une étrange lueur dans lesyeux. Mais elle a aussi d’autres qualités.Elle est intelligente, intrépi<strong>de</strong>. Ellesait se servir d’une arme. C’est uneaventurière et une exploratrice, unesorte d’Indiana Jones au féminin. Ellea fait <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s et elle exerce le métierd’archéologue. C’est pour cela qu’elleporte <strong>de</strong>s lunettes ron<strong>de</strong>s. Et que le jeudans lequel elle apparaît s’appelle«Tomb Rai<strong>de</strong>r». C’est une intellec-44A LLEZ SAVOIR! / N° 20 JUIN 2001


Paramount Pictures<strong>Lara</strong> Croft, version cinéma, a les traits d’Angelina Jolie▲tuelle, mais elle sait se battre et ne selaisse pas marcher sur les pieds. Lesfemmes actuelles peuvent se reconnaîtreen elle.»Phénomène médiatique ?<strong>Lara</strong> Croft aurait donc remplacé<strong>Marilyn</strong> dans les cœurs. L’archétype <strong>de</strong>la blon<strong>de</strong> écervelée, fragile et glamour,objet sexuel à l’état pur <strong>de</strong> l’aprèsguerreet du baby-boom, aurait enfincédé la place à celui d’une intellectuellearmée, femme virtuelle, qui n’a pasfroid aux yeux et n’hésite pas à tirersur tout ce qui bouge. Dans l’ordre dufantasme et <strong>de</strong> l’icône peut-être. Maisdans la réalité?En Suisse, on n’en est pas là. Aupays <strong>de</strong> Guillaume Tell, l’arme reste lachasse gardée <strong>de</strong> l’homme. Il y a bieneu une braqueuse <strong>de</strong> banque à fortepoitrine qui a fait la une <strong>de</strong>s journauxen Suisse alémanique. Mais il s’agiraitd’un cas exceptionnel monté en épingle.«La violence <strong>de</strong>s femmes est unphénomène médiatique avant tout, noteMartin Killias, professeur <strong>de</strong> criminologieà l’UNIL. Les statistiques nemontrent aucune évolution <strong>de</strong> la criminalitéféminine en Suisse au cours<strong>de</strong>s cinquante <strong>de</strong>rnières années.»Voyage au pays<strong>de</strong>s «Gun Women»Aux Etats-Unis, en revanche, c’estdifférent. A en croire les chercheusesMary Zeiss Stange et Carol K. Oyster,auteures <strong>de</strong> «Gun Women», l’un <strong>de</strong>strès rares ouvrages sur la question paruen octobre <strong>de</strong>rnier, il y aurait au pays<strong>de</strong> l’Oncle Sam entre 12 et 17 millions<strong>de</strong> femmes à possé<strong>de</strong>r ou à porter unearme d’autodéfense, en tenant compte<strong>de</strong>s femmes policiers et <strong>de</strong>s femmes soldats.Cela peut paraître banal dans unecontrée où l’accès aux armes est libre,où la tradition du fusil domestiqueremonte au temps <strong>de</strong>s pionniers et oùles femmes ont désormais un magazinespécialisé à leur intention, «Women andGuns». Tout un programme.En réalité, les Américaines ne sontpas toutes <strong>de</strong>s maniaques <strong>de</strong> lagâchette. Le débat sur le recours à laviolence oppose <strong>de</strong>puis longtemps <strong>de</strong>uxcourants majeurs du féminisme. Les«universalistes», pour qui la femme doitimiter l’homme en tout, y compris dansla violence, et les «différentialistes»,pour qui elle doit promouvoir d’autresvaleurs plus pacifistes.Les sœurs pro-armesLe Mouvement <strong>de</strong>s mères contre lesarmes à feu, par exemple, a organiséen mai 2000 une marche sur Washingtonpour réclamer un contrôle renforcé<strong>de</strong> la vente d’armes. Les «Mothersagainst guns» souhaitent éviter les massacresqui ont en<strong>de</strong>uillé à plusieursreprises <strong>de</strong>s petites villes sans histoireoù <strong>de</strong>s adolescents, pris <strong>de</strong> folie meur-A LLEZ SAVOIR! / N° 20 JUIN 2001 45→


Paramount PicturesFemmes en armes : <strong>adieu</strong> <strong>Marilyn</strong>, <strong>bonjour</strong> <strong>Lara</strong>SOCIÉ T É→trière, ont mitraillé leurs camara<strong>de</strong>sd’école. Dans le camp opposé, lesfemmes du SAS, les Second AmendmentSisters, ont recueilli plus <strong>de</strong>57’000 signatures sur internet via le sitewww.i-charity.com avec leur pétitionen faveur du libre accès aux armes.Pour ces <strong>de</strong>rnières, la possessiond’une arme à feu constitue un moyend’empowerment <strong>de</strong>s femmes. Le revolver<strong>de</strong>vrait faire partie désormais <strong>de</strong> lapanoplie <strong>de</strong> Madame. Certains fabricantsd’armes ont flairé tout le potentiel<strong>de</strong> ce créneau, à l’image <strong>de</strong> Smith& Wesson qui développe les modèlespour lady, comme celui <strong>de</strong>s JamesBond girls. «Ce courant peut peut-êtrefaire passer l’idée qu’une femme peutêtre dangereuse en cas d’attaque,qu’elle refuse le rôle <strong>de</strong> l’éternelle victimeet qu’elle est capable <strong>de</strong> sedéfendre autrement que par quelquesprises <strong>de</strong> self-<strong>de</strong>fense», commenteMelody Bourbon.L’augmentation<strong>de</strong> la criminalité féminineAux Etats-Unis, un autre phénomènesemble témoigner <strong>de</strong> ce nouvelétat d’esprit : l’augmentation <strong>de</strong> la criminalitéféminine. Selon le FBI UniformCrime report, les arrestations <strong>de</strong>femmes pour crimes violents ont augmenté<strong>de</strong> 90 % entre 1985 et 1994,contre 43 % pour les hommes.Le Family Reseach Laboratory <strong>de</strong>l’Université du New Hampshire révèleque 12,4 % <strong>de</strong> femmes ont frappé leurmari entre 1975 et 1985, contre 12,2 %<strong>de</strong>s hommes durant la même pério<strong>de</strong>.De manière générale, les hommestuent toujours plus que les femmes.Entre 1985 et 1995, le nombre <strong>de</strong>meurtres commis par <strong>de</strong>s hommes aaugmenté <strong>de</strong> 13 % alors que celui dû à<strong>de</strong>s femmes baissait <strong>de</strong> 4 %. Il n’empêchequ’aux Etats-Unis, la population carcéraleféminine a sensiblement progresséces <strong>de</strong>rnières années, écrit Vanessa Lévy,ancienne assistante en droit à l’UNIL,qui, dans la revue «Déviance et société»,fait le point sur la délinquance fémininedans ce pays.Elle nous apprend que <strong>de</strong>puis 1990,la croissance annuelle <strong>de</strong>s détenues dansles prisons d’Etat et fédérales est d’envi-46A LLEZ SAVOIR! / N° 20 JUIN 2001


EidosAvant <strong>de</strong> s’inviter dans les cinémas, <strong>Lara</strong> Croft s’est fait connaître par le biais <strong>de</strong>s jeux vidéo▲ron 8,8 %, contre 6,9 % pour les hommes.Le nombre <strong>de</strong> femmes enferméesdans les prisons locales a lui aussi augmenté.Il est passé <strong>de</strong> 7,1 % <strong>de</strong> l’ensemble<strong>de</strong> détenus en 1983 à 10,6 % en 1997.De la difficulté<strong>de</strong> passer à l’acteLes femmes semblent commettre <strong>de</strong>seffractions pour se révolter contre leurstatut <strong>de</strong> femmes battues, exploitées ouabusées. Le facteur commun le plus fréquemmentmentionné dans les recherchesaméricaines est en effet celui<strong>de</strong>s mauvais traitements subis par lesdélinquantes dès leur enfance, le plussouvent jusqu’à l’âge adulte.Selon certains théoriciens en criminologie,le passage à l’acte criminel estpourtant plus difficile pour les femmes.Ainsi, une épouse battue ne se plaindraaux autorités qu’après une trentained’agressions en moyenne. Avant <strong>de</strong> commettrel’irréparable, elle culpabilisera etretournera la violence contre elle-même.Et ceci en raison <strong>de</strong> sa socialisation quia tendance à inhiber son agressivité.Y aurait-il quelque chose qui pousseraitles femmes à bout plus souventqu’autrefois? Il faut d’abord préciser quela justice américaine a changé. Conséquenceinattendue, la lutte pour l’égalitéentre les sexes, les tribunaux actuelsfont preuve <strong>de</strong> moins d’indulgence enversles femmes criminelles. On appellecette nouvelle équité <strong>de</strong>vant le juge «gen<strong>de</strong>rparity». Les hommes ont aussichangé. Ils dénoncent plus facilement lesactes violents <strong>de</strong> leurs conjointes. Et,enfin, les policières auraient tendance àcroire à leurs déclarations plus souventque leurs collègues masculins. Mais celan’explique pas tout.Délits économiquesà portée <strong>de</strong> mainDepuis la fin <strong>de</strong> la DeuxièmeGuerre mondiale, la société a égalementchangé, tout comme la situationéconomique <strong>de</strong> la femme a évolué. Celapèse très certainement sur son comportementcriminel. Les femmes accè<strong>de</strong>nten effet à <strong>de</strong>s postes qui les mettenten position <strong>de</strong> commettre <strong>de</strong>sdélits autrefois hors <strong>de</strong> leur portéecomme le détournement <strong>de</strong> fonds oul’escroquerie, par exemple.Leur statut familial s’est aussi modifié.Avec l’explosion du nombre <strong>de</strong>divorces, elles assument <strong>de</strong> plus en plussouvent la responsabilité économique<strong>de</strong> la famille. Et il arrive qu’elles calquentleur comportement sur celui <strong>de</strong>shommes. Si, en raison <strong>de</strong> leurs conditionssociales, les femmes n’ont pasaccès à «l’argent légal», elles peuventchercher à se procurer un revenu illégaldans le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la drogue parexemple.Les statistiques criminelles américainessemblent conforter ainsi certainesthéories <strong>de</strong> criminologie selonA LLEZ SAVOIR! / N° 20 JUIN 2001 47→


→lesquelles, à situation socio-économiqueégale, la femme commettrait lemême genre <strong>de</strong> crimes que l’homme etdans la même proportion.La Suisse à l’abridu modèle américain ?Il n’est pas étonnant que la Suissen’enregistre pas encore cette tendance.Le contexte helvétique n’estpas comparable avec celui <strong>de</strong>s Etats-Unis qui ont souvent une longueurd’avance sur les autres pays. Lesarmes s’y trouvent en vente libre etle phénomène <strong>de</strong>s gangs <strong>de</strong> filles, trèsrépandus dans les gran<strong>de</strong>s agglomérationsaméricaines, est pratiquementinconnu en Suisse.Reste qu’en 1995, la Suisse a modifiéson Co<strong>de</strong> pénal pour ce qui est <strong>de</strong>satteintes contre le patrimoine. Ducoup, les infractions d’une moindreimportance dont la limite est fixée à 300Femmes en armes : <strong>adieu</strong> <strong>Marilyn</strong>, <strong>bonjour</strong> <strong>Lara</strong>SOCIÉ T Éfrancs (par exemple le vol à l’étalage)sont uniquement punissables surplainte. Cette réforme est sans doutepour quelque chose dans la baisse dutaux <strong>de</strong> criminalité <strong>de</strong>s Suissesses<strong>de</strong>puis le milieu <strong>de</strong>s années 90. La politiquerépressive n’est donc pas totalementinnocente dans l’évolution dutaux <strong>de</strong> criminalité.Les criminelles<strong>de</strong>s siècles passésMais rien n’indique que cette situationn’évoluera pas à l’avenir. Autrefois,les femmes européennes avaientun comportement criminel semblableà celui <strong>de</strong>s Américaines. En Europe eten Amérique du Nord, comme le rappelleVanessa Lévy, les femmes constituaient30 à 50 % <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>sdélinquants aux XVII e et XVIII esiècles et seulement 5 à 15 % entre lafin du XIX e et la fin du XX e siècle.Plusieurs explications ont été avancéesafin <strong>de</strong> comprendre ce «déclin»,dont notamment l’évolution historiquedu capitalisme et du patriarcat. Le passage<strong>de</strong> la tenue du ménage au travailen fabrique aurait en effet retiré auxfemmes leur rôle économique et lesaurait reléguées aux tâches domestiques.Elles n’auraient alors étéadmises sur les lieux <strong>de</strong> travail quepour effectuer <strong>de</strong>s corvées. La femmedouce, fragile et soumise, genre <strong>Marilyn</strong>,serait donc une constructionsociale récente. Elle pourrait, qui sait,être amenée à disparaître avec lasociété industrielle. <strong>Lara</strong> Croft incarneraitcette mutation profon<strong>de</strong> <strong>de</strong>l’i<strong>de</strong>ntité féminine. Elle serait l’archétype<strong>de</strong> la femme nouvelle, façon 3 emillénaire, forte et autonome et qui,pour revendiquer l’égalité jusqu’aubout, s’approprie l’ensemble <strong>de</strong>s attributsmasculins : pantalon, voiture,→p. 50Paramount Pictures48A LLEZ SAVOIR! / N° 20 JUIN 2001


A LLEZ SAVOIR! / N° 20 JUIN 2001 49Paramount Pictures


→postes à responsabilité, mandats politiqueset, à l’avenir, pourquoi pas, lesarmes.Substitut <strong>de</strong> pénis !?«Un psychanalyste freudien diraitsans doute que les armes constituent unsubstitut <strong>de</strong> pénis pour les femmes»,reprend Melody Bourbon avec un petitsourire ironique. Il n’aurait pas entièrementtort. Dans toutes les sociétés, lesarmes ont un contenu symbolique etpolitique. Comme l’explique SéverineRey, doctorante en anthropologie àl’UNIL et spécialiste <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>genre, «les armes sont traditionnellementles attributs du pouvoir et <strong>de</strong>shommes qui s’en sont attribué le monopole.L’i<strong>de</strong>ntité masculine s’est construiteautour <strong>de</strong>s armes et <strong>de</strong>s outils.»Pourtant, la plupart <strong>de</strong>s mouvements<strong>de</strong> libération ont pris les armes, sauf celui<strong>de</strong>s femmes. Pourquoi ?Femmes en armes : <strong>adieu</strong> <strong>Marilyn</strong>, <strong>bonjour</strong> <strong>Lara</strong>SOCIÉ T ÉPeut-être parce que contrairement àces <strong>de</strong>rniers, le mouvement <strong>de</strong> libération<strong>de</strong>s femmes ne revendique pas un territoiremais <strong>de</strong> nouveaux rôles sociaux.»Le combat<strong>de</strong>s révolutionnairesPeut-être aussi parce que cela nechange pas forcément le comportement<strong>de</strong>s hommes. «Le Mon<strong>de</strong> diplomatique»rapporte l’exemple <strong>de</strong>s ex-combattantesdu Front populaire <strong>de</strong> libération<strong>de</strong> l’Erythrée. Au combat, ces révolutionnairesétaient les égales <strong>de</strong>s hommes.Elles avaient <strong>de</strong>s gra<strong>de</strong>s, dirigeaient <strong>de</strong>sunités combattantes.A la démobilisation, la société civileleur a <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> retrouver leur rôled’épouse et <strong>de</strong> travailleuse soumise,comme si <strong>de</strong> rien n’était. Elles n’y sontpas parvenues. Les employeurs refusaientd’engager ces fortes têtes.Aujourd’hui, plusieurs programmesgouvernementaux ai<strong>de</strong>nt ces femmes àcréer leur propre entreprise.Les Erythréennes ne font pas figured’exception en Afrique. En 1996, le film«Flame» dénonçait le sort semblable <strong>de</strong>sanciennes combattantes <strong>de</strong>s forces <strong>de</strong>libération du Zimbabwe, après leurretour du maquis.Il est bien sûr hasar<strong>de</strong>ux <strong>de</strong> comparerla situation <strong>de</strong>s femmes dans unesociété rurale avec ce qui se passe dansle mon<strong>de</strong> occi<strong>de</strong>ntal. D’autant qu’onignore tout <strong>de</strong>s conséquences sociales<strong>de</strong> l’incorporation <strong>de</strong>s femmes dansl’armée israélienne, pour citer un casproche <strong>de</strong> notre modèle. Néanmoins, siles femmes se sentent légitimées à recourirà l’usage <strong>de</strong> la force pour se protéger,c’est peut-être que la représentationqu’elles ont d’elles-mêmes a changé.Bye, Bye, <strong>Marilyn</strong>.Giuseppe MelilloSelon les anthropologues, les armes et les outils sont traditionnellement <strong>de</strong>s attributs du pouvoir.Ce n’est pas <strong>Lara</strong> Croft qui va dire le contraireParamount Pictures50A LLEZ SAVOIR! / N° 20 JUIN 2001

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