Bertrand DURING, ‘’Histoire Culturelle des Activités Physique XIXe <strong>et</strong> XXe Siècle’’Ajoutons enfin que ces préoccupations ne seront pas absentes lors de l’adoption du calendrierrévolutionnaire. Celui-ci, institué par la Convention le 24 octobre 1793 partage l’année endouze mois de trente jours, auxquels s’ajoutent cinq jours complémentaires consacrés auxfêtes républicaines. On ne se repose que tous les dix jours, le décadi, <strong>et</strong> les fêtes collectives nedurent que cinq jours par an : la République travaille.Le troisième article de la série qui nous intéresse a pour auteur le Chevalier de Jaucourt, <strong>et</strong>traite de la « Fête des Fous », « réjouissance pleine de désordre, de grossièr<strong>et</strong>és <strong>et</strong> d’impiétésque les sous diacres, les diacres <strong>et</strong> les prêtres même faisaient dans la plupart des églises durantl’office divin, principalement depuis les fêtes de Noël jusqu’à l’Epiphanie ». Après l’énoncéd’une longue liste de décisions concilaires (de 633 à 1620), <strong>et</strong> la description citée plus bas, deJaucourt termine sa réflexion en évoquant les arguments des défenseurs de ces pratiques :« les tonneaux de vin crèveraient si on ne leur ouvrait la bonde pour leur donner de l’air ;nous sommes des tonneaux mal reliés que le puissant vin de la sagesse ferait rompre, si nousle laissions bouillir par une dévotion continuelle. Il faut donc donner quelque fois de l’air à cevin, de peur qu’il ne se perde <strong>et</strong> ne se répande sans profit. » (p.574 b). Mais la thèsecathartique ainsi énoncée ne trouve aucun crédit aux yeux de notre auteur, qui pourfend toutesces obscurités au nom des Lumières, <strong>et</strong> conclut avec satisfaction que « la renaissance desL<strong>et</strong>tres contribue plus dans l’espace de cinquante ans à l’abolition de c<strong>et</strong>te ancienne <strong>et</strong>honteuse fête que la puissance ecclésiastique <strong>et</strong> séculière dans le cours de mille ans ».10
Bertrand DURING, ‘’Histoire Culturelle des Activités Physique XIXe <strong>et</strong> XXe Siècle’’Encyclopédie, Tome VI, 1756, pp573-574Fête des Fous (Hist. Mod.) : réjouissance pleine de désordres, de grossièr<strong>et</strong>és <strong>et</strong>d’impiétés, que les sous-diacres, les diacres <strong>et</strong> les prêtres même faisaient dans laplupart des églises durant l’office divin, principalement depuis la fête de Noël jusqu’àl’Epiphanie.Par la connaissance des Saturnales on peut se former une idée de la fête des fous, elleen était une imitation ; <strong>et</strong> les puérilités qui règnent encore dans quelques-unes de noséglises le jour des Innocents ne sont que les vestiges de la fête dont il s’agit ici.Condamnée par Saint-Augustin (354-430), par le Concile de Tolède (633), par laSorbonne (12 mars 1444), par le Concile de Sens (1460 <strong>et</strong> 1485), par les constitutionssynodales du diocèse de Chartres (1550), par les statuts synodaux de Lyon (1566-1577), par le concile de Tolède (1566), par le Concile Provincial d’Aix (1585), par leConcile Provincial de Bordeaux (Cognac, 1620)… Des pontifes de c<strong>et</strong>te espèce étaient accompagnés d’un clergé aussi licencieux.Tous assistaient ces jours là au service divin en habits de mascarade <strong>et</strong> de comédie.Ceux-ci prenaient habits de pantomime ; ceux-là se masquaient, se barbouillaient levisage, à dessein de faire peur ou rire. Quand la messe était dite, ils couraient,sautaient <strong>et</strong> dansaient dans l’église avec tant d’impudence, que quelques-uns n’avaientpas honte de se m<strong>et</strong>tre presque nus ; ensuite ils se faisaient traîner par les rues dans destombereaux pleins d’ordures, pour en j<strong>et</strong>er à la populace qui s’assemblait autour d’eux.Les plus libertins d’entre les séculiers se mêlaient parmi le clergé pour jouer aussiquelque personnage de fou en habit ecclésiastique. Ces abus viennent jusqu’à seglisser également dans les monastères de moines <strong>et</strong> de religieuses. En un mot, dit unsavant auteur, c’était l’abomination de la désolation dans le lieu saint, <strong>et</strong> dans lespersonnes qui par leur état devaient avoir la conduite la plus sainte.Le portrait que nous venons de tracer de la fête des fous, loin d’être chargé estextrêmement adouci ; le lecteur pourra s’en convaincre en lisant la l<strong>et</strong>tre circulaire de12 mars 1444, adressée au clergé du royaume par l’<strong>Université</strong> de paris. On trouve c<strong>et</strong>tel<strong>et</strong>tre à la suite des ouvrages de Pierre de Blois ; <strong>et</strong> Sauval, tome II, p.624 en donne unextrait qui ne suffit que trop sur c<strong>et</strong>te matière. »Si de Jaucourt insiste sur l’évolution des idées, dans la mesure où il m<strong>et</strong> l’accent surl’importance du progrès des lumières, de Cahussac, auteur du dernier des quatre articlesconsacrés à « Fête », témoigne surtout de l’évolution des goûts. Evoquant les réjouissancesdéjà anciennes nées des raffinements de la Renaissance Italienne, où sont requis tous les artssur fond de Mythologie, il écrit en eff<strong>et</strong> :‘’On s’aperçut dès lors que dans les grandes circonstances, la joie des princes, despeuples, des particuliers même, pouvait être exprimée d’une façon plus noble, que parquelques cavalcades monotones, par de tristes fagots embrasés en cérémonie dans lesplaces publiques <strong>et</strong> devant les maisons de particuliers ; par l’invention grossière de tousces amphithéâtres de viandes entassés dans les lieux les plus apparents <strong>et</strong> ces dégoûtantesfontaines de vin dans les coins de rues ; ou enfin par ces mascarades déplaisantes qui, aubruit des fifres <strong>et</strong> des tambours, n’apprêtent à rire qu’à l’ivresse seule de la canaille, <strong>et</strong>infectent les rues d’une grande ville, dont l’extrême propr<strong>et</strong>é dans ces moments heureuxdevrait être l’une des plus agréable démonstration de l’allégresse publique.’’11