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Frédéric DIEU - Gestion et Finances Publiques La revue

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collectivités territoriales<strong>La</strong> sanctionpar le juge administratifde l’ insincéritéd’un budg<strong>et</strong> communalNote sous le jugement nº 0502916du tribunal administratif de Nice Par le présent jugement, le tribunal administratif de Nices’est prononcé sur les modalités de présentation <strong>et</strong> d’adoptiondu budg<strong>et</strong> primitif d’une commune ainsi que sur la notion desincérité budgétaire, qu’il a appliquée à un emprunt inscrit enrec<strong>et</strong>tes d’investissement par la commune intéressée.Par une requête enregistrée le 3 juin 2005, plusieurs conseillersmunicipaux de la commune de <strong>La</strong> Londe-les-Maures demandaienten eff<strong>et</strong> au Tribunal d’annuler les deux délibérations en date du2 mars 2005 par lesquelles le conseil municipal de la communeavait, d’une part, adopté le budg<strong>et</strong> primitif de la commune pourl’année 2005 <strong>et</strong>, d’autre part, voté l’attribution de plusieurs subventionsà des associations.Les requérants soutenaient d’abord que ces deux délibérationsétaient illégales du fait du défaut d’envoi de la note explicative desynthèse prévue par les dispositions de l’article L. 2121-12 du CGCT. Selon la jurisprudence, le défaut d’envoi de c<strong>et</strong>te note oul’insuffisance de ses énonciations entache d’irrégularité les délibérationsprises à moins que le maire n’ait fait parvenir aux conseillersmunicipaux, en même temps que la convocation, les documentsleur perm<strong>et</strong>tant de disposer d’une information répondant aux exigencesdes dispositions de l’article L. 2121-12 du CGCT (CE, 30 avril1997, Commune de Sérignan, nº 158730, aux Tables p. 699, DA1997, nº 231 ; CAA Marseille, 8 décembre 2003, M. Delus <strong>et</strong> autres,nº 99-0732).Dans deux arrêts du 12 juill<strong>et</strong> 1995, le CE a précisé l’étendue dec<strong>et</strong>te obligation. Il a ainsi considéré comme insuffisammentdétaillée une note explicative de synthèse qui ne comportait, en cequi concernait le proj<strong>et</strong> de budg<strong>et</strong> primitif, que le montant totaldes rec<strong>et</strong>tes <strong>et</strong> des dépenses de la section de fonctionnement <strong>et</strong>de la section d’investissement (CE, 12 juill<strong>et</strong> 1995, Commune deSimiane-Collongue, nº 157092, aux Tables p. 680, ACL 1996,nº100).En revanche, le CE a jugé que l’envoi, joint aux convocations, duproj<strong>et</strong> intégral de budg<strong>et</strong> <strong>et</strong> des états détaillés des emplois, d<strong>et</strong>tes,créances <strong>et</strong> emprunts de la commune pouvait tenir lieu de notede synthèse (CE, 12 juill<strong>et</strong> 1995, Commune de Fontenay-le-Fleury,nº 155495, aux Tables p. 681, DA 1995, nº 566). En l’espèce, s’agissant de la première délibération relativeà l’attribution de subventions aux associations, le documentadressé aux conseillers municipaux comportait uniquement untableau listant les associations <strong>et</strong> mentionnant, pour chacuned’elles, le montant des subventions allouées. Ce tableau, qui correspondaiten réalité au proj<strong>et</strong> de délibération, n’était ainsi assortid’aucune explication sur la détermination des sommes attribuées<strong>et</strong> les modalités de répartition. Un tel document, trop insuffisammentdétaillé pour perm<strong>et</strong>tre aux élus de disposer de l’informationnécessaire, ne pouvait tenir lieu de la note explicative desynthèse prévue par les dispositions de l’article L. 2121-12 (pourune espèce similaire, cf. CAA Bordeaux, 27 avril 2004, Communede <strong>La</strong> Possession, nº 00-01715). S’agissant de la seconde délibération du même jour, relativeà l’approbation du proj<strong>et</strong> de budg<strong>et</strong> primitif de la commune pourl’année 2005, aucune note explicative de synthèse concernant lebudg<strong>et</strong> primitif pour 2005 n’avait été jointe à la convocationadressée aux conseillers municipaux. Toutefois, plusieurs documentsbudgétaires avaient été adressés à ces derniers. <strong>La</strong> situationétait donc proche de l’affaire jugée par le CE dans l’arrêt Commune<strong>Frédéric</strong> <strong>DIEU</strong>Ancien élève de l’IEP de Paris <strong>et</strong> de l’ENA (2002)Actuellement commissaire du Gouvernementàla1 re Chambre du TA de Nicequi traite du contentieux des collectivités locales,des marchés publics <strong>et</strong> de la responsabilité hospitalièrede Fontenay-le-Fleury, arrêt dans lequel le CE avait jugé que l’envoi,joint aux convocations, du proj<strong>et</strong> intégral de budg<strong>et</strong> primitif diviséen chapitres <strong>et</strong> articles ainsi que des états détaillés des emploispermanents, de l’état des ensembles immobiliers <strong>et</strong> mobiliers, del’état de la d<strong>et</strong>te <strong>et</strong> des créances <strong>et</strong> de l’état des emprunts garantispar la commune, avait permis aux conseillers municipaux de disposerd’une information suffisante alors même que ceux-ci nes’étaient pas vu adresser de note explicative de synthèse.En l’espèce, les documents budgétaires adressés aux conseillersmunicipaux de la commune de <strong>La</strong> Londe-les-Maures comprenaientpour la section de fonctionnement un proj<strong>et</strong> de budg<strong>et</strong> présentépar chapitres <strong>et</strong> pour la section d’investissement un tableau récapitulantles grandes masses de dépenses <strong>et</strong> de rec<strong>et</strong>tes. Par ailleurs,étaient également jointes une présentation générale de l’équilibrefinancier du budg<strong>et</strong>, des informations statistiques, fiscales <strong>et</strong> financières<strong>et</strong> une annexe sommaire sur l’état de la d<strong>et</strong>te de la commune.Contrairement à ce qu’il en était dans l’espèce jugée par le CE,les documents fournis ne comprenaient ainsi ni le proj<strong>et</strong> intégraldu budg<strong>et</strong> primitif divisé en chapitres <strong>et</strong> articles ni les annexesrelatives à l’état des immobilisations, du personnel <strong>et</strong> des engagements(notamment des emprunts) de la commune. En outre,les documents fournis au titre de la section investissement <strong>et</strong> del’état de la d<strong>et</strong>te étaient beaucoup trop sommaires pour que lesconseillers municipaux pussent avoir une vision claire de l’économiedu proj<strong>et</strong> de budg<strong>et</strong> primitif pour l’année 2005. Au total,non seulement le proj<strong>et</strong> de budg<strong>et</strong> joint à la convocation n’étaitpas compl<strong>et</strong> (la section de fonctionnement était présentée uniquementpar chapitres <strong>et</strong> non par chapitres <strong>et</strong> articles, la sectiond’investissement n’était pas présentée par chapitres <strong>et</strong> encoremoins par chapitres <strong>et</strong> articles) mais en outre les documents jointsétaient peu explicites pour des non-spécialistes du droit budgétaire(absence de présentation fonctionnelle du budg<strong>et</strong>, absenced’annexes récapitulant diverses données indispensables à la compréhensiondes finances communales).En l’absence d’envoi d’une note explicative de synthèse, <strong>et</strong> àdéfaut d’avoir comblé c<strong>et</strong>te lacune par l’envoi de documents budgétairessuffisamment clairs <strong>et</strong> détaillés, le Tribunal a donc jugéque le droit à l’information des conseillers municipaux de la communede <strong>La</strong> Londe-les-Maures avait été méconnu. Il y avait là unpremier motif d’annulation.Les requérants soutenaient en outre que le budg<strong>et</strong> primitifpour l’année 2005 n’avait pas été voté en équilibre réel. Ils contestaienten particulier la sincérité du montant d’emprunt de900 000 c inscrit dans le total des rec<strong>et</strong>tes du budg<strong>et</strong> primitif.706 86 e année - nº 10 - octobre 2006


collectivités territorialesL’inscription de ce montant au budg<strong>et</strong> primitif avait eu un rôleimportant dans l’atteinte de l’équilibre budgétaire : en eff<strong>et</strong>,l’équilibre global de la section investissement était obtenu entenant compte de c<strong>et</strong> emprunt dont le montant était inclus. Aux termes de l’article L. 1612-4 du CGCT : « Le budg<strong>et</strong> dela collectivité territoriale est en équilibre réel lorsque la sectionde fonctionnement <strong>et</strong> la section d’investissement sont respectivementvotées en équilibre, les rec<strong>et</strong>tes <strong>et</strong> les dépenses ayantété évaluées de façon sincère, <strong>et</strong> lorsque le prélèvement sur lesrec<strong>et</strong>tes de la section de fonctionnement au profit de la sectiond’investissement, ajouté aux rec<strong>et</strong>tes propres de c<strong>et</strong>te section,à l’exclusion du produit des emprunts, <strong>et</strong> éventuellement auxdotations des comptes d’amortissements <strong>et</strong> de provisions,fournit des ressources suffisantes pour couvrir le remboursementen capital des annuités d’emprunt à échoir au cours del’exercice ».Equilibre budgétaire <strong>et</strong> sincérité budgétaire sont liés dans lamesure où l’absence d’équilibre budgétaire est le plus souventla conséquence d’une insincérité constatée soit par les chambresrégionales des comptes, soit par le juge administratif, quec<strong>et</strong>te insincérité résulte de l’inexactitude d’un montant (CE,sect., 23 décembre 1988, Département du Tarn c/ Barbut, auRecueil p. 466, RFDA 1989, p. 365, concl. Lévis, AJDA 1989,p.91,DA 1989, nº 10 : montant de dotation globale d’équipementerroné), soit d’une estimation insincère d’une ressource oud’une charge (CAA Lyon, 14 octobre 1999, préc.), soit encore dela reconduction de la même rec<strong>et</strong>te chaque année sans quec<strong>et</strong>te rec<strong>et</strong>te soit jamais recouvrée, ce qui présume de son insincérité(CE, 9 juill<strong>et</strong> 1997, préc.). L’équilibre budgétaire constituantune condition de légalité des délibérations budgétaires, lenon-respect de c<strong>et</strong>te obligation entraîne l’annulation del’ensemble de l’acte budgétaire concerné. Rappelons que l’emprunt constitue une rec<strong>et</strong>te facultativenon fiscale d’investissement (cf. art. L. 2331-8, 3º du CGCT).Comme toutes dépenses <strong>et</strong> rec<strong>et</strong>tes, l’emprunt doit être réel <strong>et</strong>sincère. Dans un avis de contrôle budgétaire du 24 juin 1991(Recueil C. comptes, p. 223), la CRC Antilles-Guyane a précisé quela simple intention manifestée par une collectivité de recourir àl’emprunt pour financer une partie de ses investissements nepouvait lui suffire pour exercer ce contrôle. <strong>La</strong> CRC a, en eff<strong>et</strong>,indiqué qu’elle devait apprécier la sincérité des rec<strong>et</strong>tesd’emprunts au regard des critères suivants : capacité d’assurerla charge liée au remboursement des emprunts prévus, possibilitéde mobiliser dans le courant de l’exercice lesdits emprunts<strong>et</strong> état d’avancement des négociations avec les établissementsfinanciers. Ainsi, la CRC analyse le recours à l’emprunt <strong>et</strong> la situationde l’end<strong>et</strong>tement de la collectivité au regard de sa situationfinancière générale <strong>et</strong> des marges de manœuvre dont elle dispose.De même, le juge administratif contrôle la sincérité del’emprunt. Dans un arrêt du 16 mars 2001, le CE a ainsi constatéque l’équilibre du budg<strong>et</strong> primitif avait été atteint « par l’inscription,en face des programmes de dépenses prévus...d’emprunts... dont la conclusion était aléatoire compte tenu duniveau très élevé de l’end<strong>et</strong>tement de la commune au regardde ses capacités de remboursement <strong>et</strong> qui, d’ailleurs, n’avaientfait l’obj<strong>et</strong>, à la date de la délibération en cause, d’aucun avisfavorable exprès de la part d’un organisme prêteur » (CE, 16 mars2001, Commune de Rennes-les-Bains c/ <strong>La</strong>can, nº 160257, auRecueil, RFDA 2001, p. 759 ; CTI 2001, nº 166). Précisons quec’est à la commune qu’incombe la charge de prouver que lebudg<strong>et</strong> a été voté en équilibre réel (CE, 9 juill<strong>et</strong> 1997 <strong>et</strong> CAALyon, 14 octobre 1999, préc.).De même, le CE a annulé le budg<strong>et</strong> supplémentaire 1993 dela région Guadeloupe en considérant que les rec<strong>et</strong>tes d’emprunty figurant au titre de reports de l’année précédente ne présentaientpas un caractère juridiquement certain, faute de pouvoirjustifier de l’engagement d’une banque donnant aux empruntsinscrits un début de réalisation (CE, 3 décembre 1999, RégionGuadeloupe, nº 159041, aux Tables, <strong>La</strong> Revue du Trésor, mai2000, p. 318). En l’espèce, la commune de <strong>La</strong> Londe-les-Maures reconnaissaitqu’au moment du vote du budg<strong>et</strong>, aucune négociationn’était en cours <strong>et</strong> aucune démarche n’avait été engagée en vuede conclure un quelconque contrat de prêt. Or, au moment duvote du budg<strong>et</strong>, la d<strong>et</strong>te de la commune de <strong>La</strong> Londe-les-Mauresétait élevée <strong>et</strong> l’autorisation d’emprunt de 900 000 c était,compte tenu de son montant très important, indispensablepour que l’équilibre de la section d’investissement fût respecté.Au total, il était donc difficile de considérer que le montantd’emprunt de 900 000 c était bien réel <strong>et</strong> sincère au momentde l’approbation du budg<strong>et</strong> primitif de la commune pourl’année 2005. En eff<strong>et</strong>, c<strong>et</strong> emprunt, dont la conclusion étaitaléatoire compte tenu du niveau déjà élevé de l’end<strong>et</strong>tementde la commune au regard de ses capacités de remboursement,n’avait fait l’obj<strong>et</strong>, à la date de la délibération en cause, d’aucunavis favorable exprès de la part d’un organisme prêteur, nimême d’aucune démarche de la commune en ce sens.Dans ces conditions, le Tribunal a considéré que le budg<strong>et</strong>primitif n’avait pas été voté en équilibre réel, au sens des dispositionsprécitées de l’article L. 1612-4 du CGCT, en raison ducaractère non sincère de l’inscription au budg<strong>et</strong> d’un montantd’emprunt de 900 000 c. Pour ce deuxième motif, le Tribunal adécidé d’annuler la délibération approuvant ce budg<strong>et</strong>.Les requérants invoquaient un dernier moyen tiré du nonrespectdes modalités d’adoption du budg<strong>et</strong>, ce budg<strong>et</strong> ayantété, selon eux, adopté globalement mais sans que le Conseilmunicipal eût préalablement délibéré sur les modalités de sonvote, en contradiction avec les dispositions de l’article L. 2312-2du CGCT. Rappelons qu’aux termes de c<strong>et</strong> article : « Les crédits sontvotés par chapitre <strong>et</strong>, si le Conseil municipal en décide ainsi, pararticle ». Selon la jurisprudence, le budg<strong>et</strong> communal peut êtreadopté sans qu’il soit procédé à un vote formel sur chacun deschapitres à la double condition que le budg<strong>et</strong> soit présenté parchapitre <strong>et</strong> article <strong>et</strong> qu’un débat préalable ait eu lieu afin deconstater l’assentiment des conseillers présents sur le budg<strong>et</strong>(CE, 18 mars 1994, Commune de Cestas, nº 138446, au Recueil,p. 147, DA 1994, nº 437, AJDA 1994, p. 649, concl. Fratacci, RFDA1994, p. 623, <strong>La</strong> Revue du Trésor 1995, p. 66 ; CE, 22 mars 1996,Commune de Puymirol, nº 115127, <strong>La</strong> Revue du Trésor 1996,p. 771). Récemment, la CAA Bordeaux a précisé l’obj<strong>et</strong> de c<strong>et</strong>assentiment des conseillers municipaux en estimant que le voteglobal du budg<strong>et</strong> ne pouvait être légal que pour autant que cesderniers aient donné leur accord à ces modalités de vote (CAABordeaux, 8 novembre 2005, Commune de Bras-Panon c/M. Edmond, nº 01-00348, BJCL 2006, p. 89, concl. Péano). Autrementdit, le maire de la commune doit, s’il souhaite que lebudg<strong>et</strong> soit voté globalement, organiser un débat effectif surles modalités d’un vote d’ensemble du budg<strong>et</strong>. En l’espèce, aux requérants qui soutenaient que le budg<strong>et</strong>primitif pour l’année 2005 avait été voté globalement sans quele Conseil municipal eût préalablement délibéré sur les modalitésde son vote, la commune de <strong>La</strong> Londe-les-Maures opposaitqu’un débat préalable au vote du budg<strong>et</strong> avait été organisé.Toutefois, elle ne soutenait ni même n’alléguait que ce débatpréalable avait permis de recueillir l’assentiment des conseillersmunicipaux sur les modalités de vote du budg<strong>et</strong>. Or, dans l’arrêtprécité, la CAA Bordeaux a considéré « que si le Conseil n’est...pas tenu de procéder à un vote formel sur chacun des chapitresoudesarticles,l’assentimentdelatotalitéoudelamajoritédesconseillers présents doit être constaté après un débat effectiffaisant suite à une question précise posée par le maire », c<strong>et</strong>teformulation étant reprise d’un considérant de l’arrêt du CE du22 mars 1996, Commune de Puymirol.En l’espèce, c’était donc bien l’assentiment des conseillersmunicipaux sur les modalités de vote du budg<strong>et</strong> qui faisaitdéfaut <strong>et</strong> le Tribunal a jugé, pour ce troisième motif, que lebudg<strong>et</strong> avait été irrégulièrement adopté.707 86 e année - nº 10 - octobre 2006

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