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Georges CAPDEBOSCQ - Gestion et Finances Publiques La revue

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appels à la générosité publique<strong>Georges</strong> <strong>CAPDEBOSCQ</strong>Conseiller maître honoraire à la Cour des comptesDirecteur de l’audit externe de l’UNESCOLe contrôle par la Cour des comptesdes organismes faisant appel à la générosité publique<strong>La</strong> Cour des comptes a publié, en avril 2010, son 28 e rapport relatifau contrôle des organismes faisant appel à la générosité dupublic (1).Le bruit qu’a fait au début de 1996 le premier de ces rapports,sur l’Association pour la recherche sur le cancer (ARC), a estompéle souvenir des oppositions qu’avaient suscitées les amendementsd’origine parlementaire instituant ce contrôle (2), après quatr<strong>et</strong>entatives infructueuses, elles aussi d’origine parlementaire (3).« Le juge des comptes se voit confier, pour la première fois, lecontrôle de fonds provenant exclusivement de personnes privées.N’y a-t-il pas là un dévoiement du rôle de ces instances habilitéesà contrôler les fonds publics ? (4) » « <strong>La</strong> Cour des comptes n’estassurément pas l’organisme le mieux placé pour apprécierl’ensemble de ces éléments <strong>et</strong> une institution spécifique serait deloin préférable. (5) » Le président d’une association saluait, certes,l’avancée ainsi réalisée : « Les associations telles que l’ARC sontdonc désormais soumises au contrôle de la Cour des comptes.Je me réjouis de c<strong>et</strong>te décision (...) (6)". Mais en décembre 1993encore, il était proposé d’abroger ces dispositions (7).En mars 1996, le Premier président de la Cour exposait que la loidu 7 août 1991 était « à la fois une loi de circonstance <strong>et</strong> une loifondatrice » : « De circonstance parce qu’elle a répondu à unesituation scandaleuse : l’Inspection générale des Affaires sociales(IGAS) s’était vue arrêtée dans son contrôle de l’ARC en 1990 pardes mesures procédurières (...). Et puis c’est une loi fondatrice :elle a débloqué l’affaire en confiant à la Cour des comptes unecompétence nouvelle <strong>et</strong> débouchera peut-être, cinq ans aprèsson vote, sur un élargissement des compétences de l’IGAS(...) (8) ».LA MISSION DE LA COUR :« UN DÉVOIEMENT » ?« Une loi fondatrice » conférant à la Courune compétence d’attributionLe dispositif institué par les articles 3 à 7 de la loi nº 91-772 du7 août 1991 repose sur trois éléments :– une déclaration préalable qui « précise les objectifs poursuivispar l’appel à la générosité publique (...) dans le cadre d’unecampagne menée à l’échelon national soit sur la voie publique,soit par l’utilisation de moyens de communication » afin de soutenirune ou plusieurs des neuf causes que la loi énumère (art. 3) ;904– établissement par les organismes tenus à c<strong>et</strong>te déclarationd’un « compte d’emploi annuel des ressources collectées auprèsdu public, qui précise notamment l’affectation des dons par typede dépenses » (art. 4) ;– possibilité ouverte à la Cour des comptes d’exercer un contrôlede ce compte d’emploi « afin de vérifier la conformité desdépenses engagées par ces organismes aux objectifs poursuivispar l’appel à la générosité publique » (art. 5).Saisi par 94 sénateurs, le Conseil constitutionnel a jugé que c<strong>et</strong>teloi n’entravait pas la liberté d’association :– par la formalité de la déclaration préalable, « le législateur acherché uniquement à perm<strong>et</strong>tre l’exercice ultérieur d’uncontrôle sur l’emploi des ressources collectées auprès du public » ;– l’obligation d’établir un compte d’emploi « n’a d’autre obj<strong>et</strong>que de perm<strong>et</strong>tre aux adhérents de c<strong>et</strong> organisme, ainsi qu’auxdonateurs, qu’ils soient identifiables ou indifférenciés, d’être enmesure de s’assurer de la conformité des dépenses engagées parl’organisme aux objectifs poursuivis par l’appel à la générositépublique » ;– la mission de contrôle dont la loi investit la Cour porte « sur cedernier point » <strong>et</strong> « ses modalités d’exercice résulteront non del’ensemble des prérogatives conférées à c<strong>et</strong>te institution par laloi du 22 juin 1967, mais des règles spécifiques édictées par décr<strong>et</strong>en Conseil d’Etat, dans le respect de la liberté d’association » ;– « les observations éventuellement formulées par la Cour descomptes auront pour objectif essentiel de fournir aux différentsresponsables de la gestion de l’organisme des éléments d’information(...), tout en leur laissant le soin d’en tirer lesconséquences » (9).(1) <strong>La</strong> Fondation pour l’enfance, rapport accessible en ligne, comme les autrespublications de la Cour sur www.ccomptes.fr(2) Rapport nº 1955 de M. Jean-Pierre Bequ<strong>et</strong>, au nom de la Commission des affairesculturelles, familiales <strong>et</strong> sociales de l’Assemblée nationale.(3) Proposition de loi en 1989 (M. Zeller) non examinée ; amendements au PLF 1990discutés <strong>et</strong> r<strong>et</strong>iré (M. Zeller) ou non soumis au vote (MM. Zeller <strong>et</strong> Richard) ; amendementau PLF 1991 (MM. Zeller <strong>et</strong> Richard) adopté mais déclaré non conforme(Cons. Const., décision nº 90-285 DC du 28 décembre 1990). Voir <strong>Georges</strong> Capdeboscq<strong>et</strong> Michel Prat, « Le contrôle du compte d’emploi des organismes faisantappel à la générosité publique », Revue française des finances publiques, nº 56,1996.(4) Sénat, séance du 6 mai 1991 (JO Sénat, p. 852).(5) Assemblée nationale, rapport nº 1955, p. 26.(6) M. Crozemarie, Droit de réponse, Le Monde, 6 mars 1991 (NB : M. Crozemariefaisait référence toutefois au dispositif institué par un article de la loi de financespour 1991 que le Conseil constitutionnel devait analyser comme un « cavalier budgétaire» [voir supra]).(7) Proposition nº 793, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le7 décembre 1993.(8) Entr<strong>et</strong>ien avec M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes (ArmelleThoraval, Libération, 21 mars 1996).(9) Décision nº 91-229 DC du 2 août 1991 (JO, p. 10473).N o 12 - Décembre 2010 -


appels à la générosité publiqueDepuis 1994, la Cour a contrôlé les comptes d’emploi de 22 organismes.Huit de ces organismes ont été contrôlés à deux reprisesafin de vérifier qu’il avait été tenu compte des premières observations(38).27des32organismesdontlescomptesd’emploi«tsunami» ont été vérifiés en 2006 n’avaient jamais été contrôlésjusque-là par la Cour (39). Si l’on prend en compte les organismesvérifiés par l’IGAS depuis 1996 (voir article sur l’IGAS), il est possibled’affirmer que tous les grands organismes ont été contrôlés au moinsune fois, en totalité ou en partie, par la Cour ou par l’IGAS, <strong>et</strong> qu’unefraction appréciable des organismes moyens l’a été aussi.Il est utile de préciser que des réunions annuelles de coordination<strong>et</strong> d’information réciproque se tiennent avec l’IGAS.Quelques thèmes peuvent être mentionnés.<strong>La</strong> lisibilité <strong>et</strong> la fiabilité des comptes d’emploiLe cas de l’ARC (en 1993) est sans doute extrême : une confusionentre engagements <strong>et</strong> réserves ne faisait pas ressortir clairementla part de la recherche dans l’utilisation des fonds collectés, quiétait en réalité de 27,2 %, alors que l’association faisait état d’uneproportion de 76 % de dépenses de recherche, de prévention <strong>et</strong>d’information qu’elle globalisait.D’assez nombreux rapports soulignent qu’il est nécessaire d’établirdes comptes d’emploi conformes à la réglementation. <strong>La</strong>Cour rappelle ainsi à un organisme « l’obligation d’un strict respectdes règles fixées par l’arrêté du 30 juill<strong>et</strong> 1993, qu’il s’agissede la liste des rubriques obligatoires du compte d’emploi ou dela nécessaire concordance de ce dernier avec les documentscomptables » (40).Dans une fondation qui r<strong>et</strong>ient une présentation globale,« aucune indication chiffrée ou littérale ne décrit précisémentl’utilisation faite des fonds collectés auprès du public (41) ». Ledernier rapport publié, qui porte sur une autre fondation, noteque « le mode de construction du compte d’emploi des ressourcesde la fondation n’était pas conforme aux textes applicablesau moment du contrôle » <strong>et</strong> que « la Cour a donc demandéà la fondation de modifier l’architecture de sa comptabilité analytiqueen conséquence » (42). Dans les organismes qui ont unestructure fédérale ou confédérale, un compte d’emploi combinéou agrégé fait parfois défaut ou manque de fiabilité.Il est assez souvent constaté aussi que les règles d’imputation aux« missions sociales » tendent à surévaluer celles-ci <strong>et</strong> à sous-évaluerles frais de fonctionnement ou de publipostage.<strong>La</strong> sécurité des procédures financièresA l’issue d’un deuxième contrôle, la Cour a dû constater des« défaillances cumulées » de la part d’une association : « Le traitementdes legs qu’elle reçoit fait l’obj<strong>et</strong>, en dépit des multiples<strong>et</strong> insistantes mises en garde de la Cour (...), d’un défaut total decontrôle qui a facilité de nouvelles anomalies. En s’abstenant deprendre les mesures nécessaires, ses responsables ont trahi parleur passivité générale la confiance des testateurs, <strong>et</strong> plus généralementcelle de tous les donateurs » (43).<strong>La</strong> Cour n’hésite pas, en revanche, à saluer « le remarquableprocessus d’amélioration de la gestion <strong>et</strong> de sécurisation des procédures» qu’elle a constaté dans son deuxième contrôle d’uneautre association, à qui elle recommande néanmoins d’étendreà ses associations départementales l’effort de mise en place d’uncontrôle de gestion (44).<strong>La</strong> conformité des emplois aux objectifs poursuivispar l’appel à la générosité du publicIl est à peine utile de rappeler que les graves anomalies constatéesdans les dépenses de l’ARC (de 1993) pour les campagnesd’appel à la générosité <strong>et</strong> d’information (majorations de marges,surfacturations, commissions injustifiées) ont conduit la Cour àsaisir le juge pénal. <strong>La</strong> Cour a porté une appréciation toute différenteà l’issue de son deuxième contrôle (2005). Elle a de mêmeporté une « appréciation positive » sur la procédure d’instructiondes demandes de financement d’une autre association, quelquesannées après avoir « relevé des insuffisances dans les procéduresde sélection <strong>et</strong> d’allocation des fonds » (45).Un problème particulier, appelé sans doute à se développer, estcelui des organismes qui font partie d’un mouvement international.Examinant les comptes d’emploi de la section françaised’un tel mouvement, la Cour s’est ainsi déclarée « dans l’impossibilitéde se prononcer sur l’emploi des fonds versés au siègeinternational, qui représentent près de 40 % des sommes consacréesaux missions sociales » (46).<strong>La</strong> Cour ne craint pas de déclarer que « l’emploi des fonds collectésauprès du public (...) est en tout point conforme à l’obj<strong>et</strong>de l’appel à la générosité du public » : ARC en février 2005, FondationAbbé Pierre pour le logement des défavorisés en juin 2006,Fondation Aide à toute détresse (ATD Quart Monde) en février2007, Fondation Hôpitaux de Paris - Hôpitaux de France en février2010.Une fonction de veille <strong>et</strong> de conseil<strong>La</strong> Cour procède à intervalles réguliers à un examen des procéduresde déclaration <strong>et</strong> de la mise en œuvre de la réglementationdu compte d’emploi. Elle a inséré à plusieurs reprises dans sonrapport public annuel des observations « horizontales » sur cessuj<strong>et</strong>s (1998, 2002, 2008).Elle conduit aussi des enquêtes thématiques. Publiée au rapportpublic de 2004, une observation sur « les libéralités, ressource dela générosité publique » constatait que le régime juridique deslibéralités demeurait « trop lourd tout en comportant d’importantesimprécisions » <strong>et</strong> demandait l’adoption de dispositions denature à garantir le versement effectif des capitaux aux organismesbénéficiaires de contrats d’assurance-vie. Les suites donnéesont été exposées aux rapports 2006 <strong>et</strong> 2008 (47).<strong>La</strong> constatation de pratiques divergentes de construction descomptes d’emploi a conduit la Cour à mener une enquête sur laqualité de l’information financière ainsi communiquée aux donateurs<strong>et</strong> au public. Dans un rapport thématique d’octobre 2007,elle a formulé des recommandations sur les méthodes deconstruction du compte d’emploi, sur le suivi des ressources nonutilisées <strong>et</strong> sur l’utilisation des indicateurs (48).« Ce contrôle j<strong>et</strong>te la suspicion sur les associations ! », était-il affirméen avril 1991 (49).(38) ARC (mars 1996 <strong>et</strong> février 2005), AFM (mars 1996 <strong>et</strong> juill<strong>et</strong> 2004), Ligue nationalecontre le cancer (oct. 1999 <strong>et</strong> oct. 2007), Sidaction (déc. 2000 <strong>et</strong> juin 2009), SPA(déc. 2002 <strong>et</strong> sept. 2009), Comité Perce-Neige (juill<strong>et</strong> 2003 <strong>et</strong> juin 2009), Restaurantsdu cœur (oct. 2003 <strong>et</strong> juin 2009), Association France-Alzheimer (juin 2006 <strong>et</strong> juin2009).(39) Quatre l’avaient été par l’IGAS.(40) Secours Catholique, février 2007, p. 2.(41) Fondation d’Auteuil, mars 2009. <strong>La</strong> Cour prend acte de l’engagement de laFondation « d’améliorer la présentation <strong>et</strong> la lisibilité de son compte d’emploi »(p. 1-2).(42) Fondation pour l’enfance, rapport d’avril 2010, p. 1.(43) SPA, rapport de septembre 2009, p. 2. <strong>La</strong> Cour a appelé l’attention des ministresdirectement concernés sur les défaillances constatées.(44) Les Restaurants du cœur, juin 2009, p. 1-2.(45) Sidaction, juin 2009 (2 e rapport), p. 1.(46) Amnesty International France, décembre 2008, p. 5.(47) Rapports publics annuels 2004 (p. 371-382), 2006 (p. 199-203) <strong>et</strong> 2008 (p. 277).(48) <strong>La</strong> qualité de l’information financière communiquée aux donateurs par lesorganismes faisant appel à la générosité publique, octobre 2007. Voir observation« de suivi » au rapport public 2009, p. 205.(49) AN, 2 e séance du 17 avril 1991 (JOAN, p. 1332).-N o 12 - Décembre 2010 907


appels à la générosité publiqueDix-neuf ans plus tard, le président de la 5 e Chambre de la Courprésentait à la presse le résultat d’un contrôle décidé aprèsqu’une tribune anonyme circulant sur Intern<strong>et</strong> avait poussé l’organismemis en cause à demander à la Cour de vérifier son compted’emploi, qu’elle n’avait pas examiné jusque-là. « L’obj<strong>et</strong> de laprésente enquête était de vérifier la conformité de l’emploi desfonds collectés auprès du public à l’obj<strong>et</strong> de la cause poursuivie,ce qui – a fortiori dans le contexte médiatique déjà évoqué– revenait en définitive à se demander si la Fondation <strong>et</strong> sa présidenteavaient justifié – au regard des diligences d’une instructionde la Cour – de la confiance de donateurs dont la particularitéréside dans le fait qu’il s’agit ici majoritairement d’enfants <strong>et</strong> deleurs familles (50) ».Il semble bien que la mise en place du contrôle de la Cour aitrépondu « à l’attente du public <strong>et</strong> à celle de la plupart des organismesconcernés (...) désireux de renforcer leur crédibilité vis-à-visdes donateurs » (51).(50) M. J.-P. Bayle, présentation à la presse du rapport sur la Fondation Hôpitaux deParis - Hôpitaux de France, 19 février 2010 (sur www.ccomptes.fr).(51) M. Yamgnane, secrétaire d’Etat aux affaires sociales <strong>et</strong> à l’intégration, Sénat,séance du 5 juill<strong>et</strong> 1991 (JO Débats, p. 2501).908N o 12 - Décembre 2010 -

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