<strong>Scintillations</strong>Messagers des étoilespar Sylvain ChatyLes hommes du XIX e siècle voyaient à peu près le même ciel que les hommes préhistomême les étoiles les plus massives, celles qui ont la durée de vie la plus courte, vivenune éternité <strong>pour</strong> l’humanité.La Voie lactée à l'observatoire du Mauna Kea (CFHT) © Wally Pacholka (Twan)Notre ciel n’a pas changé, ni en un siècle ni en quelques millénaires, maisnotre regard, lui, a considérablement évolué. D’une vision statique, bornéeà notre œil, nous sommes passés à une vision dynamique, obtenue grâce àune armada de télescopes et de satellites observant l’Univers sous différentesCarte du ciel en longueurs d’onde et exploitant la multitude des messagers stellaires. Derrière l’apparenteharmonie du ciel, nous dé-rayons gamma,messagers des sourcescouvrons la violence des phénomènescosmiques et leurles plus énergétiquesde l’Univers. Surcomplexité. Bien au-delàcette carte obtenuegrâce au Large Areade la seule améliorationTelescope (LAT), instrumentplacé à bordnouveaux regards boule-de la vision du ciel, cesdu satellite Fermi, uneversent notre compréhensionde l’Univers.multitude de sourcesont été découvertes audessus d’une émissiondiffuse répartie le longPrenons l’exemple de la Voie lactée, lede la Voie lactée. disque de notre galaxie vue par la tranche. Elle forme une bande laiteuse traversantLe satellite Fermi le ciel de part et d’autre. Elle était vue de la même façon depuis la nuit des temps,a été lancé le une traînée blanchâtre générant les légendes : un chemin vers le ciel, un puissant jet11 juin 2008. de lait… Hiver 1609 : Galileo Galilei pointe sa lunette hollandaise sur une région dela Voie lactée. Il révolutionne notre connaissance en montrant qu’elle est composéed’une multitude d’étoiles, indiscernables à l’œil nu. Malgré cette avancée majeure,Galilée ne voyait rien de plus que la lumière visible émise par la Voie lactée. Il a falluattendre le XX e siècle <strong>pour</strong> découvrir ses différents aspects, vus dans différenteslongueurs d’onde : radio, infrarouge puis ultraviolet, et enfin dans les hautes énergies(rayons X et gamma).© Fermi (Nasa)La Voiesous toutes sRayonnementradioMicro-ondesInfrarougeLumière visibleUltravioletRayons XRayons gamma6Petites fréquencesgrandes longueurs d'ondeGrandes fréquencespetites longueurs d'ondeLe rayonnement infrarougeest découvert de manièrefortuite en 1800 par SirWilliam Herschel : <strong>pour</strong> lapremière fois, il apporte lapreuve de l’existence d’unelumière invisible à nos yeux.Ce n’est qu’au début desannées soixante que la Voielactée est observée à sesfréquences. Plusieurs sourcesbrillantes sont découvertesprès du plan de la Galaxie,témoignant de la présencede nuages de poussières.L’existence des ondes électromagnétiquesest prédite© Virgo-INFNDes ondes dites gravitationnelles sont attendues suite aux déplacementsde corps célestes massifs. Plusieurs collaborations internationalesvont tenter de les mesurer comme le projet Virgo, encours d’installation en Italie (ci-dessus).par Maxwell en 1865, et confirmée expérimentalement par Hertz en 1888. L’utilisationdes ondes radio se développe <strong>pour</strong> la localisation d’objets et la communicationpendant la deuxième guerre <strong>mondiale</strong>. Après la guerre, la Voie lactée est explorée enondes radio, permettant de distinguer la présence de gaz, principalement l’hydrogèneatomique et moléculaire.Les rayons X sont découverts par Röntgen à la fin du XIX e siècle, découverte qui donneralieu au premier prix Nobel de physique, en 1901. A la fin des années soixante, la Voielactée est observée en rayons X. Elle semble complètement différente. Sont visibles unensemble de sources ponctuelles, principalement des cadavres stellaires attirant la matièred’étoiles se trouvant à proximité : naines blanches, étoiles à neutrons, trous noirs… Aplus haute énergie, ce sont les pulsars, des étoiles à neutrons fortement magnétisées enrotation rapide, qui apparaissent, ainsi que les noyaux actifs de galaxie.Ces observations conjointes permettent de révéler les secrets de notre galaxie, commeOndes radio 408 MHzHydrogène atomique 21 cmOndes radio 2,4-2,7 GHzHydrogène moléculaire 115 GHzInfrarouge 12, 60, 100 mm
iques. Il nous semble bien différent aujourd’hui. Notre ciel a-t-il changé ? Certe non,t quelques dizaines de millions d’années ; un clin d’œil dans la vie de l’Univers, mais« Quelle apparence que le ciel l’eut secourue si tard, si elle eût été innocente ? »Denis Diderot© <strong>CEA</strong> Imag'In Irfu-Alain Porchelactéees couleursla présence du trou noir depresque quatre millions defois la masse du Soleil, tapiau cœur de la Voie lactée. Il aété mis à jour par l’observationdes ondes radio et X, maisson existence n’a été prouvéeque par l’observation, eninfrarouge, d’étoiles en orbiteautour de celui-ci.La révolution ne s’arrête pas là.Le photon, vecteur des ondesélectromagnétiques, n’est plusle seul messager céleste nousapportant des informations surl’Univers. Il en existe d’autres,tels les rayons cosmiques, lesLe projet international Hess permet de mesurer les rayons gammade très haute énergie (un million de million d'électronvolts). Cesnouveaux messagers permettant d'étudier les accélérateurs departicules cosmiques présents dans l'Universneutrinos, et même les ondes gravitationnelles. L’observation de ces messagers constituece qu’on appelle l’astronomie non-photonique, dont nous connaissons aujourd’huil’avènement. Les rayons cosmiques sont déjà observés et étudiés sur Terre depuis longtemps.Nous avons aussi mesuré le flux de neutrinos provenant du Soleil et ceux émislors de l’explosion d’une supernova. Par contre, nous n’avons pas encore acquis lasensibilité nécessaire <strong>pour</strong> percevoir les tremblements de notre espace-temps, dontla signature serait la détection, sur Terre, d’ondes gravitationnelles. Les observatoiresdétectant ces différents messagers sont très différents des observatoires de photons,à l’instar des détecteurs sous-marin de neutrinos tournant le dos au ciel (projet Antares),et observant dans ladirection de la Terre ! Cesmessagers nous apporterontdes informationscomplémentaires essentielles<strong>pour</strong> comprendre lecœur des astres célestes,ainsi que les collisions entredivers astres.apparencede l 'harmoieInfrarouge proche 1,25 ; 2,2 ; 3,5 mmLumière visibleRayons X 0,25 ; 0,75 ; 1,5 keVn° 79 juin 2009Rayons gamma, E 100 MeV© Collaboration Antares© Collaboration AugerVue de la voute celeste par Antares (mesure des neutrinos dontles neutrinos produits dans l'atmosphère, en haut) et par Auger(rayons cosmiques de haute énergie, en bas).Résultats préliminaires.Pris individuellement,chaque messager n’offrequ’une vision incomplète,l’observation de l’ensembledes messagers est nécessaire<strong>pour</strong> s’approcher dela réalité, souvent complexeet agitée, des astres.Comme <strong>pour</strong> la Voie lactée,seule la pluralité desregards sur le ciel mènera àla compréhension de notreUnivers.Sylvain Chaty est Maître de conférences au Laboratoire Astrophysiqueinteraction multi-échelles située à <strong>Saclay</strong> (UMR AIM).Il est <strong>spécial</strong>iste des astres de haute énergie de l'Univers.7 7