MÉMOBFilières, générations et spectres neutroniques<strong>Le</strong>s filières de réacteurs nucléaires correspondentaux nombreuses combinaisonsde trois éléments fondamentaux:<strong>un</strong> caloporteur, <strong>un</strong> modérateur (lorsquenécessaire) et <strong>un</strong> combustible, presque toujoursl’uranium, éventuellement mélangéà du plutonium (voir Mémo A, <strong>Le</strong>s élémentsd’<strong>un</strong> système nucléaire, p. 10).De très nombreuses formules ont été expérimentéesdepuis les débuts de l’èrenucléaire industrielle dans les années 1950,et seulement <strong>un</strong> petit nombre d’entre ellesont été sélectionnées pour les différentesgénérations de réacteurs opérationnelsélectrogènes.On appelle ainsi filière <strong>un</strong>e voie possible deréalisation de réacteurs nucléaires capablesde fonctionner dans <strong>des</strong> conditions <strong>des</strong>écurité et de rentabilité satisfaisantes,définie essentiellement par la nature ducombustible, l’énergie <strong>des</strong> neutrons impliquésdans la réaction en chaîne, la naturedu modérateur et celle du caloporteur.Elle mérite ce nom dans la mesure où elleest à l’origine d’<strong>un</strong>e série de réacteursprésentant <strong>un</strong>e continuité technologique.Se rattachent plus ou moins directementà telle ou telle filière les réacteurs derecherche et d’essais, rarement construitsen série.Ces filières sont classées en deux gran<strong>des</strong>familles, selon le spectre neutronique choisi:thermique ou rapide (<strong>un</strong>e plage recouvranten partie les deux domaines est possible<strong>Le</strong>s quatre tranches REP de la centrale EDF d’Avoine, près de Chinon, appartiennent à la deuxièmegénération de réacteurs nucléaires.pour <strong>des</strong> réacteurs de recherche), suivantqu’on laisse les neutrons qui s’échappentdirectement lors de la fission conserverleur vitesse de quelque 20000 km à laseconde ou qu’on les ralentit afin de les mettreen équilibre thermique (les thermaliser)avec la matière dans laquelle ils diffusent.<strong>Le</strong> spectre neutronique, distribution en énergiede la population <strong>des</strong> neutrons présentsdans le cœur d’<strong>un</strong> réacteur, est ainsi le spectrethermique dans la quasi-totalité <strong>des</strong>réacteurs en service dans le monde, notammenten France, dans les 58 REP (réacteursà eau sous pression) du parc EDF. Dans cesréacteurs fonctionnant à l’uranium enrichiet éventuellement au plutonium, la chaleurest transférée du cœur à <strong>des</strong> échangeursde chaleur par de l’eau maintenue sous <strong>un</strong>epression élevée dans le circuit primaire.Avec les REB (réacteurs à eau bouillante)dans lesquels l’ébullition de l’eau se faitdirectement dans le cœur, les REP constituentla grande famille <strong>des</strong> réacteurs àeau légère (REL) dans lesquels l’eau ordinairejoue à la fois le rôle de caloporteuret de modérateur.La mise en œuvre du spectre rapide est,actuellement, limitée à <strong>un</strong> petit nombre deréacteurs à vocation essentiellement expérimentale,comme Phénix en France, Monjuet Joyo au Japon ou BOR-60 en Russie. Dansces <strong>RNR</strong>(réacteurs à neutrons rapi<strong>des</strong>)sansM. Brigaud/ EDF Médiathèque
MÉMO suiteBmodérateur, la majorité <strong>des</strong> fissionssont produitespar <strong>des</strong> neutrons présentant <strong>des</strong> énergiesdu même ordre de grandeur que cellequ’ils possèdent lors de leur production parfission. Quelques réacteurs de ce type ont étéréalisés avec <strong>un</strong>e vocation de productionindustrielle (Superphénix en France, BN 600en Russie) ou étudiés dans cette optique (principalementEFR au niveau européen dans lesannées 80-90, BN 800 en Russie, CEFR enChine et PFBR en Inde).<strong>Le</strong>s réacteurs électrogènes sont regroupésen quatre générations. La première générationcomprend les réacteurs, développésdans les années 50/70, qui ont permis ledécollage de la production électronucléairedans les différents pays développés, en particulierde la filière UNGG (Uranium NaturelGraphite Gaz) modérés au graphite et refroidisau gaz carbonique en France, de la filièreMagnox au Royaume-Uni et, aux États-Unis,le premier réacteur terrestre (1) à eau souspression (PWR, Pressurized Water Reactor)construit à Shippingport.Bien que comparable par certains côtés à<strong>des</strong> réacteurs de première génération, lafilière soviétique RBMK (celle <strong>des</strong> réacteursde Tchernobyl) est classée dans la secondegénération du fait en particulier de sa périodede mise en service. <strong>Le</strong>s RBMK, modérésau graphite et refroidis à l’eau ordinairebouillante dans <strong>des</strong> tubes de force, ont étédéfinitivement disqualifiés par l’accident deTchernobyl en 1986.(1) Aux États-Unis comme en France, les premiersréacteurs à eau sous pression ont été <strong>des</strong> réacteurs<strong>des</strong>tinés à la propulsion navale (sous-marins).La deuxième génération est celle <strong>des</strong> réacteurs,actuellement en service, entrés enfonctionnement entre les années 70 à 90.Exclusivement à vocation électrogène, la plupart(87 % du parc mondial) sont <strong>des</strong> réacteursà eau, à l’exception notable <strong>des</strong> AGR(Advanced Gas Reactor) britanniques. <strong>Le</strong>urcombustible standard est formé de pastillesfrittées d’oxyde d’uranium enrichi aux environsde 4 % en uranium 235, empilées dans<strong>des</strong> tubes étanches (crayons) qui, ré<strong>un</strong>is enfaisceaux, forment <strong>des</strong> assemblages. <strong>Le</strong>sPWR (REP en français) dominent le marché,représentant 3 réacteurs nuclé aires sur 5dans le monde. En font partie les différents“paliers” de réacteurs REP réalisés en Francepour EDF par Framatome (aujourd’hui ArevaNP). <strong>Le</strong>s réacteurs russes de la série VVER1000 sont comparables aux REP occidentaux.Bien que moins nombreux que les REP,les BWR (Boiling Water Reactor) ou REB(réacteurs à eau bouillante) se trouventnotamment aux États-Unis, au Japon ou enAllemagne. Enfin les réacteurs à uraniumnaturel de type Candu, de conception canadienne,et leurs équivalents indiens se maintiennentactivement. Ce sont également <strong>des</strong>réacteurs à eau sous pression, mais utilisantl’eau lourde (D 2 O) comme modérateur et caloporteurd’où le nom PHWR (PressurisedHeavy Water Reactor) donné à cette filière.La troisième génération correspond à <strong>des</strong>installations qui commencent à être misesen chantier en vue d’<strong>un</strong>e mise en service àpartir de 2010 environ. Elle comprend en particulierl’EPR franco-allemand conçu parAreva NP (Framatome et Siemens à l’origine),qui propose également <strong>un</strong> réacteur à eaubouillante, le SWR 1000 et qui s’est récemmentrapproché du Japonais Mitsubishi HeavyIndustries. Elle comporte aussi les AP1000et AP600 de Westinghouse, société dontToshiba a pris le contrôle, l’ESBWR et l’ABWRII de General Electric, qui s’associe à Hitachi,les ACR canadiens et l’AES 92 russe, ainsique <strong>des</strong> projets de petits réacteurs intégrés.<strong>Le</strong>s projets de réacteurs à haute températuremodulaires du type GT-MHR (projetinternational) ou PBMR (du Sud-AfricainEskom) appartiennent à la troisième maispeuvent préfigurer <strong>des</strong> réacteurs de quatrièmegénération.La quatrième génération en cours d’étude,attendue vers 2040 sur <strong>un</strong> plan industriel,pourrait théoriquement faire appel à l’<strong>un</strong> oul’autre <strong>des</strong> six concepts retenus par le Foruminternational Génération IV (voir l’encadré de<strong>Le</strong>s enjeux d’<strong>un</strong>e production durable d’énergie,p.6). En dehors de l’utilisation électrogène, lesréacteurs de cette génération pourraient êtreaptes à la cogénérationd’électricité et de chaleur,voire présenter pour certains d’entre eux<strong>un</strong>e vocation exclusivement calogène, en vued’obtenir, soit <strong>un</strong>e chaleur “basse température”(vers 200 °C) pour le chauffage urbain,soit <strong>un</strong>e chaleur “moyenne température” (entre500 et 800 °C) pour <strong>des</strong> applications industriellesdont le <strong>des</strong>salement d’eau de mer n’estqu’<strong>un</strong>e possibilité parmi d’au tres, soit encore<strong>un</strong>e chaleur “haute – voire très haute – température”(entre 1000 et 1200 °C), pour <strong>des</strong>applications spécifiques comme la productiond’hydrogène, la gazéification de la biomasseou le craquage d’hydrocarbures.