DOSSIER“Il faut miser sur l’inventivité, la polycompétenceet l’intelligence col<strong>le</strong>ctive” estime Jean-AngeLallican, président de l’Association des DRH.(Photo de droite)Les 35 heures ? Le problème est que l’on n’apas su <strong>le</strong>s aménager : on parlait hier del’aménagement du temps de travail, onpar<strong>le</strong> aujourd’hui de réduction du temps detravail. Comme ce temps n’a pas été bienaménagé, on n’a pas assez travaillé sur ladélégation.Nous sommes en retard par rapportaux pays scandinaves qui ont beaucoupraisonné sur des solutions innovantes entermes de service social. Normal : quand ils sont bloqués par la neige l’hiver,eux sont obligés d’imaginer des logiques de rapprochement,de s’adapter et d’êtrecréatifs… ”, préconise <strong>le</strong> président de l’Association des DRH.En un mot, s’adapter en bougeant tout <strong>le</strong> temps. La f<strong>le</strong>xibilité est unenécessité. Notre système français est figé. Il faut inventer la soup<strong>le</strong>sse,garantir la cohésion socia<strong>le</strong>, la productivité et l’environnement… Toutun programme, mais il faut savoir ce que l’on veut.Photo : A. Renault■ Sylvie SéguierPOINT DE VUE D’UNE COMMERÇANTE“La réduction du temps de travail n’a été que source de contraintes”Photo : V. MaignantAnna Lessard, responsab<strong>le</strong> des achats et dupersonnel, dirige avec son mari vingt-et-unmagasins de vêtements haut de gamme, répartissur tout l’Ouest. De Rennes, où est installé<strong>le</strong> siège social, ils gèrent plus d’une centainede personnes employées à 95 % dans <strong>le</strong> cadred’un CDI.“ Le passage des 39 heures aux 37 heures (35 h+2 heures majorées) a été source de grandes difficultés.Financière bien sûr, avec 11 % de coûtssalariaux en plus sur une année, sans aucuneaide car nos commerces sont des SARL employantmoins de 20 salariés. Mais surtout commercia<strong>le</strong>,car la récupération d’1,5 à 2 jours de repos et RTTpar semaine oblige un rou<strong>le</strong>ment de personnel trèspréjudiciab<strong>le</strong> pour <strong>le</strong> suivi de la clientè<strong>le</strong>. Et dans<strong>le</strong> haut de gamme, ça ne pardonne pas : unevente se fait en deux ou trois visites,<strong>le</strong> conseil et larelation de confiance sont primordiaux pour déc<strong>le</strong>ncherl’acte d’achat.Nous n’avions pas anticipé cephénomène mais très vite il a fallu réagir :mieuxfidéliser nos clients avec davantage de système debons d’achat (au détriment de la marge) et inciternotre force de vente à personnaliser la relationclient en laissant sa carte de visite avec jours de présence.Dans <strong>le</strong> haut de gamme, ce suivi individualiséest un minimum.Mon impression généra<strong>le</strong>sur la RTT est qu’el<strong>le</strong> a tendance à vider <strong>le</strong>scentres vil<strong>le</strong>s <strong>le</strong> week-end mais surtout à donner plusde temps aux gens de comparer <strong>le</strong>s prix, mêmes’agissant d’achat plaisir.Et puis <strong>le</strong>s achats de vêtementsur Internet se développent très vite. Lesclients essayent en boutique et achètent via internet.Qui sait, dans une dizaine d’années, nousserons juste des centres de conseil rétribués par <strong>le</strong>smarques pour <strong>le</strong>ur servir de vitrines ! ”■ Propos recueillis parVéronique Maignant28BRETAGNE ÉCONOMIQUE • N°172 • MAI 2006
VENETIS, GROUPEMENT D’EMPLOYEURS“Nous avons créé 500 CDI depuis 1997 sur Vannes.Imaginez que toutes <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>sde 50 000 habitantsen fassent autant !”Franck Delalande,directeur du groupement VénétisVénétis (Vannes) est <strong>le</strong> premier groupement d’employeurs multi-sectoriels.Cette association à but économique créée en 1997 est devenue,depuis, une vraie entreprise (2,3 millions de CA). Ses adhérents ? 135sociétés implantées sur <strong>le</strong> pays de Vannes qui se regroupent pourembaucher des salariés afin de répondre à <strong>le</strong>urs besoins en ressourceshumaines. Les besoins peuvent être de saisonnalité (tourisme, chocolaterieen période de fêtes, nautisme l’été). “ Vénétis emploie souventdes gens qui travail<strong>le</strong>nt sur deux secteurs différents,ils ont un CDI et un seulcontrat de travail délivré par Vénétis.L’entreprise qui utilise <strong>le</strong>urs services tournesouvent avec <strong>le</strong>s mêmes personnes ”, explique Franck Delalande, directeurdu groupement. En répondant à ce besoin en main-d’oeuvresaisonnière, Vénétis satisfait <strong>le</strong> besoin croissant de compétences àtemps partiel, de f<strong>le</strong>xibilité et permet ainsi de lutter contre la précarité.La personne recrutée partage son temps de travail sur deux ou troisentreprises différentes mais n’a qu’un seul employeur :Vénétis.“A Vannes,nous formons des ingénieurs à bac + 8 voire 9 qui partent à Parisou à l’étranger. Notre groupement d’employeurs constitue un véritab<strong>le</strong> outilpour <strong>le</strong>s garder,<strong>le</strong>ur permettre de développer <strong>le</strong>urs compétences et d’avoir unerémunération à la hauteur. ”L’idée de créer Vénétis est venue à Franck Delalande après avoir expérimentéla mise en place d’un groupement d’entreprises au Québec :“ La problématique là-bas est la suivante :<strong>le</strong>s gens diplômés partent du Québeccar ils savent qu’ils peuvent multiplier par deux <strong>le</strong>ur salaire aux Etats-Unis.Même phénomène en <strong>Bretagne</strong> en termes de développement économique.Nous avons en France 3 millions de chômeurs et p<strong>le</strong>in d’offres d’emploi maisà temps partiel qui ne satisfont personne pour des raisons financières.Il existeun vivier important d’emplois par rapport à ces temps partiels.Les groupementsd’employeurs qui ne bénéficient pas d’une bonne communicationnationa<strong>le</strong> constituent une solution observée par plusieurs pays européens.Depuisla création de Vénétis,nous avons créé 500 CDI sur la vil<strong>le</strong> de Vannes.Imaginezque chaque vil<strong>le</strong> française de 50 000 habitants en fasse autant ! ”ENTRETIEN AVEC HERVÉ SERIEYX 1 ,SOCIOLOGUE ET ÉCONOMISTEMieux faire comprendre à la société<strong>le</strong>s mécanismes économiquesVous avez beaucoup réfléchi sur l’évolutiondu travail, en France, en Europe et dans <strong>le</strong> monde.Votre constat est que <strong>le</strong>s emplois changentde nature. A quoi, selon vous, sont duesces mutations ?Les transformations de l’emploi doivent être considérées auregard, d’abord, de la macro économie et de la mondialisation quiaccentue la concurrence. La voiture chinoise qui arrivera en Europe à3 000 euros transformera chez nous <strong>le</strong>s entreprises de Montbéliard oude Sochaux, <strong>le</strong>urs sous-traitants… Romano Prodi, il y a peu de temps,a dit : “ <strong>le</strong> problème de la France, ce n’est pas la gauche ni la droite, c’estla Chine ! ” Je pense qu’il a raison.Vous dites aussique la “ financiarisation ”de l’économie contribueà cette mutation.Pouvez-vous expliquer ?De plus en plus, ce qui comptepour <strong>le</strong>s donneurs d’ordre, ce n’estplus la durée de l’entreprise mais <strong>le</strong> retour sur actions car plus de50 % des sociétés du Cac 40 sont déterminés par des fonds d’entreprisesaméricaines. Si l’on veut obtenir un résultat par exemp<strong>le</strong> de40 %, il faut localiser la société là où cela rapporte <strong>le</strong> plus.▲▲BRETAGNE ÉCONOMIQUE • N°172 • MAI 200629