Plaque avec mise au carreau : chat, lion etbouquetinCalcaire. H. 20,5 (max.) ; l. 15,2 (max.) ; ép. 1,7 cm.Basse Époque, 26 e -30 e dyn., 664-332 av. J.-C.Paris, musée <strong>du</strong> <strong>Louvre</strong>, département <strong>de</strong>sAntiquités égyptiennes, E 11335.Coupe aux trois poissonsFaïence siliceuse b<strong>le</strong>ue à décor noir. H. 3,5 ; D. 10 cm.Nouvel Empire, 18 e dyn., vers 1550-1295 av. J.-C.Ancienne col<strong>le</strong>ction Passalacqua. Berlin, ÄgyptischesMuseum und Papyrussammlung, ÄM 4562.Une gran<strong>de</strong> diversité règne dans la composition <strong>de</strong>s coupesornées <strong>de</strong> tilapias. Un seul poisson au centre, ou <strong>de</strong>ux têtebêcheou côte à côte, ou plusieurs tournoyant en manègeautour <strong>du</strong> motif central.Ces schémas <strong>de</strong> départ sont combinés avec toutes <strong>le</strong>spossibilités qu’offrent <strong>le</strong>s motifs <strong>du</strong> bassin ou <strong>de</strong> la rosette,toujours centrés, et <strong>de</strong>s plantes aquatiques, nénufars etpapyrus. Il n’y a pas <strong>de</strong>ux coupes semblab<strong>le</strong>s. Ici, <strong>le</strong>s troispoissons partagent la même tête, qui se trouve constituerl’élément central <strong>de</strong> la composition rayonnante. Cette fantaisievisuel<strong>le</strong> contredit une interprétation commune trop stricte <strong>de</strong>sprincipes <strong>de</strong> l’art égyptien. Certes <strong>le</strong>s représentations recréentune sorte <strong>de</strong> vie et <strong>le</strong>s images ne doivent pas tronquer la réalité<strong>du</strong> concept, mais une incarta<strong>de</strong> au principe n’est en aucun casun tabou inviolab<strong>le</strong>. Une tel<strong>le</strong> rigidité n’est pas dans l’espritégyptien.Ce <strong>de</strong>ssin s’inscrit parfaitement dans la série <strong>de</strong>s coupes enfaïence b<strong>le</strong>ue <strong>de</strong> la 18e dynastie, où la composition rayonnanteou tournoyante domine. El<strong>le</strong> en montre <strong>le</strong>s caractèresessentiels : occupation <strong>de</strong> tout <strong>le</strong> cadre disponib<strong>le</strong> jusqu’aubord souligné d’une ligne noire, alternance <strong>de</strong>s motifs <strong>de</strong>tilapias et <strong>de</strong>s nénufars, sans aucun réalisme dans <strong>le</strong>uragencement. Seu<strong>le</strong> compte la présence <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux symbo<strong>le</strong>s<strong>de</strong> renaissance que sont <strong>le</strong> tilapia, qui gar<strong>de</strong> ses oeufs dans sabouche, et <strong>le</strong> Nymphaea caeru<strong>le</strong>a (lotus b<strong>le</strong>u ou nénufar), laf<strong>le</strong>ur d’où est sorti <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il au premier jour <strong>du</strong> mon<strong>de</strong>.Ces coupes furent interprétées comme <strong>de</strong>s évocations <strong>du</strong>milieu aquatique primordial, <strong>le</strong> Noun. On <strong>le</strong>s appel<strong>le</strong> aussi«marsh bowls» (coupes <strong>de</strong>s marais), une désignation plusneutre, qui tra<strong>du</strong>it bien <strong>le</strong> milieu <strong>de</strong> la régénération avant larenaissance.Les <strong>de</strong>ux faces <strong>de</strong> cette gran<strong>de</strong> plaque,originel<strong>le</strong>ment rectangulaire, ont étésoigneusement taillées et lissées pourrecevoir une gril<strong>le</strong> <strong>de</strong> mise au carreau dont<strong>le</strong>s lignes sont incisées dans <strong>le</strong> calcaire.Les carrés <strong>de</strong> la gril<strong>le</strong> sont plus petits et plusnombreux au recto. Une seu<strong>le</strong> face a étéutilisée pour <strong>de</strong>ssiner <strong>le</strong> profil <strong>de</strong> troisanimaux, placés <strong>le</strong>s uns au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s autreset tournés dans <strong>le</strong> même sens : en haut unchat assis, en bas un bouquetin qui marche et,dans l’espace laissé libre entre <strong>le</strong>s <strong>de</strong>ux, unlion couché. Seuls <strong>le</strong> contour <strong>de</strong>s corps etquelques détails, comme <strong>le</strong>s yeux, <strong>le</strong>sarticulations <strong>de</strong> la patte avant <strong>du</strong> chat ou <strong>le</strong>scôtes <strong>du</strong> lion, ont été <strong>de</strong>ssinés en noir, aucalame. Chaque motif a été <strong>de</strong>ssiné pour luimême,il ne s’agit pas d’une scène <strong>de</strong>composition mais plutôt d’un exercice <strong>de</strong>copie. Il n’est pas tenu compte <strong>de</strong> l’échel<strong>le</strong>, <strong>le</strong>chat est <strong>de</strong> la même hauteur que <strong>le</strong> bouquetinet <strong>le</strong> lion est tout petit. Si chaque animal esttout à fait reconnaissab<strong>le</strong> (<strong>le</strong> chat évoque <strong>le</strong>sstatuettes en bronze <strong>de</strong> Bastet, <strong>le</strong> bouquetin<strong>le</strong>s défilés d’offran<strong>de</strong>s gravés ou peints sur<strong>le</strong>s murs <strong>de</strong>s tombes), en regardant plusattentivement, on remarque que <strong>le</strong>sproportions ne sont pas respectées, <strong>le</strong> corps<strong>du</strong> bouquetin est trop long, la patte arrière<strong>du</strong> chat est ratée et la queue inexistante, <strong>le</strong>lion est tassé et étiré en longueur. Cetteardoise d’écolier antique a conservé <strong>le</strong>shésitations d’un apprenti <strong>de</strong>ssinateur.16
Bas-relief : artisans au travailCalcaire. H. 38 ; l. 94 cm.Basse Époque, 26edyn., 664-525 av. J.-C. Saqqara.Florence, Museo Egizio, 2606 – cat. 1589.Réputé provenir d’une tombe d’époque saïte <strong>de</strong> larégion memphite, ce bas-relief montre sur <strong>de</strong>uxregistres une scène particulièrement rare et vivantedans laquel<strong>le</strong> on i<strong>de</strong>ntifie cinq catégories d’artisansau travail. Cette scène se lit <strong>de</strong> haut en bas et <strong>de</strong>gauche à droite, si l’on suit l’orientation indiquée par<strong>le</strong>s légen<strong>de</strong>s hiéroglyphiques situées au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>chaque groupe d’artisans.El<strong>le</strong> se lit dans la continuité, chaque personnagemontrant très précisément son rô<strong>le</strong> dans l’activitéconcernée. Au registre supérieur : <strong>de</strong>ux « scribes <strong>de</strong>scontours », tenant pa<strong>le</strong>tte et pinceau, assis sur <strong>de</strong>stabourets cubiques, tracent <strong>de</strong>s décors sur <strong>de</strong>s objets.À gauche, <strong>le</strong> <strong>de</strong>ssinateur décore un pied d’autel, sansdoute en pierre ou en terre cuite, tandis que soncollègue <strong>de</strong> droite s’affaire à orner ou à porter <strong>de</strong>sinscriptions sur <strong>le</strong> pilier dorsal d’une statue assise. Lascène qui occupe <strong>le</strong> reste <strong>de</strong> ce registre montre unatelier <strong>de</strong> « forgerons » (remarquer <strong>le</strong> premierpersonnage représenté <strong>de</strong> face), <strong>le</strong> tout exprimant uneactivité intense où chacun s’affaire sans répit à sapropre tâche.Au registre inférieur : <strong>le</strong> premier groupe à gauche estcelui <strong>de</strong>s « porteurs <strong>de</strong> ciseau », autrement dit <strong>le</strong>ssculpteurs. Assis sur <strong>de</strong>s tabourets tripo<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>uxd’entre eux fabriquent <strong>de</strong>s vases, tandis que <strong>le</strong>urcollègue scie <strong>du</strong> bois. Au centre, trois artisansspécialistes <strong>du</strong> cuir sont légendés comme <strong>de</strong>s «cordonniers ». Le <strong>de</strong>rnier d’entre eux coud unesanda<strong>le</strong> en tirant <strong>le</strong> fil avec ses <strong>de</strong>nts. Enfin, <strong>le</strong><strong>de</strong>rnier groupe montre un charron assis <strong>de</strong>vant unchar qui semb<strong>le</strong> terminé. Ironie <strong>de</strong> la scène : unhomme, épuisé par ces <strong>du</strong>rs travaux, s’est caché<strong>de</strong>rrière <strong>le</strong> char pour dormir. Cette succession <strong>de</strong>scènes artisana<strong>le</strong>s n’implique pas qu’el<strong>le</strong>s sedéroulaient dans un espace commun. Il s’agit plutôt<strong>de</strong> la somme <strong>de</strong>s ateliers d’artisans au service ou auxordres <strong>du</strong> propriétaire <strong>du</strong> tombeau, malheureusementinconnu. Retenons <strong>de</strong> la <strong>le</strong>cture <strong>de</strong> ce bas-relief que<strong>le</strong>s « scribes <strong>de</strong>s contours » sont ici considéréscomme <strong>de</strong>s artisans, au même titre que <strong>de</strong>ssculpteurs, <strong>de</strong>s forgerons ou <strong>de</strong>s cordonniers, donnantainsi matière à réfléchir sur <strong>le</strong> statut social <strong>de</strong>s<strong>de</strong>ssinateurs.La statuette Turin, cat. 526 est sans doute <strong>le</strong> plusspectaculaire <strong>de</strong>s documents qui font connaîtrePrêhotep, frère aîné <strong>de</strong> Nebrê.Comme lui, il est « scribe <strong>de</strong>s contours », ainsi que ses<strong>de</strong>ux fils Pay et Ipou(y), cités sur <strong>le</strong> soc<strong>le</strong> <strong>de</strong> cettestatuette. Bien que frère aîné <strong>de</strong> Nebrê, Prêhotep alaissé moins <strong>de</strong> monuments et d’effigies que son ca<strong>de</strong>t.Sa maison a pu être i<strong>de</strong>ntifiée dans <strong>le</strong> secteur sud-ouest<strong>du</strong> village, un montant <strong>de</strong> porte inscrit à son nom ayantété trouvé dans l’embrasure <strong>de</strong> l’entrée <strong>de</strong> l’une d’el<strong>le</strong>s.Prêhotep apparaît volontiers auprès <strong>de</strong> collèguessculpteurs, en particulier auprès <strong>du</strong> sculpteur Qen,célèbre pour <strong>le</strong>s peintures rares <strong>de</strong> sa tombe (TT 4). Delà à imaginer que Prêhotep a participé à la mise encou<strong>le</strong>urs <strong>de</strong> cette chapel<strong>le</strong>… Conscient d’appartenir àune lignée puissante <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssinateurs à Deir el-Médina,Prêhotep a donné <strong>le</strong> nom <strong>de</strong> son père, Pay, à un <strong>de</strong> sesfils, qui eut comme fils <strong>le</strong> <strong>de</strong>rnier « scribe <strong>de</strong>s contours» <strong>de</strong> la dynastie, Amenemopé. La statuette méritequelques commentaires : là encore, on a affaire à uneeffigie zoomorphe d’une divinité domestique, la déesseTouéris. Se présentant sous la forme d’un hippopotamefemel<strong>le</strong> dressé <strong>de</strong>bout sur ses pattes arrière, doté <strong>de</strong>mains humaines, la tête coiffée d’une perruque tripartitequi se termine dans <strong>le</strong> dos par une queue <strong>de</strong> crocodi<strong>le</strong>,la gueu<strong>le</strong> entrouverte, ses mamel<strong>le</strong>s pendant sur sonventre gravi<strong>de</strong>, Touéris, dont il est plus juste <strong>de</strong> tra<strong>du</strong>ireson nom égyptien « Ta-ouret » par « la grosse » plutôtque par « la gran<strong>de</strong> », est connue pour protéger <strong>le</strong>sfemmes en couches et écarter <strong>le</strong>s puissances maléfiquesà sa seu<strong>le</strong> vue d’animal terrifiant. L’équipe <strong>de</strong> la Tomberoya<strong>le</strong> sous <strong>le</strong>s Ramsès lui vouait un culte fervent. C’està ce titre que <strong>le</strong>s <strong>de</strong>uxième et troisième générations <strong>de</strong> «scribes <strong>de</strong>s contours » <strong>de</strong> la famil<strong>le</strong> <strong>de</strong> Pay se sontillustrées sur cette exceptionnel<strong>le</strong> statuette en boispolychrome. Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la fin <strong>de</strong> la fin <strong>de</strong> la 19edynastie, vers 1190 avant notre ère, on perd la trace <strong>de</strong>cette gran<strong>de</strong> famil<strong>le</strong>.17