dossieR sPéciAlUn outil ludiquede rapprochement culturelSORAYA ELbEkkALIDave Laveau fait partie de la nation huronne-wendat de Wendake, près de Québec.Directeur général de Tourisme Autochtone Québec depuis plus de deux ans, il estconscient d’être un nouveau venu au sein d’une pratique vieille de plusieurs siècles.«Les Autochtones sont un des premiers peuples à avoir fait du tourisme en gardanten vie leur culture, en assumant leur identité, en se démarquant et en partageanttout ça avec les nations voisines», explique-t-il. Depuis lors, le tourisme autochtonea su se développer, loin du folklore, jusqu’à devenir aujourd’hui un outil puissant derapprochement culturel.Autochtone n’est pas synonyme detraditions ancestrales. Pour certains desentrepreneurs chapeautés par l’organisme,le tourisme a un visage résolument«moderne»! Par exemple, certains touristesvisitant la communauté très urbained’Essipit, près des Escoumins, peuventêtre surpris du peu de mise en valeur de laculture autochtone, avance Dave Laveau.Les Québécois représentaient58 % de l’achalandagetouristique en 2010.une donnée encourageante,inimaginable il y a dix ans, quilaisse à croire qu’il y a unecuriosité accrueet une plusgrande ouverture desQuébécois envers lespeuples autochtones.folklorisation du patrimoine autochtone,nous exigeons de chaque entrepreneur queson produit reflète réellement la vie de sacommunauté. La règle d’or, c’est d’êtresoi-même», précise Dave Laveau. Pourd’autres communautés semi-éloignées ouéloignées, la chasse et la trappe n’ont riende folklorique puisqu’elles font encorepartie de leur mode de vie.Et l’offre séduit. Européens, Américains etQuébécois profitent des services offertspar les 154 entreprises que regroupentTourisme Autochtone Québec. Le secteurest en pleine expansion. «On a plus dedemande que d’offre», précise DaveLaveau, et les Québécois sont de plusen plus nombreux à répondre à l’appel.Ils représentaient en 2010, 58 % del’achalandage touristique des entreprisesautochtones. Une donnée encourageante,inimaginable il y a dix ans, qui laisse àcroire qu’il y a une curiosité accrue etune plus grande ouverture des Québécoisenvers les peuples autochtones.Pour Dave Laveau, le tourisme demeurela façon la plus ludique et la plus subtilede s’approcher, d’échanger, de découvriret de redécouvrir la culture des Premièresnations. Il note les retombées financièresimportantes de ces entreprises dans leursmilieux respectifs (3 000 emplois en2010 et 169 millions de dollars d’impactéconomique), mais préfère insister surles retombées sociales, plus difficilementquantifiables. «Dans l’expression“activité socio-économique” l’ordre desdeux mots est très important, soulignet-ilen riant. Sur le terrain, ça permet auxemployés des entreprises de se former, des’intégrer et de partager leur culture».«C’est une communauté touristiquementtrès en santé. On y retrouve des pourvoiries,des condos et chalets magnifiques, et onpeut y faire de l’observation de baleines.Leur tourisme représente bien le mode devie de la communauté Essipit en 2012.»Le tourisme a aujourd’hui autant devisages qu’il existe de façons différentesde vivre dans les 55 communautésautochtones présentes sur le territoirequébécois. Le mot d’ordre de l’organismeque préside Dave Laveau pourraitêtre authenticité. «Comme dans touteindustrie, il peut y avoir la tentation devouloir d’abord répondre à la demande.Mais pour éviter de tomber dans unePhoto : touRisMeAutochtone QuébecdAve lAveAu est diRecteuR GénéRAl de touRisMe Autochtone Québec.12L’ItInéraIre15 janvier 2013
dossieR sPéciAlSOPHIE CHARTIERTiraillés entre le désir de conserver leur culture et de la faire découvrir à un pluslarge public, les écrivains autochtones font souvent face à un dilemme. Vaut-il mieuxécrire pour un circuit autochtone plus restreint ou pour le lectorat «blanc»? La relèvelittéraire des Premières Nations doit souvent composer avec des publics multiples.Naomi Fontaine, jeune auteure innue de25 ans, a fait paraître un premier romanen avril 2011. L’œuvre intitulée Kuessipan,qui signifie «À toi» en innu-aimun,a été publiée par la maison d’éditionmontréalaise Mémoire d’encrier. Selonelle, le sentiment de fierté identitairecaractérise le mieux la relève artistiqueautochtone. «Il y a un grand désir dese présenter comme peuple distinct desQuébécois», explique la jeune auteure.Naomi habite Québec depuis qu’elle asept ans. Elle a donc connu les réalitésde la vie à l’intérieur et à l’extérieur desréserves. Elle a voulu écrire Kuessipanpour montrer les facettes positives despeuples autochtones, moins représentéesdans les médias. «J’étais dans une optiqueoù j’écrivais pour les Blancs, pour lesQuébécois, se rappelle Naomi Fontaine.Éventuellement, je me suis rendu compteque c’était peut-être pour moi quej’écrivais ce livre.»«Pour les auteurs, ça demeure trèsimportant d’avoir des lecteurs dans leurpropre communauté», affirme MaurizioGatti, titulaire d’un post-doctorat sur lesujet et auteur des ouvrages Littératureamérindienne du Québec : écrits de languefrançaise et Être écrivain amérindien auQuébec : indianité et création littéraire. «Lesauteurs essaient souvent de prendre part àdes événements qui ont lieu à la fois dansleur communauté et à Montréal pour faireconnaître leurs écrits», ajoute le chercheur.La littératureautochtone s’affirmedevant lequel se trouvent les auteursautochtones est bien réel. C’est l’une desraisons qui ont mené à la création de cepetit salon du livre en marge du circuitlittéraire plus officiel. Les auteursn’ont que les grands salons et les foiresculturelles grand public vers lesquels setourner, et la présence autochtone y estsouvent diluée. À son avis, les auteurs etchercheurs ont besoin d’une plateformede diffusion centrée sur les œuvres desPremières Nations. Il remarque d’ailleursque les visiteurs de Kwahiatonhk! sontmajoritairement québécois. «L’intérêt esttimide, mais grandissant», affirme-t-il.Naomi Fontaine ne voit pas le Salon dulivre des Premières Nations comme unefaçon d’isoler les auteurs amérindiens.«L’événement démontre que la littératureautochtone grandit et qu’elle existe,affirme-t-elle. On peut parler de littératureau sens large, continue l’auteure. Moi, jecrois faire partie de la littérature innue.»Pour Louis-Karl Picard-Sioui, lareconnaissance des auteurs et des artistesautochtones passe par l’éducation. «Dansles cégeps et les universités, les facultés delittérature offrent des nombreux cours surla littérature française classique, argumentele créateur. Il pourrait y en avoir au moins unsur les œuvres autochtones.» Aussi longtempsque les œuvres littéraires des PremièresNations ne seront pas étudiées, l’artautochtone sera considéré comme marginal.Quelques œuvres d’auteurs autochtonesà découvrir- Kuessipan – à toi, Naomi Fontainte, Mémoire d’encrier, 2011.- N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures, Natasha Kanapé Fontaine, Mémoire d’encrier, 2012.- De la paix en jachère, Louis-Karl Picard-Sioui, Éditions Hannenorak, 2012.- Bâtons à message / Tshissinuatshitakana, Joséphine Bacon, Mémoire d’encrier, 2009.- Béante, Marie-Andrée Gill, Éditions La Peuplade, 2012.- Ourse bleue, Virginia Pésémapéo Bordeleau, La Pleine Lune, 2007.Photo : eliAs dJeMilUN RéSEAU EN PARALLÈLELe deuxième Salon du livre des PremièresNations, le Kwahiatonhk!, a eu lieu ennovembre dernier à Wendake, près deQuébec. Louis-Karl Picard-Sioui, écrivainwendat, est co-organisateur de l’événement.Selon l’auteur, ardent revendicateur desdroits des Premières Nations, le dilemmeMAuRizio GAtti, titulAiRe d’un Post-doctoRAtsuR lA littéRAtuRe Autochtone et AuteuR.louis-KARl PicARd sioui,AuteuRL’ItInéraIre15 janvier 201313