8L’ItInéraIre15 janvier 2013
dossieR sPéciAlAvec dix nations amérindiennes, une nation inuit et descommunautés dispersées entre les réserves et les villes, la réalité desAutochtones du Québec est complexe. Leur réalité économique,elle, se résume plus simplement : la pauvreté. Mais plutôt qued’énumérer de sombres statistiques détaillant le sort peu enviabledes Autochtones, nous avons choisi de vous présenter des hommeset des femmes inspirants, qui représentent l’espoir de plusieurscommunautés. Des projets constructifs, également, vous feront voir cemonde éloigné sous un jour positif. L’Itinéraire salue ces initiatives.Eva Ottawa, pour l’unitéSORAYA ELbEkkALILe 13 septembre 2006 est gravé dans la mémoire des femmes attikameks. Il s’agit dujour où a été élue la première femme au poste de Grand Chef de la nation attikamek.Eva Ottawa a non seulement remporté une importante majorité des voix (75 %),mais elle a du même coup ravi le titre de première femme à occuper cette fonctiondans toute l’histoire des Premières Nations du Québec et du Labrador. Six ans plustard, la jeune mère de famille a prouvé par son leadership et sa ténacité qu’elle étaità sa place. Rencontre avec une figure inspirante pour toutes les femmes, qu’ellessoient autochtones ou non-autochtones.La voix d’Eva Ottawa est posée etcalme, en ce lundi matin du mois dedécembre, alors que L’Itinéraire réussitenfin à la joindre par téléphone. Lapoliticienne est grandement occupéecar sa nation en crise est divisée. Lasemaine précédant l’entretien, elleassistait à une assemblée généralespéciale à Manawan, sa communautéd’origine. On y discutait des rôles dechacun des élus locaux des trois conseilsde bande (Manawan, Obedjiwanet Wemotaci) dans la poursuite desnégociations avec le gouvernement. LeConseil de la nation Attikamek (CNA),duquel Eva Ottawa est à la tête, a pourmission de représenter l’ensemblede la nation à l’échelle régionale,nationale et internationale, et de fairela promotion des droits et des intérêtsdes Attikameks sur les plans social,économique et culturel. Certains élusnégocient en remettant en question lerôle du CNA. La grande chef a lancé,de nouveau, un appel à l’unité.Cette unité est essentielle pour qu’Eva Ottawapuisse atteindre le but qu’elle s’est fixée pendantson mandat : terminer les négociations (voirencadré) avec les deux paliers de gouvernement.Il s’agit d’un défi important compte tenu dufait que la nation attikamek tente d’obtenirune entente avec le gouvernement québécoisdepuis plus de 30 ans. «Ma rencontre avec lenouveau gouvernement de Pauline Marois melaisse confiante. Il y a une belle ouverture. Cegouvernement veut prioriser les négociations,on est sur la bonne voie», explique-t-elle.Au niveau du gouvernement fédéral,l’enthousiasme est-il partagé? «C’est unpeu plus dur, avoue-t-elle, avec un légerrire. Il y a eu beaucoup de coupures deservices, notamment en santé.» Mais lorsde la rencontre avec la première ministrequébécoise, début décembre, celle-ci lui aassuré son appui auprès du gouvernementfédéral. «Elle a dit que son gouvernementallait intervenir auprès du gouvernementfédéral afin que la négociation territorialeglobale soit plus efficace. Madame Maroisa également ajouté qu’elle superviseraitpersonnellement le processus, en maintenantun lien étroit avec la grande chef de la nationattikamek», peut-on lire sur le site Internetdu spécialiste de la gouvernance autochtone,Éric Cardinal.Au niveau interne, Eva Ottawa tented’impliquer le plus de gens possible dela nation dans les différents processuspolitiques. «Les gens répondent à l’appel»,confie-t-elle. Jeunes, vieux, hommes etfemmes, Eva croit qu’il faut que tousmettent la main à la pâte. Une fortemajorité des 6 000 Attikameks ont moinsde 30 ans. Eva Ottawa a le désir d’intéresserces jeunes et les outils pour le faire. Ellea entrepris des études en sociologie àl’Université Laval pour développer desplans d’action permettant de réduire lesproblèmes liés notamment au suicide, à ladrogue et au décrochage scolaire. Plus tard,lors de sa participation à une commissionsur la constitution attikamek, qu’elle trouveardue, de son propre aveu, elle se rendcompte qu’un bagage en droit lui faciliteraitla tâche pour comprendre les conceptsjuridiques et les termes techniques contenusdans ce document. Elle entreprend alors undeuxième baccalauréat dans ce domaine.Rassembleuse, battante, infatigable,Eva Ottawa est à l’image de sa nation.Peut-être, notamment grâce à elle, lesAttikameks verront-ils enfin l’ensemblede leurs droits reconnus.L’ItInéraIre15 janvier 20139