Sociétédubitatif. Quand on sait que 80 à 90% descancers sont dus à la dégradation de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t(3), c’est-à-dire que le développem<strong>en</strong>tde la société industrielle est lacause du développem<strong>en</strong>t des tumeurs, ildevi<strong>en</strong>t alors clair que le cancer est <strong>en</strong> faitun marché à part <strong>en</strong>tière : certain-e-s lecréant et d’autres promettant de le guérir,le tout apportant emplois et richesses. Enfait c’est vouloir guérir alors que prév<strong>en</strong>irsignifierait s’attaquer aux causes mêmesdu développem<strong>en</strong>t des cancers. Enfin, deschercheurs argum<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t sur les possibilitésde guérison des aveugles ou des handicapésgrâce à des connections <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>erfs et neurones avec des interfaces électroniques.Evidemm<strong>en</strong>t, ces perspectivesdoiv<strong>en</strong>t être réjouissantes pour nombred’handicapés. Mais l’implantation depuces pouvant permettre à quelqu’un demarcher préfigur<strong>en</strong>t aussi l’avènem<strong>en</strong>t del’homme-robot, où auront été gomméestoutes les imperfections de l’espècehumaine, tout ça pour le plus grand plaisirdes transhumanistes (4).Quant aux év<strong>en</strong>tuelles retombéessanitaires ou écologiques des nanotechnologies,peu de personnes sont aujourd’huicapables de les évaluer, ce qui neral<strong>en</strong>tit <strong>en</strong> ri<strong>en</strong> la folle vitesse des avancéesde la recherche. Le but du jeu : trouveret réfléchir aux implications et conséqu<strong>en</strong>cesaprès. On <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d par contre unpeu parler de risques que peut <strong>en</strong>traînerla production des futurs nano-élem<strong>en</strong>ts :la plupart des nanologues estimant qu’onne pourra pas produire des nano-objetsou nanomatériaux à la chaîne, il faudraitdonc des nanorobots pour manipuler lesatomes et pour fabriquer d’autres nanorobots.Ces procédés d’auto-réplicationserai<strong>en</strong>t fondés sur la chimie du carbone.Que se passerait-il si à la suite d’une malveillanceou d’une erreur de programmation,ce processus d’auto-réplication s’emballait,échappant à tout contrôle ? Toutle carbone de la Terre serait rapidem<strong>en</strong>tconsumé, transformant celle-ci <strong>en</strong> uneboule de "grey goo", de gelée grise. Cescénario, évoqué et débattu par desexperts <strong>en</strong> nanotechnologies, relèvecertes quelque peu de la sci<strong>en</strong>ce-fiction,mais n’est-ce pas, comme pour le nucléaire,faire émerger la possibilité d’un énormerisque, r<strong>en</strong>forçant le pouvoir de celleset ceux qui peuv<strong>en</strong>t influer sur lui (sci<strong>en</strong>tifiques,décideurs…) ?Sauvons la recherche ?Depuis l’automne 2003, on a beaucoupvu des chercheurs manifester et s’organiserpour lutter contre les restrictionsdes budgets de recherche annoncées parle gouvernem<strong>en</strong>t Raffarin. Ce mouvem<strong>en</strong>t,qui a bénéf<strong>ici</strong>é d'une grande sympathiedans l’opinion publique, arguaitqu’il était absolum<strong>en</strong>t nécessaire de sauverla recherche. Cep<strong>en</strong>dant maint<strong>en</strong>irune confiance aveugle dans la recherch<strong>en</strong>ous apparaît source de graves dérives.On peut <strong>en</strong> effet discuter des applications"bonnes" ou "mauvaises", de la recherche,sout<strong>en</strong>ir que "l’outil est neutre" etl’usage seul <strong>en</strong> cause, qu’il ne faut pasjeter "le bébé avec l’eau du bain", oumélanger "le bon grain avec l’ivraie", maisun fait demeure indiscutable : tout "progrèsdes connaissances" part<strong>ici</strong>pe avanttout au r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t de l’organisationc<strong>en</strong>tralisée, autoritaire et militarisée de lasociété. "Les retombées positives" n’étantque les moindres maux avec lesquels onobti<strong>en</strong>t l’accord tacite de celles et ceuxqui subiss<strong>en</strong>t le plus cette organisation.Car il n’y a pas que les possibles applicationsde la recherche <strong>en</strong> nanotechnologiequi soi<strong>en</strong>t condamnables, il y a aussi laforme d’organisation de la société qu’elleinduit : hyper-spécialisée donc forcém<strong>en</strong>t"verticale".Faut-il alors militer pour l’abandonde toute recherche ? N’y a-t-il pas deschamps de recherches qui sont dignes d’intérêt(économie d’énergies, médecine) ?Diff<strong>ici</strong>le aujourd’hui d’avoir des réponsesà tous ces questionnem<strong>en</strong>ts, mais il esturg<strong>en</strong>t de faire connaître tous les doutesqu’on peut légitimem<strong>en</strong>t avoir face audéveloppem<strong>en</strong>t "cons<strong>en</strong>suel" de ces nouvellestechnologies.La technopolegr<strong>en</strong>obloiseDRVue vituelle du projet Minatec : pôle d’innovation europé<strong>en</strong>Gr<strong>en</strong>oble, ville d’av<strong>en</strong>ir ? A <strong>en</strong> croireles journaux locaux et les dires des élu-e-s,Gr<strong>en</strong>oble est aujourd’hui aux nouvellestechnologies ce que Montélimar est auxnougats, ce qui devrait faire le plus grandplaisir aux Gr<strong>en</strong>oblois-es. Les implicationset conséqu<strong>en</strong>ces (<strong>en</strong>jeux et dangers desnanotechnologies, dégradation de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t,exclusion sociale) de cet étatde fait sont, par contre, bi<strong>en</strong> tues. La belleunanimité <strong>en</strong>tre élu-e-s et sci<strong>en</strong>tifiquescomm<strong>en</strong>ce toutefois à être remise <strong>en</strong> causepar de "simples citoy<strong>en</strong>s", auteur-e-s d’unevéritable contre-expertise à ce sujet.La capitale des Alpes, faute dematières premières ou de possibilitéscommerciales, s’est toujours voulue unepionnière de la recherche et n’a donc pashésité à se lancer tête baissée dans les secteursdes microtechnologies, puis des biotechnologieset <strong>en</strong>fin des nanotechnologies.Pour ce faire, les élu-e-s et sci<strong>en</strong>tifiquesont multiplié le lancem<strong>en</strong>t de laboratoireset pôles d’innovations. Parmi lesderniers projets, on peut citer- Minatec, promu à dev<strong>en</strong>ir le pôled’innovation europé<strong>en</strong> des micro et nanotechnologies et ne connaissant que deuxrivaux (à Los Angeles et Tsukuba auJapon),- Nanotech 300 assurant la fabricationde plaquettes de sil<strong>ici</strong>um,- Crolles 2, un site de recherche et deproduction co-fondé par Philips, Motorolaet STMicroelectronics.A chaque fois ce sont des c<strong>en</strong>taines demillions d’euros d’arg<strong>en</strong>t public qui sontinvestis. On parle de Crolles 2 comme leplus gros investissem<strong>en</strong>t industriel françaisdepuis la construction des dernièresc<strong>en</strong>trales nucléaires (2,8 milliards d’eurosdont 543 millions d’euros d’aidespubliques). Mais le souti<strong>en</strong> public à cesstructures privées n’est pas uniquem<strong>en</strong>tfinancier ; ainsi les élu-e-s ne manqu<strong>en</strong>tpas d’éloges pour qualifier cette "chance"pour l’agglomération, la création de milliersd’emplois et la promotion de larégion à l’extérieur. On <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d par contretrès rarem<strong>en</strong>t parler de ce qui va avec :- L’afflux massif de cadres et doncl’augm<strong>en</strong>tation du niveau de vie et desloyers au détrim<strong>en</strong>t des plus pauvres.- La destruction de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t etnotamm<strong>en</strong>t de la vallée du Grésivaudan(allant de Gr<strong>en</strong>oble à Chambéry) <strong>en</strong> passede dev<strong>en</strong>ir la Silicon Valley europé<strong>en</strong>ne.- L’investissem<strong>en</strong>t d’arg<strong>en</strong>t publicpour des profits majoritairem<strong>en</strong>t privés .(3) Le Monde, 14 février 2004 ou ProfesseurBelpomme, "Ces maladies crées par l’homme. Comm<strong>en</strong>tla dégradation de l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t met <strong>en</strong> péril notresanté", éditions Albin Michel, 2004.(4) Les transhumanistes sont <strong>en</strong> faveur de modificationsfondam<strong>en</strong>tales de la nature humaine, grâce auxnouvelles technologies, et ce <strong>en</strong> vue de son amélioration.Ce qui est assez troublant, c’est que certainsd’<strong>en</strong>tre eux sont des hauts-gradés des organismes derecherche et ont donc un réel pouvoir quant à l’utilisationdes recherches. Plus d’infos sur www.piecesetmaindoeuvre.comSILENCE N°32140Mars 2005
des nanotechnologies.Couverture du faux numéro.- La place de choix de l’armée par l’intermédiairedu CRSSA de La Tronche etde la Direction générale des armées quiinvestiss<strong>en</strong>t de nombreux fonds dans cestechnologies pour le moins prometteusessur le plan militaire.- Tous les <strong>en</strong>jeux des nanotechnologies<strong>en</strong> termes de choix de société.Le beau cons<strong>en</strong>sus qui flotte sur cesquestions est dû notamm<strong>en</strong>t à l’abs<strong>en</strong>ced’informations véritables pour le grandpublic. Tous les décideurs des différ<strong>en</strong>tesstructures (mairie, communauté de communes,conseil général), mise à partquelques faibles rétic<strong>en</strong>ces de certain-e-sécologistes, souti<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t fortem<strong>en</strong>t toutesces initiatives "innovantes" pour le plusgrand bonheur du monde de l’industrie etde l’armem<strong>en</strong>t. Les élu-e-s prov<strong>en</strong>ant dumilieu de l’industrie sont d’ailleurslégion : Michel Destot, maire de Gr<strong>en</strong>oble,est par exemple un ex-ingénieurdu Commissariat à l’énergie atomique,lequel est le grand promoteur des nanotechnologies.L’argum<strong>en</strong>t principal des autorités ?Le chantage à l’emploi : "Le pari du conseilgénéral [de l’Isère] et de ses neuf part<strong>en</strong>aires,c’est d’utiliser Minatec comme unaimant pour attirer <strong>en</strong> Isère des activités àhaute valeur ajoutée qui créeront des milliersd’emplois dans les années à v<strong>en</strong>ir" (5).Ce prétexte de l’emploi à tout prix sertainsi à justifier tous ces investissem<strong>en</strong>tspublics dont la majorité des citoy<strong>en</strong>signore l’exist<strong>en</strong>ce. Les projets se mont<strong>en</strong>tdiscrètem<strong>en</strong>t puis s’impos<strong>en</strong>t inévitablem<strong>en</strong>tmalgré toutes les retombées socialeset <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales qu’ils comport<strong>en</strong>t,sans jamais provoquer de débats publicsou de réelles remises <strong>en</strong> questions, sauf…De quelques cigalesDepuis quelques mois, la fourmilièredes nanotechnologies comm<strong>en</strong>ce cep<strong>en</strong>dantà être la cible de vives critiques.Un site internet (www.piecesetmaindoeuvre.com)prés<strong>en</strong>te depuis plusieursannées de nombreux textes, écrits par de"simples citoy<strong>en</strong>s", critiquant vivem<strong>en</strong>ttous les acteur-e-s et aspects de la technopolegr<strong>en</strong>obloise. Ces écrits anonymes,véritables contre-<strong>en</strong>quêtes, ont été distribuésà chaque confér<strong>en</strong>ce/débat/r<strong>en</strong>contreà propos des nanotechnologies. Ilsont inspiré d’autres acteur-e-s à faire partde leur doutes : ainsi <strong>en</strong> 2003 et 2004 onteu lieu, lors du Festival des résistances etdes alternatives au kapitalisme (ouFRAKA), deux visites <strong>en</strong> bus des sitestechno-industriels gr<strong>en</strong>oblois où des fauxguides montrai<strong>en</strong>t au public tous les lieux"high-tech" et les <strong>en</strong>jeux qu’ils révélai<strong>en</strong>t.Mais c’est <strong>en</strong> octobre 2004 que le problèmedes nouvelles technologies a comm<strong>en</strong>céà émerger sur la place publique,notamm<strong>en</strong>t grâce à la parution d’un fauxMétroscope. Ce magazine est le m<strong>en</strong>suelde la Métro, la communauté de communes,tiré à 200 000 exemplaires etard<strong>en</strong>t promoteur de toutes les initiativesdes collectivités territoriales. Des personnesont réussi à <strong>en</strong> faire un plagiatparfait où ils détourn<strong>en</strong>t la parole desdécideurs, simulant qu’ils avai<strong>en</strong>t totalem<strong>en</strong>tchangé d’avis sur nombre de sujetset qu’ils pr<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t donc les décisions adéquates: "dissolution de la Métro", "ruptureavec l’idéologie de la croissance","révélations des li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre la recherche etl’armée", "choix d’installer un jardinpotager biologique communautaire plutôtque Biopolis (hôtel d’<strong>en</strong>treprises de biotechnologies)"...Mêlant fausses et vraisinformations et distribué à des milliersd’exemplaires, ce plagiat à fait grand bruitet comm<strong>en</strong>cé à semer des doutes parmiles milieux décisionnels et sci<strong>en</strong>tifiques.D’autant plus que ses auteur-e-s, contrelesquels des plaintes ont été déposéesn’ont toujours pas été retrouvé-e-s.SILENCE N°32141Mars 2005A la fin du mois d’octobre, alors quedes personnes sont interv<strong>en</strong>ues lors desEtats généraux de la recherche pourdénoncer toute l’hypocrisie du mouvem<strong>en</strong>tSauvons la recherche ; un contre-événem<strong>en</strong>tObjection de conSci<strong>en</strong>ce prés<strong>en</strong>taitdébats et confér<strong>en</strong>ces autour du systèmetechn<strong>ici</strong><strong>en</strong> et de la technopole gr<strong>en</strong>obloise.Enfin, le 13 décembre, le chantier deMinatec a été stoppé pour quelquesheures pour protester contre "ce projet deplus d’un système économique, politique ettechnologique totalitaire". Six personnesont réussi à monter sur une des grues et ày rester p<strong>en</strong>dant une journée p<strong>en</strong>dantqu’une cinquantaine d’autres personnesfaisai<strong>en</strong>t masse <strong>en</strong> bas et distribuai<strong>en</strong>t desmilliers de tracts dans toute la ville .Mais qui est derrière tout ça, medirez-vous ? Un parti ? un syndicat ? unesecte obscurantiste ? B<strong>en</strong> Lad<strong>en</strong> ? Qu<strong>en</strong><strong>en</strong>ni, ces différ<strong>en</strong>tes manifestations sembl<strong>en</strong>têtre l’œuvre de collectifs éphémères,non assimilable à quelque organisationconnue. Tous et toutes inspirés par lestextes publiés sur www.piecesetmaindoeuvre.com,des personnes se mobilis<strong>en</strong>tsur ce sujet particulièrem<strong>en</strong>t complexe.Et si les écrits et actions sont bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>tanonymes, c’est pour "ne faire exerciced’aucune autorité et que les textes et actessoi<strong>en</strong>t jugés sur leur cont<strong>en</strong>u et non sur leursignature".Bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t ont été apportées lesmêmes réponses aux critiques <strong>en</strong> ram<strong>en</strong>antleurs auteur-e-s à des "obscurantistesextrémistes". Mais le doute comm<strong>en</strong>cequand même à pénétrer dans lesmilieux institutionnels qui annonc<strong>en</strong>tvouloir faire des débats publics sur lesnouvelles technologies. Ainsi DidierMigaud, présid<strong>en</strong>t de la Métro, déclare àpropos du faux Métroscope : "Moi aussi jesuis favorable à une croissance maîtrisée etje m’interroge sur les finalités de la sci<strong>en</strong>ce"(6).Y a-t-il des espoirs de changem<strong>en</strong>tde politique de la part des élu-e-s ? Vul’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t de ces derniers dans ledomaine, on peut légitimem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> douteret ne voir <strong>en</strong> ces déclarations que despetites reculées pour favoriser la retombéedes critiques. Toute la difficulté quiatt<strong>en</strong>d les militant-e-s est donc maint<strong>en</strong>antd’informer de leurs doutes une largefrange de la population pour qui ce sujetreste pour le moins opaque.Vinc<strong>en</strong>t Peyret n(5) "La première pierre de Minatec est posée" parVéronique Grangier, <strong>en</strong> p. 29 d’Isère Magazine, lem<strong>en</strong>suel du conseil général de l’Isère, n°56, octobre2004.(6) Acteurs de l’économie <strong>en</strong> Rhône-Alpes, décembre2004.