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Perspectives<br />
Dette argentine : les deux faces de la pièce<br />
Par Mario Rapoport<br />
Dans l’interprétation que donnent<br />
les Etats-Unis et certains pays<br />
d’Europe de l’affaire des « fonds<br />
vautours », l’Argentine apparaît<br />
comme le coupable et les pauvres «<br />
fonds vautours » comme la victime<br />
qui aurait perdu son argent. Le redoutable<br />
juge Thomas Griesa ajoute<br />
à ceci une circonstance aggravante<br />
: le gouvernement argentin ne respecterait<br />
pas les règles du système<br />
juridique nord-américain, comme<br />
si ces dernières garantissaient autre<br />
chose que la défense de spéculateurs<br />
dont les gains ne proviennent<br />
pas de l’économie de marché,<br />
mais des actions qu’ils intentent en<br />
justice. Dans un article sévère du<br />
Washington Post [1], repris dans<br />
ses grandes largeurs par La Nación,<br />
on peut lire que l’Argentine savait<br />
très bien, en vendant ses bons du<br />
Trésor, à quelles conséquences elle<br />
s’exposait, puisque cette vente impliquait<br />
le renoncement à son immunité<br />
souveraine : qu’elle assume<br />
donc les conséquences de ses actes !<br />
Mais l’article ne visait pas la bonne<br />
cible…<br />
N’oublions pas que<br />
l’endettement actuel de l’Argentine<br />
commença sous une dictature militaire<br />
qui instaura le terrorisme d’Etat<br />
et fit des milliers de victimes : ce fut<br />
précisément cet Etat-là qui accepta<br />
de contracter une dette vis-à-vis des<br />
Etats-Unis, et ce, sous la juridiction<br />
de ces derniers, violant ainsi les<br />
principes de souveraineté formulés<br />
par Carlos Calvo et la doctrine Drago<br />
à la fin du XIXe siècle [2]. Soutenues<br />
par Washington et par les organismes<br />
financiers internationaux,<br />
les politiques néolibérales mises en<br />
place par les gouvernements de Carlos<br />
Menem et Fernando de la Rúa<br />
reposaient sur l’endettement externe<br />
et l’acceptation des règles du jeu<br />
néolibéral définies par la dictature<br />
militaire. Il est donc pour le moins<br />
étrange que l’on désigne comme<br />
coupable le populisme du gouvernement<br />
argentin actuel, accusé de<br />
vivre au-dessus de ses moyens, alors<br />
qu’en réalité ce gouvernement a<br />
fait tout son possible pour payer les<br />
dettes qu’il avait héritées du passé.<br />
Non sans cynisme, le même<br />
article compare l’Argentine à la ville<br />
nord-américaine de Detroit, en situation<br />
de faillite ; mais c’est oublier<br />
que les Etats-Unis possèdent une<br />
législation qui protège leurs Etats et<br />
villes en défaut de paiement, tandis<br />
qu’il n’existe au niveau international<br />
aucune loi sur les faillites<br />
d’Etats souverains. Bien au contraire,<br />
la seule comparaison possible<br />
donnerait lieu à une conclusion inverse<br />
à celle de l’article en question<br />
: l’Argentine est la victime d’un système<br />
pervers, où nul compte n’est<br />
tenu de la souveraineté des pays.<br />
Or la responsabilité historique de<br />
Washington à cet égard est manifeste<br />
: dès le début du XXe siècle,<br />
les Etats-Unis sont intervenus militairement<br />
à plusieurs reprises sur le<br />
territoire de leurs « voisins latinoaméricains<br />
» afin de recouvrer leurs<br />
dettes (souvenons-nous du « corollaire<br />
Roosevelt » de la doctrine Monroe,<br />
qui donna lieu à la politique du<br />
« Big Stick » appliquée par les Etats-<br />
Unis pour punir les pays insolvables<br />
de leur « arrière-cour »).<br />
A aucun moment de son exposé,<br />
le Washington Post ne croit<br />
bon devoir mentionner les entreprises<br />
irresponsables, banques et fonds<br />
d’investissement états-uniens qui<br />
causèrent la crise de 2007-2008 à la<br />
suite de la faillite de Lehman Brothers,<br />
l’un des principaux acteurs du<br />
marché financier nord-américain qui<br />
entraîna dans sa chute des millions<br />
de débiteurs individuels ou institutionnels.<br />
Est-ce vraiment un hasard<br />
si ce fut précisément Jay Newman,<br />
ancien employé de Lehman Brothers,<br />
qui recommanda à Elliott Management,<br />
le fonds vautour qui poursuit<br />
à présent l’Argentine, alors qu’il<br />
était déjà passé maître en troubles<br />
manipulations sur le territoire nordaméricain,<br />
intentant des procès dont<br />
il tirait de juteuses sommes lui permettant<br />
ensuite d’élever le prix de<br />
ses titres et actions et d’accroître<br />
d’autant ses bénéfices, d’avoir recours<br />
à ces mêmes méthodes contre<br />
des Etats souverains endettés, comme<br />
ce fut le cas du Pérou en 1995 ?<br />
Il ne s’agissait pas, comme<br />
dans le cas postérieur de l’Argentine,<br />
de parier sur une hausse de la valeur<br />
des bons, en assumant les risques<br />
normaux de tout investissement,<br />
mais d’obtenir un bénéfice assuré<br />
par avance en faisant appel à un appareil<br />
politique et judiciaire auquel le<br />
propriétaire d’Elliott Management,<br />
Paul Singer, était étroitement lié en<br />
tant que lobbyiste et trésorier des<br />
campagnes électorales du parti républicain.<br />
Ceci constituait en réalité<br />
une violation de la section 489 de<br />
la loi de New York sur le pouvoir<br />
judiciaire, laquelle considère comme<br />
« illicite l’achat de dettes ou de titres<br />
de crédits arrivés à échéance<br />
dans l’intention d’intenter contre ce<br />
même achat une action judiciaire ».<br />
C’est sur la base de ce principe qu’un<br />
juge de première instance péruvien<br />
a pu rejeter, avec des arguments totalement<br />
opposés à ceux employés<br />
aujourd’hui par le juge Thomas<br />
Griesa, la plainte du fonds Elliott<br />
Management déposée alors contre<br />
la République du Pérou. Cependant,<br />
étant donné qu’un tel jugement risquait<br />
de créer un fâcheux précédent,<br />
il fut dénoncé et annulé en seconde<br />
instance suite à une nouvelle plainte<br />
d’Elliott Management, qui fit jouer<br />
tout son réseau d’influences.<br />
L’article susmentionné ne cite<br />
pas non plus le cas bien connu de<br />
l’Allemagne, un pays qui, huit ans<br />
seulement après la fin de la seconde<br />
guerre mondiale qu’il avait<br />
provoquée et après avoir causé<br />
l’Holocauste de millions de juifs,<br />
bénéficia en 1953 d’une remise de<br />
la plus grande partie de ses dettes<br />
et des indemnisations économiques<br />
que lui avaient imposées les vainqueurs.<br />
La même chose s’était déjà<br />
produite auparavant, au lendemain<br />
de la première guerre mondiale :<br />
l’endettement de l’Allemagne, financé<br />
par les Etats-Unis et tant critiqué<br />
par Keynes, n’avait pas empêché<br />
l’arrivée de Hitler au pouvoir<br />
et son rejet des clauses du traité de<br />
Versailles, tandis que les tambours<br />
de guerre commençaient de nouveau<br />
à se faire entendre. Il est bien<br />
connu qu’au cours du XXe siècle,<br />
l’Allemagne a été le pays qui s’est le<br />
plus refusé à payer ses dettes.<br />
Néanmoins, le Washington<br />
Post ne songe guère à qualifier<br />
les gouvernements allemands<br />
de l’après-guerre, partisans de<br />
l’économie sociale de marché, de<br />
populistes irresponsables. Il ne<br />
lui viendrait pas non plus à l’idée<br />
d’accuser de populisme les gouvernements<br />
nord-américains euxmêmes,<br />
qui autorisèrent à travers<br />
les marchés financiers le crédit facile<br />
et l’escroquerie des subprimes, origines<br />
de la crise mondiale actuelle,<br />
comme le reconnaît du reste dans<br />
ses mémoires Alan Greenspan luimême,<br />
l’ex-président de la Réserve<br />
fédérale américaine.<br />
En réalité, les « fonds vautours<br />
» ont donné une leçon aux économistes<br />
orthodoxes comme Robert<br />
C. Merton et Myron S. Scholes [3],<br />
tous deux prix Nobel, qui avaient<br />
cru trouver une solution mathématique<br />
permettant d’obtenir systématiquement<br />
de grands bénéfices sur<br />
les marchés financiers : ce qu’ils<br />
obtinrent finalement fut la faillite<br />
de leur propre entreprise, The Long-<br />
Term Capital Management.<br />
La méthode adoptée par les «<br />
fonds vautours » démontre que la<br />
stratégie la plus rentable n’est pas<br />
d’utiliser le savoir des experts financiers<br />
pour jouer sur les marchés.<br />
Son véritable apport à la théorie<br />
économique est d’avoir montré<br />
qu’il fallait revenir, par une autre<br />
manière, à la politique des canonnières<br />
européennes qui bloquèrent<br />
en 1902 les ports du Venezuela pour<br />
recouvrer leurs dettes : aujourd’hui,<br />
ces mêmes Etats, sans avoir besoin<br />
de sortir de leurs frontières, utilisent<br />
des canons supposément légaux<br />
contre les pays dont les contentieux<br />
en matière de dettes ne dépendent<br />
pas de leur juridiction. La méthode<br />
pour faire de gros gains ne se fonde<br />
donc plus sur un modèle mathématique,<br />
mais consiste à tirer parti de<br />
ses influences sur le pouvoir politique<br />
et judiciaire afin d’obtenir les<br />
profits que les marchés financiers<br />
ne donnent pas eux-mêmes ! Une<br />
leçon que semblaient ignorer – ou<br />
peut-être pas – nos économistes orthodoxes<br />
eux-mêmes, ainsi que les<br />
gouvernants qui suivirent leurs recommandations,<br />
eux qui, bien qu’ils<br />
n’aient pour l’instant pas été inquiétés<br />
par la justice, sont les véritables<br />
responsables de cette situation, ainsi<br />
que les hommes politiques argentins<br />
qui ont également bénéficié des largesses<br />
nord-américaines, y compris<br />
celles de Paul Singer lui-même.<br />
La dernière nouveauté est que<br />
le New York Times [4] a adopté un<br />
discours différent sur cette question<br />
: il signale, dans un article postérieur<br />
à celui du Washington Post, que le<br />
jugement de Thomas Griesa, validé<br />
par la Cour suprême, non seulement<br />
rendra difficile la restructuration<br />
de futures dettes souveraines,<br />
mais pourrait également remettre<br />
en cause le marché de New York en<br />
tant que centre du système financier<br />
international. Ainsi, les Singer<br />
et autres rapaces auraient dépassé<br />
les bornes. Chacun défend son jeu<br />
et, dans ce piège qui s’est refermé<br />
sur nous, l’Argentine doit défendre<br />
le sien en tirant profit de ces dissensions<br />
: nous devons négocier non<br />
seulement en nous désendettant,<br />
mais aussi en recouvrant notre souveraineté<br />
juridique, tout en révélant<br />
les deux facettes de la question, qui<br />
n’est pas seulement économique,<br />
mais aussi et surtout politique. Et<br />
dans ce combat, nous avons besoins<br />
de soutiens régionaux et mondiaux.<br />
Notes<br />
[1] L’auteur fait référence à<br />
l’article de Charles Lane, « Argentina’s<br />
Supreme Court loss may serve<br />
as a wake-up call », 18 juin <strong>2014</strong>.<br />
[2] Carlos Calvo fut un juriste<br />
et un diplomate dont les travaux ont<br />
inspiré la doctrine Drago. Datant de<br />
1902, celle-ci (tirant son nom du<br />
ministre argentin Luis Maria Drago<br />
qui l’a formulée) affirme qu’en aucun<br />
cas, une dette publique d’un<br />
Etat ne peut donner lieu à une intervention<br />
armée. Il faut attendre<br />
1907 pour qu’elle soit mise en<br />
œuvre pour la première fois dans<br />
la foulée du blocus imposé par<br />
l’Allemagne, la Grande Bretagne et<br />
l’Italie au Venezuela en 1902. La<br />
convention Drago-Porter prévoyait<br />
ainsi l’activation d’un mécanisme<br />
d’arbitrage politique entre ses Etats<br />
signataires précédant l’éventuel<br />
emploi de la force par l’un d’entre<br />
eux ou par une coalition. Sur ce sujet,<br />
lire Christophe Ventura, « Dettes<br />
souveraines, mécanisme européen<br />
de stabilité, pacte budgétaire », Mémoire<br />
des luttes, avril 2012.<br />
[3] Economistes états-uniens,<br />
prix Nobel d’économie 1997. Le<br />
modèle de Black-Scholes permet de<br />
couvrir une option sur un titre financier.<br />
[4] Ruling on Argentina<br />
Gives Investors an Upper Hand,<br />
19 juin <strong>2014</strong>, (www.nytimes.<br />
com/<strong>2014</strong>/06/20/business/economy/ruling-on-argentina-gives-investors-an-upper-hand).<br />
Article publié par Pagina<br />
12 (23 juin <strong>2014</strong>)<br />
Traduit de l’espagnol<br />
par Mélanie Jecker<br />
Mémoire des luttes 30 juin 2<br />
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27 Juin dernier à lʼâge<br />
de 90 ans, soit six mois<br />
après celle de sa fille<br />
Angélina Gaspard.<br />
En cette pénible<br />
circonstance, le<br />
personnel du journal<br />
touché par la douleur<br />
envoie ses sympathies à<br />
ses filles Mme<br />
Bernadette Christian, née Gaspard et<br />
enfants,<br />
Madame Viola Gaspard et famille, Nicole<br />
Gaspard et famille, Eudès Philoména<br />
Gaspard et famille ;<br />
Sa fille adoptive Phanette Auguste et famille<br />
Ses belles filles : Nadia Laguerre et famille,<br />
Lilianne Similhomme<br />
AVIS DE DÉCÈS<br />
Ses fils adoptifs Rol<br />
Kervens St Fort, Herfort<br />
et Grégory Gaspard,<br />
Ses neveux et nièces<br />
Yves Camille et famille,<br />
Rolyn, Jocelyn, James<br />
Thony ,<br />
Mme Marlène Emmanuel<br />
et enfants, Mme Ketty<br />
Mathurin et famille ;<br />
Son beau fils Wilson<br />
Joazile et famille;<br />
Aux familles Gaspard, St<br />
Fort, Laguerre,<br />
Similhomme, Thony,<br />
Camille, Bazile et Joazile<br />
Christian, ainsi quʼà tous les parents et amis<br />
éprouvés par cette perte.<br />
Les funérailles du très regretté Raymond<br />
Gaspard seront chantées à la Cathédrale du<br />
Cap Haïtien le Samedi 5 <strong>Juillet</strong> prochain et la<br />
dépouille sera déposée au nécropole de cette<br />
Ville.<br />
Que son âme repose en paix.<br />
Vol. 7 • No. 51 • Du 2 au 8 juillet <strong>2014</strong> <strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times 15