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M<br />

ÉDITORIAL<br />

Par Dominique Lemieux<br />

Directeur général<br />

L’heureux hasard<br />

(ou comment devient-on<br />

un libraire indépendant)<br />

l e m o n d e d u L I V R E<br />

On ne naît pas libraire, on le devient. La réputée auteure jeunesse Judy Blume vous le dirait. À 78<br />

ans, l’Américaine est devenue libraire en février dernier. Presque chaque jour, elle se pointe dans son<br />

nouveau repaire floridien, Books & Books Key West, qu’elle a créé avec son époux. Le commerce sans but<br />

lucratif avoisine un espace de création pour les artistes locaux, une résidence d’artiste et une galerie d’art.<br />

L’écrivaine a mis le lieu à sa main, prenant un malin plaisir à préparer les vitrines et les différents étals. Son<br />

constat est sans appel : « De nouveau, les gens cherchent de ‘‘vraies’’ librairies. »<br />

Dans une entrevue au Publishers Weekly, Judy Blume admet qu’elle n’avait jamais réalisé à quel point ce<br />

métier était aussi exigeant : « Je ne réalisais pas qu’on devait dépoussiérer les lieux », image-t-elle, signalant<br />

ne pas avoir autant de temps pour lire qu’elle le souhaiterait. Elle apprécie grandement son nouveau<br />

rythme de vie : « Nous sommes une œuvre en construction. C’est comme un roman. On ne sait jamais ce<br />

qui va arriver le jour suivant. »<br />

***<br />

On ne naît pas libraire, on le devient donc. C’est ce que vous dirait aussi la majorité des libraires<br />

indépendants. Leurs histoires débordent d’anecdotes, de détours, de réorientations, de défis. Leur bonheur<br />

d’être passé « de l’autre côté » est sincère et rempli d’enthousiasme.<br />

Lors de l’assemblée générale de notre coopérative, en juin dernier, un grand nombre de libraires s’étaient<br />

rassemblés dans le magnifique décor de Wendake. C’était un moment stimulant, alors que des gens de<br />

toutes générations – ces libraires qui ont pavé le milieu de la librairie actuelle et ceux qui inventeront la<br />

suite de l’histoire – se rencontraient, échangeaient, riaient autour d’un repas ou d’un feu de joie.<br />

C’était beau de les écouter, ces libraires. Je pense à l’une, Valérie Lavoie de la librairie du Portage à Rivièredu-Loup,<br />

impressionnée du parcours de deux libraires honorés pendant une soirée – Françoise Careil et<br />

Yves Guillet –, qui disait qu’elle ne se sentait pas une « vraie » libraire contrairement à ces deux monuments.<br />

Mais elle est pourtant une véritable libraire, qui a choisi ce domaine par passion. Après avoir longtemps<br />

travaillé au sein des milieux culturel et touristique de Québec, elle a eu le goût de posséder son propre<br />

commerce. C’est par chance qu’elle a appris la possibilité d’acquérir la librairie du Portage. Elle a donc<br />

quitté sa ville d’adoption pour retourner vivre dans sa région natale. Elle n’a pas choisi d’être libraire, elle<br />

l’est devenue. Un peu par hasard, certes. Mais le hasard n’a jamais aussi bien fait les choses.<br />

Je pense à une autre, Sophie L’Écuyer. Son père avait fondé la librairie L’Écuyer à Thedford Mines en<br />

1978. Sophie n’avait jamais travaillé dans le commerce paternel. Elle avait pris un autre chemin, œuvrant<br />

comme éducatrice spécialisée dans un hôpital de sa région. Elle s’occupait des personnes âgées en perte<br />

d’autonomie. Quand son père a commencé à parler de retraite, elle a pris le risque de prendre un congé<br />

sans solde pour aller « essayer » le métier de libraire. Ce fut un coup de foudre. À tel point que quelques<br />

mois plus tard, elle devenait la propriétaire du lieu. Sept ans plus tard, elle n’a aucun regret.<br />

Valérie et Sophie, comme plusieurs de leurs confrères et consœurs, transformeront notre conception de la<br />

librairie. Elles laisseront assurément leur marque sur la librairie qu’elles construisent chaque jour, qu’elles<br />

imaginent chaque nuit. Elles seront, quoi qu’elles en pensent, les Françoise Careil et Yves Guillet de<br />

demain.<br />

Lorsqu’on parle avec les libraires, on apprend que l’un a bifurqué du milieu de l’édition, que l’autre a<br />

complété une maîtrise en histoire. On croise la passionnée qui a toujours aimé les livres, celui qui a opté<br />

pour ce travail à temps partiel pendant ses études et qui n’a jamais pu s’en séparer, celle qui a changé de<br />

carrière après une remise en question… Ils sont devenus libraires, sans trop comprendre pourquoi. Et c’est<br />

avec une grande force et un enthousiasme contagieux qu’ils ont trouvé leur « maison ». Comment craindre<br />

l’avenir quand on rencontre autant de gens allumés et motivés?<br />

LES LIBRAIRES • SEPTEMBRE-OCTOBRE 2016 • 7

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