Aquarétro Pour terminer cette partie, passons à une autre dimension. Après avoir visité les quatre coins du globe, voyageons dans le temps avec un nouvel article de la rubrique Aquarétro. Alain Cardona, cet amoureux du chlore, des chiffres et des lettres, nous plonge dans la littérature classique dédiée à la natation. Un exercice technique qui donne un nouveau ton à cet ouvrage ! 122 - <strong>ChronoMaîtres</strong> | Maîtres de la passion dans la natation
Litteras et Natare Alain Cardona Au hasard de lectures diverses, il m’est parfois arrivé de tomber sur des allusions à la natation, que je me suis empressé de noter. avec l’Officiel de la Natation brandi par la main gauche et ma serviette entre les dents : j’ai beaucoup bu par le nez. Alain Cardona Nageur Maîtres C10 de Maremne Adour Côte-Sud Natation. Médaillé de bronze aux Championnats d’Europe sur 100 NL et 50 brasse C10 à Londres en 2016. Vice-champion d’Europe du 100 NL C9 à Cadix en 2009. Finaliste Européen C8 à Kranj en 2007. Multi recordman de France et champion de France sur 50 brasse, 50 et 100 NL. DE MONTAIGNE ET RABELAIS Ainsi de Montaigne, dans les Essais, au chapitre « Observation sur les moyens de faire la guerre, de Julius Cæsar » : « Quand les anciens Grecs voulaient accuser quelqu'un d'extrême insuffisance, ils disaient en commun proverbe « qu'il ne savait ni lire ni nager ». De même Rabelais dans Gargantua : « Gargantua nageait en profonde eau, à l'endroit, à l'envers, de côté, de tout le corps, des seuls pieds, une main en l'air, en laquelle tenant un livre, traversait toute la Seine sans iceluy mouiller et tirant par les dents son manteau, comme faisait Jules César. » Comme on le constate, Rabelais est un précurseur des 4 nages et même plus, des onduls et autres éducatifs. Il serait grand temps que les historiens de la natation lui rendent justice. L’allusion du très lettré Rabelais au divin Jules a pour source un passage de la Vie de Jules César de Plutarque : « César gagna sa flotte à la nage, qui était à plus de deux cents pas de là, tenant en sa main gauche ses tablettes hors de l’eau et traînant à belles dents sa cotte d’armes. » Si mes calculs sont bons, César était alors C4. Malheureusement, les archives des top ten de la FINA ne remontent pas aussi loin. Par souci de reconstitution historique rigoureuse, j’ai essayé de faire quatre longueurs LES PENSÉES DE JOHN LOCKE SUR L’ÉDUCATION Plus tardivement, en 1693, dans ses Quelques pensées sur l’éducation, l’anglais John Locke enfonce le clou : « Je n'ai guère besoin d'insister sur la natation : il faut l'apprendre à l'enfant sitôt qu'il est assez âgé pour cela et quand on a quelqu'un qui puisse l'y exercer. C'est un art qui sauve la vie de bien des gens. « Les Romains le considéraient comme si nécessaire qu'ils le plaçaient au même rang que les lettres. Ils avaient une espèce de proverbe pour désigner un homme sans éducation et qui n'est bon à rien. Ils disaient de lui : « Il n'a appris ni les lettres ni la natation », nec litteras didicit nec natare. » « Mais outre le profit d'acquérir un art qui peut rendre service à l'occasion, il y a de si grands avantages pour la santé à se baigner fréquemment dans l'eau froide pendant les chaleurs de l'été, que je ne pense pas qu'il soit nécessaire de discourir longuement pour recommander cet exercice. Seulement on doit avoir soin de ne jamais entrer dans l'eau quand on est encore tout échauffé par la marche, ou qu'on a le sang et le pouls troublés par quelque émotion. » Comme on voit dans ce dernier paragraphe, Locke ne se soucie pas du risque d’hydrocution. Quand je pense qu’enfant, on me contraignait à attendre deux heures après déjeuner avant de pouvoir replonger… <strong>ChronoMaîtres</strong> | Maîtres de la passion dans la natation - 123