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La chute de la samir

Encore une enquête prémonitoire diligentée par EE. Nous sommes en 2013 et la Samir se débat dans des difficultés financières sans nom. Quasiment insolvable, le raffineur peine à dégager de la marge. En cause, des charges financières absorbant 65% de son EBE, mais surtout la libéralisation du marché qui nourrit une concurrence effrénée de la part d’anciens clients dotés se fournissant à l’étranger et justifiant d’importantes capacités de stockage. Pis, pour avoir tardé à moderniser son outil de production, la Samir a raté le coche d’un prix du baril à un niveau historiquement haut. Résultat: un endettement massif de 20 milliards de dirhams. Si l’on ajoute à ce tableau la réticence de l’actionnaire de référence à recapitaliser la société, nous avons là tous les ingrédients d’un désastre. La suite, tout le monde la connaît...

Encore une enquête prémonitoire diligentée par EE. Nous sommes en 2013 et la Samir se débat dans des difficultés financières sans nom. Quasiment insolvable, le raffineur peine à dégager de la marge. En cause, des charges financières absorbant 65% de son EBE, mais surtout la libéralisation du marché qui nourrit une concurrence effrénée de la part d’anciens clients dotés se fournissant à l’étranger et justifiant d’importantes capacités de stockage. Pis, pour avoir tardé à moderniser son outil de production, la Samir a raté le coche d’un prix du baril à un niveau historiquement haut. Résultat: un endettement massif de 20 milliards de dirhams. Si l’on ajoute à ce tableau la réticence de l’actionnaire de référence à recapitaliser la société, nous avons là tous les ingrédients d’un désastre. La suite, tout le monde la connaît...

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ENTREPRISES<br />

Aussi<br />

dans cette rubrique 084 Private Banking, le secteur va<br />

bien, comme ils disent | 088 Transport Maritime, Bye-bye le pavillon<br />

marocain!<br />

Samir<br />

Sombres perspectives...<br />

078<br />

Samir s’en<strong>de</strong>tte pour raffiner mais vend <strong>de</strong><br />

moins en moins, car ses clients importent <strong>de</strong><br />

plus en plus. Un constat simple qui cache<br />

<strong>de</strong>s dysfonctionnements plus graves: un taux<br />

d’en<strong>de</strong>ttement <strong>de</strong> 400%, <strong>de</strong>s capacités sousutilisées<br />

et <strong>de</strong>s perspectives commerciales plus<br />

que sombres…<br />

Par Ghassan Waïl El Karmouni<br />

Economie|Entreprises Juillet 2013


Après les opérateurs nationaux dans<br />

le transport maritime et <strong>la</strong> sidérurgie, un<br />

autre secteur est en train <strong>de</strong> faire face à<br />

<strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s difficultés financières. Il s’agit<br />

en l’occurrence du secteur du raffinage et<br />

<strong>de</strong> son opérateur emblématique Samir. Si,<br />

<strong>de</strong>puis l’incendie <strong>de</strong> 2002, les difficultés financières<br />

<strong>de</strong> l’entreprise n’ont jamais cessé,<br />

aujourd’hui ce sont les conséquences <strong>de</strong><br />

son exploitation et <strong>de</strong> ses décisions managériales<br />

quelque peu discutables qui sont en<br />

cause. «<strong>La</strong> société est en situation d’insolvabilité»,<br />

annonce tout <strong>de</strong> go un banquier <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

p<strong>la</strong>ce. En effet, Samir n’arrive plus à dégager<br />

<strong>de</strong> marges. Ainsi, rien que les charges<br />

financières absorbent près <strong>de</strong> 65% <strong>de</strong> son<br />

excé<strong>de</strong>nt brut d’exploitation (EBE), soit<br />

près d’un milliard <strong>de</strong> dirhams en 2012.<br />

Des clients concurrents<br />

Les difficultés ne s’arrêtent pas là. Les<br />

perspectives commerciales <strong>de</strong> l’entreprise<br />

n’augurent rien <strong>de</strong> bon. Avec <strong>la</strong> baisse <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> consommation d’hydrocarbures au niveau<br />

national en plus <strong>de</strong> l’effritement <strong>de</strong><br />

ses parts <strong>de</strong> marché, l’entreprise tourne<br />

aujourd’hui à près <strong>de</strong> 60% <strong>de</strong> ses capacités<br />

<strong>de</strong> production seulement. Avec une année<br />

pluvieuse, l’ONEE a baissé <strong>de</strong> près <strong>de</strong> 10%<br />

<strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> fioul industriel qui<br />

fait tourner les centrales thermiques. Or,<br />

selon le rapport annuel <strong>de</strong> Samir, le fioul<br />

représente 40% <strong>de</strong> son chiffre d’affaires et<br />

25% du marché global. Toujours selon les<br />

rapports annuels <strong>de</strong> Samir, entre 2011 et<br />

2012, ses parts <strong>de</strong> marché ont baissé <strong>de</strong><br />

70% à 57%. En cause, l’agressivité commerciale<br />

<strong>de</strong>s distributeurs «favorisée par les<br />

crédits bancaires à l’import», selon un cadre<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> Samir. Dans les faits, avec <strong>la</strong> baisse <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> consommation en Europe, tous les opérateurs<br />

<strong>de</strong> raffinage se retrouvent en surcapacité,<br />

ce qui pousse certains comme Galp<br />

au Portugal, ou Repsol en Espagne à octroyer<br />

<strong>de</strong>s crédits clients plus généreux qui<br />

peuvent aller jusqu’à 180 jours, favorisant<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> sorte les importations au lieu <strong>de</strong> l’approvisionnement<br />

auprès du raffineur national.<br />

Ceci handicape commercialement<br />

<strong>la</strong> Samir qui ne peut donner que 20 jours<br />

<strong>de</strong> crédit au vue <strong>de</strong> sa trésorerie bien serrée.<br />

Une situation qui pousse l’entreprise à crier<br />

<strong>de</strong>puis 2011 à <strong>la</strong> concurrence déloyale et ce<br />

qu’elle appelle «un dumping <strong>de</strong>s raffineries<br />

européennes».<br />

En fait, <strong>de</strong>puis <strong>la</strong> libéralisation <strong>de</strong> l’importation<br />

<strong>de</strong>s produits raffinés et <strong>la</strong> perte<br />

<strong>de</strong> monopole légal <strong>de</strong> <strong>la</strong> Samir sur les importations<br />

<strong>de</strong>s produits raffinés, l’opérateur<br />

s’est retrouvé directement concurrencé par<br />

ses clients. Certes, les distributeurs ont mis<br />

plusieurs années pour apprendre les ficelles<br />

du métier. Et le retard accusé par Samir<br />

dans <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> son programme <strong>de</strong><br />

remise à niveau a aidé dans ce sens. «Depuis<br />

<strong>la</strong> signature <strong>de</strong> <strong>la</strong> convention d’investissement<br />

avec l’Etat, <strong>la</strong> Samir a accumulé un<br />

retard <strong>de</strong> presque 10 ans dans <strong>la</strong> réalisation<br />

<strong>de</strong> son programme <strong>de</strong> mise à niveau.» estime<br />

Mou<strong>la</strong>y Ab<strong>de</strong>l<strong>la</strong>h A<strong>la</strong>oui, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Fédération Nationale <strong>de</strong> l’Energie. Entre<br />

temps, les distributeurs ont augmenté leurs<br />

capacités <strong>de</strong> stockages et continuent <strong>de</strong> les<br />

augmenter notamment à Tanger Med. Ce<br />

potentiel est aujourd’hui quasi équivalent<br />

<strong>de</strong> celui <strong>de</strong> Samir. En effet, <strong>de</strong>puis quatre<br />

ans, plus <strong>de</strong> 500.000 m 3 ont été ajoutés à <strong>la</strong><br />

capacité nationale <strong>de</strong> stockage par les distributeurs,<br />

soit près du tiers <strong>de</strong> ce qui était installé<br />

auparavant. Ce<strong>la</strong> fait passer <strong>la</strong> capacité<br />

totale <strong>de</strong> 40 jours à près <strong>de</strong> 60 jours <strong>de</strong> réserves<br />

<strong>de</strong> consommation. Des capacités qui<br />

sont en général utilisées pour stocker <strong>de</strong>s<br />

produits importés que favorise <strong>la</strong> conjoncture<br />

<strong>de</strong> surcapacité. Mais ce<strong>la</strong> tue à petit feu<br />

le raffineur. «C’est <strong>la</strong> logique d’un marché qui<br />

a été libéralisé et qui est donc plus concurrentiel.<br />

D’autre part ces capacités <strong>de</strong> stockage permettent<br />

d’assurer <strong>la</strong> sécurité d’approvisionnement<br />

nationale», explique A<strong>la</strong>oui.<br />

Les prix m’ont tuer!<br />

Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s aspects commerciaux, l’autre<br />

souci <strong>de</strong> Samir qui plombe sa compétitivité<br />

est d’ordre institutionnel. Il tient en résumé<br />

à <strong>la</strong> situation d’un marché <strong>de</strong>s hydrocarbures<br />

mal libéralisé. En effet, <strong>la</strong> libéralisation<br />

<strong>de</strong> l’importation n’a pas été accompagnée<br />

par une libéralisation <strong>de</strong>s prix. En effet, ce<br />

qui éro<strong>de</strong> encore plus <strong>la</strong> rentabilité <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

boîte est lié à ce qui est appelé <strong>la</strong> «structure<br />

<strong>de</strong>s prix». C’est un document semi-mensuel<br />

que publie le ministère <strong>de</strong> l’Energie et<br />

qui sert à administrer le prix <strong>de</strong>s hydrocarbures<br />

et in fine à déterminer les montants<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> compensation que doit reverser l’Etat<br />

aux distributeurs. Une structure qui est basée<br />

sur une analyse <strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong>s – – –<br />

079<br />

xx<br />

Juillet 2013 Economie|Entreprises


ENTREPRISES<br />

l’appréciation <strong>de</strong> l’euro face au dol<strong>la</strong>r et au<br />

dirham entre 2004 et 2010. Pour faire<br />

face aux besoins <strong>de</strong> financement, Samir<br />

s’engouffre dans le bourbier <strong>de</strong> l’en<strong>de</strong>ttement.<br />

Ce <strong>de</strong>rnier explose entre 2008 et<br />

2012 passant <strong>de</strong> 9 milliards à 20 milliards<br />

<strong>de</strong> dirhams. En face, les capitaux propres ne<br />

dépassent pas les 5,5 milliards <strong>de</strong> dirhams.<br />

Le taux d’en<strong>de</strong>ttement ressort ainsi à près<br />

<strong>de</strong> 400%. Un lourd far<strong>de</strong>au qui plombe sévèrement<br />

les finances du raffineur et sa rentabilité.<br />

Il faut ajouter à ce<strong>la</strong> <strong>la</strong> décision <strong>de</strong><br />

financer <strong>de</strong>s investissements lourds essentiellement<br />

avec <strong>la</strong> trésorerie <strong>de</strong> l’entreprise,<br />

<strong>de</strong>s crédits, <strong>de</strong>s obligations et du leasing qui<br />

alourdit les charges financières. Cette gestion<br />

financière aux risques mal appréciés<br />

est en gran<strong>de</strong> partie responsable <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation<br />

d’asphyxie que traverse Samir – – –<br />

Corral group doit injecter 5 milliards <strong>de</strong> dirhams pour viabiliser<br />

son investissement.<br />

080<br />

«<strong>La</strong> société est<br />

en situation<br />

d’insolvabilité.»<br />

— Source bancaire<br />

– – – cours mondiaux <strong>de</strong> produits finis et<br />

qui fixe administrativement les marges du<br />

raffineur et <strong>de</strong>s distributeurs. Le problème<br />

est que le calcul <strong>de</strong> cette marge ne prend<br />

pas en compte le taux d’utilisation <strong>de</strong>s<br />

outils <strong>de</strong> production, ce qui fait qu’en cas<br />

<strong>de</strong> sous-utilisation, comme c’est le cas <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

Samir <strong>de</strong>puis plus d’une année, le taux <strong>de</strong><br />

marge s’éro<strong>de</strong>. «Il avoisine 2% actuellement»,<br />

selon un cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Samir. En face, les distributeurs,<br />

qui n’ont pas d’outil industriel à<br />

faire tourner, sont plus à l’aise. Mieux encore,<br />

en anticipant les prix <strong>de</strong> <strong>la</strong> grille, ils<br />

peuvent faire <strong>de</strong>s arbitrages entre importation<br />

et achat chez le raffineur national.<br />

Leurs marges et leurs charges financières<br />

sont ainsi optimisées. En 2012, le marché,<br />

plus concurrentiel, fait <strong>chute</strong>r les ventes <strong>de</strong><br />

Samir <strong>de</strong> 3% au moment où les importations<br />

<strong>de</strong> pétrole raffiné augmentent <strong>de</strong> 5%!<br />

«Une situation qui semble s’aggraver en 2013<br />

avec <strong>la</strong> baisse <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong>s hydrocarbures»,<br />

analyse notre source bancaire.<br />

Selon le chiffre du ministère <strong>de</strong> l’Energie,<br />

à avril 2013 <strong>la</strong> production <strong>de</strong> Samir a baissé<br />

<strong>de</strong> 17% et ses livraisons <strong>de</strong> 23%, comparé à<br />

<strong>la</strong> même pério<strong>de</strong> en 2012.<br />

Une <strong>de</strong>tte insoutenable<br />

Cette conjoncture difficile pour le raffineur<br />

se conjugue à <strong>de</strong> mauvaises appréciations<br />

managériales. Du fait du retard<br />

accumulé dans <strong>la</strong> mise à niveau <strong>de</strong> l’outil<br />

<strong>de</strong> production qui <strong>de</strong>vait être achevée en<br />

2007, l’opérateur a perdu en termes <strong>de</strong> part<br />

<strong>de</strong> marché et en opportunités <strong>de</strong> marges<br />

<strong>de</strong> raffinage lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> phase d’explosion<br />

du prix du baril. Un trend favorable dont<br />

Samir n’a pas pu profiter à cause <strong>de</strong> son<br />

outil <strong>de</strong> production qui n’était pas encore<br />

100% opérationnel. Il ne le sera en fait<br />

qu’en 2012. De plus, à cause <strong>de</strong> ce retard,<br />

le coût du projet <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnisation estimé<br />

initialement à 6 milliards <strong>de</strong> dirhams, sera<br />

finalement <strong>de</strong> 13 milliards, soit plus que le<br />

double! Raisons invoquées: l’augmentation<br />

du coût <strong>de</strong> l’énergie, <strong>de</strong> <strong>la</strong> matière première<br />

et l’inf<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> <strong>la</strong> main-d’œuvre ainsi que<br />

RECAPITALISATION<br />

NÉCESSAIRE<br />

<strong>La</strong> question d’augmentation du capital<br />

est bloquée dans <strong>la</strong> mesure où<br />

même si les <strong>de</strong>rnières Assemblées<br />

Générales <strong>de</strong> 2011 et 2012 ont acté<br />

<strong>la</strong> décision d’injecter 1,75 milliard <strong>de</strong><br />

dirhams dans l’entreprise, elles ont<br />

<strong>la</strong>issé en même temps l’exécution <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> décision ouverte sur les 3 prochaines<br />

années! Raison invoquée par<br />

le management: le prix minimum <strong>de</strong><br />

souscription à l’augmentation <strong>de</strong> capital<br />

proposé par le Conseil d’Administration<br />

et autorisé par l’AGE était<br />

<strong>de</strong> 600 dirhams par action. Compte<br />

tenu <strong>de</strong>s conditions actuelles du<br />

marché boursier qui ne permettent<br />

pas d’atteindre cet objectif, l’augmentation<br />

<strong>de</strong> capital a été ajournée et le<br />

management a cherché <strong>de</strong>s solutions<br />

alternatives <strong>de</strong> financement. En fait<br />

le cours <strong>de</strong> Samir a dévissé et sa<br />

capitalisation boursière «a baissé<br />

<strong>de</strong> 8,686 milliards en 2011 à 3,986<br />

milliards en 2012» annonce <strong>la</strong> note<br />

<strong>de</strong> BMCE Capital. Au-<strong>de</strong>là, les banquiers<br />

estiment que cette augmentation<br />

doit au moins être équivalente à<br />

4 ou 5 milliards <strong>de</strong> dirhams au vu <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> sous-capitalisation <strong>de</strong> l’entreprise.<br />

Economie|Entreprises Juillet 2013


082<br />

ENTREPRISES<br />

UNE ACTIVITÉ STRATÉGIQUE<br />

<strong>La</strong> fermeture <strong>de</strong> Samir obligerait le<br />

Maroc à importer tous les produits<br />

pétroliers au cours du marché <strong>de</strong>s<br />

produits fi nis, ce qui signifi e une<br />

dépendance plus accrue aux retournements<br />

<strong>de</strong> conjoncture et une sortie<br />

plus importante <strong>de</strong> <strong>de</strong>vises. En effet<br />

aujourd’hui grâce à <strong>la</strong> Samir, le Maroc<br />

importe du brut et le transforme en<br />

produit fi ni. Ce qui veut dire qu’une<br />

partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> valeur ajoutée est produite<br />

sur p<strong>la</strong>ce. Or, en cas <strong>de</strong> fermeture<br />

<strong>de</strong> Samir, cette valeur ajoutée va être<br />

importée. Si Samir importe du brut à<br />

120 millions <strong>de</strong> dol<strong>la</strong>rs par cargaison,<br />

une cargaison <strong>de</strong> produit fi ni coûte<br />

quasiment 200 millions <strong>de</strong> dol<strong>la</strong>rs.<br />

Avec près <strong>de</strong> 50% du marché, les<br />

distributeurs consomment aujourd’hui<br />

presque le double <strong>de</strong>s <strong>de</strong>vises que<br />

consomme Samir. <strong>La</strong> disparition du<br />

raffi neur fera exploser encore plus<br />

<strong>la</strong> facture énergétique en <strong>de</strong>vises…<br />

D’autre part, avec une augmentation<br />

<strong>de</strong> 5% annuellement <strong>de</strong>s besoins, le<br />

Maroc sera éventuellement obligé<br />

d’ici 10 ans <strong>de</strong> construire une nouvelle<br />

raffi nerie. L’expertise <strong>de</strong> Samir peut<br />

être importante dans ce cadre-là. Sa<br />

fermeture signifi e que tout un savoirfaire<br />

va disparaître. Par ailleurs avec<br />

le port <strong>de</strong> Nador West Med, le Maroc<br />

peut se positionner comme hub<br />

<strong>de</strong> distribution <strong>de</strong>s hydrocarbures<br />

raffi nées d’autant plus que <strong>de</strong> plus<br />

en plus <strong>de</strong> raffi neries sont fermées<br />

ou converties en Europe. Le fait que<br />

le pays dispose d’une raffi nerie augmentera<br />

<strong>la</strong> valeur ajoutée captée.<br />

aujourd’hui. En effet, «l’entreprise arrive<br />

à peine à rembourser les charges d’intérêt»<br />

annonce notre source bancaire.<br />

Face à <strong>la</strong> réticence <strong>de</strong> l’actionnaire principal,<br />

Corral, qui détient plus <strong>de</strong> 67% <strong>de</strong>s<br />

parts, <strong>de</strong> recapitaliser <strong>la</strong> société, les banques<br />

ont répliqué en refusant <strong>de</strong> restructurer <strong>la</strong><br />

<strong>de</strong>tte du raffineur. «Des banques comme Attijariwafa<br />

et Banque Popu<strong>la</strong>ire ont carrément<br />

fermé le robinet», affirme notre source. Les<br />

autres banques n’ont pas tardé à suivre. Il<br />

se chuchote même dans les couloirs que le<br />

– – – 600<br />

ministère <strong>de</strong>s Finances intervient régulièrement<br />

«en <strong>de</strong>mandant aux banques <strong>de</strong> débloquer<br />

<strong>de</strong>s financements d’exploitation pour le<br />

raffineur». Résultat <strong>de</strong>s courses: l’explosion<br />

<strong>de</strong>s charges financières à cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> prédominance<br />

<strong>de</strong>s crédits court terme (58%)<br />

pour un outil <strong>de</strong> production neuf et capitalistique<br />

qui <strong>de</strong>vrait être amorti sur le long<br />

terme... Ce<strong>la</strong> en plus d’une réorientation<br />

vers les banques internationales qui ont vu<br />

leur quote-part dans l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>tte<br />

Samir augmenter spectacu<strong>la</strong>irement passant<br />

<strong>de</strong> 49 à 67% entre 2011 et 2012 à cause<br />

<strong>de</strong> ses besoins en <strong>de</strong>vises (voir encadré).<br />

En somme, Samir est dans une situation<br />

non bancable et donc explosive au vu <strong>de</strong> ses<br />

besoins en fonds <strong>de</strong> roulement qui s’élèvent<br />

à plus <strong>de</strong> 10 milliards <strong>de</strong> dirhams!<br />

<strong>La</strong> fuite en avant<br />

Il faut dire que cette tension est ancienne.<br />

Depuis le rachat <strong>de</strong> <strong>la</strong> Samir en 1997,<br />

le groupe Corral a recouru au crédit auprès<br />

<strong>de</strong>s banques locales ou sur le marché obligataire<br />

pour financer ses projets <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnisation,<br />

alors que tous les acteurs dont les<br />

banques réc<strong>la</strong>maient une augmentation<br />

<strong>de</strong>s fonds propres. «Depuis son acquisition,<br />

l’investisseur <strong>de</strong> référence n’a pas mis <strong>la</strong> main<br />

à <strong>la</strong> poche pour refinancer l’entreprise», tonne<br />

Mou<strong>la</strong>y Abdal<strong>la</strong>h A<strong>la</strong>oui. Et d’ajouter: «Il<br />

faut que les actionnaires recapitalisent l’entreprise<br />

pour qu’elle puisse re<strong>de</strong>venir compétitive».<br />

L’argument <strong>de</strong> <strong>la</strong> compétitivité peut<br />

paraître surfait, mais quand on rentre dans<br />

les détails <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong> l’entreprise on se<br />

rend compte que <strong>de</strong>s décisions qui plombent<br />

l’entreprise aujourd’hui sont prises en<br />

Livraisons locales <strong>de</strong> Samir<br />

500<br />

400<br />

300<br />

200<br />

100<br />

0<br />

Jan 12<br />

En millier <strong>de</strong> tonnes<br />

Mars 12<br />

Mai 12<br />

jui 12<br />

Aôut 12<br />

Oct 12<br />

Déc 12<br />

Fortement concurrencé sur le marché local, Samir<br />

exporte massivement.<br />

Source: Ministère <strong>de</strong> l’énergie<br />

Fév 13<br />

Avr 13<br />

Fuel Gasoil Butane Propane<br />

JET A1 Super sans plomb Autres<br />

A<strong>la</strong>oui <strong>La</strong> mise à niveau <strong>de</strong> Samir<br />

a accumulé un retard <strong>de</strong> 10 ans.<br />

l’absence d’une augmentation <strong>de</strong>s fonds<br />

propres. Dernier exemple en date, le préfinancement<br />

<strong>de</strong> 200 millions <strong>de</strong> dol<strong>la</strong>rs sur<br />

24 mois accordé par le tra<strong>de</strong>r suisse Glencore.<br />

Un crédit qui <strong>de</strong>vrait en principe être<br />

utilisé pour assainir <strong>la</strong> situation financière<br />

<strong>de</strong> l’entreprise, mais qui l’oblige à cé<strong>de</strong>r <strong>la</strong><br />

meilleure partie <strong>de</strong> sa production (le naphta)<br />

à Glencore Energy Uk jusqu’à apurement<br />

<strong>de</strong> sa <strong>de</strong>tte. Une décision qui pousse<br />

<strong>la</strong> Samir à recalibrer tout son outil <strong>de</strong><br />

production pour produire davantage cette<br />

matière considérée comme <strong>la</strong> crème <strong>de</strong>s<br />

produits pétroliers au détriment <strong>de</strong>s autres.<br />

De fait, Samir a restructuré sa <strong>de</strong>tte à court<br />

terme par une <strong>de</strong>tte à moyen terme qui elle-même<br />

pour être honorée doit engendrer<br />

d’autres <strong>de</strong>ttes à court terme pour assurer <strong>la</strong><br />

production. Une situation qui ressemble à<br />

une fuite en avant. Une politique qui ne lui<br />

permet pas <strong>de</strong> déployer une politique commerciale<br />

plus active à même <strong>de</strong> regagner<br />

ses parts <strong>de</strong> marché et utiliser pleinement<br />

ses capacités <strong>de</strong> production pour améliorer<br />

sa rentabilité. De plus, Samir se voit <strong>de</strong> plus<br />

en plus obligé à exporter. En 2012, ces exportations<br />

ont augmenté <strong>de</strong> 22%.<br />

L’autre fait marquant pour 2012 est un<br />

soutien déguisé <strong>de</strong> l’Etat en lui accordant<br />

une 2ème ligne <strong>de</strong> crédit re<strong>la</strong>is sur <strong>la</strong> Taxe<br />

Intérieure à <strong>la</strong> Consommation (TIC) que<br />

récolte Samir pour le compte <strong>de</strong> l’Etat<br />

auprès <strong>de</strong>s distributeurs. Ainsi l’adminis-<br />

Economie|Entreprises Juillet 2013


Le ministère <strong>de</strong>vra trouver une<br />

solution pour sauver le raffineur.<br />

tration <strong>de</strong>s douanes lui permet <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r 6<br />

milliards <strong>de</strong> dirhams <strong>de</strong> TIC pendant 18<br />

mois renouve<strong>la</strong>bles à un taux <strong>de</strong> 7,2%, ce<br />

qui allège sa trésorerie mais augmente son<br />

en<strong>de</strong>ttement auprès <strong>de</strong> l’Etat qui va se situer<br />

à terme à 12 milliards <strong>de</strong> dirhams. Plus que<br />

son besoin <strong>de</strong> financement annuel !<br />

Samir puisque l’activité <strong>de</strong> raffinage est une<br />

activité stratégique pour assurer <strong>la</strong> sécurité<br />

d’approvisionnement en hydrocarbures du<br />

Maroc (voir encadré). Cette sécurité qui<br />

est, faut-il le rappeler, un <strong>de</strong>s principaux<br />

objectifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> nouvelle stratégie énergétique<br />

nationale. L’Etat <strong>de</strong>vra-t-il intervenir pour<br />

stopper l’hémorragie? En effet au vu <strong>de</strong>s<br />

grosses difficultés <strong>de</strong> l’entreprise, plusieurs<br />

sources avancent l’hypothèse que le groupe<br />

Corral jette l’éponge. «L’actionnaire a remonté<br />

en plus <strong>de</strong> divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s que ce qu’il a investi au<br />

départ», souffle une source bancaire. «Le plus<br />

facile pour lui est <strong>de</strong> jeter l’éponge, reste à savoir<br />

si l’Etat à un p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> rechange». Le soutien<br />

discret <strong>de</strong> l’Etat à Samir en encourageant<br />

les banques dans ce sens, ou bien le sursis<br />

accordé à l’entreprise pour récupérer <strong>la</strong> TIC<br />

ou encore, le <strong>de</strong>rnier accord entre l’ONEE<br />

et Samir à continuer à s’approvisionner en<br />

fioul pour ses centrales… rentrent-t-ils dans<br />

ce cadre? Aujourd’hui les termes du problème<br />

sont c<strong>la</strong>irs: le raffineur dispose d’un<br />

outil <strong>de</strong> production neuf et aux standards<br />

«Le plus facile pour<br />

l’actionnaire est <strong>de</strong> jeter<br />

l’éponge, reste à savoir<br />

si l’Etat a un p<strong>la</strong>n <strong>de</strong><br />

rechange»<br />

internationaux. En même temps il est sousexploité<br />

et sans visibilité. Il a donc besoin<br />

<strong>de</strong> plus <strong>de</strong> capitaux pour l’exploiter, <strong>de</strong> plus<br />

<strong>de</strong> production pour le rentabiliser et <strong>de</strong>s débouchés<br />

sur le moyen terme. <strong>La</strong> renationalisation<br />

peut être une solution transitoire pour<br />

répondre à moindre coût, social notamment.<br />

Mais, le business mo<strong>de</strong>l fondé au départ sur<br />

un monopole légal est aujourd’hui à repenser<br />

<strong>de</strong> fond en comble. On n’aura pas le son<br />

<strong>de</strong> cloche <strong>de</strong> <strong>la</strong> Samir pour cet article. Les<br />

dirigeants <strong>de</strong> <strong>la</strong> société sont restés injoignables<br />

E|E<br />

gelkarmouni@sp.ma<br />

083<br />

Rachat à 1 dirham symbolique?<br />

<strong>La</strong> question qui se pose donc est comment<br />

<strong>la</strong> Samir va payer ses créanciers à l’échéance<br />

<strong>de</strong> mars 2014 où il <strong>de</strong>vra reverser sa TIC à<br />

l’Etat en plus <strong>de</strong> financer son exploitation?<br />

<strong>La</strong> solution avancée par le raffineur est <strong>de</strong> se<br />

<strong>la</strong>ncer dans <strong>la</strong> distribution pour écouler plus<br />

<strong>de</strong> produits au niveau national et améliorer<br />

sa rentabilité. Après l’accord <strong>de</strong> principe du<br />

ministère <strong>de</strong> l’Energie <strong>de</strong> l’autoriser à se<br />

<strong>la</strong>ncer dans cette activité c’est aujourd’hui<br />

possible. Jusqu’à présent le raffineur tente <strong>de</strong><br />

développer 6 stations services en propre et<br />

24 en franchisé à court terme «mais pas avant<br />

2014», précise un observateur. A moyen terme,<br />

le réseau <strong>de</strong>vra atteindre une centaine<br />

<strong>de</strong> stations services selon le management <strong>de</strong><br />

Samir, à l’horizon 2020. L’entreprise tente<br />

aussi <strong>de</strong> s’attaquer au marché <strong>de</strong>s lubrifiants<br />

en <strong>la</strong>nçant sa marque propre. Mais toutes<br />

ces solutions ont besoin pour se déployer<br />

<strong>de</strong> temps et d’argent. Et c’est justement ce<strong>la</strong><br />

qui manque à Samir. Ce qui <strong>la</strong>isse p<strong>la</strong>ner le<br />

doute sur sa capacité <strong>de</strong> survie d’ici là…<br />

Une situation qui ne concerne pas que<br />

Juillet 2013 Economie|Entreprises

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