ZESO: 04/17 (f)
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commentaire<br />
La radicalisation – l‘aide sociale est concernée<br />
Depuis le cas de l’imam de Nidau qui, par<br />
ses prêches de haine, a empoisonné le vivre<br />
ensemble tout en bénéficiant de prestations<br />
d’aide sociale non négligeables, il n’y a<br />
plus de doute: la radicalisation est devenue<br />
un sujet important pour l’aide sociale.<br />
L’opinion publique s’est indignée, à juste<br />
titre, qu’une personne soutenue puisse<br />
semer la haine au moyen de messages de<br />
lutte motivés par des convictions religieuses<br />
ou politiques. Là-dessus, il n’y pas<br />
de doute. Mais que peut faire l’aide sociale<br />
dans une telle situation? Où s’arrête le droit<br />
à la liberté d’opinion et d’expression, où<br />
sont les limites de la liberté religieuse? Les<br />
questions qui se posent dans ce contexte<br />
sont nombreuses et il est difficile d’y répondre.<br />
Il semble utile d’aborder la question<br />
sous l’angle des principes fondamentaux de<br />
l’Etat et de l’aide sociale. L’Etat libéral a pour<br />
mission de tolérer les opinions et les convictions<br />
religieuses de toute sorte, tant que<br />
celles-ci ne sont pas dirigées contre le droit<br />
en vigueur. Le droit à l’aide sociale revient<br />
aux personnes qui sont dans le besoin.<br />
La conviction politique ou religieuse d’une<br />
personne ne joue aucun rôle et, fondamentalement,<br />
elle ne regarde pas les services<br />
sociaux. D’un autre côté, les personnes<br />
soutenues ont le devoir de s’intégrer dans<br />
la société. Ceci vaut tout particulièrement<br />
pour les réfugiés et les personnes admises<br />
à titre provisoire qui cherchent et reçoivent<br />
une protection en Suisse et qui doivent<br />
encore trouver leur place dans le monde du<br />
travail et dans la vie sociale.<br />
Lorsque des personnes radicalisées<br />
appellent à la violence, c’est tout d’abord<br />
aux autorités judiciaires et à la police des<br />
étrangers d’intervenir. Les services sociaux<br />
ont pour tâche d’être vigilants. Dès que des<br />
indices de radicalisation et des appels à la<br />
violence apparaissent, les services sociaux<br />
doivent rappeler aux personnes soutenues,<br />
avec toute l’insistance nécessaire, le respect<br />
des valeurs fondamentales de notre<br />
société et le devoir d’intégration. Mais il ne<br />
faut pas oublier que la frontière entre un<br />
comportement autorisé et un comportement<br />
interdit est particulièrement difficile<br />
à tracer dans ce domaine. Une collaboration<br />
étroite avec la police et la justice semble<br />
dès lors indiquée dans des cas suspects.<br />
Au niveau fédéral, un Plan d’action national<br />
contre la radicalisation sera approuvé<br />
cette année encore. Ce plan contient de<br />
nombreux liens avec l’aide sociale. En complément<br />
au plan d’action au niveau fédéral,<br />
la CSIAS est devenue active en instituant<br />
un groupe de travail qui va élaborer des<br />
mesures destinées à soutenir les services<br />
sociaux dans la détection de la radicalisation<br />
et dans la lutte contre celle-ci. Il s’agit<br />
de trouver des réponses à différentes<br />
questions: quelles<br />
mesures préventives<br />
sont à prendre contre<br />
la radicalisation?<br />
Dans quelle mesure<br />
les services<br />
sociaux doivent-ils<br />
tenir compte des préceptes<br />
religieux lors<br />
de l’insertion professionnelle?<br />
Dans<br />
quelles conditions<br />
doivent-ils s’adresser<br />
à la police ou à la<br />
police des étrangers<br />
et dans quelles<br />
conditions l’échange<br />
de données avec<br />
celles-ci est-il autorisé?<br />
Trouver les<br />
bonnes réponses<br />
à ces questions<br />
est difficile, mais<br />
important.<br />
Felix Wolffers<br />
Coprésident CSIAS<br />
4/<strong>17</strong> ZeSo<br />
5
L'aide sociale permet-elle aux jeunes<br />
adultes de vivre dans leur propre ménage?<br />
PRATIQUE Monsieur Lersch, 21 ans, est en dernière année d'apprentissage. En raison de conflits<br />
avec ses parents, il souhaite partir de chez eux. L'aide sociale lui permet-elle une autre forme de<br />
logement? La réponse va différer si l'on considère qu'il est raisonnablement admissible ou non que<br />
Monsieur Lersch continue à vivre dans le ménage parental.<br />
Après une violente dispute avec ses parents,<br />
Joel Lersch, 21 ans, a été recueilli par un<br />
ami. Il a achevé l'école obligatoire et est actuellement<br />
en dernière année d'apprentissage<br />
de ferblantier CFC. Son salaire d'apprenti<br />
se monte à 1'000 francs bruts par<br />
mois. Les parents ne sont pas en mesure de<br />
fournir des contributions d'entretien à leur<br />
fils et la demande d'une bourse vient d'être<br />
rejetée. C'est pourquoi Joel Lersch s'adresse<br />
au service social régional pour demander<br />
un soutien matériel. Il ne souhaite plus<br />
vivre chez ses parents, estimant que les<br />
conflits avec ceux-ci ne sont plus supportables.<br />
Il souhaite terminer son apprentissage<br />
avec succès et pense avoir besoin de<br />
distance par rapport à la situation difficile<br />
qu’il subit. Il évoque les problèmes d'alcool<br />
de sa mère et la violence de son père.<br />
Question<br />
L'aide sociale peut-elle exiger de Joel Lersch<br />
qu'il continue à vivre chez ses parents<br />
ou doit-elle lui permettre une autre forme<br />
de logement? Si oui, quels sont les frais pris<br />
en charge?<br />
PRATIQUE<br />
Dans cette rubrique, la <strong>ZESO</strong> publie des questions<br />
exemplaires de la pratique de l'aide sociale qui<br />
ont été adressées à la «CSIAS-Line», une offre<br />
de conseil en ligne que la CSIAS propose à ses<br />
membres. L'accès pour vos questions se fait dans<br />
l'espace membres sur le site internet: www.csias.ch <br />
espace membres se connecter CSIAS-Line.<br />
Bases<br />
Les normes CSIAS ont été adaptées au<br />
1 er janvier 2016. Depuis, elles font des<br />
recommandations particulières en matière<br />
de frais de logement pour les jeunes<br />
adultes, soit pour les personnes entre 18<br />
ans révolus et 25 ans révolus (normes<br />
CSIAS, chapitre B.4).<br />
On attend des jeunes adultes sans formation<br />
initiale achevée qu'ils habitent chez<br />
leurs parents. Si ceci n'est pas possible, par<br />
exemple en raison de cas de violence domestique,<br />
de conflits qui dégénèrent, de<br />
maladies psychiques ou de grave déclin<br />
des parents, il s'agit de permettre l'emménagement<br />
dans un autre logement avantageux<br />
(p. ex. dans une communauté de<br />
résidence). La tenue d'un ménage indépendant<br />
n'est accordée que dans des cas d'exception.<br />
Ceci, par exemple, en présence de<br />
certaines maladies psychiques (troubles<br />
d'anxiété) ou lorsque les personnes concernées<br />
ont déjà des enfants à elles.<br />
Si les conditions nécessaires à la tenue<br />
d'un ménage indépendant ou à la vie dans<br />
une communauté de résidence ne sont pas<br />
réunies, l'aide sociale peut refuser, avant le<br />
départ du domicile parental, de prendre en<br />
charge les frais de logement, ce qui oblige<br />
de facto la personne concernée de continuer<br />
à vivre dans le ménage familial.<br />
Réponse<br />
Dans la présente situation, il s'agit<br />
d'examiner si un retour au ménage familial<br />
peut raisonnablement être exigé. Le conflit<br />
décrit par Monsieur Lersch et la situation<br />
qui en résulte doivent être soigneusement<br />
analysés et évalués. A cet effet, il est possible<br />
d'avoir un entretien de clarification avec les<br />
parents ou l'entreprise formatrice avec le<br />
consentement de la personne concernée.<br />
Si Joel Lersch présente des symptômes indiquant<br />
que la situation difficile risque de<br />
porter atteinte à sa santé, un avis médical<br />
(p. ex. par un psychiatre) peut être demandé.<br />
Un retour chez les parents paraît plutôt<br />
improbable. La violence du père et l'addiction<br />
de la mère pèsent considérablement<br />
sur Monsieur Lersch et elles compromettent<br />
dès lors l'achèvement de l'apprentissage à<br />
court terme, mais à long terme également,<br />
sa santé psychique. Les deux perspectives<br />
vont à l'encontre des objectifs de l'aide sociale<br />
et doivent dès lors être évitées.<br />
Si le retour au domicile parental est<br />
considéré comme non admissible, il s'agit<br />
de communiquer à Joel Lersch, par écrit,<br />
que les frais d'un logement abordable dans<br />
une communauté de résidence seront pris<br />
en charge et qu'il peut chercher un tel logement.<br />
Un foyer pour apprenants est également<br />
envisageable. En même temps, il faut<br />
lui expliquer le cadre des frais de logement<br />
à ne pas dépasser. Il est recommandé de<br />
soutenir activement Monsieur Lersch dans<br />
la recherche d'un chez soi, par exemple en<br />
lui indiquant des logements qui conviendraient.<br />
En fonction de la situation, il peut<br />
être utile d'établir une confirmation de<br />
prise en charge des frais de logement.<br />
Pour ce qui est du séjour temporaire<br />
chez son copain, il s'agit d'établir un budget<br />
et de déterminer les frais d’utilisation<br />
commune de l'appartement qui sont pris<br />
en charge. Le salaire d'apprenti (net) ainsi<br />
que l'allocation de formation sont à prendre<br />
en compte à titre de recettes.<br />
•<br />
Claudia Hänzi<br />
Présidente de la commission<br />
Normes et pratique de la CSIAS<br />
6 ZeSo 4/<strong>17</strong>
« Ces rares cas peuvent être<br />
supportés par la société »<br />
INTERVIEW Martin Klöti, président du gouvernement de Saint-Gall et chef du département de<br />
l'Intérieur, est également président de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des<br />
affaires sociales (CDAS) depuis le 1 er août. Il est appelé à jouer un rôle important dans la prochaine<br />
réforme des normes CSIAS.<br />
«<strong>ZESO</strong>»: Cher Monsieur Klöti, depuis<br />
le 1er août, vous êtes Président de la<br />
CDAS. Où situez-vous votre tâche principale<br />
dans les années à venir?<br />
Martin Klöti: Nous avons devant nous<br />
toute une série de réformes: la révision<br />
des prestations complémentaires, le développement<br />
continu de l'AI et la remise en<br />
route de la prévoyance vieillesse. Ce sont<br />
certes des législations fédérales, mais qui<br />
ont des répercussions de taille sur les cantons.<br />
Il me semble également très important<br />
de renforcer la solidarité au sein de la<br />
population et entre les générations.<br />
La CDAS représente 26 cantons très<br />
différents et les directeurs et directrices<br />
des affaires sociales représentent<br />
également un large éventail<br />
politique. Quelle est la démarche d'un<br />
président dans une telle situation?<br />
Il est surtout important d'être bien informé<br />
et de planifier les processus avec<br />
soin. Il faut savoir reconnaître le moment<br />
où un objet est mûr et où toutes les questions<br />
ont trouvé des réponses. A la fin, les<br />
26 directrices et directeurs cantonaux des<br />
affaires sociales votent par décision prise à<br />
la majorité lors de l'assemblée plénière.<br />
Quels sont, à votre avis, les défis sociopolitiques<br />
majeurs que la CDAS aura à<br />
relever?<br />
Les économies ne doivent pas se faire<br />
sur le dos des personnes qui se trouvent<br />
dans des situations difficiles. Les réductions<br />
des prestations des assurances sociales<br />
peuvent avoir pour effet que les<br />
personnes concernées échouent dans le<br />
dernier filet, l'aide sociale. Ceci entraîne<br />
à son tour des coûts supplémentaires<br />
pour les cantons et les communes. L'actuel<br />
système de protection sociale doit être<br />
maintenu. Il est un pilier central de notre<br />
bien-être. L'économie en profite, elle aussi,<br />
dans une mesure considérable. Mais<br />
nous devons prendre en charge les conséquences<br />
des évolutions démographiques<br />
sans mettre en danger le niveau de prestation<br />
dans le système de protection sociale.<br />
Par ailleurs, nous devons alléger la pression<br />
sur les coûts des prestations sous condition<br />
de ressources. Quelques mots clé à ce sujet:<br />
vieillissement, conciliation famille et travail,<br />
travail de care bénévole. La question<br />
de l'intégration des personnes admises à<br />
titre provisoire et des réfugiés restera un<br />
sujet très important. Nous avons donc du<br />
pain sur la planche.<br />
Les prestations complémentaires à<br />
l'AVS et à l'AI sont des piliers essentiels<br />
de la sécurité sociale. Comment<br />
les assurer à long terme?<br />
C'est un sujet central pour la CDAS. Car<br />
les cantons subissent une pression énorme<br />
pour réduire leurs coûts. A notre avis, il faut<br />
que le présent paquet de réformes soit réalisé<br />
rapidement et qu'il ne soit pas alourdi<br />
encore davantage. D'autres pas seront sans<br />
doute nécessaires, mais ils demandent un<br />
examen détaillé.<br />
De quels pas parlez-vous?<br />
Par exemple de la dissociation entre PC<br />
et réduction individuelle des primes ou<br />
des questions concernant les soins à long<br />
terme. En principe, nous souhaitons réaliser<br />
des économies sans devoir baisser le<br />
niveau de la prestation pour les individus.<br />
Ce n'est certainement pas une tâche facile.<br />
Le Conseiller fédéral Alain Berset a<br />
ouvert la discussion sur un nouveau<br />
départ dans la prévoyance vieillesse.<br />
Quelles sont les attentes de la CDAS<br />
face au prochain projet?<br />
Je ne voudrais pas anticiper notre discussion<br />
à venir. Juste ceci: la CDAS a soutenu<br />
le projet Prévoyance vieillesse 2020<br />
en étant consciente qu'il s'agissait d'un<br />
compromis. Pour nous, la réforme de la<br />
prévoyance vieillesse, autrement dit le<br />
maintien du système de prévoyance, est<br />
fondamental. Et la réforme doit se faire<br />
vite. Il serait désastreux d'attendre des années,<br />
jusqu'à ce que la pression politique<br />
soit immense.<br />
La politique de l'enfant et de la<br />
jeunesse est un sujet important pour<br />
la CDAS. En 2016, différentes recommandations<br />
ont été approuvées à ce<br />
sujet. Quels sont les accents que vous<br />
mettrez?<br />
La Convention des Nations-Unies relatives<br />
aux droits de l'enfant est sans doute<br />
au centre. L'avenir appartient aux enfants<br />
et aux jeunes. Nous nous engageons en faveur<br />
de chances de départ aussi bonnes et<br />
égales que possibles pour tous les enfants<br />
et jeunes et, si nécessaire, nous soutenons<br />
ceux-ci de manière ciblée.<br />
La politique en matière de personnes<br />
handicapées est un autre dossier<br />
central de la CDAS: quels sont les défis<br />
dans ce domaine?<br />
Là encore, la mise en œuvre d'une<br />
convention de l'ONU est au premier plan.<br />
Les faibles ressources des cantons et des<br />
communes constituent un défi, à cet égard.<br />
Mais nous avons créé, cette année déjà, des<br />
structures pour développer, conjointement<br />
avec la Confédération, la politique en matière<br />
de personnes handicapées. Il s'agit<br />
notamment de créer des possibilités permettant<br />
aux personnes en situation de handicap<br />
de vivre dans un logement conforme<br />
à leurs souhaits.<br />
C'est également pour les personnes en<br />
situation de handicap que l'insertion<br />
8 ZeSo 4/<strong>17</strong>
Martin Klöti<br />
Martin Klöti, âgé de 63 ans, est membre du<br />
gouvernement de Saint-Gall depuis 2012 et<br />
préside le ministère de l'Intérieur. Il devrait<br />
présider la CDAS d'ici à 2020. M. Klöti est un<br />
politicien qui ose affronter les tabous. Il cherche<br />
et trouve des solutions basées sur une riche<br />
expérience professionnelle et personnelle.<br />
<br />
Photos: Palma Fiacco<br />
professionnelle est souvent un objectif<br />
prioritaire.<br />
L'insertion des personnes en situation<br />
de handicap dans le premier marché du<br />
travail reste une tâche primordiale. Nous<br />
observons également un nombre croissant<br />
de personnes souffrant d'atteintes<br />
psychiques. Celles-ci sont souvent très performantes,<br />
mais pas à tout moment. Pour<br />
moi, il est important de créer des conditions<br />
particulières pour ces personnes.<br />
Certains cantons disposent de bons projets<br />
qu'il s'agit de faire reprendre par d'autres<br />
cantons. Une étroite collaboration avec<br />
l'économie est essentielle. Ceci vaut également<br />
pour les personnes à l'aide sociale ou<br />
les personnes d'origine migratoire. Dans<br />
le contexte de la diminution du nombre<br />
d'emplois faciles d'accès, une certaine situation<br />
de concurrence s'accentue.<br />
Au cours de ces dernières années,<br />
la CDAS s'est engagée à côté de la<br />
Confédération au sein du Programme<br />
national contre la pauvreté. Quelles<br />
sont pour vous les principales connaissances<br />
acquises dans ce cadre et<br />
comment voyez-vous la suite des<br />
opérations?<br />
Grâce au programme contre la pauvreté,<br />
nous avons pu acquérir de nouvelles<br />
connaissances et développer de nombreuses<br />
aides pour les professionnels. C'est<br />
certes assez peu de choses, notamment<br />
pour les personnes concernées. Mais les<br />
travaux ont montré qu'un grand engagement<br />
existe à de nombreux niveaux et que<br />
la collaboration entre les niveaux étatiques<br />
et les niveaux professionnels fonctionne et<br />
porte ses fruits. La prévention de la pauvreté<br />
et la lutte contre la pauvreté sont une<br />
tâche transversale et elles doivent rester<br />
l'une des tâches principales de tous les<br />
échelons étatiques.<br />
En 2015 /2016, la CDAS a approuvé<br />
pour la première fois formellement les<br />
normes CSIAS. Quelle est l'importance<br />
de ce pas?<br />
Les normes CSIAS revêtent une grande<br />
importance pour les cantons. Avec le processus<br />
nouvellement mis en route et l'approbation<br />
des points politiques majeurs<br />
par la CDAS, leur acceptation et leur caractère<br />
obligatoire se sont encore renforcés.<br />
Que signifie le fait que certains cantons<br />
s'écartent des normes? Dernier<br />
exemple en date: le projet dans le<br />
canton de Berne.<br />
Avec la 1 ère et la 2 ème étape de la réforme<br />
des normes CSIAS, des améliorations ou<br />
des réductions ciblées ont été apportées<br />
lorsqu'elles étaient justifiables sur le plan<br />
de la politique sociale. La grande majorité<br />
des cantons applique les normes CSIAS et<br />
met également en œuvre les deux étapes<br />
de révision, ce qui contribue à harmoniser<br />
le système. Nous en sommes heureux. <br />
4/<strong>17</strong> ZeSo<br />
9
«La clé est la détection précoce et le suivi de personnes qui risque<br />
de ne pas pouvoir accéder au marché du travail ou de rejoindre le<br />
monde du travail»<br />
<br />
Quant à la législation sur l'aide sociale ou<br />
aux évolutions dans les différents cantons,<br />
la CDAS ne se prononce pas. Il est peu probable<br />
qu'un jour, tous les cantons fassent<br />
exactement la même chose.<br />
Qu'apporterait une loi-cadre fédérale<br />
sur l'aide sociale?<br />
L'aide sociale est le domaine historiquement<br />
le moins réglé; une réglementation<br />
accrue renforcerait le caractère obligatoire<br />
et améliorerait l'harmonisation. Des standards<br />
minimaux seraient appliqués de manière<br />
uniforme. Néanmoins, le CDAS s'est<br />
prononcée clairement contre une loi-cadre<br />
au cours de ces dernières années. Pour l'instant,<br />
il n'en est pas question, pour nous.<br />
Car il n'est pas possible que la Confédération<br />
pilote dorénavant une tâche clé des<br />
cantons sans participer au financement.<br />
Une telle loi ne définirait que des standards<br />
minimaux, par conséquent l'harmonisation<br />
serait limitée. Il y aurait un risque de<br />
nivellement par le bas. Et finalement, des<br />
adaptations ne seraient possibles que par le<br />
biais d'un processus lourd et long.<br />
Voyez-vous un besoin de réforme dans<br />
l'aide sociale?<br />
L'aide sociale est un élément tout à fait<br />
décisif de la sécurité sociale. Elle intervient<br />
depuis longtemps au-delà de son champ<br />
d'action proprement dit, c'est-à-dire fournir<br />
un soutien passager aux personnes<br />
dans des situations de détresse. Ceci demande<br />
un développement et un renforcement<br />
permanents de l'aide sociale et donc<br />
aussi des normes CSIAS. Mais je ne voudrais<br />
pas parler uniquement d'argent dans<br />
l'aide sociale, puisque le conseil social est<br />
un élément absolument central. Pour moi,<br />
celui-ci est le travail le plus important<br />
accompli dans les communes. Les communes<br />
ont besoin de personnes capables<br />
de trouver des voies particulières pour soutenir<br />
les personnes concernées. Dans les<br />
communes, j'ai connu de nombreux travailleurs<br />
sociaux qui fournissent un travail<br />
absolument formidable.<br />
L'insertion est un sujet omniprésent.<br />
Les communes et les cantons en fontils<br />
assez?<br />
Les efforts d'insertion des cantons et<br />
des communes sont énormes. L'économie<br />
a besoin de main-d'œuvre qualifiée, alors<br />
que le nombre d'emplois pour les per-<br />
sonnes mal qualifiées a tendance à baisser.<br />
L'identification et l'accompagnement<br />
précoces des personnes qui risquent de ne<br />
pas trouver d'accès au marché du travail<br />
ou de perdre le contact avec celui-ci sont<br />
essentiels. Cette importance est reconnue<br />
par les cantons et les communes qui<br />
agissent en conséquence. Or, sans mesures<br />
d'intégration ciblées et sans les moyens<br />
qui y sont nécessaires, par exemple pour<br />
la formation de rattrapage, l'insertion ne<br />
réussira pas. Les moyens financiers mis<br />
à disposition pour des projets d'insertion<br />
concrets seront déterminants. Par ailleurs,<br />
il faut être conscient que seule une partie<br />
des bénéficiaires de l'aide sociale peut être<br />
insérée. De nombreuses personnes – par<br />
exemple les plus âgées et les traumatisées –<br />
ne peuvent être insérées que partiellement<br />
ou au bout d'un long processus fastidieux.<br />
Ces personnes peuvent participer à des programmes<br />
d'occupation pour améliorer leur<br />
intégration sociale, car la participation à la<br />
vie de la société est essentielle. Ces rares cas<br />
10 ZeSo 4/<strong>17</strong>
peuvent être supportés par une société. Autrefois,<br />
certaines entreprises étaient prêtes<br />
à participer à la prise en charge de tels employés.<br />
Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Ces<br />
emplois ont été supprimés – une conséquence<br />
du délire de l'efficacité à tout prix.<br />
Qu'en est-il de l'insertion des migrants<br />
dans le marché du travail? Les pas<br />
entrepris à ce jour suffiront-ils?<br />
Là encore, le problème réside dans le fait<br />
que de nombreux emplois faiblement qualifiés<br />
migrent vers l'étranger. Il faut donc<br />
investir dans la formation. Les forfaits d'intégration<br />
de la Confédération se montent<br />
actuellement à 6'000 francs. Nous<br />
sommes en négociations avec la Conseillère<br />
fédérale Simonetta Sommaruga sur le<br />
montant, notre objectif étant que le forfait<br />
passe à 18'000 francs. A cet effet, il nous<br />
faut d'abord un agenda de l'intégration,<br />
puisque la Confédération veut savoir à quoi<br />
les cantons affecteront les forfaits d'intégration.<br />
Mais ce qui est toujours important,<br />
c'est que les entrepreneurs fournissent un<br />
soutien, que les employeurs encouragent<br />
leurs employés, hommes et femmes, à acquérir<br />
de nouvelles compétences, à suivre<br />
des cours de langue et qu'ils les libèrent le<br />
temps nécessaire. Un exemple positif très<br />
simple, pour moi, est Tibits. Les employés,<br />
issus de 80 nations et travaillant dans cette<br />
chaîne de restaurants, doivent parler entre<br />
eux la langue locale, l'allemand, et non pas<br />
une langue étrangère comme l'anglais ou le<br />
portugais. A mes yeux, de telles approches<br />
sont intéressantes. D'une manière générale,<br />
les mesures de formation sont de la prévention,<br />
et la prévention est toujours payante.<br />
Quel est votre rapport au thème de la<br />
pauvreté?<br />
J'ai la chance de ne jamais avoir été<br />
touché par la pauvreté. Mais j'ai avant tout<br />
une vie très riche en expériences et en rencontres<br />
avec les êtres humains dont j'ai fait<br />
la connaissance.<br />
En lisant votre parcours, on va de<br />
surprise en surprise. Vous êtes<br />
enseignant, architecte d'agriculture<br />
diplômé, vous avez élevé des bœufs<br />
Angus, vous avez été copropriétaire<br />
d'une fumerie de saumon lucrative,<br />
vous avez géré un hôtel, vous êtes président<br />
de l'Aide suisse contre le sida,<br />
pour ne citer que quelques-unes de vos<br />
occupations. De quelle manière ces<br />
multiples expériences marquent-elles<br />
votre regard sur la politique sociale?<br />
Je m'estime heureux d'avoir toujours eu<br />
la possibilité et la liberté de faire les choses<br />
qui m'intéressaient et qui correspondaient<br />
à l'époque. En Suisse, les gens qui ne<br />
suivent pas une carrière clairement reconnaissable<br />
sont suspects. On pense qu'une<br />
quantité de savoir et de formation permet<br />
de compenser l'expérience. Ce n'est pas<br />
vrai. J'avais à faire à des agriculteurs, des<br />
employés d'hôtel, etc. et j'ai connu des<br />
gens des quatre coins de la planète. En tant<br />
qu'homme politique, j'ai ainsi la possibilité<br />
de me rapprocher davantage des gens, non<br />
pas pour dire ce qui pourrait leur plaire,<br />
mais pour entendre ce qu'ils pensent.<br />
Qu'est-ce qui amène un enseignant<br />
de la Côte d'or zurichoise à élever des<br />
bœufs Angus?<br />
C'était le rêve des années 70 d'être autonome,<br />
de savoir ce qu'il faut pour qu'un<br />
morceau de viande atterrisse dans l'assiette.<br />
Nous n'avons pas acheté la ferme pour sa<br />
belle situation, mais parce que nous voulions<br />
réussir à l'exploiter avec succès avec<br />
nos bœufs Angus, nos poules élevées en<br />
plein air et nos agneaux. Je travaillais dans<br />
les étables, le matin, avant d'aller enseigner<br />
dans une classe multi-degrés. Dans ma fonction<br />
d'enseignant, j'étais en contact avec des<br />
familles qui avaient des problèmes. A la<br />
ferme, nous avions également une aide qui<br />
était alcoolique, qui n'avait pas de moyens<br />
et que nous devions soutenir. Notre concept<br />
d'exploitation n'a cependant pas abouti à<br />
un «break even» et ainsi, nous nous sommes<br />
lancés dans la fumerie de saumon. Là aussi,<br />
j'ai beaucoup appris, travaillé, appris encore<br />
et travaillé encore. Après avoir vendu mes<br />
parts à la fumerie de saumon, j'aurais pu<br />
me limiter à la dégustation de whiskey et au<br />
golf, mais j'ai décidé, à 40 ans, d'étudier encore<br />
l'architecture d'agriculture. J'ai simplement<br />
toujours envie de faire quelque chose,<br />
y compris en politique – et ceci même si<br />
mon parti ne me soutient pas toujours.<br />
Vous avez dit une fois que vous aimez<br />
labourer des champs nouveaux. Vous<br />
travaillez dur jusqu'à ce que le succès<br />
soit de la partie – deux choses plutôt<br />
difficiles en politique sociale. La<br />
politique sociale est un champ labouré<br />
très intensément où les succès sont<br />
plutôt rares à pouvoir être récoltés ….<br />
Je pense néanmoins que l'on peut obtenir<br />
des résultats en politique sociale. Si le<br />
climat entre les cantons et avec la Confédération<br />
est bon, on peut faire bouger les<br />
choses. Et je pense que créer un bon climat,<br />
c'est une chose que je sais faire. •<br />
Propos recueillis par<br />
Ingrid Hess<br />
4/<strong>17</strong> ZeSo<br />
11
Les possibilités des entreprises de<br />
promouvoir les collaborateurs sans<br />
diplôme professionnel<br />
Travailler en Suisse sans diplôme professionnel,<br />
c'est vivre dangereusement. Mais<br />
la situation n'est pas désespérée. L'étude<br />
«Chancengeber» (donneurs de chances) de la<br />
Fédération suisse pour la formation continue<br />
présente des exemples de formation de rattrapage<br />
réussie et avance des recommandations<br />
indiquant aux acteurs comment y arriver.<br />
Quatorze pour cent de la population suisse active ne disposent<br />
pas de diplôme professionnel. 69% des personnes de ce groupe<br />
exercent cependant un travail régulier. Sur le marché du travail,<br />
celles-ci sont défavorisées et présentent un risque important de<br />
devenir chômeurs. Il est avéré qu'un retour au travail sans diplôme<br />
professionnel est difficile. En dehors des conséquences<br />
privées pour les personnes concernées, cette situation génère également<br />
des coûts élevés pour l'économie nationale et la société.<br />
L'étude «Betriebe als Chancengeber», que la Fédération suisse<br />
pour la formation continue (FSEA) a réalisée entre 2015 et 20<strong>17</strong>,<br />
passe en revue les possibilités d'atteindre les adultes actifs sans diplôme<br />
professionnel par le biais des structures des entreprises et de<br />
les amener à obtenir un diplôme.<br />
L'étude avait pour objectif d'identifier les facteurs au sein des<br />
entreprises et les conditions cadre interentreprises qui assurent<br />
que ce type de formation est suivi et mène au succès. A cet effet, des<br />
études de cas ont été réalisées dans dix entreprises de cinq secteurs<br />
différents et dans les trois régions linguistiques. Ainsi, l'étude<br />
présente le cas d'un collaborateur de 34 ans d'un hôtel disposant<br />
de trois restaurants qui a obtenu le Certificat fédéral de capacité<br />
(CFC) de spécialiste en restauration. De son côté, un collaborateur<br />
de 36 ans de la même entreprise était sur le point, au moment de<br />
l'enquête, de décrocher son attestation fédérale de formation professionnelle<br />
(AFP) d'employé en cuisine. A ce moment-là, le travail<br />
n'avait pas changé pour les deux collaborateurs, malgré le diplôme<br />
Les employés se sentent professionnellement plus sûrs et plus respectés avec une qualification professionnelle. <br />
Photo: Keystone<br />
24 ZeSo 4/<strong>17</strong> DOSSIER
formation<br />
obtenu ou le chemin parcouru. Mais les deux avaient gagné en assurance<br />
dans leur engagement professionnel et se sentaient davantage<br />
respectés.<br />
La situation est différente pour une assistante en soins et un assistant<br />
en soins qui travaillent dans une institution du domaine<br />
de la santé occupant 6'700 collaborateurs issus de 86 pays différents.<br />
Dans le cadre d'un contrat de formation, ils ont rattrapé le<br />
certificat de spécialiste CFC après avoir travaillé 13 et 26 ans, respectivement,<br />
dans cette entreprise. Les deux ont pu entreprendre<br />
la formation grâce à une diminution des obligations familiales.<br />
Pendant la formation, ils ont été accompagnés par une personne<br />
de référence, ils ont pu suivre l'école professionnelle pendant les<br />
heures de travail et également étudier en partie pendant les heures<br />
de travail. Ils ont continué à toucher l'intégralité de leur salaire.<br />
Le diplôme leur a permis d'atteindre une classe salariale plus élevée,<br />
ce qui correspondait également à leur motivation initiale tout<br />
comme à leur souhait d'assumer davantage de responsabilité.<br />
Niveau de l'entreprise<br />
Les raisons amenant les entreprises à promouvoir des employés<br />
sans diplôme professionnel sont très différentes. Pour l'hôtel, il est<br />
très important d'être considéré comme l'un des meilleurs employeurs<br />
de la branche. D'où son investissement dans la formation<br />
de rattrapage. La pénurie de main-d'œuvre qualifiée joue un rôle<br />
secondaire, dans ce cas. L'institution de soins, en revanche, vit une<br />
culture structurée de formation continue. Elle dispose d'un budget<br />
destiné à la formation de rattrapage qui est réservé aux collaborateurs,<br />
hommes et femmes, réussissant les procédures d'admission.<br />
Il permet de financer la formation, le salaire et le matériel scolaire.<br />
Le choix des collaborateurs qui bénéficieront de cette promotion<br />
dépend des entretiens d'évaluation avec les supérieurs et des recommandations<br />
de ces derniers.<br />
Bien que des facteurs tels que le prestige ou les structures en<br />
matière de formation de rattrapage puissent être décisifs, des situations<br />
de pénurie sur le marché du travail jouent un rôle important<br />
sur le plan de l'entreprise lorsqu'il s'agit de promouvoir des<br />
personnes sans diplôme professionnel. L'étude a montré que la<br />
probabilité que les employés aient une chance de rattraper une formation<br />
augmente dans la mesure où la pénurie de main-d'œuvre<br />
qualifiée est prononcée dans une branche.<br />
L'infrastructure en matière de formation et la culture d'apprentissage<br />
de l'entreprise sont d'autres facteurs déterminants. Les entreprises<br />
formatrices d'apprentis et disposant d'une infrastructure<br />
correspondante disposent d'une bonne base pour promouvoir la<br />
formation de rattrapage. Celle-ci est indispensable pour que les supérieurs<br />
puissent soutenir le personnel dans toutes les procédures<br />
et formalités. Et, de toute évidence, la relation avec l'employé joue<br />
également un rôle déterminant. Les liens créés sur la durée sont<br />
un facteur essentiel d'une promotion, comme on peut le constater<br />
à titre exemplaire dans l'entreprise de gastronomie.<br />
Interaction entre les acteurs<br />
En vertu de la Loi fédérale sur la formation professionnelle, celle-ci<br />
est la tâche commune de la Confédération, des cantons et des prestataires<br />
de la formation professionnelle, appelés organisations du<br />
monde du travail (OrTra). Les cantons sont chargés de la mise en<br />
œuvre et de la surveillance de cette formation. Les OrTra sont responsables<br />
des contenus, des places de formation et des procédures<br />
de qualification. La Confédération agit à titre subsidiaire et se<br />
charge du pilotage stratégique ainsi que de l'assurance qualité.<br />
Dans cette interaction, les trois acteurs assument la responsabilité<br />
du développement de formations adaptées aux adultes et définissent<br />
les conditions cadre interentreprises de la formation de rattrapage.<br />
Le soutien, par les OrTra et les cantons, lors de l'élaboration et<br />
de la mise à disposition d'informations sur le certificat professionnel<br />
pour adultes est une condition importante pour l'engagement<br />
des entreprises. Il réduit le travail et augmente ainsi la chance d'un<br />
engagement des entreprises en faveur de cette cause. En outre, des<br />
structures concernant la participation des cantons ou des OrTra au<br />
financement de la formation de rattrapage peuvent diminuer les<br />
coûts tant des entreprises que des candidats et créer ainsi des incitations<br />
importantes. Par ailleurs, la présence d'offres adaptées aux<br />
adultes permet d'encourager la motivation des apprenants et de réduire<br />
les obstacles organisationnels.<br />
En complément aux facteurs qui encouragent l'engagement en<br />
faveur de la formation de rattrapage, l'étude a défini également les<br />
conditions nécessaires à la mise en place réussie de celle-ci. A ce<br />
titre, on mentionnera avant tout l'accompagnement et le conseil des<br />
candidats par une personne de référence dans l'entreprise ainsi que<br />
la promotion des connaissances linguistiques et des compétences<br />
de base en tant que préparatifs à l'enseignement et aux examens.<br />
Recommandations<br />
L'étude traduit les facteurs et les conditions découlant de la pratique<br />
en recommandations d'action et en mesures. Celles-ci indiquent<br />
aux acteurs centraux – entreprises, OrTra et cantons – ce<br />
qu'ils peuvent faire pour promouvoir la formation de rattrapage<br />
dans les entreprises et pour la mettre en œuvre avec succès.<br />
Elle recommande aux entreprises d'établir un concept de formation<br />
de rattrapage en adéquation avec leurs besoins et leurs<br />
possibilités. A l'aide de ce concept, elles peuvent informer les collaborateurs,<br />
les accompagner et leur proposer des possibilités de<br />
combiner l'apprentissage et le travail sans pertes de salaire. Il s'agit<br />
également de tenir compte de la promotion des compétences de<br />
base, l'une des conditions pour un certificat professionnel.<br />
Quant aux OrTra, elle leur recommande de contribuer, dans le<br />
cadre de leurs compétences, à assurer la mise à disposition d'offres<br />
de formation de rattrapage adaptées aux adultes. Par ailleurs, elle<br />
les invite à mettre à la disposition, en particulier des entreprises,<br />
les informations nécessaires afin que celles-ci puissent s'engager de<br />
manière aussi efficace que possible. <br />
•<br />
Étude à télécharger:<br />
https://alice.ch/fr/competences-de-base/promotion-innovante/<br />
Réfugiés et bénéficiaires de l'aide<br />
sociale apprennent côte à côte<br />
Rapport Les demandeurs d'asile doivent acquérir aussi vite que possible les compétences qui leur<br />
permettront de trouver un emploi. Ceci étant également le cas des bénéficiaires de l'aide sociale, une<br />
structure valaisanne offre, aux deux groupes de personnes, la possibilité de suivre ensemble des<br />
programmes de formation dans le but d'obtenir une attestation reconnue par la branche. Le projet est<br />
en train d’être mis en place.<br />
Dans les ateliers du centre Le Botza, à Vétroz,<br />
dans le canton du Valais, des objets<br />
très particuliers sont créés chaque année.<br />
L'année dernière, c'était un pont en bois.<br />
Cette année, ce sont des skis de cinq<br />
mètres et une paire de bâtons de ski d'une<br />
longueur de trois mètres. Cet équipement<br />
sportif était un cadeau destiné à un hôte<br />
particulier venu fin septembre à Genève –<br />
la Petite Géante. La Petite Géante est une<br />
marionnette de taille impressionnante:<br />
elle mesure 5,5 mètres, pèse 800 kg et est<br />
membre de la troupe de théâtre de rue XXL<br />
«Royal de Luxe», dont la ballade dans les<br />
rues du centre-ville de Genève a attiré plusieurs<br />
centaines de milliers de spectateurs.<br />
Le Botza est un centre de formation<br />
développé grâce à l'engagement infatigable<br />
de Roger Fontannaz, chef de l'Office<br />
de l'asile. Roger Fontannaz est convaincu<br />
depuis longtemps que les demandeurs<br />
d'asile doivent se mettre aussi vite que<br />
possible à acquérir les connaissances nécessaires<br />
à une intégration. Ces connaissances<br />
englobent tout d'abord la langue,<br />
mais également des compétences sociales<br />
et professionnelles. Alors qu'autrefois, il<br />
s'agissait avant tout de préparer le retour<br />
des personnes déboutées, on pratique aujourd'hui<br />
les deux approches: transmettre<br />
des connaissances offrant des perspectives<br />
d'un retour au pays d'origine, mais également<br />
faciliter l'accès au marché du travail<br />
et à la société en Suisse. Ceci tout simplement<br />
du fait qu'on a compris que la grande<br />
majorité des réfugiés va finalement rester<br />
en Suisse.<br />
C'est depuis <strong>17</strong> ans, déjà, que le centre<br />
de formation Le Botza accumule des expériences<br />
en matière d'insertion professionnelle<br />
des réfugiés dans le marché du travail.<br />
C'est l'un des trois centres de formation du<br />
canton du Valais. Au Botza, une centaine de<br />
requérants acquièrent des compétences de<br />
base linguistiques et professionnelles. Les<br />
programmes de formation et d'occupation<br />
se déroulent dans des ateliers. Ainsi, Le<br />
Botza dispose d'un atelier du bois, d'un atelier<br />
de construction, d'ateliers de couture et<br />
de coiffure, ainsi qu’un atelier consacré à<br />
l'agriculture et à la viticulture. Au restaurant<br />
du centre Le Botza, ce sont des compétences<br />
dans le domaine de la gastronomie<br />
qui sont communiquées. Les ateliers sont<br />
également responsables de l'entretien du<br />
centre, de la rénovation, des réparations,<br />
de l'aménagement etc. «Pour nous, il est<br />
très important que le centre soit bien entretenu<br />
et qu'il soit agréable d'y vivre.» Ainsi,<br />
les appartements sont toujours repeints au<br />
moment du départ des anciens occupants<br />
et avant l'arrivée des nouveaux. Le centre<br />
fabrique également des rideaux pour les<br />
appartements et l'un ou l'autre meuble. Un<br />
nouveau bâtiment du centre de formation a<br />
même été construit par les réfugiés.<br />
Un certificat d'activité<br />
Depuis peu, les participants aux programmes<br />
se voient remettre une sorte de<br />
certificat d'activité permettant d'améliorer<br />
davantage les chances sur le marché du travail<br />
des requérants qui quittent le centre.<br />
Avec Hôtellerie Valaisanne, la démarche a<br />
déjà abouti pour la formation en gastronomie.<br />
Tout d'abord, on définit le but de la<br />
formation pour chaque personne intéressée.<br />
La formation elle-même peut prendre<br />
quelques mois ou une année entière. Les<br />
participants acquièrent des connaissances<br />
professionnelles sociales et générales, mais<br />
aussi spécifiques et techniques requises<br />
pour l'exercice d'un métier donné. A la fin<br />
de la formation, les compétences des par-<br />
32 ZeSo 4/<strong>17</strong>
Dans les ateliers des<br />
connaissances de<br />
differents métiers sont<br />
acquises...<br />
Photos: adv<br />
ticipants sont examinées par un expert de<br />
la Confédération. Pour finir, on atteste aux<br />
personnes ayant suivi la formation qu'elles<br />
ont les capacités techniques liées au métier<br />
respectif, par exemple qu'elles savent se<br />
servir d'un lave-vaisselle industriel, qu'elles<br />
disposent des connaissances nécessaires en<br />
matière d'entretien de la cuisine, d'hygiène<br />
et de sécurité ou encore qu'elles sont familiarisées<br />
avec les procédures quotidiennes<br />
dans un restaurant. Par ailleurs, on atteste<br />
la ponctualité, l'apparence, l'attitude, le<br />
respect des consignes données et les capacités<br />
communicatives.<br />
Autre nouveauté: les formations sont<br />
désormais proposées également aux bénéficiaires<br />
de l'aide sociale. Selon Roger Fontannaz,<br />
l'objectif est de former des groupes<br />
composés pour moitié de bénéficiaires de<br />
l'aide sociale et pour moitié de personnes<br />
relevant du domaine de l'asile. Il estime<br />
que fondamentalement, une formation<br />
est tout aussi importante pour les bénéficiaires<br />
de l'aide sociale et qu'en même<br />
temps, il est utile de donner aux requérants<br />
une occasion de connaître des autochtones<br />
– et de se rendre compte que la vie n'est<br />
pas facile pour tous les habitants de Suisse.<br />
L'équipe de gastronomie est d'ores et déjà<br />
mixte. Dans d'autres domaines, cet objectif<br />
n'est pas encore atteint. Car les formations<br />
proposées ne concernent pas toutes des<br />
branches qui présentent un réel besoin de<br />
main-d'œuvre. Il y aura encore du travail à<br />
faire pour identifier les professions faciles<br />
d'accès dans lesquelles on constate un<br />
besoin de main-d'œuvre. «C'est une tâche<br />
énorme à laquelle nous allons nous attaquer<br />
maintenant avec l'Office de formation<br />
professionnelle», dit Monsieur Fontannaz.<br />
Les personnes qui ont pu acquérir des<br />
connaissances en gastronomie peuvent<br />
<br />
4/<strong>17</strong> ZeSo<br />
33
On atteste aux personnes ayant suivi la formation qu'elles ont les<br />
capacités techniques liées au métier respectif, mais aussi la ponctualité,<br />
l'apparence, l'attitude, le respect des consignes données et les<br />
capacités communicatives.<br />
<br />
ensuite faire des expériences pratiques<br />
au restaurant «Le Temps de vivre», aux<br />
Mayens de Chamoson. Le restaurant, situé<br />
entre le Rhône et le sommet du Haut de<br />
Cry, est qualifié d'excellent et recommandé<br />
par Trip Advisor comme meilleur restaurant<br />
d'Ovronnaz. Le jeudi, le vendredi et<br />
le week-end, le restaurant affiche complet,<br />
la plupart du temps. Il accueille également<br />
de nombreux touristes. La carte n'est pas<br />
typique d'un restaurant valaisan. Elle propose<br />
certes quelques plats traditionnels,<br />
mais avant tout des spécialités exotiques –<br />
par exemple le tajine marocain. La serveuse<br />
est un peu timide, mais aimable. Elle est<br />
demandeuse d'asile originaire d'Erythrée.<br />
Depuis un mois, elle travaille ici dans les<br />
montagnes avec 18 autres requérants et<br />
elle y restera cinq mois encore.<br />
Le restaurant «Le Temps de vivre» n'est<br />
rouvert que depuis un an. L'hébergement<br />
qui en fait partie a été transformé en<br />
centre d'asile. Les requérants des ateliers<br />
du centre de formation «Le Botza» se sont<br />
occupés de la rénovation. Le restaurant occupe<br />
tant des bénéficiaires de l'aide sociale<br />
habitant en Valais que des personnes relevant<br />
du domaine de l'asile. Selon le chef<br />
de l'Office de l'asile, Roger Fontannaz, le<br />
restaurant offre aux participants une excellente<br />
occasion de faire des expériences professionnelles<br />
pratiques et de trouver ainsi<br />
plus facilement un emploi normal. Mais<br />
la participation constitue également une<br />
bonne occasion d'entrer en contact avec<br />
les gens de la région et de renforcer ainsi la<br />
compréhension et l'acceptation mutuelles.<br />
Un pas sur le chemin de l'integration<br />
Pour les personnes présentes au Botza, l'apprentissage<br />
d'une activité ou d'un métier<br />
est un élément important en vue de l'intégration<br />
dans le monde du travail et dans la<br />
société. Mais c'est également une aide importante,<br />
notamment pour de nombreuses<br />
Les ateliers sont également<br />
responsables de l'entretien du<br />
centre.<br />
personnes après les expériences souvent<br />
traumatisantes de la fuite ou du monde<br />
qu'ils ont quitté. Regarder ou tenir dans les<br />
mains un objet fabriqué par eux-mêmes est<br />
un succès pour eux. «Pour nous, il est très<br />
émouvant de voir des personnes traumatisées<br />
retrouver le sourire», dit Frédéric<br />
Moix, responsable de l'intégration et du développement<br />
professionnel du «Botza».<br />
C'est un pas vers l'intégration. Quant à savoir<br />
si, grâce aux formations, celle-ci réussit<br />
sur la durée, Messieurs Fontannaz et Moix<br />
ne le savent pas. En dehors de l'agriculture<br />
et du nettoyage, la gastronomie est la<br />
branche dans laquelle la plupart des personnes<br />
actives du «Botza» trouvent un emploi.<br />
Car c'est dans ces secteurs que les emplois<br />
sont les plus faciles à trouver. •<br />
Ingrid Hess<br />
34 ZeSo 4/<strong>17</strong>