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2017-11-20_LAPTS_en_revue_decembre_2017

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DÉCEMBRE <strong><strong>20</strong>17</strong><br />

Vol. 14 | No. 2<br />

EN<br />

REVUE<br />

FACE À L’ÉCHEC DE LA RÉFORME<br />

LE COURAGE<br />

DE REBONDIR!<br />

PORT PAYÉ POSTE PUBLICATION N O 40008<strong>20</strong>7


Réalisation de<br />

DERNIÈRE ÉDITION<br />

IMPRIMÉE<br />

ÉDITION<br />

Chantal Mantha<br />

PRODUCTION<br />

Lucie Proulx<br />

GRAPHISME<br />

Patrick Mathieu<br />

RÉVISION<br />

Muriel Beaudet<br />

COLLABORATEURS<br />

Raynald Banville<br />

Francis Boucher<br />

Audrée Debellefeuille Dunberry<br />

Solange Debrat<br />

Élaine Giroux<br />

J<strong>en</strong>nifer Lavoie<br />

Sarah Marcoux<br />

Pierre Naud<br />

Cette édition de décembre <strong><strong>20</strong>17</strong><br />

est la dernière publication<br />

imprimée de L’APTS <strong>en</strong> <strong>revue</strong>.<br />

Pour des raisons <strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>tales<br />

et financières,<br />

L’APTS <strong>en</strong> <strong>revue</strong> sera dorénavant<br />

disponible uniquem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> version<br />

électronique sur notre site<br />

Internet.<br />

PHOTOGRAPHIE<br />

Alexandre Claude<br />

APTS<br />

Andrée Poirier<br />

Getty images<br />

Pixabay<br />

DÉPÔT LÉGAL<br />

Bibliothèque et Archives nationales du Québec<br />

NUMÉRO DE CONVENTION<br />

40008<strong>20</strong>7 de la poste-publication<br />

Poste Canada<br />

CAPSULE<br />

ENVIRONNEMENT<br />

Par souci d’économie, l’imprimerie dont<br />

nous utilisons les services n’est pas située<br />

dans un grand c<strong>en</strong>tre urbain. Elle adhère,<br />

par ailleurs, à une politique verte quant au<br />

choix des <strong>en</strong>cres et des produits de<br />

blanchim<strong>en</strong>t des fibres. L’APTS respecte<br />

l’<strong>en</strong>vironnem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> sélectionnant des papiers<br />

certifiés FSC.<br />

English version also available


SOMMAIRE<br />

MOT DE LA PRÉSIDENTE<br />

DE NOUVEAUX CHANTIERS<br />

POUR UN MÊME OBJECTIF :<br />

LA DÉFENSE DU RÉSEAU PUBLIC<br />

BILAN PL10<br />

L’ÉCHEC RECONNU DE<br />

LA RÉFORME BARRETTE<br />

ENTREVUE AVEC MICHEL PARAZELLI<br />

ET ISABELLE RUELLAND<br />

COMPRENDRE AUTREMENT<br />

LES RAPPORTS D’AUTORITÉ<br />

EN GESTION<br />

4<br />

6<br />

10<br />

ASSURANCE COLLECTIVE<br />

AJUSTEMENTS DE<br />

TARIFICATION <strong>20</strong>18<br />

ASSURANCE MALADIE<br />

DES MÉDICAMENTS PLUS<br />

CHERS QU’AILLEURS<br />

OUTIL DE SENSIBILISATION<br />

POUR UN NOËL SANS PAUVRETÉ<br />

ACTION FÉMINISTE<br />

FEMMES ET POUVOIR À L’APTS<br />

<strong>20</strong><br />

24<br />

25<br />

26<br />

PANIER DE SERVICES<br />

À QUAND UN INVESTISSEMENT<br />

PUBLIC DANS<br />

LA PSYCHOTHÉRAPIE?<br />

12<br />

TOURNÉE D’ÉTABLISSEMENTS<br />

UNE PETITE ÉQUIPE<br />

AU GRAND COEUR<br />

28<br />

VIOLENCE EN MILIEU DE TRAVAIL<br />

QUAND TRAVAILLER FAIT MAL<br />

14<br />

ENTREVUE<br />

CINQ QUESTIONS<br />

À ALEXA CONRADI<br />

30<br />

SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL<br />

METTRE FIN AU SILENCE<br />

SUR LA VIOLENCE<br />

16<br />

PORTRAIT D’UNE PROFESSION : AVOCATE<br />

LA TOUTE DERNIÈRE LIGNE<br />

DE DÉFENSE DES ENFANTS<br />

MALTRAITÉS<br />

17


4<br />

MOT DE LA PRÉSIDENTE<br />

DE NOUVEAUX CHANTIERS<br />

POUR UN MÊME OBJECTIF :<br />

LA DÉFENSE DU RÉSEAU PUBLIC<br />

PAR | CAROLLE DUBÉ<br />

@ cdube@aptsq.com<br />

Les chercheurs l’ont abondamm<strong>en</strong>t démontré : imposer des<br />

réformes dans des systèmes sans t<strong>en</strong>ir compte de ceux et celles<br />

qui les font vivre ne fonctionne pas. Les résultats att<strong>en</strong>dus sont<br />

rarem<strong>en</strong>t atteints quand on s’y pr<strong>en</strong>d ainsi. Pour sortir du marasme<br />

dans lequel les réformes libérales ont plongé le réseau de la santé<br />

et des services sociaux, le ministère gagnerait à nous écouter.<br />

Les ministres pass<strong>en</strong>t mais les salarié·e·s qui offr<strong>en</strong>t les services<br />

rest<strong>en</strong>t. Même que le personnel gagne <strong>en</strong> expéri<strong>en</strong>ce. Portevoix<br />

de ses membres, l’APTS a des propositions à soumettre<br />

aux interlocuteurs sincèrem<strong>en</strong>t désireux d’améliorer les soins et<br />

services, autant <strong>en</strong> termes d’accessibilité que de qualité. Nous<br />

l’avons prouvé une fois de plus <strong>en</strong> <strong><strong>20</strong>17</strong> <strong>en</strong> soumettant un avis<br />

<strong>en</strong> deux volets sur les « meilleures pratiques » <strong>en</strong> CHSLD et <strong>en</strong><br />

souti<strong>en</strong> à domicile, dans le cadre de la démarche ministérielle<br />

portée par Gaétan Barrette et Francine Charbonneau (à titre de<br />

ministre responsable des Aînés).<br />

Quand les membres de l’APTS déplor<strong>en</strong>t<br />

la détérioration des conditions de<br />

pratique de leur profession, on <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d<br />

aussi leur regret de ne pas pouvoir contribuer<br />

de façon optimale à la santé et<br />

au bi<strong>en</strong>-être de la population qui utilise<br />

les services publics. En raison de<br />

la surcharge de travail, du temps perdu<br />

à remplir de la paperasse, des contraintes<br />

administratives imposées <strong>en</strong><br />

toute… méconnaissance de la réalité,<br />

de la complexité des cas et de l’ampleur<br />

du besoin, on s<strong>en</strong>t trop souv<strong>en</strong>t<br />

qu’on ne pratique pas son métier<br />

comme on voudrait pouvoir le faire.<br />

Et c’est frustrant, voire désespérant.<br />

Quand l’APTS réclame au nom de ses<br />

membres des conditions de travail et<br />

de pratique respectueuses, autant des<br />

personnes qui reçoiv<strong>en</strong>t que de celles<br />

qui donn<strong>en</strong>t les services, elle assume<br />

le double rôle syndical de déf<strong>en</strong>se des<br />

droits de ses membres et de promotion<br />

d’avancées sociales profitables à<br />

l’<strong>en</strong>semble des citoy<strong>en</strong>·ne·s. Quand<br />

l’APTS rev<strong>en</strong>dique des conditions favorables<br />

à la santé psychologique du<br />

personnel, mise à rude épreuve, elle<br />

appelle <strong>en</strong> même temps à un rapport<br />

plus humain au travail pour tout le<br />

monde. Un syndicat, c’est une voix<br />

collective pour représ<strong>en</strong>ter des travail-<br />

EN RAISON DE LA<br />

SURCHARGE DE<br />

TRAVAIL [...] ON NE<br />

PRATIQUE PAS SON<br />

MÉTIER COMME ON<br />

VOUDRAIT POUVOIR<br />

LE FAIRE.


DÉCEMBRE <strong><strong>20</strong>17</strong><br />

5<br />

leur·euse·s lors de litiges avec les employeurs,<br />

discutés derrière des portes<br />

closes, mais aussi pour exprimer l’indignation<br />

générale devant des jeunes<br />

maltraité·e·s, des aîné·e·s délaissé·e·s,<br />

des malades inquiet·ète·s.<br />

Les bouleversem<strong>en</strong>ts administratifs<br />

des dernières années dans le réseau<br />

de la santé et des services sociaux,<br />

avec le redécoupage de la carte syndicale<br />

qui <strong>en</strong> a résulté, nous ont am<strong>en</strong>és<br />

à conc<strong>en</strong>trer notre att<strong>en</strong>tion sur<br />

la réorganisation de la vie syndicale<br />

locale et régionale, notamm<strong>en</strong>t pour y<br />

intégrer de nouveaux groupes et s’as-<br />

UN SYNDICAT, C’EST<br />

UNE VOIX COLLECTIVE<br />

POUR REPRÉSENTER<br />

DES TRAVAILLEUR·<br />

EUSE·S [...] MAIS AUSSI<br />

POUR EXPRIMER L’IN-<br />

DIGNATION GÉNÉRALE<br />

DEVANT DES JEUNES<br />

MALTRAITÉ·E·S, DES<br />

AÎNÉ·E·S DÉLAISSÉ·E·S,<br />

DES MALADES INQUIET·<br />

ÈTE·S.<br />

surer qu’ils ai<strong>en</strong>t accès aux services<br />

offerts par l’APTS à ses membres<br />

ainsi qu’à une représ<strong>en</strong>tation éclairée.<br />

Ces nouveaux membres, dans leur<br />

milieu et leur spécialité, sont confronté·e·s<br />

à des <strong>en</strong>jeux distincts qui nous<br />

amèn<strong>en</strong>t à ouvrir de nouveaux chantiers.<br />

L’horizon de l’APTS s’est élargi. Nos<br />

propositions n’<strong>en</strong> seront que plus<br />

nombreuses. La prochaine année, qui<br />

<strong>en</strong> sera une d’élections provinciales,<br />

nous offrira l’occasion de les mettre<br />

au cœur des débats.


6<br />

BILAN PL10<br />

L’ÉCHEC RECONNU DE<br />

LA RÉFORME BARRETTE<br />

PAR | CHANTAL MANTHA, conseillère <strong>en</strong> communication et <strong>en</strong> relations publiques @ cmantha@aptsq.com<br />

<strong>en</strong> collaboration avec SOLANGE DEBRAT, responsable à la recherche @ sdebrat@aptsq.com<br />

Au mom<strong>en</strong>t de l’étude du projet de loi n o 10, l’APTS s’était prés<strong>en</strong>tée <strong>en</strong> commission parlem<strong>en</strong>taire pour faire part de<br />

ses inquiétudes. Nous éprouvions alors des appréh<strong>en</strong>sions de plusieurs ordres. Nous avions, hélas, vu juste.<br />

Il y avait lieu de craindre que les bouleversem<strong>en</strong>ts<br />

administratifs liés à la<br />

création des c<strong>en</strong>tres intégrés n’accapar<strong>en</strong>t<br />

le temps et l’énergie des dirigeants<br />

et du personnel au détrim<strong>en</strong>t<br />

de l’amélioration des services. Et c’est<br />

bi<strong>en</strong> ce qui s’est passé, malheureusem<strong>en</strong>t.<br />

En matière de gouvernance, le mainti<strong>en</strong><br />

d’un seul conseil d’administration<br />

par grande région a effectivem<strong>en</strong>t limité<br />

les possibilités de la population et<br />

du personnel de se faire <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre.<br />

Ajoutée à l’abolition du poste de Commissaire<br />

à la santé et au bi<strong>en</strong>-être, qui<br />

fournissait des évaluations objectives,<br />

la disparition des forums d’échange<br />

<strong>en</strong>tre les décideurs et les principaux<br />

acteurs du réseau, incluant les syndicats,<br />

est une perte non seulem<strong>en</strong>t du<br />

point de vue de la démocratie mais<br />

aussi de l’efficacité, voire de la performance<br />

si chère au ministre. Son ministère<br />

est <strong>en</strong> effet privé des ant<strong>en</strong>nes<br />

qui lui donnai<strong>en</strong>t accès à la réalité du<br />

terrain, à une rétroaction sur les décisions<br />

qu’il pr<strong>en</strong>d et à des pistes de<br />

solution aux problèmes observés. Même<br />

lorsque des consultations des acteurs<br />

syndicaux sont prévues, les délais<br />

qui leur sont alloués sont si courts<br />

qu’ils r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t impossible une préparation<br />

adéquate.<br />

En commission parlem<strong>en</strong>taire :<br />

Nicole Déry, Carolle Dubé, Chrystine Montplaisir, Solange Debrat<br />

[...] ON ASSISTE AVEC LE<br />

RENFORCEMENT DES<br />

GROUPES DE MÉDECINE<br />

DE FAMILLE (GMF) À UNE<br />

MÉDICALISATION DE LA<br />

RÉPONSE AUX PROBLÈ-<br />

MES SOCIAUX ET À UN<br />

DÉSINVESTISSEMENT DE<br />

LA PRÉVENTION PROPRE<br />

À L’APPROCHE CLSC.<br />

Les directions d’établissem<strong>en</strong>ts, évaluées<br />

selon leur performance budgétaire,<br />

ont été assujetties aux ori<strong>en</strong>tations<br />

dictées par le ministre. Nos craintes<br />

quant à la préservation des différ<strong>en</strong>tes<br />

missions se sont égalem<strong>en</strong>t<br />

avérées justifiées : on assiste avec le<br />

r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t des groupes de médecine<br />

de famille (GMF) à une médicalisation<br />

de la réponse aux problèmes<br />

sociaux et à un désinvestissem<strong>en</strong>t<br />

de la prév<strong>en</strong>tion propre à l’approche<br />

CLSC.<br />

Alors que nous recommandions de<br />

pr<strong>en</strong>dre soin du personnel et de chercher<br />

les moy<strong>en</strong>s de contrer la démobilisation<br />

dans le réseau, la réforme<br />

s’est plutôt soldée par une hausse importante<br />

de la détresse psychologique<br />

et de l’abs<strong>en</strong>téisme. Ainsi, <strong>en</strong> juil-


let dernier, Le Journal de Montréal<br />

publiait des données sur le nombre<br />

d’employé·e·s du réseau <strong>en</strong> arrêt de<br />

maladie pour des raisons psychologiques,<br />

révélant une véritable explosion<br />

de ces cas depuis cinq ans.<br />

Reconnaissant que l’abs<strong>en</strong>téisme est<br />

l’un des principaux facteurs qui contribu<strong>en</strong>t<br />

à son imposant déficit, la direction<br />

du C<strong>en</strong>tre intégré universitaire<br />

de santé et de services sociaux de<br />

l’Estrie – CHUS a annoncé <strong>en</strong> octobre<br />

dernier la mise <strong>en</strong> place d’un plan<br />

d’action pour lutter contre le phénomène.<br />

La moitié des 1 500 personnes<br />

<strong>en</strong> arrêt de travail dans cet établissem<strong>en</strong>t<br />

invoqu<strong>en</strong>t des motifs d’ordre<br />

psychologique. Et ce n’est qu’un exemple<br />

parmi trop d’autres.<br />

Pour sa part, le ministre Barrette a répondu<br />

<strong>en</strong> publiant <strong>en</strong> août <strong><strong>20</strong>17</strong> un<br />

guide pour mieux <strong>en</strong>cadrer l’abs<strong>en</strong>ce<br />

du travail pour des raisons psychologiques.<br />

Le docum<strong>en</strong>t de plus de 70<br />

pages ne fait <strong>en</strong> aucun cas m<strong>en</strong>tion<br />

de la réforme et de ses effets sur le<br />

personnel du réseau. Il n’est pire aveugle<br />

que celui qui ne veut pas voir, dit<br />

le proverbe.<br />

[...] LA PROTECTRICE DU CITOYEN JUGE NÉCESSAIRE<br />

DE SPÉCIFIER QUE « L’AUGMENTATION DU NOMBRE DE<br />

PERSONNES AIDÉES NE DOIT PAS SE FAIRE AU DÉTRI-<br />

MENT DE L’INTENSITÉ ET DE LA QUALITÉ DES SERVICES<br />

OFFERTS ».<br />

DES CRITIQUES<br />

DE TOUTES PARTS<br />

Le plus réc<strong>en</strong>t rapport annuel de la<br />

protectrice du citoy<strong>en</strong>, r<strong>en</strong>du public à<br />

la fin septembre, n’a pas dû plaire au<br />

ministre Gaétan Barrette. Si celui de<br />

l’année précéd<strong>en</strong>te était déjà sévère<br />

<strong>en</strong>vers les réformes qu’il a implantées<br />

dans le réseau de la santé et des<br />

services sociaux, celui que signe Marie<br />

Rinfret pour <strong>20</strong>16-<strong><strong>20</strong>17</strong> est sans appel,<br />

particulièrem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> ce qui a trait<br />

aux services aux personnes âgées :<br />

le nombre de plaintes s’est accru de<br />

30% par rapport aux trois années précéd<strong>en</strong>tes,<br />

l’offre de service de souti<strong>en</strong><br />

à domicile a diminué dans l’<strong>en</strong>semble<br />

du Québec, il y a un manque criant<br />

de places d’hébergem<strong>en</strong>t et l’«harmonisation»<br />

des services t<strong>en</strong>d à se traduire<br />

par un nivellem<strong>en</strong>t vers le bas.<br />

Observant que de nouvelles balises<br />

limit<strong>en</strong>t le temps consacré aux pati<strong>en</strong>ts<br />

et r<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t difficile l’adaptation<br />

à leurs besoins, la protectrice du citoy<strong>en</strong><br />

juge nécessaire de spécifier que<br />

«l’augm<strong>en</strong>tation du nombre de personnes<br />

aidées ne doit pas se faire au<br />

détrim<strong>en</strong>t de l’int<strong>en</strong>sité et de la qualité<br />

des services offerts».<br />

Au printemps dernier, la présid<strong>en</strong>tedirectrice<br />

générale de l’Association<br />

des cadres supérieurs de la santé et<br />

des services sociaux (ACSSSS) publiait<br />

une lettre ouverte, qu’elle n’adressait<br />

pas au ministre parce que,<br />

écrivait-elle, il «n’a ri<strong>en</strong> à cirer» des


8<br />

propos de quiconque ne p<strong>en</strong>se pas<br />

comme lui. Elle y déplorait l’éradication<br />

de toutes les instances démocratiques<br />

locales, régionales, associatives<br />

ou indép<strong>en</strong>dantes, les compressions<br />

draconi<strong>en</strong>nes infligées au réseau<br />

public ainsi que le risque accru<br />

qui le m<strong>en</strong>ace de passer à des intérêts<br />

privés particuliers. Elle soulignait<br />

égalem<strong>en</strong>t le sil<strong>en</strong>ce imposé aux gestionnaires<br />

contraints d’exécuter des<br />

commandes irraisonnées, des gestionnaires<br />

qui ne trouv<strong>en</strong>t plus de s<strong>en</strong>s<br />

au travail de sape qu’on exige d’eux.<br />

Trop d’élém<strong>en</strong>ts manqu<strong>en</strong>t à la recette,<br />

disait-elle <strong>en</strong> substance, pour<br />

qu’on puisse croire au succès de la<br />

réforme.<br />

Ce pessimisme fait écho aux résultats<br />

d’un sondage réalisé un an plus tôt par<br />

l’Association des gestionnaires des<br />

établissem<strong>en</strong>ts de santé et de services<br />

sociaux du Québec (AGESSS)<br />

auprès de plus de<br />

2 500 de ses membres.<br />

Ils révélai<strong>en</strong>t le<br />

désarroi des gestionnaires<br />

confrontés à<br />

une réforme improvisée,<br />

qui a désorganisé<br />

le réseau, détérioré<br />

le climat de travail,<br />

démobilisé les<br />

équipes et mis à mal<br />

les services à la population.<br />

En cherchant du côté des experts des<br />

systèmes de santé, des éditorialistes<br />

et des comm<strong>en</strong>tateurs, on ne trouve<br />

personne pour déf<strong>en</strong>dre la réforme<br />

Barrette dans l’espace public. Dami<strong>en</strong><br />

Contandriopoulos, de l’École de santé<br />

publique de l’Université de Montréal,<br />

estime qu’«<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ant soin de conc<strong>en</strong>trer<br />

tous les pouvoirs dans ses<br />

mains», le ministre a contribué au climat<br />

t<strong>en</strong>du, à l’omerta et au taux d’abs<strong>en</strong>téisme<br />

<strong>en</strong> hausse qui séviss<strong>en</strong>t<br />

dans le réseau. Comm<strong>en</strong>tant les restructurations<br />

administratives à répétition,<br />

le chercheur H<strong>en</strong>ry Mintzberg,<br />

de l’Université McGill, écrit <strong>en</strong> février<br />

<strong>20</strong>16 dans Le Devoir : «Plus on <strong>en</strong>registre<br />

d’échecs, plus on persiste dans<br />

la même voie. La plus réc<strong>en</strong>te restructuration<br />

au Québec pourrait se révéler<br />

la plus dévastatrice de toutes. » Il<br />

s’étonne de voir Gaétan Barrette faire<br />

une déc<strong>en</strong>nie plus tard la même erreur<br />

que Philippe Couillard, soit procéder<br />

«à une réorganisation radicale du<br />

système de santé dans toutes les régions<br />

du Québec simultaném<strong>en</strong>t à<br />

partir d’un modèle qui n’avait pas été<br />

éprouvé». Pareille improvisation v<strong>en</strong>ant<br />

de nos médecins ministres est<br />

d’autant plus troublante qu’aucun<br />

sci<strong>en</strong>tifique ne p<strong>en</strong>serait à généraliser<br />

un modèle qui n’a pas été testé<br />

au préalable à une plus petite échelle.<br />

EN CHERCHANT DU CÔTÉ DES EXPERTS DES<br />

SYSTÈMES DE SANTÉ, DES ÉDITORIALISTES ET<br />

DES COMMENTATEURS, ON NE TROUVE PERSONNE<br />

POUR DÉFENDRE LA RÉFORME BARRETTE DANS<br />

L’ESPACE PUBLIC.


DÉCEMBRE <strong><strong>20</strong>17</strong><br />

9<br />

Trois experts consultés par La Presse<br />

<strong>en</strong> février dernier ont évalué sous<br />

la note de passage les réformes du<br />

ministre Barrette visant les soins de<br />

première ligne, les pharmaci<strong>en</strong>s et l’att<strong>en</strong>te<br />

aux urg<strong>en</strong>ces. Ils font aussi le<br />

constat que les réformes du médecin<br />

ministre «ne sont pas basées sur la<br />

sci<strong>en</strong>ce et les données probantes».<br />

L’un d’<strong>en</strong>tre eux, le professeur Paul A.<br />

Lamarche, de l’École de santé publique<br />

de l’Université de Montréal, conclut<br />

que les chances d’atteindre les<br />

objectifs visés sont presque nulles <strong>en</strong><br />

raison d’«une erreur de conceptualisation<br />

et d’approche». La méthode<br />

forte ne peut fonctionner dans une<br />

démarche qui nécessite avant tout la<br />

collaboration.<br />

RÉPARER LES POTS<br />

CASSÉS<br />

Et pour sortir du marasme dans lequel<br />

les décisions du ministre Barrette ont<br />

plongé le réseau, quelle direction devrait<br />

emprunter le prochain ministre?<br />

L’APTS a quelques suggestions, déjà<br />

transmises d’ailleurs au titulaire actuel<br />

dans le cadre d’une réaction à la démarche<br />

ministérielle sur les meilleures<br />

pratiques <strong>en</strong> CHSLD et <strong>en</strong> souti<strong>en</strong> à<br />

domicile.<br />

D’abord, mettre le holà<br />

sur les réformes administratives<br />

de manière à ram<strong>en</strong>er<br />

la dim<strong>en</strong>sion clinique<br />

et le respect de l’autonomie<br />

professionnelle<br />

au cœur des services offerts.<br />

Il est impératif de rétablir des forums<br />

d’échange <strong>en</strong>tre les décideurs et les<br />

syndicats de manière à ce que le personnel<br />

qu’ils représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t soit partie<br />

pr<strong>en</strong>ante des décisions concernant<br />

l’organisation du travail et la disp<strong>en</strong>sation<br />

des soins, de manière aussi à<br />

s’assurer que les décideurs ai<strong>en</strong>t une<br />

vision juste et complète de la réalité<br />

sur le terrain. Et <strong>en</strong> maint<strong>en</strong>ant le poste<br />

de Commissaire à la santé et au<br />

bi<strong>en</strong>-être, un acteur neutre et indép<strong>en</strong>dant,<br />

le ministère s’assurerait de<br />

disposer d’un éclairage pertin<strong>en</strong>t au<br />

mom<strong>en</strong>t de déterminer des ori<strong>en</strong>tations<br />

<strong>en</strong> vue d’améliorer l’état de santé<br />

de la population.<br />

Pour parer aux congés de maladie<br />

qui coût<strong>en</strong>t si cher au réseau, qu’att<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t<br />

les établissem<strong>en</strong>ts pour mettre<br />

<strong>en</strong> œuvre un plan d’action <strong>en</strong> santé<br />

m<strong>en</strong>tale au travail et implanter des<br />

conditions de travail et des pratiques<br />

organisationnelles qui favoris<strong>en</strong>t la<br />

santé m<strong>en</strong>tale du personnel, une mesure<br />

prévue dans le Plan d’action <strong>en</strong><br />

santé m<strong>en</strong>tale <strong>20</strong>15-<strong>20</strong><strong>20</strong> du ministère?<br />

Ce serait un début.


10<br />

ENTREVUE AVEC MICHEL PARAZELLI ET ISABELLE RUELLAND<br />

COMPRENDRE AUTREMENT<br />

LES RAPPORTS D’AUTORITÉ<br />

EN GESTION<br />

PAR | AUDRÉE DEBELLEFEUILLE DUNBERRY, coordonnatrice aux regroupem<strong>en</strong>ts professionnels @ addunberry@aptsq.com<br />

| CHANTAL MANTHA, conseillère <strong>en</strong> communication et <strong>en</strong> relations publiques @ cmantha@aptsq.com<br />

Autorité et gestion de l’interv<strong>en</strong>tion sociale. Entre servitude et actepouvoir : le titre de<br />

l’essai que publi<strong>en</strong>t Michel Parazelli et Isabelle Ruelland<br />

1 aux Presses de l’Université du<br />

Québec et aux Éditions IES intriguera les membres de l’APTS qui œuvr<strong>en</strong>t dans le secteur<br />

psychosocial. Et tout particulièrem<strong>en</strong>t celles et ceux qui, <strong>en</strong> trop grand nombre,<br />

ont vu leurs conditions de pratique se détériorer et le s<strong>en</strong>s de leur travail s’étioler avec<br />

l’avènem<strong>en</strong>t de la nouvelle gestion publique.<br />

1<br />

COMMENT ONT<br />

ÉTÉ APPLIQUÉS<br />

LES NOUVEAUX<br />

MODÈLES DE<br />

GESTION DANS<br />

LE RÉSEAU DE LA SANTÉ ET DES<br />

SERVICES SOCIAUX DEPUIS LA<br />

DERNIÈRE RÉFORME?<br />

Michel Parazelli − Sous le couvert d’une recherche d’efficacité<br />

et de réduction de coûts, on a c<strong>en</strong>tralisé les ori<strong>en</strong>tations<br />

de gestion et instauré dans le réseau une « autonomie<br />

obéissante », de sorte que les g<strong>en</strong>s accept<strong>en</strong>t les décisions<br />

qui leur sont imposées sans toujours se r<strong>en</strong>dre compte de<br />

leur soumission. Mettre à pied tous les gestionnaires au<br />

mom<strong>en</strong>t des fusions pour <strong>en</strong> réembaucher un certain nombre<br />

au sein des c<strong>en</strong>tres intégrés a servi cette stratégie.<br />

Le message était clair dans tout le réseau : pour survivre,<br />

c’est-à-dire pour garder son emploi, il faut se soumettre<br />

volontairem<strong>en</strong>t à l’autorité sous peine de se s<strong>en</strong>tir hors-jeu.<br />

On néglige souv<strong>en</strong>t le rôle joué par le phénomène d’autorité,<br />

qui fait croire à plusieurs qu’ils doiv<strong>en</strong>t intérioriser le<br />

commandem<strong>en</strong>t de l’autre comme s’il v<strong>en</strong>ait d’eux-mêmes.<br />

1<br />

Respectivem<strong>en</strong>t professeur et chargée de cours à l’École de travail social de l’UQAM.


DÉCEMBRE <strong><strong>20</strong>17</strong><br />

<strong>11</strong><br />

2<br />

CETTE GESTION MALMÈNE<br />

LES PROFESSIONNEL·LE·S EN<br />

EXIGEANT DES REDDITIONS DE<br />

COMPTE EXCESSIVES ET UNE<br />

SURCHARGE DE TRAVAIL SANS<br />

PRÉCÉDENT. DANS CE CONTEXTE,<br />

COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS<br />

LEUR SOUMISSION À L’AUTORITÉ?<br />

Isabelle Ruelland − On a misé sur une intériorisation de<br />

la pression <strong>en</strong> faisant miroiter une collaboration destinée à<br />

améliorer la productivité. On a laissé aux interv<strong>en</strong>ant·e·s la<br />

liberté de s’autoréguler pour atteindre les objectifs, mais<br />

ces objectifs ne sont pas nécessairem<strong>en</strong>t les leurs.<br />

M. P. – Le besoin légitime de sécurité et de reconnaissance<br />

incite les g<strong>en</strong>s à accepter le modèle proposé. Les<br />

gestionnaires incarn<strong>en</strong>t cette protection que l’on recherche<br />

<strong>en</strong> agissant comme si les membres des équipes faisai<strong>en</strong>t<br />

partie d’une même famille, de façon à am<strong>en</strong>er le personnel<br />

à adhérer aux att<strong>en</strong>tes institutionnelles de productivité. De<br />

plus, l’évaluation de la productivité introduit des comparaisons<br />

<strong>en</strong>tre interv<strong>en</strong>ant·e·s et cette émulation t<strong>en</strong>d à les<br />

désolidariser. Dans ces conditions, il est difficile de remettre<br />

<strong>en</strong> question l’organisation du travail sans être stigmatisé.<br />

4<br />

VOUS CROYEZ QU’IL EXISTE<br />

DES SOLUTIONS QUI PERMETTENT<br />

D’ESPÉRER QUE LES PROFESSION-<br />

NEL·LE·S REPRENNENT LE<br />

CONTRÔLE DE LEUR TRAVAIL?<br />

M. P. – Notre proposition consiste à installer dans les institutions<br />

mêmes des espaces de discussion où il serait possible<br />

aux interv<strong>en</strong>ant·e·s de s’exprimer librem<strong>en</strong>t sur leur<br />

travail, de manière à expérim<strong>en</strong>ter un autre mode de collaboration,<br />

un autre rapport de pouvoir, régi cette fois par des<br />

règles égalitaires de communication. Les questions soulevées<br />

par ces groupes, formés sur la base de leur acte de<br />

travail commun, serai<strong>en</strong>t transmises aux autres groupes,<br />

comme celui des gestionnaires, qui pr<strong>en</strong>drai<strong>en</strong>t ainsi connaissance<br />

de cette parole libérée collectivem<strong>en</strong>t sans qu’il<br />

y ait nécessairem<strong>en</strong>t d’affrontem<strong>en</strong>t.<br />

I. R. – On reconstruit ainsi un dialogue égalitaire apte à<br />

assainir le rapport de travail. Le processus lui-même génère<br />

des changem<strong>en</strong>ts.<br />

M. P. – Dans notre modèle, la protection des pairs r<strong>en</strong>force<br />

la position individuelle et sociale de l’individu, ce qui lui permet<br />

de mettre <strong>en</strong> veilleuse le mode familialiste qui <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>t<br />

la soumission.<br />

DES GROUPES INDÉPENDANTS<br />

SE SONT CONSTITUÉS POUR<br />

DÉNONCER LA NOUVELLE GESTION<br />

PUBLIQUE. ET L’APTS ET D’AUTRES<br />

ORGANISATIONS SYNDICALES ONT<br />

ÉTÉ APPELÉES À INTERVENIR.<br />

LE PERSONNEL RÉAGIT, NON?<br />

3 5<br />

I. R. – Les g<strong>en</strong>s réagiss<strong>en</strong>t individuellem<strong>en</strong>t par des stratégies<br />

déf<strong>en</strong>sives quand la souffrance est insupportable. Qu’il<br />

y ait <strong>en</strong>suite une reconnaissance collective qui mène à une<br />

contestation est un pas dans la bonne direction. Mais nous<br />

croyons que les interv<strong>en</strong>ant·e·s doiv<strong>en</strong>t faire un pas de plus<br />

pour se réapproprier l’acte qui est au cœur de leur travail.<br />

VOUS CROYEZ QUE LES DIREC-<br />

TIONS D’ÉTABLISSEMENTS SERONT<br />

PRÊTES À « FAVORISER UN MOUVE-<br />

MENT D’APPROPRIATION DE<br />

L’ACTE » DE CE GENRE?<br />

M. P. – La consci<strong>en</strong>ce qu’on ne peut pas continuer dans la<br />

voie actuelle, qui génère un lot croissant de victimes parmi<br />

le personnel, va tôt ou tard obliger les directions à s’ouvrir<br />

à de nouvelles modalités.


12<br />

PANIER DE SERVICES<br />

À QUAND UN INVESTISSEMENT<br />

PUBLIC DANS LA<br />

PSYCHOTHÉRAPIE?<br />

PAR | AUDRÉE DEBELLEFEUILLE DUNBERRY, coordonnatrice aux regroupem<strong>en</strong>ts professionnels<br />

@ addunberry@aptsq.com<br />

Refusant dans un souci de justice sociale que la psychothérapie soit un luxe réservé aux mieux nanti·e·s, l’APTS se<br />

positionne <strong>en</strong> faveur d’une meilleure accessibilité de la psychothérapie au Québec. Nous croyons qu’un financem<strong>en</strong>t<br />

public représ<strong>en</strong>te une option incontournable pour permettre à l’<strong>en</strong>semble de la population d’y avoir accès, et ce, dans<br />

un délai raisonnable.<br />

Dans cette perspective, l’évaluation<br />

de l’impact financier d’une couverture<br />

plus ét<strong>en</strong>due des services de psychothérapie<br />

au Québec que doit bi<strong>en</strong>tôt<br />

r<strong>en</strong>dre publique l’Institut national d’excell<strong>en</strong>ce<br />

<strong>en</strong> santé et <strong>en</strong> services sociaux<br />

(INESSS) est att<strong>en</strong>due avec impati<strong>en</strong>ce.<br />

Un rapport du Commissaire à la santé<br />

et au bi<strong>en</strong>-être du Québec publié <strong>en</strong><br />

<strong>20</strong>12 recommandait de diversifier le<br />

panier de services assurés dans le secteur<br />

de la santé m<strong>en</strong>tale et d’offrir un<br />

accès équitable aux services de psychothérapie<br />

aux personnes qui <strong>en</strong> ont<br />

besoin. Le ministère de la Santé et des<br />

Services sociaux (MSSS) y a donné<br />

suite <strong>en</strong> commandant à l’INESSS des<br />

évaluations portant sur :<br />

» l’efficacité et le coût de la psychothérapie<br />

comparativem<strong>en</strong>t aux traitem<strong>en</strong>ts<br />

pharmacologiques des<br />

troubles anxieux et dépressifs chez<br />

l’adulte (volet I) ;<br />

» les différ<strong>en</strong>ts modèles organisationnels<br />

favorisant l’accessibilité implantés<br />

ailleurs (volet II) ;<br />

» l’impact financier de l’inclusion des<br />

services de psychothérapie dans le<br />

panier de services.<br />

Les deux premiers volets ont fait l’objet<br />

d’avis publiés <strong>en</strong> <strong>20</strong>15. Sans surprise,<br />

l’INESSS a confirmé la pertin<strong>en</strong>ce<br />

de la psychothérapie pour soigner<br />

les troubles anxieux et dépressifs. Son<br />

effet serait plus durable que celui des<br />

médicam<strong>en</strong>ts. Cep<strong>en</strong>dant, le problème<br />

réside dans son accessibilité dans<br />

le réseau de services publics au Québec.<br />

Seulem<strong>en</strong>t le « tiers des professionnels<br />

habilités à offrir de la psychothérapie<br />

pratiqu<strong>en</strong>t dans le secteur<br />

public 1 » et le recrutem<strong>en</strong>t est difficile,<br />

de sorte que les délais d’att<strong>en</strong>te sont<br />

considérables.<br />

Une des pistes de solution évid<strong>en</strong>te<br />

consiste à améliorer les conditions de<br />

pratique et de travail des professionnel·le·s<br />

œuvrant dans le domaine psychosocial.<br />

À titre d’exemple, leur autonomie<br />

professionnelle ne doit pas être<br />

restreinte par l’imposition d’un nombre<br />

limité de séances, d’approches thérapeutiques<br />

dictées ou de tâches administratives<br />

qui limit<strong>en</strong>t le temps direct<br />

consacré aux pati<strong>en</strong>ts. Les professionnel·le·s<br />

devrai<strong>en</strong>t avoir la latitude décisionnelle<br />

nécessaire pour décider de<br />

ce qui est le mieux pour leurs pati<strong>en</strong>ts.<br />

De plus, ces professionnel·le·s doiv<strong>en</strong>t<br />

pouvoir compter sur une interdisciplinarité<br />

globale, fluide et continue pour<br />

offrir des services de psychothérapie<br />

correspondant aux besoins de chaque<br />

pati<strong>en</strong>t. C’est une des raisons<br />

pour lesquelles nous plaidons auprès<br />

du MSSS <strong>en</strong> faveur des c<strong>en</strong>tres locaux<br />

de services communautaires<br />

(CLSC), qui permett<strong>en</strong>t de disp<strong>en</strong>ser<br />

1 INESSS, Avis sur l’accès équitable aux services de psychothérapie : Volet I – Exam<strong>en</strong> des données probantes sur l’efficacité et le coût de la psychothérapie<br />

comparativem<strong>en</strong>t à ceux de la pharmacothérapie dans le traitem<strong>en</strong>t des adultes atteints de troubles anxieux et dépressifs, <strong>20</strong>15.


DÉCEMBRE <strong><strong>20</strong>17</strong><br />

13<br />

des services de psychothérapie de<br />

proximité adaptés aux besoins de chaque<br />

communauté. Il est dans l’ADN<br />

des CLSC de répondre aux besoins<br />

des populations les plus vulnérables<br />

et de favoriser une vision plus démocratique<br />

de l’accès aux services psychosociaux<br />

de première ligne.<br />

D’ailleurs, les CLSC rejoign<strong>en</strong>t le modèle<br />

de soins collaboratifs défini par<br />

l’INESSS comme « des soins disp<strong>en</strong>sés<br />

par des professionnels de spécialités,<br />

de disciplines ou de secteurs différ<strong>en</strong>ts,<br />

qui travaill<strong>en</strong>t <strong>en</strong>semble à offrir<br />

des services complém<strong>en</strong>taires et un<br />

souti<strong>en</strong> mutuel ». C’est ce modèle de<br />

prestation de soins qui permet le<br />

mieux aux usagers de bénéficier des<br />

soins <strong>en</strong> santé m<strong>en</strong>tale avec les professionnel·le·s<br />

adéquat·e·s, et ce, <strong>en</strong><br />

temps opportun. En outre, la création<br />

d’équipes de soins <strong>en</strong> santé m<strong>en</strong>tale<br />

regroupées dans un seul secteur facilite<br />

la communication <strong>en</strong>tre les professionnel·le·s<br />

<strong>en</strong> première ligne, <strong>en</strong> plus<br />

de favoriser la coordination des plans<br />

de soins pour éviter les dédoublem<strong>en</strong>ts<br />

inutiles. Ce modèle de collaboration et<br />

d’interdisciplinarité permet d’offrir des<br />

psychothérapies c<strong>en</strong>trées sur l’usager<br />

et sa famille.<br />

UNE DES PISTES DE SOLU-<br />

TION ÉVIDENTE CONSISTE<br />

À AMÉLIORER LES CONDI-<br />

TIONS DE PRATIQUE ET<br />

DE TRAVAIL DES PROFES-<br />

SIONNEL·LE·S ŒUVRANT<br />

DANS LE DOMAINE PSY-<br />

CHOSOCIAL.<br />

C’est par le biais des CLSC que l’<strong>en</strong>semble<br />

de la population québécoise<br />

pourra <strong>en</strong> bénéficier et non dans les<br />

groupes de médecine de famille (GMF).<br />

Déjà <strong>en</strong> <strong>20</strong>15, le rapport de la vérificatrice<br />

générale qualifiait d’échec le<br />

transfert des professionnel·le·s de la<br />

santé des CLSC vers les GMF, « car il<br />

n’a pas permis une prise <strong>en</strong> charge des<br />

pati<strong>en</strong>ts plus vulnérables et n’a pas<br />

amélioré l’accessibilité aux soins de<br />

première ligne 2 ».<br />

Sans compter que les organismes<br />

communautaires <strong>en</strong> santé m<strong>en</strong>tale tiss<strong>en</strong>t<br />

des li<strong>en</strong>s étroits avec les CLSC et<br />

devi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t ainsi des part<strong>en</strong>aires ess<strong>en</strong>tiels<br />

du réseau de la santé publique<br />

au Québec.<br />

Les troubles m<strong>en</strong>taux représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t la<br />

deuxième cause de morbidité dans la<br />

société et pourrai<strong>en</strong>t dev<strong>en</strong>ir la première<br />

cause mondiale d’ici <strong>20</strong>30 3 . Au<br />

Québec, une personne sur cinq sera<br />

confrontée à un problème de santé<br />

m<strong>en</strong>tale dans sa vie 4 , <strong>en</strong>traînant des<br />

coûts directs et indirects très élevés.<br />

Devant ces faits, l’État a tout intérêt<br />

à favoriser l’accessibilité de la psychothérapie<br />

<strong>en</strong> y associant un financem<strong>en</strong>t<br />

public. Au-delà de l’amélioration évid<strong>en</strong>te<br />

sur le plan humain et sur celui<br />

de la qualité de vie des personnes visées<br />

et de leur famille, il y a des économies<br />

à réaliser <strong>en</strong> médicam<strong>en</strong>ts, <strong>en</strong> assurance<br />

salaire, <strong>en</strong> assurance invalidité,<br />

<strong>en</strong> abs<strong>en</strong>téisme au travail et même<br />

<strong>en</strong> soins de santé. En fait, la psychothérapie<br />

ne devrait pas être perçue<br />

comme une dép<strong>en</strong>se, mais bi<strong>en</strong> comme<br />

un investissem<strong>en</strong>t pour l’<strong>en</strong>semble<br />

de la société québécoise.<br />

Voyons ce qu’<strong>en</strong> dira l’INESSS et comm<strong>en</strong>t<br />

le gouvernem<strong>en</strong>t disposera de<br />

ses recommandations.<br />

2<br />

3<br />

4<br />

Gagné, Stéphane, Les groupes de médecine familiale permett<strong>en</strong>t-ils un accès plus facile aux soins de première ligne? Le Devoir, <strong><strong>20</strong>17</strong>.<br />

Commissaire à la santé et au bi<strong>en</strong>-être, État de la situation sur la santé m<strong>en</strong>tale au Québec et réponse du système de santé et de services sociaux,<br />

Gouvernem<strong>en</strong>t du Québec, <strong>20</strong>12.<br />

Lesage, Alain, et Émond, Valérie, Surveillance des troubles m<strong>en</strong>taux au Québec : préval<strong>en</strong>ce, mortalité et profil d’utilisation des services, Institut<br />

national de santé publique du Québec, Surveillance des maladies chroniques, numéro 6, <strong>20</strong>12.


14<br />

VIOLENCE EN MILIEU DE TRAVAIL<br />

QUAND TRAVAILLER FAIT MAL<br />

PAR | CHANTAL MANTHA, conseillère <strong>en</strong> communication et <strong>en</strong> relations publiques<br />

@ cmantha@aptsq.com<br />

Une grande majorité des <strong>20</strong> 000 nouveaux membres que l’APTS a accueilli <strong>en</strong> <strong><strong>20</strong>17</strong> provi<strong>en</strong>t des c<strong>en</strong>tres jeunesse (CJ)<br />

et des c<strong>en</strong>tres de réadaptation <strong>en</strong> défici<strong>en</strong>ce intellectuelle et trouble du spectre de l’autisme (CRDITSA). Les membres<br />

de deux nouveaux comités consultatifs se sont réuni·e·s au cours de l’automne pour examiner les <strong>en</strong>jeux propres à<br />

leur réalité. Entre autres sujets abordés, il a été question de la viol<strong>en</strong>ce que les interv<strong>en</strong>ant·e·s de ces milieux subiss<strong>en</strong>t<br />

trop souv<strong>en</strong>t dans le cadre de leur travail. Plusieurs constats troublants se dégag<strong>en</strong>t des témoignages recueillis à ces<br />

occasions.<br />

» Dans une majorité de c<strong>en</strong>tres intégrés,<br />

les comités paritaires <strong>en</strong> santé<br />

et sécurité du travail n’ont pas<br />

<strong>en</strong>core été formés ou ne se sont<br />

pas <strong>en</strong>core r<strong>en</strong>contrés.<br />

» La déclaration d’incid<strong>en</strong>ts ou d’accid<strong>en</strong>ts<br />

n’est pas systématique et<br />

nombreux sont les rapports qui<br />

sont refusés par l’employeur.<br />

» L’insalubrité des lieux de travail est<br />

telle dans certaines installations<br />

(prés<strong>en</strong>ce de punaises ou de rats)<br />

qu’elle affecte la santé psychologique<br />

du personnel.<br />

» Les plaintes du personnel sont banalisées<br />

et ne reçoiv<strong>en</strong>t pas l’att<strong>en</strong>tion<br />

à laquelle les victimes sont <strong>en</strong><br />

droit de s’att<strong>en</strong>dre.<br />

» Les employeurs tard<strong>en</strong>t à mettre <strong>en</strong><br />

place des mesures susceptibles<br />

d’éviter les agressions contre les<br />

employé·e·s.<br />

Dans les CRDITSA plus spécifiquem<strong>en</strong>t,<br />

le manque de ressources, humaines<br />

mais aussi matérielles, place<br />

les interv<strong>en</strong>ant·e·s dans une situation<br />

de vulnérabilité, aggravée par le manque<br />

de formation sur les moy<strong>en</strong>s de<br />

prév<strong>en</strong>ir et de répondre adéquatem<strong>en</strong>t<br />

aux événem<strong>en</strong>ts viol<strong>en</strong>ts.<br />

UNE VIOLENCE<br />

MULTIFORME<br />

La rétic<strong>en</strong>ce patronale à pr<strong>en</strong>dre la<br />

pleine mesure des répercussions de<br />

la viol<strong>en</strong>ce exercée contre les interv<strong>en</strong>ant·e·s<br />

est étonnante quand on<br />

considère ce qu’il <strong>en</strong> coûte de laisser<br />

cet état de fait perdurer. Des données<br />

obt<strong>en</strong>ues par Le Journal de Québec<br />

<strong>en</strong> vertu de la Loi sur l’accès à l’information<br />

révèl<strong>en</strong>t une croissance de<br />

<strong>11</strong>,1% des heures payées <strong>en</strong> assurance<br />

salaire dans l’<strong>en</strong>semble des 16<br />

c<strong>en</strong>tres jeunesse du Québec. Elles<br />

sont passées de 768 360 <strong>en</strong> <strong>20</strong>14-<br />

<strong>20</strong>15 à 853 718 <strong>en</strong> <strong>20</strong>15-<strong>20</strong>16. Et pas<br />

de doute pour les membres consulté·e·s<br />

: ces abs<strong>en</strong>ces sont principalem<strong>en</strong>t<br />

liées à l’effet de la viol<strong>en</strong>ce,<br />

sous toutes ses formes, dans leur milieu<br />

de travail.<br />

Selon une <strong>en</strong>quête réalisée <strong>en</strong> <strong>20</strong>10-<br />

<strong>20</strong><strong>11</strong> auprès de 586 éducateur·trice·s<br />

de CJ, plus de la moitié (54%) des répondant·e·s<br />

affirm<strong>en</strong>t avoir été agressé·e·s<br />

physiquem<strong>en</strong>t par un·e jeune<br />

au cours des 12 derniers mois. Cette<br />

étude, dirigée par Steve Geoffrion 1 ,<br />

chercheur au C<strong>en</strong>tre d’étude sur le<br />

trauma de l’Institut universitaire <strong>en</strong><br />

santé m<strong>en</strong>tale de Montréal (CIUSSS<br />

de l’Est-de-l’Île-de-Montréal) et professeur<br />

à l’École de psychoéducation<br />

de l’Université de Montréal, rapporte<br />

que 60% des participant·e·s avai<strong>en</strong>t<br />

été agressé·e·s plus d’une fois et 10%<br />

plus de cinq fois au cours de la dernière<br />

année. Enfin, 95 % des travailleur·<br />

euse·s interrogé·e·s avai<strong>en</strong>t été témoins<br />

d’au moins un incid<strong>en</strong>t de viol<strong>en</strong>ce.<br />

[...] PLUS DE LA MOITIÉ<br />

(54 %) DES RÉPON-<br />

DANT·E·S AFFIRMENT<br />

AVOIR ÉTÉ AGRESSÉ·E·S<br />

PHYSIQUEMENT.<br />

1<br />

http://www.equipevisage.ca/equipe/steve-geoffrion/, [<strong>en</strong> ligne].<br />

http://psyced.umontreal.ca/repertoire-departem<strong>en</strong>t/vue/geoffrion-steve/, [<strong>en</strong> ligne].


DÉCEMBRE <strong><strong>20</strong>17</strong><br />

15<br />

Dans une capsule diffusée sur le site<br />

web de Radio-Canada au mom<strong>en</strong>t de<br />

la diffusion de la série 30 vies, Steve<br />

Geoffrion expliquait que le personnel<br />

de la santé et des services sociaux arrivait<br />

<strong>en</strong> tête de liste des groupes exposés<br />

à la viol<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> milieu de travail<br />

<strong>en</strong> raison de facteurs de risque inhér<strong>en</strong>ts<br />

à leur interv<strong>en</strong>tion tels que le<br />

contexte de crise, les horaires atypiques,<br />

les lieux de travail non traditionnels<br />

ou le fait d’être seul.<br />

Plus sournoise <strong>en</strong>core que les agressions<br />

physiques, la viol<strong>en</strong>ce verbale ou<br />

psychologique, que subiss<strong>en</strong>t 95 %<br />

des interv<strong>en</strong>ant·e·s, fait des ravages.<br />

Elle induit un état de stress, des troubles<br />

du sommeil et de l’épuisem<strong>en</strong>t<br />

professionnel susceptibles de porter<br />

atteinte à la capacité de v<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> aide<br />

des interv<strong>en</strong>ant·e·s, qui est au cœur de<br />

leur travail.<br />

Le chercheur m<strong>en</strong>tionne que les hommes<br />

réagiss<strong>en</strong>t différemm<strong>en</strong>t des femmes<br />

à ces traumatismes. Ils sont plus<br />

souv<strong>en</strong>t agressés et, s’ils s’<strong>en</strong> sort<strong>en</strong>t<br />

mieux sur le mom<strong>en</strong>t, sont susceptibles<br />

de garder des séquelles parce<br />

qu’ils ne vont pas chercher d’aide.<br />

Les femmes, qui <strong>en</strong>caiss<strong>en</strong>t plus difficilem<strong>en</strong>t<br />

le coup au plan psychologique,<br />

hésit<strong>en</strong>t moins à demander de<br />

l’aide.<br />

De plus, l’impact de l’exposition aux<br />

abus et traumatismes vécus par la<br />

cli<strong>en</strong>tèle n’est pas à négliger. En fait,<br />

être témoin de viol<strong>en</strong>ce aurait des<br />

conséqu<strong>en</strong>ces psychologiques autant<br />

que d’<strong>en</strong> subir directem<strong>en</strong>t. Tout<br />

concourt donc à ce que l’on prévoit de<br />

l’aide aussi pour ceux et celles qui ont<br />

choisi de v<strong>en</strong>ir <strong>en</strong> aide aux autres, pour<br />

briser leur isolem<strong>en</strong>t et le sil<strong>en</strong>ce qui<br />

<strong>en</strong>toure leur souffrance.<br />

Enfin, les éducateur·trice·s soulign<strong>en</strong>t<br />

la pression administrative, voire l’intimidation<br />

dont ils·elles sont l’objet de<br />

la part des gestionnaires. Certain·e·s<br />

déplor<strong>en</strong>t le manque de suivi empathique<br />

durant les périodes d’invalidité<br />

et d’<strong>en</strong>cadrem<strong>en</strong>t au mom<strong>en</strong>t du retour.<br />

D’autres évoqu<strong>en</strong>t le harcèlem<strong>en</strong>t<br />

subi pour forcer le retour au travail<br />

après des incid<strong>en</strong>ts traumatiques.<br />

Ri<strong>en</strong> ne justifie la banalisation de la<br />

viol<strong>en</strong>ce observée dans les installations<br />

des CJ et des CRDITSA. Le personnel<br />

qui a choisi d’œuvrer auprès<br />

de leur cli<strong>en</strong>tèle mérite qu’on le souti<strong>en</strong>ne<br />

et qu’on lui assure une protection<br />

comparable à celle du personnel<br />

que représ<strong>en</strong>te l’APTS dans d’autres<br />

milieux.<br />

L’équipe du C<strong>en</strong>tre d’étude sur le<br />

trauma travaille <strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t sur<br />

une étude sur l’efficacité des programmes<br />

de souti<strong>en</strong> par les pairs<br />

pour aider les travailleurs et travailleuses<br />

victimes d’événem<strong>en</strong>ts pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t<br />

traumatiques (EPT)<br />

dans les c<strong>en</strong>tres jeunesse du Québec.<br />

On <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d par souti<strong>en</strong> par les<br />

pairs : fournir une écoute empathique,<br />

id<strong>en</strong>tifier des collègues à risque<br />

de conséqu<strong>en</strong>ces psychologiques et<br />

faciliter l’accès à l’aide professionnelle<br />

à la suite d’agressions. Les<br />

chercheurs espèr<strong>en</strong>t pouvoir ainsi<br />

ori<strong>en</strong>ter les programmes de santé<br />

et de sécurité des c<strong>en</strong>tres jeunesse<br />

au Québec. Les interv<strong>en</strong>ant·e·s insist<strong>en</strong>t<br />

cep<strong>en</strong>dant pour que ces programmes<br />

ne se substitu<strong>en</strong>t pas au<br />

souti<strong>en</strong> psychologique spécialisé<br />

dont ont aussi besoin les victimes<br />

d’agression.


16<br />

SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL<br />

METTRE FIN AU SILENCE<br />

SUR LA VIOLENCE<br />

PAR | PIERRE NAUD, coordonnateur au secteur de la santé et sécurité du travail et du développem<strong>en</strong>t durable @ pnaud@aptsq.com<br />

Caroline* est éducatrice spécialisée dans un c<strong>en</strong>tre jeunesse. En activité de groupe elle t<strong>en</strong>te de pacifier Jonas*, qui<br />

lance des objets à un autre jeune. Comme elle s’approche, elle se fait cracher <strong>en</strong> plein visage. C’est assez!<br />

La crise passée, elle demande à son<br />

employeur de remplir le registre des<br />

incid<strong>en</strong>ts et des accid<strong>en</strong>ts puisqu’elle<br />

sait que le syndicat recommande de<br />

déclarer toutes les situations de ce<br />

g<strong>en</strong>re. L’employeur lui répond qu’elle<br />

n’a pas à faire quoi que ce soit car<br />

« c’est normal, cela fait partie de l’emploi<br />

». Quoiqu’<strong>en</strong> p<strong>en</strong>s<strong>en</strong>t ses collègues<br />

et son superviseur, elle insiste<br />

pour faire sa déclaration, et ce, à bon<br />

droit.<br />

Le registre des incid<strong>en</strong>ts et des accid<strong>en</strong>ts<br />

conti<strong>en</strong>t les déclarations de toutes<br />

les situations pouvant constituer<br />

des lésions. S’agit-il ici d’une lésion?<br />

L’impact émotionnel de l’événem<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> décidera, mais toute situation doit<br />

être déclarée <strong>en</strong> vertu d’un droit prévu<br />

à la Loi sur les accid<strong>en</strong>ts du travail et<br />

les maladies professionnelles. Faire<br />

une déclaration ne pr<strong>en</strong>d que quelques<br />

minutes. Ce registre doit être mis<br />

à la disposition du personnel. Il constitue<br />

un outil précieux pour prév<strong>en</strong>ir la<br />

viol<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> milieu de travail. Les événem<strong>en</strong>ts<br />

qui y sont consignés peuv<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong>traîner plusieurs conséqu<strong>en</strong>ces négatives<br />

pour les personnes concernées<br />

: état de stress aigu, épuisem<strong>en</strong>t<br />

professionnel, perte d’empathie, ab-<br />

s<strong>en</strong>téisme, arrêt de travail et roulem<strong>en</strong>t<br />

de personnel. Or on estime qu’un événem<strong>en</strong>t<br />

sur quatre seulem<strong>en</strong>t serait<br />

déclaré.<br />

Au Québec, c’est le personnel de la<br />

santé et des services sociaux qui est<br />

le plus affecté par les lésions attribuables<br />

à la viol<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> milieu de travail,<br />

avec 32,8 % des lésions déclarées et<br />

acceptées <strong>en</strong> <strong>20</strong>15, tous secteurs confondus.<br />

En interprétant les données<br />

du personnel professionnel et technique,<br />

le ministère de la Santé et des<br />

Services sociaux (MSSS) a constaté<br />

que les éducateur·trice·s « affich<strong>en</strong>t un<br />

nombre de lésions pour viol<strong>en</strong>ce plus<br />

élevé que la moy<strong>en</strong>ne » et que la viol<strong>en</strong>ce<br />

<strong>en</strong> milieu de travail se retrouve<br />

dans les c<strong>en</strong>tres hospitaliers psychiatriques<br />

et les c<strong>en</strong>tres jeunesse, ainsi<br />

que dans les c<strong>en</strong>tres de réadaptation<br />

<strong>en</strong> défici<strong>en</strong>ce intellectuelle et dans<br />

ceux <strong>en</strong> dép<strong>en</strong>dance. Le sondage de<br />

l’APTS sur la santé psychologique de<br />

ses membres révèle d’ailleurs des taux<br />

particulièrem<strong>en</strong>t élevés (70 %) de détresse<br />

psychologique dans les c<strong>en</strong>tres<br />

de réadaptation physique et intellectuelle.<br />

Ces données ont incité la Commission<br />

des normes, de l’équité, de la santé<br />

et de la sécurité du travail (CNESST,<br />

anci<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t la CSST) à cibler, pour<br />

la première fois, le réseau de la santé<br />

et des services sociaux de manière<br />

à « diminuer les lésions des troubles<br />

musculo-squelettiques (TMS), des<br />

chutes au même niveau et de la viol<strong>en</strong>ce<br />

<strong>en</strong> milieu de travail ».<br />

Et Caroline là-dedans? Nous recommandons<br />

à son gestionnaire de ne plus<br />

banaliser ce g<strong>en</strong>re d’agression et de<br />

pr<strong>en</strong>dre quelques minutes pour consulter<br />

l’outil de s<strong>en</strong>sibilisation de l’équipe<br />

Visage 1 . Il pourra alors pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong><br />

charge le suivi d’un événem<strong>en</strong>t comme<br />

celui vécu par Caroline, notamm<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> facilitant sa déclaration au registre<br />

des incid<strong>en</strong>ts et des accid<strong>en</strong>ts.<br />

L’APTS <strong>en</strong>t<strong>en</strong>d participer aux stratégies<br />

que la CNESST s’est <strong>en</strong>gagée à<br />

mettre <strong>en</strong> place pour notre secteur,<br />

dont la promotion de la déclaration<br />

systématique des actes de viol<strong>en</strong>ce,<br />

un moy<strong>en</strong> simple qu’elle recommandait<br />

déjà <strong>en</strong> <strong>20</strong>10 dans un mémoire 2<br />

sur la réforme (toujours att<strong>en</strong>due… )<br />

du régime québécois de santé et de<br />

sécurité du travail.<br />

*<br />

1<br />

2<br />

Noms fictifs.<br />

Viol<strong>en</strong>ce au travail selon le sexe et le g<strong>en</strong>re, un groupe de recherche basé à l’Institut universitaire <strong>en</strong> santé m<strong>en</strong>tale de Montréal.<br />

La modernisation du régime de santé et sécurité du travail, CSST, septembre <strong>20</strong><strong>11</strong>, [<strong>en</strong> ligne],<br />

http://www.cnesst.gouv.qc.ca/Publications/Docum<strong>en</strong>ts/Modernisation_du_r%C3%A9gime_de_sant%C3%A9_et_s%C3%A9curit%C3%A9_<br />

du_travail.pdf.


DÉCEMBRE <strong><strong>20</strong>17</strong><br />

17<br />

PORTRAIT D’UNE PROFESSION : AVOCATE<br />

LA TOUTE DERNIÈRE LIGNE<br />

DE DÉFENSE DES ENFANTS<br />

MALTRAITÉS<br />

PAR | RAYNALD BANVILLE, collaboration spéciale<br />

Dans un monde idéal, aucun <strong>en</strong>fant<br />

ne devrait faire l’objet d’un signalem<strong>en</strong>t<br />

à la Direction de la protection de<br />

la jeunesse (DPJ). Les <strong>en</strong>fants abandonnés,<br />

négligés, abusés physiquem<strong>en</strong>t,<br />

sexuellem<strong>en</strong>t ou psychologiquem<strong>en</strong>t<br />

(ou risquant de l’être), ça ne<br />

devrait pas exister. Mais voilà, il n’<strong>en</strong><br />

va pas ainsi et cette pénible réalité est<br />

malheureusem<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>te. Il<br />

revi<strong>en</strong>t donc à la DPJ, dans chaque<br />

région du Québec, d’offrir à ces <strong>en</strong>fants<br />

la protection dont ils ont désespérém<strong>en</strong>t<br />

besoin.<br />

Ainsi se dévou<strong>en</strong>t pour y parv<strong>en</strong>ir des<br />

travailleuses sociales, des psychoéducatrices,<br />

des criminologues, des éducatrices,<br />

etc. Et avec ces personnes,<br />

<strong>en</strong> bout de piste, quand les choses se<br />

cors<strong>en</strong>t, des avocates. Sandra Couture<br />

<strong>en</strong> fait partie et forme, avec ses collègues<br />

spécialisé·e·s <strong>en</strong> protection de<br />

la jeunesse, ce qu’on peut considérer<br />

comme la toute dernière ligne de déf<strong>en</strong>se<br />

de ces trop nombreux <strong>en</strong>fants<br />

laissés pour compte.<br />

Sandra Couture, avocate au CISSS de l’Outaouais<br />

Son port d’attache? Le C<strong>en</strong>tre intégré<br />

de santé et de services sociaux<br />

de l’Outaouais (CISSSO), qui a intégré<br />

les C<strong>en</strong>tres jeunesse de l’Outaouais<br />

après la fusion, <strong>en</strong> <strong>20</strong>15. « Avant, explique-t-elle,<br />

on relevait directem<strong>en</strong>t de<br />

la DPJ. Maint<strong>en</strong>ant, on relève de la<br />

Direction des ressources humaines,<br />

communications et affaires juridiques<br />

du CISSSO. » Les mandats juridiques<br />

sont cep<strong>en</strong>dant toujours assignés par<br />

la DPJ.


18<br />

Avait-elle imaginé un jour faire ce travail,<br />

elle qui fait du droit de la jeunesse<br />

depuis maint<strong>en</strong>ant <strong>11</strong> ans? Pas du<br />

tout. « C’est le droit qui m’a choisie, ditelle,<br />

et non l’inverse. À l’université, le<br />

droit n’était pas ma première option.<br />

« ON PARLE DE GROS-<br />

SE MISÈRE HUMAINE »,<br />

RAPPELLE-T-ELLE.<br />

DANS LA SEULE RÉ-<br />

GION DE L’OUTAOUAIS,<br />

IL Y A EU 6 164 SIGNA-<br />

LEMENTS EN <strong>20</strong>16-<strong><strong>20</strong>17</strong>,<br />

DONT 2 508 ONT ÉTÉ<br />

RETENUS. LA GRANDE<br />

MAJORITÉ (80 %) CON-<br />

CERNE DES ENFANTS<br />

DE MOINS DE 12 ANS.<br />

J’ai essayé un an pour voir. » Essai concluant<br />

: elle finira par décrocher son<br />

diplôme <strong>en</strong> droit, suivi d’un stage qui<br />

la conduira à l’Aide juridique, <strong>en</strong> droit<br />

familial. Elle aura alors l’occasion de<br />

remplacer une avocate spécialisée <strong>en</strong><br />

représ<strong>en</strong>tation des <strong>en</strong>fants à la Cour<br />

supérieure. Signe du destin <strong>en</strong>core une<br />

fois? Sans doute, car elle comm<strong>en</strong>cera<br />

<strong>en</strong>suite à travailler <strong>en</strong> protection de<br />

la jeunesse sans jamais cesser depuis.<br />

A-t-elle hésité avant d’embrasser ce<br />

champ de pratique? Évidemm<strong>en</strong>t. On<br />

parle ici d’<strong>en</strong>fants malm<strong>en</strong>és par la<br />

vie, et la jeune Sandra n’était pas dupe.<br />

Surtout que ses débuts ont coïncidé<br />

avec ses premiers pas dans la<br />

maternité. La nouvelle maman sauraitelle<br />

surmonter cette exposition à la<br />

misère quotidi<strong>en</strong>ne de la progéniture<br />

des autres? Elle a donc vite appris à<br />

faire la part des choses, compartim<strong>en</strong>-<br />

tant de façon aussi étanche que possible<br />

travail et vie personnelle. Et la voilà<br />

aujourd’hui forte d’une solide expertise<br />

dont ont grand besoin ceux qu’elle<br />

représ<strong>en</strong>te.<br />

« On parle de grosse misère humaine »,<br />

rappelle-t-elle. Dans la seule région de<br />

l’Outaouais, il y a eu 6 164 signalem<strong>en</strong>ts<br />

<strong>en</strong> <strong>20</strong>16-<strong><strong>20</strong>17</strong>, dont 2 508 ont<br />

été ret<strong>en</strong>us. La grande majorité (80 %)<br />

concerne des <strong>en</strong>fants de moins de<br />

12 ans. Il s’agit le plus souv<strong>en</strong>t de néglig<strong>en</strong>ce<br />

ou de risque sérieux de néglig<strong>en</strong>ce<br />

(38 %) et d’abus physique ou<br />

de risque sérieux d’abus physique<br />

(31 %). Suiv<strong>en</strong>t les cas d’abus sexuel<br />

ou de risques sérieux d’abus sexuel<br />

(12 %), de mauvais traitem<strong>en</strong>ts psychologiques<br />

(10 %) ou de troubles sérieux<br />

du comportem<strong>en</strong>t (9 %).


DÉCEMBRE <strong><strong>20</strong>17</strong><br />

19<br />

Dans un premier temps, la DPJ détermine<br />

les mesures à pr<strong>en</strong>dre pour assurer<br />

la protection de l’<strong>en</strong>fant et aider<br />

les par<strong>en</strong>ts à corriger la situation au<br />

moy<strong>en</strong> d’un plan d’interv<strong>en</strong>tion élaboré<br />

par ses interv<strong>en</strong>ant·e·s, de concert<br />

avec la famille. Quand une telle collaboration<br />

est impossible, le recours<br />

au tribunal devi<strong>en</strong>t nécessaire. C’est<br />

dans pareil cas que l’avocate arrive<br />

<strong>en</strong> r<strong>en</strong>fort pour requérir de la Cour<br />

les mesures nécessaires pour assurer<br />

la protection de l’<strong>en</strong>fant.<br />

intime des g<strong>en</strong>s, dans leur ‘’bulle’’. Il<br />

faut égalem<strong>en</strong>t se garder de les juger.<br />

Il faut se mettre à leur place, compr<strong>en</strong>dre<br />

les choses <strong>en</strong> fonction de leur<br />

réalité. »<br />

Comme bon nombre des interv<strong>en</strong>ant·<br />

e·s <strong>en</strong> protection de la jeunesse avec<br />

qui elle collabore régulièrem<strong>en</strong>t et qui,<br />

comme elle, sont confronté·e·s à la<br />

difficile misère des <strong>en</strong>fants, Sandra<br />

partage une même motivation. « C’est<br />

de savoir qu’on peut faire une vraie<br />

Avant la réforme, la plupart<br />

des établissem<strong>en</strong>ts<br />

fusionnés avai<strong>en</strong>t leur<br />

propre service de cont<strong>en</strong>tieux.<br />

Ils sont maint<strong>en</strong>ant<br />

tous regroupés <strong>en</strong> une<br />

seule et même équipe<br />

juridique multidisciplinaire<br />

(droit de la jeunesse,<br />

droit civil, droit du<br />

travail, droit de la santé,<br />

psychiatrie légale).<br />

Résultats :<br />

Sandra et ses collègues<br />

sont sollicité·e·s par<br />

une cli<strong>en</strong>tèle plus large<br />

et plus variée, si bi<strong>en</strong><br />

que leur champ de<br />

pratique respectif<br />

s’<strong>en</strong> trouve élargi.<br />

« La plupart du temps, précise Sandra,<br />

l’<strong>en</strong>fant sera maint<strong>en</strong>u dans sa famille<br />

avec la mise <strong>en</strong> place d’un filet de sécurité<br />

supervisé par les autorités du<br />

CISSSO. Le placem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> famille d’accueil<br />

n’est pas aussi fréqu<strong>en</strong>t que le<br />

donn<strong>en</strong>t à p<strong>en</strong>ser les cas qui se retrouv<strong>en</strong>t<br />

dans les médias. Il y a plusieurs<br />

mesures qu’on peut pr<strong>en</strong>dre<br />

pour maint<strong>en</strong>ir l’<strong>en</strong>fant dans son milieu.<br />

Autant que possible, dans son intérêt,<br />

on cherche des solutions non<br />

conflictuelles. »<br />

Outre la maîtrise des règles de droit,<br />

qui est ess<strong>en</strong>tielle, la tâche fait appel<br />

à beaucoup de discernem<strong>en</strong>t, d’écoute,<br />

d’empathie et d’ouverture d’esprit,<br />

des qualités qui se développ<strong>en</strong>t avec<br />

l’expéri<strong>en</strong>ce. « On ne doit pas appliquer<br />

le droit de la jeunesse de façon<br />

rigide mais humaine, souligne Sandra.<br />

C’est très intrusif, on <strong>en</strong>tre dans la vie<br />

différ<strong>en</strong>ce dans la vie d’un <strong>en</strong>fant. Ça<br />

peut parfois pr<strong>en</strong>dre des mois, voire<br />

des années, mais ri<strong>en</strong> n’est plus gratifiant<br />

que d’<strong>en</strong>rayer une situation qui<br />

compromet la sécurité d’un <strong>en</strong>fant.<br />

C’est pour ça que je continue. »<br />

Et quelle leçon tire-t-elle après toutes<br />

ces années de pratique? « Notre système<br />

de protection a ses limites. En<br />

tant que société, on doit s’interroger.<br />

La maltraitance des <strong>en</strong>fants existe à<br />

cause d’autres problèmes, comme la<br />

pauvreté ou le manque d’éducation.<br />

Est-ce qu’on leur consacre toute l’att<strong>en</strong>tion<br />

et toutes les ressources qu’il<br />

faudrait? » Le nombre de signalem<strong>en</strong>ts,<br />

<strong>en</strong> hausse constante ces dernières<br />

années, lui donne raison. Et<br />

nous invite à un sérieux exam<strong>en</strong> de<br />

consci<strong>en</strong>ce collectif, au nom des plus<br />

vulnérables d’<strong>en</strong>tre nous : nos <strong>en</strong>fants.<br />

Être ou ne pas être un<br />

avocat de l’État, telle est<br />

la question pour Sandra<br />

et ses collègues. Le fait<br />

de relever du CISSSO<br />

fait <strong>en</strong> sorte qu’elles·ils<br />

ne sont pas traité·e·s<br />

comme les avocat·e·s<br />

de la fonction publique<br />

et qu’elles·ils reçoiv<strong>en</strong>t<br />

un salaire moindre que<br />

celui de leurs autres<br />

collègues juristes du<br />

gouvernem<strong>en</strong>t. Cette<br />

incongruité est pour<br />

elles·eux une rev<strong>en</strong>dication<br />

syndicale de<br />

longue date.


<strong>20</strong><br />

ASSURANCE COLLECTIVE<br />

AJUSTEMENTS DE<br />

TARIFICATION <strong>20</strong>18<br />

PAR | JENNIFER LAVOIE ET SARAH MARCOUX, coordonnatrices au secteur de la sécurité sociale<br />

@ jlavoie@aptsq.com @ smarcoux@aptsq.com<br />

Qu’on se le dise : la hausse moy<strong>en</strong>ne de la tarification des primes d’assurance collective est choquante! D’année <strong>en</strong><br />

année, on fait face à des augm<strong>en</strong>tations supérieures à celle du coût de la vie et sans commune mesure avec celle des<br />

salaires. Bref, on <strong>en</strong> a un peu moins dans nos poches chaque année. Pire <strong>en</strong>core, les garanties remboursées t<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t<br />

non pas à s’accroître mais bi<strong>en</strong> à diminuer afin de limiter la hausse annuelle des primes.<br />

Pour <strong>20</strong>18, le régime d’assurance collective<br />

des membres de l’APTS n’échappe<br />

pas à ce fait et subit une<br />

augm<strong>en</strong>tation de la prime d’assurance<br />

maladie de 9,5 %. Afin de limiter cette<br />

hausse, les médicam<strong>en</strong>ts innovateurs<br />

seront désormais remboursés au coût<br />

du médicam<strong>en</strong>t générique le plus<br />

bas 1 . Ce changem<strong>en</strong>t s’inscrit dans<br />

les efforts collectifs <strong>en</strong>tamés dans les<br />

dernières années pour favoriser le recours<br />

aux médicam<strong>en</strong>ts génériques et<br />

limiter les augm<strong>en</strong>tations de tarifs. Le<br />

remboursem<strong>en</strong>t d’un médicam<strong>en</strong>t innovateur<br />

sera toujours possible, mais<br />

ce choix individuel ne sera plus assumé<br />

collectivem<strong>en</strong>t.<br />

L’augm<strong>en</strong>tation de cette année est<br />

due, une fois de plus, à la hausse des<br />

réclamations et du prix des médicam<strong>en</strong>ts<br />

au Québec. Rappelons-nous<br />

qu’<strong>en</strong> assurance collective, chaque<br />

dollar payé <strong>en</strong> prestation se traduit<br />

dans la prime l’année suivante. L’équilibre<br />

du régime dép<strong>en</strong>d de cette équation.<br />

C’est donc collectivem<strong>en</strong>t que<br />

nous assumons l’<strong>en</strong>semble des réclamations<br />

soumises, <strong>en</strong> plus des frais<br />

chargés par l’assureur.<br />

RAPPELONS-NOUS<br />

QU’EN ASSURANCE<br />

COLLECTIVE, CHA-<br />

QUE DOLLAR PAYÉ<br />

EN PRESTATION SE<br />

TRADUIT DANS LA<br />

PRIME L’ANNÉE SUI-<br />

VANTE. L’ÉQUILIBRE<br />

DU RÉGIME DÉPEND<br />

DE CETTE ÉQUATION.<br />

RÉGIME D’ASSURANCE PRIMES<br />

Maladie 9,5 %<br />

Soins d<strong>en</strong>taires (facultatif) Mainti<strong>en</strong><br />

Salaire longue durée 10 %<br />

Qui plus est, on dénote une augm<strong>en</strong>tation<br />

de 5,8 % de l’utilisation des couvertures<br />

<strong>en</strong> assurance maladie comparativem<strong>en</strong>t<br />

à l’an dernier. Cette t<strong>en</strong>dance<br />

n’est pas surpr<strong>en</strong>ante si l’on<br />

considère l’augm<strong>en</strong>tation du nombre<br />

de cas d’invalidité dans le réseau de la<br />

santé et des services sociaux au cours<br />

des dernières années.<br />

Heureusem<strong>en</strong>t, les nouvelles sont plus<br />

positives pour nos régimes d’assurance<br />

soins d<strong>en</strong>taires et vie. Et si notre<br />

régime d’assurance salaire subira une<br />

augm<strong>en</strong>tation <strong>en</strong> <strong>20</strong>18, l’impact financier<br />

ne sera pas comparable aux hausses<br />

applicables du régime d’assurance<br />

maladie.<br />

Vie (selon la clause) Mainti<strong>en</strong> ou 5,8 %<br />

1<br />

Dans le cas où un médicam<strong>en</strong>t innovateur ne peut pas être remplacé par un médicam<strong>en</strong>t générique, les frais admissibles sont remboursés à 80 %<br />

sur prés<strong>en</strong>tation du formulaire approprié dûm<strong>en</strong>t rempli par le médecin traitant.


DÉCEMBRE <strong><strong>20</strong>17</strong><br />

21<br />

TABLEAU DES PRIMES <strong><strong>20</strong>17</strong>-<strong>20</strong>18 (PAR PÉRIODE DE 14 JOURS)<br />

RÉGIME<br />

ASSURANCE<br />

MALADIE<br />

PRIME<br />

CONTRACTUELLE<br />

<strong><strong>20</strong>17</strong><br />

PRIME<br />

PAYÉE<br />

<strong><strong>20</strong>17</strong><br />

PRIME<br />

CONTRACTUELLE<br />

ET APPLICABLE<br />

<strong>20</strong>18<br />

BASE<br />

Individuel 43,47 $ 38,86 $ 47,53 $<br />

Monopar<strong>en</strong>tal 64,45 $ 57,61 $ 70,47 $<br />

Couple 86,94 $ 77,72 $ 95,05 $<br />

Familial 104,00 $ 92,97 $ <strong>11</strong>3,71 $<br />

INTERMÉDIAIRE<br />

Individuel 54,88 $ 49,06 $ 60,01 $<br />

Monopar<strong>en</strong>tal 81,35 $ 72,72 $ 88,95 $<br />

Couple 109,76 $ 98,<strong>11</strong> $ 1<strong>20</strong>,00 $<br />

Familial 131,31 $ <strong>11</strong>7,38 $ 143,56 $<br />

SUPÉRIEUR<br />

Individuel 73,62 $ 65,81 $ 80,49 $<br />

Monopar<strong>en</strong>tal 109,24 $ 97,65 $ <strong>11</strong>9,44 $<br />

Couple 147,24 $ 131,62 $ 160,99 $<br />

Familial 176,27 $ 157,56 $ 192,73 $<br />

RÉGIME<br />

SOINS<br />

DENTAIRES<br />

PRIME<br />

CONTRACTUELLE<br />

<strong><strong>20</strong>17</strong><br />

PRIME<br />

PAYÉE<br />

<strong><strong>20</strong>17</strong><br />

PRIME<br />

CONTRACTUELLE<br />

ET APPLICABLE<br />

<strong>20</strong>18<br />

Individuel 17,16 $ 15,95 $ 17,16 $<br />

Monopar<strong>en</strong>tal 27,81 $ 25,84 $ 27,81 $<br />

Couple 34,32 $ 31,90 $ 34,32 $<br />

Familial 45,89 $ 42,65 $ 45,89 $


22<br />

RÉSULTAT<br />

DE LA<br />

NÉGOCIATION<br />

TAUX ACTUEL TAUX PAYÉ<br />

Assurance-vie<br />

de base<br />

5,8 % 0,<strong>11</strong>9 % 0,<strong>11</strong>2 %<br />

Mutilation<br />

accid<strong>en</strong>telle<br />

Mainti<strong>en</strong> 0,16 $ 0,16 $<br />

Ass.-vie additionnelle<br />

adhér<strong>en</strong>t·e et conjoint·e<br />

Mainti<strong>en</strong> Tables Tables<br />

Ass.-vie des<br />

personnes à charge<br />

5,8 %<br />

Mono. : 0,12 $<br />

Couple : 0,26 $<br />

Fam. : 0,38 $<br />

Mono. : 0,<strong>11</strong> $<br />

Couple : 0,25 $<br />

Fam. : 0,36 $<br />

Assurance-vie des<br />

personnes retraitées<br />

Mainti<strong>en</strong> Tables Tables<br />

Note :<br />

» Ces montants inclu<strong>en</strong>t la part de l’employeur (2,39 $ pour un statut individuel et 5,97 $ pour un statut monopar<strong>en</strong>tal, couple ou familial). La taxe<br />

de v<strong>en</strong>te de 9 % est <strong>en</strong> sus.<br />

» La différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre la prime payée et la prime contractuelle <strong>en</strong> <strong><strong>20</strong>17</strong> est liée au gel de la tarification r<strong>en</strong>du possible par l’application de la contribution<br />

gouvernem<strong>en</strong>tale obt<strong>en</strong>ue dans le cadre de la négociation de la dernière conv<strong>en</strong>tion collective.<br />

ASSURANCE SALAIRE<br />

RÉSULTAT DE LA<br />

NÉGOCIATION<br />

PRIME CONTRACTUELLE<br />

<strong><strong>20</strong>17</strong><br />

PRIME PAYÉE<br />

<strong><strong>20</strong>17</strong><br />

PRIME CONTRACTUELLE<br />

ET APPLICABLE <strong>20</strong>18<br />

10 % 0,591 % 0,457 % 0,650 %*<br />

* Ce pourc<strong>en</strong>tage s’applique sur le salaire brut. La différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre la prime payée et la prime contractuelle <strong>en</strong> <strong><strong>20</strong>17</strong> est liée au gel de<br />

la tarification r<strong>en</strong>du possible par des sommes <strong>en</strong> dépôts utilisées chaque année depuis <strong>20</strong>16. Les sommes <strong>en</strong> dépôts sont le résultat<br />

de surplus générés par le régime d’assurance collective au cours des années précéd<strong>en</strong>tes. La hausse se situe <strong>en</strong>tre 3,00 $ et 6,50 $<br />

par paie, selon votre salaire annuel brut.<br />

CONTEXTE <strong>20</strong>18<br />

La hausse de prime <strong>20</strong>18 pour le régime<br />

d’assurance maladie n’est pas si<br />

différ<strong>en</strong>te de celle des années antérieures.<br />

En effet, le coût des médicam<strong>en</strong>ts,<br />

l’augm<strong>en</strong>tation de la consommation,<br />

le nombre de grand·e·s consommateur·trice·s<br />

dans notre régime,<br />

tous ces facteurs demeur<strong>en</strong>t assez<br />

stables d’année <strong>en</strong> année. Or, quand<br />

on compare le taux contractuel avec<br />

le taux payé, il s’agit effectivem<strong>en</strong>t<br />

d’une hausse de prime plus importante.<br />

Pourquoi donc?<br />

À la suite de la négociation qui s’est<br />

conclue <strong>en</strong> <strong>20</strong>16, le gouvernem<strong>en</strong>t a<br />

conv<strong>en</strong>u de verser, pour la durée de<br />

la conv<strong>en</strong>tion collective, une contribution<br />

équival<strong>en</strong>te à 3,47 millions de dollars<br />

par année pour le régime d’assurance<br />

collective des membres de<br />

l’APTS afin de bonifier le régime d’assurance<br />

et/ou de diminuer le montant<br />

de la prime payée par les membres.<br />

L’an dernier, le conseil général a choisi<br />

d’utiliser ces sommes pour bonifier le<br />

régime <strong>en</strong> ajoutant le statut couple<br />

aux statuts disponibles et afin de donner<br />

un congé partiel de prime aux<br />

adhér<strong>en</strong>t·e·s. Or il faut préciser que la


DÉCEMBRE <strong><strong>20</strong>17</strong><br />

23<br />

contribution gouvernem<strong>en</strong>tale obt<strong>en</strong>ue<br />

est un montant annuel fixe, qui ne<br />

pr<strong>en</strong>d pas <strong>en</strong> compte le nombre de<br />

membres. L’accueil par l’APTS au printemps<br />

dernier de plus de <strong>20</strong> 000 nouveaux<br />

membres a requis l’utilisation des<br />

sommes de l’année <strong>20</strong>18 pour assurer<br />

un traitem<strong>en</strong>t équitable à l’<strong>en</strong>semble<br />

de ses membres. C’est pourquoi il est<br />

impossible d’appliquer un congé partiel<br />

de prime pour l’année <strong>20</strong>18.<br />

ON PASSE À L’ACTION<br />

Les médicam<strong>en</strong>ts représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t à eux<br />

seuls un peu plus de 80 % des prestations<br />

payées selon les frais admissibles.<br />

À court terme, vous pouvez poser<br />

des gestes pour limiter les hausses<br />

: réclamer le médicam<strong>en</strong>t générique<br />

équival<strong>en</strong>t à celui indiqué sur votre<br />

ordonnance, magasiner votre pharmacie<br />

<strong>en</strong> fonction de ses marges bénéficiaires,<br />

désormais indiquées sur votre<br />

facture (il existe même des pharmacies<br />

<strong>en</strong> ligne qui peuv<strong>en</strong>t offrir des services<br />

à moindre coût), et, dans l’<strong>en</strong>semble,<br />

adopter un comportem<strong>en</strong>t responsable<br />

<strong>en</strong> tant qu’adhér<strong>en</strong>t·e d’un<br />

régime collectif financé par l’<strong>en</strong>semble<br />

de ses participant·e·s. Il faut savoir cep<strong>en</strong>dant<br />

que l’impact de ces actions<br />

sur les hausses est limité par rapport<br />

aux autres facteurs qui <strong>en</strong>tr<strong>en</strong>t <strong>en</strong> jeu.<br />

C’est pourquoi il importe d’agir sur<br />

plusieurs plans.<br />

En ce s<strong>en</strong>s, les personnes déléguées<br />

au conseil général des 18 et 19 octobre<br />

dernier ont adopté des propositions<br />

pour la suite des choses.<br />

D’une part, nous irons <strong>en</strong> appel d’offres<br />

auprès d’assureurs afin d’obt<strong>en</strong>ir<br />

la meilleure offre sur le marché. Pour<br />

ce faire, un nouveau cahier de charges<br />

sera élaboré à partir des résultats d’un<br />

sondage <strong>en</strong> ligne, m<strong>en</strong>é au cours des<br />

prochains mois, sur les garanties et<br />

modalités de notre régime d’assurance.<br />

Nous vous invitons à rester à l’affût<br />

et à participer <strong>en</strong> grand nombre.<br />

L’av<strong>en</strong>ir de votre régime dép<strong>en</strong>d <strong>en</strong><br />

partie de vous.<br />

LES MÉDICAMENTS<br />

REPRÉSENTENT À EUX<br />

SEULS UN PEU PLUS DE<br />

80 % DES PRESTATIONS<br />

PAYÉES SELON LES<br />

FRAIS ADMISSIBLES.<br />

D’autre part, un plan de travail sera<br />

élaboré et mis <strong>en</strong> œuvre <strong>en</strong> vue de<br />

promouvoir l’instauration d’un régime<br />

public d’assurance médicam<strong>en</strong>ts gratuit<br />

et universel.<br />

Enfin, à la demande du conseil général,<br />

les autres syndicats de la santé et<br />

des services sociaux seront invités à<br />

participer à un effort concerté dans le<br />

but de créer un rapport de force pour<br />

contrer l’augm<strong>en</strong>tation des coûts<br />

d’assurance collective.<br />

Nous vous invitons à consulter les outils<br />

disponibles sur notre site internet<br />

pour vous aider à compr<strong>en</strong>dre les facteurs<br />

qui influ<strong>en</strong>t sur les coûts de l’assurance<br />

collective, de sorte que nous<br />

puissions, <strong>en</strong>semble, faire une différ<strong>en</strong>ce.<br />

ASSURANCES COLLECTIVES 101<br />

Au Québec, chaque personne<br />

doit être couverte<br />

par une assurance médicam<strong>en</strong>ts,<br />

et ce, <strong>en</strong> tout<br />

temps. Depuis 1997, le régime<br />

public d’assurance<br />

médicam<strong>en</strong>ts couvre les<br />

personnes qui ne sont pas<br />

admissibles à un régime<br />

privé. Si vous avez accès<br />

à un régime privé par l’<strong>en</strong>tremise<br />

de votre emploi,<br />

d’une association ou d’un ordre professionnel dont vous êtes<br />

membre ou par l’<strong>en</strong>tremise de votre conjoint·e, vous avez<br />

l’obligation d’y adhérer (à moins d’avoir 65 ans ou plus).<br />

Il est possible d’être exempté·e du régime d’assurance maladie<br />

auquel souscriv<strong>en</strong>t les membres de l’APTS <strong>en</strong> autant que<br />

vous puissiez démontrer que vous êtes couvert·e par un autre<br />

contrat.<br />

Sur 1 $ de prime, 0,90 $ va au remboursem<strong>en</strong>t des prestations<br />

réclamées par l’<strong>en</strong>semble des assuré·e·s. Environ 0,10 $ vont<br />

au paiem<strong>en</strong>t de la taxe et des frais de gestion à l’assureur (tel<br />

qu’illustré ci-dessus). L’assureur est le gestionnaire de notre<br />

assurance collective. Il effectue notamm<strong>en</strong>t l’administration<br />

du régime selon les paramètres du contrat et le remboursem<strong>en</strong>t<br />

des prestations à même les primes payées par les assuré·e·s.


24<br />

ASSURANCE MALADIE<br />

DES MÉDICAMENTS<br />

PLUS CHERS QU’AILLEURS<br />

PAR | CHANTAL MANTHA, conseillère <strong>en</strong> communication et <strong>en</strong> relations publiques<br />

@ cmantha@aptsq.com<br />

Le Canada est le seul pays au monde à avoir un système de soins de santé universel qui n’est pas doublé d’une assurance<br />

médicam<strong>en</strong>ts publique et universelle. On y paie les médicam<strong>en</strong>ts 30 % plus cher que dans les autres pays de<br />

l’Organisation de coopération et de développem<strong>en</strong>t économiques (OCDE). Et c’est au Québec que le coût des médicam<strong>en</strong>ts<br />

est le plus élevé au pays. Le gouvernem<strong>en</strong>t dispose <strong>en</strong> effet d’un pouvoir réduit de négociation avec les <strong>en</strong>treprises<br />

pharmaceutiques puisque le marché est partagé <strong>en</strong>tre le régime gouvernem<strong>en</strong>tal d’assurance médicam<strong>en</strong>ts<br />

− auquel 43 % de la population est inscrite − et les régimes privés d’assurance collective − auxquels souscriv<strong>en</strong>t 57 %<br />

des Québécois·es.<br />

Avec un système de santé et de services<br />

sociaux étouffé par les compressions<br />

budgétaires et <strong>en</strong> besoin urg<strong>en</strong>t<br />

de réinvestissem<strong>en</strong>ts, le Québec doit<br />

impérativem<strong>en</strong>t repr<strong>en</strong>dre le contrôle<br />

de ses dép<strong>en</strong>ses <strong>en</strong> matière de médicam<strong>en</strong>ts.<br />

Or le prix des médicam<strong>en</strong>ts<br />

y est <strong>en</strong>cadré <strong>en</strong> partie par la Politique<br />

du médicam<strong>en</strong>t, adoptée par Québec<br />

<strong>en</strong> <strong>20</strong>07, mais aussi par le Conseil<br />

d’exam<strong>en</strong> du prix des médicam<strong>en</strong>ts<br />

brevetés (CEPMB), mis <strong>en</strong> place au<br />

mom<strong>en</strong>t de la négociation de l’Accord<br />

de libre-échange nord-américain<br />

(ALÉNA) <strong>en</strong> 1994. Ce conseil est c<strong>en</strong>sé<br />

L’ENNUI, C’EST QUE LE<br />

CANADA ÉTABLIT LES<br />

PRIX EN SE BASANT<br />

SUR SEPT PAYS… DONT<br />

LES MÉDICAMENTS<br />

SONT LES PLUS CHERS<br />

AU MONDE.<br />

protéger les intérêts des consommateur·trice·s<br />

et contribuer aux soins de<br />

santé de la population canadi<strong>en</strong>ne <strong>en</strong><br />

s’assurant que les prix des médica-<br />

m<strong>en</strong>ts brevetés ne soi<strong>en</strong>t pas excessifs.<br />

L’<strong>en</strong>nui, c’est qu’il établit les prix<br />

<strong>en</strong> se basant sur sept pays… dont<br />

les médicam<strong>en</strong>ts sont les plus chers<br />

au monde. Pas étonnant que depuis<br />

<strong>20</strong>00, les dép<strong>en</strong>ses <strong>en</strong> médicam<strong>en</strong>ts<br />

du Canada ai<strong>en</strong>t augm<strong>en</strong>té de 184 %<br />

<strong>en</strong> comparaison avec le PIB.<br />

Voilà pourquoi on ne peut laisser le<br />

libre marché décider des prix. Et la<br />

meilleure façon de limiter la croissance<br />

des coûts serait d’instaurer un régime<br />

d’assurance médicam<strong>en</strong>ts universel<br />

100 % public.


DÉCEMBRE <strong><strong>20</strong>17</strong><br />

25<br />

OUTIL DE SENSIBILISATION<br />

POUR UN NOËL SANS PAUVRETÉ<br />

En voie de dev<strong>en</strong>ir officiellem<strong>en</strong>t une véritable tradition du temps des Fêtes, la campagne des cartes postales du Collectif<br />

pour un Québec sans pauvreté est de retour! Pour la quatrième année consécutive, l’APTS s’y associe <strong>en</strong> distribuant<br />

des cartes destinées à s<strong>en</strong>sibiliser la population et à rappeler la nature politique des <strong>en</strong>jeux de pauvreté et d’exclusion<br />

sociale.<br />

Réalisées <strong>en</strong> collaboration avec l’illustratrice<br />

Mathilde Cinq-Mars, les<br />

cartes propos<strong>en</strong>t un portrait de<br />

quelques personnages <strong>en</strong> situation<br />

de pauvreté. L’originalité de ces<br />

portraits ti<strong>en</strong>t au détournem<strong>en</strong>t de<br />

loteries bi<strong>en</strong> connues.<br />

Ainsi Michel, le personnage qui reçoit<br />

des prestations d’aide sociale<br />

est « Perdant à tous les mois »;<br />

Malaïka, qui travaille à temps plein<br />

toute l’année, n’a « Pas de célébration<br />

», alors que Suzanne, jeune retraitée,<br />

tourne « La roue de l’Infortune<br />

» et que la famille Tremblay-Diaz<br />

ne peut s’offrir « Ri<strong>en</strong>-d’Extra ».<br />

Pour <strong>en</strong> appr<strong>en</strong>dre davantage sur<br />

les situations de Michel, Malaïka,<br />

Suzanne et de la famille Tremblay-<br />

Diaz, se trouve sous leur portrait<br />

une petite devinette dont la solution<br />

est cachée… dans une case<br />

à gratter!<br />

Ce détournem<strong>en</strong>t des jeux de loterie<br />

permet de rappeler qu’au Québec,<br />

où une personne sur dix ne<br />

couvre pas ses besoins de base,<br />

la pauvreté est probablem<strong>en</strong>t celui<br />

qui fait le plus, malheureusem<strong>en</strong>t,<br />

de « gagnant·e·s ».<br />

L’ORIGINALITÉ DE<br />

CES PORTRAITS<br />

TIENT AU DÉTOUR-<br />

NEMENT DE LOTE-<br />

RIES BIEN CONNUES.<br />

Demandez ces<br />

cartes de Noël<br />

à votre équipe<br />

syndicale<br />

locale.


26<br />

ACTION FÉMINISTE<br />

FEMMES ET POUVOIR À L’APTS<br />

PAR | ÉLAINE GIROUX, coordonnatrice à l’action féministe<br />

@ egiroux@aptsq.com<br />

Les femmes sont-elles adéquatem<strong>en</strong>t représ<strong>en</strong>tées au sein des instances décisionnelles de l’APTS? Si ce n’est pas le<br />

cas, comm<strong>en</strong>t s’<strong>en</strong> assurer? Nous y réfléchissons depuis que la délégation du conseil général a réclamé, <strong>en</strong> avril<br />

dernier, des moy<strong>en</strong>s pour garantir une représ<strong>en</strong>tation féminine correspondant à la proportion de femmes au sein de<br />

l’APTS.<br />

Une organisation syndicale est par<br />

ess<strong>en</strong>ce une <strong>en</strong>tité démocratique.<br />

Compte t<strong>en</strong>u des changem<strong>en</strong>ts imposés<br />

par la réforme administrative du<br />

réseau, de son impact sur la carte syndicale<br />

et surtout de la réorganisation<br />

syndicale qui <strong>en</strong> a découlé, le défi n’a<br />

jamais été aussi grand de susciter la<br />

participation des membres à tous les<br />

niveaux décisionnels, de l’assemblée<br />

générale locale aux plus hautes instances<br />

nationales.<br />

LA PLACE DES FEMMES<br />

À L’APTS<br />

Établie à 86%, la proportion des femmes<br />

au sein de l’APTS n’a pas changé<br />

à la suite du maraudage. Comme<br />

les femmes bénéfici<strong>en</strong>t <strong>en</strong> principe des<br />

mêmes ouvertures et des mêmes conditions<br />

que les hommes, on devrait<br />

constater une proportion similaire au<br />

sein des différ<strong>en</strong>tes instances et comités.<br />

Or, ce n’est pas le cas. Les données<br />

réc<strong>en</strong>tes sur la composition des<br />

exécutifs transitoires, du conseil d’administration<br />

et du comité exécutif révèl<strong>en</strong>t<br />

plutôt un glissem<strong>en</strong>t significatif<br />

vers une sous-représ<strong>en</strong>tation féminine.<br />

L’écart se creuse particulièrem<strong>en</strong>t<br />

dans le cas des exécutifs transitoires<br />

récemm<strong>en</strong>t constitués puisque les<br />

femmes y sont prés<strong>en</strong>tes dans une<br />

proportion de 62% et que seulem<strong>en</strong>t<br />

58% des personnes qui assum<strong>en</strong>t la<br />

présid<strong>en</strong>ce des nouvelles unités sont<br />

des femmes.<br />

Au conseil d’administration, les femmes<br />

sont sous-représ<strong>en</strong>tées depuis<br />

<strong>20</strong>12, année à partir de laquelle on ne<br />

les retrouve que dans une proportion<br />

de 64%. Or c’est justem<strong>en</strong>t dans ce<br />

bassin que sont puisées les candidatures<br />

aux postes du comité exécutif<br />

national. Et la composition de ce dernier<br />

est dev<strong>en</strong>ue plus masculine : une<br />

majorité d’hommes y siège depuis<br />

octobre <strong><strong>20</strong>17</strong>.<br />

INÉQUITABLE PARTAGE<br />

DU POUVOIR<br />

La même situation s’observe dans la<br />

société, au sein des conseils d’administration<br />

ainsi que dans les postes de<br />

pouvoir des gouvernem<strong>en</strong>ts et des<br />

municipalités. Dans ces lieux de pouvoir<br />

on recherche la parité hommesfemmes,<br />

considérée comme l’indicateur<br />

privilégié de l’atteinte de l’égalité<br />

de fait puisqu’il reflète à peu près la<br />

proportion des g<strong>en</strong>res à l’échelle planétaire.<br />

Or au Québec, 77 ans après<br />

l’obt<strong>en</strong>tion du droit de vote, les femmes<br />

ne compos<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core que 29%<br />

des personnes élues à l’Assemblée<br />

nationale. S’il y avait lieu de se réjouir<br />

de la composition paritaire du conseil<br />

des ministres pour la première fois <strong>en</strong><br />

<strong>20</strong>07, et si cet «exploit» a été répété<br />

<strong>en</strong> <strong>20</strong>16, force est de constater que<br />

cette parité est bi<strong>en</strong> volatile. À l’heure<br />

actuelle, les femmes représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t<br />

44% du Conseil des ministres et seulem<strong>en</strong>t<br />

28,8% des députés. Au fédéral,<br />

cette proportion à la Chambre<br />

des communes est de 26 %. Si ri<strong>en</strong><br />

n’est fait pour atteindre la parité au<br />

Canada, «si la t<strong>en</strong>dance se mainti<strong>en</strong>t »,<br />

des observateurs prédis<strong>en</strong>t qu’il faudra<br />

att<strong>en</strong>dre <strong>en</strong>core 90 ans pour l’obt<strong>en</strong>ir!<br />

En <strong><strong>20</strong>17</strong>, on s’étonne que les femmes<br />

ne soi<strong>en</strong>t pas aussi prés<strong>en</strong>tes que les<br />

hommes dans les lieux de décision.<br />

Après 40 ans de féminisme et l’adop-


DÉCEMBRE <strong><strong>20</strong>17</strong><br />

27<br />

tion de lois et politiques qui ont aplani<br />

au niveau légal les obstacles à l’atteinte<br />

de l’égalité, on parle aujourd’hui<br />

du plafond de verre 1 , de stéréotypes<br />

g<strong>en</strong>rés, de préjugés et de m<strong>en</strong>talités<br />

t<strong>en</strong>aces qui empêch<strong>en</strong>t les femmes de<br />

se prés<strong>en</strong>ter ou de se faire élire lorsqu’elles<br />

se port<strong>en</strong>t candidates.<br />

DES QUESTIONS DE FOND<br />

Dans les prochains mois, l’APTS fera<br />

connaître les moy<strong>en</strong>s ret<strong>en</strong>us pour favoriser<br />

la participation des femmes<br />

aux instances syndicales. L’<strong>en</strong>jeu de la<br />

conciliation famille-travail est non seulem<strong>en</strong>t<br />

au cœur de la qualité de vie de<br />

l’<strong>en</strong>semble des membres (hommes ou<br />

femmes) de l’APTS, mais il est aussi<br />

intimem<strong>en</strong>t lié à la rétic<strong>en</strong>ce des femmes<br />

à s’<strong>en</strong>gager dans la vie politique,<br />

le syndicat ou les mouvem<strong>en</strong>ts citoy<strong>en</strong>s.<br />

Il faudra donc s’y attaquer.<br />

Il faudra aussi réfléchir <strong>en</strong> toute honnêteté<br />

à nos propres préjugés, individuels<br />

et collectifs, à l’égard des candidatures<br />

féminines. Notre vision des rôles<br />

des femmes et des hommes dans la<br />

société est formatée par notre éducation,<br />

par les modèles sociaux <strong>en</strong>core<br />

très prés<strong>en</strong>ts, par le rôle de par<strong>en</strong>t responsable<br />

<strong>en</strong>core dévolu aux femmes.<br />

Les objectifs poursuivis par cette démarche<br />

dépass<strong>en</strong>t de loin la simple<br />

constatation sur papier d’une prés<strong>en</strong>ce<br />

dans les instances et lieux de pouvoir<br />

proportionnelle au poids des femmes<br />

au sein de l’APTS.<br />

Nous voulons que les mesures qui seront<br />

mises <strong>en</strong> place permett<strong>en</strong>t à<br />

l’APTS de faire sa part, non seulem<strong>en</strong>t<br />

pour donner aux femmes la place qui<br />

leur revi<strong>en</strong>t, mais aussi pour susciter<br />

l’intérêt de l’investir. Nous voulons que<br />

nos instances soi<strong>en</strong>t à l’image des<br />

membres, qu’elles soi<strong>en</strong>t réellem<strong>en</strong>t<br />

représ<strong>en</strong>tatives pour favoriser une<br />

meilleure démocratie et que l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t<br />

syndical ne se fasse pas au détrim<strong>en</strong>t<br />

des autres aspects de notre<br />

vie notamm<strong>en</strong>t des obligations familiales.<br />

Ri<strong>en</strong> de moins.<br />

EN COMPLÉMENT<br />

Consultez les deux articles<br />

de l’édition de septembre<br />

<strong><strong>20</strong>17</strong> de L’APTS <strong>en</strong> conseil<br />

général : « L’équité représ<strong>en</strong>tative,<br />

la question de<br />

l’heure » et « Appel à l’action<br />

pour promouvoir l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t<br />

des femmes ».<br />

FACEBOOK : DECIDER ENTRE HOMMES<br />

Créée <strong>en</strong> <strong>20</strong>15 par la professeure Marie-Ève Maillé et la blogueuse<br />

Marylise Hamelin, toutes deux tr<strong>en</strong>t<strong>en</strong>aires, la page Facebook<br />

Décider <strong>en</strong>tre hommes prés<strong>en</strong>te non sans malice des photos de<br />

conseils d’administration, d’équipes gouvernem<strong>en</strong>tales et de lauréats<br />

de distinctions variées où figur<strong>en</strong>t systématiquem<strong>en</strong>t et<br />

presque toujours exclusivem<strong>en</strong>t… des hommes. L’expression<br />

« B<strong>en</strong> coudon » est généralem<strong>en</strong>t leur seul comm<strong>en</strong>taire… et il <strong>en</strong><br />

dit long. Proposées avec humour, leurs images n’<strong>en</strong> sont pas<br />

moins percutantes. Un J’aime sur leur page vous promet bi<strong>en</strong><br />

des occasions de rire et de vous indigner.<br />

1<br />

Le plafond de verre désigne l’<strong>en</strong>semble des mécanismes visibles et invisibles qui empêch<strong>en</strong>t les femmes d’accéder aux postes les plus élevés dans<br />

la hiérarchie. Ces mécanismes peuv<strong>en</strong>t être externes aux organisations <strong>en</strong> cause (socialisation, partage inégal des tâches domestiques, etc.) ou<br />

internes (recrutem<strong>en</strong>t, promotion, mobilité).


28<br />

TOURNÉE D’ÉTABLISSEMENTS<br />

UNE PETITE ÉQUIPE<br />

AU GRAND CŒUR<br />

ÉTABLISSEMENT PRIVÉ CONVENTIONNÉ : HÔPITAL DE RÉADAPTATION VILLA MEDICA<br />

PAR | CHANTAL MANTHA, conseillère <strong>en</strong> communication et <strong>en</strong> relations publiques<br />

@ cmantha@aptsq.com<br />

À côté des imm<strong>en</strong>ses unités de plusieurs milliers de salarié∙e∙s, les 123 membres<br />

APTS de l’Hôpital de réadaptation Villa Medica constitu<strong>en</strong>t un petit groupe,<br />

certes, mais c’est l’établissem<strong>en</strong>t privé conv<strong>en</strong>tionné (EPC) 1 dont l’effectif est<br />

le plus important parmi les 17 où l’APTS est prés<strong>en</strong>te. Comme ailleurs, les membres<br />

bénéfici<strong>en</strong>t des ressources de la structure nationale du syndicat. Ainsi, un<br />

répondant politique, pour les dossiers politiques et d’organisation syndicale, et<br />

un conseiller du service des relations de travail ont le mandat d’accompagner<br />

l’équipe élue localem<strong>en</strong>t.<br />

L’hôpital de 140 lits, qui dessert aussi<br />

une cli<strong>en</strong>tèle externe, notamm<strong>en</strong>t dans<br />

un point de service à Montréal-Nord,<br />

est une filiale de Groupe Santé Sedna.<br />

Il s’agit d’une corporation privée canadi<strong>en</strong>ne<br />

qui gère, <strong>en</strong>tre autres, plusieurs<br />

CHSLD. L’Hôpital de réadaptation Villa<br />

Medica est sa seule composante dédiée<br />

à la réadaptation et reçoit des pati<strong>en</strong>ts<br />

de part<strong>en</strong>aires comme le CHUM<br />

et le CUSM. Son conseil d’administration<br />

n’est composé que de quatre<br />

personnes… mais il y a fort à parier<br />

qu’elles ont leur mot à dire, bi<strong>en</strong> plus<br />

<strong>en</strong> tout cas que les membres des conseils<br />

d’administration des c<strong>en</strong>tres intégrés<br />

nommés par le ministre.<br />

Créé dans les années 60 comme lieu<br />

de convalesc<strong>en</strong>ce, Villa Medica s’est<br />

progressivem<strong>en</strong>t transformé <strong>en</strong> c<strong>en</strong>tre<br />

de réadaptation <strong>en</strong> développant des<br />

programmes spécialisés <strong>en</strong> neurologie,<br />

orthopédie, traitem<strong>en</strong>t des per-<br />

sonnes amputées et des grands brûlés.<br />

C’est LE c<strong>en</strong>tre d’expertise pour<br />

les grands brûlés pour tout l’Ouest du<br />

Québec. Pas étonnant que plus de<br />

80 % des membres APTS soi<strong>en</strong>t des<br />

professionnel·le·s ou des technici<strong>en</strong>·<br />

ne·s de la réadaptation.<br />

« [...] NOUS AVONS À<br />

CŒUR DE RENSEIGNER<br />

NOS MEMBRES SUR<br />

LEURS DROITS. »<br />

Qui dit spécialisation de pointe dit valorisation<br />

de l’expertise. De fait, le développem<strong>en</strong>t<br />

des ressources humaines<br />

n’est pas le dossier qui donne le<br />

plus de mal à l’équipe syndicale. La<br />

direction aura compris que c’est un<br />

bon investissem<strong>en</strong>t pour un établissem<strong>en</strong>t<br />

dont la raison d’être est d’offrir<br />

de soins et services qu’on ne retrouve<br />

pas ailleurs.<br />

Joanie Laliberté, présid<strong>en</strong>te<br />

UNE ÉQUIPE MOTIVÉE<br />

Parlons-<strong>en</strong> de cette équipe syndicale.<br />

Composée de trois jeunes femmes,<br />

Joanie Laliberté, présid<strong>en</strong>te, Br<strong>en</strong>da<br />

Grant, vice-présid<strong>en</strong>te, et Annick Martin,<br />

secrétaire-trésorière, elle réussit, à<br />

coup de journées et de demi-journées<br />

de libération, à rassembler plus de la<br />

moitié de l’effectif lors des assemblées<br />

générales et une vingtaine de membres<br />

à chaque midi-causerie.<br />

1<br />

Un établissem<strong>en</strong>t appart<strong>en</strong>ant à des intérêts privés, part<strong>en</strong>aire du réseau public, qui a signé une conv<strong>en</strong>tion de financem<strong>en</strong>t avec le ministère de la<br />

Santé et des Services sociaux (MSSS) et dont les salarié·e·s sont visé·e·s par les conv<strong>en</strong>tions collectives du réseau est dit « conv<strong>en</strong>tionné ».


DÉCEMBRE <strong><strong>20</strong>17</strong><br />

29<br />

Br<strong>en</strong>da, Joanie et Annick<br />

« Aucune d’<strong>en</strong>tre nous n’est libérée à<br />

temps plein et il n’y a personne pour<br />

nous remplacer auprès de nos pati<strong>en</strong>ts<br />

quand nous faisons du travail<br />

syndical, souligne Annick. Si le manque<br />

de temps limite notre action, nous<br />

essayons toutefois d’être efficaces.<br />

Comme nous avons la chance de ne<br />

pas avoir beaucoup de griefs à traiter,<br />

nous nous conc<strong>en</strong>trons sur l’organisation<br />

d’activités à l’heure du lunch,<br />

qui favoris<strong>en</strong>t les rapprochem<strong>en</strong>ts, et<br />

sur les r<strong>en</strong>contres avec nos huit secteurs,<br />

que nous faisons coïncider avec<br />

les mois de la physiothérapie ou de<br />

la nutrition, etc. Nous avons à cœur<br />

de r<strong>en</strong>seigner nos membres sur leurs<br />

droits. »<br />

Et qu’<strong>en</strong> est-il de leur participation aux<br />

instances nationales de l’APTS? « Je<br />

suis la seule déléguée aux conseils<br />

généraux mais nous essayons d’être<br />

prés<strong>en</strong>tes toutes les trois aux congrès<br />

», explique Joanie. Encore là, elle<br />

aimerait disposer de davantage de<br />

temps pour la préparation préalable<br />

et le partage de l’information avec<br />

ses collègues à la suite des instances.<br />

« Même si notre réalité est différ<strong>en</strong>te de<br />

celle des c<strong>en</strong>tres intégrés, je crois que<br />

nos questions peuv<strong>en</strong>t alim<strong>en</strong>ter la<br />

réflexion, ne serait-ce que par le regard<br />

un peu extérieur que nous posons sur<br />

le réseau. »<br />

« NOUS CÔTOYONS AU<br />

QUOTIDIEN DES PERSON-<br />

NES QUI ONT DES DEUILS<br />

IMPORTANTS À FAIRE,<br />

MENTIONNE ANNICK, ET<br />

COMME ELLES SÉJOUR-<br />

NENT EN MOYENNE DE<br />

QUATRE À HUIT SEMAI-<br />

NES À VILLA MEDICA,<br />

NOUS AVONS LE TEMPS<br />

DE LES CONNAÎTRE<br />

ET DE LAISSER NOTRE<br />

MARQUE PEUT-ÊTRE. »<br />

Leur réalité institutionnelle est peutêtre<br />

distincte, mais le s<strong>en</strong>s de leur travail<br />

est le même que celui de tant d’autres<br />

professionnel·le·s ou technici<strong>en</strong>·<br />

ne·s de la santé et des services sociaux<br />

: sout<strong>en</strong>ir par leur expertise des<br />

g<strong>en</strong>s aux prises avec des problèmes<br />

qui les dépass<strong>en</strong>t. « Nous côtoyons au<br />

quotidi<strong>en</strong> des personnes qui ont des<br />

deuils importants à faire, m<strong>en</strong>tionne<br />

Annick, et comme elles séjourn<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />

moy<strong>en</strong>ne de quatre à huit semaines<br />

à Villa Medica, nous avons le temps<br />

de les connaître et de laisser notre<br />

marque peut-être. Après leur départ,<br />

on espère qu’elles auront le souti<strong>en</strong> à<br />

domicile nécessaire pour consolider<br />

les progrès obt<strong>en</strong>us grâce à la réadaptation.<br />

»<br />

Un petit groupe disions-nous, mais<br />

dont les membres font un travail spécialisé<br />

remarquable. Et une unité syndicale<br />

à part <strong>en</strong>tière, animée par des<br />

élues <strong>en</strong>thousiastes et dévouées.


30<br />

ENTREVUE<br />

CINQ QUESTIONS À…<br />

ALEXA CONRADI<br />

PAR | FRANCIS BOUCHER, conseiller aux communications et aux relations publiques<br />

@ fboucher@aptsq.com<br />

Alexa Conradi est une militante féministe bi<strong>en</strong> connue. Elle a <strong>en</strong>tre autres présidé la Fédération des femmes du Québec de<br />

<strong>20</strong>09 à <strong>20</strong>15. Elle publie Les angles morts – Perspectives sur le Québec actuel aux Éditions du remue-ménage. L’APTS<br />

<strong>en</strong> <strong>revue</strong> l’a r<strong>en</strong>contrée.<br />

1<br />

QUELS SONT NOS PRINCIPAUX<br />

ANGLES MORTS, AUTREMENT DIT<br />

LES SUJETS DONT NOUS ÉVITONS<br />

DE PARLER, AU QUÉBEC?<br />

2<br />

Y A-T-IL DES ANGLES MORTS<br />

SPÉCIFIQUES AU RÉSEAU DE<br />

LA SANTÉ ET DES SERVICES<br />

SOCIAUX?<br />

La viol<strong>en</strong>ce faite aux femmes <strong>en</strong> fait partie. On sait qu’elle<br />

existe dans la société, mais admettre la place qu’elle occupe<br />

dans la vie des femmes est extrêmem<strong>en</strong>t douloureux<br />

à admettre, autant à l’échelle individuelle que sociale. Le<br />

mouvem<strong>en</strong>t #moiaussi nous a permis de voir que le harcèlem<strong>en</strong>t<br />

sexuel fait malheureusem<strong>en</strong>t partie de la vie <strong>en</strong> société.<br />

Par ailleurs, nous avons égalem<strong>en</strong>t de la difficulté à<br />

réfléchir collectivem<strong>en</strong>t sur la laïcité, à cause de notre expéri<strong>en</strong>ce<br />

avec l’Église catholique. Deux principes ess<strong>en</strong>tiels<br />

fond<strong>en</strong>t la laïcité. Le premier, dont on parle souv<strong>en</strong>t, c’est la<br />

neutralité de l’État, la séparation <strong>en</strong>tre le religieux et le politique.<br />

Le deuxième, qu’on a t<strong>en</strong>dance à vouloir limiter pour<br />

des raisons historiques, c’est la liberté de consci<strong>en</strong>ce. Cette<br />

conversation est très difficile à m<strong>en</strong>er dans un contexte où<br />

les musulmans sont souv<strong>en</strong>t pris pour cible.<br />

On ne reconnait pas assez que les programmes d’austérité<br />

ont pour effet de dévaloriser le travail des femmes. Pour<br />

le gouvernem<strong>en</strong>t, ces politiques-là sont neutres. Or elles ne<br />

le sont pas. Les réorganisations et les compressions dans<br />

le réseau priv<strong>en</strong>t beaucoup de femmes de leur autonomie<br />

professionnelle et cré<strong>en</strong>t des conditions de travail int<strong>en</strong>ables,<br />

qui <strong>en</strong>g<strong>en</strong>dr<strong>en</strong>t à leur tour de l’épuisem<strong>en</strong>t professionnel. Il<br />

y a aussi une très grande difficulté à aborder le traitem<strong>en</strong>t<br />

inégal que l’on accorde aux personnes racisées et aux personnes<br />

autochtones, qui ne reçoiv<strong>en</strong>t pas toujours la même<br />

qualité de services que les personnes blanches.<br />

LES RÉORGANISATIONS ET LES COMPRESSIONS DANS LE RÉSEAU PRIVENT BEAU-<br />

COUP DE FEMMES DE LEUR AUTONOMIE PROFESSIONNELLE ET CRÉENT DES CONDI-<br />

TIONS DE TRAVAIL INTENABLES, QUI ENGENDRENT À LEUR TOUR DE L’ÉPUISEMENT<br />

PROFESSIONNEL.


DÉCEMBRE <strong><strong>20</strong>17</strong><br />

31<br />

3<br />

COMMENT EXPLIQUER LES RÉSIS-<br />

TANCES DE CERTAINES FEMMES<br />

AU FÉMINISME? ON SENT PARFOIS<br />

QU’ELLES ONT PEUR DE BLESSER<br />

LES HOMMES…<br />

<strong>en</strong> question de l’ordre établi. Il y a donc nécessairem<strong>en</strong>t des<br />

inconforts qui peuv<strong>en</strong>t faire réagir. Il faut arriver à faire compr<strong>en</strong>dre<br />

aux hommes que nous ne nous attaquons pas à<br />

eux, mais plutôt aux institutions et aux façons de faire qui<br />

nuis<strong>en</strong>t à l’égalité.<br />

Ce n’est pas toujours facile de porter un regard féministe sur<br />

notre société, parce que ça touche à tous les domaines. De<br />

l’intime à l’économique, <strong>en</strong> passant par la culture. Ça nous<br />

oblige à aborder des questions difficiles. C’est inconfortable<br />

et douloureux parce que ça nécessite parfois de contrarier<br />

des g<strong>en</strong>s qu’on apprécie par ailleurs. C’est exigeant, d’autant<br />

plus que plusieurs hommes se font les déf<strong>en</strong>seurs du statu<br />

quo qui préserve leur position de pouvoir dans la société.<br />

4<br />

COMMENT CONVAINCRE LES<br />

HOMMES QUE CE MOUVEMENT<br />

NE SE FAIT PAS CONTRE EUX?<br />

Les hommes qui sont s<strong>en</strong>sibles à ces questions<br />

doiv<strong>en</strong>t parler aux autres hommes afin de raconter comm<strong>en</strong>t<br />

le féminisme a transformé leur vie pour le mieux, notamm<strong>en</strong>t<br />

<strong>en</strong> leur permettant d’être plus <strong>en</strong> contact avec eux-mêmes.<br />

Ceci étant, par définition, le féminisme implique une remise<br />

5<br />

VOYEZ-VOUS POINDRE DES<br />

SIGNES D’ESPOIR POUR L’AVENIR?<br />

Des mouvem<strong>en</strong>ts comme #moiaussi montr<strong>en</strong>t<br />

que nous acceptons de moins <strong>en</strong> moins la viol<strong>en</strong>ce sexuelle.<br />

Il y a égalem<strong>en</strong>t de plus <strong>en</strong> plus de g<strong>en</strong>s qui cherch<strong>en</strong>t<br />

à créer une nouvelle dynamique avec les peuples autochtones,<br />

de même qu’à établir des li<strong>en</strong>s <strong>en</strong>tre ceux et celles<br />

qui lutt<strong>en</strong>t contre le racisme, pour de meilleures conditions<br />

de travail et contre le sexisme, par exemple. Ces t<strong>en</strong>tatives<br />

sont susceptibles de mettre <strong>en</strong> échec la droite populiste qui<br />

pointe son nez au Québec.


HORAIRE DES FÊTES<br />

Nos bureaux sont fermés du 22 décembre <strong><strong>20</strong>17</strong> au 2 janvier <strong>20</strong>18<br />

inclusivem<strong>en</strong>t. En cas d’urg<strong>en</strong>ce, un service de garde <strong>en</strong> relations<br />

de travail est <strong>en</strong> place les 26, 27, 28 et 29 décembre.<br />

SIÈGE SOCIAL :<br />

L - V : 8h30 - 16h30<br />

Fermé : 12h - 13h<br />

<strong>11</strong><strong>11</strong>, rue Saint Charles Ouest, bureau 1050<br />

Longueuil, Québec J4K 5G4<br />

Tél.: 450 670-24<strong>11</strong> ou 1 866 521-24<strong>11</strong><br />

Télec.: 450 679-0107 ou 1 866 480-0086<br />

BUREAU DE QUÉBEC :<br />

L - V : 8h30 - 16h30<br />

Fermé : 12h - 13h<br />

1305, boul. Lebourgneuf, bureau <strong>20</strong>0<br />

Québec, Québec G2K 2E4<br />

Tél. : 418 622-2541 ou 1 800 463-4617<br />

Téléc. : 418 622-0274 ou 1 866 704-0274<br />

APTS<br />

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NOIR<br />

CHANGEMENT<br />

D’ADRESSE<br />

Si vous déménagez ou si des modifications ont<br />

été apportées à votre adresse postale, veuillez<br />

d’abord <strong>en</strong> informer votre employeur et <strong>en</strong>suite<br />

l’APTS. MERCI !<br />

www.aptsq.com<br />

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