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12 PANIER DE SERVICES À QUAND UN INVESTISSEMENT PUBLIC DANS LA PSYCHOTHÉRAPIE? PAR | AUDRÉE DEBELLEFEUILLE DUNBERRY, coordonnatrice aux regroupements professionnels @ addunberry@aptsq.com Refusant dans un souci de justice sociale que la psychothérapie soit un luxe réservé aux mieux nanti·e·s, l’APTS se positionne en faveur d’une meilleure accessibilité de la psychothérapie au Québec. Nous croyons qu’un financement public représente une option incontournable pour permettre à l’ensemble de la population d’y avoir accès, et ce, dans un délai raisonnable. Dans cette perspective, l’évaluation de l’impact financier d’une couverture plus étendue des services de psychothérapie au Québec que doit bientôt rendre publique l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) est attendue avec impatience. Un rapport du Commissaire à la santé et au bien-être du Québec publié en 2012 recommandait de diversifier le panier de services assurés dans le secteur de la santé mentale et d’offrir un accès équitable aux services de psychothérapie aux personnes qui en ont besoin. Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) y a donné suite en commandant à l’INESSS des évaluations portant sur : » l’efficacité et le coût de la psychothérapie comparativement aux traitements pharmacologiques des troubles anxieux et dépressifs chez l’adulte (volet I) ; » les différents modèles organisationnels favorisant l’accessibilité implantés ailleurs (volet II) ; » l’impact financier de l’inclusion des services de psychothérapie dans le panier de services. Les deux premiers volets ont fait l’objet d’avis publiés en 2015. Sans surprise, l’INESSS a confirmé la pertinence de la psychothérapie pour soigner les troubles anxieux et dépressifs. Son effet serait plus durable que celui des médicaments. Cependant, le problème réside dans son accessibilité dans le réseau de services publics au Québec. Seulement le « tiers des professionnels habilités à offrir de la psychothérapie pratiquent dans le secteur public 1 » et le recrutement est difficile, de sorte que les délais d’attente sont considérables. Une des pistes de solution évidente consiste à améliorer les conditions de pratique et de travail des professionnel·le·s œuvrant dans le domaine psychosocial. À titre d’exemple, leur autonomie professionnelle ne doit pas être restreinte par l’imposition d’un nombre limité de séances, d’approches thérapeutiques dictées ou de tâches administratives qui limitent le temps direct consacré aux patients. Les professionnel·le·s devraient avoir la latitude décisionnelle nécessaire pour décider de ce qui est le mieux pour leurs patients. De plus, ces professionnel·le·s doivent pouvoir compter sur une interdisciplinarité globale, fluide et continue pour offrir des services de psychothérapie correspondant aux besoins de chaque patient. C’est une des raisons pour lesquelles nous plaidons auprès du MSSS en faveur des centres locaux de services communautaires (CLSC), qui permettent de dispenser 1 INESSS, Avis sur l’accès équitable aux services de psychothérapie : Volet I – Examen des données probantes sur l’efficacité et le coût de la psychothérapie comparativement à ceux de la pharmacothérapie dans le traitement des adultes atteints de troubles anxieux et dépressifs, 2015.
DÉCEMBRE 2017 13 des services de psychothérapie de proximité adaptés aux besoins de chaque communauté. Il est dans l’ADN des CLSC de répondre aux besoins des populations les plus vulnérables et de favoriser une vision plus démocratique de l’accès aux services psychosociaux de première ligne. D’ailleurs, les CLSC rejoignent le modèle de soins collaboratifs défini par l’INESSS comme « des soins dispensés par des professionnels de spécialités, de disciplines ou de secteurs différents, qui travaillent ensemble à offrir des services complémentaires et un soutien mutuel ». C’est ce modèle de prestation de soins qui permet le mieux aux usagers de bénéficier des soins en santé mentale avec les professionnel·le·s adéquat·e·s, et ce, en temps opportun. En outre, la création d’équipes de soins en santé mentale regroupées dans un seul secteur facilite la communication entre les professionnel·le·s en première ligne, en plus de favoriser la coordination des plans de soins pour éviter les dédoublements inutiles. Ce modèle de collaboration et d’interdisciplinarité permet d’offrir des psychothérapies centrées sur l’usager et sa famille. UNE DES PISTES DE SOLU- TION ÉVIDENTE CONSISTE À AMÉLIORER LES CONDI- TIONS DE PRATIQUE ET DE TRAVAIL DES PROFES- SIONNEL·LE·S ŒUVRANT DANS LE DOMAINE PSY- CHOSOCIAL. C’est par le biais des CLSC que l’ensemble de la population québécoise pourra en bénéficier et non dans les groupes de médecine de famille (GMF). Déjà en 2015, le rapport de la vérificatrice générale qualifiait d’échec le transfert des professionnel·le·s de la santé des CLSC vers les GMF, « car il n’a pas permis une prise en charge des patients plus vulnérables et n’a pas amélioré l’accessibilité aux soins de première ligne 2 ». Sans compter que les organismes communautaires en santé mentale tissent des liens étroits avec les CLSC et deviennent ainsi des partenaires essentiels du réseau de la santé publique au Québec. Les troubles mentaux représentent la deuxième cause de morbidité dans la société et pourraient devenir la première cause mondiale d’ici 2030 3 . Au Québec, une personne sur cinq sera confrontée à un problème de santé mentale dans sa vie 4 , entraînant des coûts directs et indirects très élevés. Devant ces faits, l’État a tout intérêt à favoriser l’accessibilité de la psychothérapie en y associant un financement public. Au-delà de l’amélioration évidente sur le plan humain et sur celui de la qualité de vie des personnes visées et de leur famille, il y a des économies à réaliser en médicaments, en assurance salaire, en assurance invalidité, en absentéisme au travail et même en soins de santé. En fait, la psychothérapie ne devrait pas être perçue comme une dépense, mais bien comme un investissement pour l’ensemble de la société québécoise. Voyons ce qu’en dira l’INESSS et comment le gouvernement disposera de ses recommandations. 2 3 4 Gagné, Stéphane, Les groupes de médecine familiale permettent-ils un accès plus facile aux soins de première ligne? Le Devoir, 2017. Commissaire à la santé et au bien-être, État de la situation sur la santé mentale au Québec et réponse du système de santé et de services sociaux, Gouvernement du Québec, 2012. Lesage, Alain, et Émond, Valérie, Surveillance des troubles mentaux au Québec : prévalence, mortalité et profil d’utilisation des services, Institut national de santé publique du Québec, Surveillance des maladies chroniques, numéro 6, 2012.
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