Gaumont Pathé! Le mag - Février 2018
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L’AUTRE REGARD<br />
CE FILM VAUT LE COUP D’ŒIL<br />
Jusqu’à la garde<br />
XAVIER LEGRAND AUSCULTE UN COUPLE QUI SE DÉCHIRE DANS UNE<br />
MISE EN SCÈNE PRÉCISE COMME UN SCALPEL.<br />
UN PREMIER FILM MONUMENTAL.<br />
PAR PIERRE LUNN<br />
Léa Drucker<br />
et Denis Ménochet.<br />
Jusqu’à la garde s’ouvre sur une séquence dans le<br />
bureau d’un juge, où un couple s’affronte pour<br />
la garde des enfants. Tout est cadré de manière<br />
mathématique. La répartition des plans, la distribution<br />
des rôles, les échanges… <strong>Le</strong> cinéaste observe<br />
une neutralité quasi-procédurière et plonge le spectateur<br />
au cœur d’un dispositif dont il ne sortira plus. <strong>Le</strong>s<br />
avocats défendent comme ils peuvent leurs clients : le<br />
père, en colère semble défait. La mère reste silencieuse,<br />
comme si elle cachait quelque chose. La scène s’achève<br />
et le couple quitte le tribunal. À ce stade impossible de<br />
savoir qui dit la vérité...<br />
Un coup de maître<br />
Ne pas trop en dire, ne pas trop dévoiler l’intrigue.<br />
Jusqu’à la garde est comme un cauchemar dans lequel<br />
on s’enfonce sans vraiment savoir où l’on va. On dira<br />
juste qu’il s’agit d’un couple au bord du divorce et que<br />
l’homme et la femme se disputent le droit de garde. Sur<br />
ce mince sujet, Xavier <strong>Le</strong>grand tisse un thriller étouffant,<br />
stupéfiant de maîtrise. Un vrai morceau de cinéma où la<br />
peur et la violence vont crescendo jusqu’à un final digne<br />
d’un film d’horreur. <strong>Le</strong> cinéaste nous fait passer d’une<br />
tension souterraine à un climat de pur effroi en n’utilisant<br />
que des moyens proprement cinématographiques :<br />
la puissance des cadres (on pense à Kubrick ou Haneke<br />
pour l’aspect monumental et clinique des cadrages), une<br />
utilisation du son terrifiante (vous ne pourrez plus entendre<br />
le bruit d’une clé dans le contact sans sursauter)<br />
ou des plans d’une belle complexité. <strong>Le</strong>grand s’empare<br />
d’un sujet sociologique terriblement banal (la violence<br />
conjugale), le plonge dans un environnement tout ce<br />
qu’il y a d’ordinaire – un appartement de banlieue, une<br />
zone pavillonnaire – pour mieux exploser le naturalisme<br />
et les genres. Pour un premier film, il s’agit d’un vrai<br />
coup de maître.<br />
26<br />
3<br />
bonnes raisons d’y aller<br />
Pour Denis Ménochet<br />
C’est lui le père qui cherche<br />
désespérément à récupérer<br />
ses enfants. Sa silhouette<br />
extra-large, son visage triste<br />
et borné, son jeu minimaliste<br />
et sa présence massive sont<br />
pour beaucoup dans le sentiment<br />
d’angoisse qui prend<br />
le spectateur à la gorge<br />
dès le premier plan.<br />
LES CINÉMAS GAUMONT ET PATHÉ<br />
Pour la mise en scène<br />
Un plan-séquence d’une soirée<br />
d’anniversaire risque de vous<br />
mettre K.-O. et devrait rester<br />
comme l’un des moments cinématographiques<br />
les plus tendus<br />
et spectaculaires de l’année. On<br />
n’entend que la musique mais<br />
le drame se joue précisément à<br />
ce moment-là. <strong>Le</strong> suspense est<br />
à son comble.<br />
Pour Léa Drucker<br />
Mère courage au visage triste,<br />
Léa Drucker est l’autre pôle<br />
du film. Quel est vraiment son<br />
rapport au père de ses enfants ?<br />
Que cherche-t-elle à fuir ou<br />
à protéger ? L’extraordinaire<br />
talent de la comédienne est<br />
parfaitement canalisé par la<br />
direction d’acteur de <strong>Le</strong>grand,<br />
toujours très juste.<br />
JUSQU’À LA GARDE<br />
Réalisation : Xavier <strong>Le</strong>grand<br />
Avec : Léa Drucker, Denis<br />
Ménochet...<br />
Genre : Thriller<br />
Durée : 1 h 33<br />
SORTIE : 7 FÉVRIER