Les conseils de l’Esprit. Lire les lettres d’Ignace de Loyola

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8 Introduction question en plus de six cents pages 3 . Pour notre part, nous cherchons à observer la manière dont Ignace de Loyola répond aux questions de vie spirituelle qui lui sont posées par ceux qui le considèrent comme un maître, que ce soit avant la fondation de la Compagnie ou après, à un moment où sa position de premier Préposé général lui donne une autorité particulière. Nous procéderons à la lecture de quelques lettres. Peutêtre le lecteur s’étonnera-t-il d’un choix si restreint. Nous préférons suggérer une manière de lire et faire découvrir une pratique. Choisir ces quelques lettres nous a conduit à prendre une autre décision : ne faire lire que celles d’Ignace de Loyola sans restituer les échanges entre Ignace et ses correspondants. Le travail des éditeurs espagnols des Monumenta au début du siècle précédent offre, il est vrai, certaines possibilités. À regarder de plus près toutefois, on ne dispose guère de la correspondance suivie, sauf lorsqu’il s’agit des premiers compagnons d’Ignace. Nous proposerons, dans un prochain livre, une lecture de ces correspondances 4 . Entrer dans la correspondance entre Ignace et ses contemporains aurait enfin demandé d’éclairer le lecteur actuel par une importante érudition 5 . Elle l’aurait détourné de l’objectif poursuivi ici, lui permettre de lire à son tour une correspon- 3. D. Bertrand, La politique de saint Ignace, Cerf, Paris, 1985. 4. Je mène ce travail avec Pierre Antoine Fabre dans l’espoir de faire entrer dans les relations qui se tissaient entre les premiers compagnons, nous interrogeant moins alors sur la pratique du conseil que sur le mouvement de la fondation et ses acteurs. 5. On trouvera encore une autre approche dans Hugo Rahner (éd.), Ignace de Loyola et les femmes de son temps, 2 vol., Desclée de Brouwer, coll. Christus, Paris, 1963. Ce livre fait entrer dans le style de relations qu’Ignace nouait avec des « femmes de son temps », faisant découvrir son univers social et religieux. S’il y a urgence à donner à lire les échanges d’Ignace avec ses correspondants, hommes et femmes, le travail nécessaire exige la patience de la recherche. La biographie d’Enrique García Hernán, Ignacio de Loyola, Taurus, Madrid, 2013 (trad. fr. P.-A. Fabre, Seuil, Paris, 2016), fournit dorénavant le cadre historique et la trame narrative de ces relations.
Introduction 9 dance aisément accessible dans des anthologies. La lecture des lettres d’Ignace permet d’entrer dans sa spiritualité en découvrant comment il concevait ce qui fut au cœur de son désir d’aider les âmes. Ce livre souffre donc d’une profonde limite. Il amplifie trop la voix d’Ignace. Espérons qu’il en fasse découvrir le style. Loin d’être une somme ou une synthèse, ce livre se veut donc plutôt une introduction, en forme de première exploration. Beaucoup de précisions historiques resteront dans l’ombre. Les problèmes théologiques ne feront qu’affleurer. Nous ne cherchons pas davantage à établir une méthode d’accompagnement qui serait aujourd’hui transposable. Il nous paraît possible en revanche de décrire une manière sans chercher à normaliser une pratique. Nous entrons ainsi dans un problème central que pose la spiritualité ignatienne, celui du rapport à la règle : pourquoi Ignace donne-t-il des règles, de discernement, mais aussi des règles de vie, s’il entend, comme on le prétend, faire entrer dans un usage de la liberté que, selon lui, Dieu donne à l’homme ? S’il y a pédagogie spirituelle, il y a maître, et dès lors se pose la question de son autorité, c’est-à-dire de la nature de la relation qui s’instaure entre celui qui demande conseil et celui qui le donne. Il faudra donc bien s’intéresser aux conseils qui sont donnés, sur quoi ils portent, ce à quoi ils entraînent. Les discours d’Ignace recèlent une force de persuasion, une autorité, dont on devra se demander comment elle compte avec la liberté de celui qui s’adresse au conseiller. L’hypothèse, spirituelle, que nous formulons est que l’articulation de l’autorité du conseiller à la liberté de celui qui demande conseil se joue dans la pédagogie de la consolation proposée par Ignace. Ainsi chacun, avec l’aide bienveillante d’un autre dont l’expérience est reconnue, trouve-t-il la règle de sa conduite. Il nous faudra donc nous arrêter tout autant aux conseils donnés qu’à la manière dont Ignace conçoit devoir les donner et pense qu’ils peuvent être reçus. Pour le dire autrement, nous verrons qu’Ignace est attentif à ce
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