Rapport de la mediatrice Marie-Laure Augry

LE TRAUMATISME
DES ATTENTATS
Jusqu’où va le devoir d’informer ?
Que s’autorise-t-on à dire et à montrer ?
Ces interrogations, nous les avons
partagées avec de nombreux
téléspectateurs sur le plateau de
Votre télé et vous.
Des questions récurrentes,
qui sont au cœur de notre
responsabilité journalistique.
– Que peut-on dire ou montrer
sans risquer de mettre en danger
qui que ce soit ?
– Faut-il considérer que toute
image est une information ?
– Sommes-nous assez attentifs à
ne pas faire le jeu des terroristes ?
– Comment éviter
l’instrumentalisation ?
– Comment être plus prudent
dans les images et les messages
retransmis sans plonger dans une
forme de censure ?
Toutes ces interrogations ont
eu une résonance particulière
au moment des attentats.
Une situation à laquelle
nous n’avions jamais été
confrontés, journalistes comme
téléspectateurs.
« Je suis restée sidérée de
voir que l’on pouvait donner
autant de détails sur les
otages, les opérations en
cours. L’information doit être
utile, avoir une valeur ajoutée.
Certaines, à mon sens, pouvaient
être dangereuses face aux
événements en cours. Plus que
jamais, il faut être vigilant. »
« J’ai plutôt apprécié le travail
des rédactions de France
Télévisions, mais parfois n’en
n’avez-vous pas trop dit ? Vous
avez en cette période une grande
responsabilité. »
« Toutes les chaînes qui ont
choisi de faire de l’information
en continu devraient visionner
de façon critique ces heures de
direct et en tirer les leçons pour
l’avenir. »
« J’ai apprécié que vous ayez
choisi de ne pas tout montrer et
de vous en être expliqué. C’est
un choix responsable. Du vrai
journalisme, informer sans faire
de la télé-réalité. »
« Comment être plus prudent
dans les images et les messages
retransmis sans plonger dans une
forme de censure ?
« Comment conciliez-vous votre
mission d’information et les
risques de manipulation ? »
« Comment trancher entre le
sensationnel et le fondamental,
sachant combien il est difficile de
retenir l’attention sur des sujets
difficiles ? »
« Comment concilier la rigueur
dans la relation des faits, la
pression de la nécessité d’un
audimat satisfaisant, l’accroche
indispensable du téléspectateur
saturé par les informations ? »
La couverture des attentats de
janvier a donné lieu à quelques
dérapages soulignés par les
téléspectateurs, reconnus par les
rédactions. Le CSA s’en est saisi.
Des initiatives ont été prises
par plusieurs rédactions, et
notamment à France Télévisions.
De nouvelles règles de conduite
ont été définies pour la couverture
des attentats. Parmi les décisions,
celle de ne plus prendre en direct
un témoignage, de ne pas jouer
la précipitation et de mettre
en place tout un processus de
vérification.
Quelques mois plus tard, la
couverture des attentats de
novembre 2015 n’aura donné lieu
à aucun dérapage.
Les réactions des téléspectateurs
ont été unanimes pour saluer,
cette fois, le ton et la prudence
des rédactions de France 2 et
France 3.
« Au-delà de la densité
émotionnelle des événements, j’ai
trouvé le traitement médiatique
plus professionnel, plus prudent
qu’en janvier. »
« On sentait que l’information
était validée avant d’être
présentée à l’antenne. Il y avait
beaucoup de réserves, et c’est très
bien ainsi. Je n’ai pas constaté de
dérapages. »
« J’ai apprécié le choix des
images toujours accompagnées
d’un commentaire pour les
comprendre et mieux les
accepter. La restitution des
attentats dans les journaux
télévisés a toujours été dans la
retenue. »
« J’ai aimé la sobriété des
informations. J’ai suivi les
émissions en direct et j’ai trouvé
qu’il n’y avait pas de voyeurisme,
seulement de l’information sur
l’horreur qui nous terrassait en
plein cœur. »
« Des reproches ? Très peu. Sans
doute beaucoup trop de redites,
de témoignages qui tournent en
boucle. Traiter l’actualité en direct
est une chose, l’expliquer en
est une autre. Expliquer permet
aussi d’éviter les amalgames, les
réactions spontanées qui peuvent
conduire à des dérapages. »
« Je souhaite que les médias
continuent ainsi. Je leur demande
ce travail de recul que je n’ai
pas la force d’avoir. Face à
la gravité des événements les
journalistes doivent faire face à
un défi de taille : ne pas rendre
les téléspectateurs trop moroses,
mais ne pas les laisser dans le
déni non plus. »
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