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Haiti Liberte 16 Mai 2018

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Perspectives<br />

La police nationale a-t-elle demandé au gangster Tèt Kale de<br />

liquider Bougòy en échange de sa libération?<br />

Par Robert Lodimus<br />

« Ce qui arrive à l’humanité est la<br />

conséquence des pensées et des actes<br />

des hommes. À eux d’en analyser les<br />

conséquences et d’en trouver les remèdes.<br />

»<br />

Albert Jacquard, J’accuse, page 171)<br />

La République d’Haïti s’enfonce dans<br />

un trou béant. Et les observateurs<br />

se demandent comment va se produire<br />

le miracle de sa remontée à la surface.<br />

En vérité, la traversée du désert de la<br />

population haïtienne est mortifère. Catastrophique.<br />

Vraiment difficile pour ce<br />

pays de 27 750 kilomètres carrés, avec<br />

une population estimée à près de 11<br />

millions d’habitants, de survivre à cette<br />

triste et regrettable mésaventure qu’elle<br />

a entreprise depuis le 1 er janvier 1804.<br />

Pas un jour sans manifestation<br />

de revendications politiques et salariales!<br />

Les fonctionnaires de l’Office<br />

d’Assurances des Véhicules Contre<br />

Tiers (OAVCT) refusent de retourner à<br />

leurs bureaux. Ils réclament le renvoi<br />

du directeur de l’institution, Wolff Dubic,<br />

qui exige des employés grévistes<br />

une nouvelle soumission de leur curriculum<br />

vitae, appuyé par une lettre de<br />

recommandation. Une mesure que les<br />

Décimus alias Tèt kale<br />

membres du personnel qualifient de<br />

farfelue. Et ils ont tout à fait raison.<br />

Surtout lorsque l’on sait que la plupart<br />

d’entre eux cumulent des années<br />

d’ancienneté au sein de cette « boîte »<br />

désorganisée. Entre temps, les usagers<br />

sont aux abois. Des automobilistes<br />

écopent des billets de contravention<br />

parce que leurs pièces d’assurance<br />

justificatives ne sont pas renouvelées.<br />

Les policiers affectés au service de la<br />

circulation ne tiennent pas compte de<br />

cet état de fait.<br />

Le chef de la police nationale<br />

d’Haïti Michel-Ange Gédéon<br />

méprisés. Frantz Fanon dirait luimême<br />

des « damnés de la terre ».<br />

L’âne peut imiter le cri du « tigre »,<br />

mais jamais n’arrivera à changer son<br />

apparence. Même avec une fortune<br />

évaluée à des milliards de dollars US,<br />

le singe ira toujours chercher sa banane<br />

dans la forêt. Et c’est par là qu’on le<br />

reconnaîtra. Aucune espèce animale<br />

n’échappe à sa nature.<br />

Et puis, quel mal y a-t-il pour<br />

un individu d’avoir des souches rurales?<br />

Ce sont les paysans qui avaient<br />

l’habitude de nourrir ce pays. Ce sont<br />

encore eux qui formaient les unités de<br />

guérilla des « cacos » qui combattirent<br />

vaillamment les forces de l’occupation<br />

des États-Unis de 1915 à 1934.<br />

Le tonnerre gronde<br />

À travers le territoire national, les voix<br />

s’élèvent contre la pénurie alimentaire,<br />

la cherté de la vie, le chômage,<br />

la dégradation de l’environnement…<br />

Partout, les citoyens réclament et exigent<br />

la fin du régime des Tèt Kale. Nous<br />

voyons mal comment la présidence illégale,<br />

antipeuple, prédatrice de Jovenel<br />

Moïse, Jack Guy Lafontant, Wilson<br />

Laleau, Guichard Doré…, puisse mener<br />

à terme le mandant que lui a confié<br />

Léopold Berlanger et ses ouailles.<br />

Dans l’œuvre immortelle de<br />

Shakespeare, Roméo et Juliette, le Frère<br />

Laurent, en apprenant que le Frère<br />

Jean, à cause de l’épidémie de la peste,<br />

n’a pas pu transmettre son message à<br />

Roméo, à propos de la mort affabulée<br />

de Juliette, poussa ce soupir prophétique<br />

: « Je pressens un très grand malheur.<br />

» Effectivement, la fin de l’histoire<br />

se referma sur une intense tragédie.<br />

Sans être Nostradamus, n’importe<br />

qui pourrait se permettre de se<br />

lancer dans des prédictions apocalyptiques<br />

par rapport à l’avenir de la République<br />

d’Haïti. Il se dessine à l’horizon<br />

une détresse indescriptible. Les<br />

Haïtiens sont en train de faire face à la<br />

pire des périodes de crise que leur pays<br />

ait jamais traversées durant les 214 ans<br />

de la création de l’État postcolonial. À<br />

part l’oligarchie qui continue de s’enrichir,<br />

en exploitant éhontément la classe<br />

ouvrière, les petits agriculteurs, les<br />

petits artisans, toutes les couches sociales<br />

du territoire vivent des moments<br />

de difficultés mordantes, incisives,<br />

acrimonieuses. L’inflation forme une<br />

courbe exponentielle. Les petites gens<br />

ne meurent pas. Comme l’écrit Gorki à<br />

propos de Vlassov : « Ils crèvent. »<br />

Les ouvrières et les ouvriers de<br />

l’industrie du textile se sont vu trahir<br />

par l’un des leurs. Jovenel Moïse a préféré<br />

se ranger aux côtés des « chacals »<br />

qui dévorent leur « force de travail »,<br />

au lieu de leur accorder cette petite<br />

augmentation de salaire qui aurait<br />

pu leur permettre d’ajouter quelques<br />

branches de spaghetti, et un petit<br />

poisson des chenaux dans les assiettes<br />

des gosses mal nourris, sous-alimentés.<br />

Le gouvernement du PHTK mise<br />

sur la prolifération des gangs armés de<br />

Grand-Ravine, et d’autres quartiers défavorisés<br />

de Port-au-Prince, des villes<br />

de province et des bourgs pour s’accrocher<br />

aux remparts du palais de la présidence.<br />

Il distribue des armes et des munitions<br />

aux « enfoirés » analphabètes,<br />

malveillants, méchants, pour qu’ils<br />

contraignent les individus à se terrer<br />

chez eux comme des lapins. Des tirs<br />

d’armes automatiques ponctuent les<br />

heures de la journée et de la nuit.<br />

Obligeant les familles à se préoccuper<br />

encore plus de leurs conditions de<br />

sécurité que de leur situation de<br />

pauvreté.<br />

La direction de la police nationale,<br />

jusqu’à présent, n’est pas en<br />

mesure d’informer la population du<br />

sort qui a été réservé au photojournaliste<br />

Vladjimir Legagneur. Et pourtant,<br />

le pays entier raconte que le « pauvre<br />

Vladjimir » a été exécuté par balles<br />

et son cadavre mutilé par l’assassin<br />

Bougòy et ses cannibales. Aucune unité<br />

du corps policier n’ose affronter ces vanu-pieds<br />

de la criminalité qui tiennent<br />

l’État en otage. Voilà donc ce qu’il en<br />

est de placer des trafiquants de drogue,<br />

des blanchisseurs de l’argent sale, des<br />

dilapidateurs des fonds PetroCaribe à<br />

la tête du pays fondé par Jean-Jacques<br />

Dessalines, Alexandre Pétion, Catherine<br />

Flon, Henri Christophe…!<br />

Le jeudi 24 juillet 2014, un chef<br />

de gang, Mackendy François alias « Ti<br />

Kenkenn » est sauvagement assassiné<br />

par deux de ses lieutenants, dont Joseph<br />

Kénold Junior, surnommé Junior Dòy, à<br />

Grand-Ravine, un quartier misérable de<br />

la zone de Martissant située au Sud de<br />

la capitale haïtienne, Port-au-Prince.<br />

Au micro de la presse, le tueur principal,<br />

qui sera exécuté lui aussi trois mois<br />

après par le redoutable Tèt Kale, avait<br />

révélé impunément les « mobiles » du<br />

meurtre : « Lorsque les ONG ou les partis<br />

politiques octroyaient des montants<br />

d’argent à « Ti Kenkenn » notre chef,<br />

celui-ci refusait de les partager avec<br />

nous. Il gardait tout pour lui… Il se<br />

permettait même de coucher avec nos<br />

femmes, et nous ne pouvions pas protester.<br />

Ses chiens étaient mieux nourris<br />

que nous. Il nous obligeait tous les<br />

jours à prendre la rue pour aller braquer<br />

les individus qui revenaient de la<br />

banque, et à lui remettre tout le montant<br />

du vol.»<br />

Le photojournaliste Vladjimir<br />

Legagneur<br />

Le 3 décembre <strong>2018</strong>, après l’assassinat<br />

de Junior Dòy, le puissant chef<br />

de gang, Tèt Kale, en partance pour<br />

les États-Unis avec sa petite amie, a<br />

été harponné à l’aéroport international<br />

Toussaint Louverture.<br />

Depuis son arrestation, le dangereux<br />

hors-la-loi est gardé dans une<br />

prison de la capitale. Il avait en sa possession<br />

un visa de 5 ans estampillé sur<br />

son passeport valide. Le tueur à gage<br />

était-il en mission commandée? La<br />

question a toute son importance. Elle<br />

ouvre la porte à un questionnement.<br />

Dans quelle mesure des instances de<br />

la communauté internationale présente<br />

en Haïti, des acteurs du gouvernement<br />

haïtien, des parlementaires, des clans<br />

de la bourgeoisie compradore n’utilisent-ils<br />

pas les bras des gangs armés<br />

du Village-de-Dieu, de Grand-Ravine,<br />

de Cité Plus, de toutes les zones dites<br />

de non-droit, aux fins de commettre<br />

des meurtres extraterritoriaux? Serions-nous<br />

encore dans la méthode et<br />

la pratique des crimes commandités par<br />

la raison d’État, et dans lesquels sont<br />

impliqués les services d’intelligence<br />

comme la CIA, le KGB, la mafia...? Les<br />

ennemis du régime politique des Tèt<br />

Kale, qui vivent dans les milieux de la<br />

diaspora, ne devraient-ils pas prendre<br />

le temps d’y réfléchir?<br />

Nos sentiments de doute sortent<br />

encore plus renforcés, lorsque nous<br />

avons appris la semaine dernière<br />

que le juge d’instruction, Bredy Fabien,<br />

s’apprêtait à renvoyer hors des<br />

liens de la prévention le « Caïphe »<br />

de Grand-Ravine, celui qui a exécuté<br />

publiquement son associé Junior Dòy,<br />

et qui s’en est vanté, pour « insuffisance<br />

de preuve ». Ce Bredy Fabien<br />

attend-il que ce Junior Décimus assassine<br />

toute la population de Grand-Ravine,<br />

ou son épouse et ses enfants,<br />

avant de reconnaître que ce « voyou »<br />

est effectivement un criminel, et par<br />

conséquent, mérite un procès digne<br />

et équitable, comme cela se fait dans<br />

toutes les sociétés de droit ?<br />

Et si l’on poussait plus loin<br />

cette analyse sur la compréhension<br />

de cette affaire nébuleuse. Pourquoi le<br />

juge Bredy Fabien prenait-il brusquement<br />

la décision controversée d’ouvrir<br />

la cellule de Tèt Kale, et de renvoyer<br />

l’animal paître dans son pâturage de<br />

délinquance? Au départ de Décimus,<br />

le hideux Bougòy combla le vide de la<br />

chefferie. Libéré de prison Tèt Kale allait<br />

devoir liquider son remplaçant de facto<br />

pour reprendre possession du trône. Un<br />

véritable feuilleton cinématographique<br />

à la Hollywood. Bougòy, désarçonné<br />

par la drogue et le clairin, parle trop. Sa<br />

langue reste pendante sur plusieurs stations<br />

de radiodiffusion. Ses « Grands<br />

Patrons » craignent que, noyé sous<br />

l’effet des narcotiques, il se mette à citer<br />

des noms. C’est l’une des explications<br />

plausibles du communiqué publié par<br />

le ministère de la Justice, à propos<br />

des conversations qui se déroulaient<br />

entre des animateurs comme Guerrier<br />

et les chefs de gangs. Les autorités<br />

judiciaires et policières n’auraient-elles<br />

pas conclu un accord secret avec Junior<br />

Décimus, alias Tèt Kale, pour qu’il liquidât<br />

Bougòy et ses lieutenants? En<br />

échange, il aurait obtenu un montant<br />

d’argent pour sa réinsertion sociale et<br />

celle de ses partisans. Leurs crimes auraient<br />

été blanchis.<br />

suite à la page(<strong>16</strong>)<br />

Une Nation à la dérive<br />

Rien ne fonctionne dans ce gouvernement<br />

dirigé par deux néophytes sans<br />

conscience. Jovenel Moïse et Jack Guy<br />

Lafontant multiplient l’insouciance,<br />

l’incompétence, l’ignorance et l’inexpérience<br />

pour en obtenir des produits<br />

de l’absurdité. Même son grand frère,<br />

un certain Gabriel Moïse, est venu<br />

dénoncer le cynisme, le mépris de cet<br />

homme à l’égard de ses proches parents.<br />

Quelqu’un qui délaisse les membres<br />

de sa famille, du côté aussi bien<br />

utérin que consanguin, ne saurait se<br />

montrer sensible aux souffrances des<br />

masses populaires. Pourtant, l’escogriffe<br />

idolâtre la petite classe possédante.<br />

« La Grenouille qui se prend pour un<br />

Bœuf. » Jovenel Moïse devrait savoir<br />

que cette pseudo-bourgeoisie, composée<br />

de la clique de commerçants du<br />

bord de mer, nourrit des préjugés sociaux<br />

graves envers les masses issues de<br />

la paysannerie.<br />

En qualité de fils et fille naturels<br />

des campagnes et des mornes,<br />

Jovenel et Martine Moïse croient à<br />

tort qu’ils sont épargnés du lot des<br />

Visits and Compensation:<br />

- Complete screening visit: $50<br />

- Complete bronchoscopy: $200<br />

For More Information Contact the Department<br />

of Genetic Medicine at Weill Cornell Medicine<br />

Monday–Friday | 9am–5pm<br />

646.962.2672 | cora@med.cornell.edu<br />

Diagnosed<br />

with COPD?<br />

Seeking Individuals for a Research Study<br />

WCMC IRB<br />

Approval Date: 04/26/<strong>2018</strong><br />

Expiration Date: 02/12/2019<br />

IRB Approved Protocol #1204012331<br />

Vol 11 # 45 • Du <strong>16</strong> au 22 mai <strong>2018</strong><br />

<strong>Haiti</strong> Liberté/<strong>Haiti</strong>an Times<br />

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