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Le Confiné Libéré 10

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républicaines représente cette nouvelle

génération d’écrivains dont la mission est

d’apporter au monde une lumière

idéologique, auréolée par la poésie. Mais la

pensée hugolienne veut se placer au-dessus

de l’Histoire. Après tout Hugo n’est-il pas ce

grand exilé, le grand malheureux par

excellence, ce poète de génie qui seul peut

s’assimiler à la grande douleur humaine parce

que poète, et d’exprimer les grandes vérités

du monde ? Quels soupirs poignants de

l’écrivain qui nous effraient autant qu’ils nous

fascinent !

« J’étais jadis, comme aujourd’hui

Le passant qui regarde en bas, l’homme des songes.

Mes enfants, à travers les brumes, les mensonges

Les lueurs des tombeaux, les spectres des chevets,

Les apparences d’ombres et de clartés, je vais,

Méditant, et toujours un instinct me ramène

A connaître le fond de la souffrance humaine.

L’abîme des douleurs m’attire. »

(Contemplations, V, 26)

L’ego d’Hugo est un ego collectif car à travers

lui semble se retrouver la société entière. En

parlant de lui, il affirme comprendre la misère

humaine et crée un lien insécable entre lui

tous ceux qui souffrent. Son propre malheur,

la mort de Léopoldine et son exil, le rapproche

de ce qu’on appelle « l’autre ». Ainsi Hugo

façonne un « Moi » universel dont il est

l’unique représentant. Et cependant bien plus

qu’un maître à penser, Hugo se présente

comme une sorte de messager divin. La

nature, où le « moi » romantique s’exprime le

mieux, n’est qu’une approche panthéiste du

divin qui se reflète à travers chaque élément

naturel. L’amour et même la rédemption ne

viennent plus de Dieu mais de la nature qui

seule devient témoin de la détresse humaine.

Le « moi » hugolien est exalté, non plus

comme une évasion personnelle du poète,

mais comme le seul qui puisse recueillir cette

émanation divine. Hugo est donc le nouveau

prophète, le voyant, qui apporte une vision

approfondie des choses. A partir de là, la

contemplation n’est plus spirituelle mais

poétique. Danger de cette appropriation

métaphysicienne de la nature qui ne voit plus

l’œuvre d’un Dieu créateur mais l’équivalence

de la divinité ! Cette proximité de l’homme

romantique avec la nature n’est-elle pas une

façon de recréer une nouvelle religion ? Ainsi

s’adresse Hugo aux poètes dans son poème

intitulé « Les Mages » ( Contemplations) :

« Vous voyez, fils de la nature,

Apparaître à votre flambeau

Des faces de lumière pure,

Larves du vrai, spectre du beau. »

Et Hugo malgré tout nous emporte, fait vibrer

les écoliers sur leurs bancs de classe, fait

chavirer les romanesques, délectent les

amoureux de la belle langue. Gide, à qui on

demandait qui était le plus grand des écrivains

français, répond : « Hugo, hélas ! ».

L’emblème du Romantisme reste pourtant ce

génie de la poésie, certes avec un orgueil

surdimensionné, mais aussi avec un plume

que nul ne peut égaler.

Marie Léger

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