Miles #39 - S'INSPIRER POUR SE REINVENTER
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ART(ISAN)<br />
KASPAR HAMACHER<br />
DE QUEL BOIS NOUS SOMMES FAITS<br />
Sculpteur-designer-artiste, un peu comme les frontières des trois pays sur lequel il travaille à cheval, il refuse de<br />
segmenter son œuvre ou de se laisser enfermer dans une case. Près d’Eupen, où il a installé son atelier, ce Belge<br />
germanophone qui se sent surtout européen, est d’ailleurs aussi artisan et menuisier.<br />
Elisabeth Clauss<br />
Son expression passe par la sculpture monumentale<br />
de troncs comme forme d’art<br />
qui échappe à la digitalisation. À 39 ans,<br />
Kaspar Hamacher vit de, et pour son art.<br />
Depuis quelques années, sa cote décolle,<br />
sans doute parce que le public a besoin<br />
de sentir l’âme d’objets qui ne peuvent<br />
se dématérialiser. On pourrait l’imaginer<br />
taiseux, mais Kaspar est au contraire volubile quand il parle<br />
du bois, intarissable pour évoquer la féminité dans les inspirations<br />
de sa nouvelle exposition. Du 27 juin au 26 septembre<br />
2021, il présentera « Terre Mère » au CID Grand-Hornu. Une<br />
quarantaine de sphères de bois massif, colorées par le feu<br />
selon un camaïeu aléatoire, quoique choisi. Par la nature, et<br />
par lui.<br />
Son exposition de sphères organiques raconte l’humus, la<br />
terre d’où poussent les arbres. « Sans ce féminin, c’est le désert.<br />
« Terre Mère » recèle un double sens, celui du sol, et de<br />
la planète. Dans mon parcours, les femmes m’ont guidé, mais<br />
pas dirigé. Elles m’ont ouvert des portes. Elles m’ont donné<br />
de la force et une direction. Nous sommes complémentaires,<br />
comme la terre et le feu. Pour moi, les femmes et le temps<br />
construisent l’humanité. » Une poésie matérialisée, qui illustre<br />
un propos aux infinis embranchements : pierre qui roule<br />
amasse amour.<br />
cid-grand-hornu.be<br />
Une vocation qui pousse<br />
Le sculpteur travaille près de l’endroit où il est né, dans une<br />
maison de garde forestier – la profession de son père – avec<br />
une mère enseignante dans le système Steiner. Autodidacte,<br />
quasi autosuffisant, il a grandi entouré d’animaux de ferme, et<br />
de forêt. Sa réflexion sur le bois remonte à ses travaux d’école<br />
lorsqu’il ramassait, brossait et vendait des racines dans la cour<br />
de l’école. « Dans le cadre de l’éducation Steiner, nous devions<br />
explorer des domaines d’apprentissage, et je me suis intéressé<br />
assez tôt à l’œuvre de Brancusi. À 16 ans, je passais mes<br />
vacances en stages auprès des menuisiers de la région, pour<br />
apprendre et explorer ». Après avoir mené des études d’art à<br />
Maastricht, il a voulu évider un tronc d’arbre tout entier pour<br />
un projet. Comme il ne disposait pas des outils nécessaires<br />
et qu’aucun vilebrequin géant n’avait été mis à sa disposition,<br />
il a cherché une solution. Et découvert le feu, moyen le plus<br />
simple de creuser du bois. Avant de revenir vivre au plus près<br />
de la/sa nature, Kaspar s’est posé un temps à Bruxelles, y a<br />
créé un studio avec d’autres designers. Mais là, c’est la ville<br />
qui l’a brûlé de l’intérieur. « J’ai besoin de bouger, de travailler,<br />
de voir le résultat de ce que je fabrique avec mes mains. Les<br />
intermédiaires drainent mes énergies créatrices. Là où je suis<br />
maintenant, je dispose de toutes les connexions nécessaires,<br />
des interactions familiales ». Il a les branches et les racines.<br />
Alors il sculpte le bois, cette matière essentielle, impossible à<br />
galvauder. Et insuffle une dimension spirituelle à son travail :<br />
« je cherche toujours mon équilibre. Je suis balance, né en octobre.<br />
Toujours en mouvement, curieux. J’ai besoin de m’agiter<br />
toute la journée, et le soir, j’aime quand la fatigue physique<br />
me recentre ».<br />
Son lien au féminin<br />
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