25.12.2012 Views

othello dans le temps - Odéon Théâtre de l'Europe

othello dans le temps - Odéon Théâtre de l'Europe

othello dans le temps - Odéon Théâtre de l'Europe

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

OTHELLO, ENTRE ÉTRANGER ET ”ÉTRANGETÉ”<br />

OTHELLO.<br />

Son père m’aimait, il m’invitait souvent.<br />

Il voulait entendre l’histoire <strong>de</strong> ma vie<br />

jour après jour - <strong>le</strong>s batail<strong>le</strong>s, <strong>le</strong>s sièges,<br />

<strong>le</strong>s hauts, <strong>le</strong>s bas par où j’étais passé.<br />

Et je revivais tout, <strong>de</strong>puis mes premiers jours d’enfance<br />

jusqu’au moment où il m’engageait à lui raconter.<br />

Je contais donc mes revers <strong>de</strong> fortunes,<br />

<strong>le</strong>s bou<strong>le</strong>versements, sur terre, sur mer,<br />

la mort qui me frô<strong>le</strong> d’un cheveu sur la brèche,<br />

ma capture par d’arrogants ennemis<br />

qui me vendirent comme esclave, mon rachat,<br />

<strong>le</strong> récit <strong>de</strong> mes voyages : cavernes profon<strong>de</strong>s,<br />

déserts sans fin, carrières chaotiques, roches,<br />

montagnes au pic touchant <strong>le</strong> ciel - tels furent mes mots.<br />

Avec <strong>le</strong>s canniba<strong>le</strong>s qui se mangent <strong>le</strong>s uns <strong>le</strong>s autres,<br />

<strong>le</strong>s anthropophages, et puis aussi ces espèces d’hommes<br />

dont la tête pousse au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong>s épau<strong>le</strong>s. À écouter cela,<br />

Des<strong>de</strong>mone aimait s’abandonner.<br />

Souvent <strong>le</strong>s affaires domestiques l’éloignaient du récit, expédiant ses<br />

travaux el<strong>le</strong> revenait au plus vite et d’une oreil<strong>le</strong> avi<strong>de</strong>,<br />

dévorait mes paro<strong>le</strong>s. Ayant observé cela et profitant<br />

un jour d’un moment favorab<strong>le</strong><br />

j’ai patienté jusqu’à ce qu’el<strong>le</strong> me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, d’un coeur sincère,<br />

<strong>de</strong> lui raconter l’histoire <strong>de</strong> ma vie,<br />

qu’el<strong>le</strong> n’avait entendue que par bribes,<br />

mais non pas entièrement. J’y consentis.<br />

Souvent el<strong>le</strong> versa <strong>de</strong>s larmes<br />

quand je parlais <strong>de</strong>s coups du sort<br />

dont souffrit ma jeunesse. Mon histoire terminée,<br />

el<strong>le</strong> offrit ses soupirs pour mes peines<br />

et jura que c’était étrange, vraiment étrange,<br />

que c’était déchirant, affreusement déchirant,<br />

el<strong>le</strong> disait qu’el<strong>le</strong> aurait préféré n’avoir rien entendu, el<strong>le</strong> disait<br />

que si <strong>le</strong> Ciel l’avait fait naître homme, el<strong>le</strong> aurait voulu être cet homme-là.<br />

El<strong>le</strong> me dit merci et me dit que si j’avais un ami qui fut amoureux d’el<strong>le</strong>,<br />

il me suffirait <strong>de</strong> lui apprendre à raconter mon histoire<br />

pour la conquérir. À cette invite, je me suis déclaré.<br />

El<strong>le</strong> m’aima pour <strong>le</strong>s dangers que j’avais traversés,<br />

moi, je l’aimais pour la compassion qu’ils firent naître en el<strong>le</strong>.<br />

Voilà toute la sorcel<strong>le</strong>rie dont j’ai usé.<br />

Mais el<strong>le</strong> vient, qu’el<strong>le</strong> en témoigne.<br />

Othello, Shakespeare, Acte I , scène 3, traduit par Rémi DE VOS, Éditions Descartes et Cie - Oct 08<br />

“ Alboury : On dit que mes cheveux sont entortillés et noirs parce que l’ancêtre <strong>de</strong>s nègres, abandonné par Dieu puis par tous <strong>le</strong>s hommes se<br />

retrouva seul avec <strong>le</strong> diab<strong>le</strong>, abandonné lui aussi <strong>de</strong> tous, qui alors lui caressa la tête en signe d’amitié ; et c’est comme cela que mes cheveux ont brûlé.<br />

Léone : J’adore <strong>le</strong>s histoires avec <strong>le</strong> diab<strong>le</strong>, j’adore comme tu <strong>le</strong>s racontes. Tu as <strong>de</strong>s lèvres super ; d’ail<strong>le</strong>urs <strong>le</strong> noir, c’est ma cou<strong>le</strong>ur.<br />

Alboury : C’est une bonne cou<strong>le</strong>ur pour se cacher.”<br />

Bernard-Marie KOLTES, Combat <strong>de</strong> nègre et <strong>de</strong> chiens<br />

Othello/ 6 novembre › 7 décembre 2008 33

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!