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othello dans le temps - Odéon Théâtre de l'Europe

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La femme, victime sacrificiel<strong>le</strong><br />

Figures <strong>de</strong> l'altérité, vouées a l'inexistence <strong>dans</strong> <strong>le</strong>ur vie socia<strong>le</strong> comme <strong>dans</strong> l'amour, <strong>le</strong>s femmes sont ici <strong>le</strong> prétexte et <strong>le</strong> lieu<br />

du tragique. Dans l'univers typiquement masculin <strong>de</strong> la politique (représenté par <strong>le</strong> doge et <strong>le</strong>s sénateurs assemblés en<br />

Conseil), et <strong>de</strong> la guerre (la garnison <strong>de</strong> Chypre), <strong>le</strong>ur i<strong>de</strong>ntité est tracée, fixée en images codifiées, qui,<br />

circulant <strong>de</strong> la comédie à la tragédie, sont <strong>de</strong>s types conventionnels sur la scène <strong>de</strong> l'époque : la jeune fil<strong>le</strong> cloîtrée chez son<br />

père, l'épouse dont la place est définie par <strong>le</strong> statut social <strong>de</strong> son mari, et la courtisane Desdémone, Emilie, Bianca, et, <strong>dans</strong><br />

<strong>le</strong> hors-scène, la servante Barbara, dont <strong>le</strong> mélancolique souvenir revient hanter <strong>le</strong>s <strong>de</strong>rnières heures <strong>de</strong> Desdémone.<br />

Iago dresse lui-même la liste <strong>de</strong>s seuls rô<strong>le</strong>s dévolus aux femmes : la péronnel<strong>le</strong>, l'indo<strong>le</strong>nte, la niaise, toutes éga<strong>le</strong>ment<br />

dévergondées, y ajoutant un éloge ambigu pour cel<strong>le</strong> qui possè<strong>de</strong> sagesse et beauté, et reste sottement chez el<strong>le</strong> à tenir son<br />

ménage (A.II, sc.1, v.112-162). Inspiré, il est vrai, par une misogynie <strong>de</strong> soudard, son discours charrie sur <strong>le</strong> sujet tous <strong>le</strong>s<br />

clichés dont l'origine remonte au Moyen Age et au-<strong>de</strong>là. Comme <strong>le</strong> fait remarquer Desdémone, ce sont là plaisanteries <strong>de</strong><br />

taverne, mais qui prennent <strong>dans</strong> <strong>le</strong> contexte une va<strong>le</strong>ur significative. Tandis que lago “écrit” sur <strong>le</strong>s femmes ses<br />

épigrammes assassines, Cassio fait <strong>de</strong> Desdémone l'objet d'un discours précieux, selon <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s consacrées par <strong>le</strong>s<br />

blasonneurs du corps féminin:<br />

...Cel<strong>le</strong> qu'il a conquise<br />

Passe toute <strong>de</strong>scription, <strong>le</strong>s plus fol<strong>le</strong>s louanges,<br />

Défie <strong>le</strong>s subtilités <strong>de</strong> trait du blasonneur...<br />

(AII, sc1, v62-64)<br />

Le rô<strong>le</strong> <strong>de</strong> la femme est écrit par <strong>le</strong>s hommes sur la page blanche qu'el<strong>le</strong> est entre <strong>le</strong>urs mains : « Ce riche papier. ce livre<br />

incomparab<strong>le</strong>. fallait-il / Qu'on y écrivit "putain"? » (A. IV, sc.2, v.73-74)<br />

Pour Othello, Des<strong>de</strong>mone est sa chose, <strong>le</strong> réceptac<strong>le</strong> <strong>de</strong> son coeur, bruta<strong>le</strong>ment transformé en cloaque (A. IV, sc.2, v.59-63),<br />

l'oiseau qu'il siff<strong>le</strong> et qu'il chasse (A.III, sc.3, v. 264-266),un enfant doci<strong>le</strong> que l'on envoie se coucher ( “Couchez-vous sans<br />

attendre. Je reviens à l'instant” A.IV,sc.3). Le rapport amnourcux est exclusivement un rapport <strong>de</strong> possession :<br />

Ô malédiction du mariage :<br />

Pouvoir déclarer nôtres ces êtres graci<strong>le</strong>s<br />

Et non <strong>le</strong>urs appétits! ( A.III, sc.3,v. 272-274)<br />

Toute la tragédie se joue sur ce terme d’'« appétit ». C'est bien cette impossibilité <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r tota<strong>le</strong>ment ce qu'il considère<br />

comme son bien qui provoque chez Othello l'angoisse mortel<strong>le</strong> exploitée par Iago. Etre <strong>de</strong> clarté, Desdémone est aussi<br />

traversée <strong>de</strong> fulgurances noires : la passion, la force <strong>de</strong> défi qui pousse la Vénitienne timi<strong>de</strong> à braver son père et <strong>le</strong>s<br />

conventions du mon<strong>de</strong>, l'aveug<strong>le</strong>ment suicidaire avec <strong>le</strong>quel el<strong>le</strong> plai<strong>de</strong> pour Cassio. Dans cette zone d'ombre qui lui<br />

échappe, Othello voit, comme Iago, <strong>le</strong>s signes d'une lubricité sans bornes, justifiant contraintes et asservissement :<br />

...Cette main est moite, madame[...]<br />

Chau<strong>de</strong>, chau<strong>de</strong> et moite - cette main-là requiert<br />

Privation <strong>de</strong> liberté, abstinence et prière,<br />

Force macérations, exercices dévots,<br />

Car voici une jeune diab<strong>le</strong>sse échauffée... (A.III, sc.4, v. 33-36)<br />

Othello/ 6 novembre › 7 décembre 2008 40<br />

.../...

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