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othello dans le temps - Odéon Théâtre de l'Europe

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POISON ET CONTAGION : DE L’AMOUR AU CRIME<br />

Le poison ou la distillation du soupçon :<br />

LE SPECTRE<br />

[...] Je dois être bref. Je dormais en mon verger,<br />

C’était ma coutume tous <strong>le</strong>s après-midi,<br />

Et c’est l’instant <strong>de</strong> paix que ton onc<strong>le</strong> surprit,<br />

Portant <strong>le</strong> suc <strong>de</strong> l’hébénon maudit <strong>dans</strong> une fio<strong>le</strong>,<br />

Et par <strong>le</strong>s porches <strong>de</strong> mes oreil<strong>le</strong>s il versa<br />

Cette distillation lépreuse dont l’effet<br />

Est, tel<strong>le</strong>ment hosti<strong>le</strong> au sang <strong>de</strong> l’homme<br />

Qu’aussi prompte que vif-argent el<strong>le</strong> court <strong>le</strong> long<br />

Des portes et <strong>de</strong>s voies naturel<strong>le</strong>s <strong>de</strong> tout <strong>le</strong> corps<br />

Et avec une soudaine vigueur el<strong>le</strong> fige<br />

Et cail<strong>le</strong>, comme d’aigres gouttes <strong>dans</strong> du lait,<br />

Le sang flui<strong>de</strong> et sain. Ainsi du mien,<br />

Et <strong>dans</strong> l’instant une dartre fit une écorce -<br />

On eût dit Lazare - d’une vi<strong>le</strong> et repoussante croûte,<br />

Sur la peau soup<strong>le</strong> <strong>de</strong> mon corps.<br />

C’est ainsi que je fus, en dormant, par la main d’un frère,<br />

Privé d’un coup <strong>de</strong> vie, <strong>de</strong> couronne et <strong>de</strong> reine,<br />

Fauché <strong>dans</strong> la p<strong>le</strong>ine f<strong>le</strong>ur <strong>de</strong> mes péchés,<br />

Sans sacrement, sans confession, sans onction,<br />

Sans m’être mis en règ<strong>le</strong>, envoyé à mon juge<br />

Avec toutes mes imperfections sur la tête.<br />

Oh! Horrib<strong>le</strong> ! Oh! Horrib<strong>le</strong> ! Trop horrib<strong>le</strong> ! [...]<br />

Ham<strong>le</strong>t, Shakespeare, Acte I, scène 5, Traduit par François Maguin<br />

Et, contre l'irrémédiab<strong>le</strong> du mariage, on appliquera un remè<strong>de</strong> qui est un poison : ce sera <strong>le</strong> discours <strong>de</strong> la calomnie et <strong>de</strong><br />

la diffamation, <strong>le</strong> venin du mensonge diffamatoire. La physiologie <strong>de</strong> l'époque tenait que <strong>le</strong>s venins et <strong>le</strong>s discours venimeux<br />

peuvent agir à distance, <strong>de</strong> manière quasiment physique et humora<strong>le</strong>. Ainsi Ambroise Paré écrit :<br />

Les venins ne tuent pas seu<strong>le</strong>ment pris par la bouche, mais aussi appliqués extérieurement. Semblab<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s bestes ne tuent pas seu<strong>le</strong>ment par<br />

<strong>le</strong>urs morsures ou piqueures ou esgratigneures : mais aussi par <strong>le</strong>ur bave, regard, ou par <strong>le</strong> seul attouchement, ou par <strong>le</strong>ur ha<strong>le</strong>ine, ou par<br />

manger et boire <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur sang, ou par <strong>le</strong>ur cry et siff<strong>le</strong>ment, ou par <strong>le</strong>urs excremens.<br />

La comparaison entre <strong>le</strong>s effets <strong>de</strong> la médisance, <strong>de</strong> la diffamation, <strong>de</strong> la calomnie (slan<strong>de</strong>r, backbiting) et ceux <strong>de</strong>s poisons est<br />

un lieu commun <strong>de</strong> l'époque et trouve son origine <strong>dans</strong> une riche littérature homilétique. L'influence <strong>de</strong>s paro<strong>le</strong>s et <strong>de</strong>s discours<br />

sur la société et sur <strong>le</strong>s individus semblait si redoutab<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s lois sur la trahison incluaient la répression <strong>de</strong>s<br />

paro<strong>le</strong>s traîtresses (treason by words), bien que <strong>le</strong>s lois élisabéthaines tendissent à limiter sur ce point la portée <strong>de</strong> la<br />

législation antérieure. Le pouvoir du verbe sur l'imagination et <strong>de</strong> l'imagination sur <strong>le</strong>s êtres ne faisait aucun doute. Dans<br />

l'empoisonnement" d'Othello par Iago, <strong>le</strong>s étapes sont clairement marquées, et <strong>le</strong> cheminement du poison n'a rien <strong>de</strong><br />

métaphorique. Iago est d'abord désigné comme « calomniateur » par Desdémone, en manière <strong>de</strong> plaisanterie, lors <strong>de</strong> son<br />

arrivée à Chypre (II, v. 113). En fait, décidé à la calomnier, il se promet <strong>de</strong> « verser cette pesti<strong>le</strong>nce » <strong>dans</strong> l'oreil<strong>le</strong> d'Othello<br />

(II, v .347). Au milieu <strong>de</strong> la « scène <strong>de</strong> la tentation », il monologue ainsi :<br />

Le More change déjà sous l'effet <strong>de</strong> mon poison :<br />

Les concepts malfaisants ont la nature <strong>de</strong>s poisons...<br />

(III,v.330-31)<br />

Othello/ 6 novembre › 7 décembre 2008 36<br />

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