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Magazine CNC - été 2022

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ÉTÉ 2022

Au-delà

TKTKTKTKTKTKT

de l’horizon

Conserver la nature pour répondre aux réalités d’aujourd’hui

natureconservancy.ca

WINTER 2021 1


ÉTÉ 2022

SOMMAIRE

Conservation de la nature Canada

4 Accélérer la conservation à plus grande échelle

CNC double son impact en conservation.

6 Réserve naturelle Dr Bill Freedman

Située près de Halifax (N.-É.), cette réserve est dédiée à la mémoire

d’un bénévole de CNC de longue date.

7 Partagez vos photos de la nature

Le Grand BioBlitz de CNC est de retour!

7 Un bain de nature ressourçant

Steven Guilbeault, le ministre de l’Environnement et du

Changement climatique du Canada, explique comment la nature l’inspire.

8 Vaste, audacieux et essentiel

Accroître le rythme, l’ampleur et la portée de la conservation.

12 Loutre de rivière

Ce clown aquatique est de retour parmi nous.

14 Acteur de changement

Rob Prosper, membre du Conseil d’administration de CNC, voit la possibilité

d’accélérer la conservation grâce aux aires protégées et gérées par les Autochtones.

16 CNC à l’œuvre

Investir dans notre futur, Man.; Garder « le Rocher » intact, T.-N.-L.;

La bienveillance en héritage, Alb.

18 Lettre d’amour à la montagne

Comment la montagne a changé la vie d’une femme.

C’est extra!

Visitez magazinecnc.ca pour accéder à du

contenu supplémentaire en lien avec ce

numéro de notre magazine.

Conservation de la nature Canada

245, avenue Eglinton Est, bureau 410 | Toronto (Ontario) Canada M4P 3J1

magazine@conservationdelanature.ca | Tél. : 416 932-3202 | Sans frais : 1 877 231-3552

Conservation de la nature Canada (CNC) est la force rassembleuse au pays pour la sauvegarde de la nature.

Par la conservation permanente de vastes territoires, CNC apporte des solutions à la double crise du déclin

rapide de la biodiversité et des changements climatiques. CNC est un organisme de bienfaisance enregistré.

Avec la nature, nous créons un mode prospère.

Le magazine Conservation de la nature Canada est offert aux personnes qui appuient CNC.

MC

Marque de commerce de La Société canadienne pour la conservation de la nature

FSC MD n’est pas responsable des calculs concernant

l’économie des ressources réalisée

en choisissant ce papier.

Imprimé sur du papier Enviro100 fait à 100 % de fibres post-consommation, certifié Écologo et Procédé

sans chlore. Ce papier est fabriqué au Canada par Rolland, qui utilise le biogaz comme source d’énergie.

L’impression est effectuée au Canada, avec des encres végétales par Warrens Waterless Printing.

La publication de ce magazine a sauvegardé 156 arbres et 51 445 litres d’eau*.

TKTKTKTKTKTKT

ÉCOCALCULATEUR : ROLLANDINC.COM. PHOTO : JON FELDGAJER. COUVERTURE : ANDREW WARREN.

*

natureconservancy.ca


« Garder le Rocher intact »,

Île de Terre-Neuve.

TKTKTKTKTKTKT

HAUT EN BAS : GENEVIÈVE LESIEUR; ANDREW WARREN; NIV SHIMSHON.

Vaste. Audacieux. Boréal.

Dernièrement, de nombreux projets passionnants visant

à accélérer la conservation partout au pays nous ont

tenus occupés à Conservation de la nature Canada (CNC).

Plusieurs réussites formidables sont à célébrer; l’une des plus

marquantes est un projet que nous qualifions de vaste, audacieux

et boréal. Lors du plus récent Jour de la Terre, j’ai en effet eu la

chance de me joindre à mes collègues et partenaires pour annoncer

le projet Terres boréales.

Il s’agit certainement d’une vaste et audacieuse initiative, puisque

Terres boréales est le plus important projet mené par CNC à ce jour et

le plus vaste projet de conservation de terres privées jamais entrepris

au Canada. Situé en Ontario, il couvre près de 1 500 kilomètres carrés

de forêt boréale, un des plus grands écosystèmes forestiers de

la planète.

Dans ce numéro de notre magazine, vous découvrirez pourquoi

la conservation à l’échelle du paysage est essentielle pour s’attaquer

aux enjeux mondiaux des changements climatiques et de la perte

de biodiversité. Face à ces enjeux, la nature offre de véritables

solutions. C’est pourquoi nous travaillons à un rythme sans précédent

pour conserver les aires naturelles dont dépend notre survie. Au

cours des prochaines années, CNC vise d’ailleurs à doubler le rythme

de la conservation d’un océan à l’autre et à l’autre.

Tout comme la nature nous offre des solutions pour relever les

défis mondiaux les plus préoccupants, travailler en collaboration est

primordial pour que la nature occupe plus de place dans nos vies.

Terres boréales est un projet de 46 millions de dollars et, grâce à

l’appui de nos partenaires, de donatrices et donateurs individuel(le)s

et de fondations, nous avons amassé plus des deux tiers des fonds

nécessaires à sa réalisation. Ce printemps, nous avons lancé une

campagne de financement pour mener le projet à terme.

Nous avons besoin de vous! Pour en savoir plus sur la façon dont

vous pouvez soutenir Terres boréales ou d’autres projets de CNC,

visitez terresboreales.ca.

Merci encore de votre soutien,

Catherine Grenier

Catherine Grenier

Présidente et chef de la direction de CNC

Ont collaboré

à ce numéro

Brian Banks est auteur,

réviseur, géographe

et un naturaliste en

herbe qui se consacre

à la découverte et à la

défense des espèces

sauvages avec

lesquelles nous

coexistons ainsi qu’à

l’environnement dont

nous dépendons.

Jacqui Oakley a réalisé

des illustrations pour

le New York Times,

Reebok, les magazines

Rolling Stone et National

Geographic. Ses œuvres

ont été exposées à

Toronto, Los Angeles

et Shanghai. Après

avoir vécu en Zambie,

au Bahreïn et en

Angleterre, elle vit

maintenant à Hamilton,

en Ontario.

natureconservancy.ca

ÉTÉ 2022 3


D’UN OCÉAN

À L’AUTRE

Baie Vidal, Ont.

Accélérer la

conservation

à plus grande

échelle

Face aux changements climatiques et à la perte de

biodiversité, Conservation de la nature Canada protège

un plus grand nombre de terres, et ce, plus rapidement.

Conservation de la nature Canada (CNC) travaille à une échelle

sans précédent afin de maximiser son impact. En tant que plus

important organisme de conservation de terres privées au pays,

CNC fournit des solutions pour appuyer les objectifs du Canada visant

à conserver 30 % de ses terres et de ses eaux d’ici 2030.

Accélérer la conservation signifie que CNC produit un impact plus

rapidement et à plus grande échelle que jamais auparavant. Nous ne nous

contentons pas de mettre notre énergie et notre ambition au service de

la protection et de la conservation d’aires privées, nous aidons aussi les

autres à contribuer à l’objectif 30 x 30 du Canada et partageons notre expertise

en matière de conservation de terres de grande valeur écologique.

Puisque nous ne pouvons y arriver seuls, nous nous engageons

à collaborer, mener des consultations et réunir les gens pour changer

les choses.

AIDER LA NATURE À CONTINUER DE SOUTENIR LA VIE

En reliant les habitats et en conservant des systèmes naturels entiers, la

nature est en mesure de fournir plus efficacement ses services essentiels

au maintien de la vie. En connectant des territoires qui fournissent des

solutions fondées sur la nature, nous prenons soin de milieux qui purifient

l’eau et l’air, absorbent et stockent le carbone et assurent la sécurité alimentaire.

De plus, la protection d’habitats connectés favorise les espèces

qui y vivent, ce qui inclut près d’un tiers des espèces en péril au Canada.

Apprenez-en plus sur les

projets qui permettent

d’accélérer la conservation au

Canada et sur la façon dont

vous pouvez contribuer :

conservationdelanature.ca/

accelerer

ANDREW WARREN.

4 ÉTÉ 2022 conservationdelanature.ca


DES PROJETS QUI CHANGENT TOUT!

Comment y parvenons-nous? Par l’établissement de projets de conservation, petits et grands, et de partenariats partout au

pays, comme celui du Programme de conservation du patrimoine naturel du gouvernement du Canada. Voici quelques-uns

des projets entrepris au cours des deux dernières années, qui ont permis d’accroître notre impact.

Qat'muk, C.-B.

CNC a été invité à contribuer à la résiliation permanente de

tous les droits fonciers et de développement dans le projet de

la vallée Jumbo et à appuyer le Conseil de la Nation Ktunaxa

dans sa planification de la création d’une aire protégée de

conservation autochtone. C’est un honneur pour CNC de

travailler avec le Conseil de la Nation Ktunaxa pour l’aider à

concrétiser sa vision de protéger complètement cet endroit.

Thaidene Nëné, T.N.-O.

Parfois, ce sont les plus petits projets

qui ont le plus grand impact. Au sein d’une

vaste zone d’importance culturelle et

écologique, CNC a acquis une propriété

privée d’environ 1 hectare, puis l’a transférée

à Parcs Canada. Cela a permis de

compléter la création de la réserve de parc

national Thaidene Nëné, et d’influencer la

conservation de 14 000 kilomètres carrés,

conformément aux souhaits des communautés

autochtones locales.

Buffalo Pound, Sask.

Vous nous avez aidés à conserver

les 7 kilomètres de rivage autour du lac

Buffalo Pound pour le bien des prairies

et d’espèces en péril. Ce milieu naturel

fournit de l’eau potable à 25 % de la

population de la province.

HAUT EN BAS : PAT MORROW; PARCS CANADA; CNC; JASON BANTLE; MIKE DEMBECK; MIKE DEMBECK.

Vidal Bay, Ont.

Avec plus de 7 600 hectares de rivages et de forêts, ce projet contribue à redéfinir la

conservation à l’échelle du paysage dans le sud de l’Ontario. Ses forêts, milieux humides

et alvars captent et stockent près de 23 000 tonnes de dioxyde de carbone par année, ce

qui équivaut au retrait de 5 000 voitures de nos routes, chaque année.

Isthme de Chignectou,

N.-É./N.-B.

L’isthme de Chignectou est l’étroite

bande de terre qui relie la Nouvelle-

Écosse au Nouveau-Brunswick et au reste

de l’Amérique du Nord. Depuis 2010, vous

nous avez aidés à conserver un peu plus

de 2 200 hectares des deux côtés de la

frontière entre ces deux provinces, ce qui

nous permet de poursuivre et d’étendre

nos efforts de conservation dans ce

corridor écologique essentiel.

Propriété Krieg, QC

La propriété Krieg, située dans la réserve naturelle des

Montagnes-Vertes, est un milieu naturel idyllique débordant de

vie. Ses forêts matures abritent le pioui de l’Est, un petit oiseau

chanteur menacé. Plusieurs espèces de salamandres de ruisseaux

vivent dans ses cours d’eau. CNC espère relier cette propriété à la

réserve naturelle des Montagnes-Vertes, un lieu riche en biodiversité

et une zone récréative de plein air très prisée au Québec.

Upper Ohio, N.-É.

La conservation d’une forêt

acadienne rare à Upper Ohio, soit

plus de 25 kilomètres de berges

de lacs et 130 hectares de milieux

humides d’eau douce, fait de ce

projet la troisième plus importante

acquisition de CNC en 50 ans de

présence dans la province.1

conservationdelanature.ca

ÉTÉ 2022 5


SUR LES

SENTIERS

Murphy Cove Rd


N


Prospect

Bay

The

Alley

Réserve naturelle

D r Bill Freedman

Prospect Bay Rd

Phantom

Cove

Mullins

Cove

Hardiman

Cove

La Réserve naturelle

D r Bill Freedman

Un paysage côtier majestueux de la Nouvelle-Écosse comprenant huit types d’habitats

L’écologue Bill Freedman était professeur émérite en écologie

et directeur du département de biologie à l’Université Dalhousie.

Il a également joué un important rôle à Conservation de la nature

Canada (CNC), pendant plus de 25 ans, en tant que membre de

son Conseil d’administration et bénévole. « D r Bill », comme on

l’appelait affectueusement, est décédé en 2015. La Réserve

naturelle D r Bill Freedman rend hommage à sa mémoire et à sa

contribution à la mission de CNC.

Situé à seulement 23 kilomètres au sud-ouest d’Halifax, ce paysage

de landes (sol pauvre peuplé d’arbustes), forme une saillie le

long du littoral atlantique entre les pittoresques baies Shad et

Prospect. Huit types d’habitats le composent, soit une forêt

côtière d’épinettes blanches, d’anciens champs, des marais, des

tourbières, des landes de granit, des rivages de rochers et de

galets, des falaises rocheuses et la haute mer.

Le populaire sentier High Head, de 7,6 kilomètres aller-retour,

traverse 4 sections de cette réserve naturelle de 131 hectares

appartenant à CNC. Ce sentier d’intensité modérée traverse des

boisés et mène à des affleurements rocheux, qui offrent une vue

imprenable sur l’océan. Au cours de cette randonnée, on peut

aussi voir au loin la côte déchiquetée du sud la Nouvelle-Écosse

et plusieurs îles rocheuses.

Les landes de granit de cette réserve naturelle purifient une

énorme quantité d’eau souterraine avant qu’elle ne s’écoule vers la

mer. Les brises marines fraîches et les vues panoramiques le long

du sentier Head Trail en font une randonnée estivale fabuleuse et

un endroit idéal pour l’observation des oiseaux.

QUESTION DE SÉCURITÉ

Il est important de ne laisser aucune trace de votre passage et

de demeurer sur le sentier qui longe la côte. Ne pas vous

aventurer à l’intérieur des terres où se trouvent des habitats

écologiques sensibles ni trop près des falaises.1

Pour en savoir plus conservationdelanature.ca/drbillfreedman

SENTIER

-- High Head

★ Entrée

ESPÈCES

À OBSERVER

• Aulne blanc

• Bouleau à papier

• Camarine (arbuste)

• Cerf de Virginie

• Érable rouge

• Gélinotte huppée

• Lièvre d’Amérique

• Némopanthe

mucroné (arbuste)

• Sapin baumier

• Viorne cassinoïde

(arbrisseau)

CARTE : JACQUES PERRAULT. ILLUSTRATION : JOEL KIMMEL. PHOTOS, HAUT EN BAS : ROBERT MCCAW; MIKE DEMBECK; ANDREW HERYGERS/CNC.

6 ÉTÉ 2022 conservationdelanature.ca


ACTIVITÉ

LES

INDISPENSABLES

Un bain

de nature

ressourçant

GAUCHE À DROITE : BRENT CALVER; AVEC LA PERMISSION D’ ENVIRONNEMENT ET CHANGEMENT CLIMATIQUE CANADA.

Partagez

vos photos

de la nature

Cet été, participez au

Grand BioBlitz de CNC.

Saviez-vous que photographier les plantes, les

animaux et les champignons est un moyen facile

de se connecter à la nature tout en contribuant

à la science et à la conservation?

Cet été, Conservation de la nature Canada (CNC)

vous encourage une fois de plus à participer à son

Grand BioBlitz annuel. Puisque le travail de

conservation requiert la collecte d’un très grand

nombre de données, nous vous invitons à prendre

part à cet événement au cours duquel vous

partagerez vos observations des espèces qui vous

entourent. Ces observations aideront les scientifiques

à comprendre la répartition des espèces et,

en donnant de votre temps, vous contribuerez à

améliorer les connaissances sur les espèces de

votre région. Voici comment participer :

1. Inscrivez-vous au Grand BioBlitz à

conservationdelanature.ca/bioblitz2022.

2. Suivez les instructions pour vous assurer que

vos observations soient intégrées à l’effort collectif.

3. Faites équipe avec votre famille et vos

ami(e)s, ou profitez-en pour vous offrir un

tête-à-tête avec la nature.

Que vous soyez néophyte ou adepte des BioBlitz,

joignez-vous à nous!

Les bienfaits de la nature sont une source de motivation

pour l’honorable Steven Guilbeault, ministre de

l’Environnement et du Changement climatique du Canada.

La nature me fascine depuis mon adolescence.

Quand j’y vais, je ne mets

pas toujours les mêmes articles dans

mon sac à dos, car j’ai tendance à varier la

destination et la durée de mes sorties. J’aime

apporter un appareil photo pour documenter

les paysages à couper le souffle que nous

avons la chance d’avoir dans notre pays.

Que ce soit en randonnée dans les magnifiques

monts Chic-Chocs en Gaspésie [Québec],

en canot en Ontario, en kayak au milieu

d’un banc de dauphins à flancs blancs dans

le nord de la Colombie-Britannique, ou pendant

ma lune de miel, dans la réserve du

parc national de l’Archipel-de-Mingan, au

Québec, la nature a toujours occupé une

place très spéciale dans mon cœur. D’aussi

loin que je me souvienne, je me suis accordé

chaque année ces rendez-vous indispensables

avec la nature. En plein air, je ressens le

calme et j’y éprouve le besoin de protéger la

nature le plus possible.

Même si mon sac à dos ne peut pas

contenir cet autre indispensable qu’est ma

famille, elle est souvent présente dans mes

sorties dans la nature. Avec ma femme ou

mes enfants, ou en solo, ces moments en

plein air me permettent de décrocher de

notre vie chargée, et de me reconnecter à

nous et à l’extraordinaire nature du Canada. Le simple fait d’être dans la nature

me permet de ralentir et de me ressourcer.

Et je ne suis pas le seul à vanter ces bienfaits! Grâce au programme PaRx

(Prescri-Nature) de la BC Parks Foundation, des médecins prescrivent des laissez-passer

pour les parcs et les aires naturelles du Canada afin d’améliorer la

santé mentale et physique des gens en les invitant à se connecter à la nature.

La nature est une source de calme, mais aussi de motivation. Elle a également

le potentiel incroyable de renforcer la résilience, d’atténuer les émissions de gaz à

effet de serre, de faire croître l’économie nationale et de procurer des bienfaits à la

société en général. Lorsque nous protégeons la nature, tout le monde en profite.1

conservationdelanature.ca

ÉTÉ 2022 7


Terres boréales : le plus important projet de

conservation privé jamais mené au Canada.

Vaste,

audacieux

ET

essentiel

Face aux crises urgentes que sont la perte rapide de biodiversité

et les changements climatiques, nous devons accroître le rythme,

l’ampleur et la portée de la conservation.

PAR Brian Banks

ANDREW WARREN.

8 ÉTÉ 2022 conservationdelanature.ca


Accrochez au mur une carte de

l’Ontario et lancez-y une fléchette

en plein centre. Si vous visez juste,

elle touchera la forêt boréale,

quelque part près de Hornepayne,

un village forestier situé à 500 kilomètres (km) au

nord-est de Thunder Bay.

Depuis deux ans, cette région fait l’objet

d’une attention particulière de la part de Kristyn

Ferguson, directrice de programme pour les

paysages à grande échelle à Conservation de la

nature Canada (CNC) pour l’Ontario. Il s’agit plus

précisément de 1 450 km 2 (145 000 hectares)

situés à l’ouest et au sud de la communauté de

Hearst, à environ 900 km au nord de Toronto. Ces

terres sont riches en habitats de forêt boréale, en

lacs et rivières vierges et en tourbières qui

stockent du carbone.

En avril, à l’occasion du Jour de la Terre, CNC

a annoncé une campagne de collecte de fonds pour

compléter la conservation de ces terres d’une superficie

plus de deux fois supérieure à celle de Toronto.

Une fois réalisé, ce projet de conservation privé,

nommé Terres boréales, sera le plus important

jamais mené au Canada.

« La première fois que j’ai visité la propriété,

c’était à la fin de septembre 2021 », explique

Mme Ferguson. « C’était au plus fort de la saison

automnale, quand le jaune des feuilles des peupliers

et des bouleaux contraste avec les conifères

foncés. Il suffit de monter un peu pour voir la forêt

s’étendre à l’infini. La couleur verte et vive des

lacs leur donne un aspect glaciaire. Cet endroit

est tout simplement envoûtant. »

L’importance de ce projet est à la fois tangible

et symbolique.

La propriété, détenue à l’origine par Domtar, avec

qui CNC a négocié une option pour en faire l’acquisition,

a une valeur de conservation considérable. On

y trouve le caribou des bois, une espèce menacée,

ainsi que d’autres grands mammifères comme l’ours

noir, le lynx, le loup et l’orignal; elle fournit aussi

des habitats de nidification, de reproduction et des

haltes migratoires à une multitude d’oiseaux.

Terres boréales est un exemple parfait de la manière

dont CNC, en tant que principal organisme

privé de conservation au pays, répond aux crises de

la perte rapide de biodiversité et des changements

climatiques en augmentant le rythme, l’échelle et la

portée de son travail – se concentrant sur des projets

à grande échelle dans toutes les régions et en

s’appuyant sur sa longue expérience en matière de

protection d’habitats essentiels dans le sud du pays.

Cette orientation, pierre angulaire de la nouvelle

feuille de route de CNC pour les huit prochaines

années, permettra à l’organisation de protéger

plus de terres, et ce, plus rapidement, soit par l’acquisition

traditionnelle de terres en fief simple,

comme c’est le cas pour les Terres boréales, soit

en partageant son expertise pour, par exemple,

obtenir du financement privé ou acquérir des

droits d’exploitation des ressources, afin d’aider

conservationdelanature.ca

ÉTÉ 2022 9


à la réalisation de projets menés par des gouvernements,

des communautés autochtones

ou d’autres partenaires.

L’objectif est de doubler l’impact de CNC

d’ici 2030, en conservant 1 million d’hectares

supplémentaires et en obtenant de nouveaux

résultats se chiffrant à 1, 5 milliard de dollars

en conservation. Ainsi, CNC aidera le Canada

à respecter sa promesse, en tant que membre

de la Coalition de la Haute Ambition pour la

Nature et les Peuples, de protéger 30 % de

ses terres et de ses eaux d’ici 2030.

« Notre nouveau plan stratégique représente

notre boîte à outils ainsi que nos valeurs,

et reconnaît qu’avec les changements

climatiques et la perte de biodiversité, nous

avons un rôle important à jouer », affirme

Nancy Newhouse, vice-présidente de CNC

pour la région de la Colombie-Britannique.

C’est une approche qu’appuie Mike Wong,

vice-président nord-américain de la Commission

mondiale des aires protégées de l’Union

internationale pour la conservation de la

nature (UICN).

« Les aires protégées sont l’un des meilleurs

outils de conservation au monde, affirme

M. Wong, établi à Gatineau, au Québec. Quand

on dispose de grandes aires naturelles intactes

bien gérées, on conserve à la fois la biodiversité

et le carbone qui y est stocké. »

Des partenaires fiables

L’une des forces dont fait preuve CNC depuis

longtemps est sa capacité à réunir des propriétaires

fonciers, des donatrices et donateurs,

des partenaires de collecte de fonds, des gouvernements,

des communautés autochtones et

d’autres organismes à but non lucratif en vue

de protéger la nature. Habituellement, le résultat

est que CNC devient propriétaire des

terres. Jouer un rôle de soutien dans les projets

d’autres groupes ou organisations n’est

pas tout à fait nouveau, mais selon Dawn Carr,

directrice, Stratégie en conservation à CNC,

cela s’est surtout fait dans des cas particuliers.

« Nous n’avons pas fait beaucoup de démarches

auprès de partenaires potentiels

pour leur demander : quels sont vos objectifs

de conservation que nos compétences ou nos

capacités pourraient soutenir? », explique-telle.

« Plus nous poserons la question, plus les

occasions de soutenir des projets de conservation

durables se présenteront. »

CNC cherche en effet de plus en plus

à accroître le nombre de ses collaborations

avec des partenaires par une approche

plus proactive.

Les négociations en cours entre la Première

Nation Ktunaxa et le gouvernement de

la Colombie-Britannique en vue d’établir une

aire protégée de conservation autochtone

(APCA) dans les montagnes centrales de la

Qat’muk, C.-B.

Quand on dispose de grandes aires

naturelles intactes bien gérées, on

conserve à la fois la biodiversité et le

carbone qui y est stocké.

Mike Wong, vice-président nord-américain de la Commission mondiale des aires protégées

de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

chaîne Purcell sont un excellent exemple du

potentiel de CNC dans ce rôle de soutien.

L’APCA englobera une aire connue sous

le nom de Qat’muk, un paysage sacré que

les Ktunaxa considèrent comme la demeure

spirituelle du grizzly.

En 2019, CNC a été invité à collaborer

avec le Conseil de la Nation Ktunaxa pour

l’aider à concrétiser sa vision de protéger

intégralement Qat’muk, une région riche

en biodiversité qui comprend la vallée

Jumbo et les bassins versants environnants.

La principale menace pesant sur la région

était un projet de station de ski dans la

vallée Jumbo, contre lequel les Ktunaxa et

la communauté qui les appuie s’opposaient

depuis 30 ans. Après des décennies de

batailles juridiques, l’occasion de négocier

un accord avec le promoteur et d’ouvrir

la voie au développement d’une APCA

s’est présentée.

CNC a tout d’abord aidé les Ktunaxa à élaborer

leur argumentaire écologique en faveur

de la protection du site, ce qui était nécessaire

pour mobiliser les fonds pour la création de

l’APCA. Ensuite, il a agi comme négociateur

au nom des Ktunaxa dans les pourparlers visant

à mettre fin aux droits fonciers du

promoteur et aux droits de développement

associés à la station. CNC est maintenant prêt

à aider les Ktunaxa à planifier le travail de

conservation, en leur fournissant des cartes

et des données écologiques relatives

à l’APCA de Qat’muk, et ce, une fois que tous

les détails la concernant auront été finalisés.

« Les Ktunaxa mènent les échanges

de gouvernement à gouvernement au sujet

de ce à quoi ressemblera Qat’muk », affirme

Nancy Newhouse. « À présent, notre rôle à

cet endroit est de soutenir la Nation comme

il nous a été demandé ».

L’exemple de Qat’muk démontre aussi que,

de manière plus générale, le travail avec des

communautés autochtones, et ce, sous différentes

formes, deviendra de plus en plus important

pour CNC au fur et à mesure que ses

efforts au sein de paysages à grande échelle

prendront de l’ampleur. Le projet Terres boréales

en est un bon exemple. Bien qu’il ne

deviendra pas une APCA, il comprend les territoires

traditionnels de nombreuses Premières

Nations et communautés autochtones

relevant du Traité no 9.

« Nous nous assurons de nous entretenir

avec toutes les communautés, d’apprendre

comment elles ont utilisé le site dans le

PAT MORROW.

10 ÉTÉ 2022 conservationdelanature.ca


CLAUDE CÔTÉ.

passé et comment elles aimeraient l’utiliser

dans l’avenir », explique Mme Ferguson.

« Nous entamons tout juste le développement

de partenariats que CNC souhaite durables,

respectueux, significatifs et bénéfiques pour

les communautés. »

Protéger et connecter

Quelle que soit sa superficie, toute parcelle

de terre constituant l’habitat essentiel d’espèces

en péril est cruciale pour aider à enrayer

leur disparition et à conserver la biodiversité

dans son ensemble.

D’un point de vue écologique, les projets

à grande échelle jouent toutefois un rôle

unique en assurant l’existence de grandes

étendues d’habitats connectés et protégés.

Ces milieux naturels sont essentiels pour les

animaux de grande taille qui migrent de façon

saisonnière ou qui ont besoin de vastes territoires

pour se nourrir et se reproduire. Face

à un climat changeant, ils fournissent également

un certain degré de résilience, en offrant

à de nombreuses espèces animales et

végétales l’occasion de s’adapter et d’ajuster

leur emplacement au fil du temps.

Dans le sud-est du Québec, plus précisément

dans le corridor appalachien, la réserve

naturelle des Montagnes-Vertes est un excellent

exemple de la valeur de la connectivité à

grande échelle dans le portefeuille de terres

de CNC. Établie en 2008, la réserve continue

de s’agrandir grâce aux dons et à l’achat de

parcelles adjacentes. Sa superficie atteint

désormais près de 8 000 hectares. De plus,

elle est directement liée aux aires protégées

voisines, c’est-à-dire celles situées au sud de

la frontière américaine.

« Si vous consultez une carte satellite,

vous pouvez voir que chaque parcelle de terre

entourant la réserve est constituée de villes

ou de fermes, et qu’il y a peu de forêts. Il est

donc très important de conserver ce corridor

pour les espèces qui migrent vers le nord en

raison des changements climatiques », affirme

Cynthia Patry, chargée de projets pour

les Montagnes-Vertes du Nord à CNC. « Des

mammifères à grand domaine vital traversent

toujours la frontière et utilisent ce corridor,

comme le lynx, l’orignal et l’ours. En dehors

de ce corridor, on ne trouve pas de lynx, c’est

pourquoi nous souhaitons vraiment le conserver

au profit de cette espèce. »

La réserve naturelle des Montagnes-Vertes

est l’une des rares aires protégées à grande

échelle de CNC dans le sud du Canada.

La plus récente du genre est la Hastings

Wildlife Junction, une acquisition prévue

de 8 000 hectares constituée d’importantes

forêts et de milieux humides se trouvant

entre Belleville et Bancroft dans le sud-est

de l’Ontario. Compte tenu de la densité de

la population dans le sud du pays, CNC s’attend

à ce que dans l’avenir, la plupart des

occasions de créer des aires protégées à

grande échelle se situeront plus au nord.

Ce constat, associé au fait que la

majeure partie du Nord canadien se compose

de terres de la Couronne, explique aussi

pourquoi le rôle de CNC sera probablement

celui de partenaire de soutien dans ce

type de projets. Comme l’explique

Mme Newhouse, la Couronne demeurera

propriétaire, mais dans de nombreux cas,

comme pour Qat’muk et un autre projet

récent en Colombie-Britannique, soit l’aire de

conservation Tenh Dzetle, rendu possible

grâce à l’abandon de titres miniers, le rôle de

CNC sera de « créer des ententes en vertu

desquelles, au moment de l’abandon de ces

droits fonciers privés, un processus parallèle

permettra de créer une aire protégée ».

Réserve naturelle des Montagnes-Vertes, QC

M. Wong de l’UICN se dit heureux d’apprendre

que CNC envisage une façon différente

de faire les choses, car cela représente

le genre d’approche que tous, soit les individus,

les gouvernements, les entreprises, les

ONG et les autres parties prenantes, doivent

adopter si le Canada et le reste du monde

comptent respecter leurs engagements visant

à protéger 30 % de leurs territoires d’ici 2030.

Il met également de l’avant l’incapacité

de la plupart des pays à atteindre l’objectif

précédent de l’UICN, qui visait à protéger

17 % de leurs terres d’ici 2020. Dans le cas

du Canada, nous n’en sommes qu’à 13,5 %.

« Si nous n’avons pas atteint l’objectif de

17 %, comment pouvons-nous arriver à

30 %? », s’interroge-t-il. « On doit faire les

choses différemment, non? ».

Kristyn Ferguson partage cet avis :« Nous

tirons une grande fierté de tout ce que CNC

a accompli au cours des 60 dernières années

avec l’aide de ceux et celles qui nous appuient.

Cependant, nous reconnaissons que

nous avons atteint un point critique et que

nous devons voir plus grand et penser différemment,

faire appel à différents partenaires

et collaborer. »

AIDEZ-NOUS À FAIRE

DES TERRES

BORÉALES UNE

RÉALITÉ

Avec une superficie plus de deux

fois supérieure à celle de Toronto,

ce projet de conservation de terres

privées sera, une fois terminé, le plus

ambitieux de l’histoire du Canada.

Nous vous invitons à vous joindre

à nous pour passer à l’histoire en

matière de protection de la nature.

Le projet Terres boréales assurera

l’avenir de plus de 1 300 kilomètres de

rivières et de cours d’eau, de vastes

tourbières qui stockent du carbone et

d’étendues quasi infinies de forêt

intérieure. À elles seules, les Terres

boréales stockent plus de 192 millions

de tonnes de CO2, c’est-à-dire

l’équivalent des émissions moyennes à

vie de 3 millions de voitures. Voilà qui

témoigne de l’impact positif direct que

la conservation de ce territoire

pourrait avoir pour freiner les crises

mondiales des changements climatiques

et de la perte de biodiversité.

Maintenant que nous avons réussi

à amasser les deux tiers de notre

objectif de collecte de fonds, nous

avons besoin que vous vous joigniez

à nous pour conclure cette

campagne historique.

En savoir plus terresboreales.ca

Se remémorant sa visite des Terres boréales,

elle décrit s’être tenue sur les berges

de la rivière Shekak aux côtés du conseiller

de la Première Nation de Constance Lake,

Wayne Neegan, l’accompagnateur de CNC

sur le terrain. Devant cette rivière qui coule

vers la baie d’Hudson, il lui a montré des

traces d’orignal et comment il appelle cet

animal quand il le chasse.

À propos de ce moment, et d’autres depuis,

Kristyn Ferguson fait une réflexion :

« Je crois que nous reconnaissons tous que

nous sommes sur la bonne voie, en travaillant

ensemble sur des projets qui ont des retombées

à grande échelle. Nous agissons au profit

du territoire et du caribou, mais aussi de

la population. Nous réalisons que nous ne

sommes pas différents de la nature, mais que

nous en faisons partie. Donc, chaque fois que

nous venons en aide à la nature, nous nous

aidons nous-mêmes. »1

conservationdelanature.ca

ÉTÉ 2022 11


PROFIL

D’ESPÈCE

Loutre de rivière

Les populations de loutres de rivière, espèce présente partout en Amérique du

Nord, sont stables après s’être rétablies d’un important déclin aux 19 e et 20 e siècles.

JOE BLOSSOM/ALAMY STOCK PHOTO.

12 ÉTÉ 2022 conservationdelanature.ca


APPARENCE

La loutre de rivière peut mesurer jusqu’à

1,4 m, du nez à la queue, et peser jusqu’à

14 kg. Son pelage brun est imperméable, ses

pieds sont palmés et sa queue longue et puissante

lui permet de se propulser dans l’eau. Le dessous

de son corps est habituellement plus pâle. Sous

l‘eau, ses minuscules oreilles se referment et sa

fourrure épaisse la garde bien au chaud. Pour

détecter la présence de nourriture (poissons,

palourdes, insectes), elle compte

sur ses longues moustaches qui

sont très sensibles.

Cherry Meadows, C.-B.

Petite curieuse

ILLUSTRATIONS : CORY PROULX. PHOTOS : CNC; ALAMY STOCK PHOTO.

HABITAT

Cette loutre peut s’établir dans divers

habitats aquatiques, comme les rivières, les

lacs et les grands ruisseaux. Elle se plaît aussi sur

la terre ferme. On peut d’ailleurs la voir parfois

batifoler dans la neige ou glisser sur des pentes

boueuses. Le jeu lui permet de développer des

liens sociaux ainsi que, chez les petits, des habiletés

pour la chasse.

Le terrier de la loutre de rivière se trouve

habituellement près de l’eau et est souvent

aménagé pour être accessible à la fois

au niveau du sol et sous l’eau.

AIRE DE

DISTRIBUTION

La loutre de rivière est présente

partout en Amérique du Nord. Au

Canada, on la trouve dans l’ensemble

des provinces et des territoires.

À l’Île-du-Prince-Édouard, son retour

est toutefois récent, car elle en

était disparue au début du

20 e siècle.

BIOLOGIE

La loutre de rivière se reproduit de la

fin de l’hiver au début du printemps. Bien

qu’elle puisse donner naissance chaque année,

elle le fait habituellement aux 2 ans. Les portées

comptent de 1 à 6 petits (généralement 2 ou 3).

Ces derniers naissent aveugles et passent le premier

mois de leur vie au terrier avec la femelle. Lorsqu’ils

peuvent voir, vers l’âge de 2 mois, la femelle

leur apprend à nager.

Cette espèce n’hiberne pas. Elle demeure active

même sous les surfaces gelées, en respirant

par les brèches dans la glace. Elle peut

retenir son souffle sous l’eau

jusqu’à 8 minutes.

Que fait CNC pour

protéger l’habitat de

cette espèce?

À la fin des années 1800, les populations

de loutres de rivière ont décliné

de façon considérable en raison de

la chasse excessive et de la pollution

de l’eau. Depuis, grâce aux efforts

en gestion de la conservation et en

réintroduction de l’espèce, les populations

se sont rétablies et sont maintenant

stables, voire en croissance.

La loutre de rivière dépend d’habitats

aquatiques sains pour survivre.

Conservation de la nature Canada

(CNC) continue de protéger de tels

habitats à travers le pays. Par exemple,

sur la propriété Cherry Meadows, près

de Kimberley, en Colombie-Britannique.

Située dans le sillon des

Rocheuses, cette zone possède de

vastes milieux humides qui sont

parfaits pour la loutre de rivière.1

Aidez à protéger

cette espèce

Pour aider à conserver l’habitat

naturel de cette espèce, visitez

conservationdelanature.ca/donnez.

conservationdelanature.ca

ÉTÉ 2022 13


UNE FORCE POUR

LA NATURE

Acteur du

changement

Rob Prosper voit la possibilité d’accélérer la conservation grâce aux

aires protégées et gérées par les Autochtones

JESSICA DEEKS.

14 ÉTÉ 2022 conservationdelanature.ca


Pendant la première partie de sa carrière à

Parcs Canada, Rob Prosper a vécu et travaillé

dans des aires naturelles parmi les plus

emblématiques au pays, comme la réserve de parc

national Nahanni (T.N.-O). Dans ces lieux aux reliefs

impressionnants et aux magnifiques cours d’eau, il

remarque aussi comment les communautés qui s’y

trouvent touchent celles et ceux qui les visitent.

Réserve de parc national Thaidene Nëné (T.N.-O.)

JESSICA DEEKS.

« J’avais l’habitude de dire que les gens sont d’abord attirés par la

géographie, explique Rob Prosper, et qu’ils repartent après avoir vécu

une expérience culturelle; et que c’est ce qui marque le plus. »

Selon lui, les personnes qui visitent ces aires naturelles sont grandement

touchées par les pratiques et les traditions des communautés

autochtones qui y vivent depuis des temps immémoriaux, comme

la Première Nation Dehcho de Nahanni. Il estime que ce contact avec

la culture est important pour promouvoir l’idée d’une éthique de

la conservation.

Directeur des Affaires autochtones et vice-président de l’établissement

et de la conservation des aires protégées au bureau national de

Parcs Canada, M. Prosper avait pour responsabilité de créer des relations

significatives avec les peuples autochtones. Membre de la Première

Nation d’Acadia, il raconte que sa relation avec les leaders autochtones

l’a grandement inspiré en matière de conservation.

Récemment à la retraite, après 38 ans de carrière, il siège maintenant

au Conseil d’administration de Conservation de la nature Canada

(CNC) et explique ce qui l’a inspiré. « C’est un organisme qui contribue

concrètement à la conservation et en tant que gestionnaire de

terres, il favorise la création de liens avec les peuples autochtones. »

[Les aires protégées et de conservation

autochtones] favorisent la conservation tout en

mettant à l’avant-plan la culture et les langues

autochtones, ce qui est très prometteur.

PROMOUVOIR LA CONSERVATION ET LA RÉCONCILIATION

M. Prosper était le responsable fédéral de l’initiative En route vers

l’objectif 1 du Canada, mise en place par le gouvernement pour

conserver 17 % des zones terrestres et d’eaux intérieures et 10 %

des zones côtières et marines d’ici 2020. Le Canada vise maintenant

à conserver 30 % des terres et des océans d’ici 2030.

Pour atteindre ces nouveaux objectifs, M. Prosper croit qu’une approche

globale et inclusive est nécessaire et il voit un grand potentiel

dans la collaboration avec les communautés autochtones.

« Les gains en conservation les plus importants que le Canada

peut faire pour atteindre ses engagements internationaux sont au

chapitre des aires protégées et de conservation autochtones, ce

qui peut prendre plusieurs formes », explique-t-il.

Comme définies dans le rapport 2018 du Cercle autochtone d’experts,

les aires protégées et de conservation autochtones (APCA)

sont « des terres et des eaux où les gouvernements autochtones ont

un rôle primordial à jouer dans la protection et la conservation des

écosystèmes grâce aux lois, à la gouvernance

et aux systèmes de connaissances autochtones.

La culture et la langue sont l’âme et le

cœur qui font vivre une APCA. »

Selon M. Prosper, ces aires favorisent la

conservation tout en mettant à l’avant-plan la

culture et les langues autochtones, ce qui est

très prometteur. « Je doute qu’il y ait de manifestation

plus éloquente de la réconciliation

avec les Autochtones que leur autonomie en

matière de gestion du territoire », déclare-t-il.

Partout au pays, CNC collabore à des

projets avec des communautés autochtones.

M. Prosper considère que l’expertise scientifique

de l’organisme permet, par exemple,

l’identification de zones riches en biodiversité,

tandis que le savoir culturel et l’approche

à double perspective des peuples autochtones

favorisent une vision holistique de la gestion

des terres et des eaux.

En réfléchissant à son propre lien avec

la nature, M. Prosper se remémore ses

expériences sur le terrain et les relations qu’il

y a créées. « Découvrir Nahanni à travers le

regard de la communauté de Nahanni Butte

et de celui des Premières Nations Dehcho

m’a grandement marqué », confie-t-il.

À Parcs Canada, M. Prosper a assuré la

création de plusieurs aires protégées, notamment

celles de l’Île-de-Sable (N.-É.), de

Tallurutiup Imanga (Nunavut) et de Thaidene

Nëné (T.N.-O.). Il habite maintenant le sudest

de l’Ontario avec sa famille et possède

une ferme près de chez lui, ce qui lui permet

de rester connecté à la terre. Rob Prosper

cultive, tout en laissant les choses pousser un

peu à l’état sauvage pour contribuer à la biodiversité.

Il plaisante : « Je gère dorénavant ma

propre ma propre aire de conservation. »1

conservationdelanature.ca

ÉTÉ 2022 15


CNC

À L’ŒUVRE

1

Investir dans notre futur

SUD-OUEST DU MANITOBA

3

1

MERCI!

Votre appui a permis la réalisation de

ces projets. Pour en savoir plus, visitez :

conservationdelanature.ca/nous-trouver.

Redonner

« C’est important de montrer aux jeunes

générations qu’il faut toujours redonner,

pour les inciter à contribuer à la protection

de l’environnement et à préserver les habitats

naturels. Nous voyons une valeur réelle dans le

fait de fournir un important flux de financement

régulier qui peut servir de catalyseur pour

accélérer l’atteinte des ambitieux objectifs de

Conservation de la nature Canada.

2

Investir dans la nature n’a jamais été aussi important. En plus

d’offrir un habitat essentiel aux espèces rares et en voie de disparition,

les prairies, les forêts, les milieux humides et les lacs du Manitoba

contribuent à réduire les risques d’inondation, à filtrer notre eau

potable et à capter et séquestrer le carbone. Ils attirent également les

pollinisateurs et protègent les terres de la sécheresse.

Ces écosystèmes naturels, comme la prairie d’herbes mixtes et les

milieux humides du projet Jackson Pipestone Prairies & Wetlands, sont

un cadeau de la nature, car ils sont nos alliés face aux crises mondiales

des changements climatiques et de la perte de biodiversité. Ce projet

de conservation comporte deux Zones importantes pour la conservation

des oiseaux (ZICO) et représente une occasion unique de soutenir

la protection des prairies de la province, de ses lacs et leurs affluents.

Situé dans le sud-ouest du Manitoba, près de Broomhill, ce projet

englobe certaines des dernières grandes étendues de prairies d’herbes

mixtes interconnectées de la province. L’acquisition de ces terres

garantit la pérennité d’habitats importants et des milliers d’espèces

qui en dépendent.

Parmi les nombreuses espèces en péril qui y vivent, on compte le

bruant de Baird, le pipit de Sprague, la buse rouilleuse, le plectrophane

à ventre noir, la pie-grièche migratrice des Prairies, la chevêche des

terriers, le crapaud des steppes et l’hirondelle rustique. Les lacs Maple

et Plum sont également des haltes migratoires d’importance pour les

oiseaux aquatiques.

CNC collabore avec des membres de la communauté agricole et des

producteurs locaux afin d’améliorer la santé à long terme des prairies.

Ce projet est géré conjointement avec des terres voisines dans le cadre

d’une opération de production de bétail plus large, ce qui profite également

à l’économie locale.

Grâce à votre soutien, nous pourrons protéger cet endroit remarquable

au profit des différentes espèces résidentes et migratrices.

Pour plus d’information, visitez natureconservancy.ca/jacksonpipestone.ca

Chevêche des terriers

GLYN THOMAS/ALAMY STOCK PHOTO. MÉDAILLON : CNC.

Notre intention est que notre don de 1 million

de dollars encourage d’autres personnes ou

familles à offrir un financement flexible pour

protéger l’environnement. Nous espérons que

ce sera un exemple que d’autres donatrices ou

donateurs souhaiteront suivre. Le changement

ne se fera pas du jour au lendemain, mais

si, grâce à notre don, plus de personnes

connaissent CNC et passent à l’action pour

soutenir vos projets et programmes, dans 10,

15 ou même 20 ans, nous verrons encore plus

de terres conservées, plus d’espèces sauvages

prospérer et plus de gens profiter de la nature. »

~ Al Collings et Hilary Stevens, Collings

Stevens Family Foundation, donateurs

depuis 2017

16 ÉTÉ 2022 conservationdelanature.ca


CARIBOU : MIKE DEMBECK. ROCHER : CLAUDIA HANEL. WATERTON : LETA PEZDERIC.

Caribou

2

Garder « le Rocher » intact

TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR

La campagne de financement Garder « le Rocher » intact (Keep The Rock Rugged) est une démarche

ambitieuse pour collecter 3 millions $ afin de faire progresser la conservation à Terre-Neuve-et-Labrador.

Plus de 1 million $ en don ont déjà été promis.

Terre-Neuve-et-Labrador possède le troisième plus petit pourcentage de terres protégées au pays.

Cette campagne de financement vise à agrandir ses réserves naturelles vitales, à soutenir les stages

d’étudiant(e)s, les programmes de bénévolat et les projets de recherche, ainsi qu’à investir dans les

nouvelles technologies pour que progresse la conservation de la nature dans cette province.

Pour en savoir plus, visitez natureconservancy.ca/keeptherockrugged (en anglais)

Waterton Park Front, Alb.

3

La bienveillance en héritage

RÉGION DU PROJET DU PARC WATERTON, ALBERTA

Terre-Neuve-et-Labrador

Partout au pays, CNC œuvre dans des communautés qui veillent sur les terres et les eaux qui les entourent

depuis des générations. Au printemps 2021, la famille Bectell s’est adressée à CNC pour discuter

de l’avenir des terres qu’elle protège depuis des années.

En travaillant de concert avec CNC, la famille a instauré une servitude de conservation sur sa terre,

située à 10 kilomètres à l’est du parc national des Lacs-Waterton. La propriété comprend des prairies

indigènes et des milieux humides et abrite plusieurs espèces en péril, comme la buse rouilleuse, l’ours

grizzly et l’iris du Missouri. En plus de procurer un habitat important aux oiseaux de proie et au tétras

à queue fine, la propriété est adjacente à une zone clé pour la faune et la biodiversité.

D’une superficie de 324 hectares, la propriété des Bectell s’ajoute au réseau existant de terres

gérées par CNC dans la région du parc Waterton. L’entente garantit le maintien de la propriété dans

un état naturel, sain et non fragmenté, tout en permettant son utilisation en tant que ranch.

Pleins feux sur

nos partenaires

Techno nature RBC est un

engagement pluriannuel visant

à protéger notre avenir collectif

en misant sur la nouveauté en

matière d’idées, de technologies

et de partenariats. Voilà

pourquoi Fondation RBC s’est

alliée à Conservation de la

nature Canada (CNC) afin

d’investir dans la puissance de

technologies novatrices.

Techno nature RBC a aidé CNC

à développer des outils basés

sur l’intelligence artificielle (IA)

permettant de planifier des

efforts de conservation efficaces

à travers le pays. Ces outils, qui

utilisent des données existantes

sur les espèces, les habitats, le

climat, la connectivité et les

menaces, permettent de

déterminer les sites les plus

importants à conserver et les

mesures de conservation à

mettre en place. Au Canada, ils

comptent parmi les premiers

outils à hiérarchiser les actions à

entreprendre une fois qu’il a été

confirmé qu’une propriété doit

être protégée.

Ce partenariat souligne

l’importance de conserver les

habitats et les sites naturels les

plus à risque, et de recourir aux

bons processus dans notre

travail qui vise à résoudre la

double crise de la perte de

biodiversité et des changements

climatiques. En fin de

compte, ces outils basés sur l’IA

soutiennent la prise de décision

afin d’optimiser l’impact de CNC

d’un océan à l’autre et à l’autre.

conservationdelanature.ca


GRANDEUR

NATURE

Lettre

d’amour à la

montagne

Par Gayle Roodman, directrice des services éditoriaux à CNC

Chère montagne,

Tu ne me connais pas personnellement,

mais tu pourrais sans

doute reconnaître mes traces. Je

te parcours en ski, à pied, en raquettes

et à vélo depuis plusieurs

décennies.

Vois-tu, chère montagne, tu

as changé le cours de ma vie.

Quand j’ai terminé mes études

secondaires en Ontario, je n’avais

aucune idée de ce que j’allais

faire de ma vie.

Dès l’obtention de mon diplôme,

j’ai pris le train vers le lac

Louise, en Alberta, pour y travailler

le temps d’un été. Je me souviendrai

toujours de ma réaction

en apercevant les Rocheuses

pour la première fois. J’étais ébahie.

En voyant de mes propres

yeux tes cimes grises et tes glaciers

d’un blanc bleuté, je suis

restée bouche bée. Entre mes

quarts de travail, je passais la plupart

de mon temps libre à explorer

tes reliefs. J’ai même suivi des

cours d’alpinisme pour me rapprocher

de toi.

L’hiver, je retournais travailler

à Ottawa. J’ai fait l’aller-retour

pendant quelques années, jusqu’à

ce que ton appel devienne trop

insistant pour être ignoré. Je ne

pouvais plus vivre sans toi, alors

j’ai déménagé dans l’Ouest.

Nouvelle dans la région, j’ai

intégré des clubs de plein air

regroupant des personnes aux

intérêts communs. Sur tes sentiers

sont nées des amitiés qui

perdurent encore aujourd’hui. Tu

m’as aussi ouvert un monde de

possibilités. J’ai sillonné les Adirondacks,

l’Himalaya, les monts

Tatras et les Andes. Chacune de

tes chaînes cousines est unique

en son genre, mais, peu importe

l’emplacement géographique,

vous avez en commun le pouvoir

de me mettre de bonne humeur,

de me ressourcer, de repousser

mes limites et de renforcer mon

lien avec le monde naturel.

Toutefois, belle montagne,

tu n’as pas la vie facile. Tu offres

beaucoup, notamment de l’air

pur, de l’eau, un espace de loisirs,

un refuge pour la faune et

la flore et des bienfaits spirituels.

Pourtant, il m’arrive d’oublier

que malgré ta force imposante,

tu demeures vulnérable au développement

et aux effets des

changements climatiques.

Pour te remercier de tout ce

que tu m’as donné, voici ce que

je te promets : tes paysages ne

seront jamais qu’un simple fond

d’écran à mes yeux; je ne cesserai

de m’étonner de la lumière dansante

sur tes crêtes; je maintiendrai

fermement ma croyance que

tu es tout aussi jolie enneigée

qu’impressionnante sans ce voile

blanc; je continuerai d’aller à ta

rencontre quand j’aurai besoin de

me vider l’esprit et d’accélérer

mon rythme cardiaque; je respecterai

tes changements d’humeurs

et de météo; j’honorerai

la présence des animaux que tu

héberges; je n’oublierai jamais

qu’il s’agit d’un privilège de

s’émerveiller devant tes

paysages; puis, je ferai de mon

mieux pour que les autres te

traitent avec la bienveillance et

le respect dont tu es digne.

Merci et continue ton

excellent travail!

Gayle

JACQUI OAKLEY.

18 ÉTÉ 2022 conservationdelanature.ca


METTEZ VOTRE

PASSION AU

CŒUR DE

VOTRE

HÉRITAGE

Votre passion pour les espaces naturels qui nous entourent est au

cœur de votre vie. Et maintenant, vous pouvez en faire votre héritage.

Un don testamentaire à Conservation de la nature Canada, quel que soit

le montant, vous permet de contribuer à la protection de nos habitats

les plus vulnérables et de la faune qu’ils abritent. Pour aujourd’hui,

pour demain, et pour les générations à venir.

Commandez votre livret d’information sur

les dons planifiés dès aujourd’hui.

Communiquez avec Marcella au 1 877 231-3552,

poste 2276 ou visitez natureenheritage.ca


VOTRE

IMPACT

Petits renards véloces,

Sud de la Saskatchewan

Protéger les

prairies indigènes

De nos jours, seulement moins de 20 % des prairies

indigènes de la Saskatchewan sont toujours

intactes. Mais grâce à votre soutien, 629 hectares

de prairies et de milieux humides menacés de

la propriété du lac Lonetree ont été protégés.

D’autres donatrices et donateurs privés ont aussi

contribué en grand nombre à la conservation du

lac Lonetree, notamment les membres du groupe

Facebook Field of Dreams, créé par Marc Spooner,

professeur à l'Université de Regina. Ce qui a débuté

par une question : « Que faire de nos remises

de la Saskatchewan Government Insurance », est

devenu une incroyable initiative permettant de

recueillir 103 500 $ pour la protection de l'habitat

grouillant de vie qu’est le lac Lonetree.

Hastings Wildlife Junction, Ont.

HAUT EN BAS : JOHN E. MARRIOTT; MIKE DEMBECK.

Un projet crucial dans

le sud de l’Ontario

Le projet Hastings Wildlife Junction, d’une

superficie de 8 000 hectares, jouera un rôle crucial

dans l’atténuation des effets des changements

climatiques et du déclin de la biodiversité. Situé à

la rencontre des corridors écologiques Algonquin-

Adirondacks et The Land Between, ce projet est

d’une ampleur et d’une importance écologique

extrêmement rare pour le sud de l’Ontario où une

vaste portion du territoire est développée.

Merci de tout ce que vous faites pour la nature!

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