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Schéma de Développement Communal - Historique urbanistique de Liège.

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histoire <strong>urbanistique</strong> <strong>de</strong> liège


Le texte a été rédigé par le Service <strong>de</strong> l’Aménagement du Territoire du Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong><br />

la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (Laurent Brück, Renaud Kinet-Poleur et Pierre Bricteux). Le premier chapitre consacré à<br />

l’Ancien Régime intègre une contribution <strong>de</strong> l’historienne Christine Renardy, spécialiste du Moyen Âge. Les<br />

relecteurs sont remerciés pour leurs conseils avisés : Céline Bodson, Hervé Brichet, Pauline Dessoy, Pierre<br />

Fontaine, Frédéric Marchesani et Anne-Marie Veithen. La mise en page et le graphisme ont été réalisés<br />

par Geneviève Vlaminck.<br />

Plusieurs cartes ont été préparées par le Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (Jean-Michel<br />

Rasquin, Stéphane Bolland et Natacha Lin<strong>de</strong>r du Service <strong>de</strong> Cartographie, ainsi que Jérémy Tournay et<br />

Hervé Brichet du Service <strong>de</strong> l’Aménagement). Certaines photographies ont été réalisées par Jean-Pierre<br />

Ers, photographe du Département. Une partie <strong>de</strong>s vues aériennes ont été prises par Photo-Daylight (Jean-<br />

Luc Deru), Global View (Simon Schmitt), et le studio ADR (André Drèze). Des vues extraites <strong>de</strong> Google<br />

Maps sont également utilisées. La source est mentionnée sous chaque document. Si un ayant droit i<strong>de</strong>ntifie<br />

un manquement à ce niveau, nous l’invitons à prendre contact avec le Département <strong>de</strong> l’Urbanisme<br />

pour procé<strong>de</strong>r aux adaptations nécessaires.<br />

Version mise à jour en mars 2023<br />

Éditeur responsable : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme<br />

Image <strong>de</strong> couverture : WalOnMap


histoire <strong>urbanistique</strong> <strong>de</strong> liège


table <strong>de</strong>s matières<br />

introduction 7<br />

Chapitre 1 :<br />

Une structure médiévale maintenue jusqu’à la fin <strong>de</strong> l’Ancien Régime 11<br />

1.1. Le site primitif 11<br />

1.2. La naissance <strong>de</strong> la cité 12<br />

1.3. L’organisation <strong>de</strong> la ville au Moyen Âge 15<br />

1.4. Le rôle <strong>de</strong>s biens du clergé dans la structure <strong>urbanistique</strong> 18<br />

1.5. Une structure figée aux Temps mo<strong>de</strong>rnes 22<br />

1.6. Le paysage aux abords <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> à la fin <strong>de</strong> l’Ancien Régime 25<br />

1.7. La structure <strong>de</strong> la Ville à la veille <strong>de</strong>s mutations du XIX e siècle 27<br />

Chapitre 2 :<br />

Un tissu urbain métamorphosé au cours du XIX e siècle 31<br />

2.1. Une révolution également <strong>urbanistique</strong> 31<br />

2.2. Les premiers embellissements sous le Régime Hollandais (1815-1830) 31<br />

2.3. La création <strong>de</strong> nouveaux quartiers bourgeois 32<br />

2.4. La réorganisation du réseau hydrographique 34<br />

2.5. De nouveaux équipements publics d’envergure 38<br />

2.6. Les quartiers industriels 42<br />

2.7. L’urbanisation atteint les limites communales 44<br />

2.8. La villa, nouvelle typologie rési<strong>de</strong>ntielle 48<br />

2.9. L’évolution <strong>de</strong>s paysages autour du centre-ville 48<br />

Chapitre 3 :<br />

Une organisation confortée au cours <strong>de</strong> la première moitié du XX e siècle 53<br />

3.1. L’exposition universelle <strong>de</strong> 1905 53<br />

3.2. La roca<strong>de</strong> en corniche nord-ouest et les développements liés 56<br />

3.3. Les cités-jardins 59<br />

3.4. L’exposition internationale <strong>de</strong> 1930 et l’aménagement <strong>de</strong> la zone aval 61<br />

3.5. L’exposition internationale <strong>de</strong> 1939, le canal Albert et le Port autonome 65<br />

3.6. Les conséquences <strong>urbanistique</strong>s <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux guerres mondiales 66<br />

3.7. Une agglomération pluri-communale 69<br />

3.8. Les grands projets dans le centre-ville 70<br />

3.9. La nouvelle typologie <strong>de</strong>s immeubles à appartements 71


Chapitre 4 :<br />

Une structure complexifiée au cours <strong>de</strong>s Trente Glorieuses (1945-1977) 75<br />

4.1. Une mo<strong>de</strong>rnisation nécessaire pour éviter le déclin 75<br />

4.2. L’aménagement d’un réseau <strong>de</strong> voiries <strong>de</strong> grand gabarit 75<br />

4.3. La place Saint-Lambert, nœud gordien <strong>de</strong> l’urbanisme liégeois 81<br />

4.4. La rénovation <strong>de</strong>s quartiers anciens et la lutte contre les « taudis » 82<br />

4.5. La diffusion <strong>de</strong>s immeubles à appartements <strong>de</strong> grand gabarit 85<br />

4.6. Les grands ensembles <strong>de</strong> logements publics 89<br />

4.7. Les lotissements <strong>de</strong> promotion privée 91<br />

4.8. La relocalisation <strong>de</strong>s grands équipements et <strong>de</strong>s activités économiques 92<br />

4.9. La désindustrialisation <strong>de</strong>s quartiers anciens et l’apparition <strong>de</strong>s friches 93<br />

4.10. La traduction <strong>urbanistique</strong> <strong>de</strong> la tertiarisation <strong>de</strong> l’économie 95<br />

4.11. Le campus universitaire du Sart Tilman 96<br />

4.12. Les réflexions en termes <strong>de</strong> transport public 96<br />

4.13. L’émergence d’une métropole pluricommunale 97<br />

Chapitre 5 :<br />

Des années 1980 à aujourd’hui : la concrétisation d’un nouvel urbanisme opérationnel 103<br />

5.1. Un changement d’échelle suite à la fusion <strong>de</strong>s communes 103<br />

5.2. La reconstruction <strong>de</strong> la place Saint-Lambert 104<br />

5.3. Le décrochage <strong>de</strong> certains quartiers centraux 106<br />

5.4. La poursuite du mouvement <strong>de</strong> périurbanisation 107<br />

5.5. L’arrivée du TGV, la refonte du quartier <strong>de</strong>s Guillemins et le nouvel axe métropolitain 109<br />

5.6. La dynamisation <strong>de</strong>s quartiers centraux et les programmes <strong>de</strong> rénovation urbaine 111<br />

5.7. La nouvelle stratégie <strong>de</strong> développement spatial <strong>de</strong> l’Université 115<br />

5.8. La nouvelle ligne <strong>de</strong> tram et l’urbanisme <strong>de</strong>s grands projets 116<br />

5.9. La valorisation touristico-culturelle du centre-ville 118<br />

5.10. Des lotissements rési<strong>de</strong>ntiels 119<br />

En conclusion : L’analyse territoriale au service d’une nouvelle planification 123


6<br />

Les principaux toponymes du territoire communal liégeois


historique <strong>urbanistique</strong><br />

7<br />

introduction<br />

Les autorités <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> ont décidé l’élaboration d’un <strong>Schéma</strong> <strong>de</strong> <strong>Développement</strong><br />

<strong>Communal</strong> (SDC) afin <strong>de</strong> gui<strong>de</strong>r le développement <strong>de</strong> son territoire au cours <strong>de</strong>s<br />

prochaines décennies. Le document va définir la structure spatiale souhaitée dans une<br />

vision ambitieuse, durable et réaliste. Les gran<strong>de</strong>s options orienteront la localisation<br />

<strong>de</strong>s projets publics et privés afin <strong>de</strong> répondre <strong>de</strong> manière conjointe et équilibrée aux<br />

enjeux sociétaux, économiques et environnementaux <strong>de</strong>s citoyens liégeois. Ainsi, le<br />

SDC intégrera notamment les enjeux prioritaires mis en avant dans les consultations<br />

déjà réalisées : la qualité <strong>de</strong> vie en ville, la trame verte, la qualité <strong>de</strong>s logements et <strong>de</strong><br />

leurs abords, le traitement <strong>de</strong>s friches…<br />

L’élaboration <strong>de</strong> ce SDC s’accompagne <strong>de</strong> la production <strong>de</strong> documents d’analyse.<br />

Comprendre les évolutions et choix du passé est une <strong>de</strong>s approches qui éclaire le<br />

présent. Ce dossier vise dès lors à donner <strong>de</strong>s clés pour comprendre les phases <strong>de</strong><br />

développement du paysage urbain. La ville <strong>de</strong> ce début du XXI e siècle est en effet le<br />

résultat d’une longue histoire urbaine, même si certains processus se sont accélérés<br />

récemment. <strong>Liège</strong> se caractérise par une organisation complexe <strong>de</strong> sa structure <strong>urbanistique</strong>,<br />

en lien avec sa géographie composée <strong>de</strong> vallées encaissées, ainsi qu’avec<br />

les différentes conceptions d’aménagement qui se sont succédées au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

<strong>de</strong>rniers siècles. Pour faciliter la lecture, le dossier est articulé en cinq gran<strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s,<br />

chaque chapitre étant accompagné <strong>de</strong> cartes et <strong>de</strong> schémas révélant l’organisation <strong>de</strong><br />

l’urbanisation et <strong>de</strong>s espaces ouverts. Des photos illustrent également les espaces clés<br />

Les liens entre l’évolution <strong>de</strong>s sites aux étapes passées et la situation actuelle seront<br />

indiqués en bleu.<br />

Pour ai<strong>de</strong>r à situer les quartiers évoqués dans le document, la première carte ci-contre<br />

reprend une série <strong>de</strong> toponymes importants.


8<br />

aperçu<br />

ancien régime<br />

avant 1800<br />

pages 11 à 29<br />

Une ville médiévale fortifiée <strong>de</strong> vallée, entourée<br />

<strong>de</strong> noyaux villageois. Structuration<br />

autour <strong>de</strong>s propriétés ecclésiastiques<br />

jusqu’à la Révolution liégeoise.<br />

XIX E SIÈCLE<br />

1800-1900<br />

pages 31 à 51<br />

La ville métamorphosée : assainir, circuler,<br />

embellir, urbaniser… Un siècle <strong>de</strong> grands<br />

travaux qui débutent par la démolition<br />

<strong>de</strong> la cathédrale et se poursuivent par le<br />

comblement <strong>de</strong>s bras d’eau.<br />

1 ÈRE MOITIÉ DU<br />

XX E SIÈCLE<br />

1900-1945<br />

pages 53 à 73<br />

La ville <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s expositions universelle<br />

et internationales : 1905, 1930,<br />

1939. Les <strong>de</strong>rniers chantiers <strong>de</strong> rectification<br />

<strong>de</strong>s voies d’eau. L’émergence <strong>de</strong><br />

nouveaux mo<strong>de</strong>s d’habiter.<br />

trentes<br />

glorieuses<br />

1945-1977<br />

pages 75 à 101<br />

La ville transformée par la voiture : quais,<br />

boulevards, ponts et avenues transformés<br />

en autoroutes urbaines. Les nouveaux<br />

espaces d’activités et les ensembles rési<strong>de</strong>ntiels<br />

monofonctionnels illustrant l’urbanisme<br />

fonctionnaliste.<br />

époque<br />

récente<br />

1977-2022<br />

pages 103 à 126<br />

La Ville <strong>de</strong>s grands projets par un urbanisme<br />

opérationnel. La mise en place<br />

d’une nouvelle mobilité et une stratégie<br />

<strong>de</strong> requalification <strong>de</strong>s espaces publics.


historique <strong>urbanistique</strong><br />

9<br />

Les enceintes médiévales <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

sont érigées du XI e au XIII e siècle.<br />

©C. Renardy<br />

La première forteresse bastionnée<br />

est établie sur le site <strong>de</strong> la Cita<strong>de</strong>lle<br />

en 1650.<br />

La structure médiévale <strong>de</strong>nse <strong>de</strong><br />

l’intra-muros est complétée par <strong>de</strong>s<br />

faubourgs linéaires.<br />

La rectification <strong>de</strong>s voies d’eau et<br />

les comblements permettent la<br />

création <strong>de</strong> grands boulevards.<br />

L’arrivée du chemin <strong>de</strong> fer entraîne<br />

le développement <strong>de</strong>s quartiers <strong>de</strong><br />

gares.<br />

Les nouveaux quartiers bourgeois<br />

sont planifiés autour <strong>de</strong> places géométriques<br />

et <strong>de</strong> parcs.<br />

L’exposition universelle <strong>de</strong> 1905<br />

contribue à l’aménagement <strong>de</strong>s<br />

quartiers au sud du centre-ville,<br />

dans la vallée <strong>de</strong> l’Ourthe.<br />

Plusieurs cités jardins composées <strong>de</strong><br />

logements ouvriers se développent à<br />

flanc <strong>de</strong> versants et au-<strong>de</strong>là.<br />

Les premiers grands immeubles à<br />

appartements <strong>de</strong> standing apparaissent<br />

le long <strong>de</strong> la Meuse et <strong>de</strong><br />

la Dérivation.<br />

L’aménagement d’un réseau routier<br />

<strong>de</strong> grand gabarit génère <strong>de</strong>s coupures<br />

dans les quartiers existants.<br />

©BUC<br />

Les logements <strong>de</strong> La Maison Liégeoise<br />

à Droixhe constituent le plus<br />

grand complexe rési<strong>de</strong>ntiel mo<strong>de</strong>rniste<br />

<strong>de</strong> Wallonie<br />

« L’appartementisation » gagne tous<br />

les espaces offrant <strong>de</strong> larges perspectives<br />

: quais, boulevards, rues en<br />

bordure <strong>de</strong> parcs.<br />

©GlobalView<br />

©Miysis<br />

©GlobalView<br />

©Google Maps<br />

©Coll. Conradt<br />

©J-L Deru ©WalOnMap<br />

Les opérations <strong>de</strong> rénovation urbaine<br />

prennent place dans <strong>de</strong>s quartiers<br />

anciens au cœur <strong>de</strong> la ville.<br />

L’arrivée du TGV débouche sur la<br />

création d’un nouvel axe métropolitain<br />

entre la gare, le parc <strong>de</strong> la<br />

Boverie et la Médiacité.<br />

Le tram est le support <strong>de</strong>s grands<br />

projets urbains, tout en s’accompagnant<br />

<strong>de</strong> la requalification <strong>de</strong> 50 ha<br />

d’espaces publics.


10


historique <strong>urbanistique</strong><br />

11<br />

Chapitre 1<br />

Une structure médiévale maintenue jusqu’à la fin <strong>de</strong> l’Ancien Régime<br />

1.1. Le site primitif<br />

Au niveau <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, le cadre spatial <strong>de</strong> la Meuse est dominé par un amphithéâtre <strong>de</strong><br />

versants entourant un élargissement important <strong>de</strong> la vallée occupé par <strong>de</strong> nombreux<br />

bras du fleuve, ainsi que par les espaces <strong>de</strong> confluences <strong>de</strong> la Vesdre, <strong>de</strong> l’Ourthe. Au<br />

nord, la petite rivière Légia prend sa source au bord du plateau hesbignon à Ans, puis<br />

dévale vers la plaine en déchirant le coteau mosan par une vallée étroite, site d’implantation<br />

<strong>de</strong> nombreux moulins. La zone primitive d’habitat se situe au bord <strong>de</strong> ce cours<br />

d’eau, juste sur son cône <strong>de</strong> déjection. Cette large terrasse, située à 65 m d’altitu<strong>de</strong><br />

et donc à l’abri <strong>de</strong>s crues mosanes, s’est constituée par les dépôts alluvionnaires au<br />

pied du versant exposé au sud. Des hommes, aussi bien <strong>de</strong>s chasseurs noma<strong>de</strong>s du<br />

Mésolithique que <strong>de</strong>s agriculteurs <strong>de</strong> l’Âge <strong>de</strong>s Métaux, ont fait le choix <strong>de</strong> s’y installer.<br />

Il n’y a aucun doute possible, il ne s’agit pas d’un fait du hasard.<br />

Le site naturel primitif <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

Le point rouge indique le site primitif <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, sur le cône <strong>de</strong> dépôt <strong>de</strong>s boues <strong>de</strong> la petite rivière Légia. La<br />

plaine alluviale <strong>de</strong> la Meuse et <strong>de</strong> son principal affluent, l’Ourthe, forme un espace d’environ 1,5 à 2 km <strong>de</strong><br />

large parcouru par <strong>de</strong> nombreux bras d’eau qui séparent un archipel d’îlots.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> - Service <strong>de</strong> l’Aménagement<br />

Une particularité intéressante du site <strong>de</strong> confluence est d’être partagé en une multitu<strong>de</strong><br />

d’îlots repartis dans une plaine marécageuse, îlots facilitant le passage <strong>de</strong><br />

la Meuse à un endroit où justement ses affluents importants, l’Ourthe et la Vesdre,<br />

entament le contrefort <strong>de</strong>s massifs ar<strong>de</strong>nnais et rhénan. Situé aux confins <strong>de</strong> l’Ar<strong>de</strong>nne,<br />

du Condroz et <strong>de</strong> la Hesbaye, ce lieu <strong>de</strong> passage est choisi pour la construc-


12<br />

tion d’une luxueuse <strong>de</strong>meure gallo-romaine. Non une traditionnelle ferme (villa), siège<br />

d’une exploitation agricole en haut d’une colline, mais bien un centre d’échanges<br />

contrôlés <strong>de</strong> transports fluviaux en cœur <strong>de</strong> vallée : tout dans le bâti (bains, système<br />

<strong>de</strong> drainage, canaux) la <strong>de</strong>stine à une exploitation centrée sur l’eau. Les vestiges <strong>de</strong><br />

ce bâtiment plusieurs fois rebâti et/ou transformé, comme ceux <strong>de</strong>s cathédrales successives<br />

qui ont occupé le site jusqu’à la fin du XVIII e siècle, sont visibles au sein <strong>de</strong><br />

l’Archéoforum, situé sous la place Saint-Lambert.<br />

La place Saint-Lambert, le noyau originel <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

La place Saint-Lambert est aménagée au XIX e siècle à l’emplacement <strong>de</strong> l’ancienne cathédrale, elle-même<br />

érigée au-<strong>de</strong>ssus du tombeau <strong>de</strong> l’évêque canonisé Lambert. Lors du réaménagement <strong>de</strong> l’espace à la fin<br />

du XX e siècle, <strong>de</strong>s piliers ont été placés pour indiquer l’emprise <strong>de</strong> l’église gothique disparue. Devenu palais<br />

<strong>de</strong> justice et palais provincial, l’ancien palais <strong>de</strong>s princes-évêques est un témoignage majeur <strong>de</strong> l’organisation<br />

urbaine sous l’Ancien Régime. Il se compose <strong>de</strong> parties <strong>de</strong>s XV Ie , XVIII e et XIX e siècles.<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2018 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (extrait)<br />

1.2. La naissance <strong>de</strong> la cité<br />

Du VII e au XII e siècle, <strong>Liège</strong> est un <strong>de</strong>s maillons forts du réseau formé par les cités<br />

rhéno-mosanes. Dès le début <strong>de</strong> l’influence exercée par les Pippini<strong>de</strong>s - les maires<br />

du palais qui ont finalement détrôné la dynastie mérovingienne -, le déplacement <strong>de</strong> la<br />

zone politico-administrative vers les vallées du Rhin et <strong>de</strong> la Meuse entraîne un regain<br />

d’activités artisanales et même industrielles dans le nord-ouest européen. Suite à l’assassinat<br />

<strong>de</strong> l’évêque Lambert (vers 700), qui avait fait <strong>de</strong> l’ancienne construction romaine<br />

un <strong>de</strong> ses lieux <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce - à l’époque, les détenteurs du pouvoir ne se fixent<br />

pas dans un seul lieu -, la localité mosane <strong>de</strong>vient un important centre <strong>de</strong> pèlerinage. À<br />

la fin du VIII e siècle, durant le règne <strong>de</strong> Charlemagne, qui aime rési<strong>de</strong>r dans son palais<br />

<strong>de</strong> Herstal à quelques kilomètres à l’est <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, la cathedra (trône épiscopal) est dès


historique <strong>urbanistique</strong><br />

13<br />

lors installée à <strong>Liège</strong>, qui <strong>de</strong>vient ainsi le chef-lieu d’un très vaste diocèse. La basilique<br />

érigée sur le lieu du martyre <strong>de</strong> l’évêque Lambert <strong>de</strong>vient un siècle plus tard la cathédrale<br />

consacrée à ce saint ; le sanctuaire est agrandi une première fois.<br />

Les Normands avaient déjà attaqué <strong>Liège</strong> en 881 et détruit sa cathédrale. Afin <strong>de</strong> mieux<br />

asseoir son pouvoir sur la ville et dans la crainte d’invasions, l’évêque Éracle déci<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

la transférer, peu avant 965 et avec l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> la famille impériale, sur la colline publique<br />

(Publémont) dominant l’agglomération à l’ouest, et plus facilement défendable que la<br />

vallée. Il déserte <strong>de</strong> ce fait le groupe épiscopal originel (cathédrale et palais) datant du<br />

début du VIII e siècle, reconstruit à la fin du IX e siècle et situé à l’emplacement exact du<br />

martyre <strong>de</strong> Lambert, son illustre prédécesseur. Renonçant à ce concept <strong>de</strong> cathédrale<br />

fortifiée en hauteur, l’évêque Notger reconstruisit par contre une nouvelle fois la cathédrale<br />

sur le lieu déjà choisi par saint Hubert, car sanctifié par le sang du martyr Lambert.<br />

Le même prélat remplace les remparts faits <strong>de</strong> bois protégeant la ville basse par<br />

<strong>de</strong>s remparts <strong>de</strong> pierre, en s’appuyant néanmoins sur les fortifications du Publémont<br />

dominé par l’ancienne cathédrale d’Éracle <strong>de</strong>venue collégiale sous Notger, désormais<br />

consacrée à saint Martin. Deux portes seulement permettent l’accès à la cité, l’une à<br />

Saint-Martin et l’autre en Féronstrée.<br />

<strong>Liège</strong> au XI e siècle<br />

La première enceinte <strong>de</strong> l’époque <strong>de</strong> Notger est indiquée en pointillés.<br />

Elle englobe le plus ancien quartier <strong>de</strong> la Ville (quartier <strong>de</strong> La<br />

Cité), ainsi que le promontoire du Mont Saint-Martin. Avant l’an<br />

Mille, le castrum n’avait que <strong>de</strong>ux accès : le premier à l’Occi<strong>de</strong>nt<br />

(1) est la porte Saint-Martin située au raccord du Publémont<br />

avec le versant hesbignon ; le second à l’Orient (2) est la porte<br />

Hasseline sur la Féronstrée, l’antique route <strong>de</strong> Maastricht. Outre<br />

la cathédrale (en bleu), sept gran<strong>de</strong>s églises collégiales ont été<br />

fondées (représentées ici en orange), ainsi que <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s<br />

abbayes bénédictines (en rose). Des ponts ont été établis pour<br />

connecter le quartier <strong>de</strong> l’Île (pont d’Avroy et pont d’Île) ainsi que la<br />

rive droite <strong>de</strong> la Meuse (pont <strong>de</strong>s Arches, unique pont sur le bras<br />

principal <strong>de</strong> la Meuse jusqu’au milieu du XIX e siècle).<br />

Source : Christine Renardy et Nelson Van Roy, dans l’Archéobook 7 (Archéoforum) - Christine Renardy, <strong>Liège</strong>, 1015, autour d’un millénaire,<br />

les infrastructures sacrées, Namur, IPW, 2015


14<br />

La rue Hors-Château<br />

La rue Hors-Château s’est développée dès le début du second<br />

millénaire, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la première enceinte, d’où sa dénomination.<br />

C’est une <strong>de</strong>s rares rues du centre-ville qui a traversé les<br />

siècles en conservant sa structure d’origine médiévale. Son exceptionnelle<br />

largeur pour une voirie <strong>de</strong> l’Ancien Régime explique<br />

pourquoi il n’a pas été nécessaire <strong>de</strong> la rectifier aux époques<br />

récentes, à l’exception <strong>de</strong> la partie bordant l’ancien couvent <strong>de</strong>s<br />

Frères mineurs. C’est aujourd’hui une <strong>de</strong>s rues <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> qui abrite<br />

le plus <strong>de</strong> bâtiments classés.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

La place du Marché, un espace d’origine médiévale<br />

La place du Marché s’est formée tôt dans l’histoire <strong>de</strong> la Ville. Comme son nom l’indique, elle a toujours été<br />

un pôle d’activité commerciale, à proximité <strong>de</strong>s grands centres <strong>de</strong> comman<strong>de</strong>ment que sont le palais <strong>de</strong>s<br />

princes-évêques (à gauche) et l’Hôtel <strong>de</strong> Ville (angle inférieur droit). De nombreuses corporations professionnelles<br />

avaient par ailleurs établi leur siège dans le quartier. Les immeubles qui la bor<strong>de</strong>nt aujourd’hui ont été<br />

reconstruits après les <strong>de</strong>structions <strong>de</strong> 1691 (l’église Saint-André et l’Hôtel <strong>de</strong> Ville datent du XVIII e siècle) et les<br />

bombar<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> 1944 (partie orientale <strong>de</strong> la place, vers Féronstrée, au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l’image).<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2018 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (extrait)


historique <strong>urbanistique</strong><br />

15<br />

1.3. L’organisation <strong>de</strong> la ville au Moyen Âge<br />

À la fin du premier millénaire, le centre urbain est déjà encombré ; coincé entre la Meuse<br />

et <strong>de</strong>s versants abrupts fermant la vallée au nord-ouest, il est occupé par les églises<br />

collégiales (Sainte-Croix et Saint-Pierre au pied du Publémont, ainsi que Saint-Denis à<br />

l’angle <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux bras du fleuve), et leurs trois « encloîtres » réservés aux clercs (quartiers<br />

spécifiques réservés aux chanoines et à leurs proches), plusieurs églises paroissiales,<br />

sans compter le palais épiscopal, l’imposante cathédrale et nombre <strong>de</strong> bâtiments annexés<br />

à celle-ci. De plus, <strong>de</strong>ux rues importantes, qui ont aujourd’hui conservé une<br />

architecture aristocratique (Hors-Château et Mont Saint-Martin), semblent avoir été<br />

réservées à l’entourage <strong>de</strong> l’évêque, dont les chevaliers (milites) en charge <strong>de</strong> la défense<br />

<strong>de</strong> l’enceinte. Il ne reste comme espace pour le commerce et l’artisanat que<br />

Féronstrée, la voie vers Herstal protégée par une porte, et quelques rues étroites joignant<br />

perpendiculairement l’espace occupé par le groupe épiscopal et le marché aux<br />

rives <strong>de</strong> la Meuse : Potiérue, rue du Pont, Souverain-Pont, Chéravoie, la Ma<strong>de</strong>leine (en<br />

contrebas d’une casca<strong>de</strong> d’un bras <strong>de</strong> la Légia qui passe sous l’Hôtel <strong>de</strong> ville), et enfin<br />

Neuvice (qui est, comme son nom l’indique, un nouveau quartier).<br />

le quartier du Carré, une création du XI e siècle ?<br />

Le nord du quartier <strong>de</strong> l’Île est délimité par le boulevard <strong>de</strong> la Sauvenière, aménagé à l’emplacement d’un bras<br />

<strong>de</strong> Meuse comblé. Le tracé orthogonal (en damier) <strong>de</strong>s rues du quartier actuellement appelé « Le Carré » aurait<br />

été fondé à l’époque <strong>de</strong> l’évêque Notger.<br />

Source : Google Maps, 2021


16<br />

Les enceintes médiévales <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

La nouvelle ceinture fortifiée établie progressivement à partir du XII e siècle englobe un espace beaucoup plus étendu, <strong>de</strong> plusieurs centaines<br />

d’hectares. Y sont inclus Outremeuse et le quartier <strong>de</strong> l’Île, relié par <strong>de</strong>ux ponts : le pont d’Avroy et le pont d’Île. Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la muraille,<br />

<strong>de</strong>s faubourgs se forment le long <strong>de</strong>s voies d’accès aux portes. Cette reconstitution du tracé <strong>de</strong>s enceintes <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> a été établie par<br />

Christine Renardy à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> nombreuses sources manuscrites, iconographiques, mais aussi grâce aux résultats <strong>de</strong> chantiers archéologiques.<br />

Les couleurs indiquent l’ancienneté <strong>de</strong>s murailles (un trait plus fin indique une hypothèse <strong>de</strong> travail) :<br />

- en rouge vif : antérieures à l’an Mille - en bleu : avant 1300<br />

- en orange : terminées avant 1150 - en vert : les plus récentes<br />

Il est parfois difficile <strong>de</strong> différencier l’emplacement <strong>de</strong>s murs <strong>de</strong> l’enceinte notgérienne <strong>de</strong> celui <strong>de</strong>s aménagements postérieurs. La zone<br />

bleue hachurée représente l’ancien rivage <strong>de</strong> Meuse et les nouvelles confluences <strong>de</strong> la Légia ; l’important cône <strong>de</strong> déjection formé par<br />

cette rivière a fini par détourner son cours et modifier la rive.<br />

Légen<strong>de</strong> :<br />

Les chiffres en noir renvoient aux points <strong>de</strong> passage du castrum énumérés ci-<strong>de</strong>ssous. Les tours d’angle ou <strong>de</strong> renfort extérieur sont<br />

situées par un cercle foncé.<br />

• Portes permettant le passage d’un chariot : 1 Ste-Walburge, 2 Vivegnis, 3 St-Léonard, 4 Hasseline, 5 Ste-Catherine, 6 St-Nicolas,<br />

7 Amercœur, 8 Avroy, 9 St-Martin, 10 Ste-Marguerite.<br />

• Pont(-levis): 11 St-Léonard, 12 Arches, 13 Sur les Oies en Sock, 14 St-Gangulphe, 15 Amercœur, 16 Gravioule, 17 Saucy, 18 Avroy.<br />

• Portes sur cheminement piétonnier ou secondaire: 19 Hocheporte, 20 Porte-tour en Roya, 21 Païenporte, 22 Porte <strong>de</strong>s Bégards, 23<br />

Porte <strong>de</strong>s Potiers.<br />

• Portes d’eau : 24 Postiche <strong>de</strong> Lombardie, 25 Hongrée, 26 Vivier, 27 Bastille du Pot d’Or, 28 Postiche <strong>de</strong> la Sauvenière.<br />

Quelques points <strong>de</strong> repère sont indiqués en rouge: 51 cathédrale St-Lambert, 29 place du Marché, 36 Neuvice (nouveau portus marchand),<br />

44 collégiale St-Denis, 50 collégiale St-Jean, 58 collégiale St-Paul (actuelle cathédrale) et 49 abbatiale St-Jacques.<br />

Source : Christine Renardy et Nelson Van Roy, dans <strong>Liège</strong> et l’Exposition universelle <strong>de</strong> 1905, sous dir. Christine Renardy, Bruxelles, Dexia-<br />

La Renaissance du Livre-Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, 2005


historique <strong>urbanistique</strong><br />

17<br />

La rue du pont et la rue du carré<br />

La rue du Pont et la ruelle très étroite qui s’y ouvre<br />

constituent <strong>de</strong>ux autres exemples <strong>de</strong> structures du<br />

centre <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> héritées du Moyen Âge. Elles témoignent<br />

du caractère plus « spontané » <strong>de</strong> l’organisation<br />

<strong>de</strong>s espaces publics à cette époque.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong><br />

<strong>Liège</strong><br />

Il convient donc <strong>de</strong> créer <strong>de</strong> l’espace pour l’artisanat et <strong>de</strong>s terres cultivables, c’est l’Île<br />

ante civitatem (l’île <strong>de</strong>vant la cité), entourée par plusieurs bras <strong>de</strong> Meuse (tracé <strong>de</strong>s actuels<br />

boulevards <strong>de</strong> la Sauvenière, Avroy et Piercot, ainsi que les rues <strong>de</strong> l’Université et <strong>de</strong><br />

la Régence) qui va être « colonisée ». Les rues perpendiculaires du « Carré » témoignent<br />

bien d’une planification politique contrairement à la cité, aux ruelles plus tortueuses. L’endroit<br />

est alors encore désertique : pour l’atteindre, une série <strong>de</strong> petits ponts <strong>de</strong> bois ont<br />

été jetés par-<strong>de</strong>ssus les ramifications fluviales qui la séparent <strong>de</strong> la cité proprement dite.<br />

Au XI e siècle, comme <strong>de</strong>s vestiges archéologiques le prouvent, le peuplement <strong>de</strong> l’île se<br />

renforçant autour <strong>de</strong>s collégiales Saint-Paul et Saint-Jean l’Évangéliste, et plus au sud<br />

près <strong>de</strong> l’abbaye bénédictine <strong>de</strong> Saint-Jacques, un soli<strong>de</strong> pont <strong>de</strong> pierre a remplacé cette<br />

série <strong>de</strong> passerelles : le pont <strong>de</strong> l’Île. La rue aujourd’hui située à cet endroit en porte toujours<br />

le nom et conserve la forme légèrement incurvée du tablier du pont.<br />

À partir <strong>de</strong> la fin du XII e siècle, la croissance <strong>de</strong> la ville incite à la construction d’une<br />

nouvelle ceinture fortifiée sur un périmètre beaucoup plus large, qui englobe l’espace<br />

d’Outremeuse et s’étire au nord jusqu’au sommet <strong>de</strong>s coteaux dominant le centre-ville.<br />

Les portes d’accès aménagées dans ces nouveaux remparts structurent <strong>de</strong> nouveaux<br />

développements bâtis le long <strong>de</strong>s chaussées qui y donnent accès (par exemple le<br />

faubourg Sainte-Walburge dans le prolongement <strong>de</strong> la porte au sommet <strong>de</strong> Pierreuse).<br />

Un faubourg, plus populaire que la Cité, s’est constitué sur la rive droite <strong>de</strong> la Meuse<br />

(Outremeuse), le long <strong>de</strong> la route importante vers Aix-la-Chapelle et l’Allemagne. Cet<br />

axe passe ensuite par Amercœur, un faubourg qui ne dépend pas <strong>de</strong> la cité <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> ;<br />

une bifurcation vers la droite permet <strong>de</strong> contourner le massif <strong>de</strong> la Chartreuse en traversant<br />

un bras <strong>de</strong> l’Ourthe par un gué (Basse Wez). Pour rendre cette double liaison<br />

accessible, l’unique pont enjambant le bras principal <strong>de</strong> la Meuse jusqu’au XIX e siècle,<br />

celui <strong>de</strong>s Arches, a été construit à l’initiative <strong>de</strong> l’évêque Réginard (1034). Parcouru<br />

par divers bras <strong>de</strong> l’Ourthe alimentant <strong>de</strong> nombreux moulins, le quartier d’Outremeuse<br />

reste néanmoins durant <strong>de</strong>s siècles le lieu privilégié <strong>de</strong>s artisans et <strong>de</strong>s cultivateurs qui<br />

approvisionnent le marché liégeois.<br />

D’autres faubourgs extra muros vont naître aussi le long <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> communication<br />

formant <strong>de</strong> curieux appendices au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s nouvelles portes <strong>de</strong> l’enceinte agrandie à<br />

partir <strong>de</strong> la fin du XII e siècle : Saint-Gilles au-<strong>de</strong>là du pont d’Avroy sur la route vers la<br />

France et les foires <strong>de</strong> Champagne en passant par Tilleur et Seraing ; Saint-Léonard<br />

sur celle <strong>de</strong> la Basse-Meuse, Herstal et Maastricht ; Sainte-Marguerite vers la Hesbaye,<br />

terre particulièrement fertile, et Sainte-Walburge vers Tongres, la première cité épisco-


18<br />

pale au début du Moyen Âge. Ces faubourgs linéaires prendront <strong>de</strong> plus en plus d’importance<br />

au cours <strong>de</strong>s siècles, au point <strong>de</strong> rassembler la moitié <strong>de</strong>s citoyens liégeois à<br />

la fin <strong>de</strong> l’Ancien Régime.<br />

Les axes historiques <strong>de</strong>s anciens faubourgs, y compris Amercœur annexé en 1795,<br />

sont toujours structurants dans la ville aujourd’hui (voir la carte p.26). Ils combinent<br />

<strong>de</strong>s fonctions multiples : axe <strong>de</strong> cheminement naturel pour les véhicules et les piétons,<br />

polarités commerciales, concentration <strong>de</strong> patrimoine historique, repère i<strong>de</strong>ntitaire lié<br />

à la présence d’églises paroissiales… Outre ces atouts, les anciens faubourgs sont<br />

aussi concernés par plusieurs difficultés qui expliquent la mise en place d’opérations<br />

<strong>de</strong> rénovation urbaine dans certains d’entre eux au cours <strong>de</strong>s vingt <strong>de</strong>rnières années<br />

(Sainte-Marguerite, Saint-Léonard, Amercœur). Ces programmes, guidés par un schéma<br />

directeur, visent une approche globale et intégrée <strong>de</strong> requalification. Il s’agit par<br />

exemple d’y revivifier le commerce <strong>de</strong> détail, d’assurer une reconversion qualitative<br />

d’anciens magasins, <strong>de</strong> valoriser le patrimoine historique parfois dégradé, d’y contrôler<br />

la division en petits logements et d’assurer l’aménagement <strong>de</strong> logements qualitatifs,<br />

d’accompagner les habitants socialement fragilisés, <strong>de</strong> redéfinir les conditions <strong>de</strong> circulation<br />

pour éviter la congestion du trafic, d’améliorer le cadre <strong>de</strong> vie par <strong>de</strong>s opérations<br />

d’embellissement <strong>de</strong> l’espace public…<br />

Aucun véritable faubourg peuplé d’artisans et <strong>de</strong> travailleurs ne s’est par contre développé<br />

sur les terres formant un croissant d’ouest en est sur les <strong>de</strong>ux rives mosanes<br />

allant d’Avroy à Fétinne en passant par Fragnée et les Vennes. Ce vaste domaine ne<br />

faisait en effet pas partie <strong>de</strong> la cité <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> : il est resté, durant tout l’Ancien Régime,<br />

la propriété <strong>de</strong> l’évêque et <strong>de</strong> l’Église <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, qui n’y ont concédé que quelques<br />

parcelles à <strong>de</strong>s couvents (Augustins, Guillemins) ou à <strong>de</strong>s chevaliers, qui y érigèrent<br />

<strong>de</strong>s donjons, comme celui bien conservé <strong>de</strong> Rosen (aujourd’hui implanté en face <strong>de</strong> la<br />

gare <strong>de</strong>s Guillemins). Durant l’Ancien Régime, Avroy et Fragnée sur la rive gauche, les<br />

Vennes, Fétinne, et la Boverie <strong>de</strong> l’autre côté du bras principal <strong>de</strong> la Meuse, n’évoluent<br />

donc pas <strong>de</strong> la même manière que la cité proprement dite ou l’Île. Terres relevant <strong>de</strong><br />

l’Église <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, elles furent, surtout à partir du XVI e siècle, le siège <strong>de</strong> vastes exploitations<br />

agricoles et <strong>de</strong> quelques rési<strong>de</strong>nces luxueuses entourées <strong>de</strong> jardins.<br />

1.4. Le rôle <strong>de</strong>s biens du clergé dans la structure <strong>urbanistique</strong><br />

En lien avec son statut <strong>de</strong> capitale religieuse, une spécificité <strong>de</strong> l’organisation du territoire<br />

urbain, <strong>de</strong>puis le Moyen Âge jusqu’à la fin <strong>de</strong> l’Ancien Régime, est le poids<br />

foncier particulièrement important <strong>de</strong>s propriétés <strong>de</strong> l’Église : on estime que 20 % du<br />

territoire urbain relève <strong>de</strong>s institutions religieuses. L’organisation hiérarchisée du clergé<br />

se traduit aussi dans l’espace urbain par le gabarit <strong>de</strong>s églises et la dimension <strong>de</strong>s<br />

emprises territoriales. Le sommet <strong>de</strong> la structure <strong>de</strong> la société liégeoise est illustré par<br />

la cathédrale, reconstruite pendant la pério<strong>de</strong> gothique. Située au cœur d’un quartier<br />

accueillant également les prestigieuses maisons <strong>de</strong> chanoines, elle est complétée <strong>de</strong><br />

cloîtres et <strong>de</strong> divers bâtiments connexes. Ces espaces ont été fortement remaniés,<br />

d’abord dans la foulée <strong>de</strong>s révolutions <strong>de</strong> la fin du XVIII e siècle avec la <strong>de</strong>struction<br />

<strong>de</strong> la cathédrale, puis avec les opérations <strong>de</strong> réaménagement <strong>de</strong>s années 1970. Ils<br />

sont actuellement pour partie occupés par l’îlot Tivoli (jouxtant la place du Marché), la<br />

place Saint-Lambert et l’îlot Saint-Michel. Trois hôtels canoniaux <strong>de</strong> style renaissance<br />

subsistent du côté <strong>de</strong> la place Saint-Michel, tandis que les colonnes métalliques <strong>de</strong> la<br />

place Saint-Lambert évoquent le sanctuaire disparu.


historique <strong>urbanistique</strong><br />

19<br />

À l’exception <strong>de</strong> la collégiale Saint-Pierre, détruite au début du XIX e siècle (emplacement<br />

actuel du square Notger / début <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong> Bruxelles, indiqué au n°1 sur la carte<br />

précé<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> au XI e siècle en p.13), les structures <strong>de</strong>s quartiers liés aux sept<br />

collégiales seront en gran<strong>de</strong> partie conservées, y compris Saint-Barthélemy, consacrée<br />

en 1015 hors les murs. Il convient également <strong>de</strong> mentionner l’abbatiale <strong>de</strong> Saint-<br />

Jacques, qui change <strong>de</strong> statut et <strong>de</strong>vient la huitième collégiale en 1785. À chacune <strong>de</strong><br />

ces gran<strong>de</strong>s églises est associé un cloître, une église paroissiale <strong>de</strong> gabarit réduit, mais<br />

surtout un domaine immunitaire, à savoir une zone caractérisée par un parcellaire spacieux<br />

et aéré accueillant les vastes <strong>de</strong>meures canoniales et non soumis à la gestion civile<br />

<strong>de</strong>s Bourgmestres. Le Mont Saint-Martin (Publémont) est le quartier canonial qui a<br />

le mieux conservé sa physionomie d’Ancien Régime, avec <strong>de</strong> vastes hôtels particuliers<br />

autour <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux élargissements aménagés en vis-à-vis, respectivement vers la tour occi<strong>de</strong>ntale<br />

et le chœur <strong>de</strong> la collégiale. Malgré <strong>de</strong>s phases <strong>de</strong> reconstructions ultérieures,<br />

d’autres places entourées <strong>de</strong> bâtiments établis sur un large parcellaire à l’ombre <strong>de</strong><br />

gran<strong>de</strong>s églises romanes et gothiques témoignent également <strong>de</strong> l’organisation <strong>de</strong> ces<br />

anciens quartiers canoniaux ou abbatiaux : place Saint-Denis, place Saint-Barthélemy,<br />

place Saint-Paul, place Saint-Jacques, place Xavier Neujean (collégiale Saint-Jean<br />

l’Évangéliste). Ce constat est moins évi<strong>de</strong>nt pour l’encloître <strong>de</strong> Sainte-Croix, à cause<br />

<strong>de</strong> l’étroitesse <strong>de</strong> la colline du Publémont, et cela d’autant plus qu’elle sera en outre<br />

entaillée par <strong>de</strong>s travaux d’aménagement <strong>de</strong>s XIX e et XX e siècles. Durant l’Ancien Régime,<br />

ces espaces n’exercent jamais un rôle majeur dans le domaine <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong><br />

commerce, contrairement à la place du Marché et au Vinâve d’Île, <strong>de</strong>ux places qui<br />

existent également <strong>de</strong>puis le Moyen Âge et qui ont par contre toujours été <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong><br />

convergence <strong>de</strong>s flux <strong>de</strong> chalands.<br />

Le Publémont ou Mont-Saint-Martin, ancien quartier canonial<br />

2<br />

1<br />

Le Mont Saint-Martin (Publémont) est le quartier canonial qui a le mieux conservé sa physionomie d’Ancien Régime.<br />

Les immeubles cossus établis sur <strong>de</strong> vastes parcelles correspon<strong>de</strong>nt aux anciennes maisons <strong>de</strong>s chanoines.<br />

L’église a été reconstruite en style gothique entre le XV e et le XVI e siècle. Sa silhouette imposante, positionnée au<br />

sommet <strong>de</strong>s versants, constitue un repère majeur du paysage du centre-ville, en particulier sous les éclairages<br />

nocturnes. Deux élargissements ont été constitués en vis-à-vis du chœur (1) et <strong>de</strong> la tour occi<strong>de</strong>ntale (2).<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2018 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>


20<br />

À ces composantes majeures <strong>de</strong> l’Église au sein <strong>de</strong> la structure <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> l’Ancien<br />

Régime, il faut ajouter <strong>de</strong> nombreux autres éléments : plus d’une vingtaine d’églises<br />

paroissiales (ex. église Saint-Servais, église Sainte-Catherine…), un nombre au moins<br />

équivalent <strong>de</strong> couvents (ex. couvent <strong>de</strong>s Frères mineurs aujourd’hui Musée <strong>de</strong> la vie<br />

wallonne, couvent <strong>de</strong>s Bénédictines d’Avroy, couvent <strong>de</strong>s Prémontrés <strong>de</strong>venu la rési<strong>de</strong>nce<br />

<strong>de</strong> l’évêque et séminaire épiscopal…), <strong>de</strong>s hôpitaux et hospices (ex. hospice du<br />

Vertbois, cours <strong>de</strong>s Prébendiers…) et <strong>de</strong>s béguinages. Ces établissements conventuels<br />

liégeois ont été fondés en <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s : <strong>de</strong> nombreuses institutions<br />

sont présentes dès le Moyen Âge, mais la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> la contre-réforme (XVII e siècle)<br />

voit apparaître <strong>de</strong> nouvelles congrégations, qui s’installent dans les espaces encore<br />

peu urbanisés au sud du quartier <strong>de</strong> l’Île ou au pied <strong>de</strong>s versants au nord du centreville<br />

(ex. couvent <strong>de</strong>s Ursulines, couvent <strong>de</strong>s Cellites ou couvent <strong>de</strong>s Jésuites anglais,<br />

sites aujourd’hui reconvertis en logements ou en bureaux pour les services <strong>de</strong> la Région<br />

wallonne…). Avec leurs cloîtres et jardins, ces ensembles vont marquer durablement<br />

la structure <strong>de</strong>s quartiers. Ces bâtiments conventuels, tout comme les gran<strong>de</strong>s églises<br />

d’âge roman ou gothique composent aujourd’hui, avec le palais <strong>de</strong> justice (ancienne<br />

rési<strong>de</strong>nce principale <strong>de</strong>s princes-évêques), le patrimoine bâti historique le plus important<br />

<strong>de</strong> la cité ar<strong>de</strong>nte. Tous ces monuments sont inscrits sur la liste du « patrimoine<br />

exceptionnel » <strong>de</strong> Wallonie, soit le niveau <strong>de</strong> protection le plus élevé (25 biens liégeois<br />

sont repris dans cette catégorie). Ils font l’objet <strong>de</strong> campagnes <strong>de</strong> restaurations et<br />

constituent, <strong>de</strong>puis quelques années, le cœur d’une opération <strong>de</strong> mise en valeur touristique<br />

à travers le « circuit <strong>de</strong>s collégiales ».<br />

Plan <strong>de</strong> Mérian, 1647-1649<br />

1<br />

2<br />

3<br />

6 5<br />

4<br />

L’organisation <strong>de</strong> la ville au XVII e siècle est toujours celle du Moyen Âge. Le centre-ville est organisé autour <strong>de</strong> la cathédrale (1) et <strong>de</strong> la place du<br />

Marché (2 - avec la fontaine du perron en son centre). Les autres quartiers sont structurés autour <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s collégiales et <strong>de</strong>s nombreuses<br />

églises paroissiales et conventuelles. Quelques grands bâtiments civils sont à pointer : la halle aux vian<strong>de</strong>s (3), la maison du poids (4 - isolée<br />

sur le quai) et le palais Curtius (5) sont, tous trois, situés à côté <strong>de</strong> l’espace portuaire implanté en plein centre-ville (6 - La Batte et autour du<br />

pont <strong>de</strong>s Arches). Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’enceinte, les axes <strong>de</strong> faubourgs s’étirent entre <strong>de</strong>s espaces cultivés, y compris les coteaux plus escarpés.<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, Bibliothèque Ulysse-Capitaine, n° 1000124000312


historique <strong>urbanistique</strong><br />

21<br />

Seule une partie <strong>de</strong> ces ensembles conventuels survivra aux évolutions <strong>de</strong>s XIX e et XX e<br />

siècle. Suite à la nationalisation <strong>de</strong>s biens du clergé au milieu <strong>de</strong>s années 1790, beaucoup<br />

<strong>de</strong> sites seront reconvertis pour <strong>de</strong>s fonctions publiques civiles. L’abbaye Saint-<br />

Laurent, sur la crête prolongeant le Publémont, et l’abbaye du Val <strong>de</strong>s Écoliers, en<br />

bord d’un bras <strong>de</strong> l’Ourthe (aujourd’hui boulevard <strong>de</strong> la Constitution) seront, à l’Époque<br />

française, transformés en hôpital militaire. La secon<strong>de</strong> sera ensuite reconvertie en caserne<br />

pour le régiment <strong>de</strong>s Lanciers. Au XXI e siècle, elle est aménagée en site scolaire<br />

(écoles d’art Saint-Luc et faculté d’architecture <strong>de</strong> l’U<strong>Liège</strong>). La mise en vente <strong>de</strong>s<br />

propriétés que les pouvoirs publics n’ont pas souhaité conserver a par ailleurs offert<br />

<strong>de</strong>s opportunités <strong>de</strong> développement à <strong>de</strong> nouvelles catégories d’investisseurs avisés.<br />

Il s’en est suivi d’autres réaffectations, <strong>de</strong>s démolitions-reconstructions et même, pour<br />

les propriétés plus vastes établies aux marges du centre-ville, <strong>de</strong> véritables opérations<br />

<strong>de</strong> lotissement. C’est ainsi que les actuels quartiers du Jardin botanique, <strong>de</strong> la place <strong>de</strong><br />

Bronckart et <strong>de</strong> la place <strong>de</strong>s Béguinages ont été créés au XIX e siècle, à l’emplacement<br />

respectivement du couvents <strong>de</strong>s Augustins, du couvent <strong>de</strong>s Guillemins et du quartier<br />

<strong>de</strong>s béguinages (autour <strong>de</strong> l’église Saint-Christophe).<br />

La maquette <strong>de</strong> Gustave Ruhl représentant <strong>Liège</strong> en 1730<br />

2<br />

3<br />

1<br />

4<br />

5<br />

6<br />

Cette maquette a été préparée avec beaucoup <strong>de</strong> soin au début du XX e siècle, sur base <strong>de</strong> documents<br />

d’archives. Elle montre l’organisation <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> au milieu du XVIII e siècle. Nous découvrons ici le quartier <strong>de</strong><br />

l’Île, cerné par le bras <strong>de</strong> Meuse. Le centre du quartier est dominé par la silhouette <strong>de</strong> l’imposante collégiale<br />

Saint-Paul (1 - actuelle cathédrale). Au nord, près du Pont d’Île, apparaît le dôme <strong>de</strong> l’église du couvent <strong>de</strong>s<br />

Dominicains (2 - emplacement actuel <strong>de</strong> la galerie Opéra). Dans la partie sud, nous découvrons plusieurs<br />

ensembles conventuels composés d’une église, <strong>de</strong> bâtiments organisés autour d’un cloître et d’un jardin. De<br />

gauche à droite, il s’agit <strong>de</strong>s Clarisses (3), <strong>de</strong>s Sœurs <strong>de</strong> Hasque (4), <strong>de</strong>s Carmes (5) et, tout à droite, <strong>de</strong>s<br />

Jésuites wallons (6 - aujourd’hui site du siège <strong>de</strong> l’Université).<br />

Source : photo du Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>. La maquette est conservée au sein <strong>de</strong> la<br />

bibliothèque ALPHA <strong>de</strong> l’U<strong>Liège</strong>


22<br />

Les coteaux <strong>de</strong> la Cita<strong>de</strong>lle<br />

Les jardins en terrasses ont été aménagés par les communautés conventuelles installées sur le site <strong>de</strong>puis<br />

le Moyen Âge (Minimes, chevaliers teutoniques, Frères mineurs…). Ils sont restaurés à partir <strong>de</strong> la fin du XX e<br />

siècle dans le cadre d’un vaste programme <strong>de</strong> mise en valeur touristique.<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2018 – Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (extrait)<br />

1.5. Une structure figée aux Temps mo<strong>de</strong>rnes<br />

La plupart <strong>de</strong>s quartiers anciens ont été transformé par les multiples opérations <strong>de</strong><br />

mo<strong>de</strong>rnisation <strong>de</strong> la ville au cours du XIX e siècle, parfois si radicalement qu’il est difficile<br />

d’y trouver aujourd’hui <strong>de</strong>s témoignages physiques <strong>de</strong> l’Ancien Régime. La plupart <strong>de</strong>s<br />

rues d’origine médiévale ont fait l’objet <strong>de</strong> travaux <strong>de</strong> rectification et d’élargissement<br />

et leur physionomie actuelle ne correspond plus à leur état d’origine, en particulier en<br />

termes <strong>de</strong> largeur (ex. rue du Pot-d’Or, rue Pont-d’Avroy, rue Saint-Gilles…). Quelques<br />

reliquats <strong>de</strong> structures non remaniées héritées <strong>de</strong> l’époque médiévale peuvent néanmoins<br />

se rencontrer dans l’espace aujourd’hui appelé « cœur historique », comme par<br />

exemple la place du Marché, les rues du quartier En Volière / Pierreuse, les impasses<br />

d’Hors-Château, les étroites ruelles en escalier <strong>de</strong>s coteaux <strong>de</strong> la Cita<strong>de</strong>lle. Des rues<br />

comme En Neuvice, la rue du Pont ou la rue Puits-en-Sock témoignent également <strong>de</strong>s<br />

formes urbaines héritées <strong>de</strong>s quartiers d’activité et <strong>de</strong> commerces <strong>de</strong> l’Ancien Régime.<br />

L’organisation <strong>urbanistique</strong> y est très différente <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s quartiers canoniaux, avec<br />

un parcellaire « en lanière », c’est-à-dire composé <strong>de</strong> parcelles étroites et profon<strong>de</strong>s. À<br />

front <strong>de</strong> rue sont établis <strong>de</strong>s immeubles <strong>de</strong> plusieurs étages, tandis qu’un processus<br />

ancien <strong>de</strong> <strong>de</strong>nsification s’y est traduit par la construction d’immeubles <strong>de</strong> second rang<br />

(situation par exemple observable dans la cour d’un hôtel <strong>de</strong> la rue Neuvice). L’irrégularité<br />

<strong>de</strong> l’alignement <strong>de</strong>s rues, aux tracés incurvés, et <strong>de</strong> largeurs variables, témoigne<br />

également <strong>de</strong> leur ancienneté. Dans l’Ancien Régime, ces espaces publics sont complètement<br />

minéraux, dépourvus <strong>de</strong> végétation.<br />

Les bâtiments que nous découvrons dans ces espaces, pour les éléments les plus<br />

anciens, ne remontent pas plus loin que les XVII e et XVIII e siècles. C’est le résultat <strong>de</strong>s<br />

processus « naturels » <strong>de</strong> transformation / démolition-reconstruction, mais aussi <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s campagnes <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> la Ville, l’une en 1468 (sac <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> par le<br />

duc <strong>de</strong> Bourgogne Charles le Téméraire) et l’autre en 1691 (bombar<strong>de</strong>ment du quartier


historique <strong>urbanistique</strong><br />

23<br />

situé entre l’hôtel <strong>de</strong> Ville et la Meuse par les troupes <strong>de</strong> Louis XIV). Si le bâti liégeois<br />

s’est relevé relativement rapi<strong>de</strong>ment à la suite <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux évènements funestes, les<br />

phases <strong>de</strong> reconstructions n’ont pas été accompagnées d’une réorganisation <strong>de</strong> la<br />

forme <strong>de</strong>s places et <strong>de</strong>s rues. Les propriétaires ont tout simplement reconstruit les<br />

bâtiments à l’emplacement <strong>de</strong> leurs biens détruits.<br />

Plan <strong>de</strong> Christophe Maire, 1737<br />

4<br />

1<br />

2<br />

3<br />

Il s’agit probablement du premier plan représentant <strong>de</strong> façon géométriquement précise la configuration <strong>de</strong> la ville<br />

<strong>de</strong> <strong>Liège</strong>. Si les quartiers <strong>de</strong> la Cité (1) et <strong>de</strong> l’île (2) sont déjà fortement urbanisés, l’espace d’Outremeuse (3)<br />

n’est, par contre, <strong>de</strong>nsément construit qu’à proximité du Pont <strong>de</strong>s Arches et autour <strong>de</strong> l’axe <strong>de</strong> la rue Puits-en-<br />

Sock. Une cita<strong>de</strong>lle (4) a été aménagée à côté du faubourg Sainte-Walburge, au sommet du versant. Les cinq<br />

bras d’eau qui séparent les quartiers <strong>de</strong> la Cité et <strong>de</strong> l’île sont bien visibles.<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, Bibliothèque Ulysse-Capitaine, n° 1000124000607<br />

Pour toute la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Temps mo<strong>de</strong>rnes (XVI e - XVIII e siècles), les transformations du<br />

réseau viaire sont quasi inexistantes, se limitant au dégagement <strong>de</strong>s abords du nouvel<br />

hôtel <strong>de</strong> Ville au début du XVIII e siècle ou au percement <strong>de</strong> la rue Velbrück quelques<br />

décennies plus tard pour offrir aux chariots une connexion plus directe entre Pierreuse<br />

et la place du Marché. Une nouveauté dans les logiques <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> l’espace urbain<br />

apparaît néanmoins au cours <strong>de</strong> cette pério<strong>de</strong>, comme l’illustre la carte <strong>de</strong> Ferraris<br />

ci-après. Le rivage Avroy est métamorphosé à l’aube du XVIII e siècle. En effet, le<br />

non entretien <strong>de</strong> la Meuse à partir du couvent <strong>de</strong>s Augustins et <strong>de</strong> l’embranchement


24<br />

oriental (actuel boulevard Piercot), empêche bientôt la navigation <strong>de</strong>s bateaux jusqu’à la<br />

porte du Pont d’Avroy, entrée traditionnelle <strong>de</strong> la Cité pour les voyageurs et diverses fournitures.<br />

Or, débarqués au rivage <strong>de</strong>s Augustins, les visiteurs comme les marchandises<br />

doivent alors passer par le chemin Grand Jonckeu (actuelle rue Louvrex) pour rejoindre<br />

Beauregard (site d’un couvent <strong>de</strong>venu l’actuelle HEC) et re<strong>de</strong>scendre ensuite le faubourg<br />

Saint-Gilles pour rejoindre le pont d’Avroy. Des travaux <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnisation sont dès lors<br />

entrepris. Entièrement réaménagé par un beau pavage en 1716, l’apleit (port) <strong>de</strong>s Augustins<br />

est peu après prolongé jusqu’au pont d’Avroy par une belle promena<strong>de</strong> plantée <strong>de</strong><br />

marronniers d’In<strong>de</strong> (1724) et protégée <strong>de</strong>s inondations par une canalisation <strong>de</strong> la Meuse.<br />

L’Autorité fait également procé<strong>de</strong>r à la plantation d’alignements d’arbres d’agrément au<br />

niveau <strong>de</strong>s quais Saint-Léonard et <strong>de</strong> Coronmeuse, qui <strong>de</strong>viennent ainsi <strong>de</strong>s espaces <strong>de</strong><br />

promena<strong>de</strong>. Ces aménagements sont le prélu<strong>de</strong> à une nouvelle conception <strong>de</strong> l’aménagement<br />

<strong>de</strong>s espaces publics qui s’épanouira au cours du siècle suivant.<br />

La rue du pont et la rue du carré<br />

Entre la place du Marché et le pont <strong>de</strong>s Arches, la<br />

rue Neuvice s’est formée au cours du Moyen Âge. À<br />

l’image <strong>de</strong> l’église Sainte-Catherine que nous découvrons<br />

ici à gauche, les bâtiments les plus anciens que<br />

nous pouvons y observer datent toutefois <strong>de</strong> la phase<br />

<strong>de</strong> reconstruction qui a suivi le bombar<strong>de</strong>ment <strong>de</strong><br />

1691, à la charnière <strong>de</strong>s XVII e et XVIII e siècles.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong><br />

<strong>Liège</strong><br />

Relevons que les remparts médiévaux resteront en place jusqu’au début du XIX e<br />

siècle. Du fait <strong>de</strong> la topographie encaissée <strong>de</strong> la ville et <strong>de</strong> l’extension importante <strong>de</strong>s<br />

faubourgs extra-muros, le tracé <strong>de</strong> ces remparts s’avère toutefois relativement peu<br />

utile pour les stratégies <strong>de</strong> défenses militaires à partir du XVI e siècle. Contrairement à<br />

<strong>de</strong> nombreuses villes <strong>de</strong>s « Pays-Bas » où <strong>de</strong>s ceintures complètes <strong>de</strong> fortifications<br />

bastionnées sont venues doubler la protection <strong>de</strong>s murailles du Moyen Âge (cas <strong>de</strong><br />

Maastricht par exemple), les opérations <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnisation aux Temps mo<strong>de</strong>rnes ont<br />

été très ponctuelles dans le cas <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (un exemple encore visible est le bastion <strong>de</strong><br />

Saint-Esprit contre la rue <strong>de</strong>s Remparts). Par contre, <strong>de</strong>ux forteresses sont créées pour<br />

contrôler l’arrivée d’éventuelles armées ennemies, respectivement au nord et au sud<br />

<strong>de</strong> la vallée <strong>de</strong> la Meuse : le site <strong>de</strong> la « Cita<strong>de</strong>lle » et le site fortifié au niveau du couvent<br />

<strong>de</strong> la Chartreuse.


historique <strong>urbanistique</strong><br />

25<br />

Extrait <strong>de</strong> la carte <strong>de</strong> Ferraris, vers 1777<br />

9<br />

1<br />

2<br />

8<br />

7<br />

6<br />

5<br />

3<br />

La carte <strong>de</strong> Ferraris peut être considérée comme la première carte topographique complète <strong>de</strong> nos régions. Cet extrait centré sur la ville<br />

<strong>de</strong> <strong>Liège</strong> révèle l’organisation du bâti, avec notamment la structure linéaire <strong>de</strong>s faubourgs et <strong>de</strong>s autres urbanisations en-<strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l’enceinte<br />

: Vivegnis (1) ; Saint-Léonard (2) ; Amercoeur (3) ; Boverie (4) ; Avroy (5) ; Saint-Gilles (6) ; Saint-Laurent (7) ; Sainte-Marguerite (8)<br />

et Sainte-Walburge (9 - hors cadre). Elle révèle également la structure paysagère et l’affectation du sol dans les espaces non urbanisés<br />

proches : <strong>de</strong>s vignes sur les coteaux <strong>de</strong> Vivegnis, <strong>de</strong>s terrains maraîchers entre les faubourgs Saint-Gilles et d’Avroy ou <strong>de</strong>s prairies<br />

humi<strong>de</strong>s à l’est d’Outremeuse.<br />

Source : IGN<br />

4<br />

1.6. Le paysage aux abords <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> à la fin <strong>de</strong> l’Ancien Régime<br />

Parallèlement à ces développements <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, n’oublions pas que le territoire<br />

<strong>de</strong> la commune actuelle abritait, dès le Moyen Âge, plusieurs noyaux villageois : Amercœur,<br />

Grivegnée, Chênée, Angleur, Sclessin, Glain, Rocourt, Wandre et Jupille. Vue à<br />

une autre échelle, la carte <strong>de</strong> Ferraris révèle leur situation à la fin <strong>de</strong> l’Ancien Régime.<br />

Cette carte nous indique également que le territoire situé entre ces villages est principalement<br />

dédié à la fonction agricole, avec une organisation spatiale qui adopte un modèle<br />

plutôt concentrique récurrent : d’abord <strong>de</strong>s parcelles maraîchères (« cotillages »<br />

ou potagers) aux abords immédiats <strong>de</strong>s constructions, puis une ceinture <strong>de</strong> vergers<br />

aux parcelles closes par <strong>de</strong>s haies. Au-<strong>de</strong>là, s’éten<strong>de</strong>nt les vastes parcelles <strong>de</strong> culture<br />

dans les sites favorables <strong>de</strong> la Hesbaye (autour <strong>de</strong> Rocourt, sans haies séparatives) ou<br />

<strong>de</strong> l’entre-Meuse-et-Vesdre (plateau <strong>de</strong> Belleflamme). L’approvisionnement en légumes<br />

d’une ville importante explique la vaste étendue <strong>de</strong>s zones maraîchères aux abords<br />

<strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, entre les faubourgs <strong>de</strong> Saint-Léonard et <strong>de</strong> Vivegnis, qui tire son nom <strong>de</strong>s<br />

vignobles installés sur son coteau abrupt, ainsi qu’entre les faubourgs <strong>de</strong> Saint-Gilles<br />

et d’Avroy.


26<br />

Le paysage <strong>de</strong> la fin <strong>de</strong> l’Ancien Régime apparaît aussi nettement moins boisé que ce<br />

que nous connaissons aujourd’hui : seul le promontoire du Sart Tilman et le versant<br />

sud <strong>de</strong> la vallée <strong>de</strong> la Vesdre à hauteur <strong>de</strong> Chênée sont couverts <strong>de</strong> bois. En effet, la<br />

plupart <strong>de</strong>s versants bien exposés sont plantés <strong>de</strong> vignes : c’est le cas sur les coteaux<br />

<strong>de</strong> Vivegnis et du Thier-à-<strong>Liège</strong>, mais aussi <strong>de</strong> Cointe et <strong>de</strong> Tilleur. De nombreux « chemins<br />

agricoles » parcourent ces espaces, généralement bordés <strong>de</strong> haies. Certains se<br />

sont formés dans <strong>de</strong>s vallons secondaires encaissés, pour relier en pente plus douce<br />

les plaines alluviales et les plateaux voisins. La carte illustre aussi la mise en place d’un<br />

grand réseau <strong>de</strong> chaussées interurbaines au milieu du XVIII e siècle : la région est parcourue<br />

par <strong>de</strong>ux axes <strong>de</strong> voiries rectilignes <strong>de</strong> part et d’autre <strong>de</strong> la vallée <strong>de</strong> la Meuse<br />

(axe <strong>de</strong> la future nationale 3). Relevons enfin que <strong>de</strong> vastent plaines humi<strong>de</strong>s bor<strong>de</strong>nt<br />

les bras d’eau au sud et au nord-est <strong>de</strong> la ville, notamment dans l’espace situé entre<br />

Outremeuse, Amercoeur et le village <strong>de</strong> Bressoux, ainsi qu’au niveau <strong>de</strong> l’Île <strong>de</strong> la Boverie<br />

et du côté <strong>de</strong>s Vennes. Régulièrement inondés, ces terrains sont occupés par <strong>de</strong>s<br />

prairies ou <strong>de</strong>s roselières.<br />

Extrait <strong>de</strong> la carte <strong>de</strong> Ferraris, vers 1777, à une autre échelle<br />

2<br />

1<br />

3<br />

7<br />

5<br />

6<br />

8<br />

10<br />

9<br />

4<br />

En « prenant <strong>de</strong> la hauteur », la carte <strong>de</strong> Ferraris couvre ici un territoire plus large. Nous découvrons ainsi la<br />

structure paysagère <strong>de</strong>s espaces ruraux qui entouraient <strong>Liège</strong> à la fin du XVIII e siècle et qui font aujourd’hui<br />

partie du territoire communal. Au nord, à côté <strong>de</strong> l’axe rectiligne <strong>de</strong> la chaussée <strong>de</strong> Tongres (1), le village <strong>de</strong><br />

Rocour(t) (2) est isolé au milieu du plateau agricole hesbignon. À l’est, le centre du village <strong>de</strong> Jupille (3) est<br />

implanté sur un replat en léger contrehaut <strong>de</strong> la plaine alluviale <strong>de</strong> la Meuse et s’étend déjà dans <strong>de</strong>s vallons<br />

secondaires. Au sud-est, Chênée (4) est implanté à la confluence <strong>de</strong> l’Ourthe et <strong>de</strong> la Vesdre. Entre ces<br />

localités, séparant les <strong>de</strong>ux vallées, apparaît le plateau agricole <strong>de</strong> Belleflamme (5), traversé par la chaussée<br />

<strong>de</strong> Herve (6). Le chemin <strong>de</strong> Wez (7), qui relie Chênée à <strong>Liège</strong>, passe par le faubourg d’Amercoeur et le village<br />

<strong>de</strong> Grivegnée (8). Au sud, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’Ourthe, au pied du versant boisé du Sart Tilman, est établi le village<br />

d’Angleur (9). Quant à la plaine <strong>de</strong> Sclessin (10), au sud-ouest <strong>de</strong> la ville sur la rive gauche <strong>de</strong> la Meuse, elle<br />

n’est pratiquement pas urbanisée en-<strong>de</strong>hors du pied <strong>de</strong> coteau.<br />

Source : WalOnMap


historique <strong>urbanistique</strong><br />

27<br />

1.7. La structure <strong>de</strong> la Ville à la veille <strong>de</strong>s mutations du XIX e siècle<br />

Pour revenir à la structure <strong>de</strong> l’espace urbain <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> à la fin <strong>de</strong> l’Ancien Régime, un<br />

autre document fort intéressant est la carte préparée par Isabelle Gilles dans le cadre<br />

<strong>de</strong> sa thèse <strong>de</strong> doctorat consacrée aux <strong>de</strong>meures patriciennes. Basé sur le premier<br />

relevé cadastral du début du XIX e siècle transposé <strong>de</strong>ux décennies plus tôt, elle fournit<br />

une interprétation <strong>de</strong> la structure du territoire urbain juste avant la fin <strong>de</strong> l’Ancien Régime,<br />

avec l’emprise <strong>de</strong>s bâtiments, ainsi que les limites <strong>de</strong>s propriétés (découpage<br />

parcellaire). Le but <strong>de</strong> la thèse étant d’étudier les maisons patriciennes (hôtels particuliers<br />

dotés <strong>de</strong> portes cochères), cette typologie d’immeubles est mise en évi<strong>de</strong>nce<br />

en rouge sur la carte, ce qui révèle aussi la structure sociale <strong>de</strong> l’espace urbain. Une<br />

partie <strong>de</strong> ces maisons patriciennes correspon<strong>de</strong>nt en effet à l’héritage <strong>de</strong>s maisons <strong>de</strong><br />

chanoines dans les quartiers <strong>de</strong> collégiales (Saint-Martin, Sainte-Croix, Saint-Pierre,<br />

Saint-Jean-l’Évangéliste, Saint-Paul, Saint-Jacques, Saint-Denis et Saint-Barthélemy),<br />

ainsi qu’autour <strong>de</strong> la cathédrale. À la fin <strong>de</strong> l’Ancien Régime, <strong>de</strong> nombreux hôtels particuliers<br />

d’initiative laïque sont également présents dans les quartiers <strong>de</strong>s pieds <strong>de</strong> versants<br />

où ils voisinent plusieurs couvents : rue Agimont, paroisse Saint-Servais (Volière),<br />

paroisse Saint-Jean-le-Baptiste (Hors-Château). Ces espaces apparaissent dès lors<br />

comme <strong>de</strong>s quartiers privilégiés <strong>de</strong> la ville, lieu <strong>de</strong> fixation <strong>de</strong>s élites. A contrario, les<br />

quartiers commerçants <strong>de</strong> très ancienne urbanisation sont essentiellement composés<br />

d’un bâti plus mo<strong>de</strong>ste (coloré en rose) inscrit dans une trame beaucoup plus serrée<br />

(parcelles étroites et longues) : îlots entre l’hôtel <strong>de</strong> Ville et les rives <strong>de</strong> Meuse, abords<br />

<strong>de</strong> la halle aux vian<strong>de</strong>s, cœur du quartier <strong>de</strong> l’Île, quartiers d’Outremeuse, paroisse<br />

Saint-Séverin, rue Pierreuse… Enfin, la teinte brune distingue tous les grands monuments,<br />

qui correspon<strong>de</strong>nt pour la plupart à <strong>de</strong>s propriétés du clergé. Avec les parcelles<br />

<strong>de</strong> jardins liés aux complexes claustraux, ces biens occupent une part importante du<br />

territoire urbain.


28<br />

Plan d’Isabelle Gilles révélant la structure <strong>de</strong> la ville en 1790<br />

Le plan représente l’organisation <strong>de</strong> la partie « intra-muros » <strong>de</strong> la ville à la veille <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> révolutionnaire <strong>de</strong> la fin du XVIII e siècle. La<br />

structure est encore celle d’une ville médiévale. La forme du parcellaire et l’organisation du bâti diffèrent fortement entre les quartiers marchands,<br />

<strong>de</strong>nsément construits autour <strong>de</strong> rues étroites, et les quartiers canoniaux, plus aérés. Indiquées en rouge bor<strong>de</strong>aux, les maisons<br />

patriciennes (immeubles avec porte cochère) sont particulièrement concentrées dans ces <strong>de</strong>rniers. La carte indique également l’emprise<br />

<strong>de</strong>s immeubles appartenant au clergé, indiqués en brun.<br />

Source : Isabelle Gilles, Les <strong>de</strong>meures patriciennes et leur organisation intérieure, à <strong>Liège</strong> au XVIII e siècle, thèse <strong>de</strong> doctorat soutenue le<br />

07/09/2012


historique <strong>urbanistique</strong><br />

29<br />

Synthèse <strong>de</strong> la structure <strong>urbanistique</strong> <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> au début du XIX e siècle.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>


30


historique <strong>urbanistique</strong><br />

31<br />

Chapitre 2<br />

Un tissu urbain métamorphosé au cours du XIX e siècle<br />

2.1. Une révolution également <strong>urbanistique</strong><br />

À quelques rares exceptions-près, la structure médiévale du paysage urbain est restée<br />

figée pendant plusieurs siècles. Mais les bouleversements <strong>urbanistique</strong>s vont être tellement<br />

nombreux et importants au cours du XIX e siècle que, à l’aube <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> exposition<br />

universelle <strong>de</strong> 1905, la Cité ar<strong>de</strong>nte présentera un paysage radicalement neuf.<br />

Le quartier Régence-Université<br />

8<br />

3 4<br />

2<br />

5<br />

9<br />

7<br />

Le nouveau théâtre (1 - en bas <strong>de</strong> l’image) et l’Université (2) sont<br />

les <strong>de</strong>ux grands équipements fondés sous le régime hollandais<br />

(1817 et 1820). Plusieurs bras d’eau situés entre ces <strong>de</strong>ux sites<br />

sont alors comblés, ce qui permet le développement d’un quartier<br />

commerçant autour <strong>de</strong>s nouvelles rues <strong>de</strong> la Régence (3),<br />

<strong>de</strong> l’Université (4) et <strong>de</strong> la Cathédrale (5). Toujours grâce aux<br />

comblements, <strong>de</strong> nouvelles places peuvent aussi être créées en<br />

lien avec les grands équipements : place du Théâtre (6), place<br />

<strong>de</strong> l’Université (7 - aujourd’hui place du Vingt Août) et future place<br />

Cockerill (8). À droite, entre la nouvelle rue <strong>de</strong> l’Université et le Vinâve<br />

d’Île, nous découvrons l’axe et les toits du Passage Lemonnier<br />

(9), une structure commerciale et <strong>urbanistique</strong> d’un nouveau<br />

type créée dans la foulée (1836).<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2018 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong><br />

la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (extrait)<br />

6<br />

1<br />

Comme dans toutes les gran<strong>de</strong>s villes occi<strong>de</strong>ntales à la même époque, les adaptations<br />

apportées au tissu urbain sont menées sous le sceau <strong>de</strong> trois objectifs centraux : assainir,<br />

circuler et embellir. Ces ambitions sont déclinées <strong>de</strong> manière systématique dans <strong>de</strong><br />

nombreux projets d’aménagement. Plusieurs facteurs contextuels expliquent en outre<br />

les mutations <strong>de</strong> la ville, dont le rythme s’accélère à mesure <strong>de</strong> l’avancée dans le siècle.<br />

Sur le plan politique, nos régions passent rapi<strong>de</strong>ment d’un régime à l’autre. La pério<strong>de</strong><br />

française s’accompagne d’une opération colossale <strong>de</strong> mutation <strong>de</strong>s propriétés avec la<br />

nationalisation <strong>de</strong>s biens du clergé au milieu <strong>de</strong>s années 1790. Cette « révolution foncière<br />

» ouvre <strong>de</strong>s opportunités <strong>de</strong> développement, par exemple par la vente <strong>de</strong> certains<br />

sites à <strong>de</strong>s investisseurs privés, reconvertissent <strong>de</strong>s églises, voire créent <strong>de</strong>s quartiers<br />

rési<strong>de</strong>ntiels (sites <strong>de</strong>s Augustins et <strong>de</strong>s Guillemins).<br />

2.2. Les premiers embellissements sous le Régime Hollandais (1815-1830)<br />

Les nouvelles institutions publiques tirent aussi parti <strong>de</strong> ces mutations, installant par<br />

exemple une caserne dans l’ancienne abbaye du Val <strong>de</strong>s Écoliers (actuelle caserne<br />

Fonck) ou un athénée sur le site du couvent <strong>de</strong>s Clarisses (athénée Charles Rogier).<br />

Malgré la relative brièveté du régime hollandais (1815-1830), c’est sous ce <strong>de</strong>rnier que


32<br />

sont mises en place les premières opérations ambitieuses d’aménagement urbain, à<br />

commencer par le nécessaire aménagement d’une nouvelle place sur le site <strong>de</strong> l’ancienne<br />

cathédrale récemment démolie (actuelle place Saint-Lambert). Deux nouveaux<br />

équipements majeurs sont en outre mis en place : le théâtre, construit en 1820 à<br />

l’emplacement du jardin <strong>de</strong> l’ancien couvent <strong>de</strong>s Dominicains, et l’Université fondée en<br />

1817 dans l’ancien Collège <strong>de</strong>s Jésuites wallons (l’église est remplacée par une salle<br />

académique monumentale). Pour relier ces équipements, est décidée la création d’un<br />

ensemble <strong>de</strong> trois rues à l’emplacement <strong>de</strong> bras d’eau comblés (rue <strong>de</strong> la Régence,<br />

rue <strong>de</strong> l’Université, rue <strong>de</strong> la Cathédrale). L’engouement pour le nouveau quartier justifie<br />

l’apparition d’une opération <strong>de</strong> promotion immobilière d’un nouveau type au cours <strong>de</strong>s<br />

années à la fin <strong>de</strong>s années 1830 : la construction du passage commercial Lemonnier.<br />

Plan <strong>de</strong> Avanzo et Morgante, 1828<br />

5<br />

2<br />

3<br />

4<br />

1<br />

Entre l’Université (1) et le nouveau théâtre (2), à l’emplacement d’anciens bras <strong>de</strong> Meuse comblés, un<br />

nouveau quartier est en train <strong>de</strong> s’ériger autour <strong>de</strong>s rues <strong>de</strong> l’Université, <strong>de</strong> la Régence et <strong>de</strong> la Cathédrale<br />

(3) qui n’est que partiellement ouverte. Son nom évoque la nouvelle cathédrale, établie dans l’ancienne<br />

collégiale Saint-Paul (4). La place Saint-Lambert vient quant à elle d’être aménagée à l’emplacement <strong>de</strong><br />

l’ancienne cathédrale (5).<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, Bibliothèque Ulysse Capitaine, n° 1000124017441<br />

2.3. La création <strong>de</strong> nouveaux quartiers bourgeois<br />

La mise en place <strong>de</strong> l’État belge et la stabilisation politique qui s’en suit s’accompagnent<br />

d’une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> prospérité pour la nouvelle nation. Les agglomérations<br />

urbaines <strong>de</strong>viennent un <strong>de</strong> ses moteurs <strong>de</strong> croissance. De nombreuses familles<br />

s’y installent, ce qui entraîne une explosion démographique. Entre 1830 et 1900, la<br />

population <strong>de</strong> la commune <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> est ainsi multipliée par 2,7 en passant <strong>de</strong> 58 000<br />

à 158 000 habitants. Dans un premier temps, la <strong>de</strong>nsification s’effectue au sein <strong>de</strong>s


historique <strong>urbanistique</strong><br />

33<br />

quartiers existants, par l’augmentation du nombre d’occupants dans les immeubles ou<br />

par la construction <strong>de</strong> nouveaux logements en second rang (création <strong>de</strong> courées). Mais<br />

à partir <strong>de</strong>s années 1840, le rythme <strong>de</strong>s projets s’accélère, tant en ce qui concerne la<br />

création <strong>de</strong> nouveaux quartiers que la réorganisation du centre-ville.<br />

« Le quartier sud », développé au sud-ouest du centre-ville au XIX e siècle<br />

1<br />

L’espace situé entre l’ancien faubourg Saint-Gilles (1 -<br />

ligne oblique en haut à gauche) et le faubourg d’Avroy<br />

(2 - alignement ondulant à droite) s’urbanise à partir<br />

<strong>de</strong>s années 1830. Le nouveau jardin botanique <strong>de</strong><br />

l’Université (3) attire les familles prospères qui s’établissent<br />

sur son pourtour. L’Université y construira plus<br />

tard <strong>de</strong>s instituts d’enseignement et <strong>de</strong> recherche (4).<br />

Plusieurs lotissements cossus sont ainsi ouverts dans<br />

le quartier, dont l’ambitieux projet qui reconvertit l’ancienne<br />

propriété <strong>de</strong>s Augustins (5 - rues <strong>de</strong>s Augustins,<br />

Beeckman et du Jardin botanique). Les nouvelles<br />

rues restent d’un gabarit limité à 12 m, à l’exception<br />

<strong>de</strong> l’axe principal nord-sud, porté à 16 m (6 - rue<br />

Louvrex).<br />

4<br />

6<br />

2<br />

Source : Google Maps, 2021<br />

3<br />

5<br />

La création du nouveau jardin botanique <strong>de</strong> l’université à côté du faubourg Saint-Gilles,<br />

le redressement du Jonckeu (rue Louvrex), seul chemin carrossable en Avroy jusqu’en<br />

1717, et le lotissement <strong>de</strong> l’ancienne propriété du couvent <strong>de</strong>s Augustins inaugurent le<br />

développement <strong>de</strong> nouveaux quartiers rési<strong>de</strong>ntiels bourgeois au sud-ouest du centreville.<br />

L’attrait pour ces espaces sera encore renforcé par l’arrivée plus au sud du chemin<br />

<strong>de</strong> fer et la construction <strong>de</strong> la gare <strong>de</strong>s Guillemins (1842), au pied <strong>de</strong> la rampe du « plan<br />

incliné » conçu par l’ingénieur Henri Maus à <strong>de</strong>stination <strong>de</strong> la ligne vers Bruxelles, établie<br />

à flanc <strong>de</strong> coteau. Large <strong>de</strong> 20 m, la rue <strong>de</strong> la Station (actuelle rue <strong>de</strong>s Guillemins)<br />

est créée pour relier la gare au centre-ville par l’intermédiaire du faubourg d’Avroy, alors<br />

toujours un quai. À la même époque, la construction d’un second pont sur la Meuse<br />

(1837, pont <strong>de</strong> la Boverie, actuel pont Kennedy) facilite l’organisation d’un nouveau<br />

quartier au sud <strong>de</strong> l’île d’Outremeuse, autour d’une nouvelle place rectangulaire (place<br />

Delcour) et <strong>de</strong> l’amorce d’un nouvel axe structurant (rue Jean d’Outremeuse).<br />

La place <strong>de</strong> Bronckart<br />

La place <strong>de</strong> Bronckart est au centre d’un vaste lotissement<br />

ouvert au cours <strong>de</strong>s années 1860 à<br />

l’emplacement <strong>de</strong> l’ancien couvent <strong>de</strong>s Guillemins,<br />

au sud du « nouveau quartier ». Six nouvelles rues<br />

convergent vers la place, dont le centre est occupé<br />

par <strong>de</strong>ux squares arborés. Des prescriptions architecturales<br />

strictes sont ajoutées aux règles générales<br />

appliquées à toute la ville, afin d’aboutir à un ensemble<br />

bâti d’une gran<strong>de</strong> cohérence, qui n’a pas été<br />

dénaturé par la suite. La place est aujourd’hui classée<br />

comme ensemble architectural et toutes les faça<strong>de</strong>s<br />

sont classées au titre <strong>de</strong> « monument ».<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>


34<br />

Tous ces aménagements sont définis et rendus possibles par les trois nouveaux outils d’urbanisme<br />

mis à disposition <strong>de</strong>s pouvoirs publics à cette époque : les plans d’alignements (qui<br />

fixent les nouvelles limites entre les espaces publics et le domaine privé), les périmètres d’expropriation<br />

(qui permettent <strong>de</strong> surmonter les oppositions éventuelles <strong>de</strong> propriétaires pour garantir<br />

la maîtrise du foncier) et le règlement sur les bâtisses (qui, entre autres, définit par <strong>de</strong>s<br />

prescriptions l’aspect que doivent prendre les faça<strong>de</strong>s construites le long <strong>de</strong>s nouvelles rues<br />

et places). À partir <strong>de</strong> cette époque, les réseaux d’égouttage et <strong>de</strong> distribution d’eau sont<br />

incorporés <strong>de</strong> manière systématique sous les revêtements pavés <strong>de</strong>s voiries, tandis qu’apparaissent<br />

les premiers trottoirs et que la généralisation <strong>de</strong>s réverbères au gaz améliore la sécurité<br />

nocturne.<br />

2.4. La réorganisation du réseau hydrographique<br />

Alors que l’urbanisation progresse à un rythme soutenu en rive gauche <strong>de</strong>puis les<br />

années 1830, la rive droite en amont <strong>de</strong> l’Île reste d’abord très marécageuse, ne<br />

servant que <strong>de</strong> lieu <strong>de</strong> promena<strong>de</strong> à la belle saison. Son aspect va cependant aussi<br />

radicalement changer à partir <strong>de</strong>s années 1850, en lien avec le plus grand chantier du<br />

siècle en matière d’infrastructures publiques : l’aménagement <strong>de</strong>s voies navigables.<br />

Réalisés sous l’égi<strong>de</strong> d’un État belge riche et puissant, <strong>de</strong>s travaux titanesques <strong>de</strong><br />

réorganisation du tracé <strong>de</strong>s bras d’eau sont en effet entrepris, qui vont considérablement<br />

modifier le paysage urbain liégeois. Ils visent plusieurs objectifs : réduire les<br />

risques d’inondation, faciliter la navigation sur le fleuve, stabiliser les rives pour libérer<br />

<strong>de</strong> nouveaux terrains urbanisables, assainir le cœur <strong>de</strong>s quartiers populaires par la<br />

suppression d’anciens bras d’eau, ou encore faciliter la circulation entre les quartiers<br />

par la création <strong>de</strong> nouveaux boulevards à leur emplacement. La physionomie <strong>de</strong> la cité<br />

va en être radicalement modifiée.<br />

Le nouveau boulevard <strong>de</strong> la constitution<br />

Le comblement du bras d’eau du Barbou a permis<br />

la création d’un boulevard <strong>de</strong> promena<strong>de</strong> arboré. Le<br />

plan d’alignement définissant le tracé <strong>de</strong> la voirie et le<br />

parcellaire du lotissement a été adopté en 1874.<br />

Source : Collection Marcel Conradt


historique <strong>urbanistique</strong><br />

35<br />

vue aérienne du quartier d’outremeuse<br />

4<br />

1<br />

2<br />

6<br />

3<br />

5<br />

7<br />

9<br />

8<br />

Perpendiculaire à l’axe historique <strong>de</strong> la Chaussée <strong>de</strong>s Prés (1) et <strong>de</strong> la rue Puits-en-Sock (2), une structure <strong>de</strong><br />

développement se met en place au cours du XIX e siècle dans le quartier d’Outremeuse, autour du nouvel axe <strong>de</strong><br />

la rue Jean d’Outremeuse. Il s’agit d’une longue artère (3), qui relie la place Delcour (4), et la place du Congrès,<br />

aménagée en forme <strong>de</strong> cercle à la fin <strong>de</strong> ce siècle (5). De gran<strong>de</strong>s structures arborées sont créées à l’emplacement<br />

<strong>de</strong>s anciens bras <strong>de</strong> Meuse comblés, comme la place <strong>de</strong> l’Yser (6) et le boulevard <strong>de</strong> la Constitution<br />

(7). La friche dans le bas <strong>de</strong> l’image correspond au site <strong>de</strong> l’hôpital <strong>de</strong> Bavière (8), fondé à la fin du XIX e siècle<br />

et abandonné un siècle plus tard. L’aménagement d’un nouveau quartier y démarrera à la fin <strong>de</strong>s années 2010.<br />

L’ancien couvent du Val <strong>de</strong>s écoliers (9) avait d’abord été reconverti en une vaste caserne militaire... C’est aujourd’hui<br />

l’école supérieure <strong>de</strong>s arts Saint-Luc et une partie <strong>de</strong> la faculté d’architecture.<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2009 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

Les cartes du chapitre précé<strong>de</strong>nt ont déjà révélé que le centre <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> était au départ<br />

constitué d’un archipel d’îlots séparés par <strong>de</strong> nombreux bras d’eau. Après la réalisation <strong>de</strong><br />

ce vaste programme d’endiguement et <strong>de</strong> canalisation, <strong>de</strong> nombreux bras seront comblés<br />

et tous les flux se retrouveront concentrés dans <strong>de</strong>ux cours majeurs. Comme expliqué en<br />

début <strong>de</strong> chapitre, la « régulation » a commencé par le comblement <strong>de</strong>s bras situés entre<br />

le théâtre et l’Université. Cette première étape a permis <strong>de</strong> rattacher le quartier commerçant<br />

<strong>de</strong> l’Île au reste du centre-ville. L’opération s’est ensuite poursuivie sur le bras <strong>de</strong> la<br />

Sauvenière, progressivement transformé en quai arboré, puis en boulevard au cours <strong>de</strong><br />

la première moitié du XIX e siècle. À cette phase succè<strong>de</strong> le plan encore plus ambitieux <strong>de</strong><br />

l’ingénieur Kümmer, visant à remplacer les nombreux bras d’eau d’Outremeuse par le seul<br />

canal <strong>de</strong> la « Dérivation », en partie créé <strong>de</strong> toute pièce à travers l’Île <strong>de</strong> la Boverie et les<br />

près Saint-Denis (à partir <strong>de</strong>s années 1850). Les anciens bras comblés se transforment<br />

au cours <strong>de</strong>s années 1860-1880 en boulevards arborés prestigieux (boulevards Saucy, <strong>de</strong><br />

l’Est et <strong>de</strong> la Constitution), le long <strong>de</strong>squels sont érigés <strong>de</strong> nouveaux équipements publics<br />

à l’architecture majestueuse (école industrielle, caserne, nouvel hôpital).<br />

Concomitamment, sur la rive gauche, la courbe du fleuve est redressée dans un nouveau<br />

tracé (le long <strong>de</strong> l’actuel boulevard Frère-Orban), afin <strong>de</strong> faciliter le mouvement <strong>de</strong>s<br />

bateaux <strong>de</strong> marchandises. L’espace <strong>de</strong> l’ancien méandre est d’abord reconverti en site<br />

portuaire, avant d’être rapi<strong>de</strong>ment transformé, à la fin <strong>de</strong>s années 1870, grâce à l’action


36<br />

énergique du Directeur du Service <strong>de</strong>s Travaux <strong>de</strong> la Ville Hubert-Guillaume Blon<strong>de</strong>n, en un<br />

lotissement rési<strong>de</strong>ntiel <strong>de</strong> prestige autour du nouveau square <strong>de</strong>s Terrasses. Le boulevard<br />

Piercot et l’avenue Blon<strong>de</strong>n sont ainsi tracés à l’emplacement <strong>de</strong>s anciens bras, tandis que<br />

l’espace <strong>de</strong> l’éphémère « Bassin <strong>de</strong> Commerce » est reconfiguré en parc (l’étang en est<br />

le <strong>de</strong>rnier vestige). Ces différents aménagements confortent le <strong>de</strong>stin d’espace rési<strong>de</strong>ntiel<br />

bourgeois <strong>de</strong>s quartiers qui se développent au sud du centre-ville, dans la prolongation<br />

<strong>de</strong>s opérations déjà menées autour du Jardin botanique et <strong>de</strong> la place <strong>de</strong> Bronckart <strong>de</strong>ux<br />

décennies plus tôt.<br />

Plan <strong>de</strong> rectification <strong>de</strong> la Meuse par l’ingénieur Kümmer, 1852<br />

5<br />

3<br />

2<br />

1<br />

6<br />

4<br />

Pour faciliter la navigation, le cours du fleuve doit être dévié dans un nouveau lit (1), entre le site <strong>de</strong> Paradis au niveau <strong>de</strong> la plaine <strong>de</strong><br />

Fragnée et le site <strong>de</strong> l’Évêché. Le plan indique par <strong>de</strong>s traits légers le tracé <strong>de</strong>s bras anciens <strong>de</strong> Meuse encore présents au milieu du<br />

XIX e siècle, mais dont la suppression est visée. Dans l’ancien lit, est prévue la création d’un bassin portuaire, le « Bassin <strong>de</strong> Commerce » (2),<br />

accessible par <strong>de</strong>ux canaux (emplacement <strong>de</strong>s actuels boulevard Piercot et avenue Blon<strong>de</strong>n). Du côté d’Outremeuse, la création <strong>de</strong>s segments<br />

rectilignes du canal <strong>de</strong> la Dérivation à travers l’île <strong>de</strong> la Boverie (3) et les prés Saint-Denis (4) va permettre le comblement <strong>de</strong> nombreux<br />

bras et l’assainissement <strong>de</strong>s vieux quartiers, ainsi pense-t-on mis à l’abri <strong>de</strong>s risques d’épidémie et d’inondation. Le plan reprend<br />

également les lignes <strong>de</strong> chemin <strong>de</strong> fer existantes, dont l’axe rectiligne du « plan incliné » (5) qui <strong>de</strong>scend du plateau d’Ans jusqu’au site <strong>de</strong><br />

la gare <strong>de</strong>s Guillemins. Dans le « quartier <strong>de</strong> l’Est », en rive droite, la ligne provenant <strong>de</strong> Namur aboutit à la nouvelle gare du Longdoz (6).<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, Bibliothèque Ulysse Capitaine, n° 1000124006353


historique <strong>urbanistique</strong><br />

37<br />

plan d’alignement pour la création du quartier Terrasses, 1879 (extrait)<br />

6<br />

7<br />

3<br />

2<br />

4<br />

1<br />

5<br />

Élaboré à la fin <strong>de</strong> la carrière <strong>de</strong> l’ingénieur directeur du Service <strong>de</strong> Travaux <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, Hubert-Guillaume<br />

Blon<strong>de</strong>n, le plan d’aménagement du quartier <strong>de</strong>s Terrasses est considéré comme son chef-d’œuvre.<br />

Le Bassin <strong>de</strong> Commerce aménagé <strong>de</strong>ux décennies plus tôt n’ayant pas rencontré <strong>de</strong> succès, le projet prévoit<br />

son remplacement par un lotissement rési<strong>de</strong>ntiel d’environ 170 parcelles, réparties en quatre îlots. Une<br />

attention est également accordée à la qualité <strong>de</strong>s espaces publics, avec <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s surfaces <strong>de</strong>stinées à<br />

la promena<strong>de</strong>. Il s’agit <strong>de</strong>s artères arborées : avenue Blon<strong>de</strong>n (1), boulevards Piercot (2) et Frère-Orban (3) ;<br />

ainsi que <strong>de</strong>s espaces <strong>de</strong> parcs : square <strong>de</strong>s Terrasses (4 ), parc d’Avroy (5) et Jardin d’Acclimatation (6), déjà<br />

aménagé <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> la Meuse sur le site <strong>de</strong> la Boverie. Un barrage est installé sur la Meuse, au niveau<br />

du nouveau pont <strong>de</strong> Commerce (7 – emplacement <strong>de</strong> l’actuel pont Albert I er ).<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, Service <strong>de</strong>s Archives, Fonds <strong>de</strong>s plans d’alignement du Département <strong>de</strong> l’Urbanisme, cl. 10, p. 12<br />

Les espaces publics y sont conçus comme <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> promena<strong>de</strong> et <strong>de</strong> représentation,<br />

larges et aérés, avec une forte composante végétale. Ils finissent par former une<br />

véritable séquence <strong>de</strong> parcs : Jardin botanique, place Émile Dupont, parc d’Avroy, avenue<br />

Blon<strong>de</strong>n, boulevard Frère-Orban, puis Jardin d’Acclimatation sur l’autre rive (ces<br />

parcs constituent encore une base importante <strong>de</strong> l’armature verte du centre-ville au<br />

début du XXI e siècle). Leur <strong>de</strong>stinée récréative est renforcée par l’installation d’équipements<br />

<strong>de</strong> loisirs comme un kiosque, le pavillon du « Trink-Hall » (emplacement <strong>de</strong> l’actuel<br />

Trinkhall Museum), la salle <strong>de</strong> concert du conservatoire à la faça<strong>de</strong> monumentale<br />

(actuel siège <strong>de</strong> l’Orchestre philharmonique <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>) et bientôt <strong>de</strong>s pavillons construits<br />

pour l’exposition universelle (actuel musée Boverie). Par ailleurs, l’art public se généralise<br />

dans ces espaces, communiquant un message <strong>de</strong> vie civique « modèle » aux<br />

citoyens : statues <strong>de</strong> Charlemagne, <strong>de</strong> Charles Rogier, <strong>de</strong> Walthère Frère-Orban…).


38<br />

Pour répondre aux nouveaux besoins <strong>de</strong> la société, <strong>de</strong>s équipements spécifiques sont<br />

construits, dont les faça<strong>de</strong>s contribuent à embellir et monumentaliser la Ville, tout en<br />

affirmant la puissance <strong>de</strong>s nouvelles autorités publiques (Ville et État). Une étape importante<br />

est la campagne <strong>de</strong> construction <strong>de</strong> nouveaux instituts universitaires initiée au<br />

cours <strong>de</strong>s années 1880 : nouvelle aile sur le site historique central (actuelle place du<br />

Vingt Août), instituts <strong>de</strong> zoologie, d’anatomie et <strong>de</strong> physiologie le long du quai van Bele<br />

quartier <strong>de</strong> Fragnée<br />

5<br />

4<br />

3<br />

1<br />

2<br />

Entre la rue <strong>de</strong> la Station (actuelle rue <strong>de</strong>s Guillemins, non visible au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l’image), la Meuse, les voies<br />

ferrées et le site <strong>de</strong> la gare, la plaine <strong>de</strong> Fragnée fait l’objet d’un vaste plan d’urbanisation à la fin du XIX e siècle.<br />

Deux axes parcourent le quartier du nord au sud (1), qui se rejoignent au niveau <strong>de</strong> la place du Général Leman<br />

(2). De nombreuses rues transversales s’y connectent, dont celle où est établi le vaste complexe <strong>de</strong> l’école<br />

<strong>de</strong>s Rivageois (3). Une nouvelle église paroissiale est érigée sur la place <strong>de</strong>s Franchises (4). La gare <strong>de</strong>s Guillemins<br />

actuelle est la quatrième station bâtie sur le site (5).<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2018 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (extrait)<br />

2.5. De nouveaux équipements publics d’envergure<br />

À la fin du siècle, le développement <strong>de</strong>s quartiers plus bourgeois se poursuit avec le<br />

lotissement <strong>de</strong> la plaine <strong>de</strong> Fragnée (1860-1870), entre le chemin <strong>de</strong> fer et la Meuse, au<br />

sud <strong>de</strong> la gare <strong>de</strong>s Guillemins. En reproduisant un modèle similaire à celui appliqué au<br />

quartier structuré autour <strong>de</strong> la rue Dartois et <strong>de</strong> la place carrée <strong>de</strong> Bronckart, ou autour<br />

<strong>de</strong> la rue Jean d’Outremeuse et <strong>de</strong> la place circulaire du Congrès, l’urbanisation y est<br />

organisée par un plan dressé à l’échelle du quartier, autour <strong>de</strong> l’axe <strong>de</strong>s rues <strong>de</strong> Sclessin<br />

et Auguste Buisseret ainsi que <strong>de</strong> la place <strong>de</strong>s Franchises, <strong>de</strong> forme carrée. Une<br />

hiérarchie du statut <strong>de</strong>s voiries y est suggérée par leur largeur variable, les parcelles les<br />

plus convoitées pour la rési<strong>de</strong>nce étant celles offrant <strong>de</strong> larges perspectives sur le quai.<br />

Dans tous ces nouveaux quartiers, <strong>de</strong>s écoles gardiennes et primaires sont construites<br />

à l’initiative <strong>de</strong> la Ville ou <strong>de</strong>s institutions catholiques. Pour accueillir un plus grand potentiel<br />

<strong>de</strong> paroissiens, beaucoup d’églises sont reconstruites, dans une architecture historiciste<br />

<strong>de</strong> grand gabarit qui marque l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s quartiers (Sainte-Foy, Sainte-Walburge,<br />

Sainte-Véronique, Sainte-Marie <strong>de</strong>s Anges en remplacement <strong>de</strong> la chapelle du Paradis…).<br />

Pour respecter la liberté <strong>de</strong>s cultes, l’État encourage par ailleurs la construction<br />

d’une gran<strong>de</strong> synagogue (dans la rue Léon Frédéricq, sur la presqu’île <strong>de</strong> la Boverie).


historique <strong>urbanistique</strong><br />

39<br />

ne<strong>de</strong>n et <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong> Pitteurs en Outremeuse, instituts <strong>de</strong> pharmacie et <strong>de</strong> botanique<br />

dans le jardin botanique, observatoire et institut d’astronomie sur le plateau <strong>de</strong> Cointe,<br />

institut Montefiore rue Saint-Gilles. La reconversion qualitative <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers<br />

instituts, aujourd’hui désaffectés <strong>de</strong> leurs anciennes activités, constitue un enjeu notamment<br />

en termes <strong>de</strong> valorisation patrimoniale.<br />

L’école moyenne et industrielle du Boulevard Saucy, actuel athénée<br />

La synagogue <strong>de</strong> la rue Léon Frédéricq<br />

Ces <strong>de</strong>ux bâtiments témoignent <strong>de</strong>s grands équipements publics créés à la fin du XIX e siècle. Leurs faça<strong>de</strong>s<br />

très décoratives et monumentales affirment la présence <strong>de</strong> l’autorité publique (État, Commune) dans l’espace<br />

public. Elles illustrent également sa volonté <strong>de</strong> contribuer à l’embellissement <strong>de</strong> l’espace urbain par une architecture<br />

« modèle ».<br />

Sources : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

D’autres grands projets du XIX e siècle entraînent la transformation <strong>de</strong> quartiers anciens.<br />

Le pont <strong>de</strong>s Arches est reconstruit au cours <strong>de</strong>s années 1860 sur un axe dévié, afin<br />

<strong>de</strong> réduire les risques <strong>de</strong> collision entre les bateaux et les piles. Ce projet débouche<br />

sur l’adoption d’un plan pour percer, à travers l’ancien quartier <strong>de</strong> la Ma<strong>de</strong>leine, une<br />

nouvelle artère reliant directement le nouveau pont à la place Saint-Lambert : la rue<br />

Léopold. Des immeubles <strong>de</strong> rapport (rez-<strong>de</strong>-chaussée commercial et appartements<br />

locatifs aux étages) sont érigés sur les parcelles constructibles redéfinies le long <strong>de</strong><br />

son tracé. Cette typologie immobilière qui rencontre le succès dans d’autres gran<strong>de</strong>s<br />

villes européennes est un échec commercial dans les villes belges, les familles aisées<br />

rechignant à être locataire d’un appartement. À <strong>Liège</strong>, ce type d’opération ne sera pas<br />

retenté ailleurs et il faudra encore attendre un <strong>de</strong>mi-siècle pour que les ménages aisés<br />

s’intéressent à ce mo<strong>de</strong> d’habitat en appartement.<br />

Au cours <strong>de</strong> la décennie 1870, au pied du versant, est aménagée une ligne <strong>de</strong> chemin<br />

<strong>de</strong> fer qui longe le nord du centre-ville pour relier la gare <strong>de</strong>s Guillemins à Herstal via<br />

la ligne vers le Limbourg. Si certains segments passent en tunnel sous le Mont-Saint-<br />

Martin ou sous les coteaux <strong>de</strong> la Cita<strong>de</strong>lle, cette ligne émerge à l’air libre à hauteur du<br />

quartier Saint-Servais. Son aménagement entraîne la disparition <strong>de</strong> plusieurs rues et <strong>de</strong><br />

dizaines <strong>de</strong> constructions, remplacées par les voies, une nouvelle gare, la nouvelle rue<br />

<strong>de</strong> Bruxelles et le square Notger créé <strong>de</strong>vant la faça<strong>de</strong> néogothique du palais provincial<br />

(square disparu au cours <strong>de</strong>s années 1970). Avec un impact moindre sur les tissus<br />

urbains préexistants, relevons encore l’aménagement <strong>de</strong> la Montagne <strong>de</strong> Bueren, un


40<br />

escalier <strong>de</strong> plusieurs centaines <strong>de</strong> marches qui relie directement la cita<strong>de</strong>lle militaire au<br />

centre-ville (1875), ou encore l’élargissement du côté sud <strong>de</strong> la rue Pont-d’Avroy (1880)<br />

qui facilite les mouvements entre le quartier commerçant en plein développement autour<br />

<strong>de</strong> la place <strong>de</strong> la Cathédrale et <strong>de</strong>s nouveaux grands boulevards.<br />

Le pont <strong>de</strong>s Arches et la rue Léopold<br />

2<br />

1<br />

Plus ancien pont <strong>de</strong> la ville sur la Meuse, le pont <strong>de</strong>s Arches a été reconstruit à cinq reprises. La structure<br />

actuelle a été bâtie après la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale. Lors <strong>de</strong> la phase <strong>de</strong> reconstruction <strong>de</strong>s années 1860,<br />

son orientation est légèrement déviée pour s’inscrire le long du nouvel axe planifié par l’État et la Ville pour relier<br />

directement Outremeuse (1) et la place Saint-Lambert (2). Le projet implique aussi le percement <strong>de</strong> la rue Léopold<br />

à travers le vieux quartier <strong>de</strong> la Ma<strong>de</strong>leine. Sur les parcelles à bâtir dégagées le long <strong>de</strong> la nouvelle artère,<br />

sont ensuite construits <strong>de</strong>s immeubles <strong>de</strong> rapport (appartements en location), une typologie alors rare à <strong>Liège</strong>.<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2018 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (extrait)<br />

Le chantier d’aménagement <strong>de</strong>s voies ferrées au niveau du quartier Saint-Servais<br />

1<br />

2<br />

Entre le Mont-Saint-Martin (1), la paroisse Saint-Séverin<br />

(2), et le palais (où est probablement positionné<br />

le photographe), le quartier du Fond-Saint-Servais (3)<br />

est éventré vers 1870 pour aménager la jonction ferroviaire<br />

reliant le site <strong>de</strong>s Guillemins à Herstal. Entre<br />

<strong>de</strong>ux tunnels, les nouvelles voiries vont apparaître à<br />

l’air libre au niveau du site ici photographié. La station<br />

<strong>de</strong> <strong>Liège</strong>-Palais y sera implantée (4). Au cours <strong>de</strong>s<br />

années 1970, d’autres projets visant l’aménagement<br />

<strong>de</strong> voies routières justifieront <strong>de</strong> nouvelles démolitions<br />

autour du site.<br />

4<br />

3<br />

Source : Auteur inconnu – Documents numériques<br />

du Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>


historique <strong>urbanistique</strong><br />

41<br />

D’autres équipements plus gourmands en espaces sont construits sur <strong>de</strong> vastes terrains<br />

disponibles aux marges du centre-ville, voire plus loin dans les faubourgs. Après<br />

plusieurs décennies d’activités, certains <strong>de</strong> ces équipements seront désaffectés, débouchant<br />

sur <strong>de</strong>s opérations <strong>de</strong> reconversion à partir <strong>de</strong> la fin du XX e siècle. Peuvent être<br />

évoqués comme exemples :<br />

• la prison Saint-Léonard (son emplacement a été aménagé au début <strong>de</strong>s années<br />

2000 en grand espace public, avec esplana<strong>de</strong> et parc) ;<br />

• le complexe hospitalier <strong>de</strong> Bavière en Outremeuse (un vaste projet <strong>de</strong> redéveloppement<br />

du site est en cours <strong>de</strong> concrétisation <strong>de</strong>puis la fin <strong>de</strong>s années 2010) ;<br />

• l’hôpital du Valdor dans le quartier d’Amercoeur (complexe totalement rénové au<br />

cours <strong>de</strong>s années 2000), les abattoirs à l’extrémité nord-est <strong>de</strong> l’île d’Outremeuse<br />

(remplacés par <strong>de</strong>s bureaux à la fin du XX e siècle) ;<br />

• le site du tir communal à Coronmeuse (où se concrétise aujourd’hui un projet <strong>de</strong><br />

quartier rési<strong>de</strong>ntiel après avoir accueilli les pavillons <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux expositions internationales<br />

au cours <strong>de</strong>s années 1930 puis le hall <strong>de</strong>s foires dans la secon<strong>de</strong> moitié du XX e<br />

siècle) ;<br />

• le terrain d’entraînement militaire <strong>de</strong> la plaine <strong>de</strong> Droixhe (reconverti en quartier rési<strong>de</strong>ntiel<br />

au milieu du XX e siècle, avec une partie <strong>de</strong> logements publics, laquelle fait<br />

l’objet d’un programme intégré <strong>de</strong> requalification <strong>de</strong>puis les années 2000).<br />

Le site <strong>de</strong> la « Cita<strong>de</strong>lle »<br />

Dominant le cœur <strong>de</strong> la cité sur le rebord <strong>de</strong> versants escarpés, une première cita<strong>de</strong>lle bastionnée est fondée<br />

au milieu du XVIIe siècle. Le site est ensuite refortifié à plusieurs reprises jusqu’au milieu du XIXe siècle. Le déclassement<br />

<strong>de</strong> la place forte au cours <strong>de</strong>s années 1890 permet à la Ville <strong>de</strong> récupérer les espaces autour <strong>de</strong>s<br />

bastions, qui sont transformés en parc public autour d’un nouveau boulevard panoramique. Une végétation<br />

arbustive se développe sur le site. Après le départ <strong>de</strong>s militaires au milieu du XXe siècle, les bâtiments <strong>de</strong>s<br />

casernes situés au cœur du site sont démolis et remplacés par un nouvel hôpital.<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2018 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (extrait)


42<br />

Au fil du XIX e siècle, les sites militaires sont par ailleurs complétés par la construction <strong>de</strong> nouvelles<br />

casernes, tant sur le site d’Outremeuse (caserne qui prendra le nom du cavalier Fonck<br />

après la Première Guerre mondiale) qu’au niveau <strong>de</strong>s forts <strong>de</strong> la Cita<strong>de</strong>lle et <strong>de</strong> la Chartreuse.<br />

Abandonnés par l’armée à la fin du XX e siècle, ces espaces constitueront également<br />

<strong>de</strong>s opportunités <strong>de</strong> reconversion : aménagement d’un nouvel hôpital à la Cita<strong>de</strong>lle (ouvert<br />

dans les années 80), reconversion <strong>de</strong> la caserne Fonck en pôle d’enseignement secondaire,<br />

projets pour une potentielle reconversion rési<strong>de</strong>ntielle d’une partie du site <strong>de</strong> la Chartreuse.<br />

2.6. Les quartiers industriels<br />

Tous les quartiers <strong>de</strong> la ville qui se développent au cours <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> moitié du XIX e<br />

siècle ne font pas l’objet d’une conception <strong>urbanistique</strong> soignée et réfléchie. Les quartiers<br />

<strong>de</strong> production industrielle se développent <strong>de</strong> manière plus « spontanée », même<br />

si les nouvelles rues ou <strong>de</strong>s « rues » redressées y adoptent les mêmes alignements<br />

rectilignes tracés au cor<strong>de</strong>au que dans les quartiers socialement plus cotés.<br />

Plan cadastral <strong>de</strong>s faubourgs Saint-Léonard et Vivegnis en 1850 (extrait)<br />

3<br />

2<br />

1<br />

Au milieu du XIX e siècle, <strong>de</strong>s entreprises industrielles <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> taille commencent à s’installer dans l’espace<br />

du futur quartier Saint-Léonard, sur les anciens jardins maraîchers établis entre les <strong>de</strong>ux faubourgs historiques.<br />

En 1850, sont par exemple déjà établis la fon<strong>de</strong>rie royale <strong>de</strong>s canons (1 - site actuel <strong>de</strong> l’athénée royal), la<br />

société linière <strong>de</strong> John Cockerill (2 - aujourd’hui reconvertie en hôtel) et l’usine <strong>de</strong> transformation <strong>de</strong> zinc <strong>de</strong> la<br />

Vieille Montagne (3 - une place publique et une école ont été aménagées à son emplacement au début du<br />

XXe siècle). De nouvelles rues commencent à être créées, dont le tracé est influencé par le parcellaire agricole<br />

préexistant. Elles vont fixer d’autres fabriques et <strong>de</strong>s ensembles d’habitat ouvrier.<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, Bibliothèque Ulysse Capitaine<br />

Au nord du centre-ville, le quartier Saint-Léonard est représentatif <strong>de</strong> ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> développement.<br />

Dès le milieu du XIX e siècle, <strong>de</strong>s industries s’y installent le long <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

faubourgs historiques <strong>de</strong> la rue Vivegnis et <strong>de</strong> la rue Saint-Léonard. Progressivement,<br />

ces <strong>de</strong>ux axes sont reliés par <strong>de</strong>s rues transversales, ouvertes par à coup au gré <strong>de</strong>s


historique <strong>urbanistique</strong><br />

43<br />

opportunités foncières, sans vision d’ensemble à l’échelle du quartier. Leur tracé est<br />

influencé par celui <strong>de</strong> l’ancien parcellaire agricole. D’autres rues sont créées entre le<br />

faubourg et le quai. L’essor industriel attire également <strong>de</strong> nombreux travailleurs dans<br />

le quartier, ce qui débouche sur la création <strong>de</strong> dizaines d’impasses d’habitat ouvrier<br />

en cœur d’îlot. Peu visibles <strong>de</strong>puis les rues principales, ces courées abritent toujours<br />

<strong>de</strong> nombreux Liégeois au début du XXI e siècle. Il faut attendre la fin du XIX e siècle pour<br />

qu’un premier plan d’aménagement plus ambitieux vise la transformation du site <strong>de</strong><br />

l’ancienne usine Regnier-Poncelet, à l’ouest du quartier, en un espace rési<strong>de</strong>ntiel cossu<br />

articulé autour <strong>de</strong> plusieurs rues nouvelles (rues Jonruelle, <strong>de</strong> l’Enclos, Maghin…).<br />

Les îlots du quartier Saint-Léonard autour <strong>de</strong> la place Bonne Nouvelle<br />

La structure du quartier Saint-Léonard résulte <strong>de</strong> son développement industriel à partir du milieu du XIXe<br />

siècle. De nombreux bâtiments <strong>de</strong> fabriques et d’entrepôts y occupent <strong>de</strong> vastes espaces à l’intérieur <strong>de</strong>s<br />

îlots. Les développements rési<strong>de</strong>ntiels, qu’il s’agisse d’impasses ouvrières ou <strong>de</strong> rues d’habitat plus bourgeois,<br />

y sont fortement imbriqués avec les espaces d’activités.<br />

Source : Google Maps, 2021<br />

Un processus pour partie similaire se met en place à partir <strong>de</strong> 1850 dans le quartier<br />

du Longdoz, qui commence à se développer sous la double impulsion <strong>de</strong> l’ouverture<br />

d’une gran<strong>de</strong> gare (emplacement d’une <strong>de</strong>s entrées du complexe <strong>de</strong> la Médiacité) et<br />

<strong>de</strong> l’aménagement <strong>de</strong> la rue Grétry, une longue artère rectiligne qui la relie au centre-ville<br />

(1845). Pendant toute cette pério<strong>de</strong>, le développement <strong>de</strong> l’urbanisation se poursuit par<br />

ailleurs <strong>de</strong> proche en proche par le développement <strong>de</strong> nouveaux quartiers après <strong>de</strong>nsification<br />

<strong>de</strong>s quartiers voisins. C’est ainsi que les anciens faubourgs <strong>de</strong> Sainte-Marguerite,<br />

d’Amercœur, <strong>de</strong> Bressoux et <strong>de</strong> Fétinne se dilatent rapi<strong>de</strong>ment à la toute fin du siècle,<br />

entre le développement <strong>de</strong> sites industriels, l’apparition <strong>de</strong> nouveaux ensembles <strong>de</strong> cités<br />

ouvrières ou la création <strong>de</strong> nouvelles rues d’habitations bourgeoises.<br />

De ce fait, aux alentours <strong>de</strong> 1900, tout l’espace <strong>de</strong> la plaine alluviale apparaît urbanisé.<br />

La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pour construire <strong>de</strong> nouvelles maisons étant toujours pressante dans un


44<br />

contexte d’essor économique régional et <strong>de</strong> forte poussée démographique, les nouveaux<br />

développements n’ont alors plus d’autres choix que <strong>de</strong> partir à l’assaut <strong>de</strong>s versants.<br />

C’est ainsi que la nouvelle rue <strong>de</strong> Campine (1873) va structurer le développement<br />

d’un nouveau quartier sur le versant en direction du faubourg Sainte-Walburge. Au su<strong>de</strong>st,<br />

l’urbanisation débor<strong>de</strong> au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la ligne <strong>de</strong> chemin <strong>de</strong> fer et commence à remonter<br />

les coteaux du quartier du Laveu. La topographie y détermine le tracé <strong>de</strong> longues rues<br />

établies au fond <strong>de</strong> vallons secondaires, en direction <strong>de</strong>s plateaux. Sur la rive opposée,<br />

la route <strong>de</strong> Herve a été déviée au début du siècle pour contourner la nouvelle forteresse<br />

<strong>de</strong> la Chartreuse. Ce n’est qu’avec le déclassement <strong>de</strong>s places fortes au début <strong>de</strong> la<br />

décennie 1890 qu’elle peut commencer à structurer le développement <strong>de</strong> nouvelles rues<br />

rési<strong>de</strong>ntielles à flanc <strong>de</strong> versant et dans les anciennes zones non aedificandi <strong>de</strong>s glacis.<br />

La Médiacité, au milieu du quartier du Longdoz<br />

1<br />

2<br />

6<br />

4<br />

3<br />

5<br />

Le quartier du Longdoz s’est fortement développé à partir <strong>de</strong> 1850 autour <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux équipements majeurs : la<br />

rue Grétry qui le relie directement au centre-ville (1) et la gare pour voyageurs qui était établie au niveau <strong>de</strong> la<br />

placette Henriette Brenu (2). De nombreuses entreprises se sont alors installées dans les espaces voisins,<br />

ce dont témoignent encore <strong>de</strong>s bâtiments industriels implantés au centre <strong>de</strong> certains îlots. L’espace occupé<br />

par la station et les voies ferrées a été reconverti en plusieurs phases à partir <strong>de</strong>s années 1960, accueillant<br />

<strong>de</strong>s bureaux, commerces et logements. Le <strong>de</strong>rnier remaniement important a pris place à la fin <strong>de</strong>s années<br />

2000, avec l’aménagement du complexe <strong>de</strong> la Médiacité, qui s’étend également sur le site <strong>de</strong> l’ancienne usine<br />

métallurgique Espérance-Longdoz (3). L’image révèle ses différentes composantes : un centre commercial<br />

(la toiture qui serpente correspond à la galerie (4), les studios <strong>de</strong> la RTBF (5) et la patinoire communale (6).<br />

Source : Global View, 2020 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

2.7. L’urbanisation atteint les limites communales<br />

Un processus d’urbanisation rapi<strong>de</strong> commence en outre à toucher les localités voisines<br />

<strong>de</strong> <strong>Liège</strong> où <strong>de</strong> nombreuses nouvelles rues d’habitat sont créées autour <strong>de</strong>s noyaux<br />

primitifs, tandis que s’y développent aussi les sites d’activités industrielles. Il en va<br />

ainsi <strong>de</strong> Sclessin (charbonnages, sidérurgie, entreprises <strong>de</strong> constructions métalliques),


historique <strong>urbanistique</strong><br />

45<br />

Angleur (charbonnage, usine <strong>de</strong> conduites d’eau, usine <strong>de</strong> la Vieille Montagne, gare<br />

<strong>de</strong> formation <strong>de</strong> Kinkempois), Chênée (usines métallurgiques), Grivegnée (fon<strong>de</strong>ries,<br />

transformation <strong>de</strong>s métaux non ferreux), Bressoux (charbonnage et nombreux ateliers<br />

<strong>de</strong> taille moyenne) ou <strong>de</strong> Jupille (brasserie Piedboeuf). Beaucoup <strong>de</strong> ces sites industriels<br />

seront désaffectés à partir <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> moitié du XX e siècle. Malgré <strong>de</strong>s contraintes<br />

comme la présence <strong>de</strong> pollutions historiques, certaines <strong>de</strong> ces friches constituent aujourd’hui<br />

<strong>de</strong>s sites d’opportunités pour créer <strong>de</strong> nouveaux quartiers rési<strong>de</strong>ntiels et / ou<br />

d’activités productives dans une logique <strong>de</strong> « reconstruction <strong>de</strong> la ville sur la ville ». Au<br />

cours du XIX e siècle, la croissance <strong>de</strong> l’urbanisation <strong>de</strong> proche en proche le long <strong>de</strong>s<br />

vielles chaussées reliant ces anciens villages au centre <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> finit par constituer une<br />

agglomération continue, par exemple le long <strong>de</strong> la chaussée <strong>de</strong> Wez entre Chênée,<br />

Grivegnée et Amercoeur, le long <strong>de</strong> la rue Solvay entre Sclessin et le Val Benoît ou encore<br />

le long <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> à Bressoux et <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong> Visé à Jupille…<br />

les Maisons ouvrières <strong>de</strong> la rue Coclers<br />

Au milieu du XIX e siècle, le développement rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s industries<br />

et l’afflux <strong>de</strong> familles <strong>de</strong> travailleurs incitent <strong>de</strong>s propriétaires et investisseurs<br />

à construire <strong>de</strong>s ensembles <strong>de</strong> logements ouvriers au<br />

confort rudimentaire dans <strong>de</strong>s impasses qui <strong>de</strong>nsifient les intérieurs<br />

d’îlots. C’est ce qui s’est produit avec la rue Coclers, aménagée<br />

<strong>de</strong>rrière la rue <strong>de</strong>s Champs dans le quartier du Longdoz.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

Les terrils <strong>de</strong> la Petite Bacnure, <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong> Bacnure (arasé), <strong>de</strong> Bernalmont et <strong>de</strong> Belle-Vue<br />

Dominant le quartier du Thier-à-<strong>Liège</strong> et le plateau du Tribouillet, les terrils témoignent <strong>de</strong> l’intense activité<br />

charbonnière qui a marqué <strong>de</strong> nombreux quartiers <strong>de</strong> l’agglomération liégeoise jusque dans les années 1960.<br />

Après la fermeture <strong>de</strong>s mines, certains ont été arasés, tandis que d’autres ont été abandonnés à une végétation<br />

spontanée qui a généré <strong>de</strong> nouvelles structures paysagères.<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2018 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (extrait)


46<br />

les Maisons ouvrières <strong>de</strong> la rue Kinet<br />

Sur le territoire <strong>de</strong> l’ancienne commune <strong>de</strong> Grivegnée,<br />

la rue Kinet témoigne <strong>de</strong>s ensembles <strong>de</strong> maisons ouvrières<br />

construits à la fin du XIX e siècle à l’initiative <strong>de</strong><br />

sociétés privées. Les petites maisons mitoyennes<br />

sont dotées <strong>de</strong> jardinets à rue.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong><br />

<strong>Liège</strong><br />

Ancienneté <strong>de</strong>s plans d’alignements<br />

Depuis les années 1820, <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> plans d’alignement ont été adoptés par la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, soit pour<br />

remanier les quartiers anciens en y élargissant les rues, soit pour gérer l’urbanisation <strong>de</strong>s nouveaux quartiers :<br />

création <strong>de</strong> rues, boulevards, places, parcs publics… La carte indique la pério<strong>de</strong> d’adoption <strong>de</strong> ces plans et<br />

fournit une image <strong>de</strong> l’évolution spatiale <strong>de</strong>s projets d’urbanisme <strong>de</strong> la Ville. La majorité <strong>de</strong>s plans d’alignement<br />

avait déjà été <strong>de</strong>ssinée avant 1900.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>


historique <strong>urbanistique</strong><br />

47<br />

Plan élaboré sous la direction d’Hubert-Guillaume Blon<strong>de</strong>n, 1880<br />

7<br />

9<br />

2<br />

1<br />

3<br />

8<br />

4<br />

9<br />

5<br />

6<br />

Le bilan effectué à la fin du mandat d’Hubert-Guillaume Blon<strong>de</strong>n, le « Haussmann » liégeois, révèle une ville dont<br />

le visage a énormément changé en trente ans : rectification <strong>de</strong>s voies d’eau, nouvelles lignes <strong>de</strong> chemin <strong>de</strong> fer,<br />

grands travaux dans le centre-ville (percements, élargissements, démolitions, assainissements et embellissements).<br />

Les anciens faubourgs s’urbanisent rapi<strong>de</strong>ment autour <strong>de</strong> nombreuses rues nouvelles : Sainte-Marguerite<br />

(1), Saint-Léonard (2), Outremeuse (3), le Longdoz (4), Fétinne (5), Fragnée (6). Les espaces plats <strong>de</strong> la<br />

plaine alluviale étant saturés, l’urbanisation part à l’assaut <strong>de</strong>s versants, du côté <strong>de</strong> la Montagne-Sainte-Walburge<br />

(7), ainsi que du quartier du Laveu (8), au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la barrière du chemin <strong>de</strong> fer. Les îlots <strong>de</strong> la carte<br />

représentés complètement rouges sont ceux qui sont déjà <strong>de</strong>nsément bâtis. Les îlots bordés <strong>de</strong> rouge mais<br />

au cœur orange sont ceux en cours <strong>de</strong> développement. Relevons par ailleurs le tracé précis <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux cita<strong>de</strong>lles<br />

et <strong>de</strong> leurs défenses bastionnées (9), qui occupent une emprise non négligeable vers le côté extérieur<br />

<strong>de</strong> la Ville.<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, Bibliothèque Ulysse Capitaine, n° 100012400449


48<br />

2.8. la villa, nouvelle typologie rési<strong>de</strong>ntielle<br />

Qu’il s’agisse <strong>de</strong> rues d’habitat ouvrier ou d’artères au statut bourgeois, tous les développements<br />

<strong>de</strong> l’espace urbain au cours du XIX e siècle s’effectuent sur le modèle <strong>de</strong><br />

l’immeuble mitoyen. La juxtaposition <strong>de</strong>s faça<strong>de</strong>s en un front bâti continu à rue définit<br />

un périmètre clair <strong>de</strong>s îlots, dont les espaces intérieurs sont occupés par les cours et<br />

jardins. Dans quelques cas <strong>de</strong> cités ouvrières, le front <strong>de</strong> bâtisse est construit en retrait<br />

<strong>de</strong> l’alignement pour installer un jardinet entre les faça<strong>de</strong>s et la chaussée (ex. cité <strong>de</strong><br />

la rue Hézelon dans le Laveu). Même en cas <strong>de</strong> présence <strong>de</strong> bâtiments industriels et<br />

d’entrepôts, leurs murs extérieurs sont souvent mitoyens d’autres constructions.<br />

La création du parc privé <strong>de</strong> Cointe introduit un nouveau modèle au cours <strong>de</strong>s années<br />

1870-1880. Pour la première fois à <strong>Liège</strong>, est planifié un quartier <strong>de</strong> villas isolées implantées<br />

sur <strong>de</strong>s parcelles arborées, dans un vaste lotissement organisé autour d’avenues<br />

au tracé courbe jugé plus « pittoresque ». Cette organisation, peut-être inspirée<br />

par celle <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> villégiature, reste réservée à une élite. Elle annonce <strong>de</strong> nombreuses<br />

autres réalisations conçues dans le même esprit au cours du siècle suivant…<br />

L’avenue <strong>de</strong>s Ormes dans le parc privé <strong>de</strong> Cointe<br />

Ouvert à l’urbanisation vers 1880, le parc privé <strong>de</strong> Cointe est un<br />

lotissement <strong>de</strong> prestige qui introduit à <strong>Liège</strong>, pour l’élite, le modèle<br />

<strong>de</strong> la villa isolée construite au milieu <strong>de</strong> la parcelle, dans un environnement<br />

particulièrement verdoyant.<br />

Source : Google Maps, 2021<br />

2.9. L’évolution <strong>de</strong>s paysages autour du centre-ville<br />

Pour comprendre la structure du territoire et <strong>de</strong>s paysages <strong>de</strong> l’actuelle commune <strong>de</strong><br />

<strong>Liège</strong> à la fin du XIX e siècle, nous pouvons observer <strong>de</strong>s extraits <strong>de</strong> la carte du dépôt<br />

<strong>de</strong> la Guerre, le premier levé topographique officiel établi par le Royaume <strong>de</strong> Belgique,<br />

entre 1865 et 1878. C’est donc le <strong>de</strong>uxième inventaire cartographique réalisé sur le<br />

territoire <strong>de</strong> nos régions, qui permet d’observer les évolutions <strong>de</strong>puis la carte <strong>de</strong> Ferraris<br />

réalisée un siècle plus tôt. Les documents repris ici sont issus du géoportail <strong>de</strong> la<br />

Région wallonne « WalOnMap ». L’extrait consacré aux abords du village <strong>de</strong> Rocourt<br />

montre que la structure du paysage n’y a guère changé <strong>de</strong>puis le XVIII e siècle. Le<br />

second extrait concernant le sud <strong>de</strong> l’agglomération révèle que l’urbanisation a par<br />

contre bien progressé dans la plaine alluviale. L’occupation du territoire n’a pas sensiblement<br />

évolué dans les espaces « ruraux » au-<strong>de</strong>là : espaces <strong>de</strong> jardins maraîchers<br />

autour <strong>de</strong>s villages, versants escarpés boisés et parcelles <strong>de</strong> cultures sur les plateaux.<br />

Quelques éléments nouveaux apparaissent néanmoins, qui témoignent <strong>de</strong> certains<br />

changements en cours du paysage, en lien avec le développement économique : apparition<br />

<strong>de</strong>s lignes <strong>de</strong> chemin <strong>de</strong> fer, développement d’un habitat linéaire le long <strong>de</strong>s<br />

gran<strong>de</strong>s chaussées (route <strong>de</strong> Herve, chaussée <strong>de</strong> Wez), sites <strong>de</strong> « houillères » et terrils<br />

(qui ressortent peu sur la carte).


historique <strong>urbanistique</strong><br />

49<br />

La structure du paysage autour <strong>de</strong> Rocourt vers 1870<br />

Source : WalOnMap, cartes du dépôt <strong>de</strong> la guerre, 1865-1880 - Institut géographique national<br />

La structure du paysage entre le sud <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> et Chênée vers 1870<br />

Source : WalOnMap, cartes du dépôt <strong>de</strong> la guerre, 1865-1880 - Institut géographique national


50


historique <strong>urbanistique</strong><br />

51<br />

Synthèse <strong>de</strong>s principales transformations <strong>urbanistique</strong>s <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> au cours du XIX e siècle<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>


52


historique <strong>urbanistique</strong><br />

53<br />

Chapitre 3<br />

Une organisation confortée au cours <strong>de</strong> la première moitié du XX e siècle<br />

3.1. L’exposition universelle <strong>de</strong> 1905<br />

La première moitié du XX e siècle conforte la structure mise en place au XIX e siècle. L’espace<br />

urbain continue néanmoins <strong>de</strong> s’étendre par la création <strong>de</strong> nouveaux quartiers ou<br />

d’ensembles urbains à côté <strong>de</strong>s quartiers existants. Pour <strong>Liège</strong>, le siècle commence d’ailleurs<br />

en fanfare par l’organisation d’un évènement qui aura d’importantes répercussions<br />

spatiales au sud-est du centre-ville : l’exposition universelle <strong>de</strong> 1905.<br />

Entre Angleur et Fétinne, une cinquantaine d’hectares sont dévolus à l’évènement, qui<br />

sert d’impulsion à la poursuite <strong>de</strong>s travaux d’aménagement <strong>de</strong>s voies d’eau, cette fois<br />

sur les bras <strong>de</strong> l’Ourthe. Le tracé <strong>de</strong> la rivière, jusque-là sinueux et doté <strong>de</strong> plusieurs bras<br />

secondaires, est remplacé par un nouveau lit artificiel au tracé presque linéaire, entre le<br />

site <strong>de</strong> l’usine <strong>de</strong>s conduites d’eau (emplacement actuel <strong>de</strong> Belle-Île) et la confluence<br />

avec la Meuse (square Gramme). Les anciens bras sont comblés et les terrains voisins<br />

remblayés, ce qui prépare le site pour l’exposition et, surtout, anticipe sa reconversion en<br />

nouveau quartier rési<strong>de</strong>ntiel à partir <strong>de</strong>s années 1910 (17 ha <strong>de</strong> terrains à bâtir). Un vaste<br />

plan <strong>de</strong> lotissement est conçu à travers la plaine <strong>de</strong>s Vennes, à l’intérieur du tracé courbe<br />

et arboré du nouveau boulevard Émile <strong>de</strong> Laveleye, lui-même établi à l’emplacement <strong>de</strong><br />

l’ancien bras principal <strong>de</strong> la rivière. C’est la première fois qu’un quartier aussi vaste est<br />

planifié en une fois à <strong>Liège</strong> (600 lots sont initialement prévus). Il est structuré autour <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux axes principaux (avenues du Luxembourg et Reine Élisabeth) sur lesquels se greffent<br />

<strong>de</strong>s rues secondaires.<br />

Plan Pharus avec les cinq sites <strong>de</strong> l’exposition universelle <strong>de</strong> 1905<br />

2<br />

4<br />

1<br />

3<br />

5<br />

6<br />

7<br />

Pour établir l’Exposition, les espaces au sud <strong>de</strong>s quartiers existants ont été préférés, car ils se trouvaient déjà<br />

en partie sur le territoire <strong>de</strong> la Ville. Une petite modification <strong>de</strong>s limites communales a néanmoins permis d’incorporer<br />

<strong>de</strong>s espaces <strong>de</strong> la commune d’Angleur à hauteur <strong>de</strong>s bras d’eau rectifiés. Un nouveau cours artificiel<br />

est créé pour accueillir les flux <strong>de</strong> l’Ourthe (1), et l’ancien bras asséché est transformé en boulevard (2 - boulevard<br />

Émile <strong>de</strong> Laveleye). Les cinq sites connaîtront un <strong>de</strong>stin différent après l’évènement : maintien d’un parc<br />

à la Boverie (3), lotissement rési<strong>de</strong>ntiel <strong>de</strong> la plaine <strong>de</strong>s Vennes (4), petit lotissement et écoles à la confluence<br />

<strong>de</strong> l’Ourthe et <strong>de</strong> la Meuse (5), avenue monumentale à Fragnée (6 - avenue Émile Digneffe), maintien d’une<br />

plaine <strong>de</strong>s sports et d’un parc sur le plateau <strong>de</strong> Cointe (7 - hors cadre principal).<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, Bibliothèque Ulysse Capitaine, n°1000124005326


54<br />

Plan <strong>de</strong> lotissement pour l’urbanisation <strong>de</strong> la plaine <strong>de</strong>s Vennes, 1908 (extrait)<br />

2<br />

1<br />

Le tracé du boulevard Émile <strong>de</strong> Laveleye et <strong>de</strong> l’avenue Mahiels reprend celui <strong>de</strong> l’ancien bras <strong>de</strong> l’Ourthe<br />

comblé. Le plan d’urbanisation définit initialement 600 lots à bâtir, répartis <strong>de</strong> part et d’autre <strong>de</strong> la ligne <strong>de</strong><br />

chemin <strong>de</strong> fer dans plusieurs îlots organisés autour <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux grands axes : l’avenue du Luxembourg (1) et<br />

l’avenue Reine Élisabeth (2).<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, Service <strong>de</strong>s Archives, Fonds <strong>de</strong>s plans d’alignement du Département <strong>de</strong> l’Urbanisme,<br />

classeur 14, page 48<br />

Le quartier <strong>de</strong>s Vennes<br />

L’avenue du Luxembourg traverse le quartier en ligne droite. Les besoins en matière <strong>de</strong> logement ont évolué<br />

après la Première Guerre mondiale. Dans la partie occi<strong>de</strong>ntale du quartier (en bas <strong>de</strong> l’image), les premiers<br />

immeubles à appartements apparaissent alors à côté <strong>de</strong>s maisons bourgeoises unifamiliales. D’autres s’y<br />

ajouteront dans le contexte <strong>de</strong>s reconstructions après la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale. Dans la zone orientale<br />

(en haut à droite), <strong>de</strong>s parties entières d’îlots sont finalement achetées par la Maison liégeoise, qui y construit<br />

un vaste ensemble <strong>de</strong> 600 logements publics.<br />

Source : Global View, 2020 (extrait)


historique <strong>urbanistique</strong><br />

55<br />

la Rue <strong>de</strong> Paris<br />

Comme <strong>de</strong> nombreuses autres rues au sein du lotissement<br />

<strong>de</strong> la plaine <strong>de</strong>s Vennes, la rue <strong>de</strong> Paris abrite<br />

un ensemble <strong>de</strong> maisons bourgeoises construites au<br />

cours <strong>de</strong> l’entre-<strong>de</strong>ux-guerres. Les styles architecturaux<br />

sont variés, entre Historicisme et Art déco.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong><br />

<strong>Liège</strong>,<br />

l’avenue reine élisabeth<br />

Les espaces autour <strong>de</strong> l’avenue Reine Élisabeth font partie du lotissement <strong>de</strong> la plaine <strong>de</strong>s Vennes. Au<br />

cours <strong>de</strong>s années 1920, la nouvelle société <strong>de</strong> logement locale La Maison Liégeoise acquiert plusieurs dizaines<br />

<strong>de</strong> parcelles initialement <strong>de</strong>stinées à <strong>de</strong>s maisons bourgeoises, pour finalement y ériger son premier<br />

grand ensemble <strong>de</strong> logements publics, avec 600 appartements organisés en une soixantaine <strong>de</strong> blocs.<br />

Source : Global View, 2020 (extrait)


56<br />

Plusieurs infrastructures majeures conçues pour l’exposition <strong>de</strong> 1905 structurent par<br />

la suite cette partie <strong>de</strong> la Ville, à commencer par les nouveaux ponts <strong>de</strong> Fragnée (sur<br />

la Meuse), <strong>de</strong> Fétinne (sur la nouvelle Ourthe) et Mativa (sur la Dérivation). Dans le parc<br />

<strong>de</strong> la Boverie où avaient été installés les pavillons <strong>de</strong>s pays étrangers, le palais <strong>de</strong>s<br />

Beaux-Arts érigé par la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> est conservé et reconverti en équipement culturel<br />

(il <strong>de</strong>viendra le musée Boverie au début du XXI e siècle). La confluence <strong>de</strong> la Meuse et <strong>de</strong><br />

l’Ourthe (où se trouvait le quartier du « Vieux <strong>Liège</strong> » pendant l’exposition) et la partie <strong>de</strong><br />

la plaine <strong>de</strong> Fragnée située face au pont (parc d’attractions) font aussi l’objet <strong>de</strong> plans<br />

<strong>de</strong> lotissement entre la fin <strong>de</strong>s années 1900 et les années 1930. À Fragnée, le nouveau<br />

quartier rési<strong>de</strong>ntiel est structuré autour d’une prestigieuse avenue monumentale<br />

arborée (avenue Émile Digneffe, plan <strong>de</strong> 1901-1902). Quant à la partie <strong>de</strong> l’exposition<br />

<strong>de</strong>stinée à l’accueil <strong>de</strong>s manifestations sportives et <strong>de</strong>s expositions horticoles, elle avait<br />

justifié l’aménagement <strong>de</strong> nouvelles infrastructures sur le plateau <strong>de</strong> Cointe qui subsisteront<br />

également après l’évènement : la plaine <strong>de</strong>s sports et le parc public.<br />

La plaine <strong>de</strong>s sports <strong>de</strong> Cointe<br />

La première partie du XX e siècle voit émerger les premières<br />

gran<strong>de</strong>s infrastructures sportives. La plaine<br />

<strong>de</strong>s sports <strong>de</strong> Cointe, aménagée pour l’exposition<br />

universelle <strong>de</strong> 1905, est conçue pour perdurer après<br />

l’évènement. Au début du XXI e siècle, elle constitue<br />

toujours une infrastructure importante au cœur <strong>de</strong> ce<br />

quartier.<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> - Service Communication<br />

3.2. La roca<strong>de</strong> en corniche nord-ouest et les développements liés<br />

Pour relier facilement le site <strong>de</strong> Cointe à la plaine <strong>de</strong> Fragnée, <strong>de</strong> nouvelles avenues<br />

sont tracées à flanc <strong>de</strong> coteaux : avenue <strong>de</strong>s Tilleuls (avec pont au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la rue<br />

Ernest Solvay et du chemin <strong>de</strong> fer), avenue Constantin <strong>de</strong> Gerlache et boulevard Gustave<br />

Kleyer. Ces segments constituent en réalité l’amorce d’un autre projet ambitieux<br />

élaboré par la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> au tout début du XX e siècle : la constitution au nord-ouest<br />

<strong>de</strong> la Ville d’une longue roca<strong>de</strong> <strong>de</strong> boulevards établis en corniche en contrehaut <strong>de</strong>s<br />

versants. Dès le départ, le projet complet prévoit un ensemble <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 15 km <strong>de</strong><br />

long pour relier Fragnée, au sud-ouest, au plateau du Tribouillet, au nord du quartier<br />

Saint-Léonard. La création <strong>de</strong>s différents segments s’effectue néanmoins par étapes<br />

jusqu’au milieu du XX e siècle. Ce tracé majeur va en outre structurer l’aménagement du<br />

territoire communal, plusieurs grands équipements y étant connectés : les nouveaux<br />

parcs <strong>de</strong> Cointe, les terrains <strong>de</strong> sports <strong>de</strong> la colline <strong>de</strong> Xhovémont (boulevard Léon<br />

Philippet) ou le cimetière préexistant <strong>de</strong> Sainte-Walburge (boulevard Fosse Crahay).<br />

Notons que si un tel projet <strong>de</strong> boulevards en corniche n’est pas prévu en rive droite,<br />

c’est parce que les plateaux et versants <strong>de</strong> cette rive ne font pas partie du territoire<br />

communal liégeois à l’époque. À l’amorce <strong>de</strong> la ceinture <strong>de</strong> boulevards en corniche du<br />

côté <strong>de</strong> l’avenue <strong>de</strong>s Tilleuls, au sud-ouest du centre-ville, le site <strong>de</strong> l’ancienne abbaye<br />

du Val Benoît est approprié par l’Université, qui y crée au cours <strong>de</strong>s années 1930 un<br />

nouveau campus <strong>de</strong>stiné aux sciences appliquées. Sa conception est inspirée <strong>de</strong> modèles<br />

américains, avec plusieurs instituts implantés au milieu d’un parc.


historique <strong>urbanistique</strong><br />

57<br />

Plan <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> édité par J. Claessens, 1903<br />

7<br />

8<br />

9<br />

6<br />

5<br />

4<br />

3<br />

2<br />

1<br />

Le plan illustre un projet majeur adopté par la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> au tout début du XX e siècle, représenté par le trait<br />

<strong>de</strong> teinte orange : la création d’une longue ceinture <strong>de</strong> boulevards en corniche en contre-haut <strong>de</strong>s versants <strong>de</strong><br />

la rive gauche. La première concrétisation permet <strong>de</strong> relier le plateau <strong>de</strong> Cointe aux sites principaux <strong>de</strong> l’exposition<br />

universelle <strong>de</strong> 1905 via les avenues <strong>de</strong>s Tilleuls (1) et Constantin <strong>de</strong> Gerlache. Il faudra attendre plusieurs<br />

décennies avant que les différents tronçons ne soient finalisés, passant notamment par les boulevards Gustave<br />

Kleyer (2), Louis Hillier (3), Sainte Beuve (4), Olympe Gilbart, César Thomson, Jean-Théodore Radoux (5),<br />

Léon Philippet, <strong>de</strong>s Hauteurs (6), Jean <strong>de</strong> Wil<strong>de</strong>, Fosse-Crahay (7), Hector Denis (8) et pour finir Ernest Solvay<br />

(9) qui relie le quartier du Thier-à-<strong>Liège</strong> et le quartier Saint-Léonard. Pour désengorger la rue Sainte-Walburge,<br />

la création d’une liaison entre cette ceinture et les nouveaux boulevards <strong>de</strong> promena<strong>de</strong> établis autour <strong>de</strong> la<br />

cita<strong>de</strong>lle est également prévue dès cette époque (actuelle avenue Victor Hugo).<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>


58<br />

Le panorama <strong>de</strong>puis le boulevard Kleyer<br />

Le tracé du boulevard démarre à hauteur <strong>de</strong> l’ancien<br />

hameau <strong>de</strong> Cointe, avec le boulevard Gustave<br />

Kleyer. Son tracé sinueux bordé d’alignements<br />

d’arbres est caractéristique <strong>de</strong>s roca<strong>de</strong>s conçues<br />

à l’époque <strong>de</strong>s premières automobiles : les multiples<br />

virages assurent un caractère pittoresque au<br />

cheminement, ménageant en outre <strong>de</strong>s échappées<br />

visuelles vers la vallée et les quartiers urbanisés du<br />

centre-ville, comme l’illustre cette photo prise peu<br />

après sa création. Un large terre-plein réserve en<br />

outre un espace confortable pour le cheminement<br />

<strong>de</strong>s piétons.<br />

Source : carte <strong>de</strong>s éditions UPB (Bruxelles) - collection<br />

privée<br />

L’ancien campus universitaire du Val Benoît<br />

Au cours <strong>de</strong>s années 1930, l’Université crée un nouveau campus pour ses facultés <strong>de</strong> sciences appliquées sur le site <strong>de</strong> l’ancienne<br />

abbaye du Val Benoît. Au début <strong>de</strong>s années 2000, suite au recentrage <strong>de</strong>s activités universitaires sur le site du campus du Sart Tilman,<br />

les bâtiments sont vendus à différents investisseurs privés et publics. Ensemble, ils vont reconvertir le site en un nouveau quartier plurifonctionnel<br />

articulé autour du thème <strong>de</strong> l’innovation.<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2018 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (extrait)<br />

Les nouveaux boulevards permettent aussi d’articuler et <strong>de</strong> relier les nouveaux développements<br />

rési<strong>de</strong>ntiels qui se mettent en place au cours <strong>de</strong> l’entre-<strong>de</strong>ux-guerres. À<br />

hauteur du quartier du Laveu, différentes artères sont créées ou élargies entre 1907 et<br />

1922 pour relier la partie basse du quartier au boulevard Gustave Kleyer. En épousant<br />

la pente <strong>de</strong>s versants, certaines adoptent un profil particulièrement escarpé, jusqu’à<br />

18 %. Elles offrent autant d’opportunités <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s « lotissements » étirés d’habitat<br />

mitoyen ou semi-mitoyen.


historique <strong>urbanistique</strong><br />

59<br />

Le quartier du Laveu<br />

2<br />

7<br />

3<br />

4<br />

5<br />

6<br />

8<br />

1<br />

9<br />

Entre la fin du XIX e et le début du XX e siècle, le quartier du Laveu se développe comme un espace principalement rési<strong>de</strong>ntiel. Des centaines<br />

<strong>de</strong> maisons ouvrières et bourgeoises sont construites le long <strong>de</strong>s nouvelles rues pentues qui relient le bas du quartier (1- à côté <strong>de</strong>s voies<br />

ferrées) et le boulevard Kleyer, établi en corniche en haut <strong>de</strong>s versants (2). Il s’agit <strong>de</strong>s rues Bois-l’Évêque (3), <strong>de</strong>s Acacias (4), <strong>de</strong> Joie (5),<br />

<strong>de</strong>s Wallons (6), <strong>de</strong> la Faille (7), Gustave Thiriart (8) et du Laveu (9).<br />

Source : Google Maps, 2021<br />

3.3. Les cités-jardins<br />

À la jonction avec le faubourg Saint-Gilles et le quartier <strong>de</strong> Burenville, la création <strong>de</strong>s<br />

nouveaux boulevards ne sera concrétisée qu’au cours <strong>de</strong>s années 1950 (boulevards<br />

Louis Hillier, Sainte Beuve, Olympe Gilbart). Ils y génèrent aussi <strong>de</strong> nouveaux ensembles<br />

rési<strong>de</strong>ntiels, tant privés que publics (cité du Calvaire). Plus au nord, la roca<strong>de</strong> se faufile<br />

au sein <strong>de</strong> l’urbanisation existante du faubourg Sainte-Marguerite pour franchir la vallée<br />

<strong>de</strong> la Légia. La ceinture <strong>de</strong>s nouveaux boulevards se poursuit ensuite : les boulevards<br />

César Thomson, Jean-Théodore Radoux, Léon Philippet et <strong>de</strong>s Hauteurs traversent<br />

plusieurs ensembles <strong>de</strong> logements ouvriers érigés en plusieurs phases par la société<br />

La Maison Liégeoise entre le début <strong>de</strong>s années 1920 et le début <strong>de</strong>s années 1950.<br />

Contrairement aux opérations <strong>de</strong> la plaine <strong>de</strong>s Vennes où les habitations ouvrières sont<br />

organisées en appartements, c’est ici principalement le modèle <strong>de</strong> la cité-jardin qui est<br />

adopté. Dans un cadre aéré et verdoyant, <strong>de</strong>s petits groupes <strong>de</strong> maisons mitoyennes<br />

sont construits avec les formes d’une architecture rurale idéalisée. Le long du boulevard<br />

<strong>de</strong>s Hauteurs, les constructions <strong>de</strong> la fin <strong>de</strong>s années 1940 témoignent d’une<br />

transition vers une conception plus « mo<strong>de</strong>rniste » <strong>de</strong> l’architecture, avec une proportion<br />

plus importante d’appartements. Au total, dans cet ensemble, ce sont plusieurs<br />

centaines <strong>de</strong> logements publics qui sont érigés en plusieurs phases.


60<br />

La cité-jardin du quartier Naniot<br />

4<br />

2<br />

Au cours <strong>de</strong> l’entre-<strong>de</strong>ux-guerres, La Maison Liégeoise<br />

organise la construction <strong>de</strong> nombreux logements<br />

publics dans le quartier Naniot. Le développement<br />

s’effectue progressivement sous la forme<br />

d’une juxtaposition <strong>de</strong> petites cités-jardin, avec <strong>de</strong>s<br />

groupes <strong>de</strong> maisons « pittoresques » dotées <strong>de</strong> jardinets.<br />

L’image représente la rue Julien Lahaut (1),<br />

la rue <strong>de</strong>s Lys (2), la rue Naniot (3) et le boulevard<br />

Jean-Théodore Radoux (4).<br />

Source : Google Maps, 2021<br />

3<br />

1<br />

Plan d’alignement pour la création <strong>de</strong>s rues entre le boulevard <strong>de</strong>s Hauteurs et la rue <strong>de</strong> Campine, 1921<br />

1<br />

6<br />

4<br />

5<br />

3<br />

2<br />

Les différents segments <strong>de</strong> la ceinture <strong>de</strong>s boulevards en corniche structurent le développement <strong>de</strong> nouveaux<br />

quartiers dans les espaces qu’ils traversent. Ce plan est adopté au début <strong>de</strong>s années 1920 pour créer <strong>de</strong>s<br />

liaisons entre le boulevard <strong>de</strong>s Hauteurs (1) et la rue <strong>de</strong> Campine (2). Le dénivelé important explique le tracé<br />

courbe <strong>de</strong>s rues Daussoigne-Méhul (3), Auguste Donnay (4) et Jean Riga (5). À gauche, la moitié <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong>s<br />

Églantiers est composée d’un escalier (6). Dans un contexte <strong>de</strong> croissance toujours importante du nombre <strong>de</strong><br />

ménages, ces rues vont rapi<strong>de</strong>ment être bordées <strong>de</strong> maisons et d’immeubles, principalement <strong>de</strong> style Art déco.<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, Service <strong>de</strong>s Archives, Fonds <strong>de</strong>s plans d’alignement du Département <strong>de</strong> l’Urbanisme,<br />

classeur 17, page 28<br />

À l’autre extrémité <strong>de</strong> la roca<strong>de</strong>, au nord-est, c’est également le modèle <strong>de</strong> la cité-jardin<br />

qui est adopté pour la création d’un vaste quartier <strong>de</strong> logements ouvriers sur le plateau<br />

du Tribouillet. Un schéma d’urbanisation d’ensemble y est adopté au début <strong>de</strong>s années<br />

1920, avec une composition géométrique <strong>de</strong> rues parallèles qui débouchent sur une<br />

vaste place rectangulaire centrale (place Hoover).


historique <strong>urbanistique</strong><br />

61<br />

La cité-jardin du Tribouillet, dans le quartier du Thier-à-<strong>Liège</strong><br />

La cité est délimitée, au sud, par le boulevard<br />

Ernest Solvay et, au nord, par la rue Charles Gothier.<br />

L’adoption du premier plan d’aménagement au<br />

début <strong>de</strong>s années 1920 est rapi<strong>de</strong>ment suivie <strong>de</strong> la<br />

construction <strong>de</strong>s premiers îlots au sud du quartier.<br />

En 1930, les parcelles autour <strong>de</strong> la place centrale<br />

accueillent les immeubles d’un concours international<br />

<strong>de</strong> logements à bon marché. L’aménagement<br />

<strong>de</strong> l’ensemble est ensuite précisé par l’adoption<br />

d’un plan particulier d’aménagement à la fin <strong>de</strong>s<br />

années 1940. Il gui<strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière phase <strong>de</strong> développement<br />

dans la partie nord, avec <strong>de</strong>s maisons «<br />

CECA » pour familles <strong>de</strong> mineurs.<br />

Source : Google Maps, 2021<br />

Les besoins en nouveaux logements restent importants pendant toute cette pério<strong>de</strong>,<br />

notamment du fait <strong>de</strong> l’arrêt du secteur <strong>de</strong> la construction pendant les <strong>de</strong>ux guerres<br />

mondiales, <strong>de</strong>s <strong>de</strong>structions dues aux conflits (peu importantes à <strong>Liège</strong>-même pendant<br />

la première guerre, mais plus importantes au cours <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong>), du piètre état<br />

qualitatif <strong>de</strong> nombreux logements anciens (<strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> logements seront reconnus<br />

comme « taudis » au cours <strong>de</strong>s années 1950) et <strong>de</strong> la croissance continue du nombre<br />

<strong>de</strong> ménages. En effet, si la population <strong>de</strong> la Ville se stabilise autour <strong>de</strong> 150 000 à<br />

160 000 habitants pendant toute la première moitié du XX e siècle, le nombre <strong>de</strong> ménages<br />

continue à croître suite à la diminution <strong>de</strong> la taille moyenne <strong>de</strong>s unités familiales.<br />

3.4. L’exposition internationale <strong>de</strong> 1930 et l’aménagement <strong>de</strong> la zone aval<br />

Le développement du quartier du Tribouillet reçoit un coup d’accélérateur en 1930, avec<br />

l’organisation d’une exposition <strong>de</strong> logements ouvriers à côté <strong>de</strong> la première cité. Ce<br />

concours prend place dans le cadre <strong>de</strong> l’Exposition internationale industrielle organisée<br />

pour célébrer le centenaire <strong>de</strong> l’indépendance du pays et dont les sites principaux sont<br />

établis dans la vallée en contrebas, à côté du centre <strong>de</strong> tir <strong>de</strong> Coronmeuse, ainsi que sur<br />

l’espace <strong>de</strong> l’ancien champ <strong>de</strong> manœuvres <strong>de</strong> la plaine <strong>de</strong> Droixhe, <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong><br />

la Meuse. Ce <strong>de</strong>rnier site avait déjà été envisagé pour l’exposition <strong>de</strong> 1905, mais la Ville<br />

<strong>de</strong> <strong>Liège</strong> avait alors préféré les quartiers sud, notamment parce que ces espaces étaient<br />

en partie situés sur son territoire, ce qui n’était pas le cas du champ <strong>de</strong> manœuvres<br />

jusqu’alors sur la commune <strong>de</strong> Bressoux. Lors <strong>de</strong> l’Exposition internationale <strong>de</strong> 1930,<br />

plusieurs pavillons sont à nouveau implantés sur le site <strong>de</strong> la presqu’île <strong>de</strong> la Boverie (dont<br />

le bâtiment qui sera reconverti en villa consulaire en 2019), tandis que l’église Saint-Vincent<br />

du quartier voisin <strong>de</strong> Fétinne est reconstruite avec un gabarit monumental en perspective<br />

<strong>de</strong> l’évènement. Mais l’implantation <strong>de</strong> la plus gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> l’évènement au nord <strong>de</strong><br />

la Ville est <strong>de</strong>venue inévitable, car le lotissement <strong>de</strong> la plaine <strong>de</strong>s Vennes est entretemps<br />

quasi finalisé et cet espace n’est donc plus disponible pour un évènement temporaire.<br />

Les sites <strong>de</strong> Droixhe et Coronmeuse s’imposent alors. Comme pour les quartiers en<br />

bordure <strong>de</strong> l’Ourthe trois décennies plus tôt, ces espaces sont rendus urbanisables par


62<br />

l’aménagement <strong>de</strong>s berges et le dépôt <strong>de</strong> terres <strong>de</strong> remblais. Pour relier les différentes<br />

parties <strong>de</strong> l’exposition, sont aussi aménagés le pont Atlas et, à flanc <strong>de</strong> versant, le boulevard<br />

Ernest Solvay, <strong>de</strong>rnier barreau <strong>de</strong> la ceinture <strong>de</strong> boulevards en corniche.<br />

plan <strong>de</strong>s sites nord <strong>de</strong> l’Exposition Internationale <strong>de</strong> 1930<br />

2<br />

3<br />

Notons que le site <strong>de</strong> Droixhe avait déjà été envisagé pour l’exposition <strong>de</strong> 1905, mais la<br />

Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> avait alors préféré les quartiers sud, notamment parce que ces espaces<br />

étaient en partie situés sur son territoire, ce qui n’était pas le cas du champ <strong>de</strong> manœuvres<br />

(alors situé sur la commune <strong>de</strong> Bressoux).<br />

1<br />

Seule une petite partie <strong>de</strong> l’Exposition Internationale <strong>de</strong> 1930 prend encore place sur le site <strong>de</strong> la Boverie, au sud du centre-ville. La plupart <strong>de</strong>s<br />

pavillons sont construits sur les espaces <strong>de</strong> Coronmeuse, entre le canal reliant <strong>Liège</strong> à Maastricht et la Meuse, à côté du Tir communal (1),<br />

ainsi que sur le terrain <strong>de</strong> l’ancien champ <strong>de</strong> manœuvres <strong>de</strong> Droixhe, en rive droite (2). Le pont Atlas est construit pour relier les <strong>de</strong>ux sites (3).<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, Service <strong>de</strong>s Archives<br />

Dès 1930, un plan d’aménagement prévoit en outre que le site <strong>de</strong> Droixhe sera ensuite<br />

transformé en un quartier rési<strong>de</strong>ntiel articulé autour <strong>de</strong> nouvelles voiries convergeant<br />

sur le tracé <strong>de</strong> la future avenue <strong>de</strong> Lille. À l’exception <strong>de</strong> quelques immeubles construits<br />

en bordure du périmètre, ce plan ne sera toutefois concrétisé qu’après la Secon<strong>de</strong><br />

Guerre mondiale.<br />

L’exposition <strong>de</strong> 1930 est aussi concomitante <strong>de</strong> l’inauguration du pont-barrage <strong>de</strong><br />

Monsin. Cette nouvelle infrastructure est réalisée dans le cadre <strong>de</strong> nouveaux travaux<br />

<strong>de</strong> réorganisation du réseau <strong>de</strong>s voies navigables, notamment afin <strong>de</strong> permettre l’accès<br />

à <strong>de</strong>s bateaux <strong>de</strong> gros tonnage. La construction concomitante du pont-barrage


historique <strong>urbanistique</strong><br />

63<br />

d’Ivoz-Ramet à l’amont <strong>de</strong> l’agglomération débouche sur l’aménagement d’une section<br />

d’une vingtaine <strong>de</strong> kilomètres à niveau d’eau continu après la suppression <strong>de</strong>s<br />

barrages et écluses qui étaient situés au cœur <strong>de</strong> la ville (Fragnée, boulevard Frère-Orban).<br />

Le cours <strong>de</strong> la Meuse est par ailleurs redressé dans un nouveau lit. L’espace <strong>de</strong><br />

l’Île Monsin, entre ce nouveau tracé et le futur canal Albert, va être quant à lui aménagé<br />

en une vaste zone portuaire. C’est en perspective <strong>de</strong> ces différents projets qu’une<br />

modification <strong>de</strong>s limites communales intervient en 1927 : <strong>de</strong>s centaines d’hectares qui<br />

faisaient jusque-là partie du territoire <strong>de</strong>s communes voisines <strong>de</strong> Herstal, Wandre et<br />

Jupille sont alors transférés à la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>.<br />

La partie septentrionale <strong>de</strong> l’espace portuaire <strong>de</strong> l’Île Monsin<br />

2<br />

1<br />

3<br />

Au cours <strong>de</strong>s années 1930, les limites communales sont modifiées pour incorporer l’espace <strong>de</strong> l’Île Monsin<br />

au territoire <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>. Alors qu’est creusé le canal Albert vers Anvers et la Campine (1), le cours <strong>de</strong><br />

la Meuse est canalisé et redressé (2). Des darses sont aménagées pour l’accueil <strong>de</strong>s bateaux : le nouveau<br />

site portuaire est amené à compléter puis à remplacer les quais du centre-ville, inadaptés à la croissance du<br />

trafic et aux nouveaux bateaux <strong>de</strong> plus gros tonnage. Une écluse assure la connexion avec le tronçon <strong>de</strong> la<br />

Meuse aval et le port pétrolier <strong>de</strong> Wandre (3).<br />

Source : ADR, 2009 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>


64<br />

Plan édité par Thône, 1923<br />

8<br />

2<br />

7<br />

6<br />

5<br />

1<br />

4<br />

3<br />

Dans l’entre-<strong>de</strong>ux-guerres, l’urbanisation continue à progresser <strong>de</strong> proche en proche. À l’ouest, le quartier du<br />

Laveu (1) est <strong>de</strong> plus en plus urbanisé, tandis que les nouveaux développements se poursuivent autour <strong>de</strong> la<br />

rue <strong>de</strong> Campine (2) au nord du centre-ville, ainsi qu’au sud <strong>de</strong> Fragnée (3) et dans la plaine <strong>de</strong>s Vennes (4). À<br />

la limite entre <strong>Liège</strong> et Grivegnée, les <strong>de</strong>rniers bras « historiques » <strong>de</strong> l’Ourthe sont en cours <strong>de</strong> comblement<br />

(5 - actuel « boulevard <strong>de</strong> l’automobile »). Les bastions au sud du fort <strong>de</strong> la Chartreuse ont été démantelés, ce<br />

qui permet l’urbanisation du plateau <strong>de</strong> Belleflamme (6), alors qu’un quartier est déjà en cours <strong>de</strong> développement<br />

au nord du site du côté <strong>de</strong>s communes <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> et <strong>de</strong> Bressoux (7). Une partie <strong>de</strong> la cité du Tribouillet<br />

est visible au nord du quartier Saint-Léonard (8).<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, Bibliothèque Ulysse Capitaine, n°1000124020588


historique <strong>urbanistique</strong><br />

65<br />

3.5. L’exposition internationale <strong>de</strong> 1939, le canal Albert et le Port autonome<br />

étendue <strong>de</strong>s espaces inondés lors <strong>de</strong> la crue <strong>de</strong> 1925-1926<br />

En 1939, une nouvelle Exposition internationale<br />

est organisée sur les sites <strong>de</strong><br />

Droixhe et <strong>de</strong> Coronmeuse, dans la zone<br />

aval <strong>de</strong> la commune. Consacrée au thème<br />

<strong>de</strong> l’eau, cette <strong>de</strong>rnière gran<strong>de</strong> exposition<br />

organisée à <strong>Liège</strong> est organisée à l’occasion<br />

<strong>de</strong> l’inauguration du canal Albert, qui<br />

relie le bassin industriel <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> au port<br />

d’Anvers après une décennie <strong>de</strong> travaux.<br />

Elle commémore également la fin du vaste<br />

chantier « <strong>de</strong> démergement », réalisé dans<br />

toute la plaine alluviale <strong>de</strong> l’agglomération<br />

suite à l’inondation catastrophique <strong>de</strong><br />

1926. Pour éviter que ne se reproduise<br />

une telle catastrophe, cette entreprise<br />

colossale a consisté en l’installation d’un<br />

réseau <strong>de</strong> canalisations et <strong>de</strong> stations <strong>de</strong><br />

pompages dans les nombreux quartiers<br />

où le niveau du sol s’était abaissé suite<br />

à l’effondrement progressif <strong>de</strong>s galeries<br />

d’exploitation minière abandonnées. Déployé<br />

à l’échelle <strong>de</strong> toutes les localités <strong>de</strong><br />

la vallée, la bonne conduite <strong>de</strong> ce projet<br />

a nécessité un changement d’échelle en<br />

termes <strong>de</strong> gestion et la mise en place<br />

d’une <strong>de</strong>s premières intercommunales<br />

<strong>de</strong> l’agglomération, l’A.I.D.E. (Association<br />

Intercommunale <strong>de</strong> Démergement et<br />

d’Épuration). La gestion <strong>de</strong>s grands enjeux<br />

d’aménagement ne peut plus être<br />

Source : ingénieur Lekenne, repris dans « <strong>Liège</strong>, Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong> géographie urbaine » portée au niveau <strong>de</strong> la seule Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

<strong>de</strong> Ph. Lecouturier, 1930<br />

et une vision d’agglomération <strong>de</strong>vient nécessaire<br />

pour les gran<strong>de</strong>s infrastructures<br />

(voies routières, espaces portuaires…). C’est dans ce contexte qu’est fondée en 1936<br />

l’a.s.b.l. «Le Grand <strong>Liège</strong>», dont l’Exposition <strong>de</strong> l’Eau constitue justement une <strong>de</strong>s premières<br />

actions emblématiques. La conception du plan général <strong>de</strong> l’évènement, qui<br />

prend place sur une superficie <strong>de</strong> 70 ha, est commandée au Groupe L’Équerre, un<br />

jeune bureau liégeois qui défend les principes <strong>de</strong> l’urbanisme fonctionnaliste. L’évènement<br />

laissera en héritage le Palais <strong>de</strong>s Fêtes (ensuite reconverti en patinoire), le parc<br />

Astrid (entre la Meuse et la darse, <strong>de</strong>rnier vestige <strong>de</strong> l’ancien canal du XIX e siècle reliant<br />

<strong>Liège</strong> à Maastricht) et l’esplana<strong>de</strong> monumentale dominée par une tour-phare et la statue<br />

colossale du roi Albert. Dans la foulée est aussi institué en 1937 le Port autonome<br />

<strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (P.A.L.), une autre structure publique chargée <strong>de</strong> l’aménagement et <strong>de</strong> la gestion<br />

<strong>de</strong> nouveaux sites portuaires <strong>de</strong> l’île Monsin, puis progressivement le long <strong>de</strong> toute<br />

la partie liégeoise <strong>de</strong> la Meuse.


66<br />

la maquette <strong>de</strong> l’Exposition Internationale <strong>de</strong> l’Eau <strong>de</strong> 1939<br />

3<br />

1<br />

2<br />

4<br />

L’Exposition internationale <strong>de</strong> 1939 est à nouveau organisée sur les sites <strong>de</strong> Coronmeuse (1) et <strong>de</strong> la plaine <strong>de</strong> Droixhe (2). En rive droite,<br />

la mise en œuvre d’un nouveau quartier rési<strong>de</strong>ntiel sur une partie <strong>de</strong> l’ancienne plaine <strong>de</strong>s manœuvres militaires a rendu une partie <strong>de</strong> ce<br />

site indisponible (3). C’est donc sur l’espace libre plus au nord que sont installés la plupart <strong>de</strong>s pavillons (4). Après la guerre, le site sera<br />

reconverti en un grand espace d’activités économiques. L’abattoir communal et le marché <strong>de</strong> gros alimentaire y seront relocalisés.<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, Bibliothèque Ulysse-Capitaine, n°100012400579X<br />

Le site <strong>de</strong> Coronmeuse et la plaine <strong>de</strong> Droixhe<br />

1<br />

4<br />

2<br />

3<br />

5<br />

Les espaces situés <strong>de</strong> part et d’autre <strong>de</strong> la Meuse en<br />

aval du centre-ville ont été (ré-)aménagés en perspective<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux expositions internationales <strong>de</strong> 1930<br />

et 1939. Après la secon<strong>de</strong> guerre mondiale, la plaine<br />

<strong>de</strong> Droixhe (1) <strong>de</strong>vient un espace d’activités économiques.<br />

À Coronmeuse, le Palais <strong>de</strong>s Fêtes <strong>de</strong> la Ville<br />

est reconverti en patinoire (2) et un pavillon mo<strong>de</strong>rniste<br />

est transformé en école (3). Ils vont être intégrés<br />

dans le nouvel écoquartier en cours d’aménagement<br />

sur le site <strong>de</strong>puis 2020. Un palais <strong>de</strong>s expositions (4)<br />

est aménagé dès les années 1940 au milieu du site,<br />

à côté du vestige <strong>de</strong> l’ancien canal vers Maastricht<br />

transformé en darse (5). Au cours <strong>de</strong>s années 2010, il<br />

sera décidé <strong>de</strong> le démolir pour libérer l’espace à <strong>de</strong>stination<br />

du nouveau quartier. Un nouveau hall d’expositions<br />

va être érigé sur l’autre rive.<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2018 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme<br />

<strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

3.6. Les conséquences <strong>urbanistique</strong>s <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux guerres mondiales<br />

Le premier conflit mondial n’a pas eu <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s conséquences pour le bâti et la<br />

structure <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, les dégâts étant relativement limités sur le territoire <strong>de</strong> la<br />

Ville. Relevons néanmoins le massacre et l’incendie <strong>de</strong> la place <strong>de</strong>vant l’Université le


historique <strong>urbanistique</strong><br />

67<br />

20 août 1914, qui nécessitera la reconstruction <strong>de</strong> tout un flanc, y compris la salle <strong>de</strong><br />

la Société d’Emulation (aujourd’hui <strong>de</strong>venue le Théâtre <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>). Sur le plan paysager,<br />

le principal héritage <strong>de</strong> ce conflit est la construction, au cours <strong>de</strong>s années 1930, d’un<br />

complexe mémoriel monumental au sommet <strong>de</strong> la colline <strong>de</strong> Cointe, composé d’une<br />

église à coupole et d’une tour-beffroi.<br />

Les dégâts <strong>de</strong> la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale sont beaucoup plus importants, avec <strong>de</strong>s<br />

milliers <strong>de</strong> logements détruits et <strong>de</strong> nombreux autres endommagés. L’éparpillement<br />

<strong>de</strong>s bombar<strong>de</strong>ments aériens sur tout le territoire, et en particulier l’impact <strong>de</strong>s bombes<br />

volantes lancées à la fin du conflit, génèrent un véritable « mitage » <strong>de</strong>s <strong>de</strong>structions<br />

dans tous les quartiers <strong>de</strong> l’agglomération. Celles-ci sont toutefois généralement limitées<br />

à <strong>de</strong>s groupes <strong>de</strong> quelques constructions. Les quartiers les plus touchés sont<br />

situés au sud <strong>de</strong> la ville : voisinage du pont <strong>de</strong> Fragnée, campus universitaire du Val<br />

Benoît, gare <strong>de</strong> triage et quartier <strong>de</strong> Kinkempois (commune d’Angleur) ou encore la<br />

cité <strong>de</strong>s Vennes. Mais aucun n’est complètement détruit comme dans d’autres villes<br />

européennes. La reconstruction <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> n’entraîne donc pas <strong>de</strong> réorganisation <strong>de</strong><br />

la structure <strong>de</strong> la ville. Grâce aux in<strong>de</strong>mnités versées pour dommages <strong>de</strong> guerre, les<br />

propriétaires sont invités à reconstruire leur immeuble à l’emplacement d’origine, sur le<br />

parcellaire préexistant. C’est par exemple le cas sur la place du Marché où la reproduction<br />

à l’i<strong>de</strong>ntique <strong>de</strong>s faça<strong>de</strong>s anciennes est imposée. Notons par ailleurs que tous les<br />

ponts sur la Meuse ont été détruits : leur reconstruction entre la fin <strong>de</strong>s années 1940 et<br />

le début <strong>de</strong>s années 1960 permettra la mo<strong>de</strong>rnisation <strong>de</strong> leurs voiries.<br />

Le complexe commémoratif <strong>de</strong> la Première Guerre mondiale à Cointe<br />

Financé par une souscription réalisée auprès <strong>de</strong>s<br />

pays vainqueurs du conflit, le complexe du monument<br />

interallié <strong>de</strong> Cointe est conçu par l’architecte<br />

anversois Jos Smol<strong>de</strong>ren. Il est construit au cours<br />

<strong>de</strong>s années 1930 sur le plateau <strong>de</strong> Cointe, où il domine<br />

le paysage <strong>de</strong> la partie sud du territoire communal.<br />

L’ensemble se compose d’une gran<strong>de</strong> église à<br />

coupole, d’une tour « beffroi » et, au pied <strong>de</strong> celle-ci,<br />

d’une esplana<strong>de</strong> commémorative.<br />

Source : Jean-Luc Deru, 20018 – Département <strong>de</strong><br />

l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (extrait)<br />

De manière ponctuelle, d’autres <strong>de</strong>structions sont également mises à profit pour élargir<br />

<strong>de</strong>s voiries (ex. rue <strong>de</strong> la Cité). Pour ce faire, un nouveau type d’outil d’aménagement<br />

se généralise à partir <strong>de</strong> la fin <strong>de</strong>s années 1940 : le plan particulier d’aménagement<br />

(PPA, qui <strong>de</strong>viendra ensuite le Plan <strong>Communal</strong> d’Aménagement (PCA), puis le schéma<br />

d’orientation local ou SOL avec la <strong>de</strong>rnière réforme du co<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’aménagement). Il offre<br />

une vision d’aménagement plus complète que les plans d’alignements en intégrant le<br />

principe du zonage (couleurs indiquant les espaces <strong>de</strong> cours et jardins, les types <strong>de</strong><br />

fonctions…) et <strong>de</strong>s prescriptions réglementaires (ex. gabarits, matériaux <strong>de</strong> faça<strong>de</strong> autorisés,<br />

types <strong>de</strong> plantations). La commune d’Angleur recourt par exemple à cet outil<br />

pour gui<strong>de</strong>r la construction <strong>de</strong> nouveaux ensembles pour héberger les sinistrés.


68<br />

plan particulier d’aménagement n°5 <strong>de</strong> la commune d’Angleur, dit « du chantier national » (extrait du plan <strong>de</strong> <strong>de</strong>stination)<br />

1<br />

2<br />

3<br />

Devenu propriété <strong>de</strong> la commune d’Angleur, le domaine <strong>de</strong> l’ancien château Nagelmackers et <strong>de</strong>s espaces voisins font l’objet d’un ambitieux<br />

plan d’aménagement conçu par le Bureau d’Urbanisme EGAU pour y créer <strong>de</strong> nouveaux ensembles rési<strong>de</strong>ntiels. Les zones colorées<br />

appliquent le principe du zonage. Derrière le château (1), autour du square <strong>de</strong> la Paix (2), les parcelles sont vendues à <strong>de</strong>s particuliers.<br />

Dans les nouvelles rues du Prince Régent et <strong>de</strong> Grâce-Berleur, l’État finance un chantier pilote <strong>de</strong> construction <strong>de</strong> maisons à <strong>de</strong>stination<br />

<strong>de</strong>s sinistrés <strong>de</strong> la guerre (3).<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> et Service public <strong>de</strong> Wallonie, PCA n°62063-09, anciennement P.P.A. n°5 <strong>de</strong> la commune d’Angleur, révisé en<br />

1997 et <strong>de</strong>venu aujourd’hui SOL (<strong>Schéma</strong> d’Orientation Locale)<br />

Cet outil du PPA s’ajoute aux instruments préexistants, auxquels il est encore fréquemment<br />

fait recourt pendant toute la première moitié du XX e siècle : les plans<br />

d’alignements qui définissent les implantations, les périmètres d’expropriation, les<br />

règlements pour le contrôle <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s <strong>de</strong> permis. Une nouvelle version du règlement<br />

sur les bâtisses, qui existe <strong>de</strong>puis 1839, est adoptée au cours <strong>de</strong>s années<br />

1920 : la nature <strong>de</strong>s prescriptions évolue, avec une mise à l’écart <strong>de</strong>s questions<br />

esthétiques et une présence <strong>de</strong> plus en plus forte <strong>de</strong>s préoccupations techniques<br />

(sécurité, hygiène, robustesse <strong>de</strong>s constructions, intégration <strong>de</strong>s garages…). Ce<br />

nouveau règlement évoluera ensuite lui-même régulièrement.


historique <strong>urbanistique</strong><br />

69<br />

3.7. Une agglomération pluri-communale<br />

Avec la saturation <strong>de</strong>s espaces urbanisables <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, l’urbanisation se<br />

déplace sur le territoire les communes limitrophes qui connaissent une forte croissance<br />

démographique pendant la première moitié du XX e siècle. Alors que le volume<br />

<strong>de</strong> population du centre <strong>de</strong> l’agglomération stagne, la population <strong>de</strong> l’arrondissement<br />

progresse <strong>de</strong> 477 000 à 593 000 habitants entre 1900 et 1955.<br />

Le plateau <strong>de</strong> Belleflamme à Grivegnée<br />

2<br />

1<br />

3<br />

En haut à gauche <strong>de</strong> l’image, l’ancien fort <strong>de</strong> la Chartreuse<br />

a été aménagé au début du XIX e siècle (1).<br />

Au sud-est, il faisait face aux terrains <strong>de</strong> culture <strong>de</strong><br />

la campagne <strong>de</strong> Belleflamme. Le déclassement <strong>de</strong><br />

la place forte au cours <strong>de</strong>s années 1890 entraîne<br />

le démantèlement <strong>de</strong>s bastions situés <strong>de</strong> ce côté.<br />

Ceinturant l’ancien site militaire, l’aménagement <strong>de</strong><br />

l’avenue <strong>de</strong> Péville (2) lance la conquête du plateau<br />

par l’urbanisation. À l’initiative <strong>de</strong> promoteurs privés,<br />

<strong>de</strong> nombreuses rues sont ouvertes entre les années<br />

1920 et 1950. Des centaines <strong>de</strong> parcelles à bâtir sont<br />

vendues à <strong>de</strong>s ménages qui y font construire <strong>de</strong>s<br />

maisons individuelles mitoyennes. L’espace vert en<br />

haut à droite correspond au cimetière <strong>de</strong> Robermont,<br />

créé au début du XIX e siècle (3).<br />

Source : Google Maps, 2021<br />

Grâce au déclassement <strong>de</strong> la place forte <strong>de</strong> la Chartreuse et à la libération <strong>de</strong>s anciens<br />

glacis non aedificandi, un quartier rési<strong>de</strong>ntiel est conçu à cheval entre <strong>Liège</strong> et la partie<br />

haute <strong>de</strong> la commune <strong>de</strong> Bressoux (axé sur les rues Cardinal Cardjin et Justin Len<strong>de</strong>rs).<br />

Du côté <strong>de</strong> Grivegnée, le déclassement du fort transforme le plateau agricole <strong>de</strong> Belleflamme<br />

en un vaste lotissement <strong>de</strong> maisons mitoyennes, autour <strong>de</strong> rues tracées à partir<br />

<strong>de</strong> l’avenue <strong>de</strong> Péville (l’avenue <strong>de</strong>s Coteaux et l’avenue Jean Hans relient également<br />

les nouveaux quartiers à la vallée). De la même manière, l’urbanisation progresse sur le<br />

versant <strong>de</strong> Chênée. Une partie <strong>de</strong> ces nouveaux développements rési<strong>de</strong>ntiels sont <strong>de</strong>s<br />

ensembles cohérents <strong>de</strong> maisons ouvrières érigées par la Société <strong>de</strong> logement publique<br />

locale, toujours sur le modèle <strong>de</strong> la cité-jardin. Des structures d’urbanisation similaires y<br />

sont reproduites : rues <strong>de</strong> <strong>de</strong>sserte locale en cul-<strong>de</strong>-sac, voiries bordées d’alignements<br />

d’arbres, petits jardinets <strong>de</strong>vant les groupes <strong>de</strong> maisons… Un ensemble i<strong>de</strong>ntique est<br />

mis en place sur les versants <strong>de</strong> la localité <strong>de</strong> Jupille. À Sclessin, les nouveaux développements<br />

rési<strong>de</strong>ntiels doivent composer avec l’emprise spatiale <strong>de</strong> plusieurs grands<br />

complexes <strong>de</strong> production <strong>de</strong>s industries métallurgiques. Un équipement qui jouera un<br />

rôle majeur dans la structure <strong>de</strong> la Ville commence en outre à se développer dans la<br />

localité : installé en 1909, le sta<strong>de</strong> du football club du Standard est déjà transformé à<br />

20 000 places en 1925. Enfin, le modèle du parc privé <strong>de</strong> Cointe est reproduit autour<br />

du château <strong>de</strong> Fayenbois au cours <strong>de</strong>s années 1920, près <strong>de</strong> la route <strong>de</strong> Herve, avec<br />

l’ouverture d’un nouveau quartier <strong>de</strong> villas cossues dans un cadre arboré. A contrario,<br />

la localité <strong>de</strong> Rocourt n’est pas concernée par <strong>de</strong>s taux <strong>de</strong> croissance élevés avant<br />

1950. Seul l’axe <strong>de</strong> la chaussée <strong>de</strong> Tongres fixe quelques développements rési<strong>de</strong>ntiels,<br />

en-<strong>de</strong>hors du village historique.


70<br />

3.8. Les grands projets dans le centre-ville<br />

En comparaison avec ces développements fulgurants <strong>de</strong>s « faubourgs », le centre-ville<br />

traverse la première moitié du XX e siècle sans grands changements structurels. Relevons<br />

néanmoins quelques projets non négligeables. Vers 1900, le remblaiement <strong>de</strong>s<br />

fossés du fort <strong>de</strong> la Cita<strong>de</strong>lle permet la création d’un parc public. Au cours <strong>de</strong>s années<br />

1910-1920, la jonction entre le quartier d’Outremeuse et le centre-ville est facilitée par<br />

la reconstruction <strong>de</strong> l’église Saint-Pholien et la création d’une nouvelle artère directe<br />

entre le pont <strong>de</strong>s Arches et la place <strong>de</strong> l’Yser. Au cours <strong>de</strong>s années 1930, <strong>de</strong> vieux îlots<br />

dans la partie sud d’Outremeuse sont « assainis » par expropriation en vue <strong>de</strong> la prolongation<br />

<strong>de</strong> la rue Louis Jamme, <strong>de</strong> l’élargissement du quai <strong>de</strong> l’Ourthe et <strong>de</strong> la création<br />

<strong>de</strong> la place Théodore Gobert. Enfin, le projet le plus important est la réalisation d’une<br />

percée pour relier directement la place <strong>de</strong> la Cathédrale et l’Université. Les premiers<br />

plans sont <strong>de</strong>ssinés au début <strong>de</strong>s années 1920, mais le projet, remanié, ne sera finalisé<br />

qu’après la secon<strong>de</strong> guerre mondiale avec la création d’une large artère rectiligne, la<br />

rue Charles Magnette.<br />

la Rue et l’église Saint-Pholien<br />

1<br />

2<br />

L’amélioration <strong>de</strong> la connexion entre le centre-ville et<br />

le cœur <strong>de</strong> l’île d’Outremeuse était débattue <strong>de</strong>puis<br />

la fin du XIX e siècle. L’axe historique <strong>de</strong> la chaussée<br />

<strong>de</strong>s Prés (1) était en effet fort étroit. La modification <strong>de</strong><br />

l’orientation et <strong>de</strong> l’implantation <strong>de</strong> l’église Saint-Pholien<br />

(2) lors <strong>de</strong> sa reconstruction au cours <strong>de</strong>s années<br />

1910 permet <strong>de</strong> concrétiser ce projet <strong>de</strong> nouvelle liaison<br />

au cours <strong>de</strong>s années 1920. La nouvelle rue prolonge<br />

l’axe du pont <strong>de</strong>s Arches jusqu’à la place <strong>de</strong><br />

l’Yser qui vient d’être aménagée (3). Plus tard, y sera<br />

construit le théâtre provisoire lui-même démoli à la fin<br />

<strong>de</strong>s années 2010.<br />

3<br />

Source : Google Maps, 2021<br />

les Îlots entre le quai <strong>de</strong> l’Ourthe et la rue Louis Jamme<br />

1<br />

5<br />

4<br />

7<br />

6<br />

2<br />

Jusqu’au début du XX e siècle, <strong>de</strong>s ruelles d’habitat mo<strong>de</strong>ste<br />

occupaient les espaces autour <strong>de</strong> la rue Puits-en-<br />

Sock (1) et l’entrée du pont d’Amercœur (2). Au cours<br />

<strong>de</strong> l’entre-<strong>de</strong>ux-guerres, un plan <strong>de</strong> réaménagement est<br />

adopté par la Ville, qui vise à la fois l’élargissement du<br />

quai (3 - tous les immeubles visibles ont été reconstruits<br />

après), la prolongation <strong>de</strong> la rue Louis Jamme (4)<br />

entre la place Delcour (5) et la nouvelle place Théodore<br />

Gobert (6), la démolition <strong>de</strong> toutes les masures et leur<br />

remplacement par un ensemble <strong>de</strong> logements publics<br />

déployés le long du nouvel axe, dont nous découvrons<br />

ici les faça<strong>de</strong>s arrière (7).<br />

3<br />

Source : Google Maps, 2021


historique <strong>urbanistique</strong><br />

71<br />

La salle <strong>de</strong> spectacles du Forum, entre la rue d’Amay et la rue du Mouton blanc<br />

L’ancien complexe <strong>de</strong>s bains <strong>de</strong> la Sauvenière, entre le boulevard et la place Xavier Neujean<br />

Voici <strong>de</strong>ux grands équipements construits dans le centre <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> au cours <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong>. Le complexe du Forum<br />

est un projet d’initiative privée réalisé au cours <strong>de</strong>s années 1920, qui se compose alors d’une gran<strong>de</strong> salle<br />

<strong>de</strong> spectacles (music-hall, projections cinématographiques) et d’une brasserie dans les sous-sols. Il occupe<br />

le cœur d’un îlot en plein centre-ville. Rénovée à plusieurs reprises, la salle <strong>de</strong> spectacles est toujours une<br />

<strong>de</strong>s plus prestigieuses <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> au début du XXI e siècle. Le complexe <strong>de</strong>s Bains <strong>de</strong> la Sauvenière est quant<br />

à lui un projet d’initiative publique, conçu à la fin <strong>de</strong>s années 1930 dans une architecture mo<strong>de</strong>rniste. Son<br />

programme original associe une gare <strong>de</strong>s bus au niveau du rez-<strong>de</strong>-chaussée, avec <strong>de</strong>s bassins <strong>de</strong> natation<br />

et <strong>de</strong>s espaces <strong>de</strong> bains publics aux étages. L’ensemble sera classé au début du XX e siècle, puis reconverti<br />

en un grand pôle culturel, la « Cité Miroir ».<br />

Source : Google Maps, 2021<br />

Dans la rubrique <strong>de</strong>s grands équipements, relevons le lycée Léonie <strong>de</strong> Waha et le complexe<br />

<strong>de</strong>s Bains <strong>de</strong> la Sauvenière, <strong>de</strong>ux initiatives <strong>de</strong> l’autorité communale. D’autres<br />

écoles communales sont érigées dans les quartiers en développement. Deux temples<br />

protestants sont en outre construits sur les berges d’Outremeuse (quai Marcellis et<br />

quai Go<strong>de</strong>froid Kurth). C’est à l’initiative d’investisseurs privés que sont construites<br />

les salles <strong>de</strong> spectacles du Forum et du Trocadéro et que sont mo<strong>de</strong>rnisés <strong>de</strong>s équipements<br />

commerciaux emblématiques (nouvelle aile du Grand Bazar, rénovation du<br />

passage Lemonnier).<br />

3.9. La nouvelle typologie <strong>de</strong>s immeubles à appartements<br />

En ce qui concerne le bâti rési<strong>de</strong>ntiel, la typologie <strong>de</strong>s constructions évolue. L’incorporation<br />

<strong>de</strong>s garages entraîne une généralisation du modèle <strong>de</strong> la maison « bel-étage »<br />

dans les quartiers bourgeois dès les années 1920. Suite à l’adoption <strong>de</strong> la loi sur la<br />

copropriété en 1924, les premiers immeubles à appartements <strong>de</strong>stinés à <strong>de</strong>s familles<br />

bourgeoises apparaissent dans les espaces privilégiés <strong>de</strong>s rives <strong>de</strong> Meuse, au sud du<br />

centre-ville (place d’Italie, quai <strong>de</strong> Rome). Ils inaugurent le processus <strong>de</strong> remplacement<br />

<strong>de</strong>s maisons bourgeoises par <strong>de</strong>s immeubles <strong>de</strong> grands gabarits, processus qui va se<br />

poursuivre au cours <strong>de</strong>s décennies suivantes. Ils témoignent aussi du rôle croissant<br />

<strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> promotion immobilière dans la production <strong>de</strong> l’offre en logements.


72<br />

la rési<strong>de</strong>nce du parc<br />

Les premiers immeubles à appartements <strong>de</strong> standing<br />

apparaissent le long <strong>de</strong>s grands axes dans<br />

les quartiers prisés au sud du centre-ville dès la fin<br />

<strong>de</strong>s années 1930. Le complexe <strong>de</strong> la Rési<strong>de</strong>nce du<br />

Parc a été <strong>de</strong>ssiné par l’architecte bruxellois Camille<br />

Damman.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong><br />

<strong>Liège</strong><br />

la Construction d’immeubles à appartements sur le quai <strong>de</strong> Rome<br />

Les <strong>de</strong>structions causées par les bombar<strong>de</strong>ments<br />

<strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> guerre mondiale au niveau du quai <strong>de</strong><br />

Rome ou <strong>de</strong> l’avenue Émile Digneffe y ont accéléré<br />

la diffusion <strong>de</strong> cette nouvelle typologie rési<strong>de</strong>ntielle<br />

lors <strong>de</strong> la phase <strong>de</strong> reconstruction à la fin <strong>de</strong>s années<br />

1940 et au cours <strong>de</strong>s années 1950.<br />

Source : Service T.I.P. D. Daniel - Département <strong>de</strong><br />

l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>


historique <strong>urbanistique</strong><br />

73<br />

Synthèse <strong>de</strong>s principales transformations <strong>urbanistique</strong>s <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> au cours <strong>de</strong> la première moitié du XX e siècle<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>


74


historique <strong>urbanistique</strong><br />

75<br />

Chapitre 4<br />

Une structure complexifiée au cours <strong>de</strong>s Trente Glorieuses (1945-1977)<br />

4.1. Une mo<strong>de</strong>rnisation nécessaire pour éviter le déclin<br />

Jusqu’au milieu du XX e siècle, la structure <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> s’est principalement mise<br />

en place par extensions progressives et création <strong>de</strong> nouveaux quartiers à côté <strong>de</strong>s espaces<br />

déjà urbanisés. Malgré les particularités dues au relief, à la présence <strong>de</strong>s bras<br />

d’eau et à un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> développement par <strong>de</strong>s opérations à petite et moyenne échelle,<br />

l’organisation <strong>de</strong> la Ville présente encore une structure « classique » assez simple dans<br />

son organisation : un âge du bâti qui diminue progressivement <strong>de</strong>puis le centre-ville vers<br />

la périphérie, <strong>de</strong>s quartiers péricentraux un peu plus aérés que ceux du centre-ville, <strong>de</strong>s<br />

axes routiers radiaux pour les relier au centre-ville (correspondant aux anciens faubourgs,<br />

aux quais et aux grands boulevards nord-sud), et enfin la mise en place d’une roca<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> contournement reliant les quartiers récents <strong>de</strong> la rive gauche. Ce schéma va toutefois<br />

être modifié au cours <strong>de</strong>s Trente Glorieuses. Face au constat d’un risque d’essoufflement<br />

économique régional (fermeture <strong>de</strong>s charbonnages, début du déclin <strong>de</strong> la sidérurgie,<br />

disparitions d’activités <strong>de</strong> production traditionnelles), la métropole liégeoise se lance<br />

dans une mo<strong>de</strong>rnisation <strong>de</strong> son territoire pour pouvoir continuer à jouer dans le concert<br />

<strong>de</strong>s agglomérations européennes <strong>de</strong> taille équivalente. Dans le contexte belge, il s’agit<br />

aussi pour <strong>Liège</strong> <strong>de</strong> recevoir une partie <strong>de</strong>s budgets <strong>de</strong>stinés par l’État aux gran<strong>de</strong>s<br />

infrastructures et aux grands équipements. Le paysage urbain entame donc une mue<br />

pour s’adapter aux nouveaux besoins générés par la séparation <strong>de</strong>s fonctions, la mobilité<br />

automobile et le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie en appartement dans les quartiers centraux.<br />

Les années 1950 débutent ainsi avec un programme d’adaptation <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s chaussées<br />

traversant la ville. Certains quais sont élargis (rives <strong>de</strong> Meuse, quai <strong>de</strong>s Ar<strong>de</strong>nnes le<br />

long <strong>de</strong> l’Ourthe), comme certains segments <strong>de</strong> la N3 (partie <strong>de</strong> la rue Sainte-Marguerite<br />

située entre la rue <strong>de</strong> la Légia et le carrefour Fontainebleau). Les <strong>de</strong>rniers bras « historiques<br />

» <strong>de</strong> l’Ourthe entre <strong>Liège</strong> et Grivegnée ayant été comblés, leur emprise facilite la<br />

création d’un nouvel axe <strong>de</strong> pénétration vers le centre (aujourd’hui appelé le « boulevard<br />

<strong>de</strong> l’automobile »). La reconstruction <strong>de</strong>s ponts détruits par la guerre offre l’occasion <strong>de</strong><br />

les adapter au trafic (tabliers élargis, passages sous voies à leurs entrées pour fluidifier<br />

le trafic), tandis que la réduction du nombre <strong>de</strong> piles dans le fleuve réduit les entraves à<br />

la navigation (pont Albert 1 er ). Le programme adopté par l’État vise également à clarifier<br />

la hiérarchie <strong>de</strong>s axes <strong>de</strong> traversée nord-sud et est-ouest à travers le centre-ville. Dans<br />

un premier temps, est envisagée une voie rapi<strong>de</strong> à flanc <strong>de</strong>s coteaux <strong>de</strong> la Cita<strong>de</strong>lle<br />

pour relier les premiers segments d’autoroute au nord <strong>de</strong> l’agglomération avec la place<br />

Saint-Lambert. Si ce projet ne sera finalement pas réalisé, la volonté <strong>de</strong> créer une liaison<br />

directe entre le pont <strong>de</strong> la Boverie (pont Kennedy) et les quartiers ouest se traduit<br />

par un projet <strong>de</strong> percée à travers le quartier du Vertbois. D’abord envisagé par la place<br />

Saint-Paul, son tracé sera finalement dévié au cours <strong>de</strong>s années 1970 pour connecter<br />

directement le boulevard d’Avroy et la sortie <strong>de</strong> l’autoroute du Laveu (avenue Maurice<br />

Destenay).<br />

4.2. L’aménagement d’un réseau <strong>de</strong> voiries <strong>de</strong> grand gabarit<br />

Dès les années 1960, un contournement autoroutier se met en place au nord <strong>de</strong> l’agglomération.<br />

Mais comme le « ring » ne se poursuit pas en rive droite, <strong>de</strong>s (ré-)aménagements<br />

sont en effet effectués pour faciliter les mouvements nord-sud (vers l’auto-


76<br />

route <strong>de</strong>s Ar<strong>de</strong>nnes par exemple) et est-ouest. Ces voiries adoptent un gabarit quasi<br />

autoroutier, incorporant <strong>de</strong>s viaducs et <strong>de</strong>s tunnels (appelée « trémies » » à <strong>Liège</strong>).<br />

Les quais <strong>de</strong> la Dérivation sont ainsi transformés en voies rapi<strong>de</strong>s, avec un sens <strong>de</strong><br />

circulation établi <strong>de</strong> part et d’autre du bras d’eau. Tous les ponts y sont reconstruits et<br />

intègrent à leur entrée les trémies garantissant la fluidité du trafic. Les îlots situés face<br />

aux têtes <strong>de</strong> ponts sont pour cela rognés, générant <strong>de</strong>s situations <strong>de</strong> « <strong>de</strong>nts creuses »<br />

(afin <strong>de</strong> résorber celles qui bor<strong>de</strong>nt la Dérivation, la Ville a adopté au cours <strong>de</strong>s années<br />

2010 une stratégie <strong>de</strong> reconstruction, traduite par un premier projet concret en 2020).<br />

les Dents creuses le long <strong>de</strong> la Dérivation<br />

Les <strong>de</strong>nts creuses à la jonction <strong>de</strong>s quais <strong>de</strong> la Dérivation<br />

et <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s chaussées historiques résultent<br />

<strong>de</strong>s travaux d’aménagement réalisés au cours<br />

<strong>de</strong>s années 1960 et 1970 pour transformer les rives<br />

en voies rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> type autoroutier, avec passages<br />

sous voies et rampes d’accès aux carrefours. Suite à<br />

une étu<strong>de</strong> <strong>urbanistique</strong> réalisée au cours <strong>de</strong>s années<br />

2010, la reconquête <strong>de</strong> ces sites a été lancée.<br />

Source : Atelier d’Architecture Alain Richard - Collectif<br />

Ipé - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>,<br />

vers 2017<br />

Un autre projet est la prolongation <strong>de</strong> l’autoroute <strong>de</strong> Bruxelles jusqu’au quartier <strong>de</strong>s<br />

Guillemins, qui traverse l’ancien quartier minier <strong>de</strong> Burenville, avant <strong>de</strong> se terminer en<br />

« tremplin », au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la voie ferrée du Plan incliné. Cette nouvelle infrastructure a<br />

renforcé l’effet <strong>de</strong> barrière déjà créé par le chemin <strong>de</strong> fer entre le quartier Bronckart-Botanique<br />

et celui du Laveu. Des expropriations y sont menées, car plusieurs îlots doivent<br />

être amputés pour les besoins du chantier.<br />

Pour relier cette autoroute aux voies rapi<strong>de</strong>s sur quai, les chaussées autour du parc<br />

d’Avroy sont transformées en un grand giratoire à quatre voies et la rue Sainte-Marie<br />

est fortement élargie pour y faire passer en tunnel le prolongement <strong>de</strong> la sortie autoroutière<br />

du Laveu. L’objectif <strong>de</strong> fluidité se traduit aussi au cours <strong>de</strong>s années 1970<br />

par l’aménagement d’un tunnel sous la Dérivation pour relier directement le boulevard<br />

Poincaré au pont Albert Ier. À l’entrée du quartier <strong>de</strong> Fétinne, le quai Gloesener est<br />

quant à lui directement relié au quai Mativa par un autre petit tunnel suivi d’un nouveau<br />

pont qui vient surplomber le paysage <strong>de</strong> la confluence <strong>de</strong> l’Ourthe et <strong>de</strong> la Meuse.


historique <strong>urbanistique</strong><br />

77<br />

Plan d’aménagement élaboré par le Groupe l’Équerre, 1947<br />

6<br />

5<br />

2<br />

7<br />

1<br />

3<br />

8<br />

4<br />

Au milieu du XX e siècle, le Groupe l’Équerre reçoit la mission <strong>de</strong> réfléchir à l’aménagement du territoire <strong>de</strong> la région liégeoise. Élaboré juste<br />

après la guerre à l’échelle du territoire <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, ce plan reprend une partie <strong>de</strong>s grands enjeux <strong>de</strong> l’époque. Les espaces <strong>de</strong><br />

Droixhe (1) et <strong>de</strong> l’Île Monsin (2), au nord-est, ont été incorporés au territoire communal dans la perspective d’accueillir <strong>de</strong>s espaces d’activité<br />

économique. Les segments du boulevard en corniche indiqués en pointillés doivent encore être aménagés (3 - du boulevard Louis<br />

Hillier à la rue Bagolet), <strong>de</strong> même qu’une partie du « boulevard <strong>de</strong> l’automobile » (4) à l’emplacement <strong>de</strong> l’ancien bras <strong>de</strong> l’Ourthe. Au nord<br />

<strong>de</strong> la commune, un premier projet <strong>de</strong> liaison avec le réseau autoroutier est indiqué en rouge (5). Il ne se sera finalement pas concrétisé<br />

au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la sortie <strong>de</strong> Vottem à hauteur cimetière <strong>de</strong> Sainte-Walburge (6). Indiqués en vert clair, les parcs existants, aménagés au XIX e<br />

siècle, sont en nombre insuffisants. Le plan indique en gris-vert foncé une dizaine <strong>de</strong> nouveaux parcs publics à créer pour assurer une<br />

bonne <strong>de</strong>sserte <strong>de</strong> la population <strong>de</strong>s quartiers plus récents : par exemple, le futur parc Lejeune au bout <strong>de</strong> la rue Fond Pirette (7), ou le<br />

parc Comhaire dans le quartier du Laveu (8).<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, Service <strong>de</strong>s Archives et <strong>de</strong> la Documentation patrimoniale, Fonds du Groupe l’Équerre


78<br />

Plan <strong>de</strong> programmation <strong>de</strong>s axes routiers au cours <strong>de</strong>s années 1950<br />

2<br />

5<br />

1<br />

4<br />

3<br />

Ce plan <strong>de</strong>s années 1950 traduit les objectifs en matière d’aménagement <strong>de</strong> voiries, avec la création <strong>de</strong> nouveaux axes <strong>de</strong> transit nordsud<br />

à travers le centre-ville. Certains segments <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s chaussées existantes (en bleu) doivent être élargis pour adapter leur gabarit à<br />

la croissance <strong>de</strong>s flux automobile. Il s’agit par exemple <strong>de</strong> l’élargissement <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong> la Cité (1) et du tronçon <strong>de</strong> la rue Sainte-Marguerite<br />

situé entre la rue <strong>de</strong> la Légia et la rue Fraigneux (2). Un nouvel axe, indiqué en rouge, passe par le nouveau pont <strong>de</strong> la Boverie (3 - actuel<br />

pont Kennedy). Il est prolongé d’une percée en ligne droite vers le carrefour du Pont d’Avroy (4). C’est sur cette base que sont entamées<br />

les expropriations du quartier André Dumont. Une autre connexion est prévue entre la sortie d’autoroute <strong>de</strong> Vottem et la place Saint-Lambert,<br />

via une route en corniche à établir à flanc <strong>de</strong> coteau, <strong>de</strong>rrière le cœur historique (5). Ce projet ne sera toutefois jamais réalisé.<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, Département <strong>de</strong> l’Urbanisme


historique <strong>urbanistique</strong><br />

79<br />

Plan <strong>de</strong>s principaux travaux accomplis et en cours, préparé par le Service <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, 1967<br />

1<br />

7<br />

3<br />

2<br />

4 5<br />

6<br />

Au cours <strong>de</strong>s années 1960, la vision d’aménagement pour les gran<strong>de</strong>s voiries à travers le centre <strong>de</strong> l’agglomération a évolué. Les projets<br />

<strong>de</strong> liaisons autoroutières en prolongement <strong>de</strong> la sortie <strong>de</strong> Vottem sont mis entre parenthèses. Par contre, l’autoroute <strong>de</strong> Bruxelles est prolongée<br />

jusqu’au parc d’Avroy en passant par le nouvel échangeur <strong>de</strong> Burenville (1) et la rue Sainte-Marie remaniée (2). La liaison avec l’autre<br />

rive doit être assurée par l’avenue Maurice Destenay (3) et un passage en tunnel sous le parc d’Avroy (4). Vu l’opposition, cette trémie ne<br />

sera pas réalisée et le parc sera transformé en un vaste giratoire. La liaison avec les voies rapi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la rive droite sera réalisée un peu plus<br />

tard, par l’intermédiaire du tunnel sous la Dérivation (5). Tant le long <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière que le long <strong>de</strong> la Meuse ou <strong>de</strong> l’Ourthe, la plupart<br />

<strong>de</strong>s quais sont transformés en voies rapi<strong>de</strong>s. La route vers le Sart Tilman assure la connexion avec le nouveau campus universitaire (6). Le<br />

tracé d’un transport en commun <strong>de</strong> type métro est indiqué en bleu (7). Plusieurs <strong>de</strong>s parcs publics prévus au cours <strong>de</strong>s années 1950 sont<br />

à présent réalisés. Indiqués en rose, <strong>de</strong> nombreux sites font l’objet <strong>de</strong> projets <strong>de</strong> remaniements afin d’accueillir <strong>de</strong> nouveaux équipements<br />

publics : marché couvert et abattoir à Droixhe, cité administrative en Potiérue, nouvel hôpital sur le site <strong>de</strong> la Cita<strong>de</strong>lle, centre culturel <strong>de</strong>s<br />

Chiroux, complexe sportif <strong>de</strong> Naimette, caserne <strong>de</strong>s pompiers rue Ransonnet (voir la légen<strong>de</strong> <strong>de</strong> la carte pour les localiser).<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, Bibliothèque Ulysse Capitaine, n°1000124018989


80<br />

Les grands axes (auto-)routiers au sud du centre-ville<br />

1<br />

2<br />

3<br />

Des travaux pharaoniques ont donc été entrepris au cours <strong>de</strong>s années 1960 et 1970 afin d’aménager <strong>de</strong>s axes <strong>de</strong> transit <strong>de</strong> gabarit autoroutier<br />

à travers le centre-ville. L’autoroute <strong>de</strong> Bruxelles débouche ainsi en bordure du quartier du Laveu (1) où elle est établie au-<strong>de</strong>ssus<br />

<strong>de</strong> la ligne <strong>de</strong> chemin <strong>de</strong> fer. Le « tremplin » terminal initial a été prolongé par la liaison à travers la colline <strong>de</strong> Cointe à la fin <strong>de</strong>s années<br />

1990. Une bretelle assure la jonction entre la sortie <strong>de</strong> l’autoroute et le centre-ville par un passage en tunnel (2) qui débouche dans la rue<br />

Sainte-Marie élargie (3) et se connecte sur les grands boulevards ceinturant le parc d’Avroy, transformés en un giratoire géant.<br />

Source : ADR, 2009 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

Au nord-est <strong>de</strong> la Ville, entre le fleuve et la cité <strong>de</strong> Droixhe, en direction <strong>de</strong>s Pays-Bas<br />

et <strong>de</strong> l’Allemagne, l’avenue Georges Truffaut est également transformée en autoroute.<br />

Enfin, un chantier qui va particulièrement transformer les tissus urbains préexistants est<br />

la réalisation d’une liaison autoroutière directe entre la place Saint-Lambert et la sortie<br />

<strong>de</strong> l’autoroute <strong>de</strong> Bruxelles à Burenville. La nouvelle voirie transforme l’ancien carrefour<br />

<strong>de</strong> Fontainebleau en un vaste giratoire au cœur <strong>de</strong> l’ancien faubourg Sainte-Marguerite.<br />

Le quartier est ainsi privé d’un contact direct avec les coteaux d’Xhovémont. La<br />

concrétisation du projet implique également <strong>de</strong> nombreuses expropriations avec la disparition<br />

d’un côté <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong> l’Académie. Autour du carrefour du Cadran et <strong>de</strong> la rue<br />

<strong>de</strong> Bruxelles, jusqu’à la place Saint-Lambert, ce sont <strong>de</strong>s îlots entiers qui disparaissent.<br />

La gare du Palais est démolie dans ce contexte. L’aménagement d’un site propre pour<br />

les bus au cœur <strong>de</strong> cette gran<strong>de</strong> voirie amène les voyageurs à emprunter <strong>de</strong>s passerelles<br />

et <strong>de</strong>s tunnels réservés aux piétons pour accé<strong>de</strong>r aux arrêts.


historique <strong>urbanistique</strong><br />

81<br />

La liaison entre l’autoroute <strong>de</strong> Bruxelles et la place Saint-Lambert<br />

2<br />

3<br />

4<br />

1<br />

Un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers projets <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s voiries <strong>de</strong> liaison, exécuté au cours <strong>de</strong>s années 1970, est la jonction entre la sortie <strong>de</strong> l’autoroute à<br />

Burenville (1) et la place Saint-Lambert (à droite, hors cadre). La logique « autoroutière » se surimpose à l’organisation ancienne du bâti<br />

et implique <strong>de</strong>s tunnels, <strong>de</strong>s bretelles d’accès, l’élargissement <strong>de</strong> rues préexistantes, l’éventrement d’îlots, la démolition <strong>de</strong> dizaines <strong>de</strong><br />

bâtiments… L’immense giratoire ovoï<strong>de</strong> du carrefour « Fontainebleau » (2) coupe le quartier Sainte-Marguerite en <strong>de</strong>ux. À partir <strong>de</strong> là et<br />

jusqu’au centre-ville, le nouvel axe intègre en son centre un site propre pour les bus (3). Le site du Cadran est également remanié (4).<br />

Source : Google Maps, 2018<br />

4.3. La place Saint-Lambert, nœud gordien <strong>de</strong> l’urbanisme liégeois<br />

La place Saint-Lambert est le cœur commercial <strong>de</strong> la cité <strong>de</strong>puis le XIX e siècle. C’est<br />

aussi un pôle <strong>de</strong> convergence <strong>de</strong>s lignes <strong>de</strong> transport en commun. Dans les schémas<br />

d’aménagement qui lui sont appliqués au début <strong>de</strong>s années 1970, elle doit <strong>de</strong>venir le<br />

nouveau pôle <strong>de</strong> redistribution <strong>de</strong> la circulation routière à l’échelle <strong>de</strong> tout le centre-ville<br />

et d’une partie <strong>de</strong> l’agglomération. Dans la logique propre à l’époque <strong>de</strong> l’urbanisme<br />

sur dalle et <strong>de</strong> séparation <strong>de</strong>s différents réseaux, le projet prévoit l’organisation d’une<br />

gare <strong>de</strong>s bus souterraine (les lignes <strong>de</strong> tram ont toutes été supprimées), ainsi que plusieurs<br />

niveaux <strong>de</strong> parking. Les importants besoins en surfaces pour ces équipements<br />

et leurs rampes expliquent la large étendue <strong>de</strong>s périmètres expropriés : sont ainsi démolis<br />

les îlots entre les places Saint-Lambert et du Marché, la moitié du flanc nord <strong>de</strong><br />

la rue Léopold, ainsi que tous les îlots autour <strong>de</strong> l’église Sainte-Croix. Cette situation va<br />

ensuite être figée pendant près <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux décennies. En effet, après cette phase d’expropriations<br />

et <strong>de</strong> démolitions, la conjonction <strong>de</strong> la crise <strong>de</strong>s finances communales, <strong>de</strong><br />

la régionalisation <strong>de</strong> l’État (avec <strong>de</strong>s transferts <strong>de</strong> compétences en matière d’aménagement<br />

à la Région wallonne) et <strong>de</strong> l’apparition <strong>de</strong> nouvelles conceptions <strong>urbanistique</strong>s<br />

retar<strong>de</strong>nt la concrétisation <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> réaménagement et <strong>de</strong> reconstruction. La<br />

« saga » <strong>de</strong> la place Saint-Lambert trouvera finalement une issue à la fin du XX e siècle<br />

après l’adoption d’un nouveau schéma d’aménagement conçu par Clau<strong>de</strong> Strebelle


82<br />

et l’Atelier du Sart Tilman, proposant un meilleur équilibre entre usagers et fonctions.<br />

L’espace <strong>de</strong> la voirie est réaménagé au cours <strong>de</strong>s années 1990, puis le projet se traduit<br />

par la construction <strong>de</strong> l’Îlot Saint-Michel (logements, bureaux, commerces), puis par<br />

celle <strong>de</strong>s Annexes du palais <strong>de</strong> justice. L’îlot Tivoli est la <strong>de</strong>rnière pièce du « puzzle » en<br />

attente d’un projet définitif.<br />

La liaison entre l’autoroute <strong>de</strong> Bruxelles et la place Saint-Lambert au début <strong>de</strong>s années 1990<br />

1<br />

2 3<br />

Après la phase <strong>de</strong>s expropriations et démolitions <strong>de</strong>s<br />

années 1970, le cœur <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> apparaît<br />

béant. Plusieurs modèles <strong>de</strong> reconstruction vont être<br />

proposés, avant qu’un consensus ne se fasse autour<br />

du projet <strong>de</strong>ssiné par Clau<strong>de</strong> Strebelle <strong>de</strong> l’Atelier<br />

du Sart-Tilman. Sur base <strong>de</strong> ce plan d’aménagement,<br />

l’îlot Saint-Michel sera construit à la fin <strong>de</strong>s<br />

années 1990 à l’emplacement <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> zone <strong>de</strong><br />

stationnement (1). Les annexes pour l’extension du<br />

palais <strong>de</strong> justice seront construites par la suite, <strong>de</strong><br />

part et d’autre <strong>de</strong> la voie rapi<strong>de</strong> (2), notamment dans<br />

l’espace situé entre l’ancien palais et la gare (3).<br />

Source : Inconnu - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong><br />

la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

L’augmentation du taux <strong>de</strong> motorisation au cours <strong>de</strong>s décennies d’après-guerre conduit<br />

également les acteurs <strong>de</strong> l’aménagement à se pencher sur la problématique du stationnement.<br />

L’enjeu est d’éviter l’engorgement et <strong>de</strong> maintenir l’attrait du centre-ville pour les<br />

visiteurs et les chalands. À partir <strong>de</strong> la fin <strong>de</strong>s années 1950, plusieurs places du centreville<br />

sont ainsi couvertes d’emplacements <strong>de</strong> stationnement. Ensuite, <strong>de</strong>s bâtiments <strong>de</strong><br />

parkings en ouvrage sont construits à l’intérieur et en bordure du centre-ville (le long du<br />

boulevard <strong>de</strong> la Sauvenière, place Saint-Denis, place Saint-Paul…). Enfin, la <strong>de</strong>rnière<br />

génération <strong>de</strong> parkings publics sera aménagée en sous-sol, soit sous <strong>de</strong> nouveaux complexes<br />

immobiliers (cité administrative, îlot Saint-Georges, galerie Opéra), soit sous les<br />

espaces publics réaménagés (place <strong>de</strong> la Cathédrale, années 1970).<br />

4.4. La rénovation <strong>de</strong>s quartiers anciens et la lutte contre les « taudis »<br />

Comme au cours <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s antérieures, une partie <strong>de</strong> ces aménagements est justifiée<br />

par la volonté <strong>de</strong> « rénover » <strong>de</strong>s quartiers et/ou <strong>de</strong>s îlots anciens considérés<br />

comme insalubres. Les périmètres expropriés dépassent parfois les stricts besoins<br />

liés à l’aménagement <strong>de</strong> la voirie. Dans le cadre <strong>de</strong> la réalisation <strong>de</strong> l’avenue Maurice<br />

Destenay, le plan <strong>de</strong> restructuration comprend par exemple la démolition <strong>de</strong> plusieurs<br />

grands îlots entre le pont Kennedy et la place du Vingt Août (Université). Un vaste espace<br />

est ainsi libéré pour le développement d’un nouvel ensemble immobilier combinant<br />

un centre culturel, <strong>de</strong>s commerces, <strong>de</strong>s immeubles <strong>de</strong> bureaux et une haute tour<br />

rési<strong>de</strong>ntielle qui marque le paysage <strong>de</strong>s rives <strong>de</strong> Meuse (tour Kennedy).


historique <strong>urbanistique</strong><br />

83<br />

La troisième version du Plan particulier n°44 pour l’aménagement <strong>de</strong> la rue André Dumont et <strong>de</strong> ses abords, adopté en 1966-1967<br />

Le projet <strong>de</strong>s années 1950 a été revu : l’axe <strong>de</strong> la<br />

nouvelle liaison routière, au départ prévue en ligne<br />

droite par la place Saint-Paul, est dévié en direction<br />

du parc d’Avroy. C’est sur cette base qu’est aménagée<br />

l’avenue Maurice Destenay. Le plan indique<br />

que toutes les rues existantes du quartier vont être<br />

élargies, ce qui rend nécessaire l’expropriation <strong>de</strong><br />

nombreux bâtiments existants.<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> et Service public <strong>de</strong> Wallonie,<br />

PCA n°62063-45, anciennement PPA n°44TER <strong>de</strong><br />

la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

L’avenue Maurice Destenay, la tour Kennedy et quartier Chiroux-Vertbois<br />

2<br />

1<br />

4<br />

3<br />

Cette image nous révèle à quoi ressemble aujourd’hui le quartier, après la concrétisation <strong>de</strong>s différentes<br />

phases du projet d’aménagement <strong>de</strong>s années 1960 et 1970 (l’orientation est inversée par rapport au plan<br />

ci-<strong>de</strong>ssus). La haute tour rési<strong>de</strong>ntielle « Kennedy » (1) est conçue comme un symbole <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnité <strong>de</strong> la<br />

métropole. À ses pieds se déploie la nouvelle bibliothèque provinciale, qui rejoint le bâtiment cylindrique du<br />

Centre culturel <strong>de</strong>s Chiroux (2). Dans l’îlot situé <strong>de</strong> l’autre côté du pont est installé le centre sportif du séminaire<br />

épiscopal (3). Les terrains dégagés le long du nouvel axe ont aussi permis à l’Athénée royal <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong>s<br />

Clarisses se redéployer dans <strong>de</strong> nouveaux locaux (4). De ce fait, c’est tout un quartier qui est aménagé dans<br />

l’esprit <strong>de</strong> l’urbanisme fonctionnaliste.<br />

Source : Google Maps, 2021


84<br />

Au cours <strong>de</strong>s années 1950 et 1960, certains quartiers présentent encore une forte<br />

concentration <strong>de</strong> logements considérés comme insalubres. L’assainissement <strong>de</strong>vient<br />

un objectif fréquent d’autres projets : les dizaines <strong>de</strong> plans particuliers d’aménagement<br />

(PPA) adoptés au cours <strong>de</strong>s années 1950 sont donc souvent accompagnés <strong>de</strong> périmètres<br />

d’expropriation. Entre Meuse et coteaux, le bâti ancien du « cœur historique »<br />

est aussi concerné par ces projets <strong>de</strong> « mo<strong>de</strong>rnisation ». Relevons par exemple : l’aménagement<br />

du parc du Potay au pied du bois <strong>de</strong>s Carmélites (qui entraîne la démolition<br />

d’une partie <strong>de</strong> la rue du Potay), la démolition <strong>de</strong> l’impasse Delfosse à côté <strong>de</strong> l’école<br />

Crèvecœur, la création d’un jardinet le long <strong>de</strong> l’église Saint-Barthélemy, la création<br />

d’un accès routier entre le quai et le Pont Maghin, à l’emplacement <strong>de</strong> l’ancienne rue<br />

<strong>de</strong>s Aveugles, le dégagement <strong>de</strong>s abords <strong>de</strong> la halle aux vian<strong>de</strong>s (où sera construit un<br />

parking), la libération <strong>de</strong>s terrains voisins <strong>de</strong> Potiérue pour la construction <strong>de</strong> la cité<br />

administrative <strong>de</strong> la Ville, le remplacement du bâti ancien <strong>de</strong> l’îlot Saint-Georges en un<br />

complexe multifonctionnel, l’élargissement du carrefour <strong>de</strong> la rue Nagelmackers et du<br />

quai sur Meuse…<br />

La cité administrative <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> et le complexe <strong>de</strong> l’îlot Saint-Georges<br />

Le « cœur historique » fait également l’objet <strong>de</strong> projets<br />

<strong>de</strong> réaménagement au cours <strong>de</strong>s Trente Glorieuses.<br />

Envisagé <strong>de</strong>puis le début du siècle, le dégagement<br />

<strong>de</strong>s abords <strong>de</strong> la halle aux vian<strong>de</strong>s (1) est enfin<br />

concrétisé et permet l’aménagement d’un parking (2)<br />

4<br />

5<br />

au début <strong>de</strong>s années 1960. Une tour <strong>de</strong> bureaux est<br />

construite à côté pour abriter les services administratifs<br />

<strong>de</strong> la Ville (3) dans un complexe qui accueille<br />

3<br />

également un grand magasin du côté <strong>de</strong> Féronstrée<br />

(4). L’îlot voisin (5) est complètement transformé au<br />

cours <strong>de</strong> la décennie suivante par la construction du<br />

complexe « Saint-Georges » associant parking, commerces<br />

et bureaux.<br />

1<br />

2<br />

Source : Google Maps, 2021<br />

La volonté <strong>de</strong> sauver quelques témoins <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité architecturale traditionnelle <strong>de</strong> la Ville<br />

se traduit par la reconstitution « d’ensembles archéologiques », c’est-à-dire le rassemblement<br />

et le remontage en quelques lieux <strong>de</strong> faça<strong>de</strong>s remarquables préalablement démontées<br />

pierre par pierre, qui pourront ainsi continuer à être admirées (elles sont toujours<br />

visibles rue Mère-Dieu, impasse <strong>de</strong>s Ursulines et rue Sur-Les-Foulons…). Des projets<br />

« d’assainissement » visaient aussi les impasses <strong>de</strong>rrière la rue Hors-Château, mais ils<br />

n’ont finalement pas été exécutés. À la fin du XX e siècle, ces impasses <strong>de</strong>viendront une<br />

<strong>de</strong>s curiosités touristiques les plus visitées <strong>de</strong> la ville.<br />

Quelques autres projets impliquant <strong>de</strong>s périmètres d’expropriation et/ou d’assainissement<br />

sont concrétisés en Outremeuse. Le complexe <strong>de</strong> la caserne <strong>de</strong>s pompiers est<br />

par exemple construit à l’emplacement <strong>de</strong>s impasses <strong>de</strong> maisons ouvrières <strong>de</strong> la rue<br />

Ransonnet. Un autre îlot d’habitat mo<strong>de</strong>ste, rue <strong>de</strong>s Écoliers, est remplacé à la fin <strong>de</strong>s<br />

années 1970 par <strong>de</strong>s tours <strong>de</strong> logements sociaux et les bureaux du siège <strong>de</strong> la Maison


historique <strong>urbanistique</strong><br />

85<br />

Liégeoise. Dans l’hypercentre, un plan <strong>de</strong> reconstruction et/ou d’extension vise dès les<br />

années 1950 le site <strong>de</strong> l’Université. Il sera partiellement concrétisé par la construction <strong>de</strong><br />

la nouvelle aile <strong>de</strong> la place Cockerill. Pour le centre-ville, le projet majeur <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong><br />

est la concrétisation <strong>de</strong> la percée <strong>de</strong> la rue Charles Magnette, le long <strong>de</strong> laquelle sont<br />

reconstruites <strong>de</strong>s enfila<strong>de</strong>s continues d’immeubles à appartements. Ce projet témoigne<br />

d’ailleurs du rôle croissant <strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> promotion immobilière dans le développement<br />

<strong>de</strong>s grands projets rési<strong>de</strong>ntiels.<br />

La rue Saint-Georges<br />

La rue <strong>de</strong>s Aveugles<br />

Ces <strong>de</strong>ux photos sont prises dans le quartier aujourd’hui appelé le « cœur historique ». La rue Saint-Georges<br />

a été remaniée et élargie au cours <strong>de</strong>s années 1960 et 1970. Les faça<strong>de</strong>s anciennes qui la bor<strong>de</strong>nt étaient<br />

localisées sur d’autres parcelles au sein <strong>de</strong>s îlots expropriés du quartier. Considérées comme particulièrement<br />

remarquables, elles ont été numérotées pierre par pierre, démontées, puis remontées dans une logique « d’îlot<br />

archéologique ». La rue <strong>de</strong>s Aveugles a été expropriée et élargie à la fin <strong>de</strong>s années 1950, initialement dans<br />

le but <strong>de</strong> créer un espace vert <strong>de</strong> cœur d’îlot. Finalement, l’espace dégagé a été utilisé pour créer une bretelle<br />

<strong>de</strong> liaison entre les quais et le pont Maghin.<br />

Sources : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, 2009 et 2011<br />

La rue Charles Magnette<br />

La rue Charles Magnette est un exemple <strong>de</strong> percée<br />

réalisée au milieu du XX e siècle sur le modèle <strong>de</strong>s<br />

percées « haussmanniennes » du siècle précé<strong>de</strong>nt.<br />

La connexion entre la place <strong>de</strong> la Cathédrale et l’Université,<br />

rectiligne, est d’une largeur <strong>de</strong> 18,5 m. Les<br />

parcelles à bâtir dégagées le long <strong>de</strong> la rue ont été<br />

reconstruites au cours <strong>de</strong>s années 1940 et 1950.<br />

Les immeubles <strong>de</strong> sept étages combinent <strong>de</strong>s appartements<br />

et <strong>de</strong>s surfaces commerciales au rez-<strong>de</strong>chaussée.<br />

Ils illustrent le rôle croissant <strong>de</strong>s sociétés<br />

<strong>de</strong> promotion immobilière dans la production du bâti<br />

à partir <strong>de</strong> cette pério<strong>de</strong>.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong><br />

<strong>Liège</strong>, 2013<br />

4.5. La diffusion <strong>de</strong>s immeubles à appartements <strong>de</strong> grand gabarit<br />

La modification <strong>de</strong>s gabarits <strong>de</strong>s immeubles constitue une autre évolution majeure du<br />

paysage urbain au cours <strong>de</strong> cette pério<strong>de</strong>. Le XIX e siècle avait fixé le principe <strong>de</strong> lier<br />

la hauteur maximale autorisée <strong>de</strong>s faça<strong>de</strong>s à la largeur <strong>de</strong> la voirie, avec une limite à<br />

ne pas dépasser 22 m le long <strong>de</strong>s espaces les plus larges. À partir <strong>de</strong> la fin <strong>de</strong>s an-


86<br />

nées 1920, <strong>de</strong>s dérogations avaient été ponctuellement appliquées pour permettre<br />

la construction <strong>de</strong> quelques immeubles rési<strong>de</strong>ntiels bourgeois le long <strong>de</strong>s quais <strong>de</strong><br />

Meuse au sud du centre-ville, tandis que d’autres petits immeubles à appartements<br />

étaient apparus le long <strong>de</strong> la Dérivation.<br />

À partir <strong>de</strong>s années 1950, les projets visant à remplacer d’anciennes maisons bourgeoises<br />

par <strong>de</strong>s immeubles à appartements se font <strong>de</strong> plus en plus fréquents. Plusieurs<br />

facteurs expliquent cette évolution : le désintérêt <strong>de</strong>s héritiers <strong>de</strong>s maisons bourgeoises,<br />

qui préfèrent s’installer dans <strong>de</strong>s villas en périphérie, l’attrait croissant d’un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

vie « mo<strong>de</strong>rne » en appartement pour certaines familles <strong>de</strong>s classes moyennes, le rôle<br />

croissant <strong>de</strong>s promoteurs dans la production immobilière… La reconstruction sous<br />

forme <strong>de</strong> buildings rési<strong>de</strong>ntiels est aussi soutenue par les autorités communales qui y<br />

voient une solution pour <strong>de</strong>nsifier l’habitat en réponse à la menace du déclin démographique<br />

(après la guerre, le nombre <strong>de</strong> ménages continue à augmenter, mais le nombre<br />

d’habitants décroît fortement <strong>de</strong> fait <strong>de</strong> la diminution <strong>de</strong> la taille <strong>de</strong>s ménages). Dans<br />

un premier temps, ce sont toujours les quartiers « privilégiés » qui sont visés par ces<br />

projets : rives <strong>de</strong> Meuse au sud du centre-ville (quai <strong>de</strong> Rome, boulevard Frère-Orban,<br />

Terrasses, boulevard Piercot), abords <strong>de</strong>s parcs d’Avroy et du Jardin botanique…<br />

gabarits fixés dans le règlement sur les hauteurs <strong>de</strong>s constructions adopté par la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> en 1963<br />

Le règlement sur les hauteurs <strong>de</strong> constructions fixe treize hauteurs maximales différentes selon la partie du territoire considérée. Le règlement<br />

avalise définitivement le principe <strong>de</strong> constructions <strong>de</strong> gabarits plus élevés le long <strong>de</strong>s grands axes « dégagés » : berges, bordures<br />

<strong>de</strong> parcs, boulevards… La mutation du bâti entamée dans ces espaces au cours <strong>de</strong> la décennie 1950 est ainsi encouragée et va se<br />

poursuivre à un rythme soutenu au cours <strong>de</strong> la décennie suivante.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>


historique <strong>urbanistique</strong><br />

87<br />

Le quai Saint-Léonard en 2013<br />

Au cours <strong>de</strong>s années 1950, <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> projets <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s dérogations aux<br />

prescriptions du règlement sur les bâtisses. Pour éviter un régime <strong>de</strong> dérogation permanent,<br />

le Conseil communal adopte en 1963 un nouveau règlement sur les hauteurs<br />

<strong>de</strong> bâtiments, qui fixe définitivement les nouvelles hauteurs maximales admissibles. Les<br />

valeurs sont adaptées, mais le principe général reste toujours <strong>de</strong> lier les tailles autorisées<br />

à la largeur <strong>de</strong> la voirie, en maintenant une proportionnalité entre les gabarits <strong>de</strong>s<br />

constructions et la largeur <strong>de</strong> l’espace public. Les bras d’eaux et parcs étant assimilés<br />

à ces espaces publics, c’est en bordure <strong>de</strong> ces zones que les hauteurs les plus élevées<br />

seront autorisées. Une douzaine <strong>de</strong> valeurs différentes sont ainsi fixées, qui encouragent<br />

les opérations <strong>de</strong> promotion à se poursuivre dans <strong>de</strong>s espaces jusqu’alors peu concernés<br />

: grands boulevards (boulevard <strong>de</strong> la Sauvenière, avenue Blon<strong>de</strong>n), rue du Parc<br />

(face au parc <strong>de</strong> la Boverie), quai Mativa (face à la Dérivation)… C’est au niveau du quai<br />

Saint-Léonard que les gabarits les plus élevés sont autorisés : il va ainsi se métamorphoser<br />

au cours <strong>de</strong>s années 1960.<br />

Jusqu’au milieu du XX e siècle, l’organisation du bâti rési<strong>de</strong>ntiel dans les quartiers centraux<br />

était essentiellement composée <strong>de</strong> maisons individuelles. Elle se mue alors rapi<strong>de</strong>ment<br />

en une structure mixte avec l’apparition d’immeubles à appartements. Les nouveaux<br />

projets prennent place au sein du parcellaire préexistant : selon les opportunités foncières<br />

et immobilières, les nouvelles rési<strong>de</strong>nces remplacent une, <strong>de</strong>ux, trois ou quatre anciennes<br />

maisons. Le caractère progressif et partiel <strong>de</strong> ces chantiers a généré un paysage<br />

particulier caractérisé par les nombreuses ruptures <strong>de</strong> gabarits : le long <strong>de</strong> pratiquement<br />

tous les grands axes liégeois, <strong>de</strong>ux échelles se côtoient : celle <strong>de</strong>s gabarits traditionnels<br />

et celle <strong>de</strong>s immeubles à appartements construits au cours <strong>de</strong>s Trente Glorieuses. Des<br />

contrastes se manifestent aussi dans les formes <strong>de</strong>s toitures (toits plats versus toits traditionnels<br />

en pente), dans les styles architecturaux, dans les matériaux (architecture mo<strong>de</strong>rne<br />

<strong>de</strong> béton versus les formes et matériaux du bâti traditionnel en briques et pierres).<br />

Les ruptures <strong>de</strong> gabarits génèrent l’apparition <strong>de</strong> grands pignons aveugles ainsi que <strong>de</strong><br />

« <strong>de</strong>nts creuses » lorsque subsiste un ou quelques bâtiments anciens entre <strong>de</strong>ux immeubles<br />

hauts. La structure complexe qui en résulte implique une approche sensible<br />

pour la conception <strong>de</strong> nouveaux projets dans ces espaces aujourd’hui. C’est pourquoi<br />

le Collège a défini une nouvelle ligne <strong>de</strong> conduite dans une directive traitant <strong>de</strong>s gabarits,<br />

adoptée en 2018 ; l’objectif étant à présent <strong>de</strong> permettre le comblement <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts<br />

creuses dans certaines situations, mais <strong>de</strong> ne plus permettre systématiquement les<br />

hauts gabarits là où ils étaient autorisés au cours <strong>de</strong>s années 1960.<br />

C’est le long du quai Saint-Léonard que le règlement <strong>de</strong> 1963 autorise la hauteur <strong>de</strong> construction la plus élevée : 37 m. Les nombreuses<br />

reconstruction ont généré un paysage particulier, avec un front d’immeubles <strong>de</strong> onze à douze étages qui a placé une partie du quartier<br />

Saint-Léonard à l’ombre, tandis que la transformation <strong>de</strong>s quais en voie rapi<strong>de</strong> a coupé les habitants <strong>de</strong>s possibilités <strong>de</strong> contact direct avec<br />

les rives du fleuve. Des immeubles <strong>de</strong> première génération, <strong>de</strong> gabarit plus mo<strong>de</strong>ste subsistent sur certaines parcelles. Au XXI e siècle, <strong>de</strong><br />

nouveaux projets immobiliers y apparaissent, qui nécessitent une conception appropriée en réponse à la nouvelle directive communale en<br />

matière <strong>de</strong> gabarit. Cette vue panoramique révèle la situation en 2013.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, 2013


88<br />

Un autre trait <strong>de</strong> ces projets est une modification <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s d’occupation <strong>de</strong> la parcelle,<br />

avec <strong>de</strong>s volumes principaux plus profonds et une minéralisation <strong>de</strong> la surface restante<br />

<strong>de</strong> la parcelle par une zone <strong>de</strong> stationnement (couverte ou non). De ce fait, la structure<br />

<strong>de</strong>s intérieurs d’îlots évolue avec la disparition <strong>de</strong>s jardins et <strong>de</strong>s plantations, une imperméabilisation<br />

très poussée <strong>de</strong>s surfaces et au final la constitution d’un cadre moins<br />

convivial, notamment sur le plan visuel. L’héritage <strong>de</strong> cette situation pose aujourd’hui<br />

d’autres défis en termes <strong>de</strong> reconquête <strong>de</strong> qualités urbaines, conduisant dans certains<br />

cas à envisager <strong>de</strong>s solutions <strong>de</strong> dé<strong>de</strong>nsification et <strong>de</strong> (re-)verdurisation.<br />

L’îlot entre la rue Forgeur et le square <strong>de</strong>s Terrasses.<br />

Dans le centre-ville, la reconstruction <strong>de</strong> complexes<br />

rési<strong>de</strong>ntiels à l’emplacement d’immeubles préexistants<br />

s’est souvent accompagnée <strong>de</strong> l’aménagement d’un<br />

parking couvert sur tout le rez-<strong>de</strong>-chaussée <strong>de</strong> la parcelle.<br />

Cela a contribué à une minéralisation extrême<br />

<strong>de</strong>s îlots, à leur imperméabilisation, à la disparition <strong>de</strong>s<br />

espaces verts, à l’augmentation <strong>de</strong> l’effet « îlot <strong>de</strong> chaleur<br />

» et enfin à la perte d’aménités visuelles pour les<br />

riverains. Cette organisation constitue donc un héritage<br />

à retravailler pour construire la ville durable et résiliente<br />

du XXI e siècle. La photo montre un exemple dans le lotissement<br />

<strong>de</strong>s Terrasses conçu en 1879-1880. Après<br />

les mutations <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> partie du XX e siècle, seuls<br />

<strong>de</strong>ux ou trois jardins ont survécu.<br />

Source : Google Maps, 2021<br />

Deux périmètres à forte valeur patrimoniale sont par ailleurs définis <strong>de</strong>puis 1961 pour y<br />

préserver les gabarits traditionnels : le Mont Saint-Martin et les rives <strong>de</strong> Meuse entre le<br />

pont <strong>de</strong>s Arches et le pont Maghin. De nouvelles dérogations en termes <strong>de</strong> gabarits sont<br />

néanmoins à nouveau intervenues avec l’émergence <strong>de</strong> projets <strong>de</strong> tours au cours <strong>de</strong>s<br />

années 1960. Une <strong>de</strong>s premières, la tour administrative <strong>de</strong> la Ville, a été érigée au cœur<br />

du centre-ville (En Potiérue) pour soutenir son renouveau. Le modèle <strong>de</strong> la rési<strong>de</strong>nce<br />

avec tour sur une base plus large est ensuite repris par plusieurs projets <strong>de</strong> promotion<br />

rési<strong>de</strong>ntielle établis sur <strong>de</strong>s sites d’angles : la tour à l’angle <strong>de</strong> la rue Grétry et du quai<br />

Churchill, la rési<strong>de</strong>nce Élysée entre les quais Churchill et Marcellis, la rési<strong>de</strong>nce Belvédère<br />

sur le quai Edouard Van Bene<strong>de</strong>n, la rési<strong>de</strong>nce Georges Simenon rue Méan… Les comman<strong>de</strong>s<br />

publiques adoptent aussi ce modèle : la rési<strong>de</strong>nce Lucien Brull pour l’Université<br />

sur le quai Go<strong>de</strong>froid Kurth, les tours <strong>de</strong> logements <strong>de</strong> La Maison Liégeoise situées rue<br />

Devant-les-Écoliers et rue <strong>de</strong>s Franchimontois (quartier Saint-Léonard)... Au total, une<br />

dizaine <strong>de</strong> tours émergent ainsi dans le centre-ville entre les années 1960 et le début <strong>de</strong>s<br />

années 1980, au gré d’opportunités foncières saisies par différents acteurs, sans qu’une<br />

réflexion paysagère d’ensemble n’ait été définie pour cadrer leur développement. De<br />

nouvelles propositions apparaîtront à plusieurs reprises au XXI e siècle, dont la tour <strong>de</strong>s<br />

Finances concrétisée à l’angle <strong>de</strong>s rues <strong>de</strong> Fragnée et Paradis ; celle-ci s’inscrivant cependant<br />

dans une réflexion d’ensemble, permettant <strong>de</strong> recréer <strong>de</strong> nouveaux espaces<br />

publics.<br />

4.6. Les grands ensembles <strong>de</strong> logements publics<br />

Pendant cette pério<strong>de</strong>, les sociétés <strong>de</strong> logements publics poursuivent la construction<br />

<strong>de</strong> nouveaux ensembles rési<strong>de</strong>ntiels. Pour l’agglomération <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, le projet le plus


historique <strong>urbanistique</strong><br />

89<br />

emblématique <strong>de</strong> cette pério<strong>de</strong> est l’aménagement, par la société La Maison Liégeoise,<br />

<strong>de</strong> la cité <strong>de</strong> Droixhe. L’ensemble <strong>de</strong> près <strong>de</strong> 2 000 logements publics fait l’objet d’une<br />

réflexion approfondie par les urbanistes du Groupe EGAU. La conception du quartier<br />

applique les principes <strong>de</strong> l’architecture et <strong>de</strong> l’urbanisme mo<strong>de</strong>rnes. Construites sur pilotis,<br />

les barres <strong>de</strong> logements sont espacées les unes <strong>de</strong>s autres pour garantir l’apport <strong>de</strong><br />

soleil, l’aération et la vue sur le grand parc central. L’ensemble est doté d’équipements<br />

collectifs nécessaires à la vie <strong>de</strong> quartier. Les circulations sont hiérarchisées, avec séparation<br />

<strong>de</strong>s voitures et <strong>de</strong>s piétons… La préservation <strong>de</strong>s qualités <strong>urbanistique</strong>s <strong>de</strong> la<br />

cité constitue d’ailleurs un <strong>de</strong>s enjeux du vaste programme <strong>de</strong> requalification en cours<br />

d’exécution <strong>de</strong>puis le début du XXI e siècle.<br />

les Tours rési<strong>de</strong>ntielles vues <strong>de</strong>puis le quai Paul Van Hoegaer<strong>de</strong>n<br />

Malgré l’augmentation <strong>de</strong>s gabarits autorisés, <strong>de</strong>s projets émergent au cours <strong>de</strong>s années 1960, qui visent <strong>de</strong><br />

nouvelles dérogations pour construire <strong>de</strong>s tours encore plus hautes. À l’exception <strong>de</strong> la cité administrative, il<br />

s’agit <strong>de</strong> tours rési<strong>de</strong>ntielles, comme les trois que nous découvrons ici en bordure <strong>de</strong>s quais. À gauche, la<br />

tour Simenon se trouve le long <strong>de</strong> la Dérivation. Les <strong>de</strong>ux autres bor<strong>de</strong>nt le quai Churchill. Elles privilégient les<br />

emplacements d’angle, marquant ainsi d’autant plus le paysage urbain.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

La cité <strong>de</strong> Droixhe<br />

1<br />

3<br />

2<br />

4<br />

L’organisation <strong>de</strong>s voiries du quartier <strong>de</strong> Droixhe a été<br />

définie dès les années 1930. C’est sur cette base<br />

que sont conçus les quatre îlots visibles à gauche<br />

(1), construits par l’initiative privée (maisons, petits<br />

immeubles à appartements). Le reste <strong>de</strong> l’ancienne<br />

plaine <strong>de</strong>s manœuvres a été approprié au cours <strong>de</strong>s<br />

années 1950, pour aménager une vaste cité <strong>de</strong> logements<br />

publics. L’ensemble est organisé autour d’un<br />

parc (2) et d’un pôle d’équipements collectifs (3).<br />

Les tours <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière phase, qui étaient situées du<br />

côté <strong>de</strong> l’avenue <strong>de</strong> la Croix Rouge (4) ont été démolies<br />

dans le cadre du projet <strong>de</strong> requalification en<br />

cours <strong>de</strong> développement <strong>de</strong>puis les années 2000. La<br />

photographie révèle le chantier <strong>de</strong> construction <strong>de</strong>s<br />

bâtiments qui vont les remplacer (séniorie et appartements<br />

classiques).<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2018 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme<br />

<strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>


90<br />

Aussi emblématique qu’il soit, le projet <strong>de</strong> Droixhe constitue une exception dans les pratiques<br />

liégeoises et même wallonnes. Contrairement à ce qui est observé dans les pays<br />

voisins à la même époque, les opérations <strong>de</strong> logements publics sont en effet généralement<br />

développées à une plus petite échelle en Belgique, la plupart <strong>de</strong>s ensembles ne<br />

déployant pas plus que quelques dizaines <strong>de</strong> logements. En parallèle au projet phare<br />

<strong>de</strong> Droixhe, La Maison Liégeoise poursuit ainsi le développement d’autres ensembles<br />

dans plusieurs quartiers péricentraux (Thier-à-<strong>Liège</strong>, Saint-Léonard, Cointe…). De<br />

même, les sociétés <strong>de</strong> logements agissant sur le territoire <strong>de</strong>s communes voisines<br />

continuent à développer plusieurs ensembles qui s’inspirent encore du modèle <strong>de</strong> la cité-jardin,<br />

les maisons individuelles étant souvent combinées avec <strong>de</strong> petits immeubles<br />

à appartements. Généralement, plusieurs phases <strong>de</strong> développement se succè<strong>de</strong>nt les<br />

unes à côté <strong>de</strong>s autres au fil <strong>de</strong>s décennies.<br />

La rue <strong>de</strong>s Écureuils dans la cité <strong>de</strong>s Bruyères à Cointe<br />

Conçue au milieu <strong>de</strong>s années 1950 pour la Maison<br />

Liégeoise, la cité <strong>de</strong>s Bruyères, à Cointe, associe <strong>de</strong>s<br />

maisons jumelées et <strong>de</strong>s petits immeubles à appartements.<br />

Les circulations sont hiérarchisées : voies<br />

en cul-<strong>de</strong>-sac pour les voitures, liaisons piétonnes à<br />

travers les espaces verts au centre du quartier.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong><br />

<strong>Liège</strong>, 2014<br />

La cité du Moulin à Glain<br />

Dans les communes autour <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> se mettent<br />

en place, au cours <strong>de</strong>s années 1950 et 1960, <strong>de</strong><br />

nombreux ensembles, <strong>de</strong> quelques dizaines <strong>de</strong> logements<br />

publics. Dans cet exemple à Glain, en application<br />

<strong>de</strong>s concepts d’urbanisme mo<strong>de</strong>rne, les petits<br />

immeubles <strong>de</strong> logements sont organisés selon un<br />

mo<strong>de</strong> d’implantation « ouvert » : les barres sont disposées<br />

au milieu d’une parcelle <strong>de</strong> pelouse, isolées<br />

les unes <strong>de</strong>s autres.<br />

Source : Google Maps, 2021<br />

Les quartiers <strong>de</strong> logements publics juxtaposent ainsi parfois <strong>de</strong>s bâtiments d’âges<br />

et d’aspects architecturaux différents, avec <strong>de</strong>s rapports aux zones d’abords et aux<br />

espaces publics qui évoluent d’une phase à l’autre (apparition <strong>de</strong>s aires pour le stationnement<br />

<strong>de</strong>s voitures à la place <strong>de</strong>s anciens jardinets). Peuvent être cités comme<br />

exemples les ensembles <strong>de</strong> la rue du Centenaire à Chênée, <strong>de</strong> la cité Demoitelle à<br />

Grivegnée ou du quartier <strong>de</strong>s Trixhes à Jupille. D’autres ensembles ont été conçus et<br />

construits en un temps plus resserré, ce qui crée <strong>de</strong>s ensembles architecturaux plus<br />

homogènes : cité Jules-Joseph Merlot à Bois-<strong>de</strong>-Breux, cité du Moulin à Glain, complexe<br />

du boulevard Sainte-Beuve à Burenville, cité <strong>de</strong>s Mésanges à Cointe, cité <strong>de</strong> la<br />

Fraternité à Sclessin… Au cours <strong>de</strong>s années 1960, la conception <strong>de</strong> ces ensembles<br />

bascule définitivement vers un mo<strong>de</strong> d’implantation « ponctuel » (immeubles isolés au<br />

milieu <strong>de</strong> la parcelle), qui remplace le modèle <strong>de</strong>s îlots fermés traditionnels encore présent<br />

une décennie plus tôt.


historique <strong>urbanistique</strong><br />

91<br />

4.7. Les lotissements <strong>de</strong> promotion privée<br />

Cet « émiettement » <strong>de</strong> la production <strong>de</strong>s espaces rési<strong>de</strong>ntiels se reflète également par la<br />

multiplication <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> lotissements d’initiative privée. Dans les espaces péricentraux,<br />

au cours <strong>de</strong>s années 1950 et 1960, la typologie dominante est encore celle <strong>de</strong> la maison<br />

mitoyenne « bel étage » établie sur une parcelle en lanière, et donc dotée à l’arrière d’un<br />

jardin plus long que large. Dans certains cas, une zone <strong>de</strong> recul est prévue <strong>de</strong>vant les faça<strong>de</strong>s<br />

avant, traitée avec un jardinet, mais aussi <strong>de</strong> plus en plus souvent avec une place <strong>de</strong><br />

stationnement ou avec la rampe d’accès au garage. À partir <strong>de</strong>s années 1960, un nouvel<br />

instrument <strong>urbanistique</strong> est appliqué pour accompagner ces développements : le permis<br />

<strong>de</strong> lotir. Sur le territoire <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> commune <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (après fusion), plus <strong>de</strong> 400 périmètres<br />

<strong>de</strong> lotissements vont ainsi être adoptés en quelques décennies.<br />

le clos reine astrid<br />

L’ancienne commune « villageoise » <strong>de</strong> Rocourt s’est<br />

fortement urbanisée à partir <strong>de</strong>s années 1950. Le<br />

lotissement rési<strong>de</strong>ntiel du Clos Reine Astrid associe<br />

<strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>s <strong>de</strong> maisons mitoyennes avec <strong>de</strong>s maisons<br />

jumelles et <strong>de</strong>s villas isolées.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong><br />

<strong>Liège</strong><br />

À partir <strong>de</strong>s années 1970, le modèle du pavillon isolé au milieu <strong>de</strong> son jardin (« villa à quatre<br />

faça<strong>de</strong>s ») s’impose dans <strong>de</strong> nombreux projets. Il est omniprésent dans les communes<br />

périphériques, mais est également repris dans <strong>de</strong>s projets situés à proximité du centre<br />

<strong>de</strong> l’agglomération. La <strong>de</strong>rnière phase <strong>de</strong> développement du plateau <strong>de</strong> Belleflamme à<br />

Grivegnée abandonnera ainsi le modèle <strong>de</strong> l’habitat mitoyen pour basculer dans celui <strong>de</strong><br />

la villa isolée (abords <strong>de</strong> l’avenue <strong>de</strong> la Paix et <strong>de</strong> la rue Belleflamme à Grivegnée).<br />

De nombreux permis <strong>de</strong> lotir ne contiennent que quelques parcelles ouvertes à l’urbanisation<br />

le long <strong>de</strong> rues existantes, sur <strong>de</strong>s terrains qui étaient restés libres <strong>de</strong> constructions.<br />

Plus rares, les gran<strong>de</strong>s opérations peuvent comprendre jusqu’à plusieurs dizaines<br />

<strong>de</strong> maisons. Ces ensembles révèlent une organisation d’ensemble cohérente à leur<br />

échelle : les parcelles à bâtir sont alors plus souvent délimitées le long <strong>de</strong> nouvelles rues<br />

aménagées par le lotisseur et la conception du nouveau quartier intègre même parfois<br />

<strong>de</strong>s espaces collectifs. Les hauteurs <strong>de</strong> Jupille et le village du Sart Tilman avaient aussi<br />

vu apparaître ce modèle du lotissement pavillonnaire dès les années 1950.<br />

Au cours <strong>de</strong> ces trois décennies <strong>de</strong> 1950 à 1980, la concrétisation <strong>de</strong> ces centaines<br />

<strong>de</strong> lotissement d’initiative privée et l’apparition <strong>de</strong> nouveaux ensembles <strong>de</strong> logements<br />

publics entraînent une dilatation <strong>de</strong> l’espace urbanisé. Plusieurs facteurs entraînent<br />

en outre une complexification <strong>de</strong> la structure <strong>de</strong> la ville préexistante : les chantiers <strong>de</strong><br />

réaménagement <strong>de</strong> voirie, les dizaines <strong>de</strong> projets <strong>de</strong> restructuration <strong>de</strong>s îlots anciens,<br />

et enfin les centaines <strong>de</strong> projets visant la substitution <strong>de</strong> bâtiments préexistants par <strong>de</strong>s<br />

immeubles neufs <strong>de</strong> gabarits plus élevés.


92<br />

4.8. La relocalisation <strong>de</strong>s grands équipements et <strong>de</strong>s activités économiques<br />

À ces constats s’ajoute néanmoins celui d’une plus gran<strong>de</strong> spécialisation fonctionnelle<br />

<strong>de</strong>s espaces, qui clarifie a contrario l’organisation <strong>de</strong> la ville dans une logique d’aménagement<br />

mo<strong>de</strong>rniste. Plusieurs grands équipements publics communaux sont ainsi relocalisés<br />

en périphérie. Le marché <strong>de</strong> gros du quai Sur-Meuse et les abattoirs localisés à<br />

la pointe <strong>de</strong> l’Île d’Outremeuse sont ainsi transférés à Droixhe. À la fin <strong>de</strong>s années 1970,<br />

l’État transfère la prison <strong>de</strong> Saint-Léonard à Lantin. La démolition du bâtiment historique<br />

du quartier Saint-Léonard crée un nouvel espace qui sera valorisé vers l’an 2000 par la<br />

création d’un emboîtement <strong>de</strong> nouveaux espaces publics (Esplana<strong>de</strong> Saint-Léonard).<br />

L’arsenal militaire <strong>de</strong> Rocourt, qui occupe un vaste périmètre au centre <strong>de</strong> l’ancien village,<br />

est quant à lui agrandi.<br />

L’esplana<strong>de</strong> Saint-Léonard, sur le site <strong>de</strong> l’ancienne prison<br />

1<br />

4<br />

3<br />

2<br />

5<br />

La prison principale <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> occupait un vaste périmètre qui séparait les quartiers d’origine médiévale et le<br />

quartier Saint-Léonard <strong>de</strong>puis la secon<strong>de</strong> moitié du XIX e siècle. Au début <strong>de</strong>s années 1980, le complexe carcéral<br />

est transférée en périphérie, dans le village <strong>de</strong> Lantin. Deux décennies plus tard, à l’aube du XXI e siècle,<br />

l’ancien site sera reconverti par différents espaces publics dans le cadre <strong>de</strong> « l’Esplana<strong>de</strong> Saint-Léonard » :<br />

pelouses (1), promena<strong>de</strong>s plantées (2), plans d’eau évoquant les darses <strong>de</strong>s remparts (3), zone <strong>de</strong> jeux (4),<br />

espace pour évènements (5).<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2018 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (extrait)


historique <strong>urbanistique</strong><br />

93<br />

Le complexe <strong>de</strong>s casernes <strong>de</strong> Rocourt vu du ciel<br />

1<br />

Au nord <strong>de</strong> la commune, une superficie importante au<br />

cœur <strong>de</strong> l’ancien village <strong>de</strong> Rocourt est occupée par<br />

les différents entrepôts <strong>de</strong> l’arsenal militaire. Le complexe<br />

s’étend <strong>de</strong>puis l’ancienne maison communale,<br />

sur la place Armand Longrée (1) jusqu’à l’autoroute (2).<br />

Source : Google Maps, 2021<br />

2<br />

La zone d’activités économiques <strong>de</strong> Droixhe<br />

1<br />

2<br />

Les vastes espaces disponibles à Droixhe ont été<br />

aménagés pour accueillir <strong>de</strong>s activités économiques<br />

après la Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale. La Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

a encouragé ce développement en y relocalisant le<br />

marché <strong>de</strong> gros alimentaire (1) et l’abattoir communal<br />

(2). L’espace non bâti en haut à gauche, près <strong>de</strong><br />

la cité <strong>de</strong> Droixhe, va accueillir au début <strong>de</strong>s années<br />

2020 un <strong>de</strong>s terminus et le centre <strong>de</strong> maintenance <strong>de</strong><br />

la ligne du tram, ainsi que le nouveau complexe <strong>de</strong>s<br />

halls <strong>de</strong>s foires.<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2018 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme<br />

<strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (extrait)<br />

4.9. La désindustrialisation <strong>de</strong>s quartiers anciens et l’apparition <strong>de</strong>s friches<br />

À partir <strong>de</strong>s années 1960, la relocalisation d’usines dans les nouveaux parcs d’activités<br />

économiques aménagés par la Société Provinciale d’Industrialisation (SPI) le long<br />

<strong>de</strong>s autoroutes au nord <strong>de</strong> l’agglomération (en-<strong>de</strong>hors du territoire communal) contribue<br />

aussi à la séparation spatiale <strong>de</strong>s fonctions. Elle entraîne une désindustrialisation <strong>de</strong>s<br />

anciens quartiers <strong>de</strong> production du cœur <strong>de</strong> la ville (Saint-Léonard, Longdoz, Bressoux,<br />

Grivegnée-Bas, Guillemins) où la fermeture ou le départ d’activités génère l’apparition<br />

<strong>de</strong> nombreuses friches. À partir <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières décennies du XX e siècle, certaines


94<br />

seront plus ou moins réappropriées par d’autres usages, comme par exemple le commissariat<br />

<strong>de</strong> police central établi sur le site <strong>de</strong>s usines Englebert, le centre commercial<br />

Belle-Île sur le site <strong>de</strong> l’Usine <strong>de</strong>s Conduites d’Eau, le parc commercial sur les anciens<br />

sites industriels <strong>de</strong> Grivegnée-Bas, le parc d’activité urbain sur le site Pieper dans le<br />

quartier Saint-Léonard, le complexe rési<strong>de</strong>ntiel sur le site <strong>de</strong>s Forges dans le même<br />

quartier, une séniorie sur le site <strong>de</strong>s anciennes usines Jaspar dans le centre-ville...<br />

D’autres sites restent à l’état <strong>de</strong> friches pendant plusieurs décennies, certaines constituant<br />

encore aujourd’hui <strong>de</strong>s opportunités <strong>de</strong> redéveloppement, comme par exemple :<br />

le site LBP dans le centre <strong>de</strong> Chênée (étu<strong>de</strong> <strong>urbanistique</strong> en cours) ou le site Balteau<br />

dans le quartier <strong>de</strong>s Guillemins (déjà en partie réapproprié par le Centre wallon du Design).<br />

Le traitement <strong>de</strong>s pollutions « historiques » héritées constitue un défi particulier<br />

pour le réaménagement <strong>de</strong> ces sites.<br />

La friche LBP dans le centre <strong>de</strong> Chênée<br />

1 2<br />

2<br />

Le « site LBP » est une vaste friche industrielle située<br />

dans le centre <strong>de</strong> Chênée. La localisation présente<br />

<strong>de</strong> nombreux atouts : proximité <strong>de</strong> plusieurs écoles<br />

et d’un pôle commerçant (en haut, hors cadre), présence<br />

d’une gare (1), passage du RAVeL (2), proximité<br />

<strong>de</strong>s rives <strong>de</strong> la Vesdre (3)… Cette réserve foncière<br />

constitue dès lors une « perle » dans la stratégie <strong>de</strong><br />

développement <strong>de</strong> la Ville. L’impact <strong>de</strong>s inondations<br />

<strong>de</strong> 2021 <strong>de</strong>vra néanmoins être intégré dans les futurs<br />

aménagements.<br />

Source : Google Maps, 2021<br />

La fermeture progressive au cours <strong>de</strong>s années 1950 et 1960 <strong>de</strong> tous les sites miniers<br />

situés au nord <strong>de</strong> la ville génère également l’apparition <strong>de</strong> nombreuses « friches charbonnières<br />

». Elle s’accompagne d’un bouleversement économique et social, et génère<br />

également <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s modifications du paysage dans les espaces concernés. La plupart<br />

<strong>de</strong>s bâtiments d’exploitation sont en effet démolis. Plus aucune Belle-Fleur n’existe<br />

ainsi aujourd’hui sur le territoire <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>. Les terrils subissent <strong>de</strong>s sorts divers. Certains<br />

sont arasés, comme celui <strong>de</strong> l’Aumonier qui est utilisé pour aménager les remblais <strong>de</strong> la<br />

nouvelle autoroute et <strong>de</strong> la sortie <strong>de</strong> Burenville. D’autres, laissés à leur sort, se couvrent<br />

d’une végétation arbustive : le cône noir se transforme alors en cône vert. Cette disparition<br />

<strong>de</strong>s charbonnages a également généré <strong>de</strong>s opportunités foncières <strong>de</strong> gran<strong>de</strong><br />

dimension. Certains sites ont été reconvertis <strong>de</strong>puis la fin du XX e siècle : développements<br />

rési<strong>de</strong>ntiels à l’emplacement du charbonnage d’En Haye (haut du Laveu et <strong>de</strong><br />

la rue Saint-Gilles), création d’un golf sur le site du charbonnage <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong> Bacnure<br />

(Bernalmont) au Thier à <strong>Liège</strong> (années 1990), nouvel hôpital du MontLégia sur le site <strong>de</strong><br />

l’ancien charbonnage <strong>de</strong> Patience et Beaujonc à Glain (2020). D’autres sites atten<strong>de</strong>nt<br />

que s’y concrétisent les projets <strong>de</strong> reconversion : site du charbonnage Espérance et<br />

Bonne Fortune à Burenville, charbonnage « Ans Rocourt » (nouvel emplacement provisoire<br />

pour le festival <strong>de</strong>s Ar<strong>de</strong>ntes), charbonnage <strong>de</strong> Sainte-Marguerite (réservé à <strong>de</strong>s<br />

développements rési<strong>de</strong>ntiels d’après le schéma directeur).


historique <strong>urbanistique</strong><br />

95<br />

Les vestiges du charbonnage du Bâneux à côté <strong>de</strong> la place Vivegnis<br />

Les vestiges construits <strong>de</strong>s charbonnages sont rares<br />

sur le territoire <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> : après la fermeture<br />

<strong>de</strong>s activités, les infrastructures ont presque toutes<br />

été démantelées. Nous découvrons ici <strong>de</strong>s constructions<br />

qui faisaient partie du charbonnage du Bâneux,<br />

aujourd’hui valorisées comme support d’une passerelle<br />

panoramique dans le cadre <strong>de</strong>s parcours <strong>de</strong> promena<strong>de</strong><br />

sur les coteaux.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong><br />

<strong>Liège</strong>, 2016<br />

Dans la partie centrale <strong>de</strong> la ville, sur l’axe reliant le centre-ville à la gare <strong>de</strong>s Guillemins, la<br />

tertiarisation <strong>de</strong> l’économie se traduit par ailleurs par la multiplication <strong>de</strong>s immeubles <strong>de</strong> bureaux<br />

à partir <strong>de</strong>s années 1970. Le long <strong>de</strong>s boulevards, les gran<strong>de</strong>s sociétés publiques et<br />

privées font construire <strong>de</strong> nouveaux immeubles pour répondre à leurs importants besoins en<br />

surfaces. De manière plus diffuse, <strong>de</strong> nombreuses maisons bourgeoises sont aussi reconverties<br />

en espace <strong>de</strong> travail dans cette même zone, en particulier dans les anciens quartiers<br />

bourgeois du Jardin botanique et <strong>de</strong> la place <strong>de</strong> Bronckart, où ils accueillent à la fois <strong>de</strong>s<br />

sociétés et <strong>de</strong> nombreuses professions libérales.<br />

4.10. La traduction <strong>urbanistique</strong> <strong>de</strong> la tertiarisation <strong>de</strong> l’économie<br />

Le complexe du Palais <strong>de</strong>s Congrès, esplana<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Europe<br />

l’ancien et le nouveau bâtiment <strong>de</strong> la cité administrative <strong>de</strong> l’État, rue Paradis<br />

Le cliché <strong>de</strong> gauche montre le complexe du Palais <strong>de</strong>s Congrès, du parking et <strong>de</strong> l’hôtel voisins après la<br />

rénovation <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier à la fin <strong>de</strong>s années 2010.<br />

La secon<strong>de</strong> photographie illustre une situation transitoire <strong>de</strong> 2014 : l’ancien complexe <strong>de</strong> la cité administrative <strong>de</strong><br />

l’État construit rue Paradis au cours <strong>de</strong>s années 1960 côtoie la tour qui va le remplacer à la fin <strong>de</strong>s années 2010.<br />

Le nouveau bâtiment, le plus élevé <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, constitue un jalon du nouvel axe <strong>de</strong> composition urbaine qui se<br />

déploie <strong>de</strong>puis le début <strong>de</strong> XXI e siècle entre la Médiacité, le parc <strong>de</strong> la Boverie et la nouvelle gare <strong>de</strong>s Guillemins.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, 2018 et 2014<br />

Afin <strong>de</strong> renforcer son statut <strong>de</strong> métropole <strong>de</strong> services, <strong>Liège</strong> se dote en outre <strong>de</strong> plusieurs<br />

nouveaux équipements. Un grand hall d’exposition est aménagé juste après la secon<strong>de</strong><br />

guerre mondiale sur le site <strong>de</strong> Coronmeuse. Dans la partie centrale <strong>de</strong> la Ville, c’est un<br />

nouveau Palais <strong>de</strong>s Congrès qui est inauguré en 1958 en bordure <strong>de</strong> Meuse, à l’entrée<br />

du parc <strong>de</strong> la Boverie. Il est relié aux métropoles européennes proches par un héliport


96<br />

aménagé sur l’autre rive. C’est dans ce contexte que la gare centrale <strong>de</strong>s Guillemins est<br />

mo<strong>de</strong>rnisée. À la fin <strong>de</strong>s années 1950, elle <strong>de</strong>vient le seul pôle <strong>de</strong> connexions pour le<br />

transport <strong>de</strong>s voyageurs. La gare du Longdoz est en effet fermée et son site fait l’objet<br />

d’un projet <strong>de</strong> reconversion par un ensemble immobilier commercial et rési<strong>de</strong>ntiel. La<br />

moitié <strong>de</strong> la rue Paradis est alors expropriée pour relier directement le bâtiment <strong>de</strong> la<br />

nouvelle station aux voies rapi<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s quais. La nouvelle cité administrative du Ministère<br />

<strong>de</strong>s Finances est érigée sur les espaces dégagés, mais le projet d’élargissement <strong>de</strong> voirie<br />

ne sera finalement jamais concrétisé.<br />

La maquette du campus universitaire du Sart Tilman<br />

La maquette du nouveau campus universitaire a été<br />

préparée par le bureau d’étu<strong>de</strong> L’Atelier du Sart-Tilman<br />

pour illustrer l’organisation du nouveau site universitaire<br />

qui se développe à partir du début <strong>de</strong>s années<br />

1960 dans le massif boisé. Les bâtiments d’enseignement<br />

et <strong>de</strong> recherche sont organisés le long d’un<br />

grand arc <strong>de</strong> cercle autour <strong>de</strong> la réserve naturelle <strong>de</strong><br />

la vallée du Blanc Gravier, que nous apercevons ici<br />

en haut <strong>de</strong> l’image. De vastes aires <strong>de</strong> parking sont<br />

prévues aux abords <strong>de</strong>s bâtiments universitaires.<br />

Source : U<strong>Liège</strong> - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la<br />

Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

4.11. Le campus universitaire du Sart Tilman<br />

C’est aussi grâce au soutien financier <strong>de</strong> l’État que peut être lancé le projet <strong>urbanistique</strong><br />

le plus ambitieux <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> en matière d’équipements publics : le transfert<br />

et le regroupement <strong>de</strong>s différentes facultés <strong>de</strong> l’Université sur un nouveau campus,<br />

créé ex nihilo au sommet <strong>de</strong> la colline Sart Tilman, au milieu <strong>de</strong> la forêt, au sud <strong>de</strong> la<br />

ville (à l’époque principalement sur le territoire <strong>de</strong> la commune d’Angleur). Le schéma<br />

d’aménagement du nouvel ensemble est conçu par L’Atelier du Sart-Tilman. Il prévoit<br />

l’implantation <strong>de</strong>s bâtiments le long d’un grand arc <strong>de</strong> cercle tracé autour <strong>de</strong> la vallée<br />

protégée du ruisseau du Blanc Gravier. Ce choix <strong>de</strong> localisation aura <strong>de</strong>s conséquences<br />

majeures en termes d’aménagement <strong>de</strong> la Ville, car l’Université entraîne dans<br />

son sillage la relocalisation du centre hospitalier universitaire, le développement <strong>de</strong> nouvelles<br />

infrastructures sportives (Blanc Gravier, Country Hall, terrain <strong>de</strong> golf), la création<br />

d’un parc d’activités scientifiques et, par corollaire, <strong>de</strong> développements commerciaux<br />

et rési<strong>de</strong>ntiels. La localisation <strong>de</strong> ce nouveau pôle dans un site isolé au sommet du<br />

versant, à une distance <strong>de</strong> plusieurs kilomètres du centre-ville va aussi générer <strong>de</strong>s<br />

besoins croissants en matière <strong>de</strong> mobilité et <strong>de</strong> stationnement.<br />

4.12. Les réflexions en termes <strong>de</strong> transport public<br />

Pour terminer ce panorama <strong>de</strong>s évolutions <strong>urbanistique</strong>s <strong>de</strong>s décennies d’après-guerre,<br />

il convient enfin d’évoquer les transports en commun. Le début du chapitre a montré,<br />

que, en termes <strong>de</strong> mobilité individuelle, la société <strong>de</strong>s années 1950 a tout misé sur l’essor<br />

<strong>de</strong> la voiture particulière. À partir <strong>de</strong> cette décennie, toutes les lignes <strong>de</strong> trams et <strong>de</strong>


historique <strong>urbanistique</strong><br />

97<br />

trolleybus qui avaient structuré l’organisation <strong>de</strong>s transports en commun liégeois <strong>de</strong>puis<br />

la fin du XIX e siècle sont démantelées et remplacées par <strong>de</strong> simples lignes <strong>de</strong> bus. À partir<br />

<strong>de</strong>s années 1960, <strong>de</strong>s projets pour installer un nouveau mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> transport public émergent<br />

néanmoins : safège aérien (tramway suspendu), métro souterrain, TAU (Transport<br />

Automatisé Urbain)… Certains <strong>de</strong> ces projets font l’objet <strong>de</strong> plans précis et se concrétisent<br />

par <strong>de</strong>s premiers travaux, mais aucun ne sera toutefois finalisé.<br />

Le SAFEGE ou tramway aérien<br />

Le métro suspendu a été une <strong>de</strong>s pistes investiguées<br />

à <strong>Liège</strong> au cours <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> moitié du XX e siècle<br />

pour améliorer la <strong>de</strong>sserte <strong>de</strong> la Ville par les transports<br />

en commun. Tout comme les projets <strong>de</strong> métro enterré,<br />

cette proposition n’a pas abouti.<br />

Source : www.safege.org<br />

4.13. L’émergence d’une métropole pluricommunale<br />

Au cours <strong>de</strong>s années 1930, les autorités locales avaient pris conscience que le développement<br />

<strong>de</strong> <strong>Liège</strong> ne pouvait plus être uniquement réfléchi à l’échelle <strong>de</strong> la seule<br />

commune centrale. Dans un contexte <strong>de</strong> déclin <strong>de</strong>s secteurs d’activités traditionnelles,<br />

<strong>de</strong>vant la concurrence économique exercée par les gran<strong>de</strong>s villes européennes (à<br />

commencer par les autres villes belges), au vu <strong>de</strong> la dilatation <strong>de</strong> l’espace urbanisé et<br />

en raison <strong>de</strong> l’échelle spatiale conséquente <strong>de</strong>s projets d’infrastructure à réaliser pour<br />

soutenir le développement <strong>de</strong> l’agglomération, il est apparu indispensable d’élaborer<br />

une stratégie d’aménagement à une échelle pluricommunale. Cette réflexion a abouti à<br />

la fondation en 1936 <strong>de</strong> l’a.s.b.l. «Le Grand <strong>Liège</strong>». Dans la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’après-guerre,<br />

cette structure va ainsi effectuer du lobbying auprès <strong>de</strong> l’État, par exemple pour obtenir<br />

les financements nécessaires aux nouveaux équipements publics précé<strong>de</strong>mment évoqués<br />

ou pour activer la concrétisation du programme <strong>de</strong> construction <strong>de</strong>s autoroutes<br />

et celui d’adaptation du réseau <strong>de</strong>s voies navigables.


98<br />

structure proposée par le bureau L’Équerre dans l’étu<strong>de</strong> « <strong>Liège</strong>, métropole régionale », au cours <strong>de</strong>s années 1960<br />

Source : « <strong>Liège</strong>, métropole régionale : options fondamentales <strong>de</strong> développement et d’aménagement », Groupe L’Équerre, 1966


historique <strong>urbanistique</strong><br />

99<br />

Au cours <strong>de</strong>s années 1950, Le Grand <strong>Liège</strong> comman<strong>de</strong> au bureau d’étu<strong>de</strong> L’Équerre la<br />

réalisation d’une vaste étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>vant aboutir à l’élaboration d’un schéma d’aménagement<br />

du territoire à l’échelle <strong>de</strong> la métropole. La première partie <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>, « L’enquête », présente<br />

une analyse fouillée <strong>de</strong> la structure existante du territoire. La réflexion initiée aboutit<br />

en 1966 avec la publication par le Ministère national <strong>de</strong>s Travaux publics (Administration <strong>de</strong><br />

l’Urbanisme et <strong>de</strong> l’Aménagement du Territoire) d’une étu<strong>de</strong> « <strong>Liège</strong>, métropole régionale :<br />

options fondamentales <strong>de</strong> développement et d’aménagement », qui concrétise <strong>de</strong>s recommandations<br />

thématiques. Les documents cartographiques <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong> développent le<br />

principe <strong>de</strong> zonage en auréoles concentriques autour du centre-ville. Parmi les grands objectifs<br />

énoncés figurent la concentration <strong>de</strong>s infrastructures majeures dans le centre-ville, la<br />

<strong>de</strong>nsification du centre pour y faire revenir <strong>de</strong>s habitants, ou encore la création <strong>de</strong> nouveaux<br />

espaces <strong>de</strong>stinés aux entreprises, dont les zones portuaires au nord <strong>de</strong> la ville. En termes<br />

d’orientation <strong>de</strong>s développements futurs, le schéma d’aménagement recomman<strong>de</strong> le développement<br />

<strong>de</strong> « pôles satellites » d’agglomération (Herstal, Chênée, Seraing, Jemeppe<br />

et Ans-Loncin), ainsi que celui <strong>de</strong> pôles satellites <strong>de</strong> soutien <strong>de</strong> la cité (Glain, Montegnée,<br />

Grivegnée, Bressoux, Vottem). La zone <strong>de</strong> Rocourt, principale polarité commerciale périphérique<br />

développée par la suite, n’y avait toutefois pas initialement été considérée.<br />

Évolution <strong>de</strong>s limites <strong>de</strong> la région urbaine <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> au cours <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> moitié du XX e siècle<br />

La croissance du territoire bâti <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> s’étend à <strong>de</strong> nombreuses communes voisines : l’espace urbanisé constitue à présent une agglomération<br />

pluricommunale.<br />

Source : popups.uliege.be/lafabrique<strong>de</strong>smetropoles, Christophe Breuer


100


historique <strong>urbanistique</strong><br />

101<br />

Synthèse <strong>de</strong>s principales transformations <strong>urbanistique</strong>s <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> au cours <strong>de</strong>s Trente Glorieuses (1950-1977)<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>


102


historique <strong>urbanistique</strong><br />

103<br />

Chapitre 5<br />

Des années 1980 à aujourd’hui :<br />

la concrétisation d’un nouvel urbanisme opérationnel<br />

5.1. Un changement d’échelle suite à la fusion <strong>de</strong>s communes<br />

La charnière entre la fin <strong>de</strong>s années 1970 et le début <strong>de</strong>s années 1980 constitue un tournant<br />

dans l’histoire <strong>urbanistique</strong> <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, comme dans son histoire tout court.<br />

Un premier fait majeur est la fusion <strong>de</strong>s communes, qui <strong>de</strong>vient effective au 1er janvier<br />

1977. Le territoire <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> l’autorité communale change subitement d’échelle, en<br />

incorporant plusieurs entités voisines. Le choix <strong>de</strong>s anciennes communes fusionnées résulte<br />

<strong>de</strong> nombreux arbitrages, avec <strong>de</strong>s résultats variables selon les agglomérations. Par<br />

rapport à d’autres gran<strong>de</strong>s villes belges, certains acteurs regretteront une fusion relativement<br />

« étroite » dans le cas <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, la plus gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> l’agglomération restant gérée<br />

par d’autres communes (contrairement par exemple à Namur, Charleroi et Gand, dont les<br />

nouvelles communes englobent l’essentiel <strong>de</strong> l’agglomération). Cette situation peut générer<br />

<strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> concurrence entre la commune centrale <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> et les communes voisines<br />

lors <strong>de</strong>s choix <strong>de</strong> localisation <strong>de</strong> grands équipements commerciaux.<br />

périmètre <strong>de</strong> la nouvelle commune <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> après la fusion <strong>de</strong> 1977<br />

Suite à la fusion <strong>de</strong>s communes, plusieurs grands<br />

équipements <strong>de</strong> rayonnement métropolitain sont incorporés<br />

au territoire communal liégeois : le sta<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> Rocourt, le sta<strong>de</strong> du Standard et les gran<strong>de</strong>s industries<br />

<strong>de</strong> Sclessin (localité détachée <strong>de</strong> l’ancienne<br />

commune d’Ougrée), le port pétrolier <strong>de</strong> Wandre,<br />

le nouveau campus universitaire du Sart Tilman (ancienne<br />

commune d’Angleur) et même un site hospitalier<br />

à Glain. Dans les cas <strong>de</strong> Chênée et <strong>de</strong> Jupille,<br />

c’est aussi la perspective <strong>de</strong> bénéficier <strong>de</strong>s retombées<br />

financières <strong>de</strong>s activités économiques (comme<br />

les usines Piedboeuf) qui a pu jouer en faveur <strong>de</strong> la<br />

fusion. Plus centrales, les anciennes communes <strong>de</strong><br />

Bressoux et <strong>de</strong> Grivegnée étaient « naturellement »<br />

<strong>de</strong>stinées à être absorbées par <strong>Liège</strong>, qui incorpore<br />

au passage son grand cimetière, établi sur le site <strong>de</strong><br />

Robermont. il n’y avait déjà plus <strong>de</strong> rupture entre l’urbanisation<br />

<strong>de</strong> ces entités et les quartiers bâti <strong>de</strong> la<br />

Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> <strong>de</strong>puis plusieurs décennies. Des ajustements<br />

<strong>de</strong>s limites avec d’autres communes ont<br />

également été effectués, ce qui implique le transfert à<br />

<strong>Liège</strong> <strong>de</strong> quelques îlots qui appartenaient auparavant<br />

à Ans ou à Herstal.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong><br />

<strong>Liège</strong> - Service <strong>de</strong> l’Aménagement


104<br />

Cette nouvelle organisation administrative <strong>de</strong>vait déboucher sur une gestion du développement<br />

territorial <strong>de</strong> la Commune dans un cadre spatial plus large qu’auparavant.<br />

Malheureusement, cette pério<strong>de</strong> coïnci<strong>de</strong> avec la « crise <strong>de</strong>s finances <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong><br />

<strong>Liège</strong> », qui contrarie le lancement <strong>de</strong> nouveaux projets d’envergure. Dans l’immédiat,<br />

il faut parer à <strong>de</strong>s problèmes très concrets comme la grève <strong>de</strong>s éboueurs ou le paiement<br />

<strong>de</strong>s salaires du personnel communal… et cela dans un contexte <strong>de</strong> crise économique<br />

générale et <strong>de</strong> réorganisation administrative du pays qui entraîne le transfert<br />

aux Régions <strong>de</strong>s compétences en aménagement du territoire. Les pouvoirs publics ne<br />

peuvent donc pas dégager tout <strong>de</strong> suite les moyens financiers nécessaires à la finalisation<br />

du projet <strong>de</strong> réaménagement <strong>de</strong> la place Saint-Lambert, au cœur <strong>de</strong> la Ville,<br />

alors que <strong>de</strong>s sommes colossales avaient été investies au cours <strong>de</strong> la décennie précé<strong>de</strong>nte<br />

dans les opérations d’expropriation <strong>de</strong> centaines d’immeubles situés autour <strong>de</strong><br />

la place, ainsi que dans le périmètre <strong>de</strong> la pénétrante autoroutière réalisée à travers le<br />

quartier Sainte-Marguerite.<br />

5.2. La reconstruction <strong>de</strong> la place Saint-Lambert<br />

Après la phase <strong>de</strong>s démolitions, les îlots arasés vont donc rester à l’état <strong>de</strong> friches<br />

pendant <strong>de</strong>ux décennies, causant un traumatisme au sein <strong>de</strong> la population. Le « syndrome<br />

du trou <strong>de</strong> la Place Saint-Lambert » est associé à une déprime collective face<br />

à la <strong>de</strong>struction du cœur <strong>de</strong> la cité et à l’impossibilité <strong>de</strong> le reconstruire rapi<strong>de</strong>ment.<br />

L’état d’apparent abandon du centre-ville n’est par ailleurs pas très attrayant pour les<br />

investisseurs ou les visiteurs. À ces constats, il faut ajouter les hésitations techniques<br />

et stratégiques sur les gran<strong>de</strong>s options en matière d’urbanisme, le choix du tracé <strong>de</strong>s<br />

réseaux, les solutions à adopter pour les sous-sols, les formes à conférer aux espaces<br />

publics et aux bâtiments à reconstruire en surface… Plusieurs propositions différentes<br />

vont ainsi se succé<strong>de</strong>r. Les immeubles <strong>de</strong> bureaux prévus <strong>de</strong>vant la faça<strong>de</strong> du palais<br />

provincial seront ainsi démolis alors que leur construction avait à peine débuté.<br />

Plan d’aménagement <strong>de</strong> la place Saint-Lambert et <strong>de</strong> ses abords, <strong>de</strong>ssiné par l’Atelier du Sart Tilman et adopté à la fin <strong>de</strong>s années 1980<br />

2<br />

2<br />

5<br />

4<br />

6<br />

Le parti finalement concrétisé est <strong>de</strong> reconstituer une<br />

structure urbaine traditionnelle avec <strong>de</strong>s îlots fermés.<br />

L’îlot Saint-Michel sera inauguré en 2000 (1). Il faudra<br />

attendre le milieu <strong>de</strong>s années 2010 pour que soit<br />

concrétisée la construction <strong>de</strong>s annexes du palais <strong>de</strong><br />

justice (2). Le sud <strong>de</strong> la place, <strong>de</strong>vant les vitrines <strong>de</strong>s<br />

grands magasins, est aménagé en espace piétonnier<br />

(3). Un parking souterrain est conçu sous les vestiges<br />

archéologiques maintenus en place (4). La circulation<br />

<strong>de</strong>s bus emprunte les tunnels à partir <strong>de</strong> la « casquette<br />

» (5). Le projet d’un théâtre sur l’îlot Tivoli (6) ne<br />

sera pas concrétisé.<br />

1<br />

3<br />

Source : Atelier du Sart-Tilman - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme<br />

<strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>


historique <strong>urbanistique</strong><br />

105<br />

La frange ouest <strong>de</strong> la nouvelle place Saint-Lambert<br />

Il faut attendre la prise en main <strong>de</strong> la coordination du dossier par Clau<strong>de</strong> Strebelle,<br />

et son bureau L’Atelier du Sart-Tilman, pour qu’un projet définitif puisse faire l’objet<br />

d’un consensus entre les acteurs. À partir <strong>de</strong> 1995, l’idée est <strong>de</strong> reconstituer <strong>de</strong>s îlots<br />

et <strong>de</strong> mettre en valeur le Palais et l’Opéra dans <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> perspectives. La place<br />

Saint-Lambert est aménagée pour séparer les différents types <strong>de</strong> circulations : piétons<br />

(<strong>de</strong>vant les grands magasins), voitures (axe qui contourne la place) et bus (lignes<br />

passant en tunnels). Inauguré en 1999, l’îlot Saint-Michel est reconstruit sous la forme<br />

d’un complexe <strong>de</strong> promotion privée associant commerces, bureaux et logements. L’îlot<br />

<strong>de</strong>s grands magasins est restructuré en centre commercial en 2004. Au début <strong>de</strong> la<br />

décennie 2010, sont érigés les nouveaux bâtiments du palais <strong>de</strong> justice. Plus <strong>de</strong> quatre<br />

décennies après les démolitions, le projet n’est cependant pas encore terminé, puisque<br />

la reconstruction <strong>de</strong> la nouvelle gare du palais (<strong>de</strong>venue « <strong>Liège</strong> Saint-Lambert ») n’a<br />

pas encore démarré et qu’une solution d’aménagement définitive n’a pas encore été<br />

<strong>de</strong>ssinée pour l’îlot Tivoli, entre la place Saint-Lambert <strong>de</strong> la place du Marché.<br />

2<br />

2<br />

4<br />

3<br />

1<br />

5<br />

Une <strong>de</strong>s sorties du tunnel <strong>de</strong>s bus est visible au milieu <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong> Bruxelles (1). Les extensions du palais <strong>de</strong> justice ont été construites <strong>de</strong><br />

part et d’autre cette la voirie (2). Elles sont reliées par une nouvelle passerelle piétonne (3). Une partie <strong>de</strong>s bâtiments a été conçue selon<br />

la logique <strong>de</strong> l’urbanisme « sur dalle », en couvrant les lignes <strong>de</strong> chemin <strong>de</strong> fer (4). Les quatre parties <strong>de</strong> l’îlot Saint-Michel sont organisées<br />

autour <strong>de</strong> nouvelles rues piétonnes intérieures (5).<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2018 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (extrait)<br />

Au cours <strong>de</strong>s années 1980 et 1990, les grands réseaux routiers mis en place précé<strong>de</strong>mment<br />

n’évoluent presque plus. Il faut attendre l’année 2000 pour assister à la<br />

concrétisation du projet <strong>de</strong> liaison E25-E40 par la succession du tunnel <strong>de</strong> Cointe,<br />

d’un nouveau pont sur la Meuse et <strong>de</strong> tranchées à Angleur. L’ouverture <strong>de</strong> ce nouveau<br />

segment autoroutier ne soulagera toutefois pas longtemps le trafic <strong>de</strong>s grands axes<br />

centraux, en particulier <strong>de</strong>s quais <strong>de</strong> Meuse et <strong>de</strong> la Dérivation où les flux continueront<br />

à progresser.


106<br />

5.3. Le décrochage <strong>de</strong> certains quartiers centraux<br />

Ce réseau <strong>de</strong> voies rapi<strong>de</strong>s reliant le centre-ville à la périphérie a facilité, pendant ces<br />

quatre <strong>de</strong>rnières décennies, la poursuite du mouvement <strong>de</strong> périurbanisation <strong>de</strong>s ménages<br />

et <strong>de</strong>s activités, qui quittent dans <strong>de</strong>s proportions importantes la commune<br />

centrale pour s’installer dans <strong>de</strong>s communes voisines ou plus lointaines. Sur le plan<br />

socio-rési<strong>de</strong>ntiel, ce processus sélectif a engendré une paupérisation relative <strong>de</strong> la<br />

Ville, qui se traduit plus particulièrement par une dégradation <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie<br />

dans certains quartiers anciens : disparition d’entreprises et <strong>de</strong> commerces, apparition<br />

<strong>de</strong> friches, dégradations <strong>de</strong>s espaces publics sacrifiés à la voiture, dégradation<br />

<strong>de</strong>s bâtiments par déficit d’entretien, faça<strong>de</strong>s historiques négligées, division d’anciens<br />

immeubles en petits logements peu confortables, cas <strong>de</strong> « marchands <strong>de</strong> sommeil »,<br />

concentration <strong>de</strong> ménages précarisés… Le déclin a parfois été renforcé par les choix<br />

<strong>urbanistique</strong>s <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> précé<strong>de</strong>nte, qui ont placé certains quartiers « à l’écart » :<br />

le quartier Sainte-Marguerite a été éventré par une voie rapi<strong>de</strong>, alors que le quartier<br />

Saint-Léonard a été dépossédé <strong>de</strong> ses rives <strong>de</strong> Meuse par l’aménagement d’une voie<br />

rapi<strong>de</strong> sur le quai et par une barrière <strong>de</strong> hauts immeubles à appartements. En plein<br />

centre-ville, les hésitations autour <strong>de</strong> la reconstruction <strong>de</strong> la place Saint-Lambert ont<br />

entraîné par ricochet un état <strong>de</strong> quasi-abandon <strong>de</strong>s îlots qui la séparent <strong>de</strong>s rives<br />

<strong>de</strong> Meuse (autour <strong>de</strong> la rue Léopold et <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong> la Cathédrale). Cette partie du<br />

centre-ville a également été confrontée à une déprise <strong>de</strong> la fonction commerciale : l’hypercentre<br />

s’est rétracté vers le Vinâve d’Île et le Carré, du fait <strong>de</strong>s barrières physiques<br />

générées par les grands travaux, du transfert <strong>de</strong>s activités du commerce <strong>de</strong> gros à<br />

Droixhe, mais aussi à cause du développement rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’offre commerciale <strong>de</strong>s nouvelles<br />

polarités périphériques.<br />

La rue d’Amercœur<br />

Axe <strong>de</strong> faubourg historique d’origine médiévale, la rue d’Amercœur a toujours<br />

structuré le quartier. Au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières décennies, plusieurs évolutions négatives<br />

y ont été constatées : trafic automobile trop important, disparition <strong>de</strong> la<br />

fonction commerciale, reconversion peu qualitative <strong>de</strong>s anciens rez-<strong>de</strong>-chaussée<br />

commerçants, division excessive en petits logements, dégradation du bâti, apparition<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>nts creuses, panneaux publicitaires envahissants… En 2020, la<br />

revalorisation <strong>de</strong> cet espace se trouve ainsi au cœur du projet <strong>urbanistique</strong> du<br />

périmètre <strong>de</strong> rénovation urbaine.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, 2017


historique <strong>urbanistique</strong><br />

107<br />

5.4. La poursuite du mouvement <strong>de</strong> périurbanisation<br />

Sur le territoire communal, une immense polarité commerciale nouvelle s’est constituée<br />

<strong>de</strong>puis les années 1970 autour <strong>de</strong> l’hypermarché Cora à Rocourt (ouverture en 1972),<br />

tandis que d’autres concentrations <strong>de</strong> moyennes surfaces sont apparues à Bois-<strong>de</strong>-<br />

Breux ou le long du boulevard dit <strong>de</strong> l’automobile. Mais <strong>de</strong> nombreuses autres polarités<br />

commerciales se sont aussi développées dans les communes voisines. En corollaire,<br />

afin <strong>de</strong> soutenir le centre-ville commerçant, les voiries y ont été progressivement transformées<br />

en un vaste piétonnier. Notamment afin d’éviter que <strong>de</strong> nouveaux développements<br />

ne viennent concurrencer les quartiers commerçants existants, un schéma<br />

<strong>de</strong> développement commercial est adopté à l’échelle <strong>de</strong> la Ville au cours <strong>de</strong>s années<br />

2000, qui délimite les polarités et vise à conforter leur spécialisation.<br />

La stratégie <strong>de</strong> développement <strong>de</strong>s polarités commerciales d’après le schéma <strong>de</strong> développement commercial <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

Selon la configuration actuelle <strong>de</strong>s polarités, leur<br />

dynamisme et leur positionnement dans la structure<br />

<strong>urbanistique</strong> <strong>de</strong> la Ville, différentes orientations sont<br />

données. Des potentiels <strong>de</strong> développement sont par<br />

exemple i<strong>de</strong>ntifiés le long <strong>de</strong> la nouvelle esplana<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s Guillemins. L’hypercentre et son prolongement<br />

vers le cœur historique doivent être confortés, tout<br />

comme les polarités secondaires <strong>de</strong> Chênée et <strong>de</strong><br />

Bois-<strong>de</strong>-Breux.<br />

Source : Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> - Département du développement<br />

économique et commercial


108<br />

L’âge du bâti dans le centre <strong>de</strong> l’agglomération <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>.<br />

La carte renseigne la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> construction <strong>de</strong>s immeubles. Au cours <strong>de</strong>s cinquante <strong>de</strong>rnières années,l’urbanisation a fortement progressé en-<strong>de</strong>hors<br />

<strong>de</strong> la commune <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>. Il s’agit notamment <strong>de</strong> lotissements rési<strong>de</strong>ntiels (par exemple à Boncelles et Beaufays, au sud <strong>de</strong> l’agglomération),<br />

mais l’emprise spatiale <strong>de</strong>s parcs d’activités économiques le long <strong>de</strong> l’arc périphérique nord est également très importante (Alleur, Rocourt, Milmort,<br />

Hauts Sarts, Chertal…). Sur le territoire communal liégeois, nous retrouvons les espaces <strong>de</strong> Wandre, Monsin et Droixhe, dont les sites d’activités<br />

ont été déployés après la secon<strong>de</strong> guerre mondiale. Les couleurs foncées dans le centre-ville correspon<strong>de</strong>nt aux espaces remaniés à partir <strong>de</strong>s<br />

années 1950 : bordure <strong>de</strong>s grands axes (immeubles à appartements <strong>de</strong> haut gabarits), avenue Maurice Destenay, abords <strong>de</strong> la place Saint-Lambert,<br />

boulevard <strong>de</strong> l’automobile (commerces), cœur du quartier du Longdoz (complexe <strong>de</strong> la Médiacité), axe Guillemins-Boverie (avec la nouvelle gare).<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>


historique <strong>urbanistique</strong><br />

109<br />

Au cours <strong>de</strong>s années 1980 à 2000, <strong>de</strong> nombreux lotissements rési<strong>de</strong>ntiels organisés<br />

à petite et moyenne échelle sur le modèle <strong>de</strong> la maison isolée ou semi-mitoyenne<br />

continuent à se mettre en place dans les espaces plus périphériques <strong>de</strong> la commune,<br />

notamment sur les plateaux <strong>de</strong> Rocourt, Jupille et du Sart Tilman. Ils ne répon<strong>de</strong>nt<br />

qu’à une partie <strong>de</strong>s besoins <strong>de</strong>s « candidats périurbains » et ne parviennent pas à<br />

compenser la baisse démographique <strong>de</strong> la nouvelle commune. Parallèlement, au cours<br />

<strong>de</strong>s années 1980 et 1990, la dynamique <strong>de</strong> construction d’immeubles à appartements<br />

dans le centre-ville ralentit, ce qui témoigne <strong>de</strong> la frilosité <strong>de</strong>s investisseurs face au<br />

faible pouvoir d’attraction <strong>de</strong> la Ville pendant ces <strong>de</strong>ux décennies.<br />

Les nouveaux lotissements rési<strong>de</strong>ntiels à Rocourt<br />

Dans les espaces plus périphériques <strong>de</strong> la commune,<br />

<strong>de</strong> nombreux lotissements continuent à se mettre en<br />

place, d’une taille moyenne <strong>de</strong> quelques maisons à<br />

quelques dizaines <strong>de</strong> logements. Comme dans ces<br />

exemples du centre <strong>de</strong> Rocourt, les projets viennent<br />

« remplir » <strong>de</strong>s poches <strong>de</strong> terrains encore disponibles<br />

au sein d’espaces déjà urbanisés. Le « clef-sur-porte »<br />

<strong>de</strong>vient le mo<strong>de</strong> dominant d’accession à la propriété :<br />

plutôt que d’acheter un terrain comme autrefois, les familles<br />

achètent aux sociétés <strong>de</strong> promotion une maison<br />

déjà construite. Les ensembles uniquement composés<br />

<strong>de</strong> maisons isolées <strong>de</strong>viennent rares : la part <strong>de</strong>s<br />

maisons mitoyennes et <strong>de</strong>s petits immeubles à appartements<br />

est majoritaire dans les opérations actuelles.<br />

Source : Google Maps, 2021<br />

La périurbanisation concerne d’autres secteurs d’activités. La fin du transfert <strong>de</strong>s facultés<br />

universitaires vers le campus du Sart Tilman aboutit à l’abandon du site du Val<br />

Benoît à la fin <strong>de</strong>s années 1990. La relocalisation <strong>de</strong>s activités hospitalières dans les<br />

nouveaux hôpitaux <strong>de</strong> la Cita<strong>de</strong>lle et du Sart Tilman a transformé en friche le site <strong>de</strong><br />

l’ancien hôpital <strong>de</strong> Bavière en Outremeuse dès les années 1980.<br />

5.5. L’arrivée du TGV, la refonte du quartier <strong>de</strong>s Guillemins et le nouvel<br />

axe métropolitain<br />

Le choix effectué au cours <strong>de</strong>s années 1990 <strong>de</strong> faire passer le TGV au cœur <strong>de</strong> la Ville<br />

va avoir <strong>de</strong>s conséquences importantes pour le paysage <strong>urbanistique</strong> du quartier <strong>de</strong>s<br />

Guillemins. En raison d’exigences techniques liées à l’arrivée du train à gran<strong>de</strong> vitesse<br />

(quais rectilignes indispensables), il est en effet décidé <strong>de</strong> reconstruire la gare en déplaçant<br />

légèrement son implantation vers le quartier <strong>de</strong> Fragnée. Le nouveau bâtiment<br />

n’est plus positionné dans l’axe historique <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong>s Guillemins, ce qui nécessite un<br />

remaniement <strong>de</strong>s espaces publics. Dans un premier temps, est prévu l’aménagement<br />

d’une place triangulaire <strong>de</strong> taille moyenne <strong>de</strong>vant la nouvelle station. Mais un vaste périmètre<br />

a été exproprié pour le chantier et certains acteurs estiment que cette solution<br />

n’est pas assez ambitieuse au vu <strong>de</strong>s opportunités du site, en considérant aussi la<br />

gare-monument conçue par l’architecte Santiago Calatrava. Le projet d’aménagement<br />

est donc revu et débouche, au milieu <strong>de</strong>s années 2000, sur la validation par les autorités<br />

du principe <strong>de</strong> développer un nouvel « axe métropolitain » est-ouest reliant la gare<br />

au nouveau pôle <strong>de</strong> la Médiacité (inaugurée la même année que la gare, en 2009), en<br />

passant par le parc <strong>de</strong> la Boverie.


110<br />

La concrétisation effective <strong>de</strong> ce projet marque le début d’un renouveau <strong>de</strong> la partie<br />

centrale <strong>de</strong> la Ville. Il s’agit en effet <strong>de</strong> relier <strong>de</strong> nombreux équipements <strong>de</strong> rayonnement<br />

métropolitain. Ouverte à la fin <strong>de</strong>s années 2000 en reconvertissant la friche <strong>de</strong>s anciennes<br />

usines métallurgiques d’Espérance-Longdoz, la Médiacité associe une galerie<br />

commerciale, la nouvelle patinoire <strong>de</strong> la Ville et les nouveaux studios <strong>de</strong> la RTBF. Dans<br />

le parc <strong>de</strong> la Boverie, à proximité du Palais <strong>de</strong>s Congrès, l’ancien Palais <strong>de</strong>s Beaux-<br />

Arts <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> est restauré et agrandi pour accueillir le nouveau « musée<br />

Boverie » (collections artistiques permanentes et espaces d’expositions temporaires).<br />

Ces grands équipements sont reliés à la gare par une nouvelle passerelle cyclo-pé<strong>de</strong>stre<br />

au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la Meuse, bientôt prolongée d’une esplana<strong>de</strong> le long <strong>de</strong> la rue<br />

Paradis, accueillant une nouvelle ligne <strong>de</strong> tram. Le nouveau schéma d’aménagement<br />

permet aussi la construction en début d’esplana<strong>de</strong> d’une « émergence d’échelle métropolitaine<br />

». Elle se concrétise par la nouvelle tour du ministère <strong>de</strong>s Finances, dont la<br />

haute silhouette marque fortement le panorama <strong>de</strong>s rives <strong>de</strong> Meuse. Enfin, ce projet<br />

se double d’un réaménagement <strong>de</strong>s voies rapi<strong>de</strong>s le long <strong>de</strong>s quais et <strong>de</strong>s espaces<br />

<strong>de</strong>s berges, au bénéfice <strong>de</strong>s piétons, habitants et visiteurs (espace <strong>de</strong> promena<strong>de</strong> et<br />

bancs). Ces différents projets sont rendus possibles, dans un délai maitrisé, par l’intervention<br />

conjointe <strong>de</strong> différentes autorités : la Ville, la Région wallonne (en charge <strong>de</strong>s<br />

grands axes routiers et <strong>de</strong> la validation <strong>de</strong>s plans), mais aussi l’Union Européenne via<br />

l’octroi <strong>de</strong> subventions FEDER.<br />

Le nouvel axe métropolitain entre la gare <strong>de</strong>s Guillemins et le parc <strong>de</strong> la Boverie<br />

1<br />

4<br />

2<br />

5<br />

3<br />

6<br />

Après la décision <strong>de</strong> construire la gare sur un nouvel emplacement, la création d’une place triangulaire <strong>de</strong>vant le nouveau bâtiment a d’abord été<br />

définie (1). La vision d’aménagement a ensuite été revue au cours <strong>de</strong>s années 2000, avec l’objectif <strong>de</strong> créer un vaste espace public mettant<br />

en relation la gare et la Meuse, et <strong>de</strong> constituer un axe <strong>de</strong> développement (2) menant jusqu’au site <strong>de</strong> la Médiacité en rive droite. Les espaces<br />

<strong>de</strong> pelouse visibles au centre <strong>de</strong> la photographie <strong>de</strong>vraient ainsi être aménagés en une promena<strong>de</strong> publique jusqu’à la nouvelle passerelle (3),<br />

tandis que <strong>de</strong> nouveaux ensembles immobiliers vont émerger sur les espaces constructibles <strong>de</strong>rrière la tour <strong>de</strong> la cité <strong>de</strong>s Finances (4), à commencer<br />

par le projet « Paradis Express » à partir <strong>de</strong> 2020 (bureaux, logements et commerces). Les voiries <strong>de</strong>s quais ont déjà été complètement<br />

réaménagées, dans une configuration plus propice aux usagers lents (5), tandis qu’une promena<strong>de</strong> publique bor<strong>de</strong> la Meuse (6).<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2018 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (extrait)


historique <strong>urbanistique</strong><br />

111<br />

5.6. La dynamisation <strong>de</strong>s quartiers centraux et les programmes <strong>de</strong> rénovation<br />

urbaine<br />

Dans le centre-ville, la concrétisation d’un aménagement définitif sur le site <strong>de</strong> la place<br />

Saint-Lambert se traduit dès 1995 par le retour <strong>de</strong> la confiance <strong>de</strong>s investisseurs. Les<br />

îlots commerciaux au sud <strong>de</strong> la place sont entièrement restructurés dans le cadre<br />

du vaste projet immobilier <strong>de</strong>s Galeries Saint-Lambert (commerces et logements), lequel<br />

s’accompagne <strong>de</strong> la création d’une nouvelle place entièrement piétonne, la place<br />

Saint-Etienne, une gran<strong>de</strong> première <strong>de</strong>puis le XIX e siècle.<br />

Les galeries saint-lambert<br />

2<br />

1<br />

L’aménagement <strong>de</strong> l’îlot <strong>de</strong>s Galeries Saint-Lambert<br />

au cours <strong>de</strong>s années 2000 (1) a impliqué la suppression<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux anciennes ruelles du domaine public.<br />

Au sud, l’ancienne annexe du Grand Bazar a été<br />

démolie, permettant la création d’une place (2). Son<br />

financement est pris en charge par les pouvoirs publics<br />

dans le cadre d’un périmètre <strong>de</strong> « revitalisation<br />

urbaine », en parallèle à l’investissement <strong>de</strong>s acteurs<br />

privés dans le nouveau complexe immobilier (un<br />

centre commercial sur quatre niveaux et quelques logements<br />

dans les étages supérieurs).<br />

Source : Jean-Luc Deru, 2018 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme<br />

<strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (extrait)<br />

Lancés à la fin <strong>de</strong>s années 1990, les programmes <strong>de</strong> rénovation urbaine <strong>de</strong>s quartiers<br />

« prioritaires » <strong>de</strong> Saint-Léonard et <strong>de</strong> Sainte-Marguerite commencent à porter leurs<br />

fruits à partir <strong>de</strong>s années 2000. Soutenus par les moyens financiers <strong>de</strong> la Région wallonne,<br />

ces programmes appliquent en Cité ar<strong>de</strong>nte une nouvelle vision <strong>de</strong>s politiques<br />

d’aménagement qualifiées « d’urbanisme opérationnel ». Il ne s’agit plus uniquement<br />

<strong>de</strong> prescrire ce qui peut être bâti et comment, mais bien <strong>de</strong> définir puis d’appliquer<br />

une stratégie d’intervention directe <strong>de</strong>s pouvoirs publics, avec <strong>de</strong>s investissements<br />

prioritaires en matière d’espaces publics, <strong>de</strong> logements voire d’espaces pour l’accueil<br />

<strong>de</strong>s activités économiques. Basés sur une étu<strong>de</strong> approfondie <strong>de</strong>s différentes facettes<br />

du quartier et concertés avec <strong>de</strong>s acteurs locaux, les schémas directeurs fournissent<br />

une vision claire du <strong>de</strong>venir du quartier, permettant également <strong>de</strong> gui<strong>de</strong>r les actions<br />

complémentaires <strong>de</strong>s investisseurs privés.<br />

Dans le quartier Sainte-Marguerite, en 2020, sont ainsi par exemple déjà concrétisés la<br />

création <strong>de</strong> logements qualitatifs dans <strong>de</strong>s anciens bâtiments réhabilités (îlots Firquet),<br />

la construction d’une nouvelle mairie et d’un nouveau pôle <strong>de</strong> service public, l’aménagement<br />

d’un nouveau parc public (Sainte-Agathe), la construction d’un complexe<br />

d’une centaine <strong>de</strong> logements mixtes sur le site <strong>de</strong>s Franciscains, la reconstruction<br />

d’une partie <strong>de</strong>s îlots autour du carrefour du Cadran… De nombreux défis sont néanmoins<br />

encore à relever dans le quartier, particulièrement autour du secteur <strong>de</strong> Fontainebleau<br />

: la reconversion <strong>de</strong> l’ancien hôpital Saint-Joseph, la gestion <strong>de</strong> l’héritage<br />

<strong>de</strong> l’urbanisme mo<strong>de</strong>rniste <strong>de</strong>s années 1960-1970 avec la requalification du carrefour<br />

« autoroutier », la transformation <strong>de</strong> la voie rapi<strong>de</strong> en boulevard urbain, la reconstruction<br />

<strong>de</strong> nouveaux îlots <strong>de</strong> logement, l’aménagement du pied <strong>de</strong> colline…


112<br />

La proposition <strong>de</strong> restructuration du site Fontainebleau dans le projet <strong>de</strong> rénovation urbaine <strong>de</strong> Sainte-Marguerite actualisé en 2016<br />

Le schéma d’intention n’est pas un plan définitif. Il indique<br />

les orientations à suivre pour la requalification<br />

<strong>de</strong>s espaces publics (réduction <strong>de</strong>s emprises du carrefour<br />

Fontainebleau) et pour le développement <strong>de</strong>s<br />

nouveaux ensembles bâtis. Une partie <strong>de</strong>s nouveaux<br />

bâtiments <strong>de</strong>vrait pouvoir cicatriser le tissu urbain qui<br />

avait été tranché par la voie rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s années 1970.<br />

Source : Pluris-Bianchet-Transitec-Gesplan - Service<br />

du Logement <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

De même, dans le quartier Saint-Léonard, les investissements réalisés dans le cadre du<br />

projet <strong>de</strong> rénovation urbaine construisent une nouvelle image positive qui a contribué à<br />

l’apparition d’une nouvelle dynamique rési<strong>de</strong>ntielle et économique. Relevons l’aménagement<br />

<strong>de</strong> l’esplana<strong>de</strong> Saint-Léonard, celui <strong>de</strong> la place Vivegnis, la nouvelle passerelle<br />

« Léon Tchiniss » au-<strong>de</strong>ssus du chemin <strong>de</strong> fer, plusieurs ensembles <strong>de</strong> logements publics<br />

(Pied du Thier-à-<strong>Liège</strong>, cour Poblete, rue Saint-Léonard, rue <strong>de</strong>s Mariniers…) et<br />

encore les équipements encourageant la fixation <strong>de</strong> nouvelles activités <strong>de</strong> production<br />

(parc d’activité du site Pieper, ateliers d’artistes du RAVI). La partie occi<strong>de</strong>ntale du quartier<br />

retrouve un nouvel attrait pour les familles. D’autres projets <strong>de</strong> (re-)construction ou<br />

<strong>de</strong> transformation y sont à présent menés par le secteur privé.<br />

En contraste avec les opérations <strong>de</strong> « rénovation » urbaine <strong>de</strong>s Trente Glorieuses, basées<br />

sur le modèle <strong>de</strong> la table rase, ces différents projets sont réalisés dans une approche<br />

<strong>urbanistique</strong> beaucoup plus fine. Il s’agit en effet d’appliquer au tissu urbain<br />

<strong>de</strong>s interventions « chirurgicales » dans le respect <strong>de</strong> sa structure et <strong>de</strong> son i<strong>de</strong>ntité, en<br />

combinant plusieurs types d’interventions : rénovation du bâti existant, décongestion<br />

<strong>de</strong>s intérieurs d’îlots, reconversion et/ou réaffectation <strong>de</strong> bâtiments emblématiques,<br />

démolitions et reconstructions ponctuelles effectuées dans le respect <strong>de</strong>s immeubles<br />

voisins, redéveloppement <strong>de</strong>s sites en friche en les intégrant au reste du quartier, création<br />

<strong>de</strong> « micro » parcs qualitatifs… (parc Morinval et parc Saint-Agathe dans le quartier<br />

Sainte-Marguerite).


historique <strong>urbanistique</strong><br />

113<br />

Synthèse <strong>de</strong>s opérations réalisées pour concrétiser le projet <strong>de</strong> rénovation urbaine du quartier Saint-Léonard<br />

En 2020, l’opération <strong>de</strong> rénovation urbaine du quartier Saint-Léonard arrive à son terme. C’est l’occasion <strong>de</strong> faire le bilan <strong>de</strong>s actions menées<br />

avec l’ai<strong>de</strong> financière directe <strong>de</strong>s pouvoirs publics. En mauve, sont indiqués les projets <strong>de</strong> logements (rénovations, nouvelles constructions),<br />

en orange, les espaces <strong>de</strong>stinés à l’accueil <strong>de</strong>s activités économiques et en vert, les nouveaux espaces publics (parcs, places, passerelle<br />

au-<strong>de</strong>ssus du chemin <strong>de</strong> fer).<br />

Source : Service du Logement <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

Mentionnons encore, à plus petite échelle, les premières opérations <strong>de</strong> rénovation urbaine<br />

qui avaient été réalisées au cours <strong>de</strong>s années 1980 dans le « cœur historique » : la création<br />

<strong>de</strong> la cour Saint-Antoine et l’ensemble <strong>de</strong> logements du quartier Pierreuse-Volière. La réussite<br />

<strong>de</strong> ces premiers périmètres d’aménagement opérationnels a encouragé les autorités<br />

à lancer <strong>de</strong>s opérations similaires sur d’autres espaces dégradés prioritaires. En 2010, les<br />

dégâts causés par l’explosion <strong>de</strong> la rue Léopold révèlent l’état problématique du quartier<br />

« Grand Léopold » et aboutissent à la reconnaissance d’un nouveau périmètre <strong>de</strong> rénovation<br />

urbaine dont les recommandations sont rapi<strong>de</strong>ment concrétisées : logements publics<br />

rue Souverain-Pont, puis entre les rues <strong>de</strong> Gueldre et rue du Stalon (en cours), programme<br />

Créa’shop pour dynamiser une nouvelle offre commerciale, valorisation <strong>de</strong>s faça<strong>de</strong>s historiques…<br />

À nouveau, l’impulsion publique apparaît générer un nouvel attrait pour les investisseurs<br />

privés (par exemple sur les sites d’appels à intérêt lancés par la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> en<br />

vue <strong>de</strong> la reconstruction <strong>de</strong> <strong>de</strong>nts creuses, rue Nagelmackers et rue Léopold). Quelques<br />

années plus tard, ce sont les quartiers d’Outremeuse et d’Amercoeur, aux besoins également<br />

criants, qui feront l’objet d’un diagnostic <strong>urbanistique</strong>. Le périmètre <strong>de</strong> rénovation<br />

urbaine du quartier d’Amercœur a été adopté début 2021.


114<br />

Le schéma directeur du projet <strong>de</strong> Rénovation urbaine du Quartier « Grand Léopold » (2013)<br />

Le principe d’un schéma directeur est <strong>de</strong> définir <strong>de</strong>s priorités stratégiques d’intervention, tant pour le bâti<br />

que sur les espaces publics. Les interventions <strong>de</strong>s pouvoirs publics sont ainsi ciblées pour créer un effet<br />

d’entraînement. Parmi les actions recommandées dans le cadre du quartier « Grand Léopold », peuvent être<br />

relevés la reconstruction <strong>de</strong> la <strong>de</strong>nt creuse rue Léopold (1) ; la reconfiguration <strong>de</strong>s îlots les plus dégradés,<br />

avec requalification du bâti et décongestion <strong>de</strong>s parties centrales (2, 6, 16) ; le soutien à la valorisation <strong>de</strong>s<br />

faça<strong>de</strong>s historiques (10, 11) ; la requalification <strong>de</strong>s voiries (7, 17), le réaménagement à terme <strong>de</strong> la gare <strong>de</strong>s<br />

bus Léopold en un espace <strong>de</strong> convivialité pour les piétons.<br />

Source : Bureau d’étu<strong>de</strong> Baumans-Deffet - Département d’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, 2013


historique <strong>urbanistique</strong><br />

115<br />

L’angle <strong>de</strong> la rue Nagelmackers et du quai sur Meuse en 2018 (à gauche) et<br />

en 2019 après reconstruction (à droite)<br />

Le site à l’angle <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux rues avait été démoli lors<br />

<strong>de</strong>s travaux d’adaptation <strong>de</strong>s quais en voirie à grand<br />

trafic, pour faciliter le rayon <strong>de</strong> giration <strong>de</strong>s véhicules,<br />

au cours <strong>de</strong>s années 1960-1970. Depuis lors, le site<br />

était resté à l’état <strong>de</strong> <strong>de</strong>nt creuse en friche. En 2018,<br />

la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, propriétaire du terrain, a organisé un<br />

concours d’architecture pour faire émerger un projet<br />

<strong>de</strong> reconstruction qualitatif et ainsi encourager le renouveau<br />

<strong>de</strong>s quais et du quartier Grand Léopold.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong><br />

<strong>Liège</strong><br />

5.7. La nouvelle stratégie <strong>de</strong> développement spatial <strong>de</strong> l’Université<br />

Après plusieurs décennies consacrées au développement du campus du Sart Tilman,<br />

l’Université change également <strong>de</strong> stratégie à partir <strong>de</strong>s années 2010, dans un contexte<br />

d’absorption par l’institution d’autres gran<strong>de</strong>s écoles implantées dans le centre-ville<br />

(HEC rue Louvrex, école d’architecture installée dans la caserne Fonck et sur le site du<br />

Jardin botanique). Le projet <strong>de</strong> transfert total au Sart Tilman est abandonné : le rectorat<br />

et la faculté <strong>de</strong> philosophie et lettres sont maintenus dans le centre-ville. Les instances<br />

universitaires se lancent même dans une nouvelle politique d’investissement au centreville,<br />

avec le rachat <strong>de</strong> l’ancien complexe cinématographique Opéra et sa reconversion<br />

en salles <strong>de</strong> cours, ou encore la construction <strong>de</strong> nouveaux bâtiments (sur le site <strong>de</strong><br />

la rue <strong>de</strong> Pitteurs et sur le site HEC rue Saint-Gilles). De leur côté, les Hautes Écoles<br />

s’organisent dans <strong>de</strong>s campus en regroupant une partie <strong>de</strong> leurs implantations. Le<br />

maintien <strong>de</strong> nombreux étudiants dans l’enseignement supérieur (universitaire ou non)<br />

au centre-ville attire, au cours <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière décennie, un nouveau type <strong>de</strong> projet<br />

immobilier : la rési<strong>de</strong>nce pour étudiants, avec un premier exemple concrétisé place du<br />

Vingt Août.<br />

Simulation <strong>de</strong> la requalification du quartier du Val Benoît<br />

Plusieurs anciens instituts ont été ou vont être rénovés<br />

et adaptés à <strong>de</strong> nouvelles fonctions. Des nouvelles<br />

constructions vont compléter le quartier (volumes en<br />

blancs). Le cœur du site, réservé aux piétons, est traité<br />

sous forme <strong>de</strong> parc.<br />

Source : Miysis - SPI+ - Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>


116<br />

Un autre projet <strong>de</strong> ce type s’est déjà installé dans un <strong>de</strong>s anciens instituts du site du<br />

Val Benoît. Depuis la fin <strong>de</strong>s années 2000, l’ancien campus fait en effet l’objet d’un plan<br />

<strong>de</strong> requalification d’ensemble, porté par la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, la SPI (agence <strong>de</strong> développement<br />

économique <strong>de</strong> la province <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>) et <strong>de</strong>s investisseurs privés, avec comme<br />

objectif d’y redéployer un quartier principalement dédié à l’accueil d’activités productives<br />

(espaces pour entreprises, services publics, bureaux privés) tout en rénovant <strong>de</strong>s<br />

bâtiments d’architecture mo<strong>de</strong>rniste emblématiques.<br />

5.8. La nouvelle ligne <strong>de</strong> tram et l’urbanisme <strong>de</strong>s grands projets<br />

Le tracé <strong>de</strong> la nouvelle ligne <strong>de</strong> tram<br />

D’une longueur <strong>de</strong> 11,7 km, la première partie <strong>de</strong><br />

la nouvelle ligne <strong>de</strong> tram sera ponctuée <strong>de</strong> vingttrois<br />

stations. Établie en rive gauche, dans la vallée,<br />

elle va relier <strong>de</strong>s pôles majeurs <strong>de</strong> la ville : le sta<strong>de</strong><br />

du Standard, le quartier d’activités du Val Benoît, la<br />

gare <strong>de</strong>s Guillemins, l’hypercentre commerçant, la<br />

place Saint-Lambert, la rénovation <strong>de</strong> la cité administrative<br />

<strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, le cœur historique, les<br />

nouvelles halles <strong>de</strong>s foires <strong>de</strong> Droixhe, l’écoquartier<br />

<strong>de</strong> Coronmeuse… De nombreux sites scolaires<br />

sont également situés à proximité <strong>de</strong> son tracé.<br />

Enfin, <strong>de</strong>ux parkings relais sont aménagés aux extrémités<br />

<strong>de</strong> la ligne.<br />

Source : www.liege.be/tram<br />

Le projet <strong>de</strong> reconversion du site du Val Benoit <strong>de</strong>vrait être conforté par l’aménagement<br />

<strong>de</strong> la nouvelle ligne <strong>de</strong> tram, dont les premiers travaux techniques ont débuté en 2019.<br />

Cette première ligne, qui sera mise en service en 2024, longera la vallée <strong>de</strong> la Meuse<br />

pour relier d’Ouest en Est le sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> Sclessin aux sites <strong>de</strong> Coronmeuse et <strong>de</strong> Droixhe.<br />

Ce projet est emblématique <strong>de</strong> la nouvelle dynamique urbaine, qui révise entièrement<br />

les usages en matière <strong>de</strong> déplacement. Il s’agit tout d’abord d’un moyen <strong>de</strong> transport,<br />

performant et qualitatif, qui s’accompagne d’une nouvelle stratégie <strong>de</strong> mobilité :<br />

réorganisation du réseau <strong>de</strong> bus, avec plusieurs gran<strong>de</strong>s lignes structurantes <strong>de</strong> type<br />

BHNS (Bus à Haut Niveau <strong>de</strong> Services), nouvelle politique cyclable (corridors traversant,<br />

itinéraires inter-quartiers), réaménagements au profit <strong>de</strong>s piétons. Cette nouvelle<br />

ambition est portée à l’échelle <strong>de</strong> l’agglomération par le Plan Urbain <strong>de</strong> Mobilité (PUM).<br />

Le tram représente aussi un formidable outil <strong>de</strong> réaménagement : près <strong>de</strong> 50 ha d’espaces<br />

publics vont ainsi être réhabilités dans le cadre <strong>de</strong> ce projet. D’autre part, il agit<br />

comme un « catalyseur » pour les grands projets qui s’organisent le long <strong>de</strong> son tracé,<br />

renforcés dans leur attractivité par cette nouvelle accessibilité et la « mise en réseau »<br />

<strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s opérations urbaines. La plupart relèvent d’ailleurs <strong>de</strong> stratégies <strong>de</strong> parte-


historique <strong>urbanistique</strong><br />

117<br />

nariat entre opérateurs privés et publics, notamment pour les plus marquants : les projets<br />

<strong>de</strong> reconfiguration du sta<strong>de</strong> du Standard et <strong>de</strong> ses abords (nouvelles tribunes, nouveaux<br />

bâtiments pour activités économiques), <strong>de</strong> poursuite <strong>de</strong>s développements le long <strong>de</strong><br />

l’esplana<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Guillemins (plusieurs projets d’immobilier rési<strong>de</strong>ntiel et <strong>de</strong> bureaux), <strong>de</strong><br />

développement d’un « district créatif » entre la Grand Poste reconvertie, la place Saint-<br />

Étienne et le quartier Grand Léopold, d’écoquartier sur le site <strong>de</strong> Coronmeuse (inspiré par<br />

la candidature non retenue <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> pour organiser une exposition internationale à cet<br />

endroit en 2017), <strong>de</strong> requalification du quartier <strong>de</strong> Bressoux-Droixhe autour du terminus<br />

du tram et <strong>de</strong> son parking relais (nouvelle halle <strong>de</strong>s foires, parc économique, restructuration<br />

<strong>de</strong> la cité <strong>de</strong> logements <strong>de</strong> Droixhe et construction <strong>de</strong> nouveaux programmes).<br />

le Projet d’extension du sta<strong>de</strong> maurice dufrasne à Sclessin<br />

le Projet <strong>de</strong> nouvelles halles <strong>de</strong>s foires sur la plaine <strong>de</strong> Droixhe<br />

De nouveaux projets vont prendre place aux extrémités <strong>de</strong> la nouvelle ligne <strong>de</strong> tram. À Sclessin, le Sta<strong>de</strong><br />

Maurice Dufrasne va être agrandi et mo<strong>de</strong>rnisé, dans un environnement repensé. À Droixhe, va être construit<br />

un nouveau complexe <strong>de</strong> halles <strong>de</strong>s foires (finalisation prévue en 2023). Sur le site <strong>de</strong>s anciennes halles, à<br />

Coronmeuse, se concrétise le projet d’aménagement d’un écoquartier rési<strong>de</strong>ntiel.<br />

Sources : Assar Architectes et Architecte Francisco Mangado<br />

une partie <strong>de</strong>s îlots rési<strong>de</strong>ntiels du projet Paradis Express (simulation)<br />

Les nouvelles constructions prennent place le long du<br />

nouvel axe métropolitain qui part <strong>de</strong> la gare et est traversé<br />

par la ligne <strong>de</strong> tram. La hauteur <strong>de</strong>s immeubles<br />

s’élève progressivement pour effectuer une transition<br />

entre la gare et la tour <strong>de</strong> la cité <strong>de</strong>s Finances.<br />

Source : Fedimmo - Jaspers&Eyers - Miysis<br />

En lien avec la requalification <strong>de</strong>s quais et l’annonce <strong>de</strong> l’arrivée <strong>de</strong> la ligne <strong>de</strong> tram, le<br />

nouvel attrait <strong>de</strong>s espaces centraux se traduit déjà par une recru<strong>de</strong>scence <strong>de</strong> projets<br />

immobiliers rési<strong>de</strong>ntiels sur les parcelles en « <strong>de</strong>nt creuse » le long <strong>de</strong>s grands axes qui<br />

présentent encore <strong>de</strong>s opportunités <strong>de</strong> <strong>de</strong>nsification (boulevard <strong>de</strong> la Sauvenière, quai<br />

Saint-Léonard, boulevard Frère-Orban, quai Marcellis…).


118<br />

les nouveaux développements prévus sur le site <strong>de</strong> Bavière (simulation)<br />

1<br />

4<br />

2<br />

Le schéma d’urbanisation du site intègre la<br />

construction d’une nouvelle bibliothèque provinciale<br />

(1), face à l’académie Grétry (2). Les autres<br />

nouveaux bâtiments abriteront principalement du<br />

logement. Pour témoigner <strong>de</strong> l’histoire du site,<br />

l’ancien bâtiment d’entrée <strong>de</strong> l’hôpital sera rénové<br />

(3). Les espaces publics autour du site seront requalifiés<br />

au bénéfice <strong>de</strong>s piétons (4).<br />

Source : Miysis<br />

3<br />

Un peu plus éloigné du tram, le site en friche <strong>de</strong> l’ancien hôpital <strong>de</strong> Bavière constitue<br />

une autre pépite foncière dont le redéveloppement <strong>urbanistique</strong> fait l’objet d’attentions<br />

<strong>de</strong>puis plusieurs décennies. La crise immobilière et financière <strong>de</strong> 2008 a malheureusement<br />

arrêté le projet <strong>de</strong> nouveau quartier rési<strong>de</strong>ntiel dont le chantier venait <strong>de</strong> débuter.<br />

Il a fallu relancer la dynamique avec <strong>de</strong> nouveaux acteurs publics et privés, pour aboutir<br />

une décennie plus tard à la concrétisation d’un nouveau quartier, autour d’un Pôle <strong>de</strong>s<br />

savoirs (nouvel ensemble culturel provincial, comprenant notamment une bibliothèque<br />

en remplacement du complexe <strong>de</strong>s Chiroux) et <strong>de</strong> développements rési<strong>de</strong>ntiels privés.<br />

De nouveaux espaces publics, notamment piétonniers, seront aussi aménagés en<br />

bordure du site en prolongement <strong>de</strong> la dynamique initiée au cœur du quartier d’Outremeuse<br />

par la requalification <strong>de</strong> la place <strong>de</strong> l’Yser.<br />

Bien au-<strong>de</strong>là d’un simple projet <strong>de</strong> mobilité, la réalisation du tram va ainsi modifier les<br />

usages, changer l’image <strong>de</strong> la Ville, contribuer à l’amélioration du cadre <strong>de</strong> vie et accélérer<br />

d’importantes opérations <strong>de</strong> renouveau urbain.<br />

5.9. La valorisation touristico-culturelle du centre-ville<br />

Dans le centre-ville, le renouveau est concrétisé par une stratégie d’investissement public<br />

dans les nombreuses gran<strong>de</strong>s infrastructures culturelles et touristiques à partir <strong>de</strong>s<br />

années 1990 : rénovation <strong>de</strong> la salle <strong>de</strong> l’Orchestre philharmonique, aménagement <strong>de</strong><br />

l’Archéoforum dans les vestiges archéologiques sous la place Saint-Lambert, ouverture<br />

du musée Grand Curtius rassemblant en un pôle unique, au sein d’un patrimoine<br />

historique majeur, <strong>de</strong>s collections autrefois dispersées (armes, art religieux, arts décoratifs…)<br />

; rénovation complète et adaptation technique du bâtiment <strong>de</strong> l’Opéra ; installation<br />

du Théâtre <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> dans l’ancienne salle rénovée <strong>de</strong> la Société d’Émulation ;<br />

reconversion du complexe <strong>de</strong>s anciens Bains <strong>de</strong> la Sauvenière qui <strong>de</strong>vient le pôle muséal<br />

et évènementiel <strong>de</strong> la Cité Miroir ; soutien à la concrétisation du complexe cinématographique<br />

Sauvenière, orienté vers le cinéma d’art et d’essai, rénovation <strong>de</strong>s bâtiments du<br />

cloître <strong>de</strong> la cathédrale pour l’extension <strong>de</strong>s espaces muséaux <strong>de</strong> son Trésor ; installation<br />

<strong>de</strong> l’accueil touristique dans la halle aux vian<strong>de</strong>s rénovée ; rénovation et extension du<br />

Trinkhall Museum (ancien MAD Musée) dans le parc d’Avroy… Ces projets comprennent<br />

soit une dimension <strong>de</strong> valorisation du patrimoine, importante pour l’i<strong>de</strong>ntité collective <strong>de</strong>s<br />

Liégeois.es, soit une composante d’architecture contemporaine emblématique, soit les <strong>de</strong>ux.


historique <strong>urbanistique</strong><br />

119<br />

Parallèlement, entre les années 1990 et 2010, la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> a concrétisé un projet<br />

ambitieux <strong>de</strong> requalification du site <strong>de</strong>s Coteaux <strong>de</strong> la Cita<strong>de</strong>lle, visant à valoriser<br />

l’extraordinaire patrimoine paysager, naturel et bâti du site qui, grâce à ces efforts,<br />

est effectivement <strong>de</strong>venu une source <strong>de</strong> fierté pour les liégeois et un <strong>de</strong>s plus grands<br />

atouts touristiques <strong>de</strong> la Ville (reconnaissance par trois étoiles dans le Gui<strong>de</strong> Michelin).<br />

La dynamique du Circuit <strong>de</strong>s Collégiales lancée au cours <strong>de</strong>s années 2010 vise quant à<br />

elle à poursuivre les efforts <strong>de</strong> valorisation du patrimoine historique majeur <strong>de</strong> la cité. La<br />

définition d’accords-cadres avec la Région wallonne, pouvoir subsidiant, a permis <strong>de</strong><br />

définir <strong>de</strong>s programmes d’investissement pluriannuels pour mener à bien la rénovation<br />

<strong>de</strong> plusieurs <strong>de</strong> ces édifices (en cours en 2021 pour la collégiale Saint-Jean-l’Évangéliste<br />

et la collégiale Sainte-Croix ; la collégiale Saint-Barthélemy, la collégiale Saint-Martin<br />

et la cathédrale Saint-Paul étant déjà rénovées).<br />

Le Trinkhall Museum dans le parc d’Avroy<br />

Le complexe muséal Grand Curtius le long du quai <strong>de</strong> Maestricht<br />

Deux exemples <strong>de</strong> musées réaménagés dans le centre-ville au début du XXI e siècle.<br />

Sources : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, 2020 et Jean-Luc Deru, 2018 - Département <strong>de</strong><br />

l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

D’autres enjeux d’aménagement sont encore présents dans le centre-ville : réduire<br />

l’emprise du stationnement automobile sur plusieurs places ; verduriser les espaces<br />

publics ; encourager l’entretien <strong>de</strong>s faça<strong>de</strong>s anciennes ; soutenir la dynamique commerciale<br />

; reconvertir qualitativement les anciens rez-<strong>de</strong>-chaussée commerçants dans<br />

les rues péricentrales…<br />

5.10. Des lotissements rési<strong>de</strong>ntiels<br />

Des promoteurs et investisseurs en immobilier rési<strong>de</strong>ntiel s’intéressent aux potentialités<br />

offertes par <strong>de</strong>s sites urbanisables <strong>de</strong> différentes tailles et répartis sur tout le territoire<br />

communal. De nombreux lotissements rési<strong>de</strong>ntiels et d’autres projets immobiliers se sont<br />

encore concrétisés au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières décennies sur les versants et les plateaux,<br />

par exemple à Rocourt, Wandre, au Thier-à-<strong>Liège</strong>, à Jupille (verger <strong>de</strong> Fayenbois, Vert<br />

Buisson) ou à Grivegnée. Leur organisation <strong>urbanistique</strong> est généralement plus <strong>de</strong>nse<br />

qu’au cours <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s précé<strong>de</strong>ntes, composée d’ensembles <strong>de</strong> maisons (semi-)mitoyennes<br />

vendues « clé sur porte », parfois associées à <strong>de</strong>s petits immeubles à appartements.<br />

Le processus d’urbanisation par l’achat d’un terrain libre <strong>de</strong> construction, très<br />

en vogue à la fin du XX e siècle, <strong>de</strong>vient quant à lui <strong>de</strong> plus en plus rare sur le territoire<br />

communal. Les exemples du Pré Aily au Sart Tilman ou du Verger <strong>de</strong> Fayenbois, qui


120<br />

présentent différentes typologies <strong>de</strong> logement et qui font l’objet d’une commercialisation<br />

rapi<strong>de</strong>, témoignent que ce type <strong>de</strong> projet répond à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> toujours existante.<br />

Un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>de</strong>nsification caractérise par ailleurs les quartiers plus centraux, où s’observent<br />

<strong>de</strong> nouvelles opérations <strong>de</strong> démolition <strong>de</strong> l’existant pour reconstruire <strong>de</strong>s immeubles<br />

rési<strong>de</strong>ntiels <strong>de</strong> plus grand gabarit, ainsi que <strong>de</strong>s projets d’ajouts d’étages<br />

au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> volumes plus anciens conservés. Un autre processus toujours actif est la<br />

division d’immeubles anciens en plusieurs logements, un phénomène cependant mieux<br />

régulé <strong>de</strong>puis l’adoption <strong>de</strong> lignes <strong>de</strong> conduites en matière <strong>de</strong> création <strong>de</strong> logements,<br />

dans le but <strong>de</strong> protéger l’habitat familial. Ces différents mécanismes contribuent à la<br />

croissance du taux « d’appartementisation » du parc rési<strong>de</strong>ntiel liégeois.<br />

Plan d’implantation <strong>de</strong>s constructions du lotissement du Verger <strong>de</strong> Fayenbois<br />

2<br />

1<br />

3<br />

Le projet <strong>de</strong> lotissement correspond à un quartier complet d’environ 150 logements. Le schéma d’aménagement combine différentes typologies<br />

rési<strong>de</strong>ntielles : <strong>de</strong>s parcelles libres pour <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> maisons individuelles isolées ou jumelles (1), <strong>de</strong>s maisons mitoyennes en clef sur<br />

porte (2) et <strong>de</strong>s immeubles à appartements (3).<br />

Source : Boland-Tailleur - Immobel - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

Parallèlement, est en réflexion <strong>de</strong>puis <strong>de</strong> nombreuses année la reconversion <strong>de</strong> plusieurs<br />

friches d’ancienne activité <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> taille. Des projets visent par exemple le site du<br />

charbonnage d’Espérance et Bonne Fortune (Burenville) ou la réhabilitation <strong>de</strong> l’ancien<br />

fort <strong>de</strong> la Chartreuse. Les paramètres à prendre en compte y sont multiples : traitement<br />

<strong>de</strong>s sols pollués, aménagements paysagers, amélioration <strong>de</strong> l’accessibilité, installation<br />

d’équipements collectifs (voiries, espaces publics, équipements <strong>de</strong> quartier…), préservation<br />

<strong>de</strong> composantes à valeur patrimoniale... La création du nouvel hôpital du MontLégia<br />

a concrétisé à la fin <strong>de</strong>s années 2010 une réappropriation <strong>de</strong>s espaces autrefois occupés<br />

par le charbonnage <strong>de</strong> Patience et Beaujonc, entraînant dans son sillage le développement<br />

<strong>de</strong> programmes complémentaires importants : un centre administratif, une maison


historique <strong>urbanistique</strong><br />

121<br />

<strong>de</strong> repos, un centre <strong>de</strong> biotechnologie, un appart-hôtel et <strong>de</strong>s logements. L’attention<br />

se porte également <strong>de</strong> plus en plus sur les potentialités <strong>de</strong> redéploiement <strong>de</strong>s anciens<br />

sites industriels <strong>de</strong> vallée, à côté <strong>de</strong>s quartiers <strong>de</strong>nses, pour lesquels la gestion du risque<br />

d’inondation constitue un défi supplémentaire : site LBP au cœur <strong>de</strong> Chênée, site Boli<strong>de</strong>n<br />

le long du « boulevard <strong>de</strong> l’automobile »…<br />

Le lotissement du Pré Aily au Sart Tilman<br />

4<br />

2<br />

3<br />

Le lotissement du Pré Aily prend place dans le massif boisé du Sart Tilman, au<br />

sein d’une réserve foncière dans les plans d’affectation du sol (ZACC au plan<br />

<strong>de</strong> secteur). Il se situe entre le village historique du Sart Tilman (1) et le parc<br />

scientifique lié à l’université (2), à l’extension duquel sont <strong>de</strong>stinées les parcelles<br />

longeant l’avenue du Pré Aily (4). Dans la partie rési<strong>de</strong>ntielle, le long <strong>de</strong>s rues en<br />

arc <strong>de</strong> cercle, les lots mis en vente sont <strong>de</strong>stinés à <strong>de</strong>s villas individuelles (3). À<br />

la fin <strong>de</strong>s années 2010, les premières maisons sont en cours <strong>de</strong> construction.<br />

Source : WalOnMap, orthophotoplan 2019<br />

1<br />

Le nouvel hôpital du MontLégia<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

Ouvert en mars 2020 en pleine crise du coronavirus, le<br />

nouvel hôpital du MontLégia remplace plusieurs institutions<br />

préexistantes. Il a été construit à l’emplacement<br />

d’une friche charbonnière, le long <strong>de</strong> la liaison autoroutière<br />

qui traverse le centre <strong>de</strong> l’agglomération. Une nouvelle<br />

sortie a été aménagée pour <strong>de</strong>sservir directement<br />

le nouveau complexe via un pont (1). Le réaménagement<br />

du site a impliqué <strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong> compensation<br />

comme la mise à disposition d’une gran<strong>de</strong> zone<br />

comprenant plusieurs mares pour accueillir une espère<br />

protégée, les crapauds calamites (2 - <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong><br />

l’autoroute). Un pôle d’activités spécialisé dans les biotechnologies<br />

est prévu en complément (3). Le premier<br />

immeuble construit à côté <strong>de</strong> l’hôpital est une maison<br />

<strong>de</strong> repos (4).<br />

Source : Jean-Luc Deru 2018 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme<br />

<strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (extrait)<br />

Le site boli<strong>de</strong>n<br />

Le site « Boli<strong>de</strong>n » ou « Cuivre et Zinc », est occupé<br />

par d’immenses entrepôts aujourd’hui majoritairement<br />

vi<strong>de</strong>s. D’une superficie totale <strong>de</strong> 15 ha et stratégiquement<br />

implanté à Grivegnée-Bas le long d’un axe potentiel<br />

pour une ligne <strong>de</strong> transport en commun <strong>de</strong> nouvelle<br />

génération, il constitue une véritable « perle » pour une<br />

nouvelle stratégie <strong>de</strong> redéveloppement du territoire<br />

communal liégeois.<br />

Source : GlobalView 2021 - Département <strong>de</strong> l’Urbanisme<br />

<strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (extrait)


122


historique <strong>urbanistique</strong><br />

123<br />

en conclusion<br />

L’analyse territoriale au service d’une nouvelle planification<br />

Les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières décennies ont été accompagnées d’une gran<strong>de</strong> diversification <strong>de</strong>s<br />

outils <strong>de</strong> compréhension du fait urbain. De nombreuses informations, données chiffrées<br />

ou cartes d’analyse sont aujourd’hui disponibles pour comprendre la ville et les<br />

différents processus que l’on y observe. Les gran<strong>de</strong>s enquêtes réalisées auprès <strong>de</strong>s<br />

habitants dans le cadre <strong>de</strong> l’élaboration <strong>de</strong>s Projets <strong>de</strong> Ville ont permis <strong>de</strong> connaître<br />

leurs besoins et attentes, et <strong>de</strong> les hiérarchiser. De même, les outils <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> l’urbanisme<br />

se sont diversifiés, tant au niveau régional que communal : Co<strong>de</strong> du <strong>Développement</strong><br />

territorial (CoDT), programmes thématiques sur la mobilité ou le climat, plans<br />

d’affectation <strong>de</strong>s sols, schémas d’aménagement à l’échelle <strong>de</strong>s agglomérations et <strong>de</strong>s<br />

communes, périmètres d’aménagement opérationnels… L’approche évolue <strong>de</strong> plus en<br />

plus vers un urbanisme <strong>de</strong> projet, évolutif, dans un cadre plus pragmatique, avec moins<br />

<strong>de</strong> contraintes réglementaires.<br />

La Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> dispose déjà <strong>de</strong> plusieurs outils planologiques thématiques, qui ont<br />

permis d’ébaucher <strong>de</strong>s stratégies d’aménagement à l’échelle <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong> son<br />

territoire. Le plan piéton et le plan cyclable ont ainsi initié l’aménagement d’axes plus<br />

qualitatifs pour les usagers lents. Le schéma <strong>de</strong> développement économique a encouragé<br />

ou renforcé la spécialisation fonctionnelle <strong>de</strong> certains espaces pour l’accueil <strong>de</strong><br />

nouvelles activités : production créative dans le quartier Saint-Léonard, pôle d’affaires<br />

aux Guillemins, technologies <strong>de</strong> pointe au Sart Tilman, parc économique « vertical » au<br />

Val Benoît… L’adoption du schéma <strong>de</strong> développement commercial a quant à elle entériné<br />

le principe <strong>de</strong> ne plus créer <strong>de</strong> nouvelles polarités ex nihilo après les <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s<br />

opérations <strong>de</strong> Belle-Île (années 1990) et <strong>de</strong> la Médiacité (années 2000).<br />

Dans le contexte actuel, qui se caractérise par une évolution importante <strong>de</strong> la pensée<br />

planificatrice, l’urbanisme doit contribuer à répondre aux nouveaux défis <strong>de</strong>s villes (redéveloppement<br />

économique après la désindustrialisation, besoins en logement, aspiration<br />

à une meilleure qualité <strong>de</strong> vie, territoire plus résilient, etc.) et rencontrer <strong>de</strong> nouvelles<br />

valeurs (interventions plus contextuelles, concertation citoyenne, économie <strong>de</strong>s<br />

ressources, plus <strong>de</strong> nature en ville, solidarités territoriales).<br />

La friche <strong>de</strong> l’ancienne usine Palmolive, rue Lairesse, dans le quartier du Longdoz<br />

En application du plan PEP’s, l’ancien site <strong>de</strong> l’usine<br />

Palmolive a été acquis par la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> à la fin <strong>de</strong>s<br />

années 2010. Un espace vert public va pouvoir être<br />

aménagé au sein du quartier du Longdoz, qui était<br />

jusqu’alors dépourvu d’espaces communautaires<br />

qualitatifs malgré sa forte <strong>de</strong>nsité.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong><br />

<strong>Liège</strong>


124<br />

Face à ces enjeux, la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> a organisé plusieurs réflexions stratégiques :<br />

• Le Plan <strong>Communal</strong> <strong>de</strong> <strong>Développement</strong> <strong>de</strong> la Nature (PCDN), actualisé en<br />

2016, a i<strong>de</strong>ntifié les écotopes <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> qualité biologique à protéger et les corridors<br />

<strong>de</strong> liaisons écologiques à soutenir.<br />

• Activé en 2021, le Plan Canopée vise à augmenter la <strong>de</strong>nsité d’arbres sur l’ensemble<br />

du territoire communal, tant dans les espaces publics qu’au niveau <strong>de</strong>s<br />

jardins privés. Les objectifs sont multiples : amélioration du confort climatique avec<br />

réduction <strong>de</strong>s phénomènes d’îlot <strong>de</strong> chaleur en été, temporisation <strong>de</strong> la concentration<br />

<strong>de</strong>s eaux <strong>de</strong> pluie, beauté du cadre <strong>de</strong> vie, conservation <strong>de</strong> la biodiversité…<br />

• Ce programme recoupe en partie les ambitions du Plan Climat, également adopté<br />

en 2021, qui vise à réduire les émissions <strong>de</strong> gaz à effet <strong>de</strong> serre sur le territoire<br />

communal. Sur base <strong>de</strong>s engagements européens <strong>de</strong> la Ville, l’objectif déclaré est<br />

d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, avec déjà une réduction <strong>de</strong> 55 % <strong>de</strong>s<br />

émissions à l’horizon <strong>de</strong> 2030. Les mesures adoptées concernent par exemple la<br />

rénovation thermo-efficiente <strong>de</strong>s logements, l’adaptation <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> chauffage,<br />

la réduction <strong>de</strong> la consommation énergétique <strong>de</strong>s entreprises ou encore la<br />

réduction <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s déplacements propulsés par <strong>de</strong>s moteurs thermiques.<br />

• Le projet du tram, qui doit être mis en service en 2024, s’organise en parallèle<br />

d’une réflexion <strong>de</strong> mobilité élargie, dont un objectif central est <strong>de</strong> réduire la place<br />

<strong>de</strong> la voiture en développant le transport public et les mobilités actives. C’est le<br />

principe « STOP », aussi prôné par la Région wallonne, qui donne la priorité aux déplacements<br />

à pied et en vélo. Ces nouvelles politiques <strong>de</strong> mobilité font le lien avec<br />

l’aménagement du territoire et le Plan <strong>Communal</strong> <strong>de</strong> Mobilité (PCM). Parmi les<br />

différents enjeux, peuvent être relevés : le déploiement d’un réseau <strong>de</strong> cheminements<br />

piétonniers qualitatifs, une meilleure gestion <strong>de</strong> l’offre en stationnement pour<br />

libérer les espaces publics <strong>de</strong> la voiture, le déploiement d’espaces <strong>de</strong> stationnement<br />

sécurisé pour les vélos, la réorganisation du réseau <strong>de</strong>s bus en parallèle à la<br />

mise en œuvre <strong>de</strong> la ligne <strong>de</strong> tram, la mise en place d’une offre en logistique urbaine<br />

réduisant la part du camion dans les livraisons <strong>de</strong> marchandise, l’aménagement <strong>de</strong><br />

parkings relais aux entrées <strong>de</strong> la Ville.<br />

• En matière d’espace public et <strong>de</strong> réseau vert, le plan PEP’s (Prospective Espaces<br />

Publics), adopté en 2017, a i<strong>de</strong>ntifié <strong>de</strong> façon claire les quartiers en manque d’espaces<br />

publics qualitatifs. Il propose un plan d’actions en matière d’espaces ouverts<br />

<strong>de</strong> proximité et <strong>de</strong> liaisons inter-quartiers pour mo<strong>de</strong>s doux. Cette réflexion<br />

a généré <strong>de</strong>ux concepts importants dans la politique communale : permettre à<br />

chaque liégeois.e d’accé<strong>de</strong>r en 10 minutes à pied à un espace public <strong>de</strong> qualité et<br />

organiser une ville « <strong>de</strong> courtes distances » (logement, travail, services, loisirs). Une<br />

<strong>de</strong>s premières actions importantes découlant <strong>de</strong> ce plan est la requalification dans<br />

le quartier du Longdoz du site « Palmolive » en parc public. Le PEP’s a aussi initié<br />

l’ébauche d’un réseau structurant <strong>de</strong> grands parcs et une caractérisation <strong>de</strong>s territoires<br />

selon les services éco-systémiques qu’ils ren<strong>de</strong>nt (préservation <strong>de</strong> la nature,<br />

production alimentaire, espace <strong>de</strong> rencontre sociale…).


historique <strong>urbanistique</strong><br />

125<br />

Diagnostic <strong>de</strong> l’accès aux espaces publics <strong>de</strong> qualité dans le plan PEP’s (Perspective Espaces Publics)<br />

Le territoire <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> comprend <strong>de</strong> nombreuses surfaces d’espaces verts publics <strong>de</strong> qualité. Elles sont toutefois inégalement réparties<br />

sur le territoire communal. Une part importante correspond au massif boisé du Sart Tilman, dans un environnement peu peuplé. A contrario,<br />

un déficit d’espaces publics <strong>de</strong> qualité et <strong>de</strong> parcs est i<strong>de</strong>ntifié dans plusieurs quartiers centraux : hypercentre, Outremeuse, Amercœur,<br />

Longdoz… Des diagnostics comme celui-ci permettent dès lors d’orienter les priorités d’actions et d’investissements. La « Prospective <strong>de</strong>s<br />

Espaces publics » fait partie <strong>de</strong>s premiers jalons vers l’élaboration d’un schéma <strong>de</strong> développement communal multithématique.<br />

Source : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme <strong>de</strong> la Ville <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>


126<br />

Définition <strong>de</strong>s vocations territorialles au sein du Plan Urbain <strong>de</strong> Mobilité <strong>de</strong> l’arrondissement <strong>de</strong> <strong>Liège</strong><br />

« Le Plan Urbain <strong>de</strong> Mobilité (PUM) constitue un outil prospectif <strong>de</strong> planification <strong>de</strong>stiné à organiser l’accessibilité aux lieux <strong>de</strong> vie et d’activité<br />

au sein d’une agglomération, tant pour les personnes que pour les marchandises, et ce dans une perspective <strong>de</strong> développement durable.<br />

C’est un instrument pratique, qui doit déboucher sur la mise en œuvre coordonnée <strong>de</strong> mesures <strong>de</strong> gestion et <strong>de</strong> construction d’infrastructure.<br />

À ce titre, l’élaboration du document inclut une réflexion conjointe en matière d’aménagement du territoire. Il doit en effet participer à la<br />

mise en place d’une structure spatiale cohérente en abordant les aspects aussi fondamentaux qu’indissociablement liés à la mobilité, que<br />

sont l’implantation <strong>de</strong>s activités, équipements et infrastructures liées au développement socio-économique <strong>de</strong> l’agglomération d’une part<br />

et la préservation <strong>de</strong> la qualité paysagère et du maillage écologique qui participe au cadre <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> ses habitants d’autre part ».<br />

Source : Pluris - STIB - Transitec - Bruno Bianchet - SPW Wallonie


historique <strong>urbanistique</strong><br />

127<br />

• Les réflexions initiées par ces différents plans thématiques et les options déjà actées<br />

à leur sujet sont aujourd’hui intégrées dans l’élaboration du <strong>Schéma</strong> <strong>de</strong> <strong>Développement</strong><br />

<strong>Communal</strong> (SDC), véritable projet <strong>de</strong> territoire <strong>de</strong> la Ville <strong>Liège</strong>,<br />

dont l’élaboration a débuté en 2020. Ce nouvel outil doit transcen<strong>de</strong>r et amplifier<br />

les différentes recherches déjà réalisées, pour présenter une vision d’avenir stimulante<br />

pour le territoire. Il s’agit aussi <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong>s moyens d’agir pour répondre<br />

aux objectifs du Projet <strong>de</strong> Ville « <strong>Liège</strong> 2025 », élaboré suite à différentes phases<br />

<strong>de</strong> consultation <strong>de</strong>s citoyens. Le processus d’élaboration du SDC comprend plusieurs<br />

étapes. La première, en voie <strong>de</strong> finalisation, est une étu<strong>de</strong> prospective réalisée<br />

par trois équipes d’experts internationaux qui explorent les visions possibles<br />

pour l’avenir du territoire et les gran<strong>de</strong>s options pour répondre aux enjeux <strong>de</strong> la ville<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>main. L’étape suivante concernera l’élaboration d’un document <strong>de</strong> synthèse,<br />

qui portera la vision d’avenir pour <strong>Liège</strong>, le «Projet <strong>de</strong> territoire».<br />

• Enfin, un autre défi essentiel pour <strong>Liège</strong> est <strong>de</strong> poursuivre la collaboration au niveau<br />

supra-communal et l’organisation effective d’un système d’agglomération. Dans<br />

cette perspective, un jalon important a été posé en 2019 par l’adoption d’un Plan<br />

Urbain <strong>de</strong> Mobilité <strong>de</strong> l’agglomération <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (PUM). Si son objectif principal<br />

est <strong>de</strong> définir <strong>de</strong>s stratégies et <strong>de</strong>s priorités en termes d’investissements pour les<br />

infrastructures <strong>de</strong> mobilité, le document s’appuie aussi sur une réflexion territoriale<br />

qui constitue une part significative du document et qui a été traduite dans un volet<br />

intitulé <strong>Schéma</strong> <strong>de</strong> <strong>Développement</strong> <strong>de</strong> l’Agglomération <strong>de</strong> <strong>Liège</strong> (SDALg).<br />

Ce « pacte » d’agglomération, élaboré en concertation par les 24 communes <strong>de</strong><br />

l’arrondissement <strong>de</strong> <strong>Liège</strong>, définit quatre gran<strong>de</strong>s ambitions territoriales :<br />

- développer <strong>de</strong> nouveaux logements (+45.000 sur la pério<strong>de</strong> 2015-2035)<br />

selon un scénario dit <strong>de</strong> rééquilibrage : 1/3 <strong>de</strong>s nouveaux logements<br />

dans la ville-centre, 1/3 dans les communes <strong>de</strong> la première couronne,<br />

1/3 pour le sol<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’agglomération ;<br />

- maitriser le développement commercial (maximum 85.000 m² <strong>de</strong> nouvelles<br />

superficies commerciales à l’horizon 2035) ;<br />

- recycler les zones d’activités économiques désaffectées (réaffecter<br />

30 ha/an) ;<br />

- développer l’agriculture alternative et les circuits courts (développer<br />

100 ha/an pour la production alimentaire, avec un objectif <strong>de</strong> 10 % du<br />

territoire pour l’agriculture dédiée aux circuits courts).<br />

Cette réflexion, qui défend une plus gran<strong>de</strong> intensité territoriale (plus gran<strong>de</strong> efficience,<br />

<strong>de</strong>nsification <strong>de</strong>s pôles, préservation <strong>de</strong>s bons sols et <strong>de</strong>s ressources), a<br />

généré une carte <strong>de</strong>s « vocations territoriales » portant la vision d’un développement<br />

plus cohérent et structuré <strong>de</strong> la métropole : c’est l’embryon d’une véritable<br />

stratégie partagée et coordonnée au niveau <strong>de</strong> l’agglomération.


histoire <strong>urbanistique</strong> <strong>de</strong> liège<br />

Éditeur responsable : Département <strong>de</strong> l’Urbanisme, La Batte 10 B-4000 <strong>Liège</strong>

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