Haiti Liberte 3 Aout 2022
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Editorial
Sur les ruines du naufrage, une autre
Haïti est possible !
Par Berthony Dupont
Que reste-t-il aujourd’hui des espoirs suscités par la chute de
la dictature en 1986 et le départ pour l’exil du dictateur Jean-
Claude Duvalier, parrainé par les Etats-Unis et qui avait contrôlé le
pays pendant 29 ans en succédant à son père François ? Que restet-il
de la prise du pouvoir en 1990 par un gouvernement populaire
que Washington avait vite détrôné grâce à un coup d’Etat militaire
sanglant pour sauvegarder et maintenir le statu quo?
Depuis le coup du 30 septembre 1991, le pays semble avoir
perdu, une énième fois et cela pour de bon le contrôle de son
destin. Cela fait plus d’une trentaine d’années, depuis que les
pouvoirs se gargarisent de politiques économiques responsables
des privatisations, de zones franches, de corruption, de népotisme
au rythme voulu par Washington et au pas consensuel du FMI
(Fonds Monétaire International).
Le pays est aujourd’hui totalement déboussolé. Une détérioration
des conditions de vie et une augmentation de la pauvreté
dont les plus éclatants symboles demeurent le chômage
endémique de jeunes des Centres urbains et de nos paysans sans
terre. L’anomie a désormais atteint son paroxysme vers plus d’obscurantisme,
plus de détresse, plus de désespoir, plus d’angoisse,
plus d’insécurité et de terreur. Déjà, un grand nombre d’habitants
éprouvent d’énormes difficultés à avoir un repas quotidien, voire
des détenus qui meurent affamés dans les prisons du pays.
Les tenants du pouvoir ne s’adonnent qu’à dilapider les fonds
du Trésor public dans de folles dépenses somptuaires et inutiles.
Ils préfèrent bâtir des villas luxueuses et acheter des voitures de
luxe sans aucun souci pour les travailleurs recevant un salaire de
misère, sans compter les millions de chômeurs abandonnés à leur
sort. Le plus grand Centre hospitalier du pays est démuni du strict
minimum quand l’hygiène sociale a atteint le niveau le plus bas.
Quelles sont les causes profondes de cette horrible situation
d’inégalité criante entre les classes sociales ? Comment en sommes-nous
arrivés là, avec des autorités échappant à leur devoir
de responsables devant la population ? N’est-ce pas là le cynisme
d’une bourgeoisie antinationale qui opprime et se fait le porteétendard
du néo-colonialisme, le tout couronné d’un système
politique et économique capitaliste en opposition ouverte avec les
aspirations des masses populaires.
Comble d’ironie, les Etats-Unis s’emploient depuis l’occupation
militaire de 1915 à enserrer la domination du pays. Ils ont
mis en place et appuyé une succession de régimes fantoches, anarchiques,
corrompus et rétrogrades pour conduire le pays dans la
voie du déshonneur et de l’échec. Dans ces conditions, on peut se
demander si ces opérations criminelles n’annonçaient pas cette escalade
poursuivie avec obstination et frénésie. Dans tous les cas,
la main impérialiste dirige tout et en même temps brouille toutes
les cartes et se complait dans les manœuvres et les complots de
toute sorte avec une oligarchie gouvernante kleptocrate.
À quoi assistons-nous maintenant ? À une société empêtrée
dans ses contradictions, figée dans la désespérance. La grande
émancipation des masses populaires sur l’échiquier politique en
1986, et la percée populaire de 1990 a disparu au fil des troubles
et bouleversements politiques.
Le pays au lieu de progresser, ne fait que régresser. Il est bien
évident qu’une telle dérive n’aurait pu arriver sans de puissants
moyens et sans l’assistance et la complicité de la classe politique
traditionnelle haïtienne alliée indéfectible de l’impérialisme. Par
son inefficacité, son médiocrité et son inconscience elle a donné
au pays l’image d’un navire naufragé.
Nous assistons bien à quelque chose bien orchestré depuis
le fameux projet américain pour Haïti. Projet néolibéral mis en
place sous le gouvernement de Ronald Reagan visant à démanteler
l’Etat, le rendre inopérant, inexistant jusqu’à sombrer dans
ses ordures. Des tonnes d’immondices à chaque carrefour, chaque
coin de rue dont la pestilence tend à devenir plus constante et
cela ne dérange guère la classe dirigeante parce qu’elle a failli à
sa mission. Quelle dérive ! Quelle honte ! Elle ne peut même pas
ramasser les ordures qu’elle-même a accumulées.
Washington ne peut en même temps brandir d’une main le
drapeau du renouveau et dans l’autre se faire le champion des
idéaux des oppresseurs, des exploiteurs et des bourreaux du peuple
haïtien. Signalons que tous les capitaines du navire ont été
encouragés et patronnés directement par tous les gouvernements
américains sous la forme la plus corruptrice du pouvoir et d’exploitation
des masses haïtiennes.
C’est le naufrage des auteurs de nos malheurs, particulièrement,
le chef de file, les Etats-Unis qui, sous la couverture des
Nations-Unies avec ses différentes missions ne cessent de déstabiliser
le pays. C’est le naufrage de la Communauté internationale
avec ses officines diplomatiques baptisées de « Core Group ». C’est
aussi le naufrage de la classe politique traditionnelle haïtienne qui
n’est que l’instrument politique programmé pour servir la cause
de l’étranger tout en réduisant le peuple à n’être qu’un inutile objet.
Ce naufrage réside dans la politique moribonde de soumission
mise en place par les dirigeants parasites pour garantir davantage
les intérêts égoïstes des possédants qui se sont fabuleusement enrichis
sur le dos du peuple.
Que par ce naufrage, le peuple haïtien se débarrasse une fois
pour toutes de l’impérialisme et de ses valets locaux qui se sont
manifestés, toute honte bue, dans les Accords de Musseau, Montana-Pen-Greh
et tout le reste pour se régénérer.
Nous invitons les masses prolétaires à serrer les rangs, à être
vigilantes et prudentes, à se souvenir de cette sagesse très significative
« Quelle que soit la longueur de la nuit, le jour finira toujours
par se lever. » Qu’elles continuent à s’organiser pour bâtir une
autre Haïti réellement libre, prospère, indépendante et socialiste
sur les ruines de ce naufrage historique.
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2 Haiti Liberté/Haitian Times
Vol 16 # 05 • Du 3 au 9 Août 2022