2023, LA RÉTRO désormais lui-même les fixer de façon contraignante. C’est le sens du décret entré en vigueur fin octobre, qui lâche par ailleurs du lest sur l’agrément des formules illimitées. Il est aussi prévu de réinstaurer des engagements de diffusion pour les distributeurs, ce qui reste à régler par la loi. Et pour ce qui n’est toujours pas réglé : les nouveaux critères de classement art et essai, sur lesquels il convient de se mettre d’accord. En effet, « une réflexion collective s’impose, pour atteindre les deux objectifs du classement : soutenir le risque éditorial des salles en récompensant leur programmation et leur travail d’animation, et préserver l'aménagement du territoire pour que les films de la diversité soient diffusés partout ». Dominique Boutonnat résume les enjeux et le dilemme exprimé par tous : une plus grande sélectivité, sachant que l’enveloppe des aides est fermée, risque d’exclure certaines salles du classement. « La réforme art et essai va faire souffrir certaines salles, mais il ne faut pas qu’il y ait de morts », pointe le président de la FNCF Richard Patry à Cannes, même si, du côté du CNC, on assure que la réforme <strong>–</strong> puisque réforme il y aura <strong>–</strong> vise à moduler le montant des subventions, et non pas à « opposer les salles des villes et les salles des champs ». Les aides étant basées sur la place accordée aux films art et essai, les avis divergent aussi sur les critères de recommandation, en fonction du nombre de copies ou de la qualité “artistique” des œuvres. Et si l’Afcae et le Scare ne sont pas toujours en osmose sur ce point, il est un sujet qui rassemble toutes les salles art et essai : la question des publics jeunes, en particulier les 15-25 ans, doit être au cœur du classement. Car le CNC a confirmé en 2023 que le fonds Jeunes cinéphiles, lancé pendant la crise, ne sera pas renouvelé. La dotation qui y était consacrée sera reportée sur l’enveloppe art et essai… mais celle-ci n’a pas augmenté. des dégâts observés et de leur colère, face aux représentants du CNC… qui n’y sont pour rien et réaffirment leur soutien aux dispositifs. Mission distribution Si l’idée a souvent été évoquée, la Fédération nationale des éditeurs de films demande en février aux pouvoirs publics « de prendre la mesure du rôle déterminant de l’éditeur-distributeur dans l’attractivité du cinéma en mettant en place un crédit d’impôt distribution », comme il en existe pour la production. Un amendement est déposé en ce sens en octobre, par le député Renaissance Quentin Bataillon, dans le cadre du PLF <strong>2024</strong>. Et lors des Rencontres de l’Arp, le directeur général délégué du CNC annonce une étude sur la distribution, confiée à une personnalité indépendante, dans l’idée de faire un état des lieux du secteur et de mieux soutenir sa prise de risque, notamment sur le cinéma d’auteur. Un mois plus tard, Jean-Paul Cluzel, ancien président de l’Ifcic, se voit confier cette mission. Ses conclusions sont attendues d’ici mai <strong>2024</strong>. Une loi qui plafonne le taux de location des films en Outre-mer Pour les cinémas des départements et régions d’Outre-mer (Antilles, Réunion, Guyane et Mayotte), le taux de location à 35 %, tel qu’il était historiquement pratiqué en moyenne, est désormais un plafond inscrit dans la loi. Le texte « visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l’accès au cinéma dans les Outre-mer » a été définitivement voté en décembre 2023, comme l’espérait le Syndicat des exploitants de cinémas d’Outre-mer (Secom), mais contre l’avis de deux autres opérateurs (l’Union des cinémas français ultramarins)... et celui des distributeurs. ©Susy Lagrange L’éducation aux images menacée, malgré l’évolution du pass Culture… Certes, Dominique Boutonnat réaffirme tout au long de cette année l'enjeu des jeunes et de l’éducation comme une priorité, et s’active pour tripler le nombre de médiateurs « avec 200 postes prévus dans les prochaines conventions État/CNC/Régions, pour la période 2023- 2025 ». Mais cela reste au bon vouloir… des Régions. Certes, l’utilisation du pass Culture progresse dans tous les cinémas, son éditorialisation est renforcée, et son volet collectif, étendu à la rentrée 2023/24 aux classes de 6 e et 5 e , contribue à faire évoluer l’outil comme un renfort éducatif, même s’il ne prend pas en charge le déplacement des élèves. Mais l’appli n’a pas été conçue pour se substituer aux dispositifs nationaux d’éducation aux images, encore une exception française, qui, depuis 30 ans, a fait ses preuves. En début d’année, les tarifs pour les séances scolaires relevant de ces dispositifs ont été revalorisés <strong>–</strong> une nécessité économique pour les salles <strong>–</strong>, tandis que rien n’est réglé pour le coût galopant des transports, qui reste un frein majeur pour beaucoup d’établissements scolaires. Mais ces sujets récurrents ont été balayés, à la veille de la rentrée, par une décision de l’Éducation nationale, prise sans concertation avec ses partenaires (ministère de la Culture et CNC, collectivités et professionnels du cinéma). Le guide du “remplacement de courte durée” (RCD), adressé aux chefs d’établissements, remet en cause le visionnement des films en salle et la formation des enseignants sur le temps scolaire. À Deauville en septembre, Richard Patry en appelle à un “Grenelle de l’éducation aux cinémas”, fédérant ministères, enseignants et exploitants. Deux mois plus tard, on constate déjà que de nombreux enseignants ont renoncé à participer aux dispositifs. En novembre dernier, lors des Rencontres nationales de l’Archipel des lucioles, les acteurs de terrain témoignent Le député européen Emmanuel Maurel, les cinéastes Pierre Jolivet et Jeanne Herry, vice-président et co-présidente de l'ARP, au Parlement Européen le 29 novembre, pour soutenir le maintien du géoblocage audiovisuel. Plus largement, dans la lignée des évolutions du monde et de la société, les salles accélèrent leur transition écologique, notamment par le passage à la projection laser, et une nouvelle commission de la FNCF est dédiée à l'écologie des cinémas. Au Congrès de Deauville, le CNC annonce que des formations sur « les enjeux de décarbonation et les équipements durables des cinémas » seront proposées aux exploitants dès le printemps <strong>2024</strong>. Le cinéma poursuit aussi ses efforts en matière de parité, le nombre de salariées dans la filière ayant augmenté en 2023 de 10,7 % par rapport à 2019, même si la polarisation des métiers et les inégalités salariales persistent. Dans le secteur de l’exploitation, le tout premier accord de branche sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a été signé fin février par les organisations syndicales, et doit s’appliquer à toutes les entreprises, au-delà de celles affiliées à la FNCF. Enfin, les questions de souveraineté culturelle, ou celles posées par le développement fulgurant de l’intelligence artificielle, interrogent le cinéma, de sa création à sa diffusion. Début décembre, après une mobilisation notable de la filière, le parlement européen maintient la territorialité des droits audiovisuels, autrement dit le géoblocage qui avait été remis en cause à Bruxelles par les règles du libre échange. En revanche, l’Europe est à la traîne pour encadrer l’utilisation de l’IA. Alors que les grèves des auteurs et acteurs américains ont abouti à faire respecter leurs droits face au recours à l’intelligence artificielle générative, les cinéastes européens multiplient les déclarations, à Cannes puis à Venise, notamment pour réclamer la transparence sur les données d’entraînement et les contenus générés par l’IA. En octobre, en France, les professionnels du cinéma et de la culture interpellent le gouvernement, alors que l’Union européenne commence juste à s’entendre sur les grands principes encadrant l’intelligence artificielle : « nous réaffirmons l’absolue nécessité de placer l’éthique au cœur de l’action des pouvoirs publics dans l’encadrement de ces nouvelles technologies. Notre avenir en dépend. » Cécile Vargoz 16 N°459 / 3 <strong>janvier</strong> <strong>2024</strong>
ALEXANDRA FECHNER PRÉSENTE LAETITIA CASTA DAMIEN BONNARD BÉATRICE DALLE UN FILM DE BRIGITTE SY AU CINÉMA LE 31 JANVIER