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Boxoffice Pro n°459 – 3 janvier 2024

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MARTIN BIDOU<br />

L'ÉMISSION<br />

Faut-il récompenser de la même manière une séance de<br />

Dune et une séance de Fermer les Yeux ?<br />

Le directeur des ventes de<br />

Haut et Court Distribution,<br />

président de Haut et Court<br />

Cinémas, et à ce titre<br />

administrateur du Scare, est<br />

revenu dans l’Émission<br />

<strong>Boxoffice</strong> <strong>Pro</strong> sur la situation<br />

de l’art et essai en France.<br />

Des cinémas…<br />

L’année 2023 a marqué une étape dans le réseau de salles<br />

Haut et Court après l’acquisition du Diagonal à Montpellier<br />

(6 salles) en décembre 2022, et du Navire à Valence (5<br />

salles) fin avril 2023. Désormais, le groupe dirigé par<br />

Martin Bidou exploite pas moins de 7 cinémas : le Nouvel<br />

Odéon (1 salle) et le Louxor (3 salles) à Paris , l’Astrée<br />

(4 salles) et le Forum (2 salles) à Chambéry, ainsi que le<br />

Sémaphore (6 salles) à Nîmes. Dans l’environnement<br />

urbain et concurrentiel de ses villes d’implantation, les<br />

cinémas Haut et Court proposent une programmation<br />

« à 95 % art et essai », parfois même sans les titres classés<br />

les plus porteurs : « On se partage le marché, sauf à Paris<br />

où le public est cinéphile, et où des circuits généralistes<br />

programment de l’art et essai en VO, comme c’est le cas pour<br />

le dernier Wim Wenders ».<br />

Les débuts de Martin Bidou dans l’exploitation remontent<br />

à sa reprise, fin des années 1990, des cinémas parisiens<br />

le Vincennes et le Max Linder (pour lequel il a revendu<br />

toutes ses parts), en association avec feu Simon Simsi<br />

<strong>–</strong> fondateur de la société de distribution Les Acacias <strong>–</strong>,<br />

son « mentor de l’exploitation ». Si le réseau de salles Haut<br />

et Court s’est désormais bien étoffé, Martin Bidou<br />

l’exploitant n’a « jamais eu le projet de créer un circuit. Les<br />

choses se sont faites ainsi, salle par salle, au fil des des opportunités<br />

et des d’exploitants. » Des opportunités qui ont<br />

permis à Haut et Court Cinémas de cumuler, en 2022,<br />

un peu plus de 500 000 entrées, un total qui grimpera<br />

en cette fin d’année avec la comptabilisation des entrées<br />

du Navire (86 000 en 2022) et du Diagonal (280 000 en<br />

2022). Ce dernier constitue « un petit miracle permanent,<br />

réalisant entre 300 000 et 350 000 entrées annuelles en ne<br />

faisant que de l’art et essai, bien que l’outil soit vieillissant ».<br />

De fait, des travaux sont prévus prochainement pour les<br />

deux cinémas, notamment une rénovation entière pour<br />

le Diagonal.<br />

… et des films<br />

La sortie de Perfect Days de Wim Wenders, le 29 novembre<br />

dernier, a confirmé le « momentum » Haut et Court de<br />

ces dernières années. Si l’acquisition du film passé par la<br />

compétition cannoise <strong>–</strong> où Koji Yakusho a reçu le prix<br />

d’interprétation masculine <strong>–</strong> représente un investissement<br />

conséquent (« avec ce MG on pourrait racheter une salle »),<br />

Perfect Days devrait toutefois atteindre les 300 000 entrées.<br />

De quoi rentrer dans « le club restreint des films “full VO”<br />

qui ont dépassé [cette barre] depuis le Covid » (dont Asteroid<br />

City, La Conspiration du Caire ou encore Sans Filtre). La<br />

performance est d’autant plus remarquable dans le<br />

contexte de durcissement, « depuis 5-6 ans, de l’accès aux<br />

salles, de la durée de vie des films, ou encore du niveau des<br />

MG pour la distribution indépendante… Toutes les semaines<br />

c’est la guerre pour la programmation ». En effet, si le cinéma<br />

reste « un marché de l’offre », Martin Bidou confirme une<br />

« accélération de cadence pour les films qui fonctionnent,<br />

notamment avec la fin des VPF qui nous a permis de servir<br />

plus rapidement les salles de la petite exploitation… Mais<br />

s’il y a une multiplication de la demande pour les films les<br />

plus recherchés, en tant que distributeur, j’ai beaucoup plus<br />

de mal à sortir les films à 50-60 copies. » Par ailleurs,<br />

l’exploitant-programmateur assume le fait d’avoir récemment<br />

sorti L’Abbé Pierre (SND) et Napoléon (Sony), soit<br />

des titres non recommandés, dans les cinémas Haut et<br />

Court, après avoir « raisonné en termes de publics ». Pour<br />

autant, cette logique a un corollaire : celui d’invisibiliser<br />

encore davantage les œuvres à moins de 60 copies, et<br />

participer à la chute de leurs entrées.<br />

Une réforme dans un contexte de tension<br />

On sait que la réforme art et essai devra trouver l'équilibre<br />

entre une logique d’aménagement du territoire et un<br />

soutien accru à la prise de risques des salles. Dans un<br />

contexte où de plus en plus de Régions conditionnent<br />

l’accès aux aides (dont loi Sueur) à un classement art et<br />

essai, le perdre « serait dramatique pour les salles généralistes,<br />

celles en DSP qui doivent obtenir la classification… » Reste<br />

l’idée, dans le souci d’encourager la diversité dans les<br />

salles rurales et de la petite exploitation, d’une pondération<br />

du classement en fonction du plan de sortie : « Faut-il<br />

récompenser de la même manière une séance de Dune et<br />

une séance de Fermer les Yeux ? », interroge à son tour<br />

Martin Bidou, qui avance la possibilité d'un classement<br />

sans subvention art et essais, mais qui vaudrait pour<br />

obtenir des aides territoriales. Les aides art et essai, elles,<br />

sont toujours vitales pour des salles comme celles du<br />

réseau Haut et Court touchant près de 100 000 € par an,<br />

car « ne compensent pas avec des films généralistes réalisant<br />

beaucoup d’entrées ». À cela s’ajoutent d’autres pressions,<br />

comme celle de l’immobilier à Paris, affectant la rentabilité<br />

de cinémas comme le Louxor.<br />

Dans un marché qui « s’est énormément radicalisé, où un<br />

film qui faisait auparavant 80 000 entrées en fait désormais<br />

30 000 », le Syndicat des cinémas d’art, de répertoire et<br />

d’essai, dont Martin Bidou est trésorier, défend donc la<br />

voie d’une réforme axée sur l’exigence de la diffusion,<br />

avec pour objectif de protéger les films de la diversité,<br />

plus que le travail d’animation des salles. En effet, la<br />

situation actuelle est de moins en moins tenable pour<br />

des salles de la diversité telles que celles de Haut et Court :<br />

« En 2013, le premier long-métrage de Justine Triet, La<br />

Bataille de Solférino, avait tout juste dépassé les 30 000<br />

entrées sur 48 copies. Cela ne permet pas aux salles le diffusant<br />

de rembourser leurs frais <strong>–</strong> énergie, salaires, crédits…<br />

<strong>–</strong>, surtout pour celles dont les recettes sont basées uniquement<br />

sur les films, comme les nôtres. Pour que Justine Triet réalise<br />

sa Palme en 2023, on a besoin des salles qui ont sorti son<br />

premier film 10 ans plus tôt. »<br />

Emission à voir ou revoir<br />

sur notre chaîne YouTube<br />

©<strong>Boxoffice</strong> <strong>Pro</strong><br />

N°459 / 3 <strong>janvier</strong> <strong>2024</strong><br />

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