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Inspiration No 02 - 2024

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Rencontre au sommet Nicole Niquille<br />

Nicole Niquille voyage au<br />

moins une fois par an au Népal,<br />

elle y a fondé un hôpital<br />

et le soutient grâce à une<br />

fondation.<br />

pas en chaise roulante, personne ne m’aurait<br />

fait ça. Pourquoi le faire maintenant ? Je<br />

pense que comme pour les autres, il faut aller<br />

à la rencontre des personnes en situation de<br />

handicap sans préjugés.<br />

Vous vous engagez depuis de nombreuses<br />

années pour les personnes qui habitent en<br />

montagne, pour leur bien-être, en particulier<br />

au Népal.<br />

Il y a là-bas un hôpital que j’ai fondé.<br />

Comment est-ce arrivé ?<br />

Après mon accident, j’ai tenu une auberge.<br />

Un Népalais travaillait chez nous. Il s’appelle<br />

Ang Gelu Sherpa, il est le frère de la première<br />

Népalaise à avoir gravi l’Everest. Avec son<br />

succès à l’Everest, et la visibilité que ça lui<br />

donnerait, Pasang Lhamu Sherpa souhaitait<br />

améliorer la vie des femmes et des enfants<br />

de son pays. Mais elle est décédée dans la<br />

descente et n’a jamais pu réaliser son rêve.<br />

C’était en avril 1993.<br />

Je souhaitais contribuer à ce que sa famille<br />

puisse réaliser une petite partie de son rêve.<br />

J’ai souhaité utiliser l’argent que j’avais reçu<br />

de mon assurance accident pour un but humanitaire.<br />

C’est ainsi qu’est venue l’idée de<br />

construire un hôpital à Lukla. Marco, mon<br />

mari, et moi avons mis une fondation sur<br />

pied. Pour elle, je dois trouver chaque année<br />

500 000 francs suisses. Trouver autant<br />

de donateurs privés est un immense défi,<br />

un véritable combat. Mais quand je vois les<br />

visages heureux au Népal, je suis fière et je<br />

sais que cet engagement vaut la peine.<br />

Du coup vous vous rendez régulièrement<br />

au Népal.<br />

C’est juste. Au moins une fois par an.<br />

Lorsqu’on parle de restrictions des libertés,<br />

le Népal est souvent le premier pays<br />

auquel on pense.<br />

Dans un premier temps, je le pensais<br />

aussi. Après l’accident, j’ai écrit à mon<br />

ami Pema Dorjee Sherpa que je ne pourrais<br />

plus voyager au Népal. Sa réponse a<br />

été : « Si tu ne peux plus marcher, alors<br />

on te portera. » Au Népal, mon handicap<br />

est beaucoup moins problématique qu’ici<br />

en Suisse. Là-bas, il y a toujours une solution.<br />

Lorsque mon mari Marco ne peut<br />

pas m’accompagner, une amie vient avec<br />

moi. Elle me met au lit et m’aide à faire<br />

ma toilette. De plus, trois Sherpas m'accompagnent.<br />

Deux qui me portent, et un<br />

qui porte ma chaise roulante.<br />

C’est quand même un peu l’aventure non ?<br />

Je me souviens très bien d’une situation.<br />

<strong>No</strong>us étions en route pour Namche Bazar,<br />

le principal village de la région de l'Everest.<br />

<strong>No</strong>us avons dû attendre devant le grand<br />

pont parce qu'une caravane de chevaux le<br />

traversait. Et quand les chevaux sont passés,<br />

nous avons traversé le pont. Un porteur<br />

me portait. Il y avait un peu de vent ce<br />

jour-là. C'est alors qu'un touriste est venu<br />

à notre rencontre et m'a aboyé dessus :<br />

« Tu veux mourir ? » « <strong>No</strong>n », ai-je répondu.<br />

« C’est exactement le contraire, je veux<br />

vivre». Car si on vit, on doit aussi prendre<br />

des risques, sinon on ne fait qu'exister.<br />

« Au Népal, mon handicap est<br />

beaucoup moins problématique<br />

qu’ici en Suisse. »<br />

sur les montagnes les plus hautes, aussi<br />

dans les Alpes. Que conseillez-vous aux<br />

personnes en situation de handicap ?<br />

Tout ce qui fait du bien est positif. Et pour<br />

les personnes en situation de handicap,<br />

il est particulièrement important d’avoir<br />

un rêve et de le suivre. Il y a toujours des<br />

rêves qu’on peut réaliser. Seul celui qui suit<br />

son chemin peut laisser une trace. Sans le<br />

vivre, on ne peut pas s’imaginer le quotidien<br />

d’une personne en situation de handicap.<br />

Chaque jour est un défi, vraiment chaque<br />

jour. C’est pourquoi les personnes en situation<br />

de handicap devraient vivre et réaliser<br />

leur rêve, au moins pendant un petit moment.<br />

Et si le rêve est justement d’arriver<br />

d’une manière ou d’une autre sur une montagne,<br />

alors c’est ça. J’aimerais bien refaire<br />

une sortie comme celle du Breithorn.<br />

Vous avez déjà une idée concrète ?<br />

<strong>No</strong>n, mais je suis ouverte aux propositions.<br />

Souhaitez-vous être un exemple ? La Fondation<br />

suisse pour paraplégiques vous a<br />

récompensée pour l’œuvre de toute une vie.<br />

Si ça peut aider, je peux volontiers servir<br />

d’exemple. Mais je ne veux pas être assise<br />

dans une chaise roulante, juste pour être<br />

un exemple en chaise roulante.<br />

Qu’est-ce qui est le plus pénible dans votre<br />

quotidien ?<br />

Je n’ai aucun problème avec les constructions.<br />

Par exemple, ça ne me dérange pas<br />

de ne pas pouvoir monter un escalier, ce qui<br />

me dérange c’est le comportement des gens<br />

avec les personnes en situation de handicap.<br />

La façon dont on me regarde, la façon<br />

de me regarder d’en haut. En chaise, je suis<br />

toujours plus basse que les autres. Je vis ça<br />

comme un inconvénient. Il y a même des gens<br />

qui posent leur main sur ma tête et qui la<br />

tapotent, comme si j’étais un enfant. Ces comportements<br />

me dérangent. Quand je n’étais<br />

Nicole Niquille<br />

Nicole Niquille, née en 1956, a été en<br />

1986 la première Suissesse à tenir<br />

entre ses mains son brevet de guide<br />

de montagne. Elle avait d’abord découvert<br />

l’escalade dans les Gastlosen.<br />

Peu après, on la retrouvait<br />

au mont Blanc, sur l’Eperon Frendo<br />

ou au Trollryggen en <strong>No</strong>rvège, avant<br />

d’entreprendre des expéditions au<br />

K2 et à l’Everest avec son partenaire<br />

de l’époque Erhard Loretan. Le<br />

8 mai 1994, alors qu’elle était partie<br />

cueillir des champignons, elle reçut<br />

une pierre sur la tête. Diagnostic :<br />

traumatisme crânio-cérébral. La<br />

partie du cerveau la plus touchée<br />

était celle qui se charge des mouvements.<br />

D’une seconde à l’autre, tout<br />

avait changé. Depuis, Nicole Niquille<br />

se déplace en chaise roulante. Mais<br />

il en fallait plus pour la décourager.<br />

Pleine d'énergie et de dynamisme,<br />

elle a obtenu sa patente de restauratrice<br />

et a ouvert un restaurant. Elle<br />

a ensuite créé une fondation qui lui<br />

a permis d’ouvrir un hôpital au Népal.<br />

Depuis, elle se rend régulièrement<br />

dans ce pays de l'Himalaya. Et<br />

c'est toujours en montagne qu'elle<br />

trouve son bonheur.<br />

Photos : Ephraim Bieri, Caroline Fink<br />

44<br />

POUR ATTEINDRE LA PERFECTION, DITES NON AUX COMPROMIS.<br />

JUSQUE DANS LES MOINDRES DÉTAILS. 45<br />

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