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20 L’Écho du Pas-de-Calais n o 94 – juillet/août 2008 Vécu Fouquières-lès-Lens Enseignants français et sénégalais : amitié et travail ILYAune dizaine d’années, quelques enseignants de Fouquières-lès-Lens et alentours ont décidé de concevoir ensemble leurs propres outils pédagogiques afin de compléter les livres scolaires. Ils viennent de mettre leur expérience au service d’enseignants sénégalais pour accompagner l’apprentissage des élèves de Saint-Louis. Objectif : permettre aux enfants de mieux réussir leur scolarité. L’expérience est aussi captivante que généreuse… Tout a commencé par de simples échanges de courriers. Pascal Tranchant et ses collègues enseignants du bassin minier souhaitaient que leurs élèves correspondent avec des enfants francophones d’un pays étranger. Le Sénégal a été choisi en raison de son caractère radicalement différent du nôtre. À l’occasion de la rencontre d’un enseignant africain, une évidence s’est imposée. Les Sénégalais manquaient cruellement d’outils pédagogiques adaptés. Justement, Pascal Tranchant et ses collègues en créaient au quotidien depuis dix ans pour s’aider en classe, concrétiser des théories ou faire passer clairement des enseignements aux enfants. L’idée d’aider les Sénégalais à concevoir des outils pédagogiques spécifiques à leur classe et à leurs élèves venait d’émerger; l’association CoopératICE Nord-Sud était née. Pas d’ingérence Pas question bien sûr de calquer les productions françaises pour les élèves africains. « Nous ne faisons pas d’ingérence, nous évitons toute dérive de la coopération, souligne Pascal Tranchant. Le contenu des outils pédagogiques est élaboré par les enseignants sénégalais. Avec notre expérience et notre matériel, nous lui donnons une forme, une présentation correcte. » Ce « contenu » vient notamment en complément du livre Sidi et Rama qui est dans les mains des enfants. Un livre intéressant mais en trop petit nombre pour l’ensemble des élèves (ils sont jusqu’à 70 par classe), pas toujours adapté à leur niveau, qui reste parfois trop abstrait et qui saute des étapes d’apprentissage. 80 % des élèves présentent un retard scolaire d'au moins un an. Attente de validation Mille heures de bénévolat consacrées à la création de fiches, conception, lecture et relecture ont été nécessaires pour élaborer lesdits outils. Actuellement, ces documents (expédiés par avion, en plusieurs centaines de classeurs et dans des fiches plastifiées), sont expérimentés dans les écoles de Saint-Louis du Sénégal. Ils attendent l’avis des directeurs d’école et la validation de l’Éducation nationale sénéga- laise pour être officialisés. Déjà, l’envoi d’ordinateurs portables, imprimante laser, appareil photo, scanner… facilite le travail des instituteurs dans leur accompagnement des élèves et la formation, les connexions internet et les moyens financiers proposés par l’association française aident à faire aboutir le projet. Échanges coopératifs entre les enseignants de l'association CoopéraTICE et l'association Groupe d’échanges pédagogiques Nord-Sud de Saint-Louis du Sénégal. … Objectif : aider à l’apprentissage. 23 écoles de Saint-Louis du Sénégal expérimentent actuellement les documents élaborés par les enseignants sénégalais et français… L’aventure est belle. Grâce au soutien du conseil régional, du conseil général, du ministère des Affaires étrangères, et de la Banque populaire… elle pourrait bien prendre une dimension encore supérieure. « Quand les outils pédagogiques seront validés, nous les diffuserons sur internet, assure Pascal Tranchant. Ainsi, tout éducateur francophone pourra les consulter et s’en servir. Ce sera une base d’échanges pédagogiques entièrement gratuite. » Marie-Pierre Griffon Rens. www.cooperatice.org Photo CooperaTICE Nord Sud Photos CooperaTICE Nord Sud
Photo Ph. Vincent-Chaissac Sports L’Écho du Pas-de-Calais n o 94 – juillet/août 2008 21 Une expérience de réinsertion menée à la prison d’arrêt de Béthune Courir pour se libérer de la dépendance Pousser la porte d’une prison n’a rien d’anodin… Et lorsque vous la repasser, qu’elle claque, et que derrière elle, vous laissez des gens avec qui vous venez de vivre quelques moments agréables, cela laisse un petit goût d’amertume dans la bouche. Cela pose aussi quelques questions qui restent sans réponses. Ce vendredi-là, comme tous les vendredis, huit détenus de la prison de Béthune bénéficient d’une permission de sortie sportive pour s’entraîner en vue de l’ekkiden, marathon en relais, de Fleurbaix. Un clic-clac et quelques phrases jetées sur le papier auraient certainement fait le bonheur de ces détenus, de leurs éducateurs et entraîneurs, mais il nous est apparu intéressant d’enfiler nous aussi nos chaussures de sport, pour suivre la séance, la partager. Direction la gare d’eau. Le lieu d’entraînement change chaque fois et n’est précisé qu’au moment du départ. C’est une permission de sortie pour faire du sport… Et rien d’autre. Pas question que les détenus puissent éventuellement rencontrer leur famille. Détenus et éducateurs courent ensemble La petite délégation où l’on retrouve entre autres, Didier Idziak, l’éducateur sportif, Christine Lopez, la directrice du service pénitentiaire d’insertion et de probation et Luc Véron, l’un des référents du service à l’origine du projet, déambule alors à pied dans les rues, en short et jogging, pour rejoindre le lieu d’entraînement. La séance débute comme toutes les séances d’entraînement : une explication du coach qui rappelle l’objectif. Cet ekkiden pour lequel chacun a son rôle à jouer, sa distance à couvrir… Le résultat global de l’équipe dépend du comportement de chacun. Aujourd’hui il n’est pas question de se tirer la bourre, seulement de dérouler, de courir sans forcer. Durant les premiers hectomètres le peloton reste groupé puis rapidement, s’effile, s’étire. D’évidence certains sont plus en forme que d’autres. Peut-être aussi plus désireux de se défouler. Cela n’empêche pas d’échanger quelques mots. Ce moment-là, hebdomadaire, chacun l’attend avec impatience. Le contraire eût été étonnant. Pour les huit détenus concernés, c’est sûr cette sortie est une grande bouffée d’oxygène, au propre comme au figuré, mais elle est surtout l’un des aspects d’un processus de réinsertion, une façon de mieux préparer la sortie. Le fait de s’entraîner, de travailler en équipe, pour un objectif commun est une façon de leur apprendre que dans notre société, il est encore possible de trouver des appuis, de rencontrer des gens avec qui travailler… Lorsque l’appel à candidatures pour participer à ce projet a été fait, ils étaient bien plus que huit sur la ligne de départ, mais pour pouvoir effectivement participer, il ne suffit pas d’être volontaire et sportif, encore faut-il remplir un certain nombre de critères, parmi lesquels l’envie de se sortir des conduites « addictives ». Car quelle que soit la raison pour laquelle ils ont été incarcérés, à un moment ou à un autre, l’alcool et la drogue sont là. 6 H de L’Écho : un millier d’athlètes ravis Avec un millier de participants Les 6H de L’Écho du Pas-de-Calais ont battu un nouveau record de participation. Bien sûr l’on retiendra les noms des vainqueurs, Pascal Vaury et Monique Gauthier, en individuels, Top performance (l’équipe de Dans la course par équipe, les quatre relayeurs peuvent effectuer ensemble le dernier relais… pour un plus de convivialité. Photo J. Pouille Fin d’entraînement… On n’y résiste pas : un petit sprint avec les éducateurs. Djamel Bachiri) pour le classement par équipe, mais ce que tout le monde met en évidence c’est l’ambiance festive qui règne durant toute l’épreuve. Ce qui en fait son charme et son succès. Résultats complets sur notre site : www.echo62.com Faire équipe pour atteindre l’objectif Alors courir oui, mais à la condition de participer aussi à des ateliers de lutte contre les dépendances… Certainement pas une solution miracle, mais une prise de conscience, une façon aussi de rencontrer des médecins, des assistantes sociales, des psychologues, qu’ils pourront revoir lorsqu’ils seront libérés. Des gens avec qui, d’une certaine manière, ils pourront travailler et faire équipe, pour atteindre un objectif fixé… La réinsertion. Comme dans une course à pied, un marathon, le temps pour arriver au but peut être long, il y aura des moments de doute, des envies d’abandonner, mais en prenant sur soi, il est possible d’y arriver. Qu’importe le temps, pourvu que l’on aille au bout… Sur les chemins de la gare d’eau, nos coureurs poursuivent leur effort, à leur rythme, avec la ferme intention de ne pas s’arrêter. Car dimanche, il ne faudra pas s’arrêter. Les plus costauds, même si ce n’est pas la consigne, ne résistent pas à l’idée de se faire un petit sprint… Sans prétention juste pour le fun. Après vient le moment d’une période de retour au calme, de relaxation… Et celui de reprendre le chemin de la prison. Tout le monde est là. Groupé. Les hauts murs de la maison d’arrêt apparaissent. L’un des huit détenus s’approche : « dites monsieur, après l’ekkiden de Fleurbaix, on devrait faire Les 6H de L’Écho, vous pouvez me dire si c’est dur. » Il n’aura fallu qu’une heure et trente minutes, pour établir le dialogue… La porte de la prison s’ouvre. Là nos chemins se séparent, avec un petit goût d’amertume dans la bouche. Philippe Vincent-Chaissac
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