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ALIOS, 10 ANS La clé des champs urbains en Gironde / n°53 ... - Spirit

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16<br />

Toiles & lucarnes <strong>Spirit</strong> #53<br />

<strong>La</strong> femme d’à côté<br />

Retour inespéré d’un <strong>des</strong> cinéastes français les plus passionnants de sa génération, Les Regrets signe <strong>en</strong> outre une surpr<strong>en</strong>ante<br />

incursion <strong>en</strong> territoire romanesque de la part de Cédric Khan. Porté par un couple d’acteurs <strong>en</strong> tout point épatant, le film n’ambitionne<br />

pas de r<strong>en</strong>ouveler le g<strong>en</strong>re mais bi<strong>en</strong> de l’accommoder à l’air du temps. Voire de le pervertir.<br />

Les Regrets<br />

Un film de Cédric Kahn<br />

France, 2009, 1h45<br />

Avec Valeria Bruni-Te<strong>des</strong>chi, Yvan<br />

Attal, Arly Jover, Philippe Katerine<br />

On comm<strong>en</strong>çait sérieusem<strong>en</strong>t à<br />

s’inquiéter au sujet du cas Cédric<br />

Kahn. Comm<strong>en</strong>t ce fils brillant de<br />

Pialat, scénariste doué pour Brigitte<br />

Rouän (Outremer), <strong>La</strong>ur<strong>en</strong>ce Ferreira<br />

Barbosa (Les G<strong>en</strong>s normaux n’ont<br />

ri<strong>en</strong> d’exceptionnel) ou Catherine<br />

Corsini (Les Ambitieux), auteur<br />

d’une poignée de longs métrages<br />

(Bar <strong>des</strong> rails, Trop de bonheur,<br />

L’Ennui, Roberto Succo) parmi les<br />

plus ess<strong>en</strong>tiels du jeune cinéma<br />

français <strong>des</strong> années 90 avait-il pu<br />

laisser son fan-club dans le désarroi<br />

après Feux rouges et L’Avion ?<br />

Avait-il épuisé tout son pot<strong>en</strong>tiel,<br />

apparemm<strong>en</strong>t illimité ?<br />

Ainsi, Les Regrets, selon les propres<br />

mots de Kahn serait né d’un « défi ».<br />

Mais aussi d’un constat : « J’avais<br />

toujours évité les émotions, même<br />

dans L’Ennui. Une histoire d’amour,<br />

c’est du basique au cinéma. Au vu<br />

de l’histoire du cinéma, c’est ultra<br />

rebattu et classique, mais au vu de<br />

mon histoire personnelle, c’était un<br />

défi énorme ! » Chacun le sait : les<br />

paris sont faits pour être relevés.<br />

Donc bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> a pris le réalisateur qui<br />

sur une trame fort conv<strong>en</strong>tionnelle<br />

f a i t s o u f f l e r u n s e n t i m e n t<br />

romanesque comme jamais jusqu’à<br />

prés<strong>en</strong>t dans son œuvre.<br />

Rev<strong>en</strong>u précipitamm<strong>en</strong>t au chevet de<br />

L’armée <strong>des</strong> ombres<br />

L’Armée du crime<br />

Un film de Robert Guédiguian<br />

France, 2009, 2h19<br />

Avec Simon Abkarian,<br />

Virginie Ledoy<strong>en</strong>, Robinson Stév<strong>en</strong>in,<br />

Grégoire Leprince-Ringuet<br />

Fils d’une Allemande et d’un<br />

Arméni<strong>en</strong>, militant communiste<br />

né à Marseille, Robert Guédiguian<br />

semblait le « cli<strong>en</strong>t » tout désigné<br />

pour porter à l’écran la tragique<br />

histoire du groupe Manouchian.<br />

Toutefois, <strong>en</strong> dépit de l’atavisme et<br />

du terreau familial, il fallait peutêtre<br />

au cinéaste une bonne dose<br />

d’inconsci<strong>en</strong>ce pour faire revivre<br />

un épisode tout à la fois sombre<br />

et unique de l’histoire de France.<br />

Comm<strong>en</strong>t r<strong>en</strong>dre l’hommage juste<br />

aux 22 FTP-MOI fusillés le 21<br />

février 1944 au Mont Valéri<strong>en</strong> ?<br />

Comm<strong>en</strong>t dire aujourd’hui la<br />

valeur de l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t d’une<br />

bande d’apatri<strong>des</strong> mus par l’idéal<br />

républicain et une inextinguible<br />

foi dans la patrie <strong>des</strong> Droits de<br />

l’Homme ? Comm<strong>en</strong>t éviter la<br />

joliesse <strong>des</strong> récits officiels ?<br />

Car il ne faut pas se leurrer, <strong>en</strong><br />

dépit de leur rôle primordial, cette<br />

armée-là était du g<strong>en</strong>re va-nu-pieds,<br />

<strong>en</strong>rôlant métèques, juifs, Espagnols<br />

rouges. Des partisans, certes,<br />

mais beaucoup moins séduisants<br />

que Jean Moulin. Un affront aux<br />

yeux de Vichy, une insulte faite<br />

au III° Reich, le cauchemar d’une<br />

police zélée, dirigée par le très<br />

efficace R<strong>en</strong>é Bousquet. <strong>La</strong> voix <strong>des</strong><br />

speakers, écume aux lèvres, traduit<br />

sa mère mourante, Mathieu croise au<br />

hasard d’une course Maya, son anci<strong>en</strong><br />

amour de jeunesse. Les amants de jadis<br />

se regard<strong>en</strong>t sans mot dire. Quelques<br />

heures plus tard, le téléphone sonne<br />

dans la maison familiale. Maya l’invite<br />

chez elle. Après une brève hésitation,<br />

Mathieu accepte. Évidemm<strong>en</strong>t au<br />

parfaitem<strong>en</strong>t la haine suscitée par<br />

cette colonne d’étrangers.<br />

Avec <strong>des</strong> moy<strong>en</strong>s « inédits » et<br />

inhabituels, Guédiguian raconte<br />

la naissance de cette poignée de<br />

<strong>des</strong>tins d’immigrés qui font peu à<br />

peu l’appr<strong>en</strong>tissage de la guérilla<br />

urbaine jusqu’à la chute. Novices,<br />

jeu cruel <strong>des</strong> retrouvailles, le cœur<br />

l’emporte à chaque fois sur la raison ;<br />

la petite musique <strong>des</strong> amours perdues<br />

sait parfaitem<strong>en</strong>t faire chanceler<br />

les esprits les plus raisonnés ou<br />

apparemm<strong>en</strong>t raisonnables. Le<br />

prés<strong>en</strong>t disparaît aussitôt. Certes, la<br />

question de la séparation fait elle aussi<br />

presque tous l’étai<strong>en</strong>t. D’aucuns<br />

avai<strong>en</strong>t combattu <strong>en</strong> Espagne contre le<br />

franquisme, mais rares étai<strong>en</strong>t celles<br />

et ceux rompus au maniem<strong>en</strong>t <strong>des</strong><br />

armes. On devine aisém<strong>en</strong>t l’effroi de<br />

Missak Manouchian, poète rescapé du<br />

génocide arméni<strong>en</strong>, au contact froid<br />

d’un pistolet. L’intellectuel qui avait<br />

surface d’<strong>en</strong>trée de jeu, mais que ne<br />

pourrait-on faire pour la peau ? Et<br />

c’est reparti comme <strong>en</strong> 40, adultère<br />

mode d’emploi au service du temps<br />

perdu, échafaudant un possible futur.<br />

Le truc cruel de « l’amour de ma vie ».<br />

Cette certitude, si souv<strong>en</strong>t illusoire,<br />

qui anéantit le cœur, dévore l’âme et<br />

fait basculer dans une réelle folie.<br />

si l’ombre de <strong>La</strong> Femme d’à côté plane<br />

au-<strong>des</strong>sus <strong>des</strong> Regrets, ces derniers<br />

offr<strong>en</strong>t un miroir contemporain<br />

du s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t bourgeois. Comme<br />

chez Truffaut, le téléphone se fait<br />

messager du désir, de la passion. Or<br />

comm<strong>en</strong>t faire quand l’un passe son<br />

temps à fuir le bonheur et que l’autre<br />

ne semble qu’articuler l’urg<strong>en</strong>ce ?<br />

Dans son <strong>en</strong>treprise, qui pr<strong>en</strong>d<br />

souv<strong>en</strong>t <strong>des</strong> chemins de traverse<br />

vers le film d’action, Kahn a eu<br />

l’intuition d’un couple « idéal » dans<br />

lequel Yvan Attal (interprétant son<br />

plus beau rôle depuis Les Patriotes)<br />

et Valeri Bruni-Te<strong>des</strong>chi imprim<strong>en</strong>t<br />

avec une stupéfiante prés<strong>en</strong>ce un<br />

parfum presque virginal sur une<br />

figure imposée, périlleuse et souv<strong>en</strong>t<br />

« exploitée ». seul un grand cinéaste<br />

est capable de ce g<strong>en</strong>re d’intuition.<br />

[Marc Bertin]<br />

Hommage aux martyrs de l’Affiche rouge, L’Armée du crime plonge à la manière d’un docum<strong>en</strong>taire dans l’incroyable épopée d’un <strong>des</strong><br />

plus fameux réseaux de la résistance française. Devoir de mémoire d’un cinéaste profondém<strong>en</strong>t humaniste, il s’<strong>en</strong> dégage un idéal<br />

d’absolu plus nécessaire que jamais.<br />

vu disparaître les si<strong>en</strong>s dev<strong>en</strong>ant à son<br />

tour bourreau de soldats allemands.<br />

Et pourtant, ils ont tout appris :<br />

dégainer, viser, tirer, poser <strong>des</strong> bombes,<br />

imprimer clan<strong>des</strong>tinem<strong>en</strong>t <strong>des</strong> tracts<br />

appelant à la désobéissance comme au<br />

sabotage, se planquer, organiser <strong>des</strong><br />

filatures, fabriquer <strong>des</strong> faux papiers.<br />

Et vivre la trouille au v<strong>en</strong>tre, dans<br />

l’incertitude du l<strong>en</strong>demain, avec <strong>des</strong><br />

moy<strong>en</strong>s chiches, et dans le mépris de<br />

la résistance exilée à Londres. Avec<br />

ri<strong>en</strong> ou si peu, ils réussiss<strong>en</strong>t à ébranler<br />

l’occupant, réalisant un nombre<br />

impressionnant d’actions, culminant<br />

avec l’exécution, le 28 novembre 1943,<br />

du ss-standart<strong>en</strong>führer Julius Ritter,<br />

responsable du sTO.<br />

À force de filatures, d’arrestations<br />

et de tortures, la police française<br />

décapite le groupe Manouchian<br />

lorsque ce dernier se r<strong>en</strong>d à un<br />

r<strong>en</strong>dez-vous avec le colonel Gilles,<br />

commandant <strong>des</strong> FTP de l’Îlede-France.<br />

Dans un bel effort de<br />

propagande, le régime de Vichy<br />

les prés<strong>en</strong>te comme « L’Armée du<br />

crime ». Une revanche à la petite<br />

semaine. Mais qui peut oublier le<br />

sang de cette jeunesse, versée au<br />

nom de la liberté ? <strong>La</strong> nôtre.<br />

[Marc Bertin]

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